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PRINTEMPS 2009 FRANCE MÉTROPOLITAINE 5 / DOM 5,80 / ALL 6,50 / BEL 5,80 / CH 10 FS / CDN $ 9,75 / ESP 5,80 / GB £ 4,5 / GR 5,80 / ITA 5,80 / JPY 2000 / LUX 5,80 / PORT 5,80 / USA $ 9,75 PHOTO : BEN LOWY Bagdad vu de la fenêtre d’un blindé américain CHANGER DE REGARD SUR LE MONDE BRUNO BARBEY JEAN-GABRIEL BARTHELEMY MARCUS BLEASDALE SARAH CARON MARIE-LAURE DE DECKER CEDRIC GERBEHAYE LAUREN GREENFIELD DIANE GRIMONET DEREK HUDSON ANTONIN KRATOCHVIL BEN LOWY CHRIS MORRIS MARC RIBOUD LA REVUE DU PHOTOJOURNALISME # 4

CHANGER DE REGARD SUR LE MONDE · 2016. 11. 6. · qui lui a tout appris. « Mon amour de la photo est né avec notre rencontre. Il photographiait avec élégance, comme si de rien

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Page 1: CHANGER DE REGARD SUR LE MONDE · 2016. 11. 6. · qui lui a tout appris. « Mon amour de la photo est né avec notre rencontre. Il photographiait avec élégance, comme si de rien

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Bagdad vu de la fenêtre d’un blindé américain

CHANGER DE REGARD SUR LE MONDE

BRUNO BARBEY JEAN-GABRIEL BARTHELEMY MARCUS BLEASDALE SARAH CARON MARIE-LAURE DE DECKER CEDRIC GERBEHAYE LAUREN GREENFIELD DIANE GRIMONET

DEREK HUDSON ANTONIN KRATOCHVIL BEN LOWY CHRIS MORRIS MARC RIBOUD

LA REVUE DU

PHOTOJOURNALISME#4

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printemps 2009 I 9

PRINTEMPS 2009

Les photographes Bruno Barbey, Jean-Gabriel Barthélemy, Marcus Bleasdale, SarahCaron, Marie-Laure de Decker, Cédric Gerbehaye, Lauren Greenfield, Diane Grimonet,Derek Hudson, Antonin Kratochvil, Ben Lowy, Christopher Morris et Marc RiboudEt Martin Argyroglo, Jérôme Baboulène, Kishanthi Bandara, Karyn Bauer, Cyril Bensimon, Christian Caujolle, Matthieu Charon, Annick Cojean, Chantal Comemale, Alice Fras, Victoire Garnier, Jean-Kenta Gauthier, Manoel de Ipanema, Anaïs Jumel, François de Labarre, Eric Larrouil, Jean-François Leroy, Astrid Merget, Alain Mingam, Patricia Morvan, Mario et Véronique Ordonez,Pascal Payen-Appenzeller, Sebastien Passedouet, Bernadette Pelletier, Jean-Pierre Perrin, Catherine Riboud, Catherine Roger, Pascale Sarfati, Muriel Simottel, Dominique VigerRemerciements à Magnum Photos, Agence VII, Agence NOOR, Agence VU’, la Fondation HenriCartier-Bresson. Et à Elliott Erwitt.Laboratoires de photographies: Central Color, Picto, Dupon.Fabrication: Le Révérend Imprimeur - Valognes, Manche ( 50) - Tél.: 0145364000.Printed in U.E / Imprimé en U.ECommission paritaire: 1210K89693.Dépôt légal: 1er trimestre 2009. ISSN: 1962 - 3488. Droits de reproduction textes et photos réservés pour tous pays.«Polka Magazine» est une publication de Polka Image. Siège social : 27, rue Jasmin 75016 Paris. SARL au capital de 34000 euros, RCS de Paris 497659094

ABONNEZ-VOUS A POLKA MAGAZINEGAGNEZ DES REFLEX ET DES CYBER-SHOTAVEC SONYTous les détails en page 113.

Parlez-moi d’images .......................10Rencontre avec Alain Genestar CHARLOTTE RAMPLING ISABELLE HUPPERT

Le mur ............................................12LES PHOTOGRAPHES DE POLKA #4

Editorial par Alain Genestar 17

Derek Hudson .....................................................................................18LE PHOTOGRAPHE ET LES CRÉATEURSpar Jean-Kenta Gauthier

VII : Morris, Greenfield, Kratochvil, Bleasdale ......................30AU PAYS D’OBAMApar François de Labarre

Ben Lowy .......................................40FENÊTRE SUR GUERREpar Jean-Pierre Perrin

Sarah Caron ....................................46LES TALIBAN SONT PARMI NOUSpar Dimitri Beck

Cédric Gerbehaye ...........................52LE CONGO SOUS UNE PLUIE D’ACIERpar Cyril Bensimon

Bruno Barbey .................................60PÊCHEUR D’ICÔNESpar Joëlle Ody

Diane Grimonet ...............................74HÔTEL SANS ÉTOILEpar Alban Denoyel

Jean-Gabriel Barthélemy .................78LA CITÉ INTERDITEpar Brigitte Bragstone

Marie-Laure de Decker ....................86ODE AUX WOODABÉS POUR UN SOIR OU POUR LA VIEpar Dimitri Beck

Marc Riboud ...................................94LE COMPAS DANS L’�ILpar Adélie de Ipanema

Polka rubriquesEnquête .........................................106PHOTOS À VENDRE par Laura Marzouk

Art ................................................110« L’ALLIANCE DU RÉEL, DU POÉTIQUE ET DU SPONTANÉ » Un entretien avec Guillaume Piens, par Edouard Genestar

Livres ............................................112

Revue de presse ............................114SARAJEVO ENTRE RAGE ET BEAUTÉ par Colum McCann

Expo...............................................115L’ « INSURGENCE » DE LAURENT VAN DER STOCKT par Jean-François Leroy

Prise de vues .................................118ET SI OBAMA PROPOSAIT UN «DEAL» AUX PHOTOGRAPHES... par Christian Caujolle

LE TRIMESTRIEL DU PHOTOJOURNALISME«Polka Magazine», 27, rue Jasmin, 75016 Paris. Tél.: 01 43 14 27 72.Directeur de la publication: Alain Genestar. [email protected]: Edouard Genestar. [email protected] Directrice éditoriale: Adélie de Ipanema. [email protected] Rédacteur en chef: Dimitri Beck. [email protected] Secrétaire générale: Brigitte Bragstone.Grands sujets: Joëlle Ody.Direction artistique: Michel Maïquez assisté de Ludovic Bourgeois.Editing: Tania Gaster Comité éditorial: Christian Caujolle, Jean Cavé, Jean-Jacques Naudet, Didier Rapaud, Reza, Marc Riboud, Sebastião Salgado.Développement: Alban Denoyel.Opérations spéciales: Victor Genestar et Gwendoline de Spéville.Publicité: Polka Régie. Tél.: 06 22 76 27 72 / 06 76 80 97 05.

www.polkamagazine.comemail: [email protected]

Prochain numéro : été 2009, en vente fin mai

MARIE-LAURE DE DECKERTchad du sud, Woodabé en tenue

de cérémonie, 2003

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10 I polka magazine #4

e ne m’y connais pas enphoto. » Au moins, c’estclair. Isabelle Huppertaime la netteté et les pho-tos floues. « La photogra-phie, c’est fait pour mon-trer, mais c’est beau

quand ça montre ce que ça cache. »D’où cette photo floue d’elle, prise parSara Moon. D’où cette autre, de dos,signée Dominique Issermann. D’oùses yeux fermés saisis par MichelComte.

