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HEC MONTRÉAL La revitalisation de marque au sein d’une communauté de consommation: le cas de l’Absinthe Par Maud Sudan Sciences de la gestion (Marketing) Mémoire présenté en vue de l‟obtention du grade de maîtrise ès sciences (M. Sc.) Avril 2011 © Maud Sudan, 2011

Chapitre 1 Revue de littérature - École de gestion

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HEC MONTRÉAL

La revitalisation de marque au sein d’une communauté de consommation: le cas de

l’Absinthe

Par

Maud Sudan

Sciences de la gestion

(Marketing)

Mémoire présenté en vue de l‟obtention

du grade de maîtrise ès sciences

(M. Sc.)

Avril 2011

© Maud Sudan, 2011

AVIS DU CER

iii

Sommaire

Récemment, de nombreuses marques abandonnées depuis longtemps ont été

relancées avec succès. On pense entres autres à la New Beetle, à Star Wars ou encore

à Pepsodent (Brown, Sherry Jr, & Kozinets, 2003; Gladwell, 2000; Wansink, 1997).

L‟essor des stratégies de « retro » marketing est le résultat de deux phénomènes

distincts sur le marché.

D‟une part, dans un environnement marketing de plus en plus turbulent, il devient

impératif pour les gestionnaires de gérer efficacement l‟équité de marque. Or, les

stratégies de revitalisation de marque permettent aux gestionnaires de maintenir l‟équité

de marque à long terme et ce dans un environnement changeant (Ewing, Fowlds, &

Shepherd, 1995; Keller, 1999). Ces stratégies se justifient d‟autant plus qu‟il est souvent

moins coûteux et moins risqué de rénover une marque que d‟en créer une de toute

pièce (Aaker, 1991).

D‟autre part, la fin du vingtième siècle est caractérisée par un vaste « boom

nostalgique » au sein de la société (Naughton & Vlasic, 1998). À ce titre, les vieilles

marques « capturent une émotion qui augmente la valeur de la marque, la nostalgie »

(Kapferer, 2008). Ainsi, au travers de leurs actes de consommation, les individus

espèrent former des liens avec leur passé personnel ou avec les communautés qui ont

partagé ces marques (Brown, et al., 2003). Dès lors, selon Brown et al. (2003), les

marques retro sont susceptibles de rassembler une communauté de consommateurs

éprouvant un intérêt commun pour une époque idéalisée. En effet, une communauté de

consommation émerge lorsque « l‟individu s‟identifie à certains objets ou activités de

consommation et qu‟il s‟identifie à d‟autres personnes à travers ces objets ou activités »

(Cova, 1997). En conséquent, d‟après les auteurs, il est aisé d‟ajouter une dimension

temporelle à cette définition.

Ce deuxième constat nous amène à nous pencher sur la gestion des communautés de

marque dans le cas d‟une revitalisation. En effet, loin d‟être des acteurs passifs, les

communautés de consommateurs ont de plus en plus la volonté et le pouvoir d‟agir sur

la vie des marques. L‟arrivée des nouvelles technologies et notamment de l‟Internet a

d‟ailleurs exacerbé ce sentiment (McWilliam, 2000). Par conséquent, les entreprises

doivent aujourd‟hui impérativement tenir compte de ces communautés dans l‟élaboration

iv

de leurs stratégies, et ce d‟autant plus que les communautés semblent être en mesure

de contribuer au processus de revitalisation de marque (Brown, et al., 2003; Muñiz &

Schau, 2005).

Cependant, aucune étude empirique ne s‟attarde à détailler les différents impacts de la

communauté au cours du processus de revitalisation, ni comment réussir à engager une

communauté existante autour d‟une marque dans le but de la relancer sur le marché.

Notre recherche tente donc de combler ce manque. Trois objectifs principaux ont été

avancés : décrire l‟impact des communautés et des gestionnaires sur l‟équité de

marque, définir les actions managériales qui peuvent faciliter la participation de la

communauté dans le processus de revitalisation et enfin déterminer plus

particulièrement quels sont les facteurs-clé de succès qui favorisent la mise en place de

telles stratégies de marque.

La nature exploratoire de la recherche ainsi que les questions de recherche déterminées

nous ont conduits à opter pour une étude de cas unique de type qualitative. Cette étude

porte sur le processus de revitalisation de la marque Pernod Absinthe. En effet, en

2007, la compagnie Pernod décide de relancer sa marque pourtant disparue du marché

depuis près de 100 ans et d‟impliquer la « classe créative » (Florida, 2002) au sein du

processus de revitalisation. Les méthodes de l‟entrevue individuelle semi-dirigée, de

l‟observation non-participante et la documentation ont été utilisées à cet effet.

Dans un premier temps, nous détaillons l‟impact des communautés et des gestionnaires

sur le capital de marque à l‟aide du modèle d‟équité de marque orienté consommateur

tel que développé par Keller (2001). À ce titre, notre étude vise à répondre aux critiques

formulées quant au modèle. En effet, nous contribuons à démontrer que l‟impact du

consommateur sur le capital de marque n‟est pas fonction uniquement de ses réponses

aux actions marketing. Nous constatons au contraire que les consommateurs ont

réellement un rôle à jouer dans la construction de chacun des blocs du capital de

marque.

Dans un deuxième temps, nous déterminons plusieurs actions à même de susciter la

participation des communautés au sein du processus de revitalisation d‟une marque.

Ainsi, pour engager les consommateurs auprès de la marque, de la firme et de la

communauté, l‟entreprise fait appel à des influenceurs qui sont des membres de la

v

classe créative et qui agissent à titre de leaders d‟opinion au sein de la communauté.

D‟autre part, comme suggéré par Schau, Muñiz et Arnould (2009), l‟entreprise peut

mettre à la disposition des membres des structures et des outils qui facilitent la mise en

place de rôles et de pratiques centrés sur la marque au sein du groupe. Enfin, la firme

peut également favoriser la création de relations significatives avec les membres et la

communauté pour favoriser l‟appropriation de la marque (McAlexander, Schouten, &

Koening, 2002).

Pour finir, nous examinons quels sont les critères à même de favoriser la mise en place

de telles stratégies. La majorité des critères retenus portent sur la marque et ses

significations. En effet, dans le cas des marques retro, les significations de marque sont

co-crées par les gestionnaires et la communauté. Ainsi, l‟identité de marque doit être

perçue comme authentique et marginale par la communauté. Il est également important

que les actions marketing qui accompagnent la revitalisation restent discrètes afin de

favoriser l‟appropriation de la marque par la communauté, c'est-à-dire son assimilation à

l‟identité personnelle et sociale des membres.

Mots-clés : communauté de consommation, revitalisation de marque, co-création de

marque, engagement, influenceurs, recherche qualitative, étude de cas.

vi

Table des matières

Sommaire ......................................................................................................................... iii

Liste des figures ............................................................................................................... ix

Remerciements ................................................................................................................. x

1. INTRODUCTION ............................................................................................................ 1

2. REVUE DE LITTERATURE .............................................................................................. 3

2.1 LES MARQUES EN DÉCLIN ET LEUR REVITALISATION 3

2.1.1 ÉVOLUTION DE LA MARQUE 3

2.1.2 REVITALISATION DE MARQUE 6

2.1.3 LE CAS DU RETRO MARKETING : UNE REVITALISATION DE MARQUE CONJOINTE 12

2.2 LES COMMUNAUTÉS DE MARQUE ET LEURS IMPACTS SUR LA MARQUE 13

2.2.1 COMMUNAUTÉS DE CONSOMMATION 13

2.2.2 FONCTIONNEMENT DES COMMUNAUTÉS DE MARQUES 16

2.2.3 IMPACTS DES COMMUNAUTÉS SUR LA MARQUE 20

2.2.4 IMPACTS POSITIFS POUR LA MARQUE 23

2.2.5 PRISE DE POUVOIR DES COMMUNAUTÉS 25

3. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE ET CADRE CONCEPTUEL .................................... 27

3.1 PROBLÉMATIQUE 27

3.2 CADRE CONCEPTUEL 29

4. METHODOLOGIE ........................................................................................................ 33

4.1 STRATÉGIES DE RECHERCHE 33

4.1.1 JUSTIFICATIONS DE LA MÉTHODOLOGIE 33

4.2 SÉLECTION DU CAS ET COLLECTE DE DONNÉES 34

4.2.1 LE CAS: LE RELANCEMENT DE PERNOD ABSINTHE ET LA « CLASSE CRÉATIVE» 34

4.2.2 COLLECTE DE DONNÉES 35

4.2.3 ANALYSE DES DONNÉES 40

4.2.4 CONSIDÉRATION ÉTHIQUES 40

5. HISTOIRE DE L’ABSINTHE .......................................................................................... 41

5.1 BREF RETOUR HISTORIQUE 41

5.2 L‟ABSINTHE : UN ART DE VIVRE À LA FRANÇAISE 43

vii

5.3 L‟ABSINTHE DE NOS JOURS 45

6. LA STRATEGIE DE REVITALISATION DE PERNOD ABSINTHE ..................................... 46

6.1 MISE EN CONTEXTE 46

6.2 LES OBJECTIFS DE REVITALISATION 47

6.3 LES ACTEURS 48

6.4 LES ACTIONS STRATÉGIQUES MISES EN PLACE 49

6.4.1 INFILTRER LA COMMUNAUTÉ CRÉATIVE 50

6.4.2 PROJETS DE PARTENARIATS CRÉATIFS 55

6.4.3 LE VOLET DIGITAL 57

6.4.4 ÉDUQUER LES CONSOMMATEURS 58

7. ANALYSES .................................................................................................................. 62

7.1 IMPACTS DES COMMUNAUTÉS ET DE L‟ENTREPRISE SUR LE CAPITAL DE MARQUE 62

7.1.1 NOTORIÉTÉ DE MARQUE 63

7.1.2 IMAGE DE MARQUE 65

7.1.3 RÉPONSES DES CONSOMMATEURS 66

7.1.4 RÉSONANCE DE MARQUE 69

7.2 ENGAGER LA COMMUNAUTÉ AUPRÈS DE LA MARQUE 70

7.2.1 LES INFLUENCEURS : UNE MULTITUDE DE RÔLES 70

7.2.2 DÉVELOPPER LES RÔLES ET LES PRATIQUES AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ 72

7.2.3 DÉVELOPPER DES RELATIONS SIGNIFICATIVES AVEC LA COMMUNAUTÉ DE MARQUE 76

7.3 LES CRITÈRES DE SUCCÈS 81

7.3.1 UNE HISTOIRE DE MARQUE RICHE 82

7.3.2 ESSENCE DE MARQUE VIVE 83

7.3.3 LA MARQUE EST ASSOCIÉE À UNE ÉPOQUE, À UNE COMMUNAUTÉ IDÉALISÉE 86

7.3.4 UNE MARQUE « MARGINALE » 86

7.3.5 DES ACTIONS MARKETING DISCRÈTES 87

8. CONCLUSION ............................................................................................................. 89

8.1 SYNTHÈSE DES RÉSULTATS 89

8.2 IMPLICATIONS MANAGÉRIALES 91

8.3 LIMITES DE L‟ÉTUDE 92

8.4 AVENUES DE RECHERCHES FUTURES 93

9. ANNEXES .................................................................................................................... 95

viii

9.1 GUIDE D‟ENTREVUE À L‟ATTENTION DES RÉPONDANTS DU CAS 95

9.2 GUIDE D‟ENTREVUE À L‟ATTENTION DES EXPERTS 98

9.3 THÈMES LIÉS À L‟OBSERVATION DESCRIPTIVE 101

10. BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. 102

ix

Liste des figures

Figure 3-1 : Cadre conceptuel ....................................................................................... 31

Figure 4-1 : Critères pour juger de la qualité de la recherche ........................................ 36

Figure 4-2 : Liste des répondants du cas de revitalisation de Pernod Absinthe ............. 38

Figure 4-3 : Liste des experts interviewés ..................................................................... 38

Figure 7-1 : Caractéristiques et rôles des influenceurs au sein de la communauté ........ 71

Figure 7-2 : Critères de succès ..................................................................................... 81

x

Remerciements

« Car le mot, qu‟on le sache, est un être vivant. (…) Les mots sont les passants

mystérieux de l‟âme. » Victor Hugo

Ce mémoire est l‟accomplissement de deux années de travail. Il serait difficile ici de

résumer en quelques phrases tous les efforts et le temps passé à lire, déchiffrer,

analyser, articuler et bien sur rédiger cette « production scientifique ». Difficile

également de faire le récit de la palette d‟émotions qui accompagnent la rédaction d‟un

mémoire.

Je n‟aurais pu réussir cette entreprise seule et je tiens donc à remercier tous ceux qui

m‟ont accompagné d‟une façon ou d‟une autre. Mon directeur, Pierre Balloffet, pour ses

conseils éclairés et son ouverture d‟esprit. Un grand merci également pour m‟avoir offert

l‟opportunité de travailler en tant qu‟assistante d‟enseignement au D.E.S.S, ce fut une

expérience très enrichissante.

Ma famille qui m‟a toujours encouragée dans mes études et qui m‟a permis de mener à

bien ma maitrise. Merci de m‟avoir toujours poussée plus loin.

Mes amis, pour leur aide morale et matérielle. Merci de m‟avoir permis de décrocher

pour mieux repartir. Je remercie en particulier ma meilleure amie qui a pris le temps de

relire ce mémoire.

Et bien sûr mon compagnon qui, au quotidien, a partagé avec moi les épreuves de ce

deuxième cycle universitaire, et qui a su me prodiguer conseils et soutien dans toutes

les situations. Merci d‟avoir été patient et compréhensif même dans les moments les

plus difficiles.

Il me faut finalement remercier l‟entreprise Pernod sans qui ce mémoire n‟aurait pu se

concrétiser. Un grand merci en particulier à Charles de Saint Vincent qui dès le début

m‟a accordé sa confiance dans ce projet. Merci également à tous ceux qui ont accepté

de participer à cette étude et qui ont ainsi contribué à l‟avancée de la recherche

marketing au travers de leurs témoignages.

Chapitre 1 Introduction 1

1. INTRODUCTION

Pabst Blue Ribbon (P.B.R) est une marque de bière née aux États-Unis dans les années

1850. Entre 1970 et 2000, les ventes de la marque ne cessent de décliner, si bien que la

compagnie est obligée de fermer plusieurs de ses usines et de licencier la production à

la compagnie Miller Brewing (Walker, 2003). D‟autre part, l‟entreprise coupe tout

investissement marketing préférant laisser lentement mourir la marque. En 2002, et

contre toute attente, l‟entreprise renoue pourtant avec la croissance (les ventes

augmentent de près de 5,3% au cours de l‟année). Comment, dès lors, expliquer ce

revirement brutal de situation?

Pabst Blue Ribbon est devenue le symbole de plusieurs « sous-cultures » telles que les

snowboarders, les punks et les skaters, qui semblent s‟être appropriées la marque grâce

à l‟absence de communication marketing pendant plusieurs années (Walker, 2003). En

effet, les communautés ont ainsi pu adapter les significations de marque selon leurs

idéaux et leurs modes de vie propre. La compagnie fait alors le choix de collaborer avec

ces communautés en appliquant une logique de “no marketing”, c'est-à-dire en limitant

les communications de masse marketing et en favorisant le sponsoring d‟évènements

artistiques ou sportifs (Walker, 2003).

Le cas de Pabst Blue Ribbon n‟est pas unique. Ainsi, plusieurs marques que l‟on pensait

disparues ont fait un retour triomphant sur le marché, certaines entres autres grâce aux

communautés de fans qui ont porté la marque. C‟est le cas de la marque Harley

Davidson qui en 1983 était sur le point de disparaitre mais qui 25 ans plus tard est

évaluée à 7,8 milliards de dollars (Fournier & Lee, 2009). Preuve de ces récents succès,

on encourage aujourd‟hui les gestionnaires à intégrer les communautés de marque dans

les processus de revitalisation puisqu‟elles contribuent favorablement à l‟évolution des

significations de marque dans le cas des marques retro (Brown, et al., 2003). Muňiz et

Schau (2005) suggèrent également que les consommateurs rassemblés en

communautés constituent une alternative de revitalisation efficace. Pourtant, très peu

d‟études universitaires se sont intéressées à ce phénomène.

Notre étude a donc pour objectif d‟apporter des éléments de réponse à cette

problématique et ainsi de combler un manque certain dans la littérature. Tout d‟abord, il

nous faut déterminer comment les communautés participent à la revitalisation d‟une

2

marque. Puis, nous nous efforcerons de cerner pourquoi et comment rallier une

communauté autour d‟une marque. Enfin, nous aborderons les différents critères à

même de favoriser le succès et en particulier le rôle de la marque dans ce processus.

Dans le but de répondre à ces questions nous débutons par une revue de la littérature

qui examine les différentes stratégies de revitalisation de marque à la disposition des

entreprises ainsi que le phénomène des communautés de consommation, leur

fonctionnement et leurs impacts démontrés sur les marques. Par la suite, nous

présentons la problématique de recherche ainsi que le cas d‟étude qui en fait l‟objet.

Puis, nous retraçons l‟histoire de l‟absinthe et les stratégies mises en place par la firme

dans le cadre du processus de revitalisation. Nous analysons ensuite nos différents

résultats pour finalement présenter nos conclusions, les limites de la recherche et enfin

les avenues de recherches futures.

Chapitre 2 Revue de Littérature 3

2. REVUE DE LITTERATURE

2.1 Les marques en déclin et leur revitalisation

2.1.1 Évolution de la marque

2.1.1.1 Le cycle de vie de la marque

Il existe très peu de théories qui permettent d'expliquer l‟évolution d‟une marque dans le

temps. En effet, la marque a longtemps été assimilée au produit. Par conséquent, le

modèle du cycle de vie du produit qui identifie 4 étapes (introduction, croissance,

maturité et déclin) a longtemps servi de référence. Cependant, au début des années 90,

plusieurs auteurs démontrent les limites de ce modèle dans le cas de la marque.

Plummer (1990) remet en question le caractère fini du cycle de vie. Erdem, Swait et

Louviere (2002) démontrent que la crédibilité de la marque diminue la sensibilité au prix.

D‟autres auteurs questionnent le fait que le modèle ne tient pas compte des dynamiques

de la demande mais uniquement de l‟offre. Or, une marque est soumise à beaucoup de

facteurs qui ne peuvent être contrôlés par la firme : l‟environnement, la concurrence et

bien sur les consommateurs. En réponse à ces critiques, de nouveaux modèles sont

développés. Parmi ces derniers, nous mentionnerons le modèle en six étapes

Chernatony et McEnally (1999) et le cycle évolutionniste du produit de Tellis et Crawford

(1981) qui distinguent trois forces affectant l‟évolution d‟une marque que sont les forces

génératives, sélectives et médiatrices.

Plus généralement, plusieurs auteurs s‟attardent à décrire les caractéristiques

d‟évolution de la marque par opposition au produit. Ainsi selon Lewi (1996), la

naissance d‟une marque repose sur sa capacité à créer à l‟aide d‟un produit une rupture

sur un marché, rupture lui permettant de devenir un repère pour les consommateurs

(Lewi, 1996). D‟après l‟auteur, la « nouvelle » marque entame alors une odyssée en

trois temps que sont le temps de l‟héroïsme, le temps de la sagesse et le temps du

mythe. Pendant le temps de l'héroïsme, la marque établit sa promesse au

consommateur. Puis, pendant le temps de la sagesse, la marque entame une phase de

dialogue avec le consommateur dans le but de gagner sa confiance. Enfin, vient le

Chapitre 2 Revue de littérature 4

temps du mythe. La marque raconte alors son histoire, histoire qui exprime au travers

d‟actions le comportement social de la marque et lui permet ainsi de devenir un élément

socioculturel (Lewi, 1998). C'est au terme de cette odyssée que la marque acquière son

existence sensorielle et symbolique et crée ainsi un lien affectif puissant avec les

consommateurs (Lewi, 1998).

La vision de Kapferer (2000) rejoint sur plusieurs points celle de Lewi (1998). Selon lui,

la marque naît en tant que produit ou service innovant, ce qui lui confère une existence

concrète. Avec le temps, la marque s‟approprie des valeurs, une personnalité et une

clientèle cible : son identité évolue vers l‟immatériel. Ainsi, la marque acquière une

résonance émotionnelle auprès de ses consommateurs et gagne en force sur le produit

(Kapferer, 2000).

Selon Lewi (1996) et Kapferer (2000) la dynamique d‟évolution d‟une marque repose sur

le passage d‟une génération de consommateurs à une autre, passage qui peut s‟avérer

délicat voire mortel pour la marque. En effet, d‟une génération à l‟autre la marque peut

perdre son sens pour les consommateurs car l‟apprentissage transgénérationnel

autrefois réalisé par la famille n‟a plus lieu (Kapferer, 2000). Il revient donc à la marque

de le réaliser. Or, il peut s‟avérer difficile de gagner la confiance de nouvelles

générations de consommateurs n‟ayant plus les mêmes valeurs et les mêmes

aspirations que leurs parents.

