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CAHIER SPÉCIAL C LES SAMEDI 6 ET DIMANCHE 7 AVRIL 2019 RECHERCHE Changements climatiques Les chercheurs en action Dans le cadre de la série de cahiers sur la re- cherche, Le Devoir discute avec le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, des trois axes de recherche considérés comme prioritaires par Québec pour les prochaines années. Pour ce deuxième entretien sur trois, il s’attarde aux dé- fis à relever en matière de changements clima- tiques et de développement durable. ETIENNE PLAMONDON EMOND Collaboration spéciale L e 15 mars 2019, des milliers d’étudiants québécois manifestent pour le climat. Ils joignent ainsi leur voix à plusieurs jeunes autour du globe, qui ont aussi quitté leurs salles de classe pour presser les décideurs d’agir dans ce dossier. Quelques jours plus tard, en en- trevue avec Le Devoir, Rémi Quirion observe que, de- puis son entrée en poste comme scientifique en chef en 2011, la préoccupation pour les changements clima- tiques a pris de l’ampleur. Sur la place publique, mais aussi dans la communauté scientifique. Dans cette dernière, la question mobilise de plus en plus. En 2018, Rémi Quirion avait soutenu le projet Le climat, l’État et nous. À la veille de l’élection provin- ciale, cette initiative d’un groupe d’experts universi- taires consistait à lancer une réflexion sur une révision du modèle de gouvernance en matière d’environne- ment au Québec. Les changements climatiques figuraient déjà parmi les enjeux le plus souvent évoqués par les chercheurs, lorsque Rémi Quirion avait pris leur pouls en début de mandat pour connaître les défis de la société québé- coise auxquels la recherche devrait répondre de ma- nière prioritaire. Mais l’intérêt semble s’être accru dans l’ensemble des milieux de recherche, observe le scien- tifique en chef. « Avant, il était concentré chez les ex- perts du climat, observe-t-il. Mais maintenant, c’est beaucoup plus large, et on le trouve aussi parmi des chercheurs spécialisés dans les questions légales, de gouvernance ou de santé. » Cette volonté des chercheurs de s’impliquer dans des programmes de recherche reliés à ces questions n’est pas unique au Québec. « C’est vrai ici comme un peu partout à travers le monde », remarque-t-il. Enjeu sans frontières L’enjeu des changements climatiques, justement, n’a pas de frontière et incite les scientifiques du monde à collaborer. Le 14 janvier dernier, les Fonds de re- cherche du Québec (FRQ) sous sa gouverne ont lancé un appel à projets de recherche sur la mer, mené avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) de France. Le but ? Financer des équipes composées de chercheurs des deux côtés de l’Atlantique. Leurs travaux devront ai- der à caractériser l’impact environnemental, à diminuer l’empreinte écologique et à développer des scénarios d’adaptation des activités humaines sur l’océan, dans les zones côtières et sur le fleuve Saint-Laurent, dont le transport maritime. Autre preuve de la portée internationale de la re- cherche québécoise dans le domaine : la présence à Montréal de Future Earth. Cette organisation scienti- fique, qui réunit des dizaines de milliers de chercheurs du monde autour des enjeux des changements clima- tiques, a installé en 2015 l’un de ses cinq secrétariats dans les bureaux de l’Université Concordia. « Ce qu’on est à travailler maintenant, c’est de voir avec la direction de Future Earth comment on peut rendre leurs activités plus concrètes ici, au Québec. » Du mondial au local À l’avant-poste de la diplomatie scientifique, Rémi Quirion CHANGEMENTS CLIMATIQUES La science, de la planète au citoyen VOIR PAGE C8 : ENTRETIEN Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde : cette nouvelle, qui a fait tous les grands titres des journaux dans les derniers jours, souligne à grands traits l’importance d’agir. Les Fonds de recherche du Québec (FRQ) ont d’ailleurs ciblé les changements climatiques et le développement durable comme l’un de leurs trois grands axes de recherche prio- ritaires. Plusieurs chercheurs sont donc à pied d’œuvre. Tour d’horizon.

Changements climatiques Les chercheurs en action › documents › cahier_special › ... · les gens et de les accompagner à ne ... comprendre les changements de comportement»,

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C AHIER SPÉCIAL C LES SAMEDI 6 ET DIMANCHE 7 AVRIL 2019

RECHERCHE

Changements climatiques

Les chercheurs en action

Dans le cadre de la série de cahiers sur la re-

cherche, Le Devoir discute avec le scientifique en

chef du Québec, Rémi Quirion, des trois axes de

recherche considérés comme prioritaires par

Québec pour les prochaines années. Pour ce

deuxième entretien sur trois, il s’attarde aux dé-

fis à relever en matière de changements clima-

tiques et de développement durable.

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

Le 15 mars 2019, des milliers d’étudiants québécoismanifestent pour le climat. Ils joignent ainsi leur

voix à plusieurs jeunes autour du globe, qui ont aussiquitté leurs salles de classe pour presser les décideursd’agir dans ce dossier. Quelques jours plus tard, en en-trevue avec Le Devoir, Rémi Quirion observe que, de-puis son entrée en poste comme scientifique en chef en2011, la préoccupation pour les changements clima-tiques a pris de l’ampleur. Sur la place publique, maisaussi dans la communauté scientifique.

Dans cette dernière, la question mobilise de plus enplus. En 2018, Rémi Quirion avait soutenu le projet Leclimat, l’État et nous. À la veille de l’élection provin-ciale, cette initiative d’un groupe d’experts universi-taires consistait à lancer une réflexion sur une révisiondu modèle de gouvernance en matière d’environne-ment au Québec.

Les changements climatiques figuraient déjà parmiles enjeux le plus souvent évoqués par les chercheurs,lorsque Rémi Quirion avait pris leur pouls en début demandat pour connaître les défis de la société québé-coise auxquels la recherche devrait répondre de ma-nière prioritaire. Mais l’intérêt semble s’être accru dansl’ensemble des milieux de recherche, observe le scien-

tifique en chef. « Avant, il était concentré chez les ex-perts du climat, observe-t-il. Mais maintenant, c’estbeaucoup plus large, et on le trouve aussi parmi deschercheurs spécialisés dans les questions légales, degouvernance ou de santé. »

Cette volonté des chercheurs de s’impliquer dans desprogrammes de recherche reliés à ces questions n’estpas unique au Québec. « C’est vrai ici comme un peupartout à travers le monde», remarque-t-il.

Enjeu sans frontièresL’enjeu des changements climatiques, justement, n’apas de frontière et incite les scientifiques du monde àcollaborer. Le 14 janvier dernier, les Fonds de re-cherche du Québec (FRQ) sous sa gouverne ont lancéun appel à projets de recherche sur la mer, mené avecl’Agence nationale de la recherche (ANR) de France. Lebut ? Financer des équipes composées de chercheursdes deux côtés de l’Atlantique. Leurs travaux devront ai-der à caractériser l’impact environnemental, à diminuerl’empreinte écologique et à développer des scénariosd’adaptation des activités humaines sur l’océan, dans leszones côtières et sur le fleuve Saint-Laurent, dont letransport maritime.