Pendant deux heures, à La Close-rie des Lilas, nous avons parlé ensem-ble de ce qu’elle appelle « le mystèrede la photo ». Et elle en parle bien,avec ce mélange de franchise et de

complication! Exemple de sa fran-chise : « Je suis une amatrice de toutce que je fais, au cinéma comme enphoto. » Exemple de complication : «J’aime poser car c’est une expériencesur le vide. » Voilà, en deux phrases unportrait raccourci d’Isabelle, actricemerveilleuse qui joue naturellementdes rôles compliqués.

«Mais je ne joue jamais devantl’objectif d’un photographe.

– Allons, quand vous posez, votre attitudechange, votre regard s’éclaire, votre visage at-trape la lumière. Chaque fois, on assiste à une métamorphose.

– Oui, mais, c’est toujours mon regard. Laphoto, c’est beaucoup plus qu’un rôle, c’estmême le contraire d’un rôle. C’est une forme devérité qui, bien sûr, peut être maquillée, travestie,mais, au-delà, il y a cette vérité qui passe. »

Ainsi parle Isabelle de la photographie. En

amateur. L’amateurisme, selon elle, est la grâce,le naturel, le vide, cette « expérience de vide »,c’est-à-dire plus clairement : « L’ouverture engrand de la porte sur soi-même ; assez vite, j’aicompris que les grands photographes feraientsurgir de moi quelque chose de vrai, de simple.» Et Isabelle sait de quoi elle parle. Pas moins de75 photographes, immenses, Robert Frank, Car-tier-Bresson, Avedon, Doisneau, Lindbergh,Newton, Boubat, Nan Goldin ont franchi cette

«porte » qu’elle a ouverte pour eux. Résultat: un livre remarquable et une exposition, « La Femme aux portraits ».

«Oui, j’adore poser. J’aime êtreregardée avec une forme de toléranceet de curiosité. Chaque photo est unpoint d’interrogation. On ne sait pas cequ’elle va donner. Il n’y a aucune ré-ponse immédiate. J’aime aller à la re-cherche de ce mystère. » Mais pour-quoi avec les « grands » photographeset pas les autres, de taille plus petite ?...Par « grands », il faut entendre «bons»,et « respectueux », ceux que vous inté-ressez et qui sont attentifs à vous, cequi exclut tous ceux qui « vous harcè-lent ou vous enferment ». Jeune comé-dienne, elle se révoltait contre cesséances photo où l’on demandait auxactrices de prendre des poses de star-lettes pour calendrier. « C’était dimi-nuant. »

Souvenir des plus grands, des meilleurs, des plus respectueux?... Ellecherche. Parle de Boubat et Doisneau : « On allait dehors, je ne posais pas.J’étais un élément de leur promenade. »De Lindbergh : « Avec lui, je me sensun peu allemande. » De Roni Horn :

« Pour elle, j’ai retrouvé le sentiment intérieur de“La Dentellière” et bien d’autres films. » De LiseSarfati : « Elle m’a photographiée dans la maisonde mes parents. » Et de Cartier-Bresson: « Je mesouviens. Il est venu à la maison. On a parlé toutle temps. Il regardait comment je disais les choseset non pas ce que je disais. La séance a duré unedemi-heure. Henri a pris six photos. »

Elles étaient toutes nettes.

A.G.

J

Parlez-moi d’imagesRENCONTRE AVEC ALAIN GENESTAR

Isabelle Huppert, photographiée en 1994 par Henri Cartier-Bresson/Magnum

ISABELLE HUPPERT“OUVRIR EN GRAND LA PORTE SUR SOI-MÊME”

«

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nus, d’elle. C’est la première fois,comme en amour. « Nous étions no-vices l’un et l’autre. Moi nue, assisesur la table de la chambre, lui photo-graphiant. Trois ou quatre rouleaux,pas plus. Et j’ai commencé à compren-dre autre chose de moi, ce côté animaljustement. C’était l’image arrêtée de“Portier de nuit”. Cette image célèbrea symbolisé la force du film. » Et cesmots de Charlotte Rampling qui en disent plus que tous les livres sur l’impact de la photographie : « L’imagearrêtée, tu ne peux pas la nier. »

Initiée par Lartigue, déshabillée parNewton, anoblie par la Maison euro-péenne de la photographie dont elle estdevenue « la mascotte » du conseil d’ad-ministration, l’actrice a poursuivi sa liai-son avec les photographes qu’elle re-garde en experte. La distinction de MarcRiboud. La délicatesse de Marie-Laurede Decker : « Elle dégage une belle in-vulnérabilité. Face à elle, on a envie des’ouvrir. » Le romantisme organisé deJuergen Teller. La détermination de Salgado : « J’imagine sa patience, sondévouement, sa tolérance dans le non-jugement. » Quant à Henri Cartier-

Bresson et Martin Parr : « L’un est le Français qui montre ce que c’est qu’être français. L’autre,l’Anglais qui montre ce que c’est qu’être anglais.

– Que voulez-vous dire ? – Que l’Anglais dissimule son jeu alors que

le Français veut être votre ami.– Et vous, êtes-vous une Anglaise devenue

française ? – Je navigue entre les deux. »

A.G.

printemps 2009. I 11

lle évite la lumière.Plutôt étrange, pourune star élevée sousles sunlights. Jel’avais installée de-vant la grande baie,dans ce restaurant du

Trocadéro ouvert sur l’esplanade, etCharlotte Rampling a préféré tournerle dos à la vue. « Trop de lumièreblanche, on ne voit plus les lignes, lesnuances. » Elle s’exprime commeune photographe. Ce qu’elle est.Charlotte, qui a les plus beaux yeuxdu cinéma, a l’œil.

C’est Jacques-Henri Lartiguequi lui a tout appris. « Mon amour dela photo est né avec notre rencontre.Il photographiait avec élégance,comme si de rien n’était, par magie.Un jour, il m’a filé un petit Olympus,et il m’a dit: “Vas-y, va prendre desphotos.” » Lartigue les a regardées.Sans doute les a-t-il trouvées pasmal. Un Nikon F3 a remplacél’Olympus, et Charlotte Rampling estdevenue une actrice de cinéma quifait de la photo. « J’entraînais monœil. Je photographiais ce qui était au-tour de moi : mes enfants, les fleurs, l’architec-ture. La lumière donne le vide. J’attends qu’ilse passe quelque chose, une personne quipasse, l’ombre d’un arbre. Il faut que ce soithabité. Mes images sont assez graphiques. »

Passionnée, donc. Et passionnante quandelle raconte comment la photographe qu’elle estdevenue se laisse photographier. « Pour moi, laphoto a un côté animal. Il n’y a pas de parole.Non, je ne crois pas que ce soit le miroir de soi-

même. Devant l’objectif du photographe, jejoue un rôle, j’utilise ce qui est visuel. La photon’est pas pour autant un mensonge, mais une ré-vélation de vérités successives sur ce que l’onveut dire de soi. » Charlotte Rampling necontrôle jamais le travail du photographe.