2.1.1.2 Déclin de la marque

Au cours du cycle de vie, l‟équité de la marque peut diminuer brutalement ou

progressivement conduisant parfois à la mort de cette dernière (Thomas & Kohli, 2009).

Lorsque cela se produit, on dit alors généralement de la marque qu‟elle « vieillit »

(Aaker, 1991; Bontour & Lehu, 2002; Lewi, 2005). Ce vieillissement est cependant

interprété différemment selon les auteurs. Ainsi, Bontour et Lehu (2002) pensent que la

performance de la marque est affectée selon son âge perçu par les consommateurs.

Lewi (1996) assimile ce vieillissement à un écart entre l‟image que les consommateurs

ont de la marque et celle que la firme désire transmettre. Kapferer (2000) pense que la

marque vieillit lorsque sa valeur perçue diminue ou stagne.

On peut cependant noter qu‟en général, une marque « vieille » est avant tout une

marque qui est perçue comme telle. Cette impression est généralement partagée par les

Chapitre 2 Revue de littérature 5

consommateurs, mais elle peut aussi toucher les non consommateurs, les fournisseurs,

les distributeurs ou les employés eux-mêmes qui reconnaissent l‟existence d‟un

déséquilibre entre la marque et ses concurrents (Kapferer, 2008).

Il importe dès lors de cerner les raisons principales du déclin. En général, les managers

procèdent alors à un audit afin de déterminer les facteurs qui affectent négativement

l‟image de marque (Bontour & Lehu, 2002).

2.1.1.3 Facteurs de déclin

Thomas et Kohli (2009) distinguent trois forces qui expliquent le déclin de la marque : (1)

les forces génératives qui correspondent aux actions managériales, (2) les forces

sélectives qui sont issues de l‟environnement de marché et enfin (3) les forces

médiatrices qui correspondent aux actions des concurrents (Thomas & Kohli, 2009).

Premièrement, on recense plusieurs actions managériales à l‟origine du vieillissement

de marque: une baisse de qualité du produit, une augmentation des prix qui ne serait

pas couplée à une augmentation des bénéfices, ou à l‟inverse une réduction des prix qui

à long terme affecterait la valeur perçue de la marque, la négligence des managers

envers la marque, une désaffection progressive de la cible (Thomas & Kohli, 2009) ou

encore une communication vieillissante (Bontour & Lehu, 2002). Tous ces facteurs

contribuent à la dégradation progressive du capital de marque.

L‟environnement, quant à lui, est en perpétuel changement et des transformations

brutales peuvent survenir, affectant de fait les marques. Par exemple, une innovation

technologique majeure pourrait rendre désuète une marque forte sur un marché si celle-

ci ne sait pas s‟adapter aux nouveaux standards. La marque Polaroid par exemple, fut

incapable de maintenir son avantage comparatif lorsque la photographie digitale fit son

apparition sur le marché (Thomas & Kohli, 2009).

Il en va de même pour la concurrence. Ainsi, si une marque subit les agressions

répétées d‟un concurrent elle peut rapidement sembler désuète aux consommateurs car

inférieure à l‟offre des concurrents qui ont su prendre les devants sur le marché. Ceci

est d‟autant plus vrai que les nouveaux entrants sur le marché peuvent « profiter de

nouvelles technologies ou approches marketing à leur avantage du fait de l‟inertie des

gros joueurs déjà présents » (Thomas & Kohli, 2009, p. 381).

Chapitre 2 Revue de littérature 6

2.1.2 Revitalisation de marque

La revitalisation (aussi appelée rajeunissement ou rénovation) de marque est une

stratégie populaire dans les entreprises : Coca cola (Zyman & Brott, 2004), l‟Oréal

(Desroches, 2005) ou encore Harley Davidson (Keller, 1999) y ont recours plus ou

moins régulièrement.

Pourtant peu d‟études académiques existent sur le sujet. En effet, la plupart des

ouvrages sur la revitalisation de marque sont de types managériaux. Ils se présentent

principalement comme des « guides » que les managers devraient suivre pour revitaliser

la marque (Aaker, 1991; Berry, 1988; Bontour & Lehu, 2002; Wansink & Huffman, 2001;

Zyman & Brott, 2004) et ne permettent pas de dégager un cadre conceptuel impliquant

l‟ensemble des variables et leurs dynamiques dans un processus global(Desroches,

2005).

Cette stratégie de marque est de grand intérêt pour les entreprises car elle présente un

moyen de maintenir l‟équité de la marque dans un environnement changeant par une

stratégie à long terme (Ewing, et al., 1995; Keller, 1999). Or, l‟équité de marque

représente un actif intangible important pour les firmes (Simon & Sullivan, 1993) car, en

développant un capital de marque fort, les firmes peuvent bénéficier de la loyauté des

consommateurs, imposer un premium de prix ou encore diminuer leur vulnérabilité face

aux actions concurrentes et aux crises (Keller, 2001). D‟autre part, cette stratégie peut

s‟avérer très bénéfique pour l‟entreprise puisqu‟il est souvent moins couteux et risqué de

rénover une marque que d‟en créer une nouvelle (Aaker, 1991). Berenson et Mohr-

Jackson (1994) démontrent par exemple, que la revitalisation de produit demande moins

de temps et d‟investissements et offre des perspectives de profits plus grands que dans

le cas de la création de nouveaux produits.

2.1.2.1 Le capital de marque

L‟équité de marque est donc au cœur des stratégies de revitalisation. Deux approches

sont possibles pour la définir. La première adopte le point de vue financier, tandis que

l‟autre adopte le point de vue du consommateur et définit l‟équité de marque comme

« l‟effet différenciateur de la connaissance de marque du consommateur sur les

réponses du client aux activités marketing » (traduction libre, Keller, 1999, p. 102). C‟est

cette approche qui sera retenue ici. Dans le but d‟expliciter les raisons du déclin de la

marque, il nous faut analyser les trois éléments fondamentaux du capital de marque soit

Chapitre 2 Revue de littérature 7

l‟effet différentiel, la connaissance de marque et la réponse du consommateur (Thomas

& Kohli, 2009).

Premièrement, il est possible pour les gestionnaires de favoriser un comportement

positif envers la marque c'est-à-dire de créer un effet différentiel (Keller, 1999). À ce

titre, deux stratégies sont envisageables : (1) offrir des produits de qualité à des prix bas

ou compétitifs ou (2) différencier la marque de ses concurrents en offrant une qualité

supérieur ou des bénéfices intangibles par exemple (Thomas & Kohli, 2009).

Deuxièmement, la notion de connaissance de marque dépend à la fois de la notoriété et

de l‟image de marque (Keller, 1999). La notoriété d‟une marque est fonction de la facilité

avec laquelle les consommateurs se rappellent de la marque et du nombre de

catégories à laquelle la marque est associée (Keller, 2001).L‟image de marque, quant à

elle, fait référence aux « perceptions du consommateur sur la marque telles que

reflétées par associations stockées dans la mémoire du consommateur » (traduction

libre, Keller, 1993, p. 3). Ainsi, selon l‟auteur, en construisant des associations

favorables, fortes et uniques (dites saillantes) les gestionnaires sont à même de

construire une image de marque forte. D‟après Park et Srinivasan (1994), ces

associations sont de deux types : fonctionnelles ou abstraites. Keller (2001) précise que

les associations fonctionnelles se rapportent à la dimension utilitaire de la

consommation et font référence à la performance de la marque tandis que les

associations abstraites représentent la dimension émotionnelle et englobent la

personnalité de la marque, ses valeurs, son héritage et les sentiments qu‟elle suscite

chez le consommateur.

Enfin, selon Keller (1999) le capital de la marque est toujours fonction de la réponse

des consommateurs envers la valeur qui leur est délivrée. L‟auteur ajoute que la

réponse du consommateur est cognitive d‟une part puisque celui-ci émet un jugement

sur la marque, et émotionnelle d‟autre part, dans la mesure où la marque suscite des

sentiments chez les consommateurs (Keller, 2001).

Plus précisément, il constate que les jugements portent entre autres sur la qualité, la

crédibilité, la pertinence et la supériorité de la marque. Les émotions suscitées par la

marque sont quant à elles liées à sa valeur de lien social pour le consommateur, et à la

relation que le consommateur entretient avec lui-même en consommant ladite marque.

Chapitre 2 Revue de littérature 8

Finalement, le capital de marque est fonction de « la relation et le niveau d‟identification

personnelle que le consommateur perçoit en lien avec la marque » (Keller, 2001, p. 18).

En effet, consommer une marque permet à l‟individu d‟exprimer son identité individuelle

et collective mais aussi de venir la modifier. Les marques les plus fortes sont celles qui

réussissent à développer une relation harmonieuse et un niveau d‟attachement ultime

avec le consommateurs qui les poussent « à devenir des évangélistes, à chercher des

moyens d‟interagir fréquemment avec la marque et à partager leurs expériences

positives » (traduction libre, Keller, 2001, p. 19).

À ce propos, il est important d‟aborder la notion d‟emotional branding qui a émergé à la

fin des années 1990 (Gobe, 2001). Selon Roberts (2004), il s‟agit d‟une approche

centrée sur le consommateur, relationnelle et guidée par le récit qui a pour but de forger

des liens véritables, profonds et durables entre les clients. Pour cela, les firmes ne

peuvent se baser sur les bénéfices utilitaires ou même symboliques de la marque

(Gobe, 2001). Au contraire, il leur faut utiliser des histoires et des actions qui démontrent

une empathie pour les consommateurs et qui génèrent ainsi un sentiment de

communauté chez ces derniers (Atkin, 2004; Cova & Cova, 2002; Muñiz & Schau, 2005;

Roberts, 2004).

En conclusion, un capital de marque fort repose aussi sur la création de liens affectifs

forts et stables avec les consommateurs. Ces liens peuvent être individuels et

également communautaires puisque les consommateurs peuvent s‟identifier au travers

de la marque à une communauté d‟utilisateurs de la marque ou à des employés et des

représentants de la compagnie.

2.1.2.2 Les stratégies de revitalisation

D‟après Zyman (2004), une stratégie de revitalisation consiste en des changements qui

doivent être apportés à la marque à partir du capital de marque existant (clientèle,

marchés et produits) tout en s‟efforçant de préserver les valeurs essentielles de la

marque ou autrement dit son essence. Cette nécessité de changer tout en préservant le

« cœur » de valeur de la marque est également soulignée par Bontour & Lehu (2002),

Kapferer (2000), Keller (1999) et Lewi (1996).

La plupart des auteurs préconisent la mise en place de stratégies de revitalisation de

marque, lorsque le capital de marque s‟est érodé ou stagne (Aaker, 1991; Keller, 1999;

Chapitre 2 Revue de littérature 9

Thomas & Kohli, 2009) ou lorsque la marque est perçue comme vieillissante (Lewi,

1996). Il s‟agirait donc d‟une action ponctuelle qui surviendrait plutôt dans les phases de

maturité et de déclin du produit (Wansink & Huffman, 2001).

Cependant, d‟autres auteurs comme Desroches (2005) ou Moore (2004) voient la

revitalisation de marque comme une stratégie continue qui peut survenir à n‟importe

quelle étape du cycle de vie et la qualifie plutôt de rénovation ou de « lifting » de

marque. Bontour et Lehu (2002) partagent également cette vision puisqu‟ils encouragent

les managers à envisager le rajeunissement comme une procédure plus continue afin

d‟éviter les coûts astronomiques associés au rajeunissement d‟une marque

« disparue ». La rénovation de marque consiste généralement à « moderniser la

performance et ou le design de la marque pour se maintenir face à la compétition »

(traduction libre, Kapferer, 2008).

D‟autres auteurs encore envisagent certains cas particuliers de revitalisation de marque.

Ainsi, on distingue deux cas de relancement de marque. En effet, d‟après Brown et

al.(2003), il faut distinguer les marques « nostalgiques » des marques « retro ». En effet,

les marques nostalgiques relancent un produit du passé dans sa forme originale. Au

contraire, le retro branding est :

« Le renouveau d‟une marque de produit ou de service d‟une période historique antérieure,

qui est habituellement mais pas tout le temps mis à jour selon les standards de performance,

de fonctionnement ou les goûts contemporains. Les marques retro se distinguent des

marques nostalgiques par les éléments de modernité. » (traduction libre, Brown, et al., 2003,

p. 20).

Ainsi, dans le but de définir la stratégie de revitalisation, une première étape essentielle

semble être l‟analyse de la valeur actuelle perçue par les consommateurs car « en

comprenant les structures de connaissance de la marque actuelles et celles désirées, la

structure de la valeur perçue de la marque fournit des indications quant à la façon de

rafraichir les anciennes sources du capital de marque ou encore créer de nouvelles

sources de capital pour atteindre la position désirée » (Keller, 1999, p. 111).

Cette première analyse permet donc de définir les variables du marketing-mix qu‟il est

nécessaire de modifier, et ce dans le but d‟augmenter la valeur perçue. Ces

changements concernent aussi bien le produit tangible, que la communication, le

packaging, le slogan ou le porte parole, le style ou une émotion hédoniste associée à la

Chapitre 2 Revue de littérature 10

marque (Wansink & Huffman, 2001). Ils peuvent être plus ou moins intenses bien que la

plupart des auteurs privilégient des innovations radicales plutôt qu‟incrémentales

(Zyman & Brott, 2004). Il faut souligner ici que deux changements principaux semblent

guider les actions de revitalisation de la marque : l‟amélioration de la notoriété d‟une part

et le repositionnement d‟autre part.

Selon Keller (2001), la notoriété d‟une marque est fonction de la facilité avec laquelle les

consommateurs se rappellent de la marque (en anglais : brand depth) et du nombre de

catégories de consommation auxquelles ils l‟associent (en anglais : brand breadth ).Ces

deux dimensions déterminent la saillance de la marque. La première action de

rajeunissement d‟une marque consiste souvent à travailler sa notoriété. Dans la plupart

des cas, la baisse de notoriété de la marque est due au fait que les consommateurs ne

l‟associent plus à un nombre suffisant de catégories d‟utilisation (Keller, 2001). Par

conséquent, les managers mettent régulièrement en place des tactiques pour

augmenter son utilisation.

Il peut également arriver que la marque modifie son positionnement afin de combler le

déséquilibre entre l‟image perçue par les consommateurs et l‟image que la firme désire

transmettre. Ainsi, revitaliser la marque demande parfois de modifier les associations

actuelles, en renforçant leur saillance, en créant de nouvelles associations d‟usages ou

en favorisant la substitution de catégorie (Wansink & Huffman, 2001). Ce

repositionnement de la marque devra être à même de créer de la valeur sans pour

autant perdre de vue que cette valeur doit être différenciée et supérieure. En effet, « si

une marque n‟est pas vue comme unique comparée aux autres sur le marché, sa

croissance future est sujette à interrogation. » (traduction libre, Thomas & Kohli, 2009, p.

384).

La revitalisation de marque implique donc de mettre en place des changements plus ou

moins intenses permettant d‟augmenter la valeur perçue par les différentes parties

prenantes tout en préservant le cœur de valeur de la marque. On a pu le constater, les

gestionnaires jouent un rôle essentiel dans la stratégie de revitalisation puisqu‟ils sont

souvent à l‟origine des modifications apportées à la marque. Cependant, leurs actions

dépendent également d‟un certains nombres d‟autres acteurs.

Chapitre 2 Revue de littérature 11

2.1.2.3 La revitalisation au sein d’un réseau d’alliances

Les actions des managers dépendent d‟une part de la hiérarchie interne de l‟entreprise.

En effet, « les gestionnaires centrent les activités de la rénovation autour d‟eux, mais

pour réussir dans leurs tâches, ils doivent convaincre et vendre leurs idées à l‟interne à

la hiérarchie lors des réunions qui ont un poids déterminant dans le parcours des

marques » (Desroches, 2005, p. 99).

En dehors du cadre interne de l‟entreprise, la revitalisation de marque s‟inscrit dans un

réseau d‟alliances constitué des distributeurs et des concurrents mais aussi des

consommateurs (Desroches, 2005). Tous n‟ont pas le même poids cependant. En effet,

la revitalisation de marque est plus souvent une réaction de l‟entreprise suite aux

différentes pressions émanant de l‟environnement concurrentiel ou des distributeurs

(Desroches, 2005). De fait, les distributeurs ont un pouvoir croissant dans le réseau

marketing des firmes manufacturières et sont aujourd‟hui considérés comme les clients

directs de l‟entreprise (Webster, 2000). D‟autre part, les actions de l‟entreprise

concernant la rénovation sont souvent des stratégies défensives face à des produits

rivaux (Desroches, 2005).

2.1.2.4 Rôle des consommateurs

La plupart du temps donc, les consommateurs ne sont pas à l‟origine des valeurs et de

la personnalité de la marque. Ce sont en fait les gestionnaires, les distributeurs et les

investisseurs qui la contrôlent (Schultz, 2002).

Pourtant, la plupart des ouvrages portant sur la revitalisation de marque conseillent

d‟intégrer le consommateur au cœur de ce processus stratégique (Keller, 1999; Lewi,

1996; Zyman & Brott, 2004). De fait, impliquer davantage les consommateurs dans les

activités marketing devient un moyen d‟acquérir un avantage concurrentiel dans la

grandissante économie de l‟expérience (Solomon, 2005). De plus, avec l‟avènement

d‟Internet et des réseaux sociaux, on constate que les consommateurs s‟approprient de

plus en plus les marques et par conséquent souhaitent exercer un certain contrôle sur

ces dernières (Schultz, 2002). À ce titre, le cas particulier du retro-branding que nous

avons évoqué plus haut est révélateur de la place grandissante du consommateur dans

l‟évolution d‟une marque.

Chapitre 2 Revue de littérature 12

2.1.3 Le cas du retro marketing : une revitalisation de marque conjointe

La recherche d‟authenticité par les consommateurs est au cœur des préoccupations

marketing actuelles. En effet, d‟après Arnould et Price (2000), l‟ère postmoderne

caractérisée par les phénomènes de globalisation, d‟hyper-réalité et de

déterritorialisation a entrainé une disparition des sources traditionnelles de significations

et d‟identité de soi ce qui pousse les consommateurs à chercher d‟autres moyens de

s‟approprier l‟authenticité. Plus particulièrement, ils distinguent deux pratiques au travers

desquelles les individus cherchent à se l‟approprier : d‟une part, les actes

d‟authentification individuels qui ont lieu lorsque le consommateur coproduit son

expérience de consommation ou la valeur du produit, d‟autre part, les performances

collectives d‟autorité qui sont des démonstrations collectives, représentatives d‟une unité

sociale comme la famille qui évoquent des valeurs importantes pour le consommateur.

Ainsi, on voit donc apparaître de nouveaux comportements de consommation qui

permettent de redonner du sens aux actes de consommation (Leigh, Peters, & Shelton,

2006).

Le retro marketing est à ce titre une stratégie de marque qui révèle la place

grandissante de l‟appropriation de l‟authenticité au travers d‟actes de consommation.

Brown et al. (2003) définissent le retro marketing comme « le renouveau ou le

relancement d‟une marque de produit ou de service issue d‟une précédente période

historique et qui est habituellement mais pas tout le temps mise à jour en fonction des

standards de performance, de fonctionnement ou des goûts contemporains »(traduction

libre, Brown, et al., 2003, p. 20).

La marque rétro fait appel à l‟héritage de marque (c'est-à-dire un ensemble de variables

du marketing-mix qui fait appel aux dimensions sociales et culturelles de l‟histoire de

marque) pour évoquer chez les consommateurs des souvenirs nostalgiques à la fois

personnels et partagés. Plus particulièrement, Brown et al. (2003) identifient trois

caractéristiques propres aux significations de marque retro : (1) elles s‟appuient sur des

histoires symboliques et des récits à caractère moral, (2) elles sont associées à une

époque et une communauté idéalisées, et (3) elles tentent de reproduire l‟authenticité ou

l‟originalité de la marque.

Au travers des marque retro, les individus forment des liens avec leur propre passé et

avec les communautés qui ont partagé ces marques (Brown, et al., 2003) ce qui suscite

Chapitre 2 Revue de littérature 13

leur attachement profond et leur loyauté. De cette relation affective avec la marque,

émerge des significations personnelles pour le consommateur (Fournier, 1998). En effet,

celui-ci adapte le contenu marketing développé par l‟entreprise en fonction de ses

propres croyances et de ses propres expériences. Par la suite, les consommateurs

diffusent ces significations personnelles autour d‟eux et jouent donc un rôle actif dans la

construction de l‟essence de marque (Brown, et al., 2003).

