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CHAPITRE 1 INTRODUCTION AUX MINES, ARMES À SOUS-MUNITIONS ET AUTRES RESTES EXPLOSIFS DE GUERRE 11

CHAPITRE 1 INTRODUCTION AUX MINES, ARMES À SOUS … · ainsi les mouvements des troupes ennemies et leur approvisionnement, tout cela sans grand risque pour les équipages aériens

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CHAPITRE 1

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RÉSUMÉLes mines terrestres ont été mises au point avant le XXe siècle, mais ce n’estqu’à partir de la guerre de 1939-1945 qu’elles sont devenues une arme deprédilection pour de nombreux groupes et forces armés. Largement utiliséesdans les conflits internationaux comme dans les conflits internes, surtoutdans les années 80 et 90, les mines représentent une menace permanentepour la population civile, longtemps après la fin des hostilités. De la mêmemanière, les restes explosifs de guerre, à savoir les stocks de munitions aban-donnés et les munitions non explosées (bombes, obus, grenades et autresmunitions qui ont été utilisées, mais qui n’ont pas explosé comme prévu),sans aucun doute encore plus nombreux, font souffrir des sociétés dans lemonde entier bien après la fin des conflits. Les sous-munitions non explosées(également appelées “ratés”) constituent un danger particulièrement marqué.

INTRODUCTIONCe chapitre est consacré à l’histoire des mines terrestres et à leur utilisationdans les conflits armés, en particulier dans la seconde moitié du XXe siècle.Il décrit également brièvement l’impact des armes à sous-munitions, employéespour la première fois au cours de la guerre de 1939-1945, et examine les pro-blèmes causés par la présence de mines terrestres, sous-munitions et autresrestes explosifs de guerre (REG) pour les populations civiles à travers le monde.

QU’EST-CE QU’UNE MINE TERRESTRE?Dans leur version la plus simple, les mines terrestres (communément appelées“mines”)1 sont des pièges explosifs déclenchés par les victimes elles-mêmes,la cible prévue étant une personne ou un véhicule. Une mine est composéed’une certaine quantité d’explosif contenue dans une enveloppe (habituellementen métal, en matière plastique ou en bois) et d’un mécanisme d’amorçagedestiné à déclencher l’explosion. Les mines sont généralement classées endeux catégories: les mines antichars/antivéhicules2 et les mines antipersonnel.La plupart du temps, les experts classent les mines antipersonnel en quatresous-catégories, selon leur façon d’infliger les blessures: les mines à effet desouffle, les mines à fragmentation, les mines bondissantes à fragmentationet les mines directionnelles à fragmentation.

Les deux termes “mine” et “mine antipersonnel” sont définis dans des instrumentsséparés du droit international: la Convention sur l’interdiction des mines anti-personnel(CIMAP) et la Convention sur certaines armes classiques (CCAC)3.Dans le cadre des négociations internationales, les mines antichars ou antivé-hicules sont souvent désignées par l’expression “mines autres que les mines anti-personnel”. La différence entre les deux définitions du terme “mines anti-personnel” est commentée aux chapitres 3, 4 et 6.

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Différents types de mines à effet de souffle

Mines à fragmentation Mines bondissantes et directionnelles à fragmentation

Mines antichars

QU’EST-CE QU’UN RESTE EXPLOSIF DE GUERRE?Conformément au Protocole V à la Convention sur certaines armes classiques,adopté en novembre 2003, on entend par “restes explosifs de guerre” (REG) lesmunitions non explosées et les munitions explosives abandonnées. Sontexpressément exclus de cette définition juridique les mines, les pièges etautres dispositifs.

On appelle munitions non explosées (MNE) les munitions (bombes, obus,mortiers, grenades et analogues) qui ont été utilisées mais qui n’ont pasexplosé comme prévu, habituellement lors de leur impact sur le sol ou uneautre surface dure. Le taux d’échec peut varier de 1-2 % à 30-40 % enfonction de divers facteurs, notamment l’ancienneté de la munition, lesconditions de stockage, le mode d’utilisation et l’environnement.