«Je lâche tout, je veux fusionner, c’est luiqui mène la danse. » Elle fait confiance. D’abordà Helmut Newton. Charlotte a 26 ans. Arles. Hô-tel Nord Pinus. Helmut veut faire des photos de

E

Charlotte Rampling, photographiée en 1974 par Marie-Laure de Decker

La Française est présidente du prochain Festival de Cannes. L’Anglaise est jurée aux Oscars. Deux actrices exceptionnelles,

amoureuses de la photographie. Mais différemment.

CHARLOTTE RAMPLING“L’IMAGE ARRÊTÉE, TU NE PEUX PAS LA NIER”

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12 I polka magazine #4

LE MUR DE POLKA MAGAZINE #4EST EXPOSÉ AU 104 RUE OBERKAMPF, PARIS XIe

DEREK HUDSONOriginaire d’une petite bourgade jouxtant la royale Windsoret la noble Eton, Derek Hudson a découvert enfant le photo-journalisme dans la rubrique Photo News de l’édition localedu «Daily Express» que lisaient ses parents. Un jour de 1970,au sortir de la gare de Paddington, une pluie diluvienne le faitse réfugier dans un cinéma. A l’affiche: «Blow Up» d’Anto-

nioni. Le jeune Derekest fasciné par les cli-chés qui nourrissentl’intrigue. Ces photos,Antonioni les avaitcommandées à DonMcCullin, la légendedu reportage deguerre. Derek Hudsons’inscrit alors au clubphoto amateur de son

village, s’installe à Londres et devient un pilier de Fleet Street, le district historique de la presse britannique où il ren-contre son mentor, Terry Fincher, photojournaliste maintesfois primé. Plus tard, Derek Hudson se rend à New York pourla soirée de renaissance de «Life Magazine». Il restera prèsde vingt ans aux Etats-Unis. Aujourd’hui, il vit à Paris.

SARAH CARON« Trimballer mes yeux derrière un appareil photo me donnel’impression d’avoir le droit de fourrer mon nez dans ce quia priori ne me regarde pas, un prétexte merveilleux pouressayer de comprendre un monde incertain. » C’est encherchant son sujet pour son mémoire de maîtrise que Sa-rah Caron trouve sa voie. Raconter des histoires en images,partir à la quête du monde, des gens et de la vie ailleurs.Depuis douze ans, la photographe passe en moyenne neuf mois par an à travers le monde.D’Afrique, elle revient avec une enquête remarquée sur l’immigration clandestine subsaha-rienne avec le livre «Odyssée moderne», de ses années en Asie naissent plusieurs docu-ments, notamment, «Les Ames errantes au Cambodge» et «La révolte des musulmans au sud

BEN LOWY«Photographier la guerre a un côté captivant, soutient BenLowy. On se sent dans la peau de Schwarzenegger. On foncedans le danger, ce qui est excitant. Et on a aussi l’extraordi-naire privilège de pouvoir témoigner de l’Histoire enmarche.» Ce photojournaliste né en 1979, diplômé de l’uni-versité Washington de Saint Louis, a débuté en 2003 avecses reportages sur laguerre d’Irak. Il a aussitravaillé en Afghanis-tan, Haïti, Indonésie,Libye, au Darfour (pro-jeté à Perpignan dansle cadre de Visa pourl’Image en 2005), auVietnam, en Inde – entre autres! Ses photos ont été publiéesdans «Time», «Newsweek», «Fortune», «Rolling Stone», «Na-tional Geographic», «Stern»... Il fait maintenant partie del’équipe VII Network dans laquelle l’agence VII distribue éga-lement le travail de photographes non membres. Ses imagesaux couleurs intenses ont obtenu de nombreuses récom-penses, dont le 2e prix du World Press photo, en 2007. ANew York, son point d’attache, Ben Lowy vit avec la photo-graphe Marvi Lacar, sa femme, et leurs deux teckels nains.

JEUDI 5 FÉVRIER 2009 22H15Le «mur» du #4 n’est pas terminé. Il manque

quelques papiers et légendes ainsi que lesrubriques: nous n’avons affiché que la partie

«magazine». Des changements déjà décidés nesont pas encore intégrés. Dans quelques jours les

premiers cahiers partiront pour la Pologne, oùPolka est imprimé à 75000 exemplaires. Et voustrouverez ce numéro 4, daté «printemps 2009»

dans vos boîtes aux lettres, dans les kiosques etchez vos marchands de journaux.

“Chaque photo a son histoire”Heures d’ouverture de 11h à 19h30, sauf le samedi de14h à 18h.Fermé le dimanche et le lundi.Renseignements : 0676809705et [email protected]

On prononce «seven». L’agence a été fondée en septem-bre 2001 par sept grands reporters: Alexandra Boulat(1962-2007), Ron Haviv, Gary Knight, Antonin Kratochvil,Christopher Morris, James Nachtwey et John Stanmeyer.Deux jours après sa création annoncée à Perpignan, lestours du World Trade Center s’effondraient et Jim Nacht-wey, rentré la veille à New York, signait le plus saisissantdes actes de naissance pour la jeune agence photogra-phique. Au fil des ans, de nouveaux membres ont été inté-grés: Lauren Greenfield, Joachim Ladefoged, Eugene Richards, Marcus Bleasdale, Franco Pagetti... Deux nouvelles branches ont été créées: VII Network et VII Mentor. Avec «4 times America» la FNAC donne la paroleà quatre membres de l’agence. Antonin Kratochvil, né enRépublique Tchèque en 1947, témoigne dans «In God’sCountry» de la place de la religion. Christopher Morris, Californien né en 1958 a couvert pour «Time» les deux man-dats de George W. Bush. Lauren Greenfield, diplômée deHarvard en 1987, scrute l’image de la femme américaineobsédée par son corps et documente les jeunes. L’Anglo-Irlandais Marcus Bleasdale a travaillé pendant plus dehuit ans en RDC. Avec «Oil in America», il enquête sur lavoiture dans une société qui en use sans modération.

de la Thaïlande» et, du Moyen-Orient, un reportage sur les brigades des martyrs d’Al-Aqsa enPalestine. «Quand je pars en reportage, je m’investis émotionnellement. J’en ai besoin pourtransmettre. » Résultat, à chaque histoire, Sarah revient toujours plus forte, changée. PourPolka Magazine, elle a passé tout le mois de novembre dans la zone tribale pakistanaise qu’elle appelle cet «endroit oublié de Dieu». «Parce que je suis une femme, cette histoire estcelle qui m’a le plus marquée depuis le début de ma carrière.» Dans ce monde plutôt masculin,être une femme photographe est souvent plus difficile « mais cela peut être parfois un véritable atout, comme pour parler de la condition de la femme. Pour ce sujet, un homme n’aurait pu avoir accès qu’à une partie de l’histoire». Récompensée par de nombreux prix, notamment celui de la Fondation Jean-Luc Lagardère en 2000, le Master Class du World Presset, plus récemment, en 2007, le Getty Grant de la Fondation Getty, Sarah Caron a exposé l’année dernière à New York, à la galerie de la Fiaf, une rétrospective de ses années de vaga-bondage photographique à travers le monde.

