36
CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L - IEl DE LA MvmoWGE

CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

C H A P I T R E - 1 LA P R ~ s E N T A ~ DES TROlS srY'rrr

DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE

Page 2: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

A. L'esquisse rapide de I'histoire des romans

Marguerite Yourcenar reagit contre l'oubli de la culture traditionnelle.

Franqois Wasserfallen, en la comparant avec Thomas Mann, dit:

"Si elle a pu dire apropos des ouvrages de Thomas Mann que I'actuel [y rentrait] d'emblee dans la categorie de I'historique, on pourrait [. . ] dire d'elle qu'elle a su avec les 'Memoires d'Hadrien' comme avec 'L'(Euvre au noir' rendre actuel I'historique "I

Une esquisse rapide des trois romans de la presente etude doit ouvrir

la bonne voie a une meilleure comprehension de ces paroles laudatives sur

I'historique de l'oeuvre yourcenarienne.

1. "Memoires d'Hadnenn

a) La genese de I'oeuvre

~ c r i t au sortir de la Seconde Guerre mondale "Memoires d'Hadrienn

est contemporain, a la difference de quelques mois, d'un essai polkmique

de Nathalie Sarraute, intitule "L'~re du souppod"' oh elle revendique

1. F .GWLARD et F. WASSERFALLEN, "La Modernite de Marguerite Yourcenar", Entretien entre le Professeur Franwise Gaillard (F.G.) et Franwis Wasmfallen (F.W.). . . . ,. Zquinoxe, no 2, aut. 1989, p.11.

2. Nathalie SARRAUTE, L'& du smfion, Paris: Galhard "ldbs", 1956.

Page 3: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

"le caractkre irrkversible de la rCvolution romanesque, la mort du personnage, la deconsideration de ['action, qu'elle soit herolque ou criminelle, la disparition de I'analyse et de la de- scription."'

Pourtant c'est B travers le classicisme que Marguerite Yourcenar

exprime mieux les drames et les conflits humains

Ses themes lui octroient une originalite incontestke: I'homosexualite

comme dans les recits d'avant-guerre, la realisation tragique de la solitude

de la destinee humaine et finalement le mythe du personnage d'Hadrien.

Yourcenar precise dans ses entretiens avec Matthieu Galey qu'elle avait

h i t "l'histoire d'un prince et en meme temps une grande destinee

individ~elle. '~

Ce h t lors de sa premiere visite a la villa Adriana, A 1'8ge de vingt

ans, que yourcenar a eu ['ambition d'ecrire sur le grand Empereur. Depuis,

par ses "methodes de delire", elle pratique "l'attention" recommandee par

les sages hindous3, en ajoutant a ses lectures son intuition et sa vision

pour rendre vraisemblables ces memoires imaginaires, car elle veut "refaire

du dedans ce que les archeologues du XIXo siecle ont fait du dehors."' Si,

d'apres Alexis, "Tout bonheur est une innocence"(OR,32), Hadrien

affirme, "Tout bonheur est un chef-d'oeuvre"(OR,413), formule qui

1 Henriette LEVILLAIN, Mdmoires d'Hadrien de Marguerite Yourcennr, Paris. Gallimard, 1992, p 12

2 M.YO~CENAqLesYeux,p.156. 3 M. YOmCENAq "Carnets" - MH, Euwes mmmzesques, Avant-propos de

I'auteur. Chronologie, Paris: GallimardiZaPi&ade", 1982, p. 528 4. Ibid., p. 524.

Page 4: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

8

authentifie la lente maturite de la composition des "Memoires d'HadrienW

pendant vingt-cinq ans.

b) Le roman historique

La "Note" de l'auteur, a la fin du livre, donne une longue liste des

lives et des varietes de sources desquels Marguerite Yourcenar a puise

I'essentiel pour se documenter. C'est un catalogue impressionnant de tous

les ouvrages des quatre ecoles historiques importantes de l'aprks-guerre.

Sa connaissance des langues anciennes et modernes, notamment du latin

et du grec contribua a I'edification de ce fichier enormement riche d'une

erudition complete.

Hadrien lui-mime declare que c'est pour retrouver le plan de sa vie

qu'il entreprend ses mkmoires: "Je m'efforce de reparcourir ma vie pour

y trouver un plan, y suivre une veine de plomb ou d'or, ou I'ecoulement

d'une riviere souterraine". (OR, 33)

Ce personnage historique du II' siecle romain f i t un novateur et un

legislateur muni de souplesse, conservateur et visionnaire, plus humaniste

qu'Auguste et plus politique que Marc-Aurele. I1 fut considere le modele

Page 5: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

9

complet qui annonce le prince de la Renaissance. Comme dirait Henriette

Levillain, il etait "juriste et artiste, stratbge et politicien, sage et cynique,

savant et voluptueux."~ I I faut mentionner la phrase inoubliable de Flaubert

qui a beaucoup impressionne Marguerite Yourcenar: "Les cfieux n'etant

plus, et le Chnst n'etant pas encore, il y a eu, de Ciceron a Marc-Aurele,

un moment unique oh I'homme seul a ete."2

Le bilan historique des vingt annees de son regne comprend la

politique de paix dans son vaste Empire romain, la construction des

monuments les plus imposants comme le Pantheon, le Mausolee

Saint-Ange, lavilla Adnana, accompagnees de ses activites surabondantes.

Pour ecrire la vie d'un si grand homme, I'auteur devait attendre de

longues annees: "En tout cas, j'etais trop jeune. I1 est des livres qu'on ne

dolt pas oser avant d'avoir depasse quarante ans [ . . . I I1 m'a fallu ces

annees pour apprendre ii calculer exactement les distances enbe l'empereur

et rnoi."'

c) La structure du roman

Le roman se compose de quatre chapitres encadres par un prologue

1. H. LEVILLAIN, op. cit., P. 47. 2. "Carnets" - MH, p. 5 19. 3 . Ibid.. p. 521.

Page 6: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

"Animula Vagula blandula" (Petite h e vagabonde et cfdine) oh I'essence

des pensees philosophiques et morales d'Hadrien est evoquke, et un

epilogue "Patientia" oh il exerce la patience et attend la mort.