De plus, les auteurs présupposent que les marques retro sont susceptibles de

rassembler une communauté de consommateurs éprouvant un intérêt commun pour une

époque idéalisée. En effet, une communauté de consommation émerge lorsque

« l‟individu s‟identifie à certains objets ou activités de consommation et qu‟il s‟identifie à

d‟autres personnes à travers ces objets ou activités » (Cova, 1997). Ainsi, d‟après les

auteurs, il est aisé d‟ajouter une dimension temporelle à cette définition.

En conclusion, les marques ne sont donc pas seulement un ensemble d‟associations

cognitives fixes mais elles sont aussi « des entités sociales expérimentées, construites

et modifiées au sein des communautés » (Brown, et al., 2003, p. 31). En conséquence,

ils concluent que le succès du retro marketing dépend non seulement des gestionnaires

marketing mais également de l‟ensemble des parties prenantes et plus particulièrement

des communautés de consommateurs qui se forment autour des marques retro.

Dès lors, il semble que les consommateurs rassemblés au sein de communauté jouent

un rôle dans le processus de revitalisation d‟une marque et ce même s‟ils ne sont pas

directement impliqués dans le processus de décision stratégique. Nous allons donc à

présent étudier les caractéristiques et le fonctionnement de ces communautés ainsi que

leurs possibles impacts sur la marque.

2.2 Les communautés de marque et leurs impacts sur la marque

2.2.1 Communautés de consommation

Au cours du 20ème siècle, on voit émerger la notion de communauté de consommation,

communauté qui « existe lorsqu‟un individu s‟identifie à certains objets ou activités de

consommation et qu‟il s‟identifie à d‟autres personnes à travers ces objets ou activités »

(traduction libre, Schouten & McAlexander, 1995). Dans ces communautés, la marque

joue un rôle essentiel, puisqu‟elle permet la création de liens sociaux entre les individus;

liens qui priment sur les besoins satisfaits par la consommation du produit ou du service

Chapitre 2 Revue de littérature 14

(Cova, 1997). La littérature distingue diverses formes de communautés de

consommation: les communautés de marque, les néo tribus et enfin les sous-cultures de

consommation. Il parait important dans un premier temps de définir ces différentes

formes de communautés et leurs particularités. Nous nous attarderons plus

particulièrement sur les notions de communautés de marque et de sous-culture de

consommation qui font l‟objet de la plupart des études universitaires. Il faut également

ajouter que la définition de ces différentes communautés ne fait pour l‟instant l‟objet

d‟aucun consensus dans la littérature. La notion de monde de marque abordée en

dernier lieu tente à ce titre de réconcilier ces différentes notions.

2.2.1.1 Les communautés de marques

Les communautés de marques sont définies comme des « communautés spécialisées,

non reliées par la proximité géographiques, basées sur des relations sociales entre les

admirateurs d‟une marque » (traduction libre, Muñiz & O'Guinn, 2001). D‟une part, les

communautés de marque sont donc fondées sur des relations triadiques de type

consommateur-marque-consommateur plutôt que sur des relations dyadiques marque-

consommateur telles que définies par Fournier (1998). Ces consommateurs partagent

une admiration commune pour la marque (Cova, 2006) et cette admiration peut même

parfois relever du culte, comme dans le cas de la communauté Macintosh (Belk &

Tumbat, 2005). On considère, par conséquent, que les marques les plus aptes à créer

des communautés sont des marques fortes à même de susciter un attachement profond

de la part des consommateurs (Muñiz & O'Guinn, 2001).

Ces relations n‟expliquent cependant pas à elles seules le développement des

communautés. En effet, les consommateurs valorisent également leurs liens avec l‟objet

de marque, les agents marketing et les institutions qui gèrent la marque (McAlexander,

et al., 2002). Ainsi, de la perspective dyadique marque-consommateur, on voit émerger

un tissu de relations plus complexes autour du consommateur dans sa relation à la

marque.

D‟autre part, les communautés de marque ne sont pas délimitées géographiquement ce

qui implique qu‟elles peuvent se former sans relation de proximité entre les membres.

Les nouveaux moyens de communication ont exacerbé cette tendance en rendant

possible la formation de communautés totalement virtuelle sur Internet (Amine & Sitz,

2007).

Chapitre 2 Revue de littérature 15

Enfin, elles sont dites spécialisées, c'est-à-dire que les activités de la communauté sont

centrées autour de la marque et de l‟expérience de consommation procurée par la

marque. Ceci n‟empêche pas cependant la création d‟autres liens entre les membres.

Ainsi, les relations entre les consommateurs peuvent évoluer au sein de la communauté

à la suite de rencontres localisées temporaires dans des évènements contextuellement

riches tel que les brand fests (McAlexander, et al., 2002), ou encore au fur et à mesure

que les pratiques de réseautage social évoluent dans le temps et que l‟implication des

membres au sein du groupe augmente (Schau, et al., 2009).

2.2.1.2 Néo tribus et sous-cultures de consommation

La notion de communauté de marque, bien que proche des concepts de néo tribus et de

sous-cultures de consommation, présente des particularités et doit donc être

différenciée. Les «néo tribus » sont des rassemblements sociaux occasionnels, fluides

et diffus dont les membres ont pour but de partager des émotions et des expériences

hédonistes (Maffesoli, 2000). On les distingue des communautés de marque car elles

supposent une proximité locale, des relations interpersonnelles entre les membres et

une temporalité courte.

Les sous-cultures de consommation sont «des sous-groupes distincts dans la société

qui se désignent eux-mêmes sur la base d‟un engagement commun envers une classe

de produit particulière, une marque ou une activité de consommation» (traduction

libre,Schouten & McAlexander, 1995). La communauté Harley Davidson, par exemple,

s‟est développée en prenant appui sur la communauté déjà existante des motards

(Schouten & McAlexander, 1995). Les sous-cultures de consommation se rapprochent

des communautés de marques sur plusieurs points. Ainsi, elles reposent sur des valeurs

et des croyances partagées, sont non reliées géographiquement, procèdent à

l‟acculturation de leur membres et possèdent une structure sociale hiérarchique (Muñiz

& O'Guinn, 2001). Cependant, elles se distinguent du fait de leur caractère marginal et

fortement idéologique (Muñiz & O'Guinn, 2001). De plus, elles impliquent des relations

entre les membres qui relèvent plus d‟un mode de vie commun, d‟une culture commune

que d‟une simple affection pour la marque ou le produit (Muñiz & O'Guinn, 2001).

Chapitre 2 Revue de littérature 16

2.2.1.3 Le monde de marque

Nous l‟avons vu, ces différentes notions sont encore sujettes à controverse dans la

littérature. Dans le but de réconcilier ces différentes approches, la notion de monde de

marque a été développée. Elle intègre à cet effet les dynamiques sociales et culturelles

de la consommation en une seule et même entité. Un monde de marque peut se définir

comme un espace de coordination des différentes entités sociales qui partagent une

affection pour la marque, interagissent via des réseaux de communication et en viennent

à partager des codes, des répertoires d‟interprétation et des représentations collectives

(Sitz, 2008). La communauté Apple, illustre bien ce concept puisqu‟elle rassemble des

collectifs très hétérogènes qui partagent cependant une affection commune pour la

marque mais aussi des codes et des références appartenant à la sous-culture

informatique (Sitz, 2008).

2.2.2 Fonctionnement des communautés de marques

2.2.2.1 Caractéristiques des communautés

Les communautés de marque partagent trois caractéristiques avec les communautés

traditionnelles qui permettent de mieux les définir et les comprendre. Ainsi, (1) les

membres de la communauté ont conscience d‟appartenir à la communauté, (2) ils

partagent des rites et des traditions autour de la marque et (3) ils sont engagés

moralement envers la communauté et ses membres (Muñiz & O'Guinn, 2001).

Identité collective

Une communauté possède une identité collective qui est fonction d‟éléments affectifs et

cognitifs (Algesheimer, Dholakia, & Herrmann, 2005).

Or, le concept de soi est une structure cognitive de connaissances (Ball & Tasaki, 1992),

formé de deux aspects de l‟identité : (1) l‟identité personnelle (ou les caractéristiques

personnelles) et (2) l‟identité sociale (ou la perception d‟appartenance à un groupe)

(Woisetschläger, Hartleb, & Blut, 2008).

Plus précisément, l‟identification du consommateur au groupe dépend de 3

éléments principaux : (1) la conscience du membre d‟appartenir à la communauté

(identification cognitive), (2) l‟attachement du membre envers la communauté

Chapitre 2 Revue de littérature 17

(engagement affectif) et (3) l‟importance qu‟il accorde au fait d‟être membre (Bagozzi &

Dholakia, 2006).

D‟abord, l‟identification cognitive du consommateur à l‟identité collective est

intrinsèquement liée à ce que Muniz et O‟Guinn (2001) définissent comme la conscience

de groupe c'est-à-dire « la connexion intrinsèque que ressentent les membres avec les

autres et le sentiment collectif de différenciation par rapport à ceux qui n‟appartiennent

pas à la communauté » (traduction libre, Muñiz & O'Guinn, 2001, p. 413). Les auteurs

soulignent à ce titre que le sentiment collectif de différenciation s‟exprime souvent sous

la forme d‟une loyauté oppositionnelle à une marque concurrente. Ainsi, on peut

observer par exemple que les membres de la communauté Macintosh se définissent par

opposition à Microsoft (Muñiz & O'Guinn, 2001).

Ensuite, le membre développe un attachement émotionnel avec le groupe et les

différents membres individuels qui le constituent (Amine & Sitz, 2007). De ce fait, il

accepte de se plier à un certain nombre de règles dans le but de permettre à la

communauté d‟atteindre ses objectifs et de promouvoir son bon développement

(Algesheimer, et al., 2005). Il faut ajouter que la force de la relation antérieure avec la

marque influence l‟attachement du membre à la communauté (Algesheimer, et al., 2005)

L‟identification du consommateur avec la marque se définit selon le degré de similarités

perçu par le consommateur entre l‟identité de marque et la sienne. Or, la création de

liens forts entre le consommateur et la marque influence positivement son identification

avec celle-ci. Ainsi, au fur et à mesure que le membre développe un sentiment

identitaire en lien avec la collectivité, il perçoit de plus en plus de similarités entre son

identité propre et l‟identité de marque (Bagozzi & Dholakia, 2006).

Enfin, l‟identification du membre est fonction de l‟estime que le groupe entretient vis-à

vis de lui-même. De fait, plus le consommateur accorde de l‟importance au fait d‟être

membre, plus il s‟engage activement auprès de la communauté.

Rites, normes et récits

Deuxièmement, les membres partagent un système de valeurs, de croyances et de

représentations centré autour de leur affection pour la marque (Amine & Sitz, 2007). Les

rites, les symboles, les normes et les récits que perpétuent les membres par leurs

interactions (seuls ou à l‟aide de l‟entreprise) constituent la sous-culture de marque

Chapitre 2 Revue de littérature 18

(Cova, 2006) et viennent unifier et renforcer l‟identité communautaire. Cette sous-culture

vient à son tour alimenter le culte pour la marque et ainsi favoriser le développement de

la communauté (Cova, 2006). On constate notamment le rôle prépondérant des récits

de marques « dans les actes de consommation, permettant aux membres de

comprendre, de structurer et de partager leurs expériences de consommation.»

(traduction libre,Muñiz & Schau, 2005). Ces récits sont souvent, à l‟origine, des discours

produits par la marque (Muñiz & O'Guinn, 2001) et sont ensuite repris par les membres

qui leur donnent une teinte personnelle. à ce propos, McAlexander, Schouten et Koenig

(2002) démontrent que les gestionnaires marketing peuvent faciliter la création de

significations et de traditions partagées au sein de la communauté en organisant des

évènements contextuellement riches au cours desquels les membres interagissent.

Engagement moral

Enfin, l‟engagement moral repose sur la notion de responsabilité morale entre les

membres et envers le groupe (Muñiz & O'Guinn, 2001) et se manifeste notamment par

des comportements d‟entraide entre les individus. La communauté Newton par exemple,

maintient le produit à jour en l‟adaptant selon les avancées technologiques du marché et

partage cette information avec les membres pour faire vivre le produit (Muñiz & Schau,

2005). Cet engagement est également visible au sein des communautés en ligne. En

effet, McWilliam (2000) constate que les « participants apprennent à se connaitre

graduellement, déterminent qui est crédible ou non au sein du groupe et avec le temps

développent un sens partagé des valeurs et des responsabilités » (traduction libre,

McWilliam, 2000, p. 47).

2.2.2.2 Organisation et structuration de la communauté

Les communautés de marque peuvent être initiées librement par les consommateurs

puis reprises par les organisations (Amine & Sitz, 2007), ou bien crées de toutes pièces

par les firmes, généralement en ligne (McWilliam, 2000). Ainsi, Harley Davidson a pris

appui sur la sous-culture des motards pour relancer sa marque (Schouten &

McAlexander, 1995) tandis que Danone a créé sa propre communauté de fans en ligne1.

1 http://www.danone.ca/fr/promo/danFan/

Chapitre 2 Revue de littérature 19

Au cours de son développement, la communauté de marque s‟organise: elle met en

place des structures de plus en plus définies et normatives qui ont pour but le maintien

et l‟expansion de la communauté. Amine et Sitz (2007) remarquent d‟une part,

l‟apparition de structures collectives de gestion de conflits qui permettent d‟éviter les

dérives au sein du groupe et d‟autre part, la mise en place de structures hiérarchiques

plus complexes qui permettent de définir des rôles précis pour chacun des membres. En

effet, il faut souligner que les communautés ne sont pas des entités totalement

homogènes. On peut différencier certains individus ou groupes d‟individus au sein d‟une

communauté qui occupent différents niveaux dans la hiérarchie et qui exercent différents

rôles au sein du groupe.

D‟abord, selon leur niveau d‟implication et de connaissances les membres occupent

différents statuts au sein de la hiérarchie. Ainsi, c‟est en augmentant leur capital culturel

que les membres peuvent acquérir une légitimité et un statut supérieur au sein de la

communauté (Holt, 1995). Schouten et McAlexander (1995) distinguent par exemple, les

high-status or hard-core members des membres moins engagés qui constituent le soft

core de la communauté. Les premiers agissent comme des leaders d‟opinion au sein de

la communauté et sont totalement engagés envers la marque Harley Davidson et les

valeurs qu‟elle symbolise. Les deuxièmes adulent les membres disposant d‟un statut

plus élevé et leur fournissent un soutien moral et matériel.

Ainsi, on constate que les membres les plus puissants jouent un rôle prépondérant dans

le développement et le fonctionnement des réseaux sociaux tels que les communautés.

En effet, de part leur statut de leader d‟opinion, « ils diffusent l‟information, influencent

les décisions et aident à promouvoir de nouvelles idées au sein de leur réseau.»

(traduction libre, Fournier & Lee, 2009, p. 109). À ce titre, il faut ajouter que cette

« influence peut s‟exercer directement (par le bouche à oreille) ou indirectement (par

imitation de son comportement)» (Vernette & Flores, 2004, p. 24).

On peut également différencier les membres selon les rôles qu‟ils occupent au sein de la

communauté. Cova et Cova (2001) distinguent ainsi 4 sous-groupes : les adeptes, les

participants, les pratiquants et les sympathisants. Plus précisément, Fournier et Lee

(2009) identifient 18 rôles communautaires distincts parmi lesquels on retrouve le

mentor qui enseigne et partage son expertise avec les autres membres, le héro qui agit

comme un modèle au sein de la communauté, les hôtes qui accueillent les nouveaux

Chapitre 2 Revue de littérature 20

membres, les catalyseurs qui introduisent les membres à de nouvelles personnes ou de

nouvelles idées, les ambassadeurs qui promeuvent la communauté aux personnes

extérieures, les historiens qui préservent la mémoire collective et codifient les rituels et

les rites.

Les communautés de marque sont par conséquent des entités hétérogènes et

dynamiques qui évoluent au cours du temps du fait des interactions entre les membres

et/ou entre les membres et les gestionnaires de marques. Le nombre et la force de ces

interactions dépendent de l‟engagement des membres qui constitue le moteur du bon

fonctionnement et de la vitalité communautaire.

2.2.3 Impacts des communautés sur la marque

2.2.3.1 L’engagement des membres

L‟engagement fait référence « à la motivation intrinsèque du consommateur à interagir

et à coopérer avec les membres de la communauté » (traduction libre, Algesheimer, et

al., 2005, p. 21). La littérature distingue plusieurs antécédents de l‟engagement des

membres.

Les antécédents de l’engagement

Plusieurs études examinent les raisons de la participation des membres au sein d‟une

communauté. Ainsi, les membres s‟engagent pour des raisons sociales ou

psychologiques (Carlson, Suter, & Brown, 2008), pour des motifs purement

consuméristes tel que la recherche d‟information pertinentes sur un produit ou sa

catégorie (Ouwersloot & Odekerken-Schröder, 2008), dans le but de s‟exhiber avec la

marque (Cova, 2006) ou encore parce qu‟ils sont en quête d‟authenticité (Leigh, et al.,

2006). Ce dernier point représente un intérêt particulier dans le cas de notre étude

puisque nous avons pu constater l‟importance que les consommateurs accordent à la

recherche d‟authenticité dans le cas de marque rétro. Ainsi, selon Leigh et al.(2006), les

consommateurs de la communauté MG trouvent un sentiment d‟authenticité dans l‟objet

de marque, dans les expériences de consommation et enfin dans la construction et

l‟affirmation de leur identité au sein de la communauté de marque. De plus, ils

constatent que l‟authenticité de l‟appartenance des membres est un sujet souvent

débattu au sein des communautés.

Chapitre 2 Revue de littérature 21

Plus récemment, Woisetschläger, Hartleb et Blut (2008) identifient trois antécédents de

l‟engagement. D‟une part, plus le degré d‟identification du consommateur avec l‟identité

collective est grand, plus celui-ci aura le désir de participer aux actions collectives

permettant d‟atteindre les objectifs communautaires et d‟exprimer un engagement

mutuel (Bagozzi & Dholakia, 2006). Cette relation a également été démontrée par

Algesheimer et al. (2005) qui identifient un lien positif entre l‟identification des membres

et leur engagement dans le cadre de clubs automobiles en Europe. En fait,

l‟engagement communautaire est considéré par les membres comme une façon

d‟exprimer leurs valeurs personnelles (Bhattacharya & Sen, 2003) dans la mesure où ils

perçoivent un lien entre leur identité personnelle et l‟identité collective du groupe.

Deuxièmement, la participation active du membre au sein de la communauté dépend de

l‟évaluation globale qu‟il accorde à son appartenance (McMillan, 1996). De cette

évaluation découlent des émotions de plaisir ou de déplaisir qui entraînent à leur tour la

satisfaction ou l‟insatisfaction (Oliver, Rust, & Varki, 1997). La satisfaction du membre

entraine sa participation active au groupe puisque celui-ci y associe des bénéfices

utilitaires et émotionnels. L‟étude de Nambisan et Baron (2009) vient confirmer cette

relation dans le cadre de communautés virtuelles impliquant la co-création du produit

par les membres.

Enfin, le degré perçu d‟influence est défini comme le besoin des individus d‟avoir un

certain contrôle et un certain pouvoir au sein du groupe. Ainsi, plus le membre perçoit

d‟opportunités d‟influence dans le groupe, plus il aura la volonté de participer activement

au sein de la communauté (Woisetschläger, et al., 2008).

L’engagement moteur de la vitalité communautaire

L‟engagement des membres se manifeste entre autres, par la mise en place de

pratiques qui visent à créer de la valeur pour la communauté et ses participants. On a

ainsi pu dégager quatre catégories thématiques de pratiques communes aux différentes

communautés (Schau, et al., 2009) : (1) les pratiques de réseautage social qui sont

« concentrées sur la création, l‟amélioration et le maintien des liens entre les membres

de la communauté » (traduction libre, Schau, et al., 2009, p. 34), (2) la gestion des

impressions de marque qui consiste à favoriser la création et la dissémination d‟images

positives au-delà des limites définies de la communauté, (3) les pratiques d‟engagement

communautaire qui maintiennent les distinctions et une hiérarchie entre les membres

Chapitre 2 Revue de littérature 22

dans le but de les doter d‟un « capital social », et enfin (4) les pratiques d‟utilisation de la

marque qui ont pour but d‟améliorer ou de favoriser les utilisations existantes de la

marque.

L‟engagement des membres est essentiel pour assurer la vitalité et la pérennité de la

communauté puisqu‟en développant des pratiques nombreuses et variées, les membres

participent à son bon développement. D‟une part, elles permettent aux membres

d‟acquérir des savoirs et des compétences qui leur permettent ensuite de se différencier

les uns des autres. D‟autre part, plus les membres acquièrent des pratiques, plus le

sentiment d‟appartenance et l‟assimilation à l‟identité collective augmente (Schau, et al.,

2009). En conséquence, l‟identification du membre à la communauté peut être

envisagée comme un cercle vertueux. Tout d‟abord, il reconnait des similitudes entre

son identité individuelle et l‟identité collective, ce qui l‟incite à s‟engager plus activement.