B-40 POMZ-2

Mine métallique TM-57 Mine en matière plastique TM-62 P2

MON 50 MON 100OZM-72

Type 72 PFM-1 VS 50 PMD-6 BPD-SB 33 PMN

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L’HISTOIRE DES MINES TERRESTRES

L’invention des mines terrestresL’origine des mines antipersonnel fait débat. Selon un ouvrage de 1998 surl’histoire de ces armes, les mines modernes “ont pour ancêtres des dispositifs nonexplosifs tels que les piques et les pieux utilisés jadis par les armées.” 4 Il est cepen-dant probable que le terme de “mine” remonte à l’époque du Moyen Âge, où“l’emploi de “mines” était pratique courante lors des sièges [...] L’assiégeant enlevaitet déplaçait autant de terre que possible juste à un endroit exposé des fortifications, etétayait la cavité à l’aide de poutres. Il remplissait alors l’espace entre les poutres avecde la paille et des brindilles, et y mettait le feu. Lorsque les supports étaient calcinés,le mur s’effondrait dans le trou, créant ainsi une brèche […] Au cours des âges, lapoudre noire et les explosifs remplacèrent le feu, mais cette technique essentiellementmédiévale fut conservée et utilisée jusque très récemment, pendant la Première Guerremondiale”.5

La mine antipersonnel à fragmentation aurait été inventée en 1855 par uningénieur russe.6 La première référence à une mine explosive remonte auXVIIIe siècle, quand un historien militaire allemand rapporta l’utilisationd’une fladdermine (littéralement une mine volante). En avril 2001, desarchéologues découvrirent en Chine du Nord plus de vingt “mines terrestres”datant de plus de 600 ans.7

Mais l’hypothèse la plus courante est que les mines terrestres explosivesmodernes, autrefois appelées “torpilles”, ont été inventées à l’époque de laguerre de Sécession.8 Au printemps 1862, à Yorktown, Gabriel Rains,général de l’armée confédérée, à la tête d’une garnison de 2 500 hommes,donna l’ordre à ses troupes de préparer des obus pouvant être déclenchéspar un fil-piège ou par le poids d’une personne. Les premiers accidentscausés par ces “précurseurs” des mines antipersonnel furent signalés le 4 mai1862; certains soldats des troupes confédérées qualifièrent même ces dispo-sitifs de “barbares”, et le supérieur de Rains en interdit alors l’utilisation,déclarant que cette méthode de guerre n’était “ni convenable ni efficace”.9

L’utilisation de ces armes continua pourtant, en dépit des craintes éprouvéesdans les deux camps. Durant l’attaque de l’armée de l’Union à Fort McAllisterprès de Savannah en 1864, 12 hommes furent tués et 80 blessés par desmines. C’est à la suite de cette bataille que le général William T. Shermanprononça ces paroles devenues célèbres, selon lesquelles l’usage de minesne serait pas “un acte de guerre, mais un meurtre”.10

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Les mines terrestres pendant les deux guerres mondialesLes premières mines antichars firent leur apparition sur le front de l’Ouestdurant la guerre de 1914-1918 en tant que moyen de défense contre les chars,tout juste inventés. On en déterre encore aujourd’hui. Quant aux mines anti-personnel, elles ne furent pas très utilisées sur les champs de bataille de laPremière Guerre mondiale. Vers le début de la guerre, des mines activées pardes fils-pièges avaient été disposées parmi des entrelacs de fils de fer, mais cedispositif se révéla aussi dangereux pour les poseurs de mines que pour lesennemis et fut rapidement abandonné.11 Néanmoins, des mines antipersonnelet des pièges furent posés dans des positions abandonnées en prévision d’uneavancée ennemie. Ces armes provenaient d’obus transformés, avec des amorcesspéciales vissées au fond de l’obus.12 Conformément à l’article 8 de l’Accordd’armistice du 11 novembre 1918, l’Allemagne dut remettre les plans desemplacements de ses mines.

