Cest Maintenant Chapitre 3 - Grandjean/Jancovici

8/10/2019 Cest Maintenant Chapitre 3 - Grandjean/Jancovici

1/18

Par Alain Grandjean et Jean-Marc Jancovici.

Chapitre 3 : Les deux narques de lle de Pques

Largent ne se mange pas. Ce dont notre survie dpend de manire cruciale, ce ne

sont donc pas des revenus montaires, mais des ressources naturelles, et plus

gloalement des services cologi!ues rendus par la nature. Le montant de notre

compte en an!ue ne re"lte !ue la convention cre par les #ommes pour grer les

c#anges au sein de notre espce. Contrairement $ lillusion ne de ladoration de

nos idoles, la nature nest ni in"inie, ni rempla%ale en grande partie par des

productions arti"icielles. Ce nest pas avec nos petits ras muscls !ue nous saurons

produire demain matin un s&stme climati!ue per"ormant, des insectes pollinisateurs,

des terres arales, des "or'ts ric#es de milliers despces, des minerais et

#&drocarures, des poissons, des animau(, et encore !uel!ues autres aioles !ui

sont le "ruit de !uel!ues milliards dannes dvolution lente, a&ant mis en jeu des

nergies et des "lu( !ui nous dpassent considralement.

)ue les ressources soient essentielles $ la survie des #ommes, dautres civilisations

aujourd#ui disparues en ont "ait la dmonstration, le(emple le plus connu tant celui

de l*le de P+!ues. Les iings du Groenland, ou diverses civilisations des

Amri!ues ont aussi sui le m'me sort. Mais ce sont les Pascuans, magistralement

tudis par Jared iamond/, !ui vont nous permettre de "aire un peu d#istoire-

"iction.

1 Jared Diamond, Efondrement. Comment les socits dcident de leurdisparition ou de leur survie, Paris, Gallimard, 2006.


2/18

0os amis pascuans disposaient de ressources naturelles diverses, parmi les!uelles

des arres et des vgtau(, de leau et des poissons, et des carrires de pierre. 1ls

avaient esoin de ois pour "aire des pirogues de p'c#e, des instruments agricoles,

mais galement2 pour construire de trs elles statues, !ui navaient !ue des

"onctions culturelles. 1l semle !ue la disparition de cette civilisation doive eaucoup

au man!ue de prvo&ance en ce !ui concerne la gestion du ois. Plus prcisment,

les di""rents clans se sont lancs dans une "olle comptition pour raliser les plus

elles statues, et ont dtruit leurs "or'ts $ cette occasion. 3in des "or'ts, "in des

pirogues et des sols arales 4car aprs la d"orestation lrosion a emport l#umus5,

et donc "in des poissons et des cultures 6 cest la "amine !ui a crit le dernier c#apitre

de l#istoire de ce peuple.

Largent nac#te !ue des #ommes

)uel rapport avec notre monde 7 1l se trouve !ue le s&stme de reprsentation

conventionnelle de nos possessions ou de nos c#anges, issue de la comptailit et

de la monnaie, condamne aussi s8rement la prservation des ressources naturelles

!ue ladoration des statues pascuanes la "ait. 0ous con"ondons en permanence les

ralits 4les ressources5 et les s&moles ou conventions 4les pri(5. 0ous ne vo&ons

pas !ue largent nest videmment pas la ric#esse matrielle, m'me si elle sert

dtalon de mesure de cette ric#esse.

Lillusion a la vie dure, car m'me les mots nous "ont croire le contraire en

permanence. Ainsi, !uand vous cro&e9 ac#eter un verre, vous nac#ete9 pas un

verre. Ce !ue vous pa&e9 rellement, cest juste la succession des revenus des gens

!ui ont contriu $ sa "arication en partant de ressources gratuites. ous pa&e9 letravail #umain !ui correspond $ le(traction du sale dune carrire, le salaire des

gens !ui ont construit et e(ploitent le "our dans le!uel on a "ondu le verre, puis le

salaire des personnes !ui ont "ari!u et e(ploit le camion transportant le verre

jus!uau magasin o: on va lac#eter, sans oulier le salaire de ceu( !ui auront

construit le magasin, ni celui du vendeur, etc. Mais $ aucun moment vous nave9

pa& le rsultat de plusieurs milliards dannes de ractions nuclaires dans la

gnration dtoiles !ui a prcd le ;oleil, et !ui a aouti $ lapparition desconstituants du sale et des mtau( permettant de "aire un "our $ verre ou un


3/18

camion, ni le rsultat de !uel!ues milliards dannes de plus pour !ue les

mouvements de locan trans"orment des roc#es en sale. ous nave9 pas plus

pa& la vie planctoni!ue dil & a

Lconomie, ce nest donc !ue des "lu( dc#anges entre les #ommes. Dne vidence

!ue nous oulions en permanence, du plus petit consommateur au plus #autresponsale de ltat, parce !ue nos mots disent autre c#ose. 0ous parlons du pri(

du ptrole, de celui de leau, et m'me de celui de lnergie solaire, comme si nous

avions la possiilit de crer du ptrole, de leau et du soleil > une convention

comptale E nos comptes ne comptent !ue le "acteur #umain E est ne une

tragdie 6 on ne sintresse !uau( "lu( montaires, et nous allons voir !ue cela

ris!ue de nous mener $ notre ruine.