Autre preuve de la portée internationale de la re-cherche québécoise dans le domaine : la présence àMontréal de Future Earth. Cette organisation scienti-fique, qui réunit des dizaines de milliers de chercheursdu monde autour des enjeux des changements clima-tiques, a installé en 2015 l’un de ses cinq secrétariatsdans les bureaux de l’Université Concordia. « Ce qu’onest à travailler maintenant, c’est de voir avec la directionde Future Earth comment on peut rendre leurs activitésplus concrètes ici, au Québec.»

Du mondial au localÀ l’avant-poste de la diplomatie scientifique, Rémi Quirion

CHANGEMENTS CLIMATIQUES

La science, de la planète au citoyen

VOIR PAGE C8 : ENTRETIEN

Le Canada se réchauffe deux fois plus vite que le

reste du monde : cette nouvelle, qui a fait tous les

grands titres des journaux dans les derniers jours,

souligne à grands traits l’importance d’agir. Les Fonds

de recherche du Québec (FRQ) ont d’ailleurs ciblé les

changements climatiques et le développement durable

comme l’un de leurs trois grands axes de recherche prio-

ritaires. Plusieurs chercheurs sont donc à pied d’œuvre.

Tour d’horizon.

R E C H E R C H EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 6 E T D I M A N C H E 7 A V R I L 2 0 1 9C 2

L’Université de Montréal et de grandes avancées scientifiques.De la datation de l’arrivée des premiers humains en Amérique du Nord à la conception des caméras du futur télescope James-Webb en passant par la progression fulgurante de l’intelligence artificielle et les progrès de l’immunothérapie pour combattre le cancer, nos chercheurs continuent de repousser encore et toujours les frontières de la connaissance.

Pour rester au fait de leurs dernières percées : nouvelles.umontreal.ca

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

D e l’engouement pour le modede vie zéro déchet jusqu’à la si-

gnature du Pacte pour la transition,les citoyens affichent de plus en plusleur volonté de changer leurs habi-tudes et leurs choix de consomma-tion pour réduire leur empreinte éco-logique. Mais par où commencer ?Quelle est la répercussion de nosgestes? Nos décisions sont-elles réel-lement les plus adéquates pour l’en-vironnement? Il est facile de s’y per-dre, malgré les meilleures intentions.

Pour répondre à ces questions, leCentre international de référencesur le cycle de vie des produits, pro-cédés et services (CIRAIG) lance leprojet Boussole durable. Ce pro-gramme de recherche, dévoilé le22 mars dernier dans le cadre del’événement La Science des donnéesau service du développement dura-ble à HEC Montréal, vise à mieuxaccompagner les citoyens dans leurconsommation écoresponsable.

Des chercheurs de l’Université duQuébec à Montréal (UQAM), ainsique des universi tés McGil l etConcordia, sont déjà impliqués dansle projet, en plus de ceux du Centreinterdisciplinaire de recherche enopérationnalisation du développe-ment durable (CIRODD). Parmi lesautres par tenaires confirmés, oncompte le Pacte pour la transition.

Leur but : créer un outil, accessi-ble sur le Web ou par une applica-tion mobile, afin de mieux nous gui-der. Des recherches, basées surl’analyse de cycle de vie, tenteronten parallèle de raffiner la quantifica-tion des impacts environnementauxdes habitudes des individus, afin de

mieux les informer, de manière gé-nérale ou en temps réel, par l’entre-mise de cet outil. Certains calcula-teurs d’empreintes écologiquesexistent déjà, comme celui du Glo-bal Footprint Network. Mais le pro-jet Boussole durable souhaite allerplus loin et ne pas seulement tenircompte des ressources utilisées. « Notre première étape sera de re-garder la contribution de chaque in-dividu aux changements clima-tiques, indique Laure Patouillard,chercheuse postdoctorale à Poly-technique Montréal et coordinatricepar intérim du programme Boussoledurable. Les pas suivants seront deregarder la répercussion sur d’au-tres problèmes environnementaux,la santé humaine, la qualité des éco-systèmes et à quel point on dépasseles limites planétaires. »

De plus, l’outil sera adapté aux parti-cularités québécoises. La consom-mation énergétique, en raison del’hydroélectricité, génère beaucoupmoins de GES ici que dans les paysoù elle dépend des énergies fossiles.« Notre mode de vie est très nord-américain : on consomme énormé-ment de choses pas forcément fabri-

quées au Québec avec de l’hydro-électricité », soulève néanmoins Cé-cile Bulle, professeure au Départe-ment de stratégie, responsabilité so-ciale et environnementale à l’Écoledes sc iences de la gest ion del’UQAM et aussi coordonnatrice parintérim du programme Boussole du-rable. « La consommation, au Qué-bec, c’est probablement le meilleurendroit pour réduire notre em-preinte carbone.»

L’outil, souhaite-t-elle, aidera lesc o n s o m m a t e u r s à p r e n d r econscience que certains choix, quisemblent intuitivement moins pol-luants, génèrent en fait des répercus-sions invisibles, mais tout aussi dom-mageables, ailleurs dans le cycle devie. «L’idée, c’est vraiment d’aiguillerles gens et de les accompagner à nepas trouver de fausses solutions.»

Changer les comportementsLe programme s’attaquera aussi audéfi de mieux éduquer le grand pu-blic sur ces enjeux complexes.« C’est aussi une occasion de mieuxcomprendre les changements decompor tement », dit celle qui estaussi présidente de PolyCarbone.Cet organisme à but non lucratif dé-veloppe une application pour inciterla communauté universitaire àadopter des comportements pourréduire ses GES. « On a encorebeaucoup de recherches à fairepour comprendre les leviers quisuscitent des changements descomportements efficaces, éthiqueset durables. »

Les données amassées à traversla Boussole durable devraient pou-voir éclairer cette dimension. C’estnéanmoins pourquoi le programmede recherche s’accompagne de toutun volet sur l’éthique de la gestiondes données. « Les données sur lecompor tement des gens, ce sontdes données très sensibles, concèdeCécile Bulle. Comment créer des al-gorithmes respectueux de la vie pri-vée ? Et comment utiliser certainesdonnées ou à terme l’intelligence ar-tificielle pour accompagner de ma-nière plus efficace les gens dans cechangement ? » Le programmeBoussole durable abordera cesquestions, afin de bien utiliser lesoutils numériques dans cette transi-tion écologique.

Guider nos pas pour réduire notre empreinte

GRAND NORD

Le canaridans la mine

« L’idée, c’est vraimentd’aiguiller les gens et de lesaccompagner à ne pas trouverde fausses solutions »

C A T H E R I N E C O U T U R I E R

Collaboration spéciale

À l’heure des changements cli-matiques qui s’accélèrent, la

recherche dans le Nord s’avère unprécieux baromètre pour mieuxcomprendre les bouleversementsà venir. Le Centre d’études nor-diques est aux premières logesdepuis 55 ans.

Le Centre d’études nordiques(CEN) est un centre interuniversi-taire partagé entre l’Université La-val, l’Université du Québec à Ri-mouski et le Centre Eau, Terre etEnvironnement de l’Institut nationalde la recherche scientifique multi-disciplinaire qui regroupe des biolo-gistes, des géographes, des géo-logues, des ingénieurs et autres spé-cialistes de l’environnement. « LeCEN est un centre très diversifié »,nous dit à l’autre bout du fil GillesGauthier, directeur scientifique.