Les quatre chapitres constituent le rkcit principal. Ces titres, sauf le

premier sont empruntes aux devises des monnaies emises sous le regne

dlHadrien, resumant les grands traits d'un plan: "Varius multiplex

multiformis" (Varie, multiple et changeant), "Tellus stabilita" (La terre

retrouve son equilibre), "Steculum aureum" (Siecle d'or), "Disciplina

Augusta" (Discipline auguste)'.

Le chapitre "Varius multiplex multiformis" pule des apprentissages

varies d'Hadrien comme la chasse, la vie militaire, le grec, le cuke de

Mithra, I'ambition, la volupte, lors de la periode qui va de I'enfance a

l'adoption par Trajan. C'est aussi la periode de formation des opinions

contradictoires: le gofit et l'horreur de la guerre, I'amow pour la Grece et

les prejuges A I'egard de Rome, la passion des livres et le rtve d'une

virginite culturelle, la curiosit6 pour les liaisons adulteres et le mepris des

femrnes. I1 se tennine avec la mort de I'emperew Trajan et l'adoption

d'Hadrien. Ainsi tout rentre dans l'ordre dans I'empire et dans la vie

d'Hadrien.

'1 H LEVILLAIN, op cit , p 5 1

Page 7: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

11

Le chapitre "Tellus stabilita" contient les decisions et les actions

d'Hadrien pour etablir I'kquilibre entre le centre (Rome) et la periphtrie

(les provinces).

Hadrien retrouve la paix intkrieure et il construit beaucoup,

construction materielle comrne des monuments et des villas et construction

intellectuelle. 11 fait egalement construire son tombeau au bord du Tibre.

On voit se superposer "par une serie de combinaisons et d'enchissements,

I'ordre rkve, pour Rome et l'ordre souhaite dans la vie personnelle"'

d'Hadrien.

"Sieculum aureum" parle non pas de I'action mais de l'execution du

plan d'ordre et d'equilibre dans les provinces. Hadrien surveille la

consolidation des tenitoires gagnes. C'est la periode de la gloire oh I'on

remarque la fusion de "la courbe de I'empire et celle de la persome intime

d'Hadrien."2 L'evenement capital, la rencontre de I'empereur avec le jeune

ephebe est une indication nette de la jouissance qui vient remplacer l'action.

Hadrien se dome entierement au plaisir comme il dit: "Cette aventure

banalement commencee enrichissait, mais aussi simplifiat ma vie." (OR,

406) Neanrnoins, cet episode romanesque se termine brutalement par une

noyade tragique d'Antinoiis. L'enterrement du jeune Bithymen comble

I'effondrement d'Hadrien. A la fin du "siecle d'or" il y a une impression

1. Ibid., p. 5 5 . 2. Ibid., p. 56.

Page 8: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

de stabilitt.

Dans le chapitre "Disciplina augusta" Hadrien pratiquement

"commence a apercevou le profil de [sa] mort". (OR, 289) Donc il ache

d'achever les ultimes mesures de discipline et d'autodiscipline appliquees

respectivement a I'empire et a sa propre personne. I1 fait son testament

intellectuel: "bibliotheques a Athenes et a Rome et villa Adriana a Tibur."'

Pour eviter le chaos apres lui, il menage tout pour laisser a son successeur

Lucius de son choix un heritage sans dangers.

Le parallelisme continu se voit ici entre l'ordre du monde et l'ordre

de la vie intime: le choix de son successeur et I'attente de sa mort. Toute

la vie d'Hadrien s'annonce comrne un long apprentissage de la mort. Par

le stoi'cisme, il cherche a maitriser ses passions, se laisse gouverner par la

raison, se prCte a la mort.

La deuxieme oeuvre qui a eleve l'ecrivain au statut de vedette avec

"Memoires d'HadrienW, par I'authenticite historique et la verite des valeurs

humaines, est, sans doute, I'histoire de Zenon.

Page 9: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

2. "L'CEuve au noir"

a) La source de la fiction

Le roman a pour point de depart une nouvelle "D'apres Diirer" publiee

en 1934 dans le recueil "La Mort conduit l'attelage"'. Si "Memoires

dlHadrien" fait revivre le monde du 11' siecle romain, "L'CEuwe au noir"

se situe dans la Renaissance flamande ou preciskment "entre le Moyen

Age qul s'epu~se, et la Renaissance qui s 'annon~e."~ Zenon, le heros

fictif, reste confus dans cette periode de transition et cherche a comprendre

les mutations dont il est temoin. L'histoire ne sert ici que de moyen d'une

reflexion sur la destinee d'un homrne.

Comme "Memoires d'Hadrien", "L'CEuwe au noir" t o m e autour

d'une periode charniere dans 1'Histoire Quant a la source de cet ouwage,

Marguerite Yourcenar I'a puisee dans un l ive qui traite des troubles des

Pays-Bas qu'elle a trouve dans la bibliotheque paternelle. Elle le mentionne

dans "Les yeux ouverts"

" l 'a~, entre autres, trouve dans la bibhotheque de ma f m l l e paternelle un live intltule 'Memoires anonymes sur les troubles des Pays-Bas', qui est une reimpression du XIXc siecle d'un texte en vleux fran~ais Ce h t la base de 'L'CEuvre au noir' comme Dion Cassius a ete la base de 'Memoires d'Hadrien' J'avais pris des notes d& ma dix-huitihe annee "3

1. M YOURCENAR, "Note"-ON, Euvres romanesques, p 837

p. Pierre - Yves BOURDIL," 'L'CEuvre au noir' de Marguerite Yourcenar - Portrait de a tbnon", L dcole des l e ths2 no 1 , 1988-1989, p 15 $. M YOURCENAR Les Yeux, p 157

Page 10: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

b) Le cadre historique

Ce qu'on appelle si vaguement la Renaissance n'a pas eu dans les

differents pays d'Europe le meme horaire. La Renaissance du nord a

laquelle Zenon appartient a eu son epanouissement au milieu du XVIe

siecle. C'est une periode oh regne

"la foi en la dignitb humaine, dans les pouvoirs infinisdel'homme, [. . . ] ou I'on se fait du monde une idee qui n'est pas encore wpemicienne. L'homme est toujours au centre des choses, sur une terre qui est au centre du monde."'