Puis avec le temps, et l‟acquisition de pratiques plus nombreuses et plus complexes, ce

sentiment d‟appartenance se développe et se renforce. Notons que cette affirmation

vient, selon toute vraisemblance, compléter la vision de Dholakia et Bagozzi (2006)

quant à l‟identification des membres à l‟identité collective.

Favoriser l’engagement des membres

Peu d‟études s‟attardent à définir les actions que peuvent entreprendre les entreprises

pour faciliter l‟engagement d‟une communauté envers une marque (Stokburger-Sauer,

2010). McAlexander, Schouten et Koenig (2002) démontrent que la firme peut

augmenter le niveau d‟engagement des membres en organisant des évènements qui

permettent aux membres de développer des relations dans des lieux contextuellement

riches mais aussi de partager une expérience de marque forte et positive. En effet, les

auteurs ont constaté qu‟à la suite du Camp Jeep, l‟attachement des consommateurs à

leur voiture, à la marque, à la compagnie et aux autres propriétaires de Jeep a fortement

augmenté ce qui facilite l‟intégration communautaire. Il faut ajouter à ce titre que les

évènements hors-lignes sont plus à même de favoriser le développement de relations

fortes au sein de la communauté que les évènements en ligne (Stokburger-Sauer,

2010).

D‟autre part, Schau, Muńiz et Arnould (2009) démontrent que certaines pratiques

sociales mises en place par les membres sont à même de susciter la participation

d‟autres consommateurs, qu‟ils soient déjà membres ou non. Ainsi, en donnant aux

Chapitre 2 Revue de littérature 23

membres l‟opportunité et le matériel nécessaire à l‟accueil, la documentation,

l‟évangélisation ou autres, on peut encourager le développement d‟une communauté

autour d‟une marque (Schau, et al., 2009).

Woisetschläger et al. (2008) suggèrent également que pour favoriser l‟engagement des

membres au sein de communautés initiées par la marque on peut (1) favoriser

l‟identification du membre, (2) susciter la satisfaction des membres en favorisant des

interactions de valeur, (3) permettre le développement de contenu par les utilisateurs qui

peuvent ainsi acquérir un statut supérieur au sein de la communauté.

En conclusion, l‟engagement est une variable d‟intérêt pour les gestionnaires car elle

permet de susciter une participation active des membres. Or, en participant à la vie

communautaire les membres créent de la valeur non seulement pour la communauté

mais également pour la firme (Schau, et al., 2009). Nous allons donc à présent détailler

les impacts positifs pour la marque et la firme.

2.2.4 Impacts positifs pour la marque

Les études sur les communautés de marque ont principalement mis en avant leurs

impacts positifs sur la marque.

Premièrement, le sentiment d‟appartenance à la communauté influence positivement la

fidélité du consommateur. En effet, au fur et à mesure que le membre valorise les

relations qu‟il entretient avec le produit, la marque, la compagnie et les autres membres,

le degré d‟intégration du membre au sein de la communauté augmente (McAlexander, et

al., 2002). Or, ces relations affectives agissent comme des barrières à la sortie,

impliquant une plus grande fidélité du consommateur à la marque. Ainsi, les membres

d‟une communauté restent fidèles à la marque même lorsque la performance d‟un

produit concurrent est supérieure et ils pardonnent plus facilement les défauts et les

problèmes liés à la qualité du service (Berry, 1995). Pour Roberts (2004), cet

attachement des consommateurs est un motif de « fidélité au-delà de la raison » (en

anglais : loyalty beyond reason).

D‟autre part, on a démontré que la communauté de marque influence efficacement les

perceptions et les actions des membres (Muñiz & Schau, 2005) et permet de véhiculer

rapidement l‟information au sein et en dehors de la communauté (Brown, et al., 2003).

Chapitre 2 Revue de littérature 24

Par conséquent, elle peut influencer le capital de marque en améliorant la qualité perçue

et les connaissances du consommateur (Muñiz & O'Guinn, 2001).

Ainsi, plus les membres s‟identifient et s‟engagent envers la communauté, plus ils ont

tendance à faire part de leurs impressions positives autour d‟eux, devenant de véritables

ambassadeurs de la marque (Algesheimer, et al., 2005). On constate ainsi que les

propriétaires de Jeep ayant fait l‟expérience du « Camp Jeep » organisé par la marque,

sont plus enclins à recommander la marque Jeep à leurs amis, leur famille et leurs

collègues créant parfois de véritables chaines de loyauté (McAlexander, et al., 2002). De

plus, l‟identification des consommateurs à la marque les incite à agir physiquement en

faveur de l‟entreprise en achetant des produits additionnels qui portent le logo ou le nom

de la marque et en collectionnant des souvenirs de marques (Moskowitz, 1995).

Pour conclure, on peut constater que les membres des communautés sont

généralement des experts de la marque et se sentent investis d‟une mission envers la

marque et l‟entreprise (Cova & Carrère, 2002). Ils souhaitent être écoutés par la firme et

ont la volonté de participer à la création du discours de la marque. A ce titre, la vision

postmoderniste du marketing considère souvent le consommateur comme un prosumer,

c'est-à-dire un co-créateur de l‟offre de l‟entreprise et de sa propre expérience avec la

marque (Cova, 2008) du fait qu‟il donne lui-même un sens aux produits en se les

appropriant. Certaines entreprises commencent d‟ailleurs à essayer d‟intégrer les

connaissances et l‟expertise de ces consommateurs seuls ou rassemblés en

communautés dans leurs approches managériales dites consumer made (Cova, 2008).

Ces approches vont de la participation des communautés dans la définition des

stratégies de compétition, en passant par la collaboration des membres dans le

processus d‟innovation jusqu‟à l‟intégration totale au marketing de la firme (Schau, et al.,

2009). Concernant le processus d‟innovation, Nambisan et Baron (2009) précisent que

les firmes considèrent que les membres au sein de communautés de marque sont des

moyens désirables pour premièrement ajouter de la valeur tout au long du processus

d‟innovation, deuxièmement contribuer à diverses activités d‟innovation tel que

l‟identification des besoins ou le test de prototypes et troisièmement adopter différents

rôles au cours du processus comme celui d‟inspecteur ou de co-créateur. Cependant,

cet effacement de la barrière entre consommateurs et producteurs n‟a pas que des

impacts positifs.

Chapitre 2 Revue de littérature 25

2.2.5 Prise de pouvoir des communautés

Malgré l‟intérêt porté par les gestionnaires du marketing aux communautés, il ne faut

pas oublier que leur contrôle reste limité et qu‟à tout moment, les consommateurs

peuvent décider de se détacher de la vision des gestionnaires entrainant certains effets

néfastes pour la marque. En effet, les consommateurs rassemblés sur Internet ont pris

conscience du fait qu‟ils peuvent engager des actions collectives efficaces puisque

grâce à ce média ils peuvent efficacement propager leurs actions. De cette prise de

pouvoir peut résulter des comportements pouvant aller à l‟encontre des objectifs de la

firme.

En premier lieu, du fait de leurs connaissances et de leur expertise grandissantes, les

consommateurs fans se considèrent comme des « gardiens du temple » et peuvent à

tout moment décider de se constituer en force de contre proposition lorsqu‟ils estiment

que l‟authenticité de la marque n‟est pas préservée (Cova & Carrère, 2002). Ce

phénomène s‟observe, par exemple, dans certaines communautés de passionnés

Citroën qui pensent que le rachat de Citroën par P.S.A a entraîné une rupture avec les

véritables valeurs de la marque (Cova & Carrère, 2002).

Ces réactions peuvent s‟expliquer par le fait que comme nous l‟avons vu

précédemment, les communautés de marque bâtissent leur identité collective en

s‟appuyant sur les valeurs de la marque (Schouten & McAlexander, 1995). Par

conséquent, ils ont tendance à se l‟approprier en faisant de l‟image de marque un

prolongement de leur propre identité (Schouten & McAlexander, 1995).

Ainsi, les consommateurs considèrent de plus en plus les marques icônes comme des

propriétés culturelles collectives plutôt que des propriétés intellectuelles privées

appartenant à l‟entreprise car la signification de ces marques, véhiculées par les

histoires et les mythes qu‟elles transmettent, sont à même de résoudre les

contradictions culturelles vécues par les consommateurs au quotidien (Holt, 2004). Par

conséquent, lorsque les managers modifient directement ou indirectement la

signification de la marque, il arrive que ces changements aillent à l‟encontre de la

signification culturelle collective de la marque ce qui peut conduire à un backlash de la

part des communautés de consommateurs (Wipperfürth, 2005). Il faut souligner ici que

ce phénomène semble s‟observer plus particulièrement pour des marques cultes ou

légendaires (Atkin, 2004; Brown, et al., 2003; Wipperfürth, 2005) à même de susciter

Chapitre 2 Revue de littérature 26

des émotions profondes et intenses chez les consommateurs qui font l‟expérience de la

marque.

Deuxièmement, les consommateurs réclament plus de pouvoir dans les réseaux

marketing et revendiquent des compétences autrefois réservées aux gestionnaires

(Muñiz & Schau, 2005). Ainsi, bien que la revitalisation de marque puisse être le fruit

d‟une volonté marketing, on a également constaté que les communautés de

consommateurs peuvent se substituer aux gestionnaires assumant l‟entière

responsabilité de la marque lorsque celle-ci est abandonnée par la firme. L‟exemple de

la communauté constituée autour de la marque Newton est révélateur. Bien que le

produit soit discontinué depuis 1998, on recense encore 20.000 membres qui

interagissent quotidiennement (Kahney, 2002), et qui entretiennent à eux seuls

l‟expérience de marque. En effet, ils perpétuent les usages du produit en le modifiant, le

réparant et en innovant. (Muñiz & Schau, 2005). Ils réalisent eux-mêmes la promotion

du produit de façon habile et efficace (Muñiz & Schau, 2007). Enfin, ils contribuent à

l‟expérience de marque en alimentant l‟histoire de la marque, adoptant des thèmes

mythiques et religieux (Muñiz & Schau, 2005). Ces histoires, produites par les membres

permettent de rassembler la communauté autour de valeurs et de croyances fortes mais

également de revitaliser la marque et ses valeurs (Muñiz & Schau, 2005).

Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 27

3. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE ET CADRE

CONCEPTUEL

3.1 Problématique

La communauté Newton est donc en mesure de maintenir et revitaliser la marque par

ses propres moyens (Muñiz & Schau, 2005). En effet, les membres s‟organisent et

interagissent ce qui leur permet de maintenir l‟ensemble des activités marketing et ainsi

de perpétuer l‟expérience de marque (Muñiz & Schau, 2005). Plus particulièrement, les

histoires qu‟ils échangent jouent un rôle déterminant dans le maintien et la revitalisation

de la marque, de la communauté et de ses valeurs au travers des significations

profondes qu‟elles véhiculent (Muñiz & Schau, 2005). De la même façon, le succès des

marques retro dépend notamment du fait que les consommateurs manipulent les

histoires produites par les gestionnaires pour créer leurs propres représentations de la

marque qu‟ils échangent ensuite (Brown, et al., 2003). Ainsi, ils participent à la

construction de l‟essence de marque. Plusieurs raisons peuvent expliquer le fait que les

membres s‟engagent au sein d‟une communauté.

D‟une part, les membres sont souvent liés à la marque par une affection profonde et

stable. D‟autre part, au-delà de l‟attachement qu‟ils ont envers la marque, les membres

s‟identifient à la communauté et à l‟ensemble de ces acteurs. Cette identification se

renforce au fur et à mesure que les membres créent des relations plus nombreuses et

plus fortes au sein du groupe. Il peut s‟agir de relations avec la firme ou ses

représentants, de l‟objet de marque ou encore des autres membres. Or, l‟identification

communautaire est déterminante de l‟engagement des membres au sein de la

communauté.

Cet engagement se traduit par la mise en place de pratiques au sein de la communauté,

pratiques qui peuvent s‟avérer bénéfiques pour la marque et la firme (Schau, et al.,

2009). Ainsi, les consommateurs pratiquent le bouche à oreille (Bagozzi & Dholakia,

2006), instaurent de nouveaux usages, documentent leurs expériences avec le produit

ou encore créent des publicités de toutes pièces (Muñiz & Schau, 2007; Schau, et al.,

Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 28

2009). De plus, à mesure que les membres agrandissent leur champ de pratiques, leur

expertise et leurs connaissances se développent, ce qui en fait de précieux alliés

potentiels.

À ce titre, plusieurs auteurs ont souligné le fait que les managers devraient

impérativement créer leur marque en tenant compte des communautés (Brown, et al.,

2003; McAlexander, et al., 2002; Muñiz & O'Guinn, 2001). Dans le cas d‟une

revitalisation de marque, cette décision s‟impose d‟autant plus que les perceptions des

consommateurs sont déterminantes du succès de la stratégie. Qu‟il s‟agisse d‟un

repositionnement ou simplement d‟une rénovation ponctuelle de marque, l‟objectif

principal des gestionnaires devrait être en effet, d‟augmenter la valeur perçue des

différentes parties prenantes sans pour autant affecter le cœur de valeur de la marque,

son authenticité (Lewi, 1996). Dans la pratique, les consommateurs sont pourtant très

peu souvent impliqués directement dans l‟élaboration des stratégies (Desroches, 2005),

exception faite de quelques entreprises qui ont pris le parti de collaborer avec les

communautés (Schau, et al., 2009).

Plusieurs raisons semblent pouvoir expliquer le fait que les consommateurs soient tenus

à l‟écart des processus décisionnels. D‟une part, les perceptions qu‟en ont les

gestionnaires sont considérées comme suffisantes à l‟élaboration des stratégies. D‟autre

part, les managers perçoivent bien souvent des limites à de telles stratégies de

collaboration puisqu‟elles ne sont pas sans risques. De fait, il peut émerger des

mouvements contestataires au sein des communautés, et ce lorsque les actions

marketing sont perçues comme étant en contradiction avec les valeurs et les

significations de la marque (Cova & Carrère, 2002). Or, avec le développement des

communautés de marques en ligne les communautés ont de plus en plus la volonté et le

pouvoir d‟imposer leur vision aux managers (McWilliam, 2000). De plus, les

communautés de marque les plus fortes et donc les plus créatrices de valeur pour la

marque, sont souvent des communautés fortement marginalisées (Muñiz & O'Guinn,

2001) qui peuvent donc rejeter certains groupes de consommateurs ou les actions

marketing de la compagnie.

En conclusion, prendre appui sur les communautés est une option attrayante mais

risquée pour les managers qui font face à des groupes d‟individus de plus en plus

puissants et qui sont difficiles à contrôler. Le manque d‟information concernant le

Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 29

processus de revitalisation par les communautés et les conditions nécessaires à son

succès viennent encore renforcer les difficultés qu‟ont les gestionnaires à prendre des

décisions éclairées.

Dès lors, comment réussir une action de revitalisation en prenant appui sur les

communautés de marque? Dans le but de répondre à cette question, nous étudierons

les différents impacts des communautés de marque dans le processus de revitalisation

et nous tenterons ensuite de déterminer les facteurs clefs de succès dans l‟application

de telles stratégies.

Plus particulièrement, il s‟agira de répondre aux questions empiriques suivantes:

Déterminer comment les communautés de marque et les gestionnaires

contribuent à revitaliser le capital de marque.

Déterminer comment les gestionnaires peuvent rallier efficacement les

communautés dans le but de revitaliser la marque et étudier en particulier quel

rôle joue la marque dans ces relations.

Déterminer quels sont les critères de succès de telles stratégies et plus

spécifiquement quelles sont les caractéristiques de marque à même de favoriser

le relancement par une communauté de marque.

3.2 Cadre conceptuel

Un cadre conceptuel décrit sous forme graphique ou narrative, les principales

dimensions à étudier, les facteurs clés ou variables clés et les relations présumées entre

elles (Miles, Huberman, & Rispal, 2003). Dans le cas de notre recherche et suite à la

revue de littérature, plusieurs concepts et variables semblent importants à considérer.

Tout d‟abord, il est important de pouvoir évaluer la contribution des communautés et des

gestionnaires dans le processus de revitalisation de marque. Or, nous l‟avons vu, une

marque vieillissante est une marque donc le capital de marque s‟est érodé. Ainsi, c‟est

en travaillant sur les différentes composantes du capital de marque que l‟on peut soit

rétablir soit créer de nouvelles sources de capital et permettre ainsi la revitalisation

(Keller, 1999). Dans cette optique, nous prendrons donc appui sur le modèle d‟équité de

marque (en anglais : « customer-based brand equity model ») tel que définit par Keller

Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 30

(2001) pour déterminer l‟impact des gestionnaires et des communautés sur le capital de

marque.

Selon Keller (2001) construire un capital de marque fort implique de travailler sur six

blocs consécutifs (en anglais : « brand-building blocks »). Ainsi, en premier lieu, les

gestionnaires doivent développer une identité de marque saillante c'est-à-dire

augmenter sa notoriété. En deuxième lieu, la marque doit être porteuse de sens pour les

consommateurs et doit donc évoquer un ensemble d‟associations pertinentes et

positives qui peuvent être utilitaires (la performance) ou émotionnelles (l‟imagerie). Il

s‟agit donc de développer une image de marque riche et pertinente. En troisième lieu, la

marque doit produire des réponses positives chez les consommateurs qu‟il s‟agisse de

jugements ou de sentiments. Enfin, en dernier lieu l‟entreprise doit s‟efforcer de créer

des relations fortes avec ses consommateurs en s‟assurant que ces derniers s‟identifient

à la marque, aux valeurs et aux croyances qu‟elle symbolise.

Dans le cas de notre étude, on peut supposer que les communautés tout comme les

gestionnaires ont une influence sur ces différents blocs mais que ces influences varient

en termes de nature et d‟intensité. En effet, les gestionnaires peuvent diriger leurs

actions stratégiques de sorte à agir positivement sur chacun des blocs. De même les

communautés mettent en place toute sorte de pratiques qui influencent la communauté

et ses membres mais qui créent également de la valeur pour la marque (Schau, et al.,

2009). Ainsi, nous pensons que le modèle de Keller (2001) ne rend pas suffisamment

compte du rôle des consommateurs dans le processus de construction du capital. En

effet, il tend à suggérer que les seules relations entretenues entre la marque et le

consommateur sont les réponses de ces derniers aux actions marketings. Or, les

relations entre le consommateur sont complexes, hétérogènes et de nature

expérientielles (Fournier, 1998).

Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 31

Figure 3-1 : Cadre conceptuel

Ensuite, nous présupposons dans cette étude que pour engager une communauté dans

le processus de revitalisation, il est important que la marque symbolise des croyances et

des valeurs qui sont entretenues et valorisées au sein de la communauté. En effet, les

communautés de marque sont caractérisées par la présence d‟une identité culturelle

forte, qui est entretenue par des rituels, des traditions et des croyances (Muñiz &

O'Guinn, 2001). Or, plus les consommateurs intègrent cette identité culturelle collective,

plus ils s‟engagent activement dans le but d‟atteindre des objectifs collectifs et

d‟exprimer leur engagement mutuel (Bagozzi & Dholakia, 2006). Ces valeurs et

croyances peuvent certes émaner des actions marketing mais les consommateurs

doivent également être en mesure de s‟approprier la marque et ainsi de construire leurs

significations et représentations personnelles comme le suggèrent Brown et al (2003).

Le cas de Pabst Blue Ribbon est à ce titre évocateur puisqu‟on suggère que les

consommateurs ont pu mieux s‟approprier la marque du fait que l‟ensemble des

significations de marque ait quasiment disparu (Walker, 2003).

Ainsi, dans le but d‟intégrer la marque à l‟identité collective, la marque peut développer

des outils et des structures favorisant la mise en place de différents rôles et pratiques

centrés sur la marque au sein du groupe (Schau, et al., 2009). En effet, plus les

Chapitre 3 Problématique de recherche et cadre conceptuel 32

membres acquièrent de pratiques, plus le sentiment d‟appartenance et d‟assimilation à

l‟identité collective augmente (Schau, et al., 2009).

De plus, les communautés qui s‟approprient les marques, revendiquent de plus en plus

un droit de contrôle sur les pratiques des gestionnaires (Muñiz & Schau, 2005). Ils

souhaitent donc être écoutés par les firmes (Cova & Carrère, 2002). Dans le cas des

marques « disparues » comme Newton, on constate que le « retour du créateur » est

attendu avec ferveur (Muñiz & Schau, 2005), ce qui laisse supposer qu‟une intervention

de l‟entreprise est souhaitée. Ainsi, il semble en premier lieu nécessaire que pour qu‟une

collaboration efficace s‟installe, l‟entreprise fasse preuve d‟ouverture et d‟écoute envers

les membres de la communauté, mais aussi qu‟elle démontre une volonté de relancer la

marque. Il semble également important que la firme développe des relations

significatives avec les consommateurs. Pour cela, l‟entreprise peut organiser des

évènements dans des lieux contextuellement riches pendant lesquels les membres

peuvent développer des relations mais aussi partager une expérience de marque forte

et positive (McAlexander, et al., 2002). En revanche, il ne nous semble pas nécessaire

que les membres soient liés par un attachement profond à la marque puisque comme

nous l‟avons vu, les sous-cultures de consommation impliquent des relations entre les

membres qui relèvent plus d‟un mode de vie commun, d‟une culture commune que

d‟une simple affection pour la marque ou le produit (Muñiz & O'Guinn, 2001).