4/18

Lnar!ue !ui savait compter, et celui !ui ne savait pas

3las#-ac. Au tout dut de notre #istoire, la majorit de nos Pascuans ne sont pas

osds par loptimisation de leur conomie ou la comptitivit, pour le(cellente

raison !uils ne savent pas ce !uest la monnaie, et !ue seule compte pour eu( la

ralit p#&si!ue 6 ce !uils mangent, o: ils dorment, et comien d#eures par jour ils

"ont des c#oses !ui ne les intressent pas. Pour la plupart, ils sont contents de

travailler puis!ue cela leur rapporte de !uoi loger leur "amille et la nourrir, et !ue

loccupation nest pas "oncirement dsagrale. Le travail nest pas pour eu( une

maldiction, ni une passion. C#a!ue matin, on gr mal gr, ils s& mettent, mais

sans e(cs. Le roi de l*le, issu dune d&nastie multisculaire, sait !uil a le temps

pour lui. 1l na pas esoin, pour 'tre lu, de promettre !ue demain les poissons se

mettront $ voler directement dans les cuelles sans pirogues ni "ilets, ou !ue les

arres pousseront en une nuit. @n revanc#e, il nest pas !uestion pour lui de laisser

les descendants dans la di""icult 6 aritrer en "aveur du temps long ne lui "ait pas

peur.

Dn eau matin, un nar!ue de la promotion F Cro-Magnon est nomm sur l*le, et

le roi lui demande dorganiser les c#anges dans le sens de lamlioration de lintr't

collecti". 0otre nar!ue, !ui ne conna*t rien $ la "inance ni $ la comptailit, se dit

!uil & a en gros trois ressources principales disponiles 6 du ois, des poissons, et

du travail. ;i des #aitants ne mangent pas $ tout $ "ait $ leur "aim, et !uil & a encore

eaucoup darres sur pied et de poissons dans la mer, il se dit !uil serait n"i!ue

pour la collectivit doccuper une plus grande partie des gens $ couper des arres et

$ p'c#er des poissons, pour !ue la collectivit dispose de !uoi nourrir et loger tout le

monde. 1l sait !uil est raisonnale de ne pas couper trop darres ni de p'c#er trop

de poissons, car il "aut du temps pour !ue ces ressources se renouvellent. 1l proposedonc au roi de pousser ses sujets $ travailler un peu plus 4et $ ne pas "aire trop

den"ants, m'me pour pa&er les retraites >5. Le roi ac!uiesce, et organise de grandes

runions pour prsenter la nouvelle organisation du travail.

0os Pascuans sont contents 6 travailler un peu plus pour leurs concito&ens ne leur

est pas insupportale, $ condition !ue le roi gre correctement son planning "amilial.

@t, plus sage !ue sage, notre nar!ue indi!ue au roi !uau moment o: il & a

su""isamment de gens pour construire les pirogues et nourrir tout le monde, il est onde sen tenir l$ en ce !ui concerne les prlvements sur la nature, et !ue le reste du


5/18

temps doit 'tre occup $ "aire des c#oses !ui nimpli!uent pas de prdation. 1l "aut

tenir on "ace $ ceu( !ui voudraient commencer $ p'c#er encore plus pour ne

manger !ue les joues des poissons, ou !ui voudraient ne couper des arres !ue

pour o""rir la "leur sommitale $ leur ien-aime. ans cette nouvelle organisation, o:

cest le "lu( de prlvement sur les ressources !ui est la limite, il & a des #aitants

!ui ne travaillent pas tout le temps $ alimenter les c#anges producti"s 4le ois, les

poissons, les cultures5. 0otre nar!ue ne voit l$ aucun prolme, ds lors !ue les

personnes concernes nen sou""rent pas sur le plan social. 1l se dit !uils nont !u$

se promener, contempler la mer, ou encore +tir des c#+teau( de sale !ue la mer

emportera ensuite. Lnar!ue F !ui ne sait pas compter considre !ue son rBle

principal est de garantir lapprovisionnement "utur en ressources p#&si!ues dont

dpend le ien-'tre collecti", cest-$-dire les "or'ts et les poissons. 1l emmne les

#aitants de l*le vers un tat d!uilire des "lu( o: les gens vont travailler $ la limite

du renouvellement de la ressource, et seront #eureu( comme cela.

Mais arrive un jour un nouveau roi !ui a tudi $ la arvard Husiness ;c#ool et

trouve !ue son conseiller man!ue damition. 1l veut notamment !ue son peuple soit

capale de construire des statues pour prouver sa grandeur. Le nouveau roi limoge

lnar!ue en poste, et appelle pour le seconder un nouvel nar!ue de la promotion

F altius, "ortius, citius , "orm au( meilleures tec#ni!ues de la comptailit et de la

"inance. Hre" un nar!ue !ui sait compter, lui. Aprs avoir puli!uement trait son

prdcesseur dincapale et de petit ras, il olige les entreprises $ tenir une

comptailit prive, et met en place une comptailit nationale. 1l calcule le P1H de

l*le. )uest-ce !ue le P1H 7 ;ur notre *le comme c#e9 nous, il sagit de la valeur de

marc# 4donc dc#ange5 des produits disponiles pour la consommation "inale, ou

encore E ce !ui revient au m'me E les revenus des acteurs !ui ont contriu $ la

production en !uestion.Comme lactivit productive principale de l*le consiste $ couper du ois et $ p'c#er

des poissons, le P1H est directement "onction du nomre de grumes aattues et de

poissons sortis de la mer. 0otre nar!ue met ien s8r en place des impBts calculs

sur cette activit 6 les p'c#eurs vont donner au roi / poisson sur /=, et les 8c#erons