A la difference d'Hadrien, un personnage qui a existe dans I'histoire

romaine, Zenon est purement fictif, contenant pourtant en lui des aspects

de Paracelse, de Leonard et de beaucoup d'autres figures importantes de

son siecle dont la liste complete est ebauchee par Yourcenar dans la "Note"

qui suit le romax2 Les luttes religieuses encadrent l'existence de Zenon

qui sera finalement juge pour l'heresie.

Le titre du roman "L'Euvre au noir" renvoie a l'alchimie, science

occulte pratiquee en secret. La recherche alchimique a pour but de creer

l'or et de trouver la"pie~ephilosophale". Parmi les trois phases alchirmques

1. Ibid., p. 158. 2 . "Note" - ON, pp. 839-840.

Page 11: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

IS

"1'~uvre au noir" est la premiere et elle a absorbe toute la vie de Zenon.

c) La tripartition du roman

Le roman est divise en trois parties: "La Vie errante", "La Vie

immobile" et "La Prison". "La Vie errante" traite des voyages de a n o n

qui veut faire "le tour de sa prison" avant de mourir. Sa comaissance va

se bltir sur I'observation directe du monde. La publication de son livre

"Traite d'un monde physique" lui vaut la poursuite de I'Inquisition, car

comme dirait Hadrien: "C'est avoir tort que d'avoir raison trop t6t." (OR,

351) Dans la deuxieme partie "La Vie immobile", Zknon, las des voyages

necessites par la crainte de la saisie de son second ouvrage "Les

Protheories", retourne a Bruges sous le nom deguise de Sebastien Theus.

I1 devient ami du prieur des Cordeliers et commence a mener une vie

apparemment tranquille. Sunient alors le scandale des "Anges" oh I'on

~mplique ZBnon. Arrive a l 'lge de cinquante-neuf ans, par lassitude, il se

laisse decouvrir sa vraie identite. Tout tourne contre lui, il est emprisonne.

La troisieme partie "La Prison" raconte la fin de Zenon. Condamne au

btcher, il se donne la mort de son choix en s'ouvrant les veines et meurt

pleinement libere.

A cBte de ces trois divisions, le roman est marque par trois themes

lies qui sont: "une curiosite du mecanique" mise en execution par

Page 12: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

I'interaction de I'esprit et de la matiere; "me espkrance d'harmonie", c'est-

a-dire la conciliation des sentiments et de la pratique; enfin "une conscience

de I'utopie" quand Zenon rkalise par l'expkrience que tout est vanite

s'agissant des hommes, I'utopie etant "l'espoir social des desabuses".'

La compos~tion du roman a trois volets correspond aux trois phases

de la mat~ere:

"Le magistere consiste - apres une phase de preparation - a desamalgamer d'abord la matike en la dissolvant apres subli- mation pour la rhalgamer ensuite en la coagulant apres puri- fication -'solve et coagula' "'

La premiere phase c'est la putrefaction: "solve", c'est la dissolution

ou tout est noir, "d'un noir plus noir que le noir m2me." "L'CEuvre au

noir" est cette phase de debut caractensee par une odeur pestilentielle.

Graduellemlent, au cours des cuissons, le noir devient gris, puis vert. La

plerre au blanc apparait ("L'CEuvre au blanc"). Finalement, on voit la pierre

rouge apparaitre ("L'CEuvre au rouge"). C'est I'indication de "l'integrale

puretP4 de la matiere. Cette dissolution et purification de la matiere

designent symboliquement "des epreuves de I'esprit se liberant des routines

et des prejuges"

1 P -Y BOLIRDIL, L 'kcole des Lenres, op cit , p 16 2 PierreFOUNAREL, " 'L'Euvre au noir' et son aspect alchirmque",Margr~les, no

122, oct 1968, p 74 3 lbid 4 Ibid p 75 5 "Note" -ON, p 844

Page 13: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse
Page 14: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

18

a I'incertitude: la reconnaissance ou la denkgation de sa culpabilitk. Ronge

par le remords et le souci de justification, ~ r i c , le seul survivant du trio,

relate son recit autobiographique a deux de ses camarades, en soulignant

ce qu'il y a d'ineluctable dans l'enchahement de ces kvenements.

b) Le decor historique

C'est le premier recit historique de Marguerite Yourcenar, dans sa

camere de romancibre La preface de I'ceuvre donne ces precisions de

I'auteur

"Ce court roman dans le sillage de la guerre de 1914 et de la Revolution msse, fut ecnt a Sorrente en 1938 et publie trois mols avant la Seconde Guerremondiale, celle de 1939, donc vingt ans enwron aprb I'mcjdent qu'il relate "!

~ n c , le nanateur du recit, parle de la campagne en Courlande oh il

avait commande, 11 y a qulnze ans, un des corps volontaires qui parhcipaient

a la lutte antibolchenque.

C) Structure du roman

Le roman est raconte d'un tralt sans qu'll y ait des repartitions en

1 Ibid

Page 15: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

19

chap~tres Cette "confidence homosexuelle doul~ureuse"~ fonne le

corollaue de la confesslon d' Alexls Les differents procedes de narration,

le decor m&me, "ce coln obscur de pays balte isolC par la rdvolution et la

g u e ~ e " , ~ la fatalite des faits racontes, le cadre hstonque et biographlque,

tout a pour effet de mener le jeu vers le denouement lrreverslble

C'est a Kratovice que se deroule cette hlstoire d'amour La

presentation du reclt se falt sous forme d'une confesslon aux deux soldats

qul ne I'ecoutent que d'une orellle dlstraite C'est cette fonne que I'auteur

a reprlse pour "Memolres d'HadnenW, publie beaucoup plus tard

Dans cette histoire tragque, les personnages sont dans un desespou

permanent C'est un confllt de passlons et de volontes presque pur 11s se

distinguent du monde cornmun par leur purete, la noblesse et la solf

d$il'absolu et ainsl correspondent aux caractenstiques convenhonnelles des

heros de tragedie

'Soullgnant lajeunesse et I'lnnocence des personnages places dans un contexte de guerre et de mort quotldeme, le narrateur

Yourcenarrennes, bull no 5 , numero spec~al, Caesarodunum, nov 1989, p 93 Plus lorn SIEY

@ CG - "Preface", p 79

Page 16: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

20

met en evidence leur caractkre prkdeatin6." '

L'amour au triangle n'est pas nouveau dans les oeuvres de Marguerite

Yourcenar. Le trio dont il est question egalement dans "Alexis ou le Traite

du vain combat" et, ou le troisibrne personnage n'etait pas present, donc il

n'etait pas precise. Ce trio se retrouve encore dans "La Nouvelle Eurydice"

qui evoque "le desarroi d'un jeune homrne entre pour la premiere fois

dans I'intimite d'un c o ~ p l e . " ~ Ce triangle essentiel apparait egalement dans

"~lec t re ou la chute des masques", piece de thefitre qui correspond ti

"Alexis ou le Tralte du valn combat" par le theme et la substance et dans

"Denier du reve", avec Marcello, Massimo et Stevo et par consequent

dans la p~ece qui en a dte tiree, "Rendre a Cesar".