Enfin, concernant les critères de succès de la stratégie de revitalisation, il semble

important de préserver l‟authenticité de la marque. En effet, nous avons vu qu‟il est

possible que les consommateurs n‟approuvent pas les stratégies choisies par

l‟entreprise et décident de se constituer en contre pouvoir (Cova & Carrère, 2002) s‟ils

estiment que l‟authenticité de la marque est menacée. De façon plus générale,

l‟entreprise doit comprendre les significations et les valeurs que les consommateurs

attribuent à la marque et doit les respecter lors de l‟élaboration d‟actions stratégiques.

Chapitre 4 Méthodologie 33

4. METHODOLOGIE

Plusieurs exemples récents dans la littérature scientifique et d‟affaires laissent à penser

que les communautés de consommation peuvent jouer un rôle majeur dans le

relancement de marques disparues.

Cependant, aucune étude ne s‟attache à démontrer empiriquement le rôle des

communautés de consommation dans la revitalisation de marque. Cette étude a donc

trois principaux objectifs :

Déterminer comment les communautés de marque et les gestionnaires

contribuent à revitaliser le capital de marque.

Déterminer comment les gestionnaires peuvent rallier efficacement les

communautés dans le but de revitaliser la marque et étudier en particulier quel

rôle joue la marque dans ces relations.

Déterminer quels sont les facteurs-clé de succès de telles stratégies et plus

spécifiquement quelles sont les caractéristiques de marque à même de favoriser

le relancement par une communauté de marque.

Comme la littérature ne permet pas de distinguer clairement les variables impliquées et

leurs relations, nous avons choisi de procéder à une étude qualitative de type

exploratoire. En effet, ce type de méthode permet de comprendre l‟expérience interne

des participants, d‟étudier comment sont formés les liens et de découvrir plutôt que de

tester des variables (Corbin & Strauss, 2008).

4.1 Stratégies de recherche

Dans le but de répondre aux questions de recherche définies plus haut, nous procédons

à une étude de cas approfondie (Yin, 2009). Les études de cas sont définies comme des

recherches empiriques qui cherchent à comprendre un phénomène contemporain dans

un contexte de vie réel, et ce plus particulièrement quand les limites entre le phénomène

et le contexte ne sont pas clairement établies (Yin, 2009).

4.1.1 Justifications de la méthodologie

Plusieurs raisons justifient ce choix méthodologique. D‟une part, la nature des questions

de recherche justifie la méthode puisqu‟il s‟agit de répondre à des questions

Chapitre 4 Méthodologie 34

commençant par comment et pourquoi (Yin, 2009). D‟autre part, l‟étude porte sur une

suite d‟évènements contemporains que nous ne pouvons contrôler en laboratoire (Yin,

2009).

De plus, le processus stratégique de revitalisation de la marque est intrinsèquement lié

au contexte social et organisationnel dans lequel l‟entreprise et les communautés

interagissent. L‟approche méthodologique retenue est à ce titre particulièrement

appropriée puisqu‟elle permet de mieux comprendre les relations complexes qui existent

entre deux « organisations », soit l‟entreprise et la communauté (Carson, Gilmore,

Gronhaug, & Perry, 2001).

Enfin, notre choix se justifie également car la littérature sur la revitalisation de marque et

le rôle des communautés de marque dans ce processus stratégique est relativement

pauvre. Or, cette méthode nous permet de rendre compte de façon riche et détaillée

d‟une situation particulière qui illustre bien un phénomène plus général (Merriam, 2009).

Ainsi, l‟étude de cas nous permet de déterminer de manière globale l‟impact des

consommateurs et des gestionnaires dans le processus de revitalisation, et de

déterminer les variables pertinentes et leurs interrelations au sein de ce processus.

Ultimement, elle nous permettra de produire des recommandations qui pourront par la

suite aider les gestionnaires à mener avec succès des projets de revitalisation.

4.2 Sélection du cas et collecte de données

Dans le cadre de cette recherche, il n‟est ni nécessaire, ni préférable de choisir

aléatoirement les cas puisque le but de la recherche n‟est pas de valider statistiquement

les données recueillies (Eisenhardt, 1989). Les cas étudiés devraient plutôt être choisis

volontairement puisque le but de l‟étude de cas est de révéler des insights que l‟on

n‟aurait pu obtenir autrement (Siggelkow, 2007). Ainsi, un choix aléatoire pourrait

détourner les chercheurs de leur objectif de recherche.

Nous avons donc fait référence aux questions de recherche ainsi qu‟au cadre

conceptuel afin de guider notre choix (Yin, 2009).

4.2.1 Le cas: Le relancement de Pernod Absinthe et la « classe créative»

Pernod est une entreprise œuvrant dans l‟industrie des vins et spiritueux, dont le siège

social est basé en France à Créteil. En 2002, l‟entreprise décide de relancer sa marque

Chapitre 4 Méthodologie 35

d‟Absinthe. Ce projet, sous la responsabilité du département marketing international de

l‟entreprise, fait suite à une nouvelle législation qui autorise à nouveau la distribution de

la boisson. En 2005 finalement, Pernod décide de faire appel à des membres influents

de la communauté créative pour relancer sa marque.

Deux raisons principales justifient le choix de procéder à une analyse de cas unique

plutôt que de procéder à une analyse de cas multiples. D‟une part, le cas Pernod

Absinthe est représentatif d‟un cas extrême de revitalisation de marque (Yin, 2009). En

effet, la marque Pernod Absinthe a disparu du marché pendant près de 100 ans, ce qui

laisse penser que de nombreuses actions seront nécessaires à son relancement.

Ensuite, l‟absinthe suscite encore aujourd‟hui des émotions relativement vives chez les

consommateurs. Boisson très populaire au 19e siècle, connue sous le nom de fée verte,

l‟absinthe est la boisson des grands artistes de la Belle époque. Cependant, à la fin du

19e siècle elle est accusée de provoquer la folie chez ceux qui la consomment. Les

ligues antialcooliques entament alors une vaste campagne publicitaire contre l‟absinthe,

ce qui conduit à son interdiction dans plusieurs pays d‟Europe à la fin du 19e siècle. Ces

images négatives résonnent encore aujourd‟hui chez les consommateurs. Ainsi,

l‟absinthe est aujourd‟hui une boisson mystérieuse voire mystique, et marginale ce qui

nous laisse penser qu‟elle constitue un très bon cas d‟étude.

D‟autre part, ayant précédemment occupé un emploi au sein de Pernod Ricard, le

chercheur a pu aisément entrer en contact avec les différentes personnes ressources et

ainsi obtenir des informations auxquelles d‟autres chercheurs n‟auraient pu avoir accès

en d‟autres circonstances. Ainsi, le cas Pernod Absinthe s‟avère être un cas révélateur

pour le chercheur (Yin, 2009).

4.2.2 Collecte de données

Afin de garantir la qualité de la recherche, celle-ci a été conçue de façon à respecter les

principes de validité de construit, de validité externe et de fiabilité (Yin, 2009).

Notre recherche s‟est basée sur trois méthodes différentes de collecte de données soit :

l‟entrevue semi-dirigée et l‟observation non participante comme source de données

principales et la documentation comme source d‟information secondaire. Ce choix nous

a permis par la suite de procéder à une triangulation des données et ainsi de garantir

une meilleure validité de construit (Yin, 2009). En effet, en utilisant plusieurs méthodes

Chapitre 4 Méthodologie 36

de collecte de données nous pouvons ainsi fournir des preuves plus solides quant aux

construits et aux hypothèses qui sont proposés (Miles, et al., 2003).

Les tests Les tactiques de l’étude de cas

Phase de la

recherche concernée

Validité

de

construit

Utiliser plusieurs sources de preuves

Établir une chaine de causalité

Demander à des informateurs clefs de revoir le rapport d‟étude de cas

Collecte de données

Collecte de données

Formulation

Validité

interne

Correspondance entre le modèle théorique et les résultats empiriques

Déterminer progressivement des liens de causalité

Envisager des explications rivales

Utiliser des modèles logiques

Analyse de données

Analyse de données

Analyse de données

Analyse de données

Validité

externe

Utiliser les théories pour l‟étude de cas unique

Utiliser une logique de réplication pour l‟étude de cas multiples

Design de la recherche

Design de la recherche

Fidélité

Utiliser un protocole pour l‟étude de cas

Développer une base de données pour l‟étude de cas

Collecte de données

Collecte de données.

Figure 4-1 : Critères pour juger de la qualité de la recherche

Source : (traduction libre, Yin, 2009, p. 41)

4.2.2.1 Démarche de la collecte de données

La collecte de données s‟est déroulée sur une période d‟environ deux mois. Le

processus de collecte de données a eu lieu, d‟une part, sous la forme d‟entrevues

individuelles d‟une durée estimée entre 45 et 90 minutes. En effet, la méthode de

l‟entrevue reste une des principales sources d‟information de l‟étude de cas (Yin, 2009).

De plus, elle permet de collecter de l‟information sur les faits mais également sur les

opinions des répondants (Yin, 2009), et ainsi d‟obtenir une information riche et détaillée

sur les relations existantes entre l‟entreprise, la marque et les communautés.

Chapitre 4 Méthodologie 37

Quatre entrevues individuelles semi-dirigées ont été menées par le chercheur. Deux

entrevues ont eu lieu à Montréal et impliquaient des experts en réseaux sociaux qui ne

participaient pas directement au projet de revitalisation. Deux autres concernaient des

gestionnaires impliqués directement au sein du projet de relancement Pernod et

occupant différentes fonctions et positions hiérarchiques. Il est à noter que les différents

répondants ont été choisis de sorte à éviter qu‟ils ne puissent s‟engager dans une

analyse de sens rétrospective convergente ou que leurs réponses ne soient influencées

par des biais de désirabilité sociale (Eisenhardt & Graebner, 2007).

D‟autre part, le chercheur a procédé à une journée d‟observation participante à

l‟occasion d‟un diner de presse réalisé à New York, dans un loft du quartier de Soho, le

7 décembre 2010. Tel que définit par Burgess (1984), le chercheur a participé au diner

en tant que « participant-observateur », c'est-à-dire qu‟il a entretenu des relations avec

les participants, participé aux activités et clairement signalé son intention d‟observateur.

Lors de ce diner de presse, une quinzaine de journalistes était présent ainsi que

plusieurs employés de la filiale de distribution aux États-Unis, un des gestionnaires

marketing et enfin un barman, membre de la communauté créative. Cette période

d‟observation nous a permis d‟examiner la situation étudiée en temps réel ainsi que les

comportements et les relations existantes entre les individus dans leur contexte naturel

(Yin, 2009).

De plus, il est à noter qu‟au fur et à mesure de la recherche et du fait des contacts

prolongés avec les personnes interrogées et les différents informateurs, plusieurs

rendez-vous ainsi que des discussions plus informelles ont eu lieu. Ainsi, le chercheur a

pu établir plusieurs contacts avec le barman présent au diner de presse ainsi que les

gestionnaires marketing impliqués dans le projet, au siège social de Pernod.

Nous présentons dans les figures ci-dessous la liste des répondants ayant accepté de

participer à l‟étude. Afin de préserver au mieux l‟anonymat des répondants, nous avons

choisi de ne pas révéler leurs noms mais uniquement leurs fonctions. Chaque

participant c‟est ainsi vu attribuer une lettre ce qui nous permettra d‟y faire référence

dans les chapitres suivants.

Chapitre 4 Méthodologie 38

Nom Fonction

Répondant A Gestionnaire marketing international

Répondant B Gestionnaire marketing international

Répondant C Consultant Branding et Design

Répondant D Barman

Figure 4-2 : Liste des répondants du cas de revitalisation de Pernod Absinthe

Nom Rôle

Répondant E Expert réseaux sociaux

Répondant F Expert réseaux sociaux

Figure 4-3 : Liste des experts interviewés

Enfin, le chercheur a collecté plusieurs documents sur le web et sur le site physique de

l‟entreprise afin d‟enrichir les données collectées au cours des entrevues et observations

terrains. Parmi ces documents on retrouve :

Des communiqués de presse officiels

Des présentations stratégiques

Des rapports de recherches collectés par des organisations externes pour le

compte de Pernod.

Du matériel collecté sur le site de marque ainsi que sur les réseaux sociaux

Facebook et Twitter.

Du matériel collecté sur plusieurs blogs et sites indépendants

Pendant la collecte, les entrevues ont été enregistrées à l‟aide d‟un logiciel

d‟enregistrement de la voix puis retranscrites. En ce qui concerne les données

collectées lors des journées d‟observation, celles-ci ont été synthétisées au fur et à

mesure de la collecte de données tel que proposé par Miles et al. (2003). Enfin, la

documentation utilisée pour l‟étude fait l‟objet d‟une bibliographie. Dans un souci de

justesse et de précision, les données ont été retranscrites dans un délai de temps

Chapitre 4 Méthodologie 39

relativement court suivant la collecte. Nous avons ainsi pu améliorer la validité

descriptive de l‟étude (Miles, et al., 2003). Finalement, l‟ensemble des données

récoltées a été organisé et documenté en une base de données distincte et ce dans le

but d‟augmenter la fiabilité de l‟étude (Yin, 2009).

4.2.2.2 Outils de collecte de données

Deux types d‟outils ont été utilisés pour mener à bien la recherche : le guide d‟entrevue

individuelle semi-dirigée ainsi qu‟une liste d‟items à évaluer lors de l‟observation non

participante.

Plusieurs auteurs soulignent l‟importance d‟élaborer un guide d‟entrevue (Corbin &

Strauss, 2008; Yin, 2009) afin de s‟assurer de garder en tête une ligne directrice

d‟investigation tout en permettant une certaine flexibilité au chercheur. De plus, la

répétition des questions lors des différentes entrevues nous permet ensuite d‟effectuer

des comparaisons pendant l‟analyse. Dans le cas de notre étude, deux guides

d‟entrevue différents ont été élaborés. Ainsi, un premier guide a été élaboré à l‟attention

des gestionnaires impliqués directement au sein du projet de relancement Pernod et

portait sur le processus de revitalisation de la marque Pernod et l‟implication des

communautés dans ce processus. Le deuxième guide a été élaboré à l‟attention

d‟experts en réseaux sociaux. En effet, il est apparu important au cours de la collecte de

spécifier le rôle des influenceurs au sein d‟une communauté de consommation et leurs

impacts dans le processus de revitalisation. Nous allons à présent détailler la structure

des différents guides d‟entrevues.

Le premier guide à l‟attention des gestionnaires se structurait en trois parties. Dans un

premier temps nous interrogions les répondants sur le processus de revitalisation de

façon générale et plus en particulier dans le cas de Pernod. Puis, nous abordions le rôle

des influenceurs et des communautés de consommation dans le processus. Enfin, nous

examinions les facteurs de performance de la stratégie.

Le deuxième guide à l‟attention des deux experts en réseaux sociaux abordait trois

thèmes principaux. Tout d‟abord nous tentions de définir la notion d‟influenceur. En effet,

il n‟existe encore aucun consensus dans la littérature scientifique permettant de définir

quelles sont les caractéristiques propres à un influenceur. Puis, nous examinions

l‟impact des influenceurs sur une marque. Enfin, nous envisagions le rôle des

Chapitre 4 Méthodologie 40

communautés dans le processus de revitalisation. Les deux guides d‟entrevues sont

présentés en annexe.

D‟autre part, concernant le guide d‟observation, les items ont été définis de façon très

large pour pouvoir garder l‟esprit ouvert et ne pas orienter de façon trop pointue la

recherche. Il s‟agissait principalement d‟observer les interrelations entre l‟entreprise et

les membres de la communauté, les actions entreprises par chacune des parties dans la

revitalisation de marque et enfin les rapports existants entre les influenceurs et la

marque Pernod Absinthe. Le guide d‟observation est également présenté en annexe.

4.2.3 Analyse des données

Selon Yin (2009), « l‟analyse de données consiste à examiner, catégoriser, tabuler,

tester ou sinon combiner les preuves pour établir une conclusion empirique ».(traduction

libre, Yin, 2009, p. 126) Dans cet objectif, les données collectées ont été codifiées selon

la méthode proposée par Miles et Huberman (2003). Ainsi, nous avons pu dégager

plusieurs thèmes pertinents dans le cas de notre recherche. Les différents codes ont été

définis en fonction du cadre conceptuel et des différentes questions de recherche. Le

processus de codification a permis de synthétiser l‟information et de dégager des

tendances récurrentes entre les répondants (Miles, et al., 2003). L‟analyse de nos

résultats est présentée dans un chapitre suivant.

4.2.4 Considération éthiques

Cette recherche a été approuvée par le comité d‟éthique et de recherche de HEC

Montréal. Dans le but de protéger les participants de l‟étude, ces derniers ont été

informés des objectifs de la recherche et un formulaire de consentement leur a été remis

avant chaque entrevue et chaque période d‟observation. Comme il nous était impossible

de préserver l‟anonymat des personnes interrogées lors des entrevues, nous avons pris

soin de le leur mentionner de manière explicite avant chaque période de collecte de

données. De plus, dans un souci de confidentialité, nous avons choisi de ne pas révéler

le nom des personnes ayant accepté de participer à l‟étude afin de protéger au mieux

leurs intérêts. En effet, nous avons jugé qu‟étant donné que le nom de l‟entreprise et de

la catégorie de produit sont clairement identifié dans cette étude, il aurait été facile de

retracer le nom de tous les participants si nous choisissions d‟en divulguer un seul. Par

conséquent, les répondants se sont vu attribuer chacun une lettre afin de pouvoir les

distinguer dans la suite de l‟étude.

Chapitre 5 Histoire de l‟Absinthe 41

5. HISTOIRE DE L’ABSINTHE

Dans ce chapitre, nous présentons quelques données sur l‟absinthe et son histoire. Ses

données ont été recueillies au travers de divers documents dont des ouvrages, des sites

et des blogs mais également de la documentation fournie par l‟entreprise.

5.1 Bref retour historique

D‟après Delahaye (1983)- l‟absinthe est une plante de la famille des composées. On

distingue deux grandes variétés d‟absinthe : la grande absinthe ou absinthe officinale et

la petite absinthe ou absinthe pontique. Connue pour ses vertus thérapeutiques depuis

l‟antiquité, l‟absinthe est utilisée par les grecs et les romains. Elle est entres autres

utilisée pour ses propriétés antiseptique, stimulante, tonique, diurétique ou encore

fébrifuge. La liqueur d‟absinthe, quant à elle, est obtenue par distillation de plusieurs

plantes aromatiques dont bien sur l‟absinthe mais également l‟anis, l‟hysope, la badiane

ou encore le fenouil.

Delahaye (1983) retrace l‟introduction de l‟absinthe par les arabes au 11ème siècle :

« l‟alcohol » ou eau-de-vie fait donc une apparition relativement tardive en Occident.

Considérée au départ comme un poison, il faut attendre la fin du 18ème siècle pour que

son usage devienne courant. C‟est à cette même époque que l‟absinthe est introduite

pour la première fois en France.

Les origines de la boisson restent relativement mystérieuses. D‟après Delahaye (1983),

l‟absinthe serait née en Suisse dans le canton de Neuchâtel à la fin du XVIIIe siècle. En

effet, un médecin et pharmacien de Franche-Comté, le docteur Pierre Ordinaire, exilé

dans la région de Couvet pour des raisons politiques, serait à l‟origine de la boisson. La

légende raconte qu‟il aurait cédé la recette à sa gouvernante qui l‟aurait ensuite

revendue à la famille Henriod. Un jour le major Dubied, de passage dans la région, fit la

connaissance de la mère Henriod. Celui-ci, convaincu que la boisson pouvait

définitivement faire l‟objet d‟une commercialisation autre que médicamenteuse, racheta

la recette en 1797. Un an plus tard, le major Dubied s‟associe avec son beau-fils Henri

Louis Pernod et fonde sa propre distillerie à Couvet en Suisse. La boisson connaissant

un relatif succès, Henri Louis Pernod décide alors de quitter l‟affaire familiale et de

Chapitre 5 Histoire de l‟Absinthe 42

fonder sa propre distillerie en France à Pontarlier en 1805. La Maison Pernod Fils est

née.