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printemps 2009 I 13

DIANE GRIMONETC’est en arrivant à Paris, en 1990, à 30 ans, que Diane Grimo-net découvre la photo, qui deviendra la passion d’une vie. Parle biais de portraits de comédiens, elle devient photographede théâtre et parcourt toutes les scènes de la capitale pen-dant sept ans. Son travail prend un tournant décisif lorsque,passant devant la Maison des ensembles, un squat, elle dé-couvre le milieu des pré-caires et des sans-pa-piers. Elle commence àsuivre le mouvement deschômeurs qui prend uneampleur considérable etle quotidien «Libération»lui demande de couvrirl’événement. Ses clichésen noir et blanc seront publiés dans la pressefrançaise et étrangère.Dès lors, Diane se spécialise dans les sujets de société. En2000, elle s’intéresse aux femmes en errance et réalise «Paris Ville lumière» qui sera exposé en 2002 à Perpignanlors du festival Visa pour l’Image. Festival où elle se voit nommée au Visa d’or dans la catégorie «magazine» en 2007.Le choix de Diane est de montrer la souffrance des sans voix:«Je m’assois parmi eux et ne dis rien. Je capte les vies quiont basculé, les naufrages intimes, je guette les petits riens.»Des petits riens qui disent tant. Aujourd’hui, elle travaille surun projet de longue haleine, entrepris depuis 2007 à partir deses archives photographiques et qui devrait durer dix ans,«100 photos pour sans droits» et continue de faire œuvre detémoin de la misère ordinaire.

BRUNO BARBEY« La photographie, dit-il, est le seul langage qui peut êtrecompris dans le monde entier.» Français né en 1941 au Ma-roc où il a passé son enfance, Bruno Barbey a suivi les coursde l’Ecole des arts et métiers de Vevey, en Suisse. Nominéen 1964, associé en 1966 (à 25 ans), il devient en 1968 mem-bre de l’agence Magnum Photos dont il va être vice-prési-

dent pour l’Eu-rope en 1978 et1979 et prési-dent pour l’inter-national de 1992à 1995. Son en-trée dans la célè-bre coopérativede photographesle propulse dansle tourbillon dupho to jou rna -lisme, au contactdes convulsions

de la planète, dont de nombreux conflits. Mais il aime tra-vailler seul, sans précipitation, et sur des thèmes personnels.Ce pionnier de la couleur a ainsi constitué une œuvre où secroisent reportages à chaud et patientes recherches de senset d’intensité. Son sujet fétiche : le Maroc, où il retournephotographier sans cesse. En ce moment, il expose en Coréedu Sud, au Brésil, en Europe...

CÉDRIC GERBEHAYE« Je fais de la photo, dit-il, parce que j’ai des convictions.»A l’école de journalisme, Cédric Gerbehaye s’est vite renducompte que le format de l’audiovisuel ou de la presse écritene correspondait pas à ce qu’il souhaitait faire : des repor-tages pour documenter ce dont on ne parle pas, rendrecompte, témoigner en prenant le temps, en analysant,

en assumant sasubjectivité. Apeine diplômé– après un mé-moire consacréau conflit israélo-palestinien –, ceBelge né en 1977,basé à Bruxelles,a commencé sa

carrière de photographe free-lance. Il est retourné en Israëlet dans les Territoires palestiniens, s’est intéressé à la ques-tion kurde en Turquie et en Irak. En 2007, son sujet « Gaza:Pluie d’été » a été récompensé par le deuxième prix dans lacatégorie jeunes reporters du Prix Bayeux-Calvados des correspondants de guerre. Il a reçu en 2008, pour son travailsur le Congo (objet d’un livre, «Le Congo dans les limbes»,aux éditions E Center) sept prix, dont un World Press Photo (3e prix « stories »), l’Olivier Rebbot Award de l’OverseasPress Club of America et l’Amnesty International MediaAward. Cédric Gerbehaye est membre de l’agence VU’.

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LE CHOIX DE LA PHOTO D’ACTUALITÉ - FRANCE INFO“Hôtel sans étoile” de Diane Grimonet page 74A retrouver dans la chronique PHOTOS PHOTOGRAPHES de Pascal Delannoytous les samedis 5h12 - 6h42 - 10h13 - 22h43 - 00h43 et sur france-info.com

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La Fnac présente

4 photographes4 expositions

4 regards sur les Etats-Unis

Avec l’élection de Barack Obama, les Etats-Unis se retrouvent plus que jamais au centre des enjeux po-litiques, économiques et même écologiques, de la planète. Une fois de plus l’Amérique nous surprend, affichant une incroyable faculté à rebondir et à innover. A l’aube d’un mandat qui inaugurera forcément une nouvelle époque, la Fnac présente le regard inédit que quatre photographes de l’Agence VII, deux Américains et deux Européens, portent sur un pays toujours en quête de son identité.

CHRISTOPHER MORRIS« AMERICA »Fnac Montparnasse 13/01 - 7/03/2009Fnac Toulon 17/03 - 16/05/2009

LAUREN GREENFIELD « GIRLS AND AMERICAN BODY »

Fnac Toulon 13/01 - 7/03/2009Fnac Forum des Halles 14/04 - 6/06/2009

ANTONIN KRATOCHVIL « OIL IN AMERICA: OUR LOVE AFFAIR WITH CARS »

Fnac Perpignan 13/01 - 7/03/2009Fnac Clermont-Ferrand 17/03 - 16/05/2009

MARCUS BLEASDALE « IN GOD’S COUNTRY »Fnac Strasbourg 13/01 - 7/03/2009Fnac Aix-en-Provence 17/03 - 16/05/2009

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JEAN-GABRIELBARTHÉLEMYIl est une exception dans le photojournalisme. Paparazzi derenom international, à l’agence Sipa pendant trente ans,Jean-Gabriel Barthélemy a puisé dans son enfance de poul-bot du quartier des Halles, au cœur de Paris, un sens inné dela débrouillardise entre Prévert et Tintin.L’histoire serait trop longue de ses liens tissés avec Carolinede Monaco, le prince Charles, Diana, la Callas et Onassis...