Les mines terrestres antipersonnel et antichars furent en revanche très largementutilisées lors de la Seconde Guerre mondiale. Selon les services de renseignementdu département américain de la Défense, plus de 300 millions de mines anti-chars furent posées durant la guerre, dont 220 millions par l’Union soviétique.13

A la fin de la guerre, les Allemands avaient, semble-t-il, fabriqué 16 modèlesdifférents de mines antichars, 10 modèles de mines antipersonnel, et utilisédivers types d’engins improvisés et de mines prises à l’ennemi. En outre,l’armée allemande avait mis au point et intégré aux mines des dispositifsantimanipulation et elle avait été la première à employer des mines antiper-sonnel qui pouvaient être dispersées en vol. Vers la fin de la guerre, lesAllemands avaient expérimenté des systèmes d’amorçage à influence magné-tique, sensibles aux vibrations, radiocommandés et à induction de fréquence.14

Les mines terrestres jouèrent un rôle déterminant pendant les batailles d’El-Alamein,15 de Koursk,16 et bien d’autres encore. Vers fin 1943, lorsque le maréchalRommel se vit confier la tâche de préparer la défense contre le débarquementattendu des Alliés en France, il donna les instructions suivantes à son ingénieuren chef, le général Wilhelm Weise: “Notre seule chance est de livrer bataille surles plages – c’est là que l’ennemi est toujours le plus faible. Je veux des mines antiper-sonnel, des mines antichars et antiparachutistes. Je veux des mines pour couler lesbateaux et des mines pour couler les péniches de débarquement. Je veux que certainschamps de mines soient conçus de façon que notre infanterie puisse passer, mais pas leschars ennemis. Je veux des mines qu’on actionne à l’aide d’un fil-piège, des mines quiexplosent lorsqu’on coupe un fil, des mines qui puissent être commandées à distance etdes mines qui explosent lorsqu’un faisceau lumineux est interrompu”.17

L’une des mines antipersonnel allemandes, appelée par la suite Schrapnellmine35 ou mine S, fut “le dispositif le plus redouté par les troupes alliées durant la guerre”.18

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Après la fin de la guerre, les soldats démobilisés introduisirent l’expression“champ de mines” dans le langage courant pour désigner une situation parti-culièrement difficile.19

L’après-guerreAprès 1945, cinq critères de conception furent privilégiés pour les mines:l’efficacité, la taille, la détectabilité, l’effort logistique et la vitesse de pose.Mais les progrès technologiques rapides entraînèrent une obsolescence toutaussi rapide, et plus de 600 types différents de mines terrestres furent fabriquéspendant la période allant jusqu’aux années 90.20

Les mines antipersonnel furent utilisées à grande échelle pendant les guerresde Corée et du Vietnam et furent responsables de près de 5 % des victimesparmi les troupes américaines en Corée.21 A la suite de la guerre de Corée etnotamment après des attaques en vagues contre des positions de l’ONU, lesEtats-Unis mirent au point la mine directionnelle à fragmentation ClaymoreM18. Lorsqu’elle explose, que ce soit à l’aide d’un fil-piège ou d’un fil élec-trique commandé à distance, des centaines de billes métalliques sont projetéesen un arc de 60 degrés, dans un rayon mortel d’environ 50 mètres.

Ce fut pendant la guerre du Vietnam que les forces américaines utilisèrentpour la première fois de manière intensive des mines mises en place à distance,dites aussi “dispersables”, afin d’empêcher les transferts d’hommes et dematériel du Nord-Vietnam au Sud-Vietnam, via le Cambodge et le Laos.Les mines antipersonnel larguées par avion présentaient un certain nombred’avantages par rapport aux mines posées manuellement: elles pouvaient êtremises en place en un temps très court, nécessitaient un minimum de moyenslogistiques et pouvaient être posées loin derrière les lignes ennemies, perturbantainsi les mouvements des troupes ennemies et leur approvisionnement, toutcela sans grand risque pour les équipages aériens. Mais en même temps,elles représentaient un danger certain pour les forces amies, à moins d’êtreéquipées de dispositifs d’autodestruction ou d’autodésactivation. Il semblequ’entre 1966 et 1968, le département américain de la Défense ait achetéplus de 114 millions de mines antipersonnel destinées à la guerre du Vietnam.22