« J’ai connu le CEN comme étu-diant au baccalauréat à Laval et j’ensuis membre depuis que je suisjeune professeur. J’ai vécu plusieursmoutures ! » raconte Michel Allard,professeur de géographie à l’Univer-sité Laval. Aujourd’hui, le Centrecompte 300 membres (chercheurs,étudiants des cycles supérieurs, pro-fessionnels de recherche, sta-giaires, etc.) et plusieurs infrastruc-tures de recherche.

Fonte du pergélisol Les recherches du CEN s’intéres-sent aux impacts concrets des chan-

L’équipe quiétudie lesplectrophanes en sortie dans lavallée du camp 1sur l’île Bylot, à larecherche de nids.DAVID GASPARD CEN

gements de l’environnement sur lescommunautés nordiques. « Unexemple de suivi qui se fait par noschercheurs est celui de la fonte dupergélisol », illustre Gilles Gauthier.Cette fonte a une foule d’impacts,dont plusieurs sur l’aménagementdes habitations et des infrastruc-tures. Ceux sur les pistes d’atterris-sage ne sont pas à négliger. « Il nefaut pas oublier qu’il n’y a pas deroute qui relie les villages du Nuna-vik», ajoute Michel Allard. Les aéro-ports sont donc un lien crucial entreles communautés isolées.

Les chercheurs du CEN surveil-lent ainsi l ’évolution des consé-quences de la fonte du pergélisolsur les pistes, pour pouvoir atténuerleurs effets. La communauté d’Iqa-luit, plaque tournante au Nunavut, ad’ailleurs récemment demandé auxchercheurs du CEN de se penchersur ce problème en vue de la réno-vation de leur aéroport.

Travailler main dans la mainPar ailleurs, le temps des recherchesen vase clos par des chercheurs ve-nus du «Sud» est révolu, affirme Mi-

chel Allard: «Les gouvernements au-tochtones, au Québec, au Labradorou au Nunavut, veulent être parte-naires et avoir un mot à dire dans ladéf ini t ion des pr ior i tés de re -cherche.» Les communautés souhai-tent que les études aient des retom-bées positives localement, le tout évi-demment dans le respect de leur cul-ture. « Ils veulent qu’on écoute cequ’ils ont à dire », poursuit le géo-graphe qui travaille en collaborationavec les communautés nordiques de-puis le milieu des années 1980.

Des Inuits du Nunavut voudraientpar exemple savoir si les œufs sau-vages qu’ils récoltent à l’île Bylotcontiennent des contaminants. «Lescontaminants restent un sujet préoc-

cupant pour les communautés dansle Nord, surtout par rapport au dé-veloppement et aux phénomènesnaturels qui peuvent contribuer àleur augmentation », explique GillesGauthier qui est lui-même biologisteet spécialiste de la faune nordique.

Les collaborations avec les com-munautés locales se font égalementdu côté de la formation. La nouvellestation de recherche du CEN à Kan-giqsualujjuaq est ainsi en partie gé-rée par les Inuits, et des profession-nels locaux ont été formés. «Nous yfaisons la surveillance de la qualitéde l’eau potable, qui pourrait être af-fectée par le dégel du pergélisol, etpar les futurs développements mi-niers», résume Gilles Gauthier.

Recherche coûteuse, mais essentielleFaire de la recherche dans le Nordn’est pas une mince af faire. « Çacoûte très cher. Juste pour s’y ren-dre en avion, c’est 2 ou 3 fois pluscoûteux que d’aller en Europe», rap-pelle le professeur Allard. S’ajoutentensuite les coûts de la vie, de l’équi-pement, des déplacements sur

place. LE CEN met à la dispositionde ses quelque 70 chercheurs plu-sieurs infrastructures, dont des sta-tions de recherche basées dans desvillages nordiques, des laboratoiresspécialisés, de l’équipement et desprofessionnels de recherche.

Mais le financement de la re-cherche dans le Nord est présente-ment en transition, af firme GillesGauthier : « On a eu quelquesbelles années, mais on est un peuen période de flottement, autant ducôté du fédéral que du provincial. »Or, l’étude des changements quesubit le Nord est aussi bénéfiquepour le reste du Québec. « Ça dé-passe largement l’impact sur la vied e s g e n s d u N o r d , e x p l i q u eM. Gauthier. La fonte du pergélisolaffecte par exemple le relâchementdes gaz à ef fet de serre qui ont àleur tour des impacts directs sur leclimat, et crée des mares et de l’ac-tivité microbiennes. »

« Le Nord, la toundra, le désertarctique sont immenses… conclutpour sa part Michel Allard. C’est unécosystème dont la planète a besoin.On ne peut pas passer à côté. »

R E C H E R C H EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 6 E T D I M A N C H E 7 A V R I L 2 0 1 9 C 3

NOTRE

LARECHERCHE

MOTEUR

« Le Nord, la toundra, le désert arctique sontimmenses… C’est unécosystème dont la planète a besoin. On ne peut paspasser à côté. »

Camp principal de la station de recherchedu Centre d’études nordiques à l’île BylotANDRÉANNE BEARDSELL CEN

Vallée des hoodoos, île BylotANDRÉANNE BEARDSELL CEN

Et si nous faisions un petit exer-cice ? Mettez vos deux mains

devant vos yeux. À première vue,vous diriez qu’elles sont identiques.Mais en réalité, l’une est l’imagemiroir de l’autre.

« C’est la même chose pour cer-taines molécules, explique StevenLaplante. Cette dissemblance entredeux molécules composées desmêmes atomes mais disposés diffé-remment, on appelle ça la chiralité.On parle aussi parfois d’impuretés. »

Deux molécules peuvent ainsiavoir la même composition chi-mique, mais, parce qu’elles sont chi-rales, avoir des effets très différents.

« C’est le cas avec les atropiso-mères, poursuit le chercheur. Ils’agit là d’un type particulier de chi-ralité très difficilement détectable,car on a vraiment l’impression quece sont des molécules identiques.Le problème, c’est que l’une desmolécules peut très bien soigner,mais que sa chiralité peut en re-vanche tuer, ou du moins avoir deseffets irrémédiables. »

Principe de précautionC’est ce qui s’est passé avec la thali-domide, un médicament utilisé dansles années 1950 et 1960 en Europe etau Canada, comme sédatif et anti-nauséeux, notamment chez lesfemmes enceintes. Jusqu’à ce quel’on découvre qu’il provoquait degraves malformations congénitaleset qu’on le retire du marché en 1961.

« Pour éviter ces drames, durantdes années, les compagnies pharma-ceutiques ont préféré appliquer leprincipe de précaution et stopper ledéveloppement de certains médica-ments sans réellement comprendrepourquoi les ef fets des moléculesétaient dif férents en laboratoire etlors des études cliniques », indiqueM. Laplante.

Une situation que regrette le cher-cheur, car cer taines de ces molé-cules avaient été développées poursoigner des cancers, le VIH ou en-core le diabète, et pourraient sauverdes vies si seulement on comprenaitce qui ne fonctionnait pas. Dans les

R E C H E R C H EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 6 E T D I M A N C H E 7 A V R I L 2 0 1 9C 4

CONCORDIA .CA/RECHERCHE

LUTTER CONTRE DES MALADIES DÉVASTATRICES Nous concevons des labos sur puce qui servent à créer de nouveaux organismes pour traiter les maladies importantes.