D‟après l‟auteure, c‟est en 1830, avec la guerre d‟Algérie que l‟Absinthe prend un nouvel

essor. En effet, réputée pour ces effets bénéfiques contre la malaria et la dysenterie, les

soldats et les officiers de l‟armée d‟Afrique la consomment régulièrement. De retour en

France, ils continuent de la consommer en apéritif. Rapidement, la liqueur gagne en

popularité auprès de la bourgeoisie parisienne qui admire la vaillance des soldats

revenus d‟Outre-mer et se plaisent à fréquenter les officiers dans les cafés du Boulevard

autour d‟un verre d‟absinthe. Elle précise ensuite que c‟est au tour des artistes de

devenir adeptes de l‟absinthe. Le café est également le lieu des rendez-vous de la

bohème qui discute souvent poésie, art ou littérature selon les affinités. Musset,

Baudelaire, Verlaine, Maupassant, Rimbaud, Apollinaire et bien d‟autres sont de grands

consommateurs d‟absinthe. Il la surnomme la fée verte car elle est pour eux une source

d‟inspiration. Très vite, la boisson devient même l‟objet de plusieurs œuvres artistiques

qu‟il s‟agisse de poèmes, de peintures, de gravures ou encore de romans. Parmi les

œuvres les plus connues, on retrouve celle de Degas, « L‟Absinthe », peinte en 1878.

À cette époque l‟Absinthe est alors la boisson en vogue, réservée à une certaine élite du

fait de son prix relativement élevé. C‟est seulement en 1870 que l‟absinthe se

démocratise et devient accessible à la classe ouvrière de France. Selon l‟auteure, même

les femmes la consomment. En effet, son prix ayant fortement baissé, elle est devenue

une des boissons apéritives les moins chères du marché. Le succès de l‟Absinthe est

alors retentissant et sa consommation en France ne cesse d‟augmenter. En 1880,

l'Absinthe est même déclarée "boisson nationale" (Delahaye, 1990) et devient l‟objet de

nombreuses chansons populaires.

L‟industrie de fabrication de l‟absinthe emploie des milliers de personnes. En 1905, dans

la seule région de Pontarlier on ne compte pas moins 25 distilleries et Pernod produit 2

millions de litres à l‟année. La boisson est également exportée à travers le monde entier.

« Très vite, les maisons ne se bornèrent plus à l‟exploitation de la France mais

s‟étendirent en Allemagne, en Italie, en Russie; en fait, dans toutes les contrées

d‟Europe excepté l‟Angleterre où l‟absinthe était pratiquement inconnue » (Delahaye,

1983, p. 58). Elle est également exportée dans les pays d‟Outre-mer comme le Brésil ou

les États-Unis.

Chapitre 5 Histoire de l‟Absinthe 43

Cependant, au début des années 1900, l‟absinthe commence à faire l‟objet de

nombreuses controverses. En effet, Delahaye (1990) explique que les ligues anti-

alcooliques qui se multiplient en France, considèrent la boisson comme responsable de

la montée de l‟alcoolisme et aussi d‟autres maux comme la hausse de la criminalité, de

l‟immoralisme ou encore de la propagation de la tuberculose. En 1901, la ligue nationale

contre l‟alcoolisme est créée et une véritable propagande contre l‟absinthe est engagée.

Les ligues trouvent vite un appui auprès des viticulteurs qui connaissent une crise mais

aussi auprès de plusieurs personnalités politiques et d‟éminents médecins. La presse

soutient la campagne et relaie l‟information. On voit alors apparaître une littérature

excessive à l‟encontre de la boisson sous forme d‟affiches de revues, d‟articles de

presse etc. Ainsi peu à peu, l‟opinion publique réussit à faire pression sur le

gouvernement. D‟abord interdite à la consommation dans les lieux publics, la fabrication

et la distribution de l‟absinthe seront définitivement interdites en France en

1914.(Delahaye, 1990) Plusieurs autres pays interdisent l‟Absinthe à la même époque :

La Belgique en 1905, les États-Unis en 1907, la Suisse en 1910. Bref, l‟Absinthe est

victime de son succès.

5.2 L’absinthe : un art de vivre à la française

En France, l‟arrivée de l‟absinthe bouleverse les habitudes des consommateurs qui

buvaient alors principalement du vin ou de la bière à l‟heure de l‟apéritif. Considérée

comme une boisson « sociale » (Delahaye, 1983), l‟absinthe est consommée dans les

cafés et les bistrots, aussi bien dans les faubourgs populaires que dans les beaux

quartiers, particulièrement entre cinq et sept heures du soir. Sa consommation donne

lieu à un rituel inédit et convivial. En effet, pour préparer l‟absinthe, il faut la sucrer puis

la diluer en ajoutant goutte à goutte une quantité d‟eau bien précise. En ajoutant de l‟eau

on provoque l‟émulsion des essences d‟absinthe ce qui fait que la boisson se trouble

(Delahaye, 1983). Cette cérémonie de préparation demande un véritable savoir-faire, en

témoigne cet extrait du temps des secrets de Marcel Pagnol (1973) :

« L'œil du poète brilla tout à coup. Alors, dans un profond silence, commença une sorte de

cérémonie. Il installa devant lui un verre, qui était fort grand, après en avoir vérifié la

propreté. Il prit ensuite la bouteille, la déboucha, la flaira, et versa un liquide ambré à reflets

verts, dont il parut mesurer la dose avec une attention soupçonneuse, car, après examen, et

réflexion, il en ajouta quelques gouttes. Il prit alors sur le plateau une sorte de petite pelle en

Chapitre 5 Histoire de l‟Absinthe 44

argent, qui était étroite et longue, et percée de découpures en forme d'arabesques. Il posa

cet appareil, comme un pont, sur les bords du verre, et le chargea, de deux morceaux de

sucre. Une main posée sur la hanche au bout de son bras gracieusement arrondi, l'Infante

souleva la cruche assez haut, puis, avec une adresse infaillible, elle fit tomber un très mince

filet d'eau fraîche - qui sortait du bec de la volaille - sur les morceaux de sucre, qui

commencèrent à se désagréger lentement. Le poète, dont le menton touchait presque la

table, entre ses deux mains posées à plat, surveillait de très près cette opération. L'Infante

verseuse était aussi immobile qu'une fontaine, et Isabelle ne respirait plus. Dans le liquide,

dont le niveau montait lentement, je vis se former une sorte de brume laiteuse, en torsades

tournantes qui finirent par se rejoindre, tandis qu'une odeur pénétrante d'anis, rafraîchissait

délicieusement mes narines.»(Pagnol, 1973; cité par Delahaye, 1990, p. 46)

La couleur opalescente de l‟absinthe, son odeur bien particulière ainsi que le rituel qui

accompagne sa préparation fascinent les passants qui se rassemblent souvent aux

terrasses de cafés pour observer et juger ceux qui préparent l‟absinthe. En effet, on

avait pour habitude de distinguer les bons, des mauvais « absintheurs » selon la rigueur

avec laquelle ils observaient le rituel. (Delahaye, 1990).

Des objets accompagnent également cette cérémonie. En effet, le sucre était

généralement posé sur une cuillère perforée appelée cuillère à absinthe. De plus, de

nombreux cafés utilisaient des fontaines à eau qui permettaient de laisser doucement

couler l‟eau sur les sucres pendant que les clients jouaient aux cartes (Delahaye, 1983).

Ces objets ont suscité la créativité de beaucoup si bien qu‟aujourd‟hui on recense

quantité de formes et de tailles différentes de cuillères à absinthe mais aussi de

fontaines. Ils permettaient également de distinguer les « riches » buveurs d‟absinthe qui

se dotaient généralement de véritables œuvres d‟art pour impressionner leurs invités.

Rapidement son caractère nouveau, son goût frais et désaltérant, ainsi que le rituel qui

accompagne sa préparation font de l‟absinthe la boisson à la mode. « Son impact sur la

société française fut si considérable qu‟il est impossible d‟évoquer la vie sociale,

littéraire ou artistique de la seconde moitié du XIXe siècle sans s‟en référer

constamment » (Delahaye, 1990, p. 36).

Symbole de son succès, l‟absinthe réussit à s‟inscrire dans le langage courant de

l‟époque. Ainsi, l‟heure à laquelle est consommée généralement l‟absinthe, soit entre 5

et 7 heures du soir, est baptisée l‟heure verte en référence à la couleur de la boisson.

Chapitre 5 Histoire de l‟Absinthe 45

D‟autre part, suivant les milieux sociaux, l‟absinthe se voit attribuer plusieurs surnoms

parmi lesquels on retrouve : l‟asmoche, l‟aviateur, une bleue, une verte, un douanier,

une fée verte, un perroquet, une poileuse, une sulfate de zinc et bien d‟autres encore

(Delahaye, 1990). Delahaye (1990) recense également plusieurs expressions populaires

qui font référence à la boisson : « étouffer un perroquet » pour signifier que l‟on boit une

absinthe, « avaler son absinthe » pour exprimer sa résignation face à quelques

désagréments ou encore « renverser son absinthe » pour désigner la mort (Delahaye,

1990).

Autre preuve de sa popularité, l‟absinthe comme nous l‟avons vu touche toutes les

catégories sociales, du bourgeois à l‟ouvrier. L‟absinthe est donc rapidement considérée

comme une boisson bien française. En effet, c‟est en France que sa consommation

connaît le plus d‟essor. Ailleurs en Europe, sa consommation reste relativement

localisée ou encore réservée à la classe bohème (Adams, 2004).

5.3 L’absinthe de nos jours

Il a fallu attendre le début du XXIe siècle pour que l‟absinthe soit à nouveau libéralisée

et commercialisée. Selon Adams (2004), le retour de l‟Absinthe a commencé d‟abord en

Tchécoslovaquie où elle n‟avait jamais été interdite. En effet, à la chute du mur de Berlin

en 1989, les jeunes européens et américains ont afflué vers l‟Europe de l‟Est et

redécouvert la boisson. L‟auteur précise que plusieurs créatifs contemporains, comme

des musiciens populaires ou des rédacteurs ont contribué à populariser l‟Absinthe en

s‟attribuant sa redécouverte.

Encore aujourd‟hui, beaucoup de mythes entourent l‟absinthe. On lui prête notamment

des effets hallucinogènes qui auraient permis aux artistes de libérer leur créativité. Ainsi,

l‟absinthe est toujours considérée comme une source d‟inspiration parmi les artistes.

Cependant, l‟absinthe fait également peur. C‟est une boisson perçue comme

mystérieuse, dangereuse, interdite. À la fin des années 1990, l‟absinthe est ainsi perçue

comme un luxe dangereux et osé qui permet de se distinguer dans une société de plus

en plus homogène (Adams, 2004). Témoin de son renouveau, de nombreux sites voient

le jour sur internet. On y retrouve notamment des récits retraçant l‟histoire de la boisson,

des informations sur les différents types d‟absinthe, des détails sur le rituel de

consommation etc.… Bref, l‟absinthe fascine toujours.

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 46

6. LA STRATEGIE DE REVITALISATION DE PERNOD

ABSINTHE

Ce chapitre vise à détailler le processus de revitalisation de la marque Pernod Absinthe.

Pour débuter, nous effectuons une mise en contexte rapide afin de mieux comprendre

ce qui a suscité la décision de revitalisation de Pernod Absinthe. Puis nous détaillons les

acteurs impliqués dans le processus et leurs différents rôles. Enfin, un récapitulatif des

actions stratégiques mises en place dans le cadre du processus de revitalisation, et plus

particulièrement celles qui concernent la communauté artistique, est présenté.

6.1 Mise en contexte

Disparue du marché depuis près de 100 ans, la marque Pernod a survécu au travers de

changements. Après l‟interdiction de l‟absinthe en France en 1915, Pernod est en effet

devenue une marque d‟anisé. Similaire à l‟absinthe en terme de goût, les boissons

anisées possédaient, de plus, la propriété de se troubler par addition d‟eau tout comme

l‟absinthe.

En 2001, suite à une nouvelle législation autorisant à nouveau la fabrication d‟absinthe,

Pernod décide de distribuer à nouveau sa marque sur le marché français. Cependant,

l‟entreprise n‟entreprend aucune activation marketing car le marché est insuffisant pour

justifier un tel investissement. Il faut attendre fin 2007 pour que Pernod décide de mettre

en place une stratégie marketing de revitalisation de marque. En effet, grâce à un petit

importateur passionné, la boisson est à nouveau légale aux États-Unis ce qui ouvre un

marché potentiel beaucoup plus important.

« Depuis 2001, la décision a été prise, avec la nouvelle législation, de relancer une

absinthe. Ceci dit ça n‟a jamais été une priorité pour Pernod de développer cette

absinthe jusqu‟à ce qu‟il y a deux ans et demi à peu près, le marché des États-Unis

s‟ouvre à l‟absinthe à travers des concurrents qui ont convaincu les autorités que

l‟absinthe était légale et donc cela entraine une croissance du marché de l‟absinthe qui

redevient visible et donc devient intéressante pour nous. » (Répondant A, 2010).

De plus, les caractéristiques de l‟absinthe répondent aux tendances socioculturelles

actuelles ce qui justifie également la décision de relancer la marque.

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 47

« Il y a une volonté d‟avoir des choses un peu plus authentiques, un peu plus

sophistiquées, un peu plus originales, un peu plus historiques. Le gin fait parti de cette

tendance là. Il y a notamment une grande tendance de retour aux cocktails classiques et

dans cette mouvance là, l‟absinthe fait parti des mythes du passé qu‟on sent bien que la

société a envie de voir ressuscitée» (Répondant A).

Pernod identifie alors trois marchés cibles : les États-Unis, l‟Angleterre et la France. Plus

particulièrement, on identifie plusieurs villes créatives qui feront l‟objet de la majorité des

efforts marketing.

6.2 Les objectifs de revitalisation

Selon l‟un des gestionnaires marketing, une revitalisation de marque se définit comme

« la refonte d‟une plateforme, c'est-à-dire pour nous la cible. On essaye en général soit

de trouver une nouvelle cible pour quelque chose qui existe déjà, soit de reconnecter

une cible existante à un produit qu‟ils peuvent avoir oubliée. Et l‟autre pan de la

plateforme c‟est le positionnement et l‟image de marque. La revitalisation vise souvent à

modifier ou à créer une nouvelle image. » (Répondant A, 2010).

Selon lui, dans le cas de Pernod Absinthe, il ne s‟agit pas d‟un rajeunissement de

marque mais plutôt d‟un relancement car celle-ci avait complètement disparu du marché

depuis près de 100 ans. Le répondant C (2011) partage plus ou moins ce point de vue,

puisqu‟elle perçoit le cas Pernod absinthe comme un cas de revitalisation extrêmement

rare qui peut ne jamais arriver à une marque. Elle distingue ce cas de revitalisation d‟un

simple « lifting de marque » qui selon elle arrive à une marque tous les 10 ou 15 ans.

D‟après la littérature on peut qualifier le cas Pernod absinthe de revitalisation de

marque. En effet, l‟absinthe est une marque perçue comme une boisson du passé mais

qui a réussi à perdurer de part son histoire ainsi que les valeurs essentielles qui lui sont

attachées : créativité, mystère, bohème. Ainsi, la revitalisation de la marque Pernod

implique d‟abord la définition d‟une nouvelle identité de marque qui tient compte de son

histoire et des valeurs qui lui sont associées. La stratégie mise en place consiste donc

en des changements qui doivent être apportés à la marque à partir du capital de marque

existant (clientèle, marchés et produits) tout en s‟efforçant de préserver les valeurs

essentielles de la marque ou autrement dit son essence (Zyman & Brott, 2004).

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 48

Plus généralement, l‟entreprise a pour objectif de redynamiser la marque Pernod au

travers du fer de lance Pernod Absinthe.

« Quand on regarde la marque Pernod au total soit anis plus absinthe, on voit bien que

les investissements qui seraient nécessaires pour redynamiser fortement Pernod anisé

ou Pernod classique sont importants au regard des priorités du groupe Pernod Ricard

alors que sur Pernod absinthe on sent, même si ce n‟est pas très mesurable, qu‟il y a

plus d‟intérêt et de potentiel pour redynamiser la marque. » (Répondant A, 2010).

Pour cela, l‟entreprise doit d‟abord développer la catégorie de l‟absinthe qui n‟existe plus

dans l‟esprit des consommateurs du fait de l‟interdiction de la boisson depuis plus d‟un

siècle pour pouvoir ensuite aller se positionner comme la marque de référence.

6.3 Les acteurs

Le processus de revitalisation implique plusieurs acteurs. D‟une part, au sein de

l‟entreprise Pernod plusieurs gestionnaires marketing sont en charges de redynamiser la

marque.

L‟un des gestionnaires marketing a pour mission de définir la stratégie de marque ainsi

que le plan d‟action nécessaire au développement de la marque sur les différents

marchés internationaux. Il est assisté par une stagiaire. L‟autre gestionnaire marketing a

pour mission d‟exécuter la stratégie de marque internationale au niveau local, et ce en

partenariat avec les différents distributeurs. En effet, au sein du groupe, il faut distinguer

le propriétaire de marque et ses différentes filiales de distribution.

«Quand je dis Pernod Ricard, je pense à la fois aux propriétaires de marque et aux

filiales de distribution. Il y a une dynamique entre les deux. Le propriétaire de marque

propose et la filiale dispose. C‟est la filiale qui active les marchés, c‟est la filiale qui va

assurer ou non le relancement de marque. » (Répondant A, 2010).

Les filiales jouent donc un rôle important dans la revitalisation de marque. Ce fait est

également souligné par Répondant C (2011) :

« Le deuxième challenge c‟était de dire qu‟en année un Pernod prenait le lead sur les

actions menées, mais qu‟en année deux il fallait laisser l‟initiative aux marchés. À un

moment un marché à qui tu donnes tout, tout cuit, il ne fait rien alors que si tu lui

demandes d‟avoir des initiatives il fait beaucoup plus de choses. »

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 49

D‟autre part, Pernod collabore avec plusieurs agences, dans plusieurs pays. Les

agences participent d‟une part, à la définition du plan stratégique et d‟autre part

opérationnalisent la stratégie sur les différents marchés cibles. Les actions stratégiques

sont décidées en accord avec les gestionnaires du groupe Pernod.

Enfin, les consommateurs sont également impliqués dans le processus puisque Pernod

et les agences ont mis au point plusieurs actions stratégiques qui font appel à des

« influenceurs créatifs » comme par exemple un barman reconnu mondialement, Jean

Paul Lespagnard un designer Belge ou encore Liquid Architecture un groupe de rock

Français. En revanche, d‟après le gestionnaire marketing international en charge du

projet, l‟implication des influenceurs dans le processus stratégique est moindre. En fait,

les consommateurs participent principalement à la diffusion de l‟expérience de

consommation Pernod Absinthe mais ils n‟influencent pas directement les décisions

stratégiques de l‟entreprise :

« On ne va pas aller chercher des geeks de l‟absinthe par exemple pour leur faire

élaborer le produit, le packaging etc.… On s‟arrêtera sur l‟aspect expérience de

consommation, on ne leur demandera pas d‟influencer directement notre marque ou

notre produit. » (Répondant A, 2010).

6.4 Les actions stratégiques mises en place

Selon le gestionnaire marketing international de la marque Pernod Absinthe, il y a deux

principaux axes qui définissent les actions stratégiques mises en place dans le cadre du

processus de revitalisation de la marque. Le premier axe consiste à infiltrer la

communauté créative qui a été identifiée par l‟agence Influence comme la cible

potentielle la plus intéressante pour Pernod Absinthe. Le deuxième axe consiste à

éduquer la communauté des barmen à l‟absinthe et à Pernod au travers d‟un mentor

afin de faciliter par la suite le processus d‟adoption de la marque par les

consommateurs.

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 50

6.4.1 Infiltrer la communauté créative

6.4.1.1 Définition de la communauté créative

Dans le cadre du processus de revitalisation de Pernod Absinthe, l‟entreprise tout

d‟abord fait appel aux services d‟une agence dans le but d‟identifier une cible potentielle

intéressante pour la marque. Au terme de cette étude, l‟agence identifie la communauté

créative comme la cible potentielle la plus intéressante pour le relancement de Pernod.

La notion de communauté créative est relativement récente. Richard Florida (2000)

définit ainsi les membres appartenant à cette communauté.

«The distinguishing characteristic of the Creative Class is that its members engage in

work whose function is to create meaningful new forms. The super-creative core of this

new class includes scientists and engineers, university professors, poets and novelists,

artists, entertainers, actors, designers, and architects, as well as the thought leadership

of modern society: nonfiction writers, editors, cultural figures, think-tank researchers,

analysts, and other opinion-makers (…) Beyond this core group, the Creative Class also

includes creative professionals who work in a wide range of knowledge-intensive

industries such as high-tech sectors, financial services, the legal and healthcare

professions, and business management. These people engage in creative problem-

solving, drawing on complex bodies of knowledge in seeking innovative

solutions ».(Florida, 2002, p. 40)

Dans le cas de Pernod Absinthe, cette notion de classe créative a été reprise et quelque

peu modifiée.