Forts de leur expérience au Vietnam, les Etats-Unis décidèrent de consacrerdes fonds importants à la mise au point de mines antipersonnel conçues pours’autodétruire dans un laps de temps prédéterminé (habituellement entre 4et 48 heures). L’idée était née depuis un certain temps déjà. A la suite dudifficile déminage des champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale enAfrique du Nord, un rapport britannique intitulé Engineer Lessons fromthe North African Campaign avait recommandé la mise au point d’un nouveautype de mines capables de “s’autodétruire après un certain laps de temps, afind’éviter d’avoir à les relever”.23

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Les Etats-Unis conçurent également des mines terrestres pouvant servird’armes chimiques, chaque mine renfermant une dose de gaz neurotoxiqueVX. C’est ainsi que le 30 novembre 2000, conformément aux dispositions dela Convention de 1993 sur les armes chimiques, le département de laDéfense américain annonça avoir procédé avec succès à la destruction deplus de 13 000 mines terrestres contenant du gaz VX sur l’atoll Johnstondans l’océan Pacifique.24 Les Etats-Unis ont continué à investir dans larecherche et le développement de nouveaux types de mines terrestres. Defait, le département de la Défense américain a sollicité un budget de plus de1 milliard de USD sur cinq ans pour produire des “dispositifs destinés àremplacer les mines antipersonnel”, notamment des mines faisant appel à latechnologie des armes dites “semi-autonomes”, dans laquelle l’explosion estcommandée à distance par un tireur. Mais ces nouvelles armes présententaussi la particularité déterminante de pouvoir être réglées en un mode auto-matique optionnel, ou mode “de priorité de combat”, auquel cas elles fonc-tionnement exactement comme des mines terrestres classiques. Jusqu’ici, lePentagone a financé la mise au point de deux de ces systèmes: le Matrix (unsystème de commande à distance pour mines classiques) et le système demine terrestre Spider XM-7.25

Malgré les rapides avancées technologiques en matière de mines au cours desdernières décennies, le cas de figure le plus typique reste la pose manuelle demines antipersonnel et antichars rudimentaires dans des conflits internes,tant par les forces gouvernementales que par des acteurs de l’oppositionarmée. En Afghanistan, en Angola, en Bosnie-Herzégovine, au Cambodge,en Ethiopie, en Irak, au Mozambique, au Nicaragua, en Somalie, au Soudan,ainsi que dans de nombreux pays en guerre, les mines antipersonnel furentlargement utilisées comme partie intégrante d’une stratégie militaire ou sim-plement pour terroriser la population civile et contrôler ses mouvements. Laprolifération des mines bénéficia de leur faible coût (de 3 à 15 USD parmine) et du fait qu’il était facile de s’en procurer.26 Suite à l’effondrement dubloc soviétique, il fut fait un usage intensif et souvent indiscriminé des minesantipersonnel lors des conflits acharnés du Caucase et d’ex-Yougoslavie, danslesquels étaient impliqués certains des principaux producteurs mondiaux demines antipersonnel. En outre, l’utilisation croissante de ces armes ne s’arrêtapas aux forces militaires et aux groupes armés: dès les années 90, les civilsde nombreux pays commencèrent à leur tour à faire usage de mines, parexemple pour protégéer leurs terres, pour la pêche ou la chasse.