/ arre sur /=. Le roi comprend "acilement !ue, $ mesure !ue lactivit augmentera,

limpBt va lui rapporter de plus en plus, ce !ui lui permettra de satis"aire tous ses

dsirs, comme de construire plus vite des statues plus grandes. 0otre nar!ue vientde crer ce !uil considre 'tre un indicateur de la ric#esse de la socit pascuane 6


6/18

cest son P1H. Pourtant, cet indicateur est partiel 6 il ne tient pas compte du travail

supplmentaire des p'c#eurs ni du stoc darres sur pied, et encore moins de la

valeur des statues cres. 1l mesure juste la valeur des c#anges annuels. Le roi na

pas saisi cette nuance importante 4le P1H ne mesure pas un patrimoine, mais un "lu(5

et se laisse aisment convaincre par son nar!ue daugmenter le P1H, puis!ue cela

augmente la production matrielle $ court terme 6 plus de poissons, plus de grumes,

et plus de elles statues pour le roi. 1l su""isait d& penser >

Cette volont portant sur la convention 4le P1H5 va avoir un e""et majeur sur le monde

rel, cest-$-dire laattage des arres et la p'c#e des poissons. Puis!ue seul

compte le "lu( annuel et non le stoc rsiduel, notre nar!ue !ui sait compter est

naturellement incit E et incite tout le monde autour de lui E $ ce !ue la "or't et les

poissons disparaissent le plus vite possile.

0otre nar!ue a aussi mis en place un indice oursier, dont il sou#aite !uil

augmente tout le temps. 3acile > 1l su""it de privatiser la "or't, au dpart puli!ue, ou

m'me de crer un droit daattage e(clusi", et de con"ier cela au( plus entreprenants

des Pascuans. La comptailit du "orestier inclut alors la valeur des arres coups et

vendus, mais aussi la valeur du stoc sur pied sil le possde. 0otons !ue la

reconstitution "uture du stoc 4et donc les sols, la p#otos&nt#se et la pluie5 est

toujours asente des comptes. Les propritaires "orestiers deviennent des

e(ploitants !ui senric#issent sils coupent du ois 4!uils vendent au( entreprises !ui

produisent les pirogues, les!uelles sont vendues au( p'c#eurs !ui gagnent plus sils

p'c#ent plus5. Miracle de lconomie 6 tant !ue la "or't ne diminue pas trop vite, la

ric#esse de nos e(ploitants "orestiers saccro*t doulement avec la coupe des arres.

Dne premire "ois parce !uils vendent des arres, et une deu(ime "ois parce !uau

"ur et $ mesure !uils coupent des arres, ils valorisent de plus en plus ceu( !ui

restent. La valeur de marc# du stoc darres augmente donc $ mesure !ue lapression sur la "or't saccro*t. @t notre nar!ue de crer un impBt sur le patrimoine,

"ond sur la "ortune des propritaires !ui ont de moins en moins darres. Le roi est

content 6 tous ses indices augmentent, les ventes de ois augmentent, les poissons

p'c#s augmentent, les "lottes de pirogues augmentent, et la Hourse augmente. Le

roi e(pli!ue donc $ ses sujets !ue tout va pour le mieu( dans le meilleur des

mondes, et !uil a eu ien raison de con"ier $ son nar!ue le soin de compter tout %a.

videmment, tous les sujets et le roi lui-m'me con"ondent le P1H avec la ralitp#&si!ue 6 la valorisation du stoc augmente peut-'tre, mais le stoc diminue > Pour


7/18

"aire cro*tre le P1H encore plus vite, le roi songe du reste $ crer des pontons "lottants

pour pirogues de p'c#e l$ o: il & avait des plages !ui servaient $ "aire des c#+teau(

de sale. @n e""et, les poissons p'c#s "aisant lojet dun c#ange marc#and, ils

sont dans le P1H, mais pas les c#+teau( de sale !ue les Pascuans "ont pour leur

plaisir. In va donc inciter les Pascuans !ui "aisaient des c#+teau( de sale $

construire des pirogues et $ aller p'c#er du poisson, ou $ entrer au service dun

propritaire "orestier, m'me si tout le monde a dj$ asse9 $ manger. ?out va ien

jus!uau jour o: il n& a plus darres. Le dernier arre vaut certes une "ortune, mais

le jour o: il est coup, tous les indicateurs passent instantanment et d"initivement

$ 9ro 6 le P1H pour la production darres, la valeur du stoc darres, et donc la

valeur oursire de lentreprise !ui produit les arres. @n con"ondant le "lu( et le

stoc 4!ui reprsente la vraie ric#esse5, la rec#erc#e de laugmentation ind"inie du

P1H mne les Pascuans $ leur ruine. Asurde 7 Peut-'tre, mais dans la vraie vie,

avec de vrais c#e"s dtat et de vrais nar!ues 4et de vrais comptales pulics5, nous

sommes en train de suivre e(actement le m'me c#emin.

Les Pascuans dcouvrent la comptailit puli!ue

evenons un peu en arrire, avant la ruine de tous les Pascuans. Le(ploitation de la

"or't a t concde $ une entreprise, et notre nar!ue a dcid !ue la comptailit

des entreprises se limiterait $ leur masse salariale 4et autres revenus verss5 6 tout

ce !ue lentreprise "orestire a le droit de pulier est donc ce !uelle paie au(

8c#erons et au( dardeurs. Au dut, lentreprise commence ien s8r par grer la

"or't en se disant !uil "aut !uelle en garde un peu pour plus tard. Mais rapidement

elle se laisse convaincre !ue la vrit est dans laugmentation de lindicateur !uellepulie 6 le propre de tout indicateur est dentra*ner dans la direction de son

amlioration > 1l n& a !uune seule manire de le "aire 6 emauc#er de plus en plus

de 8c#erons. ?out cela est dailleurs encourag par la pression des actionnaires, !ui

sont intresss par le "lu( du trimestre proc#ain, et pas le moins du monde par la

dure de repousse des arres.