Pour etablir sans conteste I'authenticite de ses oeuvres, Marguerite

Yourcenar s'efface completement laissant ses personnages envahir la scene.

Pourtant elle apparait directement et pratique la rhetorique defensive dans

des ecrits qui encadrent les recits.

4. Le paratexte

Marguerite Yourcenar ne se soucie pas comme Flaubert ou Gide de

"liwer ses secrets" ou d'empieter a la r~chesse d'interpretation de ses

auvres. Elle n'a ecrit que quatre prefaces, en fait, pour "Denier du ;he",

1. Jean-Franpis PAROZ sur Anne-Catherine Delley, "La vision du tragique dans 'Le Coup de g r k ' de Marguerite Yourcenar", Mimoire de licence, Facult6 des Lettres de 1'Universite deFribourg, 1982, .kqurnoxe, n02, aut 1989, p 145

$4 M YOURCENAR, EWES romanesques, "Chronologie", p XVIn

Page 17: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

2 1

"Alexis ou le Traite du vain combat", "Le Coup de grfice" et "Feux".

Mais elle a fourni d'autres ecrits peripheriques ajoutes A son ceuvre, des

"paratextes", pour reprendre la terminologie de Gkrard Genette. Les a w e s

sont accompagntes dU'avant-propos" ou deapost-scriptum", de

"post-face", d"'examens", deUnotes", et ou de "cametsde notes". Dans le

cas des deux ceuvres principales, les notes fournissent une reference erudite

et assument presque la longueur d'essais. L'edition recente de la Pleiade

de l'ceuvre romanesque presente encore un "Avant-propos" de portee

generale.

C'est tout un reseau complexe de justifications et de clarifications

supplementaires comme si l'auteur voulait dissiper la crainte d'&tre mal lu

ou ma1 compris. Paradoxalement, d'apres ses propres paroles, c'est pour

eviter de dire plus qu'il n'en faut qu'il parle de lui-m&me. Les paratextes

ont pour but I'auto-protection du createur.

D'apres Yourcenar, ces hors-textes donnent la "genese" ou le "cadre"

du roman. Pour le lecteur, ces multiples reprises d'explication sur I'ceuvre

resultent en la proximite temporelle. Et ces parentheses avant etlou apres

i'aeuvre tendent necessairement a souligner la fragmentation temporelle et

spatiale.

I1 est egalement clair que I'aeuvre litteraire subit I'mfluence du monde

Page 18: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

22

technologique des "media". Semblable au presentateur imposant sa

persomalite et son art a la valeur du programme d'un auteur a la radio ou

a la television, Marguerite Yourcenar se fait la presentatrice de ses propres

euvres. En fait c'est un subterfuge d'autoglorification, qu'elle merite sans

doute.

Quoi qu'il en soit, I'ecrivain, par les textes peripheriques, passe de

I'intra-diegetique a I'extra-diegetique. I1 vise a renforcer le rapport

auteur-lecteur, mais egalement surveille a retenir la relation

createur-personnage. En outre, il assure que, pour lui, le temps de I'ecriture

ne se termine pas avec la fin du livre. I1 est libre de reprendre le texte soit

pour la reecriture du texte lui-mCme, soit pour la justification, ou

I'explication. C'est egalement une maniere d ' a f h e r que les personnages

historiques, ressuscites par lui, ne retournent pas a leur tombeau a la fin du

recit, mais continuent de viwe dans cet avatar, soutenu par l'empathie de

I'auteur durant sa vie entiere. Ils sont semblables A ces statues evoquees

dans l'admirable essai "Le Temps, ce grand sculpteur" : "Le jour oh une

statue est terminee, sa vie, en un sens, comrnence."l

Les textes extra-diegetiques donnent un poids a la diegese et dictent

la maniere dont la lecture doit Btse performee. La temporalite de l'ecriture

1. M YOURCENAR, "Le Temps, ce grand sculpteur", Essais el memoires, Avant-propos del'editeur, Paris: Gallimard "La PlBade", 1991, p.3 12

Page 19: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

23

trouve ses rallonges dans celle de la lecture. Celle-ci devient alors un temps

i n f i qui sera limite seulement par la mort. Les lecteurs successifs sont

invites a accompdir "le tour de l'espace temporel qu'on [leur] pr6sente."'

L'intemporel ou le supra temporel est le but ulterieur qui, sans doute, tend

vers I'etemel.

B. Le discours entre la realite et l'imaginaire chez la romanciere

1. Le temps de l'histoire et le temps de la narration

Le rtcit est une sequence doublement temporelle oh entrent en jeu le

temps de la chose racontee et le temps du rCcit, ou linguistiquement, le

temps du signifie et le temps du signifiant.

Le temps de I'histoire de "Memoires d'HadrienV s'etend sur une

periode de soixante-deux ans. L'auteur utilise les reperes de l'histoire

comrne base pour reconstruire la vie publique et la vie interieure du

protagoniste. Puisqu'ii s'agit de I7Empereur, il y a question de I'histoire

personnelle et de l'histoire collective. D'oh une double presentation du

temps qui s'annonce: temps hstorique et temps individuel. Sur le plan

historique c'est I'apogee du regne des Antonins, sur le plan individuel

c'est le testament d'un Empereur qui a deja commence a naviguer vers la

mort. Vieilli et malade, il passe en revue I'integralite de sa vie. La perspective

1 Christiane PAPADOPOULOS, L'expression du tempsdans I'mvre mmanesque el autobiographique de Marguerite Yourcenar, These de doctorat, Ed Peter Lang S.A., Berne, 1988, p.24

Page 20: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

24

est egalement double: La figure historique sur le seuil de la mort ecrivant la

lettre a son petit-fils Marc, et l'ecrivain du XXO siecle s'adressant aux

lecteurs de son temps.