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La menace des mines terrestresPersonne ne sait combien de mines terrestres sont encore en place, qu’elles aientété posées lors de conflits anciens ou récents. Si l’on évaluait précédemmentleur nombre à près de 100 millions voire plus, cette estimation est trèscontestée et il est pratiquement impossible de fournir des chiffres exacts. Ilen va de même pour le nombre total de victimes, qui est difficile à évalueravec précision. Ce qui est certain, en revanche, c’est que les mines terrestrescontinuent de tuer ou de mutiler, tant pendant qu’après les conflits, surtoutparmi la population civile. Dans le rapport du Landmine Monitor, la Campagneinternationale pour interdire les mines terrestres (ICBL), qui rassembleplus de 1 400 ONG, fait état d’accidents graves ou mortels imputables auxmines terrestres et aux restes explosifs de guerre dans 75 pays ou autresentités en 2008. “En 2008, le Landmine Monitor a recensé 5 197 victimes de mines,REG ou engins explosifs artisanaux activés par la victimes. […] Quelque 1 266personnes ont été tuée et 3 891 blessées, et le sort de 40 autres victimes n’était pasconnu. Les victimes de 2008 ont été enregistrées dans un plus petit nombre de pays etautres entités qu’en 2007 : 75 contre 78. Dix pays ayant compté des victimes en 2007n’en ont pas recensé en 2008, en particulier la Mauritanie, qui en avait enregistréchaque année depuis l’an 2000. […] Sept pays n’ayant par contre pas enregistré devictimes en 2007 en ont compté en 2008, […] dont la Libye, où le Landmine Monitora identifié des victimes pour la première fois depuis 1999 (malgré des rapports réguliers,mais non confirmés, faisant état de nombreuses victimes). Le Mali, qui avait recensédes victimes pour la toute première fois en 2007, a également de nouveau compté desvictimes en 2008, tout comme le Niger, qui n’en avait pas recensé pendant plusieursannées avant 2007. […] En 2008, 61% environ des victimes (pour lesquelles le statutde civil ou de militaire était connu) étaient des civils (2 821 sur 4 611). […] La grandemajorité des victimes dont le sexe était connu étaient des hommes (3 754, ou 91 % de 4115), 361 des femmes (9 %). […] Les enfants ont représenté 28 % des victimes pourlesquelles l’âge était connu (1 184 sur 4 214)”.27

Cependant, le danger des mines terrestres va bien au-delà du fait de tuer,mutiler et blesser des milliers de personnes chaque année. Les effets sociaux,économiques et environnementaux de leur utilisation sont souvent graves etse font sentir à long terme. La conséquence la plus dramatique pour les com-munautés rurales en développement est la perte de terres agricoles fertiles etde l’accès aux points d’eau. Il semble aussi que “les pays dont l’infrastructure estminimale […] sont particulièrement vulnérables aux risques des mines terrestres. Lefait de miner les barrages et les installations électriques peut réduire considérablementla capacité d’un pays à produire l’énergie nécessaire à sa reconstruction. De même, le faitde miner les infrastructures de transport empêche les déplacements de populations et leséchanges de biens et de services. Le minage des routes et des chemins affaiblit l’économiede marché en isolant les paysans et les bergers, qui se trouvent dans l’impossibilité de serendre sur les marchés pour vendre leurs produits”.28

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En 1995, les Nations Unies29 déclarèrent que les mines constituaient “l’une desformes de pollution les plus répandues, les plus meurtrières et les plus durables” jamaisconnues.30 Les effets sur l’environnement avaient déjà été constatés à la findes années 70. Le 5 décembre 1980, l’Assemblée générale des Nations Uniesadopta la Résolution 35/71 Problèmes posés par les restes de guerre, dans laquelleelle reconnaissait que “la présence de restes matériels des guerres, en particulier demines, sur le territoire de certains pays en développement constitue un grave obstacle à leursefforts de développement et entraîne des pertes de vies humaines et de biens matériels”.L’usage de mines antipersonnel à grande échelle force les populations ruralesà se réfugier, soit dans des terres à faible rendement qui se dégradent de plusen plus, soit dans les villes, aggravant ainsi les phénomènes de surpopulation,de chômage et autres problèmes urbains.31

La menace des armes à sous-munitionsLes armes à sous-munitions sont des munitions classiques conçues pour disper-ser ou libérer de multiples sous-munitions (parfois appelées “bombelettes”)sur une zone pouvant atteindre plusieurs centaines de mètres carrés.32 Ladéfinition générale de ces armes inclut tant le contenant (également appelédistributeur ou “munition mère”) que les sous-munitions qu’il contient. Lesarmes à sous-munitions considérées ici sont celles qui dispersent des “sous-munitions explosives”, et non celles qui sont conçues pour lancer des fumigènes,des leurres, des artifices éclairants ou des artifices pyrotechniques.