LA BIOLOGIE SYNTHÉTIQUE

T19-54

394

Pendant des années, de très nom-

breuses molécules ayant un po-

tentiel thérapeutique ont été

écartées par les pharmaceu-

tiques. Une de leur propriété

était mal comprise et avait mené

à des drames. Jusqu’à ce que les

découvertes de Steven Laplante,

chercheur en chimie médicinale

et innovation pharmacologique à

l’Institut national de la recherche

scientifique (INRS), permettent

de les réhabiliter et de faire ainsi

progresser la lutte contre cer-

taines maladies graves.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

INRS

La fabuleuse histoire des atropisomères

Déconstruire le pont Champlain en valorisantles matériaux

Qui dit nouveau pont Champlain dit aussi démolition de l’ancien, ou plutôtdéconstruction. Parce qu’il ne s’agit pas de le faire sauter à l’explosif, maisbien de le faire disparaître en respectant l’environnement et en récupérantles matériaux de manière appropriée, ce qui n’est pas sans présenter cer-tains défis. Le pont passe en effet au-dessus du fleuve Saint-Laurent, écosys-tème très riche qu’il faut protéger. En s’inspirant des principes de l’économiecirculaire, la société Les ponts Jacques-Cartier et Champlain incorporée(PJCCI) s’engage dans la réalisation de programmes de développement du-rable, avec notamment la récupération et la réutilisation des matériaux enprovenance du pont inauguré en 1962. Le nouveau pont Champlain sera ou-vert au plus tard en juin et la déconstruction de l’ancien démarrera d’ici lafin de l’année.

Le MaaS, nouveau Graal du voyageur urbain

Le «MaaS» (Mobility as a Service) : les acteurs de la mobilité n’ont plus quece mot à la bouche et, parmi eux, Catherine Kargas, vice-présidente deMarcon Canada, firme de conseil spécialisée en recherche marketing. Leschangements dans la mobilité (électrification, partage, automatisation, mul-timodalité, etc.) sont au cœur de ses travaux depuis plusieurs années. Selonelle, nous nous trouvons aujourd’hui en face de problèmes qui nécessitentde revoir la mobilité urbaine, et l’électrification des transports, combinée àla technologie de téléphones intelligents et d’intelligence artificielle, facili-teront la transition vers une mobilité plus durable. La solution? La mise enplace notamment d’applications de type MaaS. Il s’agit de simplifier la viedes utilisateurs en réunissant sur une même plateforme les services detransports en commun d’une part, mais aussi les vélos en libre-service,taxis ou encore autopartage. L’objectif ? Que les citadins se décident enfin àlaisser leur voiture au garage.

La biométhanisation au lieu del’enfouissement

Les technologies de biométhanisation sont de plus en plus populaires auCanada et aux États-Unis dans le domaine de la gestion des matières rési-duelles, et nombre de municipalités s’y intéressent. Elles permettent en ef-fet de détourner les matières organiques des sites d’enfouissement, rédui-

Projets de développementdurable en bref

sant les émissions de GES, en plus de générer de l’électricité renouvelableet du gaz naturel renouvelable, ce qui leur donne un avantage sur le com-postage. Marie-France Gravelle est ingénieure en environnement. En tantqu’associée au sein du bureau de GHD à Montréal, elle travaille à décelerles meilleures technologies pour atteindre les résultats attendus tant en ma-tière de rendement que de coûts.

Valoriser le textile usagé

Saviez-vous que l’industrie de la mode arrive au deuxième rang des indus-tries les plus polluantes au monde (la première étant l’industrie pétrolière)?Et que la dégradation des textiles en site d’enfouissement peut prendre plu-sieurs centaines d’années? Certex est un des plus grands centres de traite-ment des textiles usagés au Québec. Grâce à des solutions innovantes, socia-lement et sur le plan de l’environnement, il atteint un taux de valorisation de90% des déchets et se positionne aujourd’hui comme un acteur incontourna-ble du milieu. Son modèle est fondé sur l’économie circulaire.

Vers des chaussées plus résilientes

La construction d’infrastructures routières perturbe inévitablement le mi-lieu naturel. Une perturbation accentuée par les changements climatiques,notamment dans les régions dans lesquelles le sol était jusque-là gelé enpermanence, comme dans le nord du Québec. La chaleur absorbée par unrevêtement routier foncé contribue en effet à réchauffer le sol. L’équipe deChantal Lemieux, coordinatrice de recherche au Département de génie ci-vil à l’Université Laval, a trouvé une solution à ce problème. Il s’agit d’utili-ser des matériaux de revêtement qui réduisent l’absorption de la radiationsolaire, les rendant ainsi plus résilients. Des résultats de recherche utilisésaujourd’hui en contexte municipal afin de contrer les îlots de chaleur.

Végétaliser les bâtiments urbains

Le développement urbain exerce une pression grandissante sur la viabilitédes milieux naturels et compromet directement la qualité des milieux devie. En témoignent plusieurs problèmes liés aux phénomènes d’îlots dechaleur urbains, à la gestion des eaux pluviales ainsi qu’à la perte de biodi-versité et la perturbation des écosystèmes. De plus en plus, le déploiementde stratégies comme celles liées au verdissement se multiplient dans lesvilles afin d’atténuer les effets négatifs occasionnés par ces enjeux. Diplôméd’une maîtrise en gestion de l’environnement et développement durable àl’Université de Sherbrooke, Pierre-André Lebeuf est aujourd’hui chargé deprojets au développement durable pour SOPREMA Canada. Son travaild’analyse ainsi qu’une enquête terrain ont permis de démontrer que l’appli-cation des phytotechnologies sur les bâtiments urbains, peut s’avérer béné-fique pour les organisations, tant sur le plan environnemental que du pointde vue économique et social.

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

THO

MAS

KEL

LEY

UN

SPLA

SH

H É L È N E R O U L O T - G A N Z M A N N

Collaboration spéciale

L e réseau Villes Autrement, uneinitiative de plusieurs profes-

seurs de l’UQAM, s’est donné lamission de contrer ce fléau grâceaux usages transitoires. Il vient derempor ter le prix Étincelle auconcours de l’idée à l’innovation,lancé par l’Université pour valoriserla contribution de ses professeurs àla bonne marche de la société.

Qu’est-ce qu’un usage transitoire ?Il s’agit d’une forme d’occupation àprix modique en attendant une fu-ture affectation ou la démolition dubâtiment. Cela permet le maintiendu bâtiment puisque les occupantsen prennent soin, tout en proposantdes espaces de coworking à basloyers pour des travailleurs auto-nomes et autres organismes com-munautaires qui n’auraient pas lesmoyens de s’offrir des bureaux au-trement, et en favorisant le dyna-misme économique et social d’unquartier qui, sans cela, serait plusou moins déserté.

« Pour nous, tout a commencéavec le projet Young, dans Grif fin-town, raconte Sylvain Lefebvre, pro-fesseur au Département de géogra-phie de l’UQAM. Nous avons été ap-prochés par l’OBNL Entremise afinde réaliser une évaluation de ce pro-jet consistant à permettre l’occupa-tion temporaire d’un bâtiment in-dustriel municipal situé au 204 de larue Young. Les résultats de cette

première évaluation seront publiésd’ici deux mois, mais de là a émanél’idée d’aller encore plus loin. »

Quartier des spectaclesAller encore plus loin, en menant cemême type de projet à l’échelle detout un quartier, en l’occurrence ce-lui des spectacles, qui compte ungrand nombre de bâtiments vacants,et au cœur duquel l’UQAM s’inscrit.