De Gstaad à Saint-Tropezou au Palace des années80, ses photographies vo-lées ou posées ponctuentles temps forts d’un photo-journalisme du « people »avant l’heure.Curieux de tout, son œil ai-guisé le conduit en avril2002 à Beaubourg pour

découvrir les tirages géants d’Andreas Gursky. C’est le débutd’un tournant radical dans sa vie professionnelle. Travaillantà la chambre 20 x 25, il réalise sur les barres d’immeublesde la Cité des 4000 des œuvres détonantes d’une banlieueen ébullition. Un travail similaire sur le château de Versailles est publié dans « Geo ». Exposé à Visa pour l’Image et à la BNF, le célèbre paparazzi des années 80 a faitplace à un artiste original.

MARIE-LAURE DE DECKERLa passion chevillée au corps depuis 1966 –son année «dé-clic» – Marie-Laure de Decker s’est rendue bien souvent làoù s’écrivait l’histoire contemporaine. Au Vietnam, d’abord,de 1970 à 1972, au Tchad du Nord ensuite en 1975, puis enURSS, en Chine, au Mozambique et en Afrique du Sud en1985 «à une époque où l’on se demandait si l’apartheid al-lait tomber un jour». Pour s’occuper de ses deux fils, la pho-

tographe de Gamma passedu grand reportage au gla-mour. C’est le temps des cli-chés de mode pour «Vogue»,celui des portraits de person-nalités artistiques commeJacques Prévert, MargueriteYourcenar et Duras, OrsonWelles, Gainsbourg ou Char-lotte Rampling... mais aussi

celui des photos sur les tournages de « Van Gogh » et de«Sous le soleil de Satan», films de Maurice Pialat. Marie-Laure se sent pourtant comme un diable en boîte. Le goûtde l’aventure lui manque. « Quand mes fils ont été assezgrands, je suis retournée à mes premières amours. Je n’aipas de plus grand bonheur que de découvrir et photogra-phier un peuple que je n’ai jamais vu. C’est comme mettrela main sur une pépite.»

MARC RIBOUD«C’est la réalité qui est au bout de la ligne de mire, la réalitéque le cadrage peut transformer en rêve.» Pour la premièrefois, en 1953, Marc Riboud est publié: la photo du peintre de la tour Eiffel trône en pleine page dans «Life». Le pointcommun de la plupart de ses photos : la géométrie. RobertCapa et Henri Cartier-Bresson le remarquent, le premier luiapprend «à s’approcher de son sujet», tandis que le second

remarque son côté matheux et lui en-seigne « la disciplinede la composition del’image ». De seslongues années d’ap-prentissage, Marc Riboud constate : «Cen’est pas le sujet qui

compte, c’est l’approche visuelle. Une surprise visuelle avecune certaine organisation de la forme.» Après avoir parcourule monde: l’Inde, l’Iran, l’Afghanistan, de longues années enChine ou en Afrique, le photographe prendra plus de plaisirà saisir des paysages, des instants de vie. Suivre des genspour raconter des histoires l’intéresse beaucoup moins, augrand désarroi de ses parrains. « Photographier un beau paysage, explique-t-il cependant, c’est comme écouter dela musique ou lire de la poésie, cela aide à vivre.»

QUELLE COUVERTURE AURIEZ-VOUS CHOISIE?©

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Pour ce numéro de Polka, quand il s’est agi de décider quelle photo allait «monter» en couverture, nous avions l’embarras du choix.Une dizaine de projets ont été selectionnés puis débattus avant d’arrêter notre décision.

Et vous, auriez-vous fait le même choix ? Vous pouvez donner votre avis sur le site www.polkamagazine.com

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DDeerreekk HHuuddssoonnLE PHOTOGRAPHE ET LES CRÉATEURS

“Créer c’est divin, reproduire c’est humain”MMaann RRaayy

Hockney, Koons,

Pietragalla, Saint Laurent,

Tennessee Williams,Bacon,

Patti Smith,Soulages,

Starck, Galliano,

Gilbert & George,Westwood,

Matisse

Burinées et soignées, comme lestées par une œuvre monumentale,

les mains de Pierre Soulages sont à elles seules une leçon de création,

un chapitre de l’histoire de l’art ; photographiées, elles se

métamorphosent en un puissant portrait du maître. Le corps de l’artiste

est un absolu, il est la genèse de la création, il est aussi son ultime

intimité. Photographier le corps d’un artiste, c’est comme le mettre à

nu ; c’est aussi la preuve de la persévérance de Derek Hudson, ce

photographe qui a su gagner la pleine confiance de son modèle.

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DDEERREEKK HHUUDDSSOONNPARIS, 2006Les mains dePierre Soulages

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AU PAYS D’OBAMA

Quatre photographes de l’agence VII, Chris Morris, Lauren Greenfield, Antonin Kratochvil,

Marcus Bleasdale livrent un portrait de l’Amérique d’aujourd’hui

Ils témoignent des obsessions d’un empire affaibli mais prêt à rebondir, et qui croit en son 44e président. Leurs images font partie

de l’exposition « 4 times America » présentée dans le réseaudes Galeries photo de la Fnac jusqu’à fin 2009.

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CHRISTOPHER MORRISWASHINGTON D.C., NOVEMBRE 2008

Au Lincoln Memorial, Jerome Jacob, 6 ans, contemple le discours de Gettysburg, prononcé par

Abraham Lincoln le 19 novembre 1863, quatre mois après labataille de Gettysburg. C’est ici que Barack Obama

a été investi président le 20 janvier dernier. Ici, qu’en 1963, Martin Luther King Jr. a prononcé son célèbre:

« I have a dream... » (Je fais un rêve).

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IRAK, FENÊTRE SUR GUERRE

Comme on découvre une ville à travers les vitres d’un bus, le jeune photographe américain Ben Lowy regarde

Bagdad derrière le hublot d’un blindé. De jour ou de nuit, son objectif fixe les images de la cité des Mille et

Une Nuits où « la cruauté a défié l’imagination ». Dans cesconditions extrêmes, la vie quotidienne continue.

« Quelques signes annoncent qu’un printemps est peut-êtrepossible », écrit Jean-Pierre Perrin.

C’est sur ce constat que va pouvoir s’appuyer le nouveau président Barack Obama pour amorcer le retrait

des troupes américaines.

BBeennjjaammiinn LLoowwyy

BENJAMIN LOWYABOU GHRAIB, BAGDAD-OUEST, 2007

« Le niveau de violence en Irak est tel qu’il estsuicidaire de se balader dans la rue pour prendre desphotos, raconte le photographe. Comme les soldats

américains, je me suis retrouvé bien souvent àdécouvrir un pays ravagé à travers l’épaisse fenêtre

blindée d’un Humvee de l’armée.»Benjamin Lowy a commencé ce travail en 2005 et

le poursuit actuellement.

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SARAH CARONRÉGION DE DERA ISMAËL KHAN, DÉCEMBRE 2008A la frontière entre le Waziristan-Sud et la province de la frontièredu nord-ouest, les autoritéspakistanaises font appel à desmiliciens tribaux pour veiller surcette région menacée par lestaliban. «Ces miliciens sontparfois eux-mêmes d’anciensrepris de justice. Ils s’achètentfacilement», confie Sarah.