Asurde 7 0ous sommes ien daccord, et pourtant les tats ne raisonnent pas

autrement. Le "ameu( P1H ne compte E par d"inition E !ue les revenus des #ommes!ui assurent la trans"ormation des ressources naturelles pour alimenter des


8/18

c#anges marc#ands. Le P1H, ce nest rien dautre !ue la "ic#e de paie de

l#umanit > Les ressources, elles, sont supposes gratuites. Ir, elles sont le plus

souvent non renouvelales 4minerais, #&drocarures5, et !uand elles sont

renouvelales en t#orie nous avons souvent dpass la capacit de renouvellement

4poissons, arres, sols25. @t il ne(iste rien dans notre comptailit puli!ue !ui

nous alerte !uand nous entrons dans la 9one rouge du non-renouvellement.

Aujourd#ui, le premier candidat venu au( lections !ui dit !uil veut augmenter le P1H

est e(actement dans la position du c#e" dentreprise pascuan !ui ne pulierait !ue sa

masse salariale et !ui c#erc#erait $ la "aire augmenter en acclrant la disparition

des "or'ts. Comien dlus lont compris 7

)ue "erait notre nar!ue pascuan sil voulait une comptailit puli!ue !ui tienne la

route 7 1l commencerait par se proccuper de son patrimoine. Mais du!uel 7 Au sens

strict, son patrimoine recouvre ce !ui appartient juridi!uement $ ltat. 0otre nar!ue

en "erait dj$ un premier ilan, ce !ui $ ce jour nest "ait nulle part dans le monde.

Mais il peut aussi considrer !ue ltat possde de "ait la proprit de ce !ui

nappartient $ personne, ou de ce !ui appartient $ !uel!uun mais sert $ tout le

monde 6 les minerais, latmosp#re, les "leuves, les "onctions vitales de la iosp#re,

le patrimoine +ti ou les in"rastructures. @n clair, ltat inclurait dans ses comptes

lensemle des iens et ressources communs, naturels et arti"iciels. @ntre la

comptailit des acteurs privs 4entreprises et particuliers, pour "aire simple5 et de

ltat 4des acteurs pulics au sens large5, on retrouverait alors la trace de tout ce !ui

est concern par notre activit conomi!ue. 1l & aurait une valorisation pour les sols

!ui servent $ la production agricole, les rivires et nappes p#rati!ues, sans

les!uelles on mourrait de soi" et de "aim, les "or'ts et les prairies, les minerais, les

#&drocarures, etc. Hre", tout le patrimoine naturel du pa&s dont ltat est le garant

aurait une contrepartie dans la comptailit puli!ue. 1l ajouterait $ ce patrimoinenaturel le patrimoine industriel, le patrimoine culturel et le capital #umain.

@n partant de cette ase, notre nar!ue pourrait savoir si le pa&s senric#it ou

sappauvrit, cest-$-dire sil augmente ou rduit ce patrimoine. Avec cette

comptailit, dtruire un peu de stoc naturel pour augmenter eaucoup le capital

industriel et #umain est une onne a""aire, mais dtruire eaucoup de stoc naturel

pour crer un peu plus dun stoc arti"iciel dj$ aondant, en dtruisant au passage

un peu de ien-'tre, cesse de l'tre. 0ous verrions appara*tre une notioncompltement asente avec un P1H !ue lon c#erc#e $ "aire cro*tre ind"iniment 6 la


9/18

notion doptimum. 1l & aurait certes de la valorisation montaire lors de la diminution

des ressources naturelles, car un ien rare prend de la valeur, mais notre nar!ue

"era attention $ ne pas se laisser prendre au pige en ne comptant !ue cela. Le stoc

de ressources #alieuti!ues vaut de plus en plus c#er car les poissons devenant plus

rares sont plus c#ers $ ltalage, mais le "ait de voir le poisson moins aondant dans

nos assiettes a aussi un pri( > 0otre nar!ue saura donc trouver les parades $ ces

piges, ds lors !uil garde les &eu( en "ace des trous2

Les Pascuans dcouvrent les co!uillages

Pour le moment, notre *le de P+!ues sest dote dune comptailit puli!ue, mais le

lecteur attenti" aura remar!u !uil n& a pas de monnaie. Pourtant, lconomie

pascuane "onctionne, en ce sens !ue les #aitants peuvent "aire des c#anges. In

c#ange des poissons contre des pommes de terre, des "ruits et lgumes contre du

ois, du ois contre des poissons, des poissons contre du travail, etc. Mais ce troc

rencontre vite des limites, car c#a!ue poisson est di""rent, c#a!ue arre aussi, et

c#a!ue travailleur ne "ait pas la m'me c#ose en une journe. Le roi a une ide 6 il va

c#erc#er des co!uillages !ui se trouvent en aondance sur la plage, autorise une

seule personne, !uil appellera F an!uier central , $ les peindre $ son e""igie, et

permet !ue les c#anges se "assent avec ces co!uillages. Cette contrepartie

sappelle un pri(. ?rs accessoirement, a"in !ue c#acun ne cre pas de la monnaie

sans rien "aire au lieu de travailler, il promet de punir de mort par cartlement pulic

toute personne !ui tenterait de mettre en circulation des co!uillages peints $ son

e""igie. @t il dcide dac#eter du ois avec ces co!uillages. Pour donner con"iance $

tout le monde dans la valeur de ces co!uillages, il punit aussi de mort par pendaisontoute personne re"usant de les accepter comme mo&en de paiement.