Les armes à sous-munitions sont conçues de manière qu’elles menacent toutparticulièrement la population civile pendant et après leur utilisation.Premièrement, elles couvrent de vastes zones, ce qui augmente la probabilitéque l’explosion des sous-munitions dispersées par chaque arme à sous-munitions lors d’une attaque fasse des victimes civiles ou cause des dommagescollatéraux aux biens civils. Ce problème est encore aggravé par le nombrehabituellement élevé de sous-munitions dispersées en une seule fois.

Illustration des risques des munitions non explosées | Afghanistan

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Deuxièmement, le taux d’échec de nombreuses sous-munitions impliquequ’une simple attaque peut laisser des centaines ou des milliers d’engins nonexplosés, certes de petite taille, mais qui n’en sont pas moins mortels.Troisièmement, la sensibilité du dispositif de mise à feu de nombreuses sous-munitions est telle que le moindre choc peut suffire à provoquer l’explosion.Conséquence de ces facteurs, les sous-munitions ont tué ou blessé un grandnombre de civils, en particulier des enfants, dans des pays tels que l’Afghanistan,la Fédération de Russie (Tchétchénie), l’Irak, le Liban et la Serbie. Outrequ’elle cause des morts et des blessés, la présence de sous-munitions nonexplosées empêche le retour en toute sécurité des personnes déplacées etentrave les activités de subsistance telles que l’agriculture ou l’élevage.

La menace des REGS’il est impossible d’estimer avec exactitude le nombre des mines terrestresencore en place, il en va de même en ce qui concerne les restes explosifs deguerre, c’est-à-dire les munitions abandonnées ou qui ont été utilisées, maisn’ont pas explosé comme prévu. En revanche, on peut avancer avec certitudeque le nombre total de REG dans le monde dépasse de loin celui des mines.On continue à en trouver en grand nombre sur les champs de batailled’Europe plus de 50 ans, voire plus de 80 ans, après leur emploi. Les munitionsde la Première Guerre mondiale contiennent parfois du gaz moutarde oud’autres agents chimiques, ce qui présente un risque supplémentaire pourles équipes de dépollution. Au Bélarus, ces équipes trouvent parfois encoredes munitions datant des guerres napoléoniennes.33

Le danger des REG, qui a été en quelque sorte relégué au second plan parla question de l’impact humanitaire des mines terrestres, en particulier desmines antipersonnel, commence à être estimé à sa juste mesure. Danscertaines économies de subsistance, les civils recherchent les engins nonexplosés pour en récupérer la ferraille ou la matière explosive. Des enfantspeuvent être tués ou blessés en jouant avec ces restes explosifs de guerre,qui font partie de leur paysage quotidien. Bien trop souvent, le fait de ne pasavoir fait enlever en toute sécurité les REG a eu des conséquencesmortelles.

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1 Le terme “mines terrestres” est utilisé pour faire la distinction avec les mines marines, qui ne font pas l’objet de la présente étude.

2 Le terme “mine antivéhicules” est relativement récent. Les mines antivéhicules étaient auparavant appelées “mines antichars”.

3 Pour plus de précisions à propos de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel,voir le chapitre 4.

4 M. Croll, The History of Landmines, Leo Cooper, Royaume-Uni, p. ix; voir également p. 1-8.

5 P. Cornish, Anti-Personnel Mines, Controlling the Plague of “Butterflies”, Royal Institute for International Affairs, Londres, 1994, p. 18, citation de C. Oman, The Art of War in the Middle Ages, Volume One: 378-1278AD, Greenhill, Londres, 1991, p. 133.

6 Association of Military-Political and Military-Historic Research, The Position of Russia As Regards the Problem of Use of Anti-Personnel Mines Considering the Conferences in Brussels and Oslo, Moscou, 1997, p. 5.

7 600-Year-Old Mines Unearthed in Inner Mongolia, Xinhua Press Agency, Hohhot, Mongolie, 11 avril 2001.

8 Voir M. F. Perry, Infernal Machines, The Story of Confederate Submarine and Mine Warfare, Louisiana State University Press, Baton Rouge, Etats-Unis, 1985.