C'est en janvier 1949 que l'ecriture du roman fut entreprise findement,

c'est le moment oh Marguerite Yourcenar portait encore les deboires du

cataclysme de la Seconde guerre mondiale. Pourtant l'espoir etait encore

vif dans son esprit pour convoiter, plein d'optimisme, le redressement

des erreurs des convictions et I'entree dans un monde Cpure de combats,

voire un monde de paix. Surtout, avec la crkation des Nations Unies, elle

couvait le souhait d'avoir un "manipulateur de genie capable de retablir la

paix pendant cinquante ans."' C'etait egalement I'esperance du monde

entier.

Vite desillusiomee, la romanciere entreprend "L'Guvre au noir" oh

elle decrit le comble du monde excessivement attache aux principes:

"Mais au tempsou j'krivais 'Mknoires d'Hadrienl, il Qait pos- sible d'esperer, pour une periode tres courte encore, dans cede euphorie qui suit la fin des guerres; ce n'aurait plus ete possible

1. M. YOURCENAR, Lesyeux, p. 149

Page 21: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

25

trente ans plus tard "'

Par le truchement de la fiction, l'auteur expose les seches verites des

choses et des hommes du XVI' siecle. I1 depeint la vie de ZBnon durant

SIX decennies, de 1510 ti 1569. De la naissance a la mort du heros, c'est

une vie pleine d'experiences et d'experimentations. Zenon s'aventure dans

le monde intellectuel de son temps. I1 lui amve egalement de r&ver de

I'avenir differ6 de plusieurs siecles. Par exemple, retournant par jeu le

numero 1491 qu'il trouve grave sur une vieille poutre, il songe a ce que

pourralt Ctre I'an 1941 I1 est force de confronter I'ignorance, la

sauvagerie et les rivalites non fondees de ses contemporains.

En fait I'auteur s'est m s a ecrire le roman en 1956, en presence des

crlses de Suez, de Budapest et de l'Alg6rie Les tableaux de Breughel,

illustrant la destruction de la guerre, qu'il a regardes au musee de Bruxelles

dans ces annees, l'ont insplre a "evoquer ce desordre, ces rideaux de fer

du XVI' siecle entre I'Europe cathol~que et 1'Europe protestantem4 et la vie

m~serable de ceux qui ne faisaient partie d'aucune de ces sectes.

Par rapport a ces deux ceuvres majeures, la tro~s~eme reste la creation

d'une plus jeune Yourcenar. "Le Coup de grlce" fut ecrit en quelques

1 Ibid 2 ~ . ~ o ~ ~ c ~ ~ ~ ~ , ~ u v r e s r o m a n e s q u e s , o p c i t , p 7 0 1 3 M YOURCENAR Les yeux, p 160 4 Ibid

Page 22: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

26

semames, pendant I'automne 1938, a la veille de la deuxieme guerre

rnondlale et la narration sillonne la guerre de 1914

"C'&slt I'kpoque des fameuses entrewes de Mmch la guerre etslt de nouveau blen proche, etje suis s6re que les angoisses du moment sont pour quelque chose dans la tenslon inteneure du reclt, consacre comme 11 I'est aun episode de guerre se sltuant prks de vmgt ans plus tbt "'

Publ~e a peme trols mois avant le declenchernent de la Seconde guerre

mondiale, l'ouvrage raconte une "occurrence authentique" (OR, 79) q u a

dure moms d'un an knc lui-mime declare au debut du rec~t "Les dm

mols les plus pleins de ma vie se sont passes a commander dans ce

dishct perdu " (OR, 87) Quoique de tres courte duree l'kvenernent pese

sur les personnages par I'intens~te de la situation

C Les mythes dans les romans yourcenanens

L'hornme du present cherche un appui dans l'exemple de celul du

passe hlstonque Car pour h le present est l'maccompli, mas le passe

reste I'accompl~ La mime tendance se retrouve chez l'homme du passe,

car l u ~ aussl a besom de suivre l'exemple de ceux qui l'ont precede, de se

comparer aux heros mythiques du passe lomtam

1 P de ROSBO, Entrelrens, op c ~ t , p 20

Page 23: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

27

La mythologe c'est l'ensemble des recits mervellleux et des legendes

de toutes sortes lnventes par les hommes de I'antiqurte avant notre ere

exergant un grand unpact sur l'homme de I'ere chdtienne en ce qu'elle a

offert une histoire splntuelle au monde Depuis, ces ltgendes ont retenu

I'attention du monde puisqu'elles lnstituent

"un systeme, plus ou moms coherent, d'cxphultron du monde, chacun des gestes du heros dont on raconte les explolts se trouvant n&teur et entrainant des consequences don; retentlt I'umvers entler "'

Les grands poemes "epico-religew" de la htterature de I'Inde apparhennent a cette categorle

Le mythe contlent l'hlstolre, donne le htre de noblesse aux cites et

aux families, s'appu~e sur les croyances et explique les ntes de la rehgon

Gouvernant tout, la we et la pensee, 11 y mble l'humm et le surhumm "I1

dessine une image, un symbole, sl l"on veut, d'une realite qui serait,

autrement, ineffable "2 I1 comporte les contenus "hstonques et e h q u e s "

en relevant "des temoignages impr6vus sur des etats autrement oublies '"