« L’UQAM célèbre ses cinquanteans cette année, note M. Lefebvre.Ce serait un beau cadeau à se faireque de devenir la première univer-sité à prendre le virage transitoire. Ils’agit, d’une part, de regarder dansson parc immobilier les espaces etles locaux qui pourraient se prêter àun usage transitoire dans l’attented’une réaffectation ou d’une mise envaleur future. De l’autre, de réaliserun inventaire exhaustif de la va-cance dans le quartier des specta-cles afin, à terme, de développer desespaces transitoires. »

Ainsi est né le réseau Villes Autre-ment, qui regroupe à la fois des pro-fesseurs et des étudiants issus deplusieurs départements — géogra-phie, études urbaines et touris-tiques, école de design, etc. —, maisaussi des OBNL par tenaires, telsqu’Entremise, des organismes com-munautaires et des experts.

«Tout cela reste encore à détermi-ner, car nous n’en sommes vraimentqu’au tout début, indique le profes-seur de géographie. Mais nous sa-vons déjà que notre projet s’articuleraen trois phases. La première, qui dé-

marrera dès cet été, consiste à fairel’inventaire. La deuxième, et c’est làque les chercheurs entrent en scène,a pour objectif, de penser à un scéna-rio de mise en valeur de la vacance.Et la troisième, plus concrète, seconcentrera sur la gestion de la miseen valeur de cette vacance.»

Projet interactifUn scénario qui devra répondreaux besoins du quar tier et biens’intégrer dans l’espace existant.Un scénario à géométrie variable,puisque tous les espaces ne peu-vent avoir le même type d’utilisa-tion. Mais au bout du compte, Syl-

vain Lefebvre insiste sur l’impactéconomique et social d’un tel projetd’envergure.

« Retombées sociales sur les per-sonnes qui s’impliquent et qui vonthabiter ces l ieux, précise- t - i l .Comme retombées économiques,on peut parler du manque à gagnerde taxes pour la Ville lorsque les es-paces sont vacants. Et puis, il y acette idée d’être au tout début d’unmouvement qu i peut f a i r e degrandes et belles choses. Certainsbâtiments, initialement destinés àêtre détruits, peuvent se voir réaf-fectés parce que leur mise en valeuraura fait changer le propriétaire

d’avis ou parce qu’on aura soulignéleur valeur patrimoniale. »

Dès le mois de septembre, leséquipes du réseau Villes autrements’installeront au cœur du quartierdans un local à usage transitoire.

« Le réseau Villes autrement seraainsi localisé dans l’espace Villes au-trement, conclut-il. Il aura pignonsur rue. C’est ici que tout le travailde recherche sera exécuté. Il y auraun caractère interactif avec la rue,avec les gens du quartier. Il y a déjàun enthousiasme au sein de l’Uni-versité. L’idée maintenant, c’est decréer ce même engouement dans lequartier, sur le terrain. »

R E C H E R C H EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 6 E T D I M A N C H E 7 A V R I L 2 0 1 9 C 5

Les grandes idées n’arrivent jamais trop tôt35 programmes en lien avec la prévention en santé pour avoir un impact qui fait du bien.

etudier.uqam.ca

Quelque 1000 bâtiments vacants ont été recensés l’an passé à Mont-

réal. Et cela, sans compter ceux qui sont largement sous-utilisés et qui

comptent notamment des vitrines, des locaux, des étages vacants. Or,

cette situation engendre des problèmes. Pour les propriétaires, qui

doivent les garder en état et les sécuriser, par exemple. Mais égale-

ment à l’échelle du quartier parce qu’il y a souvent un effet domino.

Un bâtiment vacant en entraîne souvent un autre, puis encore un au-

tre et ainsi de suite.

CONCOURS DE L’IDÉE À L’INNOVATION

Le prix Étincelle pour un projet d’urbanisme transitoire

Le chercheurSteven Laplantedans sonlaboratoireINRS

années 2000, il entre en contact avecla Food and Drug Administration(FDA), l’agence américaine des pro-duits alimentaires et médicamen-teux, afin de connaître la réglemen-tation en matière de chiralité.

« Je me demandais si les critères desécurité de la FDA permettaient queles molécules présentent 1% d’impu-retés ou peut-être seulement 0,1 %,raconte-t-il. Et je me suis renducompte qu’il n’y avait aucune régle-mentation en la matière. C’est un su-jet qui n’existait pas. »

Interpellée, la FDA décide alorsde se pencher sur la question etmandate Steven Laplante afin qu’ilformule des recommandations.C’est chose faite en 2011. La publi-cation du chercheur sur le sujetest devenue depuis la référence enla matière.

« Au cours de mes recherches, jeme suis rendu compte que c’estlorsque l’on compacte les moléculesque la chiralité apparaît, explique-t-il. Les chercheurs travaillent en ef-fet en laboratoire à grande échelleavant de réduire les molécules pouren faire des médicaments. Or, nonseulement nous avons tout à fait lesmoyens de savoir avant le compac-tage si une forme de chiralité detype atropisomère est susceptibled’apparaître plus tard dans le pro-cessus, mais il y a par fois desmoyens, chimiquement, de contrerla modification de la molécule, tantque celle-ci n’est pas compacte. »

Nouveaux médicamentsEt lorsque cela n’est pas possible, ily a toujours moyen de tester en la-boratoire, avant l’étude clinique,quels types d’effets secondaires im-plique la modification de la molé-cule et donc quel groupe de per-sonnes serait à risque.

La publication de Steven Laplantene passe donc pas inaperçue dans lemonde de l’industrie pharmaceu-tique. Il est invité à plusieurs confé-rences et congrès aux États-Unis etailleurs dans le monde.

« Ça coûte cher à une compagniede développer des moléculesjusqu’à l’étude clinique et d’aban-donner le développement du médi-cament à ce moment-là, explique-t-il.Beaucoup de molécules puissanteset prometteuses avaient été laisséessur la glace. Mes découvertes per-mettaient aux pharmaceutiques deles reprendre, de revenir un peu enarrière pour faire les tests appro-priés. En prévoyant ainsi le pro-blème, elles ont été en mesure par-fois de gérer la future modificationet de poursuivre le développementd’un nouveau médicament. »

S’il est difficile de mesurer les ré-percussions des découvertes de Ste-ven Laplante, le chercheur assureque certains médicaments nouvelle-ment arrivés sur le marché contreles cancers, le VIH ou le diabètesont le fruit de ses travaux.

La thalidomide est d’ailleurs elle-même de nouveau utilisée de façoncontrôlée pour lutter contre un cer-tain type de cancer du sang.

« Beaucoup de moléculespuissantes et prometteusesavaient été laissées sur laglace. ùdécouvertespermettaient auxpharmaceutiques de lesreprendre, de revenir un peuen arrière pour faire les testsappropriés. »

Le projet Young, situé au 204, rue Young dans Griffintown, est le premier projet d’occupation transitoire de Montréal. Celui-ci aété lancé par le Laboratoire transitoire. Il s’agit d’un partenariat entre l’OBNL Entremise, la Ville de Montréal, la Maisond’innovation sociale et Cities for People de la Fondation McConnell.UQAM

A N N E - S O P H I E P O I R É

Collaboration spéciale

L’ Université de Sherbrooke ho-nore ses couleurs : verte dans

sa volonté d’atteindre la carboneutra-lité d’ici 2030, et or puisqu’elle esttoujours en tête des établissementsd’enseignement supérieur au Canadaquant au développement durable etaux préoccupations environnemen-tales, et ce, pour une sixième annéesur sept. Elle obtient 7750 points surune possibilité de 10 000. Sa plusproche concurrente au pays, l’Uni-versité Carleton à Ottawa, récoltequant à elle une note de 7550 pour re-joindre le 33e rang. Seules 11 univer-sités canadiennes figurent au palma-rès UI GreenMetric World Univer-sity Rankings de 2018.