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SSaarraahh CCaarroonn“A DERA ISMAËL KHAN,

LES TALIBAN SONTPARMI NOUS”

L’ouest du Pakistan est devenu le sanctuaire des taliban etdes combattants étrangers d’Al-Qaida. Plus qu’un refugepour aller frapper les troupes étrangères dans l’Afghanistanvoisin, la région est elle-même une poudrière où les armessont partout. Forces gouvernementales, miliciens tribaux,taliban, tout ce monde d’hommes armés menace au quoti-dien la société civile. Seul refuge pour les femmes, l’espaceprivé de leur maison derrière de hauts murs aveugles. De là,elles entendent le bruit de la rue et celui des armes. La pho-tographe Sarah Caron y a été invitée et a rapporté les images de cette intimité, à l’abri du regard des hommes.

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Cédric GerbehayeLE CONGO SOUS LA PLUIE D’ACIER

CÉDRIC GERBEHAYERDC, NYANZALE (NORD-KIVU) JUILLET 2008Le camp de réfugiés de Nyanzale, dans le Nord-Kivu, au nord de la capitaleprovinciale, Goma, se trouve dans une zone où s’affrontent régulièrement les factions ennemies.

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Un conflit lointain, complexe, hors de vue, dans l’est de la République démocratique du Congo déjà ravagé par l’interminableguerre interafricaine. Alors qu’une nouvelle fois, mi-janvier, l’arrêt des combats a été annoncé, la situation reste dramatique.Fin août, la reprise de l’offensive par les troupes du général rebelle tutsi Nkunda, arrêté le 22 janvier, a lancé sur les chemins del’exode de nouveaux civils terrifiés. Chassés de chez eux par les exactions et les meurtres, les déplacés sont plus de 1 million. Ils survivent dans les camps de réfugiés. Seul mais aussi avec l’aide de plusieurs ONG, Cédric Gerbehaye a photo-graphié cette tragédie. Il a déjà séjourné trois fois, depuis 2007, en Ituri et au Kivu où il continue son travail documentaire.

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CORÉE DU SUD, SÉOUL, BERGE DU FLEUVE HAN, 2007«Cette jeune femme, explique le photographe, se protège à la fois de la pollution et du soleil. Dans ce pays de tradition et de modernité, la bourgeoisie et l’aristocratie considèrent toujoursque seuls les paysans sont bronzés. Le filet a été posé par un acrobate qui avait tiré un câble au-dessus du fleuve.»

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Bruno Barbey « Je suis plus attiré par la beauté, l’humain, le positif. Je ne me plais

pas dans le sordide. Je refuse l’esthétisme de la folie et de l’horreur. » Entré tout jeune à Magnum, Bruno Barbey sillonne le monde depuis plus de

quarante ans et, s’il a longtemps couvert crises et conflits, préfère depuis toujours le reportage au long cours, le temps de la réflexion,

la distance qui permet l’analyse. Et l’harmonie des couleurs, dont le Maroc, le pays de son enfance, sa terre d’élection en photographie, lui a

donné le goût. De la Corée au Brésil, ou déjà dans l’Italie de son premier reportage, Bruno Barbey signe des icônes toujours riches de sens.

BBrruunnoo BBaarrbbeeyy PÊCHEUR D’ICÔNES

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PARIS, 7 JANVIER 2008RAYAN ET MAROUAN

« J’ai fait peu de photos hors deschambres. J’ai saisi ce moment où Rayan

et Marouan, les enfants de Malika,jouaient au foot dans le couloir, alors quedans cet hôtel c’est interdit, tout comme

mettre de la nourriture au frais sur le bord de la fenêtre ou cuisiner.

Du coup, le budget des familles est grevécar elles doivent acheter de la nourriture

toute prête. »

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Elle a passé dix ans à photographier les différents visages de la précarité en France. Aujourd’hui,

le sujet défraie la chronique, mais la situation ne semble pas près de s’améliorer pour autant. Diane Grimonet continue

malgré tout, et vient de terminer un reportage sur la vie des familles à l’hôtel. Un univers clos, où il

ne fait bon ni vivre ni photographier.

Diane GrimonetHÔTEL SANS ÉTOILE

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JJeeaann--GGaabbrriieell BBaarrtthhéélleemmyyLA CITÉ INTERDITE

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Quand, en 2002, Jean-Gabriel Barthélemy photographie lesbarres et les habitants de la Cité des 4000, l’insécurité est lethème majeur de l’élection présidentielle. A la surprise géné-rale, Jean-Marie Le Pen arrive au second tour face à JacquesChirac. Symbole pendant plusieurs décennies de la crise desbanlieues, la Cité des 4000 est lasse de sa mauvaise réputation.

A travers un réseau associatif, la population agit plus qu’elle neparle. L’horizon s’ouvre et les barres tombent. Celle du Mail deFontenay restera, témoin d’une époque qui est passée de para-dis en enfer. Entre la décision de démolir et l’émergence desnouveaux logements, il faut bien dix ans. C’est long mais l’en-vie de s’en sortir donne à La Courneuve un élan incontestable.

LA COURNEUVE, 2002 La grande barre Presov, une des murailles bleues de la Cité des 4000 sortie de terre comme

un champignon dans les années 60. On la fera imploser en 2004. Avec elle, une succession d’autres bâtiments de 165 mètres de large, hauts de 15 étages, ferme l’horizon d’une population qui a doublé en moins de dix ans.

Cette cité pourrait s’appeler, quarante-cinq ans, plus tard la Cité des 2000. La majorité des barres comme Presov est tombée. La cité se redessine lentement en petits quartiers. Des arbres poussent. Mais le quartier Nord,

qui abrite le tiers de la population, n’a pas encore tous les crédits pour sa rénovation.

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Marie-Laure de Decker ODE AUX WOODABÉS...POUR UN SOIR OU POUR LA VIE

Chaque année, un peuple nomade du Tchad, les Woodabés,

se retrouve pour un grand rassemblement. Lors de ce ren-

dez-vous au cœur de la savane africaine où bat le pouls des

Peuls, le concours de beauté est le point d’orgue de la fête.

Pendant quatre jours et quatre nuits, les hommes en âge de

se marier rivalisent de beauté et d’artifices pour séduire

les femmes. Chants, poèmes, danses et parades amou-

reuses, les prétendants jouent leur va-tout. Les femmes,

elles, n’ont plus qu’à choisir l’élu de leur cœur. La photo-

graphe Marie-Laure de Decker est tombée sous le charme

des Woodabés et de leurs coutumes ancestrales. Depuis

plusieurs années, elle écrit en images une ode à l’amour

destinée à ce peuple pacifique malheureusement en sursis.

BALTHAZAR LEVYTCHAD DU SUD, 2007Marie-Laure de Decker réaliseune série de portraits defemmes. Cette photo est prisepar Balthazar, le cadet, de laphotographe. C’est lapremière fois qu’il faisaitpartie du voyage. Son frèreaîné, Pablo,accompagne leurmère depuis le début en 2002.Page de droiteMARIE-LAURE DE DECKERTCHAD DU SUD, 2007Comme sur le visage de MabaAdaraï, le maquillage desprétendants au worso changechaque année.