oil$ notre conomie pascuane srieusement modernise > un cBt, nous avons

toujours les vrais "lu( 6 les arres, les poissons, le travail K de lautre cBt, les

co!uillages peints, !ui permettent de comptailiser les "lu(. @t il ne viendrait $ lesprit

de personne de con"ondre la vritale ric#esse de l*le et de ses #aitants avec les

co!uillages, !ui ne se mangent pas, ne peuvent pas servir de comustile,

nattrapent pas les poissons, "ont mal au( pieds de surcro*t, et ne constituent !uuneconvention commode pour "luidi"ier les c#anges. C#acun dtient dailleurs les deu( 6


10/18

des ric#esses relles 4des poissons pour se nourrir, du ois pour "aire les outils25, et

des co!uillages pour "aire des c#anges.

)ue se passe-t-il si le roi, pris dune suite luie, dclare !ue "inalement les

co!uillages ne valent plus rien, ou ien dcide de les rcuprer tous 7 Les c#anges

ne peuvent plus se "aire en utilisant de la monnaie, ce !ui est videmment un

prolme conjoncturel pour lconomie. ;i les c#anges ne se "ont pas, lconomie

part rapidement en dpression puis en rcession 6 pas de "lu(, pas de P1H > ans ce

cas, les autorits se #+tent de mettre en place une nouvelle monnaie 4l#istoire

conomi!ue relle comporte des pisodes de ce genre5. Ce t&pe de crise nest

videmment pas anodin, mais il na""ecte pas du tout le capital matriel et naturel de

l*le, pas plus !ue la !uantit et la !ualit du travail disponiles. @st-il plus important

de man!uer de co!uillages, ou de ois, de poissons et de travail 7 La rponse est

vidente 6 si les #aitants de l*le ont des ressources naturelles et du travail $

disposition, et sil ne leur man!ue !ue des co!uillages pour !ue les c#anges

"onctionnent, il leur su""it den 4re5mettre en circulation pour rgler leur prolme.

Alors !ue, sils nont plus de ois, ils disparaissent. La monnaie se cre dun simple

jeu dcritures, mais pas le ptrole, les gnes dune espce disparue ou un climat

stale2

Comien co8te une salade 7

Lconomiste aime souvent disserter sur lart de rduire les co8ts. Mais !uest-ce !ue

le co8t dune salade importe 7 Dn article paru en avril ==< dans ?#e 1ndependant

rpondait ainsi $ la !uestion 6 vous pa&e9 cents, lA"ri!ue pa&e N= litres deau

potale. @t ien plus si trop de salades sont e(portes. Comien co8teraitlassc#ement "utur du lac 0aivas#a, au Oen&a, dans le!uel est puise leau des

salades !ue nous consommons en @urope 7 ;ans compter !ue notre salade a aussi

co8t du "ioul non renouvelale pour 'tre transporte en @urope, ce !ui a accru

le""et de serre dont la "acture arrivera plus tard2 Alors, !uel est le co8t de notre

salade 7

evenons au domicile de notre nar!ue !ui ne sait pas compter. Pour lui, les c#oses

sont asse9 videntes. 1l voit ien !ue les co!uillages !ue le roi a crs ne peuventpas dispara*tre au sens o: la "or't dispara*t. 1l se dit !ue compter les co!uillages est


11/18

"inalement sans intr't pour mesurer les co8ts rels de la production de statues. Ces

co8ts consistent pour lessentiel en la destruction de la "or't et lpuisement des

carrires. Couper trop darres pour "avoriser le nomre de co!uillages en circulation

lui semle la dernire des asurdits, et sil "aut utiliser un peu plus de co!uillages

pour ien prserver la ressource 4"or't5, cest $ "aire sans #siter une seconde.

Lnar!ue !ui sait compter passe aprs lui et ne lentend pas de cette oreille.

arvard 4et $ aup#ine5, on lui a appris !ue le co8t des statues se d"init

seulement comme le nomre de co!uillages utiliss par le c#e" pour les ac#eter.

oil$ le vrai co8t, celui dont il "aut soccuper et !uil "aut rduire en permanence. Les

co!uillages ne pa&ant !ue les #ommes, tous ces e""orts ne conduisent !u$ une

c#ose 6 rduire la part du travail #umain dans la production. ;i notre nar!ue !ui sait

compter a la possiilit de construire des mac#ines, !ui ncessitent peu d#eures de

travail pour 'tre produites mais en conomisent eaucoup ensuite, on en dduit

"acilement la suite 6 il "ait construire autant de tron%onneuses et de camions !ue

possile, pour sortir plus rapidement les troncs de la "or't. La productivit du travail

augmente, ainsi !ue le P1H. videmment, pour cela, il "aut mettre au c#Bmage la

moiti des ouvriers, mais on ne "ait pas domelette sans casser !uel!ues Qu"s. Dne

solution vidente consiste alors $ produire deu( "ois plus de statues pour remettre

tout le monde au travail, en acclrant la destruction de la "or't. Asurde 7 0e rie9

pas, ce !ue nous venons de dcrire correspond trs e(actement $ ce !ue nous

"aisons dans le monde rel. @n augmentant massivement une productivit du travail

!ui tait reste asse9 stale pendant des millnaires, nous avons cr du c#Bmage

4!ui est une notion et une ralit conomi!ue trs rcente5, et la rponse

F ort#odo(e pour & rpondre consiste $ c#erc#er $ augmenter perptuellement le

P1H, cest-$-dire $ accro*tre la pression sur lenvironnement tant !ue lon peut. Le jour

o: nous ne pourrons plus, tout le s&stme se""ondrera dans une gigantes!ue crisede ressources, !ui emportera sur son passage les RN #eures, les retraites et

laugmentation du pouvoir dac#at.