Les heros mythlques ont pour ancbtres des kwutes et ew-mbmes restent

les ancbtres de farmlles nobles hlstonques, comme Helene qui est 1"'enjeu

1 Pierre GRIMAL, La myfholopegrecque, 9'ed [Ir%d 19531, Pans PUF "Que ws-je?", 1978, Introd , p 5

2 Ib~d , pp 8-9 3 I b l d , c h a p I , p 1 2

Page 24: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

28

de la guerre de Trole, est fille de Zeus "1

L'aeuvre yourcenarlenne est tres nche d'alluslons mythlques Les

heros de ses romans sont kclaires et prothges par les modeles

mythologiques 11s y trouvent leur image magnifiee a une dunension

universelle 11s se donnent une ou plusieurs figures myhques comme leur

prototype et se mythifient m s i

1 Hadnen et la mythologe

L'espnt cuneux de I'empereur phllhellene, ~nst ru~t par les voyages, a

beaucoup promulgue la famillante avec les hbos mythologques Ayant

vislte les pays nches en mythes dont les traces restent encore wvantes,

Hadnen s'y r6fkre souvent cornrne ornement du style et c o m e support

d'idees car "le mythe est un langage mversel

Hadrien est attue par le mythe par le cat6 mervellleux et par la maBe

de l'union du monde animal et humam Le mythe reste encore "une langue

vivante" Le monde est bien lnstruit des hstoues mythologques, donc

chaque allus~on au mythe se comprend wte et sert a m e w faxe le dosage

du comportement actuel de I'homme

1 Ib~d , mtrod , p 7 2 Remy POIGNALLT, "Lamyrhologe dans 'Memoues d'Hadnenl - Le T~tan et

Page 25: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

29

a) Hadrien et la nature dans la mythologie

Le monde complexe mythologique ne s'bloigne jamais de la nature,

de mdme il apprend A I'homme a garder le cordon ombilical attache a celIe-ci : "La mythologie dit la sympathie qui lie 1' homme a la nature, une

nature ressentie comme tout a fait vivante."'

Hadrien sans cesse s'applique a se figurer le channe de ce monde de

pur enchantement. La for&, par la presence meme du Centaure, la bdte

fabuleuse au corps mi-humain mi-animal, symbolise I'existence inseparable

de I'homme et la bete. L'empereur croit que la nature regoit une

connotation impressionnante quand elle se manifeste sur l'homme:

". . . la tempkte ne respire jamais mieux que dans I'echarpe bdonnk d'une dksse marine. La objets naturels, les emblhes sacres, ne valent qu'alourdis d'associations humaines." (OR, 388)

L'intimite developpee entre Hadrien et son cheval Borysthenes dlpasse tout critere social. L'adorable creature n'kvalue son maitre que par son poids:

"Mon cheval rempla~ait les mille notions approchees du titre, de la fonctio~ du notn, qui compliquent l'amitie humaine, par la seule connaissance de mon juste poids d'homme." (OR, 290)

La compagnie de I'animal rassure la serenite et le calme, loin du monde chaotique. Elle permet de remonter au temps des origines du monde et de

1, lbid., p. 62

Page 26: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

30

s'approcher de l'univers des dieux. Cette attitude de Yourcenar est trbs

explicite dans la Trilogie. A la vue des anhaux, elle a I'illusion que leur

dkplacement en troupeaux dans la forft symbolise le mouvement vers "un

autre temps du monde, oh I' hornme en presence des bftes pressent encore

I'existence des dieux."'

b) Le mythe d'Hadrien

L'interft dlHadrien s'etend sur les mythes de tous les pays: Rome, la

Grbce, I'Inde, le Japon et la Chine. C'est qu'il est en qufte de I'ideal

humain. Dans cette poursuite, I'empereur glisse dans I'autre monde et

commence B se croire dieu.

i) C o m e empereur

I1 y a d e w moments oh Hadrien s'identifie aux diem mythologiques

romains ou grecs: a I'anivee au pouvoir, puis a la rencontre d'Antinoiis.

Amateur de la paix, il se revkt de la peau de lion, s'assimile ainsi A

Hercule qui fut, c o m e lui, partisan de la paix et du bien-ftre sur terre.

C'est vers la periode de "Tellus Stabilita" qu'il a connu la paix exterieure

et interieure, Ctant rassure qu'il a finalement obtenu le pouvoir et qu'il est

en position, par la politique de paix, de stabiliser I'empire romain.

1 . M. YOURCENAR, "Quoi? L'dtemiJ", Essals et memoires, p 1223.

Page 27: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

31

Son grand reve fut la restauration de l'ordre dans le monde entier,

condition idhale en contraste avec le recours au desordre dechahant un

rnonde chaotique. Dans cette mission, inspire de sa lecture de Plutarque, il

se donne l'image de I1Olympien, deploie ses forces pour vaincre les

Titans, les elements du dbordre. (OR, 392)

Dans son aspiration a travailler pour le bien de I'humanite, Hadrien

se considbre Jupiter. I1 se voit c o m e une part du cerveau du monde

qu'est Jupiter presidant a tout. (OR, 399)

I1 ne faut pas se mkprendre qulHadnen se surestirne en se confondant

avec dieu. I1 reste tres equilibre et cette assomption divine est une manibre

de bien concevoir ses responsabilites. "J'etais dieu, tout simplement pane

que j'etais h o m e " dit-il. (OR, 399)

D'autre part il constate que ie peuple se plait a lui decerner les titres

divins. I1 les accepte avec grPce parce que la confiance des gens qui

s'accroit avec le dkveloppement de l ' ~ t a t finit par deifier l'empereur. Et il

n'est pas le premier a recevoir de tels honneurs. "D'autres que moi I'ont

eu, ou l'auront dans l'avenir" dit-il. (OR, 399) A Athenes, lors de la dedicace

de IY0lympeion, assis "sous ce portique c o n y a I' echelle surhurnaine de

Page 28: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

32

Zeus9', Hadrien est inonde, par le peuple grec, de plusieurs "appellations

divines": "Evergbte, Olympien, Epiphane, M a h e de Tout", et des titres

qui Iui sont tres chers et qu'il croit avoir mbrites par ses actes: "Ionien,

philhellbne". (OR, 422)

ii) Cornme amant

Tout ce qui appartient A Antinoiis parait divin aux yeux dYHadrien;

tres souvent il est designe comme un jeune dieu; la langue maternelle du

Bithynien a la suavite de celle d'Homere: En parlant d'Arrien de Nicom6die

qui est son meilleur arni provenant egalement de la Bithynie, l'empereur

exprime son admiration pour le "doux dialecte".