« Ce ne sont pas forcément des artistes, ça peut être des gens qui travaillent dans les

médias, qui sont journalistes, qui utilisent la créativité comme outil quotidien dans leur

travail ou dans leur vie, ça peut être des barmen et surtout qui ont été identifiés comme

groupe relativement homogène par des études sociologiques.» (Répondant A, 2010).

Plus précisément, on distingue trois sous-catégories au sein de la communauté : les

créateurs de contenus (ou chroniqueurs), les constructeurs (ou artisans), et les meta-

créatifs (ou conservateurs de musée). Les créateurs de contenu aiment partager leurs

idées, leurs opinions et veulent se faire entendre. Ce sont des nouvellistes, des

journalistes, des blogueurs. Les constructeurs aiment créer des choses tangibles et sont

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 51

avant tout intéressés par le processus de création. Ce sont des peintres, des sculpteurs,

des designers. Enfin, les méta-créatifs sont des organisateurs, ils travaillent à mettre en

scène l‟art. Ce sont des éditeurs, des galeristes des promoteurs de concerts etc…

De plus, on a identifié au sein de la classe créative une cible « professionnelle » plus

spécifique soit la communauté des barmen. En effet, la catégorie des spiritueux est bien

particulière car la consommation du produit est généralement partagée.

«On est sur des marques qui sont partagées et qui sont donc visibles aux yeux de tous.

Quand quelqu‟un commande ou achète une bouteille d‟absinthe par exemple, il se

positionne socialement en disant moi je bois tel truc donc il donne un message aux

autres.» (Répondant A, 2010).

À ce titre, les barmen jouent un rôle déterminant dans le succès du relancement car ce

sont, de par leur métier, des influenceurs naturels (Répondant E, 2010) qui peuvent

donc favoriser l‟adoption du produit par les consommateurs et ainsi favoriser sa

diffusion.

« Sachant que nous il y a deux communautés qu‟on vise. Il n‟y a pas que la cible

créative, il y a également la cible des barmen. Les barmen c‟est une vraie communauté

et aussi de vrais influenceurs, non seulement parce qu‟ils vont recommander mais aussi

parce qu‟ils vont permettre l‟accessibilité, le listing de notre produit en disant voilà, moi je

vais mettre le Green Beast sur ma carte par exemple. » (Répondant A, 2010).

6.4.1.2 Les influenceurs

Au sein de la classe créative, on peut identifier des personnes clefs qui forment eux-

mêmes un groupe bien particulier au sein de la communauté et que l‟on qualifie

d‟influenceurs (Unity, 2010). Dans le but d‟infiltrer la communauté créative, Pernod a

choisi de faire appel à ces influenceurs clefs. En effet, en développant des relations

affectives avec ces derniers, Pernod espère reconnecter avec la communauté créative.

« En gros c‟est ça qu‟on veut être, on veut être l‟ami de quelques personnes au sein de

la communauté. Il faut bien commencer de toute façon par être l‟ami de quelques

personnes avant d‟être l‟ami de la communauté. C‟est un peu ça le rationnel derrière les

influenceurs. » (Répondant A, 2010)

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 52

« L‟objectif est de reconnecter la communauté créative en engageant des influenceurs

et en créant des évangélistes de la marque. » (Unity, 2010).

Nous allons à présent dresser un portrait des influenceurs et examiner leur rôle dans le

processus de revitalisation de la marque. À ce titre, il nous est paru important de faire

appel à des experts en réseaux sociaux afin de mieux comprendre ce phénomène.

Caractéristiques des influenceurs

Un influenceur dispose d‟une personnalité relativement remarquable. En effet, un

influenceur se caractérise généralement par sa personnalité marginale et non

conformiste : « Ce sont des individus qui ont une vision différente des choses et qui

veulent la communiquer, qui veulent l‟exprimer » (Répondant E, 2010). Ils sont

également plutôt espiègles et insolents, ils aiment le défi et le jeu (Unity, 2010).

Les influenceurs sont des personnes qui disposent d‟un réseau social relativement

important et qui de plus exercent un leadership d‟opinion au sein de leur réseau.

« Dans chaque pays il y avait des gens qui n‟était pas forcément des people hyper

connus mais des gens super influents au sein de leur communauté. Pour te donner un

exemple à New York on avait repéré Jen Brill. C‟est la nana de Terry Richardson qui est

un très grand photographe de mode, qui est parmi les 10 photographes les plus connus

et elle c‟est juste une it-girl new-yorkaise qui travaille dans une petite agence de RP

mais la fille elle doit avoir 6000 amis sur Facebook, elle est connue, elle organise des

soirées, elle est dans les photos des soirées vogue etc. Et si tu lui passes le mot sur

Pernod Absinthe, tu es sûre que le message sera passé auprès de toute une

communauté parce qu‟elle est suivie par sa communauté » (Répondant C, 2011).

L‟agence Unity (2011) décrit également les influenceurs de la communauté créative

londonienne comme des personnes capables de convaincre leur réseau d‟adopter

certaines pratiques ou certaines opinions.

« Their genius exists in setting the mood, the agenda and the modus operandi for a

particular scene. Indeed, they often create the scene and are at the center of the

network of people who hang at their every word and who rely on them for guidance,

inspiration and most of all matters of taste.” (Unity, 2010)

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 53

D‟autre part, ils sont attirés par la nouveauté et aiment aller au-delà des codes de

consommations établis sur le marché (Répondant F, 2010). De ce fait, ils sont souvent à

l‟origine de nouvelles tendances de consommation. Il faut souligner qu‟ils sont très peu

influencés par la marque et valorisent avant tout la nouveauté produit.

« Un influenceur, un vrai, il n‟a pas besoin de la marque. Il trippe produit. » (Répondant

E, 2010).

Ils sont même relativement souvent anti-marque et anti-publicité (Répondant B, 2011).

Les produits qu‟ils recherchent sont des produits authentiques, uniques et nouveaux,

bref ils veulent des produits qui leur ressemblent.

Dans le cas de Pernod Absinthe, on retrouve bien ces différentes caractéristiques parmi

les influenceurs. Lors de nos observations nous avons pu notamment constater que le

barman est très motivé par le challenge que représente un produit comme l‟absinthe. Il

considère qu‟il s‟agit d‟un produit nouveau et différent des autres alcools en vogue

notamment du fait des arômes très particuliers de la boisson. Il souhaite promouvoir la

catégorie et rétablir la notoriété de la boisson car il est un véritable amateur des

boissons anisées et qu‟il s‟agit en plus d‟une boisson française qui lui correspond bien.

«Lui sa motivation je pense, au-delà de faire quelque chose de différent, il voit l‟intérêt

que peut avoir de relancer un marché. La vodka, le gin, la tequila ce sont des marchés

qui existent déjà et donc tu ne crées rien, tu ne fais qu‟essayer de trouver un argument

un peu différent, par exemple ma vodka elle est filtrée 18 fois sur des filtres en diamant

et souvent tu n‟as pas l‟impression de créer quelque chose. Avec l‟absinthe l‟opportunité

pour des gens que ce soit d‟ailleurs nos influenceurs de la créative class, c‟est de

pouvoir créer une tendance. » (Répondant A, 2010).

Rôle des influenceurs

Les influenceurs jouent un rôle de « connecteurs » entre la marque et les

consommateurs puisqu‟ils diffusent rapidement et efficacement de l‟information sur la

marque et le produit au sein de la communauté.

« Nous, on leur a développé tout un programme autour de ce qu‟on appelait à l‟époque

des creative influencers. Dans chaque pays, il y avait des gens qui n‟étaient pas

forcément des people hyper connus, mais des gens super influents au sein de leur

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 54

communauté. On s‟est demandé comment atteindre ces premiers relais là qui du coup

allaient nous permettre d‟étendre le message. » (Répondant C, 2010)

En effet, les opinions des influenceurs sont généralement perçues comme plus crédibles

et plus authentiques que les opinions de l‟entreprise, ce qui leur permet d‟avoir une

influence plus grande sur les perceptions et les actions des consommateurs.

« C‟est quoi la différence entre un influenceur, un panneau publicitaire et un porte

parole? L‟authenticité! Il ne le fait pas pour l‟argent non plus, il donne son opinion, c‟est

quelqu‟un qui arrive à avoir une influence non pas parce qu‟il propage un message

promo mais parce qu‟il donne son opinion. » (Répondant F, 2010).

« À cause du web, les consommateurs s‟expriment de plus en plus. Puis là, c‟est pour

ça qu‟il y a un regain d‟intérêt pour les influenceurs parce que finalement, qui est plus

crédible que la compagnie pour communiquer sur le produit? Bien c‟est quelqu‟un

comme toi puis moi. C‟est pour ça que tout le monde trip sur les influenceurs mais dans

le fond ce n‟est pas compliqué : descendez dans la rue et parlez à votre marché cible. »

(Répondant E, 2010).

C‟est pour cette raison, entres autres, que Pernod a choisi de contractualiser un barmen

mondialement reconnu pour influencer la communauté des barmen: « Les marques qui

leur parlent directement, ils ont tendance à ne pas avoir confiance ou du moins à

regarder avec scepticisme ce que peuvent leur raconter les marques alors que si c‟est

quelqu‟un des leurs qui leur explique, surtout quelqu‟un des leurs qu‟ils respectent et

qu‟ils connaissent, et c‟est pour ça que nous on a choisi un mec qui est relativement

voire ultra respecté dans le milieu et qui en plus a toute la légitimité pour leur parler

d‟absinthe; il est français, il est intéressé, il a écrit des livres sur les cocktails classiques,

il est « knowledgeable »… Bref, quand c‟est lui qui dit des choses, les gens écoutent et

reçoivent très différemment que si c‟était moi qui disait la même chose. » (Répondant A,

2010).

Ainsi, ils permettent d‟une part d‟augmenter la notoriété de la catégorie et de la marque

Pernod : « Avec les influenceurs créatifs on est en train de soutenir pas mal d‟artistes

comme Jean-Paul Lespagnard un créatif belge qui sort sa première collection à Paris. Il

va donc y avoir une visibilité pour Pernod Absinthe. » (Répondant C, 2010)

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 55

D‟autre part, ils permettent de renforcer le positionnement de marque. Comme nous

l‟avons vu avec le répondant D (2011), celui-ci connait bien les cocktails classiques et

l‟absinthe. De plus, il est français d‟origine, ce qui lui donne une plus grande légitimité

pour parler d‟absinthe.

Enfin, au delà du rôle de connecteur, les influenceurs permettent d‟impliquer les

consommateurs en leur faisant partager leur expérience du produit ou de la marque au

travers d‟évènements organisés qui mettent en scène Pernod Absinthe, mais aussi au

travers de la production de contenus créatifs.

« Le rôle des influenceurs c‟est d‟impliquer. En gros, la distribution, les évènements,

c‟est pour être présent et pour pouvoir être consommé. Maintenant, ça ne suffit pas,

même si les évènements ça permet aussi d‟introduire les gens, de leur faire goûter, ça

ne suffit pas à les décider. Je pense qu‟il faut réussir à pousser les gens à commander

d‟eux-mêmes. C‟est un peu le challenge de toutes les marques d‟alcool. » (Répondant

A, 2010).

Ainsi, lors du dîner de presse organisé à New York, le barman a préparé de nombreux

cocktails à l‟attention des invités qui pouvaient sélectionner les ingrédients qu‟ils

désiraient mélanger avec l‟absinthe. En plus d‟impliquer les consommateurs dans la

préparation de la boisson, le barman a contribué à renforcer l‟image créative associée à

la boisson en exerçant avec brio l‟art de la mixologie. Il a également partagé avec eux

l‟histoire de la boisson, expliqué sa fabrication ou encore détaillé son histoire

personnelle avec la marque, donnant ainsi une touche plus personnelle à la relation

entre la marque Pernod et lui-même.

Le choix des influenceurs apparaît donc être un critère relativement important dans le

succès des stratégies : « C‟est pour ça qu‟une marque comme Lululemon réussit si bien

à créer un lien avec ses consommatrices aussi bien online que offline, parce que autant

son staff dans ses boutiques, que le site internet, que la community manager qui parle

sur le compte Twitter, tout ce qu‟ils font vient renforcer le positionnement de la

marque. » (Répondant E, 2010).

6.4.2 Projets de partenariats créatifs

Afin d‟engager les influenceurs auprès de l‟entreprise et de la marque, Pernod,

principalement au travers des agences, développe plusieurs projets de sponsoring.

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 56

L‟idée est « de créer en partenariat avec les influenceurs, du contenu et des

événements culturels pertinents à la fois pour la marque et pour la cible »(Unity, 2010).

Le choix des partenaires répond à plusieurs critères. Il est important que les influenceurs

incarnent les valeurs de la marque, son identité.

« Quicksilver, s‟ils se mettent dans la communauté des bikers on ne va pas comprendre

car ça ne vient pas renforcer le positionnement » (Répondant C, 2011).

Mais également qu‟il démontre un attachement envers la marque et à l‟entreprise.

« On cherche des gens qui ont vraiment de l‟affect pour la marque. C‟est vraiment

important pour nous avant de faire un partenariat d‟identifier des gens qui pensent

comme nous » (Répondant C, 2011).

De plus, on cherche à limiter les partenariats qui auraient pour seul objectif d‟accroitre la

visibilité de Pernod Absinthe au profit de partenariats à même d‟enrichir l‟histoire de la

marque. L‟objectif étant donc de mettre en place des projets créatifs qui soient

bénéfiques aux deux parties.

« Ce qu‟on fait actuellement avec les mecs avec qui on bosse, c‟est qu‟on développe

avec eux des projets artistiques. On ne leur donne pas 2000, 3000 ou 10000 euros juste

pour que notre logo apparaisse sur un poster.» (Répondant C, 2010).

En France, c‟est le groupe de rock parisien Liquid Architecture qui est le principal

partenaire de Pernod Absinthe. Membres de la classe créative, les deux artistes

disposent d‟un réseau influent d‟amis et de personnalités du monde de l‟art. De plus,

« Fan de cocktails, ils ont fait réalisé leur « portrait » cocktail par un mixologiste. Ils sont

aussi tombés amoureux de l‟absinthe qui est le fil rouge de leur dernier clip. » (Being,

2011)

Ainsi, Pernod sponsorise le groupe de rock dans la promotion de son nouvel album et

en échange, ils organisent avec leurs amis des dégustations d‟Absinthe Pernod et

retransmettent des photos et des vidéos qui pourront servir à promouvoir la marque.

Cette relation d‟affaire ne fait pas l‟objet d‟un contrat mais repose sur un engagement

volontaire des deux parties.

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 57

« Avec eux on va faire des dîners où eux leur objectif c‟est de faire parler de leur clip

dans toutes les villes du monde en réunissant des gens de tous les horizons créatifs.

C‟est eux qui organisent les évènements et nous on est juste amis et donc on sera juste

servi et ils en profiteront bien sur, puisqu‟on les sponsorise pour ces dîners là, pour

parler de nous et nous retransmettre du matériel qui pourra nous servir en tant que

matériel de marque mais un peu créatif et interactif » (répondant A, 2010).

6.4.3 Le volet digital

Au-delà des projets de partenariat, un volet digital a été développé. En effet, Pernod a

pour projet de développer un magazine en ligne destiné aux membres de la

communauté créative de Londres. Le site dénommé Liquidthinking.com portera sur les

dessous du processus créatif :

« Liquid Thinking is the transformational process for the creative mind. It provides

creative solutions and quenches artistic thirst; it is the essential ebb and flow between

perception and reality.”(Unity, 2010)

L‟objectif étant de réussir à recréer une « heure verte » sur le web qui rassemblerait les

60 000 membres de la communauté londonienne (Répondant B, 2010). Ce site sera

animé par des artistes londoniens qui travailleront en collaboration avec l‟agence à

Londres.

Il ne s‟agit pas ici de développer un site de marque bien que Pernod soit présent en

filigrane sur le site, au travers par exemple d‟évènements sponsorisés par la marque. Au

contraire, « c‟est un moyen d‟approcher la communauté créative avec un concept qui les

intéresse et qui répond à des préoccupations quotidiennes qu‟ils peuvent avoir en tant

que créatifs» (Répondant B, 2010). De plus, « c‟est une approche qui est jugée, en tous

cas par les gens de la communauté, très originale et surtout assez unique parce que ça

n‟existe pas ailleurs. » (Répondant A, 2010).

Au travers de ce site, Pernod a donc pour objectif de positionner sa marque mais aussi

d‟approcher des personnes influentes au sein de la communauté créative. En effet, en

proposant un contenu unique et différent, contenu élaboré directement par des membres

de la communauté, il est plus aisé d‟engager les membres de la classe créative autour

de Pernod Absinthe (Répondant B, 2010).

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 58

Enfin, plus localement, Pernod USA a développé une communauté Facebook et un

compte Twitter afin de recruter, notamment au travers d‟évènements organisés par

Pernod, des créatifs et des consommateurs intéressés par l‟absinthe et par la marque

Pernod en général.

Dans le but de générer du trafic sur les réseaux sociaux mais aussi de générer un

dialogue interactif avec la cible de la classe créative, Pernod a également lancé un

concours de création d‟œuvres artistiques.

« Il y a une deuxième phase de concours qui vient d‟être lancée mais le premier

concours qui a eu lieu était un concours de création d‟œuvres artistiques autour du

thème 1805, date de création de Pernod Absinthe. On a d‟ailleurs été surpris par le

nombre de candidatures. » (répondant A, 2010).

6.4.4 Éduquer les consommateurs

Le deuxième axe consiste à éduquer la cible à ce qu‟est l‟absinthe Pernod, et surtout

d‟apprendre aux consommateurs comment consommer la boisson. « Pour une marque

d‟alcool, la première question à se poser pour savoir comment on leur parle, ce n‟est

pas vraiment le tone of voice ou qu‟est ce qu‟on fait comme publicité. Aujourd‟hui on

n‟en est pas là et on n‟a pas tellement les moyens d‟avoir un discours classique mass

media. En revanche, c‟est surtout d‟expliquer qu‟est ce que c‟est que Pernod Absinthe et

l‟absinthe et surtout comment ça se boit. » (répondant A, 2010).

En effet, il y a encore beaucoup d‟images négatives liées au produit du fait de la

propagande des ligues anti-alcooliques et des raisons qui ont conduit à son interdiction.

Plusieurs intervenants me décrivent l‟absinthe comme une boisson qui fait relativement

peur. La plupart des consommateurs la perçoivent comme un alcool dangereux qui rend

les gens fous. De plus, c‟est aussi une boisson au goût bien particulier et donc moins

facilement accessible (répondant D, 2011).

Dans le but de modifier ces perceptions négatives, Pernod tente de favoriser des

expériences de consommation positives chez ses consommateurs. En effet, les

utilisateurs consomment généralement la boisson de façon inadaptée ce qui freine la

diffusion de la marque.

« Il fallait aussi qu‟on apprenne aux gens comment boire l‟absinthe parce que comme je

te le racontais tout à l‟heure avec Lucid, les mecs la buvaient n‟importe comment donc

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 59

on avait un vrai truc de pédagogie et à la fois un devoir d‟image de

marque. »(Répondant C, 2010).

Ainsi, l‟entreprise a élaboré une « drink stratégie » qui prend appui à la fois sur le rituel

traditionnel de préparation de l‟absinthe mais aussi sur des cocktails afin de rendre la

boisson plus accessible. Pernod accorde une importance toute particulière à la cible des

barmen dans le développement de cette stratégie car ces derniers font parti de la cible

créative et sont des influenceurs naturels de par leur métier. Ainsi, ils sont à même

d‟éduquer les consommateurs à l‟absinthe permettant ainsi d‟accélérer son adoption et

sa diffusion.

Cependant, Pernod a mauvaise presse auprès de la communauté des barmen car la

marque a été la cible de plusieurs critiques sur Internet. On reprochait notamment à

Pernod de ne plus suivre le procédé de fabrication authentique de l‟absinthe (répondant

A, 2010). Afin de redresser l‟image de qualité de Pernod Absinthe auprès de la

communauté, Pernod a donc choisi de faire appel à un barmen influent et respecté dans

son milieu.

Originaire de Bourgogne en France, celui-ci quitte la France pour l‟Angleterre dans les

années 2000. Il fait ses premiers pas dans l‟industrie en tant que garçon de café, puis

comme plongeur, puis se tourne naturellement vers le métier de barmen. Formé par les

plus grands mentors de l‟industrie, il reçoit de nombreux prix pour la qualité et

l‟inventivité de ces cocktails lors de compétitions nationale et internationale. En 2008 et

2009, il est consacré meilleur mixologiste mondial. Passionné par les spiritueux et l‟art

de la mixologie, il publie de nombreux articles dans des revues reconnues, agit à titre de

consultant et de professeur pour plusieurs agences de consultation et enfin est invité à

de nombreux congrès professionnels d‟envergure internationale. Enfin, il est un grand

amateur d‟absinthe et de Pernod et il a donc accepté de travailler à titre de consultant au

relancement de la marque.