Gestion de l’énergie et deschangements climatiquesParmi les 719 universités de 81 paysayant pris part au classement, quicompare les mesures saisies afin de

favoriser un développement durablede leurs campus ainsi que leur admi-nistration des enjeux environnemen-taux, c’est sur le plan de la gestionde l’énergie et des changements cli-matiques que l’UdeS se distingue.Elle atteint le 12e rang mondial dansla catégorie.

Ses émissions de gaz à ef fet deserre (GES) liées aux bâtiments ontdiminué de 29,2 % en 2017-2018 parrapport à 1990-1991, année de réfé-rence du protocole de Kyoto, mal-gré une augmentation de plus de63,7 % de son effectif étudiant et de117,6 % de sa superficie. L’intensitéénergétique du parc immobilier deses trois campus en 2017-2018 a étéréduite de 40,6 % par rapport à 2002-2003, année marquant le début desmesures d’ef ficacité énergétiquepar l’embauche d’un directeur de ladivision ingénierie au Service desimmeubles, notamment. Sans par-ler du programme de libre accès autransport en commun, du compos-tage global instauré il y a 15 ans oudu bannissement des ustensiles de

plastique et des bouteilles d’eau àusage unique.

Les sources d’énergie renouvela-ble sont aussi bien nombreuses surle campus : géothermie, récupéra-tion de l’énergie par la ventilation etle refroidissement, utilisation de lalumière naturelle et de cellules pho-tovoltaïques… « Nous avons déve-loppé une expertise à l’interne », ex-plique Denyse Rémillard, profes-seure et vice-rectrice à l’administra-tion et au développement durablede l’Université de Sherbrooke. En2007 était institué ce premier vice-rectorat au Canada.

L’UdeS s’apprête à mettre eno p é r a t i o n l e p l u s g r a n d p a r cd ’ é n e r g i e s o l a i r e p o u r l a r e -cherche et l’innovation au Québec,en par tenariat avec la V il le deSherbrooke. Il vise une « électrifi-cation ef ficace ». La facture éner-gétique annuelle de l’universités’élève à près de 5 millions de dol-lars, mais sans toutes ces mesures,elle serait du double, selon lesdonnées de l’institution.

Son programme de rendementénergétique et ses actions de ré-duction et de compensation desémissions de gaz à ef fet de serre(GES) lui ont donc permis « de lar-gement dépasser les cibles natio-nales et internationales », fait va-loir Denyse Rémillard. Avec l’Ac-cord de Paris, le Canada s’est en-gagé à réduire d’ici 2030 ses émis-

sions de GES de 30 % relativementaux niveaux de 2005.

À l’Université de Sherbrooke tou-tefois, pas question de définir le dé-veloppement durable selon sastricte représentation. « Ce classe-ment est tributaire d’un ensembled’indicateurs, laisse tomber PatriceCordeau, conseiller en environne-ment et développement durable àl’Université de Sherbrooke. On intè-gre les préoccupations environne-mentales dans l’ensemble de nos ac-tivités d’enseignement, de re-cherche, de services à la collectivitéet de gestion. » Appuyé par une vo-lonté politique et des budgets géné-reux — près de deux millions dedollars sont investis annuellementpour des projets en efficacité éner-gétique, rappelle-t-il, « le développe-ment durable est global».

L’UdeS derrière un projet de loicontre l’obsolescenceLe 9 avril prochain sera déposé àl’Assemblée nationale un projet deloi pour contrer l’obsolescence pro-grammée, définie comme « toutetechnique visant sciemment à ré-duire la durée de vie d’un bien», quisuggère des ajustements législatifsà la Loi québécoise sur la protectiondu consommateur. Derrière la pro-position : le chargé de cours à la Fa-culté de droit de l’Université deSherbrooke, Jonathan Mayer, et songroupe d’étudiants, inspirés entre

autres d’initiatives similaires lan-cées en France et en Suède. Les te-nants et aboutissants du projet deloi demeurent cependant confiden-tiels jusqu’à son dépôt.

Une pétition soutenant le projet dé-nombre quelque 45 000 signatures,et le projet a « l’appui unanime detous les par tis de l’opposition, in-dique Jonathan Mayer. Il est parrainépar le député indépendant de Chome-dey, Guy Ouellet. Nous avions un al-lié à l’Assemblée nationale».

Si l’environnement est une com-pétence partagée entre les paliersfédéral et provincial, la protectiondu consommateur demeure l’apa-nage de Québec. « En abordant leprojet sous l’angle de la protectiondu consommateur, on s’évitait biendes bâtons dans les roues », préciseJonathan Mayer.

Deuxième volet de l’obsolescenceprogrammée: le droit à la réparation,sur lequel plusieurs multinationalescomme Apple détiennent le mono-pole, risque d’être reconnu par l’As-semblée nationale, selon le chargé decours. Le principe devrait être démo-cratisé dans un objectif de développe-ment durable et de décroissance, af-firme-t-il. « On transforme des res-sources, on gaspille de l’énergie et ongénère des tonnes de rebuts électro-niques, prévient Jonathan Mayer. Lesfabricants devraient être tenus defournir les outils pour la réparation,et à un prix raisonnable.»

R E C H E R C H EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 6 E T D I M A N C H E 7 A V R I L 2 0 1 9C 6

Les cycles de gel et dégel, plus

fréquents avec les changements

climatiques, contribuent à une

déformation des chaussées qui

rend plus ardu le passage des vé-

hicules et diminue leur durée de

vie. L’incorporation de verre recy-

clé dans leur conception pourrait

accroître leur résistance au gel et

leur durabilité. Les résultats sont

jusqu’ici encourageants.

S T É P H A N E G A G N É

Collaboration spéciale

D’ octobre 2017 à janvier 2019,des granules de verre recyclé

d’une grosseur de 0 à 12mm ont étéajoutés autour d’une conduited’aqueduc dans une section deroute de la ville de Chandler. Grâceà différents instruments de mesure,il a été démontré que cet ajout avaitagi comme une barrière thermique,empêchant la chaleur du sol de re-monter à la surface et le gel d’attein-dre la canalisation. La différence detempérature, en comparaison avecles matériaux conventionnels, varie-rait de 4 à 6 degrés Celsius.

Cet ef fet isolant du verre a per-mis aussi au sol au-dessus de lacouche de verre de geler plus rapi-dement (en comparaison avec lapierre calcaire, utilisée habituelle-ment à cette fin). Le sol a ainsi accu-mulé moins d’eau, ce qui a limité laformation de lentilles de glace, unesource de déformation et de soulè-vement des routes l’hiver. Des phé-

nomènes qui ont pour effet de créerdes fissures dans le revêtement etde provoquer une détérioration plusrapide des routes.