"Les deux Bithyniens parlaient ce doux dialecte de I' l o ~ e , aux dbinences presques homkiques, quej'ai plus tard dkidk Anien a employer dans ses oeuvres." (OR, 411)

Le mythe a egalement le pouvoir de projeter une "lumiere eb1ouissante"l

sur la realitt. Avoir a ses cbtes un jeune compagnon qui l'adore c'est

admettre sa suprematie:

". . .j"acceptais d'ktre I'image terrestre de ce Jupiter d'autant plus dim qu'il est homme, soutien du monde, justice inuunde, ordre des chose, amant des GanymMes et des Europes, epoux negligent d'une Junon amere." (OR, 4 17)

1. R. POIGNAULT, op. cit., p. 70.

Page 29: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

), la noyade dlAntinoils, il est depouille de ses titres divins et devient

entit?rement humain:

"Tout croulait; tout parut 6' &&Ire. LeZeusOlympien, le Mai- tre de Tout, le Sauveur du Monde s'efondrbrent, et il n'y eut plus qu'un homrne a cheveux gris sanglotant sur le pont d'une barque." (OR, 440)

Auparavant quand Antinoiis a visit6 la tombe de Patrocle en

s'identifiant I lui, il amusait beaucoup Hadrien. Certainement I ce moment

celui-ci n'a vu que "le decalage entre le mythe et la realitt".l I1 est bien

paradoxal qu' "Hadrien a une vision mythique de son existence" mais

"refuse [. . . ] de croire B la veritk du mythe."2 La mort du jeune ange lui

ouvre les yeux. Graduellement il regagne la sagesse et conquiert sa pew

de la fin de la civilisation romaine et de la disparition du souvenir

d'Antinoils. Desomais il n'y a plus question de se faire I'image de dieu.

Pourtant il permet que le peuple continue B le considerer comme tel, tant

que cette croyance lui octroie le pouvoir de guerir les malades.

C'est la lettre d'Arrien contenant le reportage sw l'ile d'Achille qui

ramene Hadrien a croire au mythe. La mention du temple d'Achille ou le

mythe d'Achille et de son ami Pa~ocle est preserve lui apprend "la perennit6

du mythe et sa valeur exemplaire".' L'empereur comprend que la realite

de sa vie avec Antinoils se superpose avec le passe myhque. Desormais

I . Ibid., p. 71. 2. Ibid. 3 . Ibid., p. 74.

Page 30: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

34

il commence A s'assimiler rl. Achille. I1 s'inspire du mythe pour confronter

la vie et la mort. I1 privoit deja que la postente peut le myhfier:

"Notre Cpoque, dont je connaissais mieux que persome les in- suffisances et les tares, swait peut-he un iour considhbe. oar contraste, comme un des iges d' or de l'h&t~." (OR 4j5)

Et le temps I'a prouve, les histonens decrivent le regne d'Hadrien comme

I'bge d'or.

I1 est aussi vrai que cet h o m e solitaire et Mdtre du peuple sort de

son cadre temporel pour atteindre l'universel. C o m e Flaubert I'a ddcrit,'

Marguerite Yourcenar voit en lui I'embleme de l'homme libre et l'image

meme du gouvemant qu'elle souhaitait pour restaurer l'ordre durant la

piriode de I'aprbs-guerre et a la suite de la constitution des Nations unies,

"un manipulateur de genie capable de retablir la paix pendant cinquante

an^'"^

2. Zinon et le mythe du 'moi'

La Renaissance, piriode de tumulte intenewe, de progres, d'invention

scientifique, de floraison liaeraire et de dbveloppement philosophique, a

connu beaucoup d'humanistes dont Zenon reflete la quBte du savoir et

confronte les obstacles.

I . "Les dieux n'itant plus, et le Christ n'btant pas encore, il y a eu, de CicQon P Marc Aurhle, un moment unique oh l'homme seul a &e." M. YOURCENAR "Carnets"-MH, CEuvres romanesques, p. 5 19.

2. M. YOURCENAR, Lesyeux, p. 149.

Page 31: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

a) A la recherche de "Hic Zeno"

Des I'lge de vingt ans Zenon se lance vers "le grand chemin". I1 a

des ambitions precises: il veut maitriser l'alchimie et il est A la recherche

des maitres pour apprendre la science occulte. Trbs sQr de lui-m&rne, il

$aura accomplir ses desirs. La declaration, "Un autre m'attend ailleurs. Je

vais zi lui" est pleine d'assurance. Le long voyage est entrepris pour atteindre

le but de la realisation de soi. C'est "Hic Zeno", le genie en lui-m6me, qui

le pousse vers de nouveaux rivages a explorer. Si Hadrien est I'empereur

des terres, Zenon est le conquerant du savoir.

b) Le mystique autour du personnage de Zenon

Depuis l'enfance jusqu'a ses derniers jours, les actes et les

deplacements de Zenon focalisent ses aspirations multiples et depassent

celles d'un hornme ordinaire. Le chapitre "La Voix publique" (OR, 600-

602) decrit en filigrane le voyage de Z6non dont les mouvements se

succedent avec une rapidite et une variete mysterieuses. Le seul ami

d'enfance, Henri-Maximilien Ligre, I'ayant quitte pour I'aventure de la

gloire, le jeune clerc reste tout seul dans ses errances, ce qui justifie son

silence et mystifie ses actes. Hors de Bruges, sa ville natale, le

philosophe-medecin vagabond est etranger partout ailleurs et devient discret.

I1 parle peu et bien a propos. Sa longue conversation avec

Henri-Maxirnilien a h s b m c k rompt le silence et sa longue absence se

Page 32: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

dbmystifie. Renonpant a la prbtrise, il a commence A pratiquer la medecine,

a experimenter l'alchimie. I1 a parcouru le monde, connu des succbs et

aussi des dkboires. Voulant communiquer au monde le fruit de ses

recherches il a publib des lives dont les titres sont tres revelateurs, a

savoir "Le Traite du monde physique" (OR, 640), "Protheories" (OR,

670) et "Prognostications des choses futures". (OR, 640) Ceux-ci sont

condamn6s par le public qui refuse d'accepter des faits qui contredisent

leurs croyances ttablies : cornme par exemple habitue considerer la terre

au centre de I'univers, on est indigne de croire que c'est le soleil qui est en

fait le centre et perdre ainsi I'irnportance qu'on s'est donne jusqu'apresent.