"orce de nous "ocaliser sur largent, nous avons pris nos prolmes conomi!ues $

lenvers. Car prendre le prolme par le on out, cest se demander de comien de

ressources p#&si!ues nous avons esoin pour trouver le(istence supportale. La

!uestion des co!uillages est secondaire par rapport $ la !uestion des ressources

p#&si!ues. @n outre, tant !ue nous tions dans les F vrais co!uillages 4cest-$-direles pices en or et argent des temps anciens5, il & avait une "orme de matrialit $ la


12/18

monnaie, !ui "reinait naturellement le(pansion des "lu( de trans"ormation. i""icile de

"aire plus de pices en or !ue ce !ui sortait des mines > Linvention du papier-

monnaie, puis de la monnaie ancaire compltement dmatrialise a de nouveau

compltement c#ang la donne, la rcente crise du suprime ntant !uun des

avatars de cette nouvelle invention.

Les co!uillages terrasss par le st&lo

Le roi pascuan a invent la monnaie co!uillage, mais il nest toujours pas satis"ait.

L*le est grande, les co!uillages encomrants, et on peut se les "aire voler. 1l se

tourne vers notre nar!ue !ui sait compter, et lui demande sil ne pourrait pas "aire

mieu(. Ce dernier propose au roi de "ranc#ir une nouvelle tape avec la cration

dune an!ue 4dont il sera ien s8r le prsident5, permettant de ne plus avoir $

transporter les co!uillages sur soi. Le principe en est trs simple, dit-il 6 les Pascuans

me con"ient leurs co!uillages, je les mets en scurit et je leur ouvre un F compte en

an!ue . partir de l$, ils nont plus esoin de donner des co!uillages pour de vrai 6

ils "eront des c#!ues, !ui reprsentent un trans"ert de proprit sur les co!uillages

en dpBt $ la an!ue. Les c#anges montaires avec cette nouvelle monnaie

deviendront un simple jeu dcritures.

@n crant sa an!ue et en accordant des pr'ts, notre nar!ue va accomplir un acte

dterminant dans le s&stme conomi!ue 6 il va dtrBner le an!uier central, !ui pour

le moment tait le seul #ailit $ crer de la monnaie. ;i un #umle Pascuan vient lui

demander de largent 4un pr't, un dcouvert25, notre nar!ue le lui accorde sous

"orme de F monnaie papier . 3aut-il pour cela !uil ait en an!ue autant de

co!uillages !ue de monnaie pr'te 7 In pourrait le croire, car si le n"iciaire aenvie de retirer en co!uillages la somme pr'te, il "aut pouvoir le pa&er. Mais en

prati!ue, il & a tellement de clients !ue tous ne viennent pas demander les

co!uillages au m'me moment. Pour lessentiel, ils vont en rester $ la monnaie dite

papier 4carnets de c#!ues, cartes de crdit, re" tout ce !ui nest pas pices et

illets5. u reste, pour 'tre s8r !ue les c#oses vont ien se passer comme cela,

notre an!uier cre des carnets de c#!ues et des cartes de paiement, permettant

au( Pascuans dviter le passage par la case F co!uillages . 0otons alors ce "aitmajeur 6 en pr'tant de largent sans ncessairement de dpBts pralales, et en


13/18


14/18

limportant et inspirer con"iance. ;i nos Pascuans prenaient peur et se ruaient vers le

guic#et de la an!ue pour c#erc#er $ rcuprer, tous au m'me moment, l!uivalent

en co!uillages de ce !uils ont, la an!ue ne pourrait satis"aire la demande. ;i une

telle crise de con"iance se produit, notre an!uier "ait "aillite. Cest ce !ui a man!u

se produire avec les diverses an!ues !ui ont t nationalises en ==T,

lintervention de ltat tant destine $ "aire revenir la con"iance, !ui est lacti" le plus

important dune an!ue.

;i une an!ue "ait "aillite, il se passe deu( c#oses. aord, il & a un trans"ert de

patrimoine immdiat des F ric#es vers les F pauvres , dautant plus massi" !ue la

an!ue est importante. Les Pascuans !ui ont emprunt et devaient de largent $ la

an!ue 4les pauvres5 senric#issent 6 plus de an!ue, plus de crdit $ remourser >

1nversement, ceu( !ui ont leurs petites conomies $ la an!ue 4les ric#es5

sappauvrissent 6 "in de la an!ue, "in des co!uillages dposs $ la an!ue. @nsuite,

comme la monnaie ancaire est lessentiel de la monnaie en circulation, il se passe

la m'me c#ose !ue dans le cas de la disparition des co!uillages 6 une destruction

montaire. 3in de la an!ue, "in des critures sur les comptes en an!ue, et donc "in

de la monnaie ancaire concerne > La monnaie ancaire 4c#!ues, virements,

paiements par carte25 ampli"ie donc le rBle jou par les co!uillages 6 elle sert $

luri"ier et intensi"ier les c#anges p#&si!ues. Aprs la "aillite de la an!ue

pascuane, les c#anges p#&si!ues ralentiraient "ortement "aute de mo&ens

dc#anges conventionnels. Les acteurs conomi!ues se raattront sur les

co!uillages ou rinventeront le troc, en attendant !uune nouvelle an!ue soit cre.