Ce test a été réalisé dans le cadred’un programme de recherchemené par le Laboratoire sur leschaussées et matériaux bitumineux(LCMB) de l’École de technologiesupérieure (ETS). Michel Vaillan-cour t, professeur à l’ETS, et sonéquipe qui y travaillait s’intéressentdepuis des années au sujet. Éco En-treprises Québec (EEQ), par sonplan « Verre l’innovation », étaitaussi associée au projet. La pré-sence d’EEQ était logique puisquel’une des missions de l’organismeconsiste à accroître les débouchéspour le verre recyclé issu de la col-lecte sélective.

Une technique éprouvéeL’usage du verre dans les chausséesn’est pas nouveau. Plusieurs pays,dont les États-Unis, l’utilisent (ex. :Minnesota, New Hampshire) ainsique des régions éloignées ou iso-lées, de même que certaines îles,comme l’île du Prince-Édouard.

Le verre a aussi d’autres béné-fices. « L’incorporation de 20 % deverre recyclé permet de réduired’environ 4 % l’usage du bitume, cequi entraîne une réduction de gaz àef fet de serre et des économiesd’énergie », af firme le professeurVaillancourt, qui mentionne toute-fois que ces économies n’ont pas en-core été quantifiées.

Le verre a aussi un autre avan-tage : il est plus drainant que les ma-tériaux traditionnels comme lapierre calcaire. « Un meilleur drai-

nage réduit l’accumulation d’eau, cequi se traduit par moins de pro-blèmes liés au gel », poursuit le pro-fesseur-chercheur.

Chose importante, le verre utiliséest le moins traité possible. « Unverre en poudre demanderait untraitement plus avancé, donc pluscoûteux et aussi plus énergivore »,dit M. Vaillancourt.

Le verre, un allié pour le climat ?En ville, l’usage d’un verre pluspâle pourrait aussi jouer un rôlepositif dans la réduction des îlotsde chaleur. C’est que les chausséesactuelles sont faites avec des maté-riaux foncés qui absorbent la cha-leur et contribuent à l’augmentationde la température ambiante. « Deschercheurs travaillent à tester desbitumes plus clairs composés degranulats plus pâles, dit M. Vaillan-court. Dans cette optique, le verrepourrait être utilisé comme élémentréfléchissant, et les villes pourraienten tirer de grands bénéfices. »

Parmi les autres recherches encours au LCMB de l’ETS, on évaluel’impact de l’ajout d’enrobés recy-clés dans des enrobés bitumineux àchaud, on teste un enrobé avec uneteneur réduite en bitume qui auraitune résistance accrue à l’orniérageet on évalue diverses techniques deproduction d’enrobés tièdes et semi-tièdes afin de trouver des formula-tions optimales.

D’autres essais à venir« Bien que le ministère des Trans-ports du Québec (MTQ) accepte en-core peu de matériaux recyclés[dont le verre] dans les chaussées

sous sa responsabilité, les villessont très réceptives à tester le pro-duit sur leurs routes, » dit M. Vail-lancourt. C’est le cas notamment dela Ville de Montréal, qui possèdedes milliers de kilomètres de ruesvulnérables au gel-dégel. « Uneplanche d’essai devrait avoir lieu en2020 sur le boulevard Saint-Joseph,poursuit M. Vaillancour t. Noussommes toutefois à la recherched’un fournisseur capable de nousalimenter en verre recyclé en quan-tité suffisante, avec la granulométrieque nous recherchons.»

Bientôt plus de verre dans nos routes et nos rues?

Depuis l’établissement de sa maîtrise en environnement en 1974,

l’Université de Sherbrooke (UdeS) applique les principes du dévelop-

pement durable à l’ensemble de ses activités, dans une perspective in-

terdisciplinaire et transfacultaire. En se hissant au 22e rang mondial

du plus récent UI GreenMetric World University Rankings, elle

conserve son titre de championne des universités canadiennes en la

matière.

UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

Global et interdisciplinaire, le développement durable

L’Université de Sherbrooke multiplie les initiatives vertes.MICHEL CARON UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

L’ajout de granules de verre recyclé autourd’une conduite d’aqueduc agit comme unebarrière thermique, empêchant la chaleurdu sol de remonter à la surface, et le geld’atteindre la canalisation.MICHEL VAILLANCOURT

R E C H E R C H EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 6 E T D I M A N C H E 7 A V R I L 2 0 1 9 C 7

#idneuf4

B U C A R E S T 18 19 20 21 JUIN 2019B U C A R E S T 18B U C A R E S T 19 20 2019JUIN21

#idneuf4

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

Collaboration spéciale

L es sites contaminés de Montréal,des terreaux fertiles pour rendre

la ville plus résiliente aux change-ments climatiques ? Cette perspec-tive de Maxime Fortin Faubert, étu-diant au doctorat en biologie à l’Uni-versité de Montréal, peut paraîtresaugrenue aux premiers abords,mais se révèle logique.

Depuis janvier dernier, le cher-cheur a commencé à brosser un por-trait des terrains contaminés laissésà l’abandon sur l’île de Montréal etcherche à repérer ceux qui contri-buent le plus aux îlots de chaleur.Pour réaliser ce travail, il a reçu unebourse de 50 000 $ de la part de laFondation David Suzuki. Son sou-hait ? Trouver lesquels seraient lesplus propices à la plantation de végé-taux, capable de manière naturellede dépolluer les sols.

« Ce que je vois dans les terrainscontaminés vacants, c’est une occa-sion de revégétaliser, puis de faire dela phytoremédiation en même tempsque de fournir des services écosysté-miques à la ville pour qu’elle s’adapteaux changements climatiques. » Laphytoremédiation consiste justementà purifier ou décontaminer l’eau, lesol ou l’air à l’aide de végétaux. AuQuébec, les saules se révèlent parti-culièrement ef ficaces pour cettetâche. Ses racines peuvent extrairedu sol des métaux lourds, comme lezinc, le cuivre et le cadmium, quis’accumulent ensuite dans son troncet ses feuilles, faciles à couper aubout de quelques années.

À Montréal, leur plantation dansdes îlots de chaleur permettrait dumême coup de rafraîchir la tempéra-ture, limiter les eaux de ruisselle-ment après des averses, voire poten-tiellement séquestrer un peu de car-bone. «Souvent, les terrains sont va-cants pendant tellement longtemps,observe Maxime Fortin Faubert. Sion avait planté des saules à ces en-droits il y a 15 ans, peut-être que cesterrains, en plus d’avoir fourni pleinde ser vices écosystémiques à laville, seraient décontaminés.»

Le chercheur voit dans la phytore-médiation une solution de rechangeà privilégier au «dig and dump», quiconsiste à excaver un terrain donton souhaite améliorer la valeur fon-cière pour ensuite transporter sonsol contaminé et l’enfouir à un autreendroit. En plus d’un recours coû-teux à de la machinerie, cette tech-nique « fait juste déplacer le pro-blème ailleurs », soulève-t-il. « Laphytoremédiation ne coûte vraimentpas cher : on met des végétaux, puison attend qu’ils fassent le travail. »

Allier les plantes et les champignonsEn matière de phytoremédiation,Maxime Fortin Faubert s’y connaît.En parallèle à son projet de cartogra-phie des terrains contaminés mont-

UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

Verdir des terrains pour les décontaminer

réalais, il termine un doctorat à l’Uni-versité de Montréal sur le sujet. Sousla supervision des professeurs Mi-chel Labrecque et Mohamed Hijri del’Institut de recherche en biologie vé-gétale (IRBV), rattaché à cet établis-sement d’enseignement supérieur, ila expérimenté la combinaison de laphytoremédiation et de la mycore-médiation, soit l’utilisation des cham-pignons pour dépolluer les sols. Enlaboratoire, dans des conditionscontrôlées, certains champignonsdécomposeurs dégradent efficace-ment des contaminants organiques.