(OR, 788)

c) Le mythe du 'moi'

Le trait predominant chez Z6non depuis son enfance est son

ambition "d'btre plus qu'un homme". (OR, 564) L'ecnvain lui prbte des

aptitudes exceptionnelles de sorte qu'il puisse s'elever plus haut que le

reste des humains. La presentation du personage suggkre qu'il est n6

pour btre le guide philosophique, spirituel et moral du peuple de la

Renaissance,

Hilzonde et Simon Adriansen sont assimil6s a w caractkres bibliques,

creant ainsi I'atmosphbre austbe pour rnieux presenter la valeur surhumaine

de Zenon: "Simon et sa femme, c o m e Abraham et Sarah, c o m e Jacob

Page 33: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

37

et Rachel, avaient, durant douze ans, v6cu en paix." (OR, 603) Les

recherches de Enon dans le domaine de I'hemetisme, de la chirurgie

medicale, des sciences physiques, et de la prophetie sont celies d'un

puissant intellectuel. Mais des facteurs extkrieurs interviennent pour

interrompre ses travaux. Rendu de force inactif, le philosophe de Bruges

pardt cornme Icare, le personnage mythologique qui s'envole avec des

ailes attachees avec du cire, mais qui se detachent quand la cire se fond a

I'approche du soleil. I1 est Protee quand il fait des propheties des choses

futures et qu'il se dkrobe, tout cornme le fils de Neptune, changeant de

pays et de profession afin d'htre hors de la portte du monde vil.

Pareil au liberateur envoye par Dieu, il offre ses services benevoles a

tous les soufiants. I1 guerit les pestiferbs et les malades, cherche a protkger

les "anges". I1 est le prophete inquiet de l'avenir de I'hornme. Par ses

soudaines apparitions dans sa "houppelande flottante" Zenon avoisine

I'image du Messie le Christ. I1 reste incompris de la societe. Loin d'htre

loue de ses bienfaits, il rencontre partout le persiflage et reqoit du Tribunal

le verdict bien prononce de la condamnation au biicher. Navre de son

sort, il choisit une fin analogue a celle du Christ, mais dans son cas c'est

une "auto-crucifixion": la posture de son corps et les points saignants de

son pied gauche et de son poignet renforcent cette image. I1 coupe

Page 34: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

"laveine tibiale Bur la face exteme du pied gauche, a I'un des endroits habitue18 de la saignee [. . . ] il cherch[e] et taiUad[e] a son poignet I1art&eradiale." (OR 830)

Son h e s'apprbte a s'envoler sous forme de lumiere eblouissante

"Un instant qui lui sembla kernel, un globe Carlate alpita en lui ou en dehors de hi, saigna sur la mm," (OR 833$auteur Ie voit ddja entrer dans I'Ctemitd "lnstdd dans sa propre fin, il &ait diji Zbnon ' i n o e t e d " (OR, 82.1)

3, L'element mythique du "Coup de grlce"

Par la participation des grandes puissances et par la magnitude du

genocide, la premiere Guerre mondiale se prtsente comme un evenement

epique.

a) L'atmosphbre politique et le mythe de Sophie

Le champ de bataille du roman est sur la frontikre allemande. Les

acteurs sont les "premiers soldats du IIIbmO Reich" sous le regime

national-socialiste.' L'action du roman se dboule ii Kratovict, ville en

proie a une crise gkographique. Territoire entre dew m 6 e s en conflit,

elle est tant6t la possession des communistes, tant6t celle des

corps-francs.

1 . Luc RASSON, "Un humanisme inadlquat. Apropos du 'Coup de grW1', p: SIEY, bull. nos, numdro special, nov. 1989, p. 48.

Page 35: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

La seule jeune femme parmi les soldats, Sophie reste I'objet d b u k

de tout le monde. Le viol qu'elle subit par le sergent lithuanien

repr6sent4'envahissement contre son gre. I1 y a des moments oh elle

participe volontiers ace jeu en changeant de partenaire A chaque danse, la

veille de No8, en ouvrant la fenatre Qlairbe une nuit de bombardement.

Sachant bien qu'elle est vulnerable, elle se defend de son mieux.

"L'Allemagne vaincue en proie A la fois aux revolutions communistes

et aux turbulences pre-fascistes"' est envisagee ici c o m e une femme, sa

permeabilite correspond A la wlnerabilite de Sophie. Le mythe de la jeune

fille s'effectue ainsi 6 un niveau different.

"L'instabilite du lieu, I'evanouissement des frontibres, corres- pond parfiutanent Bla wlonti, propre Blafgnme, defaire eclata les limites. L' Allemagne envahie, au m&ne titre que la femme erotisbe, est I'objet privildgie de sollicitude des hommes des cotps-francs/'

~ r i c , a son tour, appardt aux jeunes Allemands c o m e le "jeune Werther"

par les soufiances mdmes de son debat intkrieur: ". . . ~ r i c , pour certains,

1. Ibid., p. 48. 2. Ibid., p. 49.

Page 36: CHAPITRE -1 - Shodhgangashodhganga.inflibnet.ac.in/bitstream/10603/1372/7/07_chapter1.pdf · CHAPITRE -1 LA PR~sENTA~ DES TROlS srY'rrr DANS LE CADRE DE L- IEl DE LA MvmoWGE A. L'esquisse

a kt6 le Werther de cette generation."' De meme Sophie est rapproch6e de

la femme souffrante d'Ibsen:

"Quant B Sophie [. . . ] w wirks se passaient B tisonner rageu- sement le feu du salon, avec les soupirs d'ennui d'une h t o b e ibdnienne ddgodtde de tout." (OR, 94-95)

Plus que les descriptions physiques ou psychologiques, ces assi-

milations aux figures mythiques et mytholo@iques traduisent mieux la gran-

dew des protagonistes qui sont vises par I'auteur comrne nettement supb-

rieurs au reste du monde.

La predominance historique et mythologique dans les romans

soulignent la grande afFinite de I'ecrivain vers le passe, par consequent

vers le temps. On a donc interkt a situer la notion du temps dans le

contexte historique en genbal et dans les Qrits yourcenariens en particu-

lier, ce qui doit nous eclaircir sur l'attirance du pass6 chez Yowcenar.