Ce !ue nous avons e(pos ci-dessus correspond e(actement $ ce !ui se passe

dans les grandes crises "inancires et ancaires. ?ant !ue la crise ne concerne !ue

des talissements non ancaires, la seule !uestion est de savoir !ui perd et !ui

gagne. )uand la crise stend au( an!ues, les c#oses deviennent plus srieuses.Les tats-Dnis en savent !uel!ue c#ose pour lavoir e(priment en /, anne o:

les an!ues ont "ait "aillite en srie. @t nous lavons compris $ nouveau en ==T.

Gr+ce $ nos amis pascuans, voici le m&stre de la cration montaire $ moiti perc.

La !uestion suivante est alors 6 comment mettre en circulation asse9 de monnaie,

mais pas trop 7

pression $ la cooprative de a&-sitting du Capitole


15/18

Paul Orugman, pri( 0oel dconomie en ==T, illustre dans un livre au titre optimiste

E Pour!uoi les crises "inancires reviennent toujours E les mcanismes de

dpression montaire $ partir dune #istoire vraie. Les memres du Congrs

amricain, dont c#acun sait !uils ont de multiples occasions de sortie nocturne, se

sont organiss pour "aire garder leurs en"ants en crant une cooprative. Cette

cooprative possde sa propre monnaie, $ savoir des ons de garde, un on valant

une demi-#eure de garde. )uand !uel!uun sort et a esoin de "aire garder ses

en"ants, il donne des ons en paiement. Le s&stme donna satis"action, jus!uau jour

o: il n& eut plus asse9 de ons en circulation. u coup, les sorties se rar"irent, et

les demandes de garde se rduisirent. La rcession sinstalla 6 le P1H de la garde

den"ants aissa > Lassociation runit son assemle gnrale pour trouver des

solutions. e nomreuses solutions dirigistes "urent imagines, comme loligation

de sortie le Uee-end. Alors !uelide de la cooprative tait de crer de la "le(iilit,

la F crise montaire aoutit parado(alement au ut oppos2

Les socitaires comprirent aprs r"le(ion !uil su""isait de mettre davantage de ons

en circulation, le rglage initial a&ant t mal "ait. 1l su""isait de F "rapper monnaie et

les c#anges conomi!ues purent sajuster au on niveau.

?rop de co!uillages tue les co!uillages

0otre nar!ue !ui ne sait pas compter se mo!ue comme de sa premire c#emise

4en "ire de cocotier5 des co!uillages. 1l se dit !ue cette a""aire de co!uillages et de

monnaie ancaire est juste de lintendance, et !ue loutil nest pas un ut en soi.

Lojecti" nest pas de crer de la monnaie, ou du P1H, ou de "aire cro*tre laconsommation. Lojecti" est !ue les Pascuans soient #eureu( et aient asse9 de ois

et de poissons, et il "aut donc juste asse9 de travail et de co!uillages pour %a. 1l se dit

!ue les c#+teau( de sale "inanciers +tis par son collgue inspecteur des "inances

sont trop compli!us et surtout mas!uent lojecti" "inal. @n re", il se dit !ue la

politi!ue montaire est au service dun ojecti" de socit, et !uelle ne doit pas 'tre

une vac#e sacre dont ladoration conduit $ la disparition acclre des ressources.

?out le monde se rappelle des rouettes de illets de lAllemagne de Veimar et desassignats rvolutionnaires, re", des e(cs de la planc#e $ illets. 1l est vident !ue


16/18

si notre cooprative de a&-sitting sort de sa dpression en mettant !uel!ues

ons, elle va se crer des ennuis srieu( si elle en met trop. Le doute va sinstaller

sur leur valeur et, progressivement, ils ne vaudront plus rien 6 trop de monnaie tue la

monnaie. Comment "i(er la limite 7 Cest videmment compli!u dans la vraie vie,

avec des milliers de an!ues et une centaine de monnaies. Mais, puis!ue ce !ui

compte vraiment ce sont les ressources, la onne mt#ode est $ c#erc#er du cBt de

notre nar!ue !ui ne sait pas compter. 1l sagit de regarder ce !ui se passe sur le

plan rel !uand on pousse un peu les "eu( montaires. s lors !ue lon commence

$ uter sur les limites p#&si!ues, il "aut limiter la monnaie pour viter les emardes

4ulles spculatives notamment5. ?ant !ue les ressources relles ne sont pas sous

tension, on peut 'tre moins regardant. 1ncidemment, notons !ue !uand les

ressources sont sous tension, lin"lation peut venir de leur rar"action, et non dun

e(cs de monnaie en circulation. La t#orie ort#odo(e considre en e""et !ue si les

pri( montent, cest parce !ue les gens ont trop dargent, ce !ui e(pli!ue pour!uoi les

an!ues centrales ripostent toujours $ lapparition de lin"lation en montant les tau(

dintr't 4pour limiter laccs au crdit, puis!ue ce dernier augmente la masse

montaire !ui alimente lin"lation5. Mais si la #ausse vient de la rar"action des

ressources invisiles !ui sont pourtant des "acteurs de production essentiels, tout

cela ne sert $ rien >

Comment compter ce !ui compte vraiment 7

Les #aitants de l*le de P+!ues ont disparu pour de on, et nous ne saurons jamais

comment les c#oses se sont vraiment droules, m'me si la trame gnrale est $

peu prs connue. 1l est proale !uils ont succom $ lattrait e(cessi" pour las&moli!ue, en loccurrence les statues !ui sont passes $ la postrit. La course

pour avoir la plus grosse 4statue5 a "ini par e(ercer une pression trop "orte sur les

ressources, et la population est proalement morte de "aim, "aute de terres $

cultiver, emportes par lrosion aprs la d"orestation, et de pirogues pour p'c#er.