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Marc RiboudLE COMPAS DANS L’ŒIL

Depuis 1953, Marc Riboud se promène de pays en pays, photographie les gens, les paysages,

la vie. Partout, il voit des ronds, des lignes et des courbes. Dès sespremières photos, il calcule. Le peintre de la Tour Eiffel,

sa première publication, est aujourd’hui une de ses plus bellesicônes et l’un de ses meilleurs exercices. Le secret de l’ancien élève

d’Henri Cartier-Bresson : « Pour bien voir, il faut être rapide et précis. C’est un entraînement quotidien, c’est un réflexe qui se

cultive tous les jours. Ne dit-on pas : Bon pied, bon œil ! »

MARC RIBOUD PLANCHES-CONTACTS TOUR EIFFEL, 1953

« Il faut un centième de seconde pour un coup d’œil, pour un déclic, mais, ensuite, des heures de patience pour choisir la bonne photo sur nos planches-contacts », confie

Marc Riboud. Cette planche-contact, devenue célèbre, est une des premières du photographe. C’est Robert Capa lui-même qui fit le choix.

Une seule sera sélectionnée par le maître: « Le peintre de la tour Eiffel ».

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lors qu’il y a une quinzained’années seulement, la pein-ture était seule reine des en-chères, la photographie s’estdoucement installée commeune valeur sûre du marché del’art. Et ne rompt point sous

la bourrasque économique. A preuve, la dernièrevente Jammes à Paris. André Jammes et sa femmeMarie-Thérèse comptent parmi les passion-nés qui ont fait monter les prix des clichésau cours de la dernière décennie. Ce coupleavait constitué une immense collection dephotographies anciennes : dès les années50, André, fils de libraires, alors âgé d’unevingtaine d’années, se penche sur l’histoirede la photo et commence à engranger. Unpari risqué à l’heure où ce type d’œuvre estencore déprécié. Mais un pari gagné dès lapremière vente Jammes en 1999 chez So-theby’s à Londres : elle rapporte près de11 millions d’euros. En novembre 2008, laquatrième – et dernière – vente s’est trèsbien passée, selon Simone Klein, la spécia-liste en photographies chez Sotheby’s Eu-rope, qui précise: «75% des œuvres ont étévendues.» Avant d’ajouter, comme pour ex-pliquer le bilan de «seulement» 2 millionsd’euros: «En ce moment, vu la crise finan-cière, la situation n’est pas évidente.» Le re-cord: 216750 euros pour un daguerréotypedu baron Jean-Baptiste-Louis Gros réalisévers 1850-1857. Les pièces vendues ontpresque toutes dépassé leurs estimations,parfois largement. Et ce constat n’est pasisolé. Même si les évolutions ne sont pasidentiques sur tous les marchés.

C’est la photographie dite classiquequi est aujourd’hui sur le devant de la scène.En noir et blanc, réalisés par des artistes renommésdu XXe siècle comme Henri Cartier-Bresson ou An-dré Kertész, ses «vintages» (tirages d’époque) sontlargement appréciés. Recherchés, ils peuvent at-teindre des prix très élevés. Vient ensuite le marchéhistorique, avec des œuvres du XIXe siècle, lui aussien bonne santé. Seule la photographie contempo-raine, en couleur, «jeune», semble baisser, toujoursselon Simone Klein qui voit là un signe de la crise

économique actuelle mais ne s’en inquiète pas :«Ce qui est de très bonne qualité et très bienconservé se vend très cher.»

Marc Héraud, le secrétaire général du Syn-dicat des entreprises de l’image, de la photo et dela communication, estime, lui, que les prix vontcontinuer à grimper car, pour acquérir une photo-graphie d’art, «on n’est pas dans le rationnel : onachète par coup de cœur». Tous ne partagent pas

cet avis. Quentin Bajac, historien de la photogra-phie et conservateur au Centre Georges-Pompi-dou, envisage avec optimisme une prochainebaisse. Pour lui, les prix trop élevés empêchentles institutions de faire des acquisitions. Il voitdans la crise la fin de cette dérive.

par L a u r a M a r z o u k

PHOTOS À VENDREMultiplication des galeries, des photographes,

des techniques, des prix... Le marché, en pleine évolution, résiste à la crise

Un constat, cependant, fait l’unanimité : lemarché s’est transformé du fait de la multiplicationdes galeries. Il en est même apparu d’un nouveautype, qui vendent des clichés moins chers. Le pro-cédé: faire baisser les prix, qui reposent sur la ra-reté, en augmentant les tirages. Comme Yellow Korner, créée en 2005 par Alexandre de Metz etPaul-Antoine Briat, qui a trouvé son public. Devantle succès, les deux hommes ont ouvert une

deuxième galerie à Bruxelles et la troisièmeest prévue à Paris, rive gauche cette fois.Dans le même esprit, derrière sa devanturerose foncé, L’Œil ouvert, tenu par Julien Fayetet Magali Bru, propose des clichés entre 70 et 1500 euros pour des tirages entre 25 et200 exemplaires par format. Bien sûr, on n’y trouve pas de grands noms de la photo,mais la démarche plaît. «On a des fidèles, souvent des premiers acheteurs mais aussides collectionneurs», se réjouit Julien Fayet.

Propriétaires de la galerie Chambreavec vues, Agnès Voltz et Bernard Derennes’insurgent. Pour ce dernier, la distinctionest nette : « Ces personnes ne vendent pasdes œuvres d’art mais des photographiesd’art en plus de 30 exemplaires.» En effet,il a été défini qu’en dessous de 30 exem-plaires, la photographie peut bénéficier dutaux réduit de TVA à 5,5% applicable auxœuvres d’art, au lieu de 19,6 %. AgnèsVoltz et Bernard Derenne sont d’autant plushostiles au principe de tirer en grand nom-bre qu’ils proposent une gamme de prixserrés, d’une centaine à quelques milliersd’euros, pour des tirages limités de 7 à10 exemplaires. Agathe Gaillard, la proprié-taire et directrice de la prestigieuse galeriequi porte son nom, spécialisée dans la pho-tographie à Paris depuis 1975, est encore

plus sévère. Pour elle, à moindre coût on ne vendrien d’autre que des posters. Même réaction de Gi-lou Le Gruiec, directrice de VU’ espace ouvert de-puis dix ans dans le IVe arrondissement de Paris :« C’est une initiative dommageable alors que laphotographie a eu du mal à s’installer sur le mar-ché de l’art.» Pourtant, avec la crise économique,l’initiative de baisser les prix peut sembler perti-nente. « Il y a eu beaucoup

GIANCARLO BOTTI ROMY SCHNEIDER, 1974 La photo a été prise chez l’actrice à Paris, juste avant le tournage de «L’important c’est d’aimer». Elle existe en plusieursformats. Les prix vont de 900 à 2000 euros selon la taille à la Galerie de l’Instant.

polkaenquête

>>sui te page 108

A

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videmment, et même s’ils sont tentants, il faut se méfier desparallèles historiques. Encore plus lorsque, à leur manière,les acteurs de l’actualité les utilisent, les mettent en scène ouen perspective de façon symbolique.

