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Cette lutte qui les rend plus Braescu · PDF fileL’autre jour, sur le trajet de Suceava à Bucarest, moi et mon mari, ... [30 hommes de URB Rulmenti SA sont dans un congé de ‘maternit

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Cette lutte qui les rend plus fortes

Anca-Andreea BRĂESCU Une femme et cinquante-neuf hommes – une équation possible ? L’autre jour, sur le trajet de Suceava à Bucarest, moi et mon mari, nous avons récupéré un jeune qui faisait le stop. 20 ans, futur gendarme. C’était la première fois que j’avais l’occasion de parler à un (futur) gendarme. Je me suis donc appliquée à lui poser un tas de questions. Il y répondait avec spontanéité et visiblement content de voir qu’on s’y intéressait. Arrivé à un sujet de grand intérêt pour moi – les langues étrangères – je lui ai demandé quelles étaient les langues étrangères étudiées à leur école. Il a répondu « L’anglais, bien sûr ! » et il a par la suite ajouté, comme pour soi-même : « Il y a aussi cette fille qui étudie le Français… ». « Une fille ? Une seule ? », lui ai-je posé la question. « Oui nous sommes cinquante-neuf garçons et une fille ». Il n’a pas pu s’abstenir d’ajouter : « Elle est plutôt bête ! Je ne sais pas ce qu’elle y fait ? ». « Tu es misogyne? », ai-je vite réagi. « Non, ce n’est pas contre les femmes… - a-t-il essayé de rectifier - c’est seulement contre elle… ».

En fait, c’était contre les femmes. Et c’était évident. Au début, j’ai été furieuse. Je n’avais même plus envie de continuer à lui parler. J’allais surement exploser. Mais tout d’un coup je n’ai plus senti de la rage, mais de l’admiration pour cette femme si courageuse que j’ai tout de suite eu envie de connaître ! Les cinquante-neuf mecs sont condamnés à affronter la normalité jour après jour. Si pour elle il est difficile de se retrouver là, pour eux c’est probablement encore plus difficile ! Alors que dans les pays de l’Ouest les femmes se confrontent rarement à des attitudes comme celle montrée par notre ami, en Roumanie, elles sont encore obligées à lutter pour faire reconnaître leurs droits.

Certes, il n’est pas toujours comme ça. L’éducation, les échanges avec des milieux professionnels d’ailleurs, l’ouverture dont a joui la Roumanie les dernières années sont des facteurs qui ont contribué d’une manière considérable à changer les mentalités. Pourtant, il y a encore des cas de figure qui nous montrent que la femme s’y confronte encore avec des mentalités vieillies et se retrouve parfois sans appui et sans recours dans une société en plein changement. Ce qui la rend encore plus forte.

Les hommes en congé de ‘maternité’ - un cas de figure rare Récemment, en Roumanie, on a donné aux hommes la possibilité de prendre un congé

de paternité. C’est rare que cela arrive. La principale raison pour laquelle les hommes le refusent est « ce que les autres peuvent en penser ». Pour certains, cela transformerait l’homme dans une femme et le rendrait ridicule, l’émasculerait en quelque sorte.

François (on l’appellera comme ça) est un Français marié à une Roumaine. Ils ont cinq enfants, habitent dans une ville de province et travaillent tous les deux dans la recherche : elle – à l’université – et lui – dans un institut de recherche. Il travaille plus près de la maison et ils ont décidé de demander un congé de paternité pour leur dernier enfant. Ils n’y voient rien d’inhabituel. Mais les habitants de leur ville en parlent sans cesse. Ils ne trouvent pas du tout normal que ce soit l’homme qui reste à la maison. Je lui ai demandé ce qu’il en pense…. « Depuis le début j’ai eu du mal à m’habituer à la mentalité des Roumains. Ils sont gentils, accueillants, mais dès qu’on touche des problèmes délicats, comme le statut de la femme, cela devient compliqué. Je pense qu’en Roumanie la société est encore très traditionnelle : l’homme devrait aller travailler et la femme et censée rester au foyer et prendre soin des enfants. ».

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En cherchant des chiffres sur Internet, je suis tombée sur des titres qui confirment ce que François racontait : « Gardienii de la Poarta Albă şi-au luat concedii de ‘maternitate’ » [Les gardiens de Poarta Albă ont pris des congés de ‘maternité’] ou « 30 de oameni de la URB Rulmenti SA sunt în concediu de ‘maternitate’ » [30 hommes de URB Rulmenti SA sont dans un congé de ‘maternité’]. Le ton est bien sûr ironique : ces hommes deviennent des femmes, dans les meilleurs des cas. Ce n’est pas moins vrai que parfois ce congé cache un subterfuge : ils ne restent pas à la maison avec leurs enfants, mais ils s’en vont travailler à l’étranger ou profitent de cette indemnisation pour chercher un deuxième travail au noir. C’est parfois la seule raison pour laquelle ils acceptent de subit une telle « honte » (comme titre une autre publication). Cela dit beaucoup sur la mentalité des Roumains.

La voix des femmes Quelle est l’opinion des femmes à ce sujet ?

Depuis des années, je fréquente ce qu’avant on appelait les « bains de la commune », un endroit où les gens, hommes et femmes, venaient se laver et qui est aujourd’hui un sauna où ils cherchent la détente. Les femmes peuvent y aller le lundi et le jeudi, alors que pour les hommes c’est ouvert le mardi, le mercredi, le vendredi et le samedi. Au début j’ai trouvé cela étonnant. Mais apparemment le programme a été dicté par la demande : les hommes ont plus volonté et plus de temps pour fréquenter ces endroits.

Le lundi et le jeudi, femmes de tous les âges y viennent. Elles ont l’air content. Elles parlent de tout ce que leur vie de mères, femmes et filles leur apporte, mais aussi de leur profession. En les écoutant, on pourrait se demander comment elles y arrivent. Toutes ces « tâches » demandent du temps. C’est là qu’on mesure mieux leur force et leur énergie.

Un des films roumains qui rend très bien ce caractère puissant que les femmes roumaines possèdent et les enjeux de leur caractère est « Poziţia copilului » [Mère et fils]. On y voit le tact, l’énergie et l’ambition qu’elles mettent dans leur vie de famille. Il y a-t-il un prix à payer ? Sans doute, oui. Mais cela est une autre question….