Pour son doctorat, Maxime FortinFaubert a réalisé des expériencessur une friche industrielle, à Va-rennes, où il restait des traces lais-sées par l’industrie pétrochimique,comme des métaux lourds, des bi-phényles polychlorés (BPC) et deshydrocarbures aromatiques polycy-cliques (HAP). Dans une plantationde saules, il a ajouté à la base de cer-tains d’entre eux un paillis de boisraméal fragmenté. À quelques en-droits, il a fait pousser des pleurotessur ces copeaux, pour qu’ils dégra-dent des contaminants organiquesdans la foulée. Son but ? Observer siles saules et les pleurotes feraientéquipe et si leurs interactions décu-pleraient leurs capacités respectivesde décontamination.

« Faire de la mycoremédiationsur le terrain, ce n’est pas impossi-ble, mais c’est difficile, parce que le

champignon entre en compétitionavec plein d’autres microorga-nismes », souligne le chercheur.Maxime Fortin Faubert rédige ence moment sa thèse après avoir ter-miné son échantillonnage et ana-lysé les données. « Dans mon cas,on n’a pas remarqué d’ef fet béné-fique de l’ajout de champignons »,dit-il, en soulevant qu’il reste du tra-vail à accomplir pour améliorercette approche, qui a toujours beau-coup de potentiel à ses yeux.

En revanche, il a remarqué unerépercussion dans la décontamina-tion réalisée par les saules lorsquedu bois raméal fragmenté avait sim-plement été déposé à la base deleur tronc. « Que le paillis ait étéinoculé du champignon ou non, lessaules ont extrait plus de zinc. »

Il reste encore beaucoup à décou-vrir en matière de phytoremédia-tion. Son succès dépend de plu-sieurs facteurs, dont le cultivar, lacommunauté microbienne associéeaux racines, le type de sol et la du-rée durant laquelle les contaminantsont été enfouis. « On est encore àl’étape de trouver quels végétauxsont le plus ef ficaces pour quelscontaminants dans quels types desols, signale-t-il. Mais parfois, celadonne des résultats vraiment im-pressionnants. » Assez pour le per-suader que la phytoremédiationpeut agir concrètement sur les ter-rains contaminés de Montréal.

Maxime Fortin Faubert, étudiant au doctorat en biologie à l’Université de Montréal,étudie les capacités de décontamination des végétaux. En images, le terrain en fricheindustrielle à Varennes où il a mené ses expériences.PHOTOS MAXIME FORTIN FAUBERT

R E C H E R C H EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 6 E T D I M A N C H E 7 A V R I L 2 0 1 9C 8

Ce cahier promotionnel a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir avec la collaboration desannonceurs qui y figurent. La rédaction du Devoir n’a pas pris part à la production de ces contenus.

L’UQAR, une référence pour la recherche sur les changements climatiques et le développement durable L’UQAR est chef de file en matière de vulnérabilité, d’adaptation et de résilience des milieux côtiers, de l’analyse de risque jusqu’à l’implantation de solutions durables.

L’UQAR offre des programmes uniques aux trois cycles d’études, notamment en géographie, en analyse et prévention des risques naturels, en génie civil et en océanographie.

L’UQAR a fait partie à sept reprises depuis 2011 du top 3 des universités de l’année en recherche, selon la firme indépendante Research Infosource inc.

Université du Québecà Rimouski

www.uqar.ca

UNE AUTRE FAÇON

D’INNOVER.Photo : Ministère des Transports

est à même de constater les discus-sions qui ont lieu entre pays relative-ment aux changements climatiques,souvent orientées par les Objectifsdu développement durable (ODD)adoptés à l’Organisation des Nationsunies en 2015. « Les solutions neviendront pas du siège des Nationsunies, remarque néanmoins le scien-tifique en chef. De plus en plus, on serend compte que cela se joue àl’échelle locale. Il faut que les ci-toyens et les chercheurs, localement,s’impliquent. Et peut-être qu’ainsi onva pouvoir faire avancer la causeavec une recherche de qualité, maisaussi une participation citoyenne deplus en plus importante.»

Le 11 décembre 2018, les FRQont annoncé le lancement du Ré-seau inondations intersectoriel duQuébec (RIISQ). Financé à hauteurde 1,5 million sur trois ans, ce ré-

seau dirigé par Philippe Gachon,professeur à l’Université du Québecà Montréal, vise à fédérer 16 établis-sements universitaires et plus d’unetrentaine de par tenaires. Commepour les autres défis de société, lesFRQ privilégient la collaboration en-tre scientifiques de différentes disci-plines. Plus d’une centaine de cher-cheurs devraient par ticiper auRIISQ à travers des thématiques derecherche variées. Ces dernièresvont du risque d’inondation à sacommunication, en passant par lagestion et les répercussions biopsy-chosociales de tels événements ap-pelés à se produire plus fréquem-ment au Québec en raison des chan-gements climatiques. Les activitésdu réseau devraient aussi inviter lacollaboration de gouvernements etd’entreprises privées, mais aussid’acteurs de la société civile.

Car pour le scientifique en chef,seulement amener les chercheurs dedifférentes disciplines à travailler en-semble n’est pas suffisant lorsqu’ilest question du climat. C’est pour-

quoi les FRQ s’intéressent à lascience participative, une démarchequi fait appel à une contribution plusactive des citoyens et des non scienti-fiques dans les travaux de recherche.

Des ateliers ont été organisés surle sujet par les FRQ, notamment unetable ronde en mai 2018 dans le ca-dre du dernier congrès de l’Associa-tion francophone pour le savoir (Ac-fas). « On doit développer un nou-veau dialogue de ce côté, parce qu’onn’était peut-être pas habitués à faireça dans le passé. Mais on s’aperçoitque c’est ce que ça prend en ce quiconcerne les changements clima-tiques.» Il espère ainsi inciter la so-ciété civile à s’associer davantageavec les chercheurs pour améliorerles connaissances dans le domaine ettrouver de nouvelles solutions.

À voir le nombre de personnesdans la rue pour le climat le 15 marsdernier, les scientifiques ne devraientpas rencontrer trop de difficultés àtrouver des citoyens prêts à se mobi-liser dans des projets de recherchesur l’avenir de la planète.

L’idée de l’anthropocène, une nouvelle époque géologique marquée par l’activitéhumaine, gagne du terrain dans la communauté scientifique depuis quelques années.En marge du débat, Kelly Jazvac, professeure et chercheuse au Département des artsplastiques de la Faculté des beaux-arts de l’Université Concordia, documente etexpose un nouveau type de roche issu de cette nouvelle ère. Découvert pour lapremière fois sur une plage à Hawaï, le plastiglomérat est composé de fragments delave, de débris organiques et de plastique fondu. Il pourrait servir plus tard de fossileindicateur des ravages de l’homme sur son environnement.JEFF ELSTONE

Une nouvelle ère géologiqueUne diplomatie scientifique

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ENTRETIEN