Prudence, donc, par rapport à tout ce qui va suivre etqui concerne ce qui, de toutes façons, demeurera l’événe-ment majeur de la première décennie du XXIe siècle: l’élec-

tion de Barack Obama comme 44e président des Etats-Unis d’Amérique. S’ilfait naître un immense espoir, dans son propre pays comme dans le mondeentier, il serait tout à fait naïf d’oublier certains points qui se révèleront essentiels dans les années à venir. Il est, certes,un métis afro-américain, il défend, certes, desidées généreuses de justice sociale, de protec-tion sociale, il veut, certes, en finir avec les er-reurs dramatiques et choquantes, meurtrières etirresponsables de Georges W. Bush en Irak, enAfghanistan, mais également en direction del’Iran et dans la gestion du conflit sans fin entreIsraël et Palestine. Pourtant il serait dangereuxd’oublier qu’il est avant tout américain, qu’il estprofondément attaché à des valeurs patriotiquesqui veulent restaurer, développer et imposer ànouveau sur la scène internationale l’influencedéterminante des Etats-Unis.

Sa vision, ambitieuse et audacieuse de larénovation de l’économie de son pays au moyen d’un plan d’investissementmassif qui s’accompagne d’une prise en compte des réalités écologiques ouvre de réelles perspectives de modernisation en profondeur.

Tout cela peut installer à nouveau l’Amérique aux commandes. UneAmérique plus juste, plus respectable, mais toujours aussi soucieuse de soninfluence et fondée sur des valeurs qui ne sont pas toujours en phase avec lesévolutions de la société. Et, quelque émouvantes que puissent apparaître lesaccumulations de symboles, de la prestation de serment sur la Bible de Lin-coln au parcours en train vers Washington, il serait dangereux de se mépren-dre : la générosité des idées et la volonté sincère de paix seront balisées parune forme de réalisme fondé sur l’intérêt supérieur de la Nation.

Elégant, brillant, charismatique, Barack Obama a su, également, s’en-tourer de conseillers qui ont géré, de façon parfaite, sa communication et sonimage. Sans se laisser enfermer. Reste à transformer l’essai. Et, puisqu’ils’agit d’image et que la symbolique est au rendez-vous, nous pouvons tenterdes comparaisons, même si elles relèvent de la fiction.

Comme en 1929, crise économique et bancaire, chômage, pauvreté,désespoir sont au rendez-vous. On se dit alors que le projet économique dunouveau président, s’il vise à moraliser (et à surveiller) le système, ce qui estlouable, s’apparente également, avec son injection massive de milliards dedollars pour relancer la machine, à un véritable New Deal. Il est destiné à re-construire physiquement le pays, des ghettos noirs qui n’ont pas vu leur si-tuation s’améliorer depuis trois quarts de siècle jusqu’à La Nouvelle Orléansoù les dégâts de Katrina n’ont toujours pas été pansés.

Du travail pour le plus grand nombre en rêvant que cela soit pour tous,

à manger et de la santé pour tous, donc de la force et de la grandeur, cela nousrappelle une autre figure tutélaire de la politique américaine, celle de Roosevelt. Et, donc, en photographie, cette exemplaire aventure de l’une desplus impressionnantes commandes d’Etat, destinée à dresser l’état du désastre, lorsque la Farm Security Administration (FSA) demanda en 1935 àRoy Striker d’engager les photographes Walker Evans, Dorothea Lange, Arthur Rothstein, Ben Shahn, Jack Delano, Marion Post Wolcott, GordonParks, John Vachon et Carl Mydans pour qu’ils documentent la situation. Onsait à quel point cette campagne mythique de prise de vues a été essentielle,qui a généré tant d’icônes parmi les 18000 négatifs aujourd’hui conservés à

la Librairie du Congrès (1) à Washington.Ce n’est pas vraiment une provocation,

mais ce pourrait être un rêve, même si les condi-tions ont radicalement changé et la photographieégalement : que Barack Obama décide d’unenouvelle campagne photographique mettant àplat et révélant une Amérique qu’il faut à l’évi-dence rénover et changer. A quoi pourrait-ellebien ressembler ? Elle aurait certainement dessimilitudes avec ce que nous avons en mémoire,ne serait-ce que parce que, en dehors de toutecommande, certains photographes, militants, en-gagés, déterminés, explorent depuis des annéesune Amérique des marginalisés. Je pense entreautres à un Eugene Richards dont les prochaines

Rencontres d’Arles nous proposeront une grande rétrospective. Je penseégalement à un Stanley Greene, à un Gilles Peress, mais aussi à un MichaelAckerman, à de nouvelles écritures.

La grande différence, évidemment, ce serait la couleur, devenue essen-tielle. Celle d’un Eggleston (dont le Whitney Museum de New York proposeune rétrospective avec un catalogue impeccable et qui exposera bientôt sa vi-sion de Paris à la Fondation Cartier pour l’Art contemporain), celle d’un Phi-lip-Lorca diCorcia, entre instantané et mise en scène, documentaire rigoureuxet suspicion par rapport au réalisme, celle aussi de Nan Goldin poursuivant sa« Ballade », celle d’un Roberto Polidori dont l’approche des architectures vi-bre d’ambiances et d’étrangeté. On pourrait en citer des dizaines d’autres,dans des styles toujours différents, des Nachtwey et des Alec Soth, des sala-riés de quotidiens locaux qui voient leur emploi menacé par l’effondrementde la presse, mille autres peut-être. On pourrait rêver que Robert Frank re-prenne du service, tout comme William Klein, et que l’on rende leurs imagesaccessibles, sur Internet, au côté de celles d’amateurs qui témoigneraient avecleur téléphone portable. Et Wendy Ewald demanderait aux enfants de travail-ler encore à regarder l’Amérique d’aujourd’hui.

« I have a Dream », « We can do it ». Qui sait? •* Fondateur de l’agence VU’.1. Les amateurs peuvent acheter des tirages, à prix coûtant, sur le site de la Librairie du Congrès: www.loc.govA lire: le PhotoPoche consacré à la FSA. «Les photographes de la FSA»,par Gilles Mora et Beverly W. Brannan, publié aux éditions du Seuil.

Et si Obama proposait un “Deal” aux photographes

par C h r i s t i a n C a u j o l l e *

E

polkaprisedevues

ELLIOTT ERWITT/Magnum PhotosWASHINGTON, 20 JANVIER 2009.

Après le Président, photographié comme une star au soir de son investiture,l'Amérique en crise dans l'objectif de tous les photographes, pourquoi pas ?

Page 33: CHANGER DE REGARD SUR LE MONDE · 2016. 11. 6. · qui lui a tout appris. « Mon amour de la photo est né avec notre rencontre. Il photographiait avec élégance, comme si de rien

Blouson en agneau velours. Pantalon droit en coton.Espadrilles en toile de coton.

Hermes.comL A B E L L E É V A S I O N

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