9 M. Croll, The History of Landmines, op. cit., p. 16.

10 Ibid., p. 18.

11 School of Military Engineering, The Work of the Royal Engineers in the European War 1914–19, SME, Chatham, Royaume-Uni, 1924, p. 257.

12 M. Croll, The History of Landmines, op. cit., p. 26; voir également p. 27-28.

13 US Defense Intelligence Agency et US Army Foreign Science and Technology Center, Landmine Warfare – Trends and Projections (U), DST-1160S-019-92, Washington DC, décembre 1992, section 2-1.

14 M. Croll, The History of Landmines, op. cit., p. 48.

15 Pour de plus amples informations sur l’emploi des mines en Afrique du Nord, voir par exemple L. Ceva, The Influence of Mines and Minefields in the North African Campaign of 1940-1943, texte présenté au Colloque sur les restes de guerre abandonnés lors de la Seconde Guerre mondiale sur le sol libyen, Genève, 28 avril - 1er mai 1981; A. Vines, The Crisis of Anti-Personnel Mines, dans M. A. Cameron et al. (éds.), To Walk Without Fear,The Global Movement to Ban Landmines, Oxford University Press, Toronto, 1998, p. 119.

16 Voir M. Healy, Kursk 1943, The Tide Turns in the East, Osprey Military, Royaume-Uni.

17 Voir S.E. Ambrose, D-Day June 6, 1944: The Climactic Battle of World War II, Simon & Schuster, New York, 1994, p. 588, cité dans M. Croll, The History of Landmines, op. cit., p. 74.

18 Lieutenant-colonel C. E. E. Sloan, Mine Warfare on Land, Brassey’s, Londres, 1986, p. 36.

19 M. Croll, The History of Landmines, op. cit., p. 53.

20 Ibid., p. 96.

21 Ibid., p. 97.

22 P. Cornish, Anti-Personnel Mines, Controlling the Plague of “Butterflies”, op. cit., p. 7.

CHAPITRE 1

NOTES ET RÉFÉRENCES

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23 M. Croll, The History of Landmines, op. cit., p. 65.

24 Chemical Weapons Destruction Complete on Johnston Atoll, Press Release No. 715-00, Office of the Assistant Secretary of Defense (Public Affairs), Washington DC, 30 novembre2000.

25 C. Moraff, Along Came a Spider, American Prospect, édition en ligne accessible sur le site www.prospect.org/web/page.ww?section=root&name=ViewWeb&articleId=12075, 21 janvier 2007.

26 Voir par exemple UN Department for Humanitarian Affairs Fact Sheet on Manufacturing and Trade, New York, 1996.

27 ICBL, Landmine Monitor Report 2009, (Rapport 2009 de l’Observatoire des mines) Mines Action Canada, 2009, p. 47-48 et 49.

28 S. Roberts, et J. Williams, After the Guns Fall Silent, The Enduring Legacy of Landmines, Vietnam Veterans of America Foundation, Washington DC, 1995, p. 6.

29 Voir département d’Etat des Etats-Unis, Hidden Killers: The Global Problem with Uncleared Landmines, Washington DC, 1993.

30 Assistance au déminage, rapport du Secrétaire général, UN Doc. A/49/357, 6 septembre 1995, p. 7.

31 S. Roberts et J. Williams, After the Guns Fall Silent, op. cit., p. 11.

32 Dans le cas des mines, les sous-munitions sont appelées “mini-mines”. Les mines antiper-sonnel sont interdites par la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel et les mines antivéhicules, par le Protocole II modifié de la Convention sur certaines armesclassiques (voir chapitres 3 et 4). Toutes sont exclues de la définition d’une arme à sous-munitions telle que formulée par la Convention sur les armes à sous-munitions (voir chapitre 5).

33 ICBL, Landmine Monitor Report 2006, Toward a Mine-Free World (Rapport 2006 de l’Observatoire des mines: vers un monde sans mines), Mines Action Canada, juillet 2006, p. 193; voir aussi Landmine Action, Global Survey 2003–2004: Explosive remnants of war and mines other than anti-personnel mines, Londres, mars 2005.

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CHAPITRE 1

NOTES ET RÉFÉRENCES