0otre s&moli!ue montaire nous loigne elle aussi de la ralit p#&si!ue. @n son

asence, on ne compte !ue des ojets et des ressources ien palpales, et les

signau( dalerte "onctionnent !uand nous approc#ons des limites. Le s&stmeconserve des "orces de "rottement et des garde-"ous !ui emp'c#ent daller 4trop5 vite,


17/18

donc de "aire des 'tises irrmdiales. Lapparition de la monnaie puis de

lorganisation ancaire et "inancire "ait structurellement sauter une partie de ces

garde-"ous. Le n"ice de court terme tir de lacclration des c#anges devient

sans limite apparente, et cela nous entra*ne ien trop "acilement vers la situation o:

nous dtruisons lecapital naturel pour remourser les intr'ts sur le capital arti"iciel.

0os #aitants de l*le de P+!ues, une "ois la monnaie introduite, sont incits $ couper

toute la "or't !ui e(iste pour remourser des co!uillages. videmment, une "ois la

"or't coupe en totalit, les #aitants meurent, le an!uier meurt, le roi meurt et les

co!uillages ne valent plus rien, mais !uimporte > Asurde 7 Cest pourtant ce !ui se

passe autour de nous en ce moment2 ?ous les pa&s dvelopps se livrent $ une

comptition ac#arne pour pioc#er c#a!ue jour un peu plus dans les stocs

rsiduels, a"in !ue le consommateur-roi de tous ces pa&s, !ui mange dj$ $ sa "aim,

a dj$ ses en"ants du!us et sa sant prserve 4lesprance de vie $ la naissance

a plus !ue doul en deu( sicles5, puisse 'tre pa& plus, cest-$-dire avoir plus de

co!uillages.

@n !uel!ues millnaires, nous sommes partis dune convention trs simple, en

donnant au( ojets et au travail une contrepartie en co!uillages, et nous avons

construit un s&stme monstrueusement compli!u !ui sappelle la "inance moderne,

avec des tau( dintr't, des sUaps sur options, des crdits #&pot#caires, des tau(

de c#ange "lottants, des cours de Hourse, et cette s&moli!ue a gomm la ralit.

0ous sommes !uotidiennement assaillis din"ormations sur la per"ormance des

indicateurs montaires et "inanciers !ue tout le monde croit comprendre 4m'me si

!uasiment personne nest capale de les d"inir5, alors !ue pas un 3ran%ais sur cent

4ni nos lus, on & reviendra >5 nest capale de dire !uelle est la consommation de

ptrole de la 3rance, la super"icie de ses terres agricoles ou ses missions de ga9 $

e""et de serre, re" les "lu( p#&si!ues dont nous dpendons. @n outre, T= W des gens#aitent maintenant dans les villes, o: nous ne produisons !uasiment rien de ce !ue

nous consommons. La nourriture & sort du supermarc#, les casseroles et le canap

du magasin du coin, le ptrole de la pompe $ essence et llectricit du mur. 0ous

avons cr une civilisation des c#anges 4les c#anges, cest le tertiaire dans la

nomenclature de l10;@@, et cest X= W des acti"s5 !ui a perdu le contact avec la

ralit p#&si!ue sous-jacente.

0os lites sont encore plus uraines !ue la population dans son ensemle, etmanipulent des c#i""res conventionnels !ue trs peu dentre eu( savent


18/18

F dcorti!uer . In termine ses tudes $ la vritale cole nationale dadministration

4pas celle de l*le de P+!ues >5, $ arvard et dans la majorit des coles de

F usiness , ainsi !ue dans la plupart des cursus universitaires sans avoir jamais

rien appris sur la p#&si!ue sous-jacente au( indicateurs utiliss. In peut devenir c#e"

de 4trs grande5 entreprise, avocat, an!uier, ministre, prsident de la puli!ue,

patron de journal de r"rence, magistrat $ la Cour supr'me ou $ la Cour de

cassation, re" occuper $ peu prs tous les postes importants de la socit sans rien

comprendre au( processus p#&si!ues !ui sont pourtant indispensales $

laccomplissement de nos activits conomi!ues et sociales. In peut occuper tous

ces postes sans avoir la moindre ide des limites p#&si!ues $ notre e(pansion, !ui

vont pourtant avoir des rpercussions sur tout ce !ue nous venons dvo!uer. 1l n& a

!ue !uel!ues cursus scienti"i!ues E et encore, le lien e(plicite est rarement "ait > E

!ui rappellent un peu les "aits dont nous parlons, mais ils ne sont pas toujours mis $

pro"it dans la vie active dans ce monde o: les ingnieurs r'vent de devenir an!uiers

ou c#ampions du CAC Y=. 0ous vivons dans un univers ien p#&si!ue, mais

lessentiel des dcideurs sont dans un univers virtuel, "ait de conventions. 0ous

vivons tous dans ;econd Li"e.

Documents

Cest Maintenant Chapitre 3 - Grandjean/Jancovici