D‟une part, il collabore à l‟élaboration de la « drink stratégie » de la marque. Il a

notamment développé un cocktail phare pour Pernod dénommé le Green Beast. D‟autre

part, il mène des programmes de formation sur l‟absinthe et la marque auprès des

barmen, et ce dans plusieurs grandes villes internationales. En effet, le répondant D

(2011) m‟explique qu‟il organise plusieurs séminaires au cours desquels il renseigne les

barmen sur l‟histoire de l‟absinthe et plus en particulier l‟histoire de la marque Pernod

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 60

mais aussi sur sa formulation (les différentes herbes qui composent la boisson) et sur le

procédé de fabrication de la boisson. Ces évènements apparaissent comme une

occasion pour lui « non seulement de former mais aussi d‟inspirer» (Répondant D,

2011). En effet, en aidant les barmen à mieux comprendre l‟absinthe et à la mélanger

correctement avec d‟autres ingrédients, il leur permet ensuite de créer eux-mêmes de

nouveaux cocktails originaux à base d‟absinthe. Or, « la nouveauté attire la clientèle des

barmen qui doivent sans cesse renouveler leur carte pour satisfaire leurs clients »

(répondant D, 2011).

Enfin, il favorise la diffusion de la marque Pernod dans les bars, les clubs, les

restaurants mais aussi auprès des distributeurs de Pernod à qui il pitch le produit

(Répondant D, 2011).

« Parce qu‟ils vont recommander mais aussi parce qu‟ils vont permettre l‟accessibilité, le

listing de notre produit. En disant voilà, moi je vais mettre le Green Beast sur ma carte

par exemple » (répondant A, 2010)

En conclusion, la communauté des barmen fait l‟objet d‟une stratégie d‟infiltration à part

entière. Celle-ci se distingue notamment du fait qu‟elle ne vise pas seulement à créer

des relations affectives mais aussi à éduquer la communauté des barmen à la catégorie.

« Notre objectif c‟est aussi de convaincre et d‟éduquer la communauté des bartender à

l‟absinthe et à Pernod en particulier via, nous on l‟a appelé un mentor parce que l‟on

considère que c‟est un peu ça, c‟est un mentor que les gens vont vouloir pour le coup

imiter. » (répondant A, 2010).

« Le côté exemplarité est plutôt présent sur la partie trade que sur la partie

consommateur. Sur la partie consommateur on est plutôt dans l‟ami, la relation. Dans la

partie trade, on est plutôt sur l‟exemplarité en disant que si un barmen hyper côté a

choisi Pernod alors ça veut dire qu‟il y a une bonne qualité, que c‟est légitime et que

donc moi aussi je peux choisir Pernod. C‟est deux mécanismes qui sont un peu

différents. » (répondant A, 2010)

Enfin, un certain nombre d‟outils dits d‟activation tel que des dégustations ou du

sponsoring d‟évènements artistiques sont également mis en place.

Chapitre 6 La stratégie de revitalisation de Pernod Absinthe 61

«C‟est tout ce qui pousse à la consommation. Ça peut être de l‟activation on-trade c'est-

à-dire être présent et visible dans les bars, organiser des dégustations. Ça peut être

aussi de l‟activation off-trade c'est-à-dire faire les même choses mais en magasin. Ça

peut-être de l‟influence c'est-à-dire être présent à l‟esprit de la cible en passant par des

biais divers comme des personnes physiques, des communautés on-line, des

évènements, en gros tout un tas de bandes par lesquelles passer pour toucher notre

cible. » (Répondant A, 2010).

Chapitre 7 Analyses 62

7. ANALYSES

Les deux précédents chapitres ont été élaborés à partir de l‟ensemble des données que

nous avons collectées qu‟il s‟agisse de la documentation, des entrevues ou encore des

divers rapports d‟observation. Nous avons ainsi pu retracer dans un premier chapitre

l‟histoire de l‟Absinthe et de Pernod, puis dans un deuxième chapitre détailler l‟ensemble

du processus de revitalisation : les acteurs impliqués dans le processus, la définition de

la stratégie et ses différentes applications tactiques. Nous allons maintenant présenter

l‟analyse des résultats. Dans une première partie, nous validerons les différents impacts

de l‟entreprise et des communautés sur le capital de marque en prenant appui sur le

modèle du customer-based brand equity développé par Keller (2001). Dans une

deuxième partie, nous analyserons comment il est possible pour l‟entreprise de faciliter

l‟engagement d‟une communauté de consommateurs autour d‟une marque. Enfin, nous

nous attarderons sur le rôle déterminant de la marque dans le succès des relations entre

entreprise et communautés, ainsi que sur la nécessité pour l‟entreprise de limiter les

mesures de contrôle sur les actions communautaires.

7.1 Impacts des communautés et de l’entreprise sur le capital de

marque

Rappelons que selon Keller (1999), on peut revitaliser une marque en travaillant sur les

différentes composantes du capital de marque afin de rétablir ou de créer de nouvelles

sources de capital. Afin de déterminer dans quelle mesure les gestionnaires et les

membres de la « classe créative » rétablissent ou créent de nouvelles sources de capital

de marque, nous allons détailler leurs divers impacts en prenant appui sur le modèle des

six blocs de Keller (2001). Selon ce modèle, il est essentiel de développer chacun des

six blocs constitutifs du capital de marque dans le but de construire une marque forte.

Nous apportons ici un point de vue nouveau en démontrant que les consommateurs

participent à la construction de chacun des blocs. En effet, Brown et al. (2003)

notamment critiquent le fait que le modèle développé par Keller a tendance à minimiser

l‟impact des consommateurs dans le processus de construction du capital. De fait, bien

qu‟il prenne en considération les réponses des consommateurs, le modèle laisse

supposer que ces réponses sont le résultat des actions marketing de l‟entreprise. Or, les

Chapitre 7 Analyses 63

relations entre les consommateurs et la marque sont complexes, hétérogènes et de

nature expérientielles (Fournier, 1998).

7.1.1 Notoriété de marque

Selon Keller (2001), développer la notoriété de marque est la première étape de

construction d‟une marque forte. Dans le cas de revitalisation de Pernod Absinthe,

l‟entreprise a développé plusieurs outils de notoriété classiques dans le but d‟une part,

de développer les connaissances des consommateurs quant à la catégorie et d‟autre

part, dans le but d‟assurer que la marque Pernod devienne la marque de référence de la

catégorie.

« Il est important avant tout de développer la catégorie de l‟absinthe. C‟est un peu la

même chose qui s‟est passée avec la catégorie de la vodka il y a quelques années. Les

gens n‟en consommaient plus. […..] nous permet entres autres d‟installer la légitimité

de Pernod, de faire de Pernod Absinthe la marque de référence pour l‟ensemble de la

communauté. » (Répondant A, 2010).

Il s‟agit donc de développer la notoriété spontanée de la marque (Keller, 2001) afin de

faire de Pernod la marque de référence.

«Il faut savoir après qu‟on souhaite que notre absinthe soit la mieux positionnée, pour

qu‟on soit la référence. C‟est plutôt un travail via le trade et des outils de notoriété

classiques comme les outils publicitaires par exemple. » (Répondant A, 2010).

Dans ce but, Pernod développe différents outils d‟activation et les rend disponibles pour

ses filiales de distribution afin de rendre le produit plus accessible au consommateur et

surtout plus visible. De plus, la marque organise divers évènements promotionnels sur

les lieux de vente, ou encore a recours aux médias sociaux tels que Facebook et Twitter

pour faire parler d‟elle.

D‟autre part, Pernod cherche à multiplier les usages de la marque. Ainsi, il est important

que les consommateurs non seulement se rappellent la marque mais aussi qu‟ils y

pensent naturellement et facilement dans plusieurs situations de consommation pour

augmenter la saillance de la marque (Keller, 2001).

« Je pense qu‟il faut réussir à pousser les gens à commander. Effectivement les gens ils

vont boire, ils vont aimer quand on leur file. Le vrai objectif c‟est que les gens de leur

Chapitre 7 Analyses 64

propre chef à un moment dise moi je veux ca. C‟est un peu le grand challenge de toutes

les marques d‟alcool. » (Répondant A, 2010).

En conséquence, il faut avant tout éduquer le consommateur sur les usages de

l‟absinthe.

« Il y a presque une fonction d‟éducation du consommateur, progressive, à comment ça

se boit. Je pense que c‟est très important pour l‟absinthe. Si c‟était une vodka ce serait

un peu différent parce que la plupart des consommateurs savent comment est-ce qu‟ils

l‟apprécient ou comment est-ce que ça se sert. On ne cherche pas non plus à créer un

nouveau cocktail à base de vodka. On cherche à créer un truc qui n‟existe pas et qui est

comment on boit l‟absinthe. » (Répondant A, 2010)

Dans ce but, la marque organise plusieurs évènements de marque sur les lieux de vente

hors domicile et ce afin que le consommateur puisse faire l‟expérience de la marque.

« Il fallait aussi qu‟on apprenne aux gens comment boire l‟absinthe parce que comme

comme je te racontais tout à l‟heure avec Lucid, les mecs la buvait n‟importe comment

donc on avait un vrai truc de pédagogie et à la fois un devoir d‟image de marque. Donc

ça ça passe par le on-trade, ça passe par le sponsoring d‟évènements où on a fait un

container pour Pernod avec de la créativité à l‟intérieur, tu pouvais dessiner à l‟intérieur

du container et où on te servait des verres soit avec le rituel traditionnel de la fontaine

soit avec les nouveaux cocktails comme le fameux Green Beast. » (Répondant C, 2010)

De plus, du fait du caractère social de la catégorie, il est pertinent d‟impliquer les

consommateurs dans la diffusion du produit. Les influenceurs jouent à ce titre un rôle

crucial. En effet, ils pratiquent un bouche à oreille positif autour d‟eux et permettent donc

de propager efficacement de l‟information sur la marque et le produit.

« Les gens connaissent quasiment tous, en tout cas dans la communauté qu‟on cible, ils

ont quasiment tous entendu parler de l‟absinthe, ils voient à peu près ce que c‟est ou en

tous les cas ils imaginent à peu près ce que c‟est mais ils n‟ont aucune idée de quel

goût cela a ou de comment ça se boit. C‟est sur ça qu‟on appuie et que les

consommateurs sont parties prenante dans ce processus, sachant qu‟on ne leur

demande pas de créer cette expérience de consommation mais on leur demande de la

connaitre et de la diffuser tout du moins de l‟apprendre et de la diffuser. » (Répondant A,

2010).

Chapitre 7 Analyses 65

Notamment, il est crucial d‟impliquer la communauté des barmen car ils influencent

particulièrement les choix de consommation sur les lieux de vente hors domicile :

« Les barmen c‟est une vraie communauté et aussi des vrais influenceurs. Non

seulement par ce qu‟ils vont recommander mais aussi parce qu‟ils vont permettre

l‟accessibilité, le listing de notre produit, en disant voilà je vais mettre le Green Beast sur

ma carte par exemple.» (Répondant A, 2010).

7.1.2 Image de marque

En deuxième lieu, l‟entreprise et la communauté créative jouent un rôle dans la

formation de l‟image de marque. Rappelons que pour que la marque soit significative

pour les consommateurs, il est important d‟établir un ensemble d‟associations de

marque dans l‟esprit des consommateurs (Keller, 2001). Ces associations sont de deux

types : fonctionnelles et abstraites (Park & Srinivasan, 1994).

Dans le but de revitaliser la marque, Pernod a d‟abord défini une nouvelle plateforme de

marque. Cette plateforme définit à la fois des associations fonctionnelles et

émotionnelles que l‟entreprise souhaite communiquer et permet ainsi de décliner un

territoire de marque en adéquation avec les associations précédemment définies.

« Donc on a développé un territoire graphique avec des codes en adéquation avec

notre cible. On a développé tout un déroulé stratégique à partir de la plateforme de

marque pour décliner le territoire. On a d‟abord développé un parti pris stratégique qui

était « creative only » et après on a développé un thème stratégique créatif qui était

backstage » (Répondant C, 2010).

Parmi les associations fonctionnelles on retrouve entres autres celles qui touchent à la

performance du produit relativement aux attentes des consommateurs. Ainsi, Pernod

Absinthe est positionnée comme une absinthe de qualité supérieure mais aussi

authentique car inspirée de la recette originale Pernod Fils : la boisson titre 68°, reprend

l‟ensemble des ingrédients de la recette originale, est de couleur verte etc…

D‟autre part, la plateforme développe également plusieurs associations émotionnelles.

En effet, Pernod absinthe se positionne comme l‟absinthe des âmes créatives à même

d‟accompagner les artistes dans leur processus de création. Ainsi, la marque s‟associe

à un profil idéalisé du consommateur. De plus, l‟histoire et l‟héritage de Pernod Absinthe

Chapitre 7 Analyses 66

sont très présents dans le discours de marque qui se revendique comme l‟héritière de

Pernod Fils et l‟absinthe des artistes de la Belle époque.

Il faut également souligner que ces associations définies et diffusées par Pernod sont en

accord avec les aspirations et les valeurs de la classe créative.

« Cette cible est dirigée par deux mots clefs qui sont créativité et authenticité »

(Répondant C, 2010).

« Pernod c‟est l‟authenticité et la créativité. Authenticité parce qu‟on est une marque

avec des racines bien ancrées, la créativité parce qu‟on a des liens et une légitimité au

sein de la communauté artistique de par un passé artistique d‟inspirateur de créatifs que

ce soit des peintres, des sculpteurs, des poètes et des écrivains. Ces deux valeurs

authenticité et créativité sont des valeurs qui parlent et qui sont très importantes voire

probablement les plus importantes pour cette classe de créatifs. » (Répondant A, 2010).

Les influenceurs jouent également un rôle essentiel dans la création de significations de

marque. En effet, rappelons que les associations de marque se forment dans l‟esprit des

consommateurs soit au travers de leurs expériences en contact direct avec la marque,

soit au travers d‟autres sources d‟information comme le bouche à oreille (Keller, 2001).

De fait, Répondant D contribue à diffuser de l‟information sur le produit et sur la marque

au cours des formations qu‟il donne. De la même façon, lors des dîners qu‟organisent

Liquid architecture, ceux-ci parlent de la marque et du produit à leurs amis contribuant

ainsi à la formation de l‟image de marque.

D‟autre part, les influenceurs contribuent à enrichir le territoire de significations en

partageant leurs expériences personnelles avec le produit et la marque. Par exemple,

au travers d‟évènements qu‟ils organisent mais aussi au travers de matériel créatif qu‟ils

développent en lien avec la marque et le produit. Ainsi, comme nous l‟avons vu, Liquid

Architecture retransmet aux gestionnaires des interviews d‟artistes qu‟ils réalisent au

cours de dîners, interviews qui viennent enrichir le matériel de marque créatif.

7.1.3 Réponses des consommateurs

Construire un capital de marque fort implique que les efforts marketing soient jugés et

ressentis de façon positive par les consommateurs.

Chapitre 7 Analyses 67

Les jugements sont les opinions personnelles des consommateurs quant à la marque et

dépendent des associations fonctionnelles et abstraites qu‟ils ont retenues (Park &

Srinivasan, 1994). Notamment, il est particulièrement important que la marque soit

perçue comme étant de qualité et crédible par les consommateurs. Les émotions

suscitées par la marque sont également importantes et sont liées à la valeur sociale de

la marque, c'est-à-dire aux relations que le consommateur entretient avec les autres et

envers lui-même lorsqu‟il consomme la marque (Keller, 2001).

On constate ainsi que les actions de l‟entreprise sont ressenties positivement au sein

de la communauté. Ainsi, le concours de création d‟œuvres artistiques sponsorisé par

l‟entreprise et relayé sur le site Facebook a suscité une vive participation des

consommateurs. À cette occasion, Pernod a récolté plusieurs vidéos, peintures,

gravures et montages photos que l‟entreprise a ensuite pu exposer sur le site Facebook.

« Il y a une 2ème phase de concours qui vient d‟être lancé mais le premier concours qui

a eu lieu est un concours de création d‟œuvres artistiques autour du thème 1805, un

thème vaste et libre. On a d‟ailleurs été assez surpris par le nombre de candidatures, Il y

a eu 200 et quelques candidatures, quelques gens assez reconnus, pas des grands

artistes mais des gens qui sont localement reconnus en tant qu‟artistes avec des

œuvres plutôt originales. On a eu des vidéos, des peintures, des gravures, des

montages photos. Ça a donné, pour nous, déjà un bon petit palmarès d‟œuvres

inspirées par Pernod. Pour les consommateurs c‟est effectivement une façon de

dialoguer avec la marque d‟une manière un peu rigolote en la plaçant dans un contexte

de création.» (Répondant A, 2010).

Plus particulièrement, une artiste originaire du Canada n‟a pas pu soumettre son œuvre

directement au concours car celui-ci était réservé aux personnes résidant aux États-

Unis. Cependant, Pernod a tout de même posté son œuvre sur le mur Facebook. La

réponse de la participante laisse entrevoir une émotion positive intense qui témoigne de

la valeur qu‟elle accorde aux actions entreprises par Pernod pour aider la communauté

artistique.

“Thanks for the plug! i'll say it again, i love what you guys are doing for the arts at

pernod. so rad! can't wait to see who wins.” (Hood, 2011).

Chapitre 7 Analyses 68

Les actions mises en place par les influenceurs suscitent également des réponses au

sein de la communauté créative. En effet, pour redresser l‟image de qualité de l‟Absinthe

au sein de la communauté des bars tender, Pernod a engagé un barman influent et

respecté et ce dans le but de favoriser des réponses positives et de rassurer sur les

images négatives qui sont encore associées à la boisson.

« Les marques qui leur parlent directement ils ont tendance à ne pas avoir confiance ou

du moins à regarder avec scepticisme ce que peuvent leur raconter les marques alors

que si c‟est quelqu‟un des leurs qui leur explique, surtout quelqu‟un des leurs qu‟ils

respectent et qu‟ils connaissent et c‟est pour ca que nous on a choisi un mec qui est

relativement voir ultra respecté dans le milieu, qui a en plus toute la légitimité pour leur

parler d‟absinthe : il est français, il est intéressé, il a écrit des livres sur les cocktails

classiques, il est « knowledgeable ». Quand c„est lui qui dit des choses les gens

écoutent et reçoivent très différemment que si c‟était moi qui disait exactement la même

chose. » (Répondant A, 2010).

On constate donc que les influenceurs suscitent des réponses plus fortes et plus

positives car ils sont considérés par les membres de leur communauté comme plus

crédibles que l‟entreprise. Ils permettent ainsi de transcender le discours commercial

(Répondant F, 2010) et de donner un caractère plus authentique à la marque.

À ce jour, la communauté des barmen semble répondre positivement aux actions mises

en place. En effet, le répondant D (2011) m‟explique qu‟il a réussi à introduire le Green

Beast dans plusieurs lieux branchés et artistiques. De plus, lors de la conférence de

presse organisée à New York, on a pu constater que les journalistes présents ont réagi

positivement à la présence du barman. En effet, ces derniers ont participé activement à

l‟élaboration des cocktails lors de la soirée.

En conclusion, l‟entreprise a effectivement un impact sur la réponse des

consommateurs. Cependant, les influenceurs jouent également un rôle. De plus, ils sont

considérés comme plus crédibles et favorisent donc des réponses fortes et positives

chez les consommateurs. En conséquent, les communautés de marque influencent

effectivement positivement les perceptions et les actions des membres (Muñiz & Schau,

2005). Plus particulièrement, nous démontrons l‟impact positif des influenceurs sur la

réponse des consommateurs membres de la communauté.

Chapitre 7 Analyses 69

7.1.4 Résonance de marque

La résonance de marque se définit comme la relation et le niveau d‟attachement ultime

avec la marque. Pour que la marque résonne il faut que l‟entreprise crée une relation

harmonieuse qui favorise l‟attachement du consommateur et le pousse à interagir avec

la marque. La résonance de marque est donc fonction de la profondeur des relations

entre la marque et le consommateur mais également de son niveau d‟identification

personnelle avec celle-ci (Keller, 2001).

Le bloc de résonance de marque est « le bloc qui apporte le plus de valeur et qui ne se

produit que lorsque tous les autres blocs de construction de la marque sont

complètement synchronisés avec les nécessités, les besoins et les désirs des

consommateurs » (traduction libre, Keller, 2001, p. 19).

Premièrement, Pernod construit une identité de marque qui s‟inspire fortement des

significations et des valeurs associées à la communauté créative. Ainsi, les membres de

la communauté peuvent facilement identifier des similitudes entre leur identité et

l‟identité de marque. L‟idée est de faire de Pernod Absinthe, la marque des créatifs.

« À un moment donné, il faudrait que Pernod Absinthe, d‟ici 10 ans, si tu demandes quel

est l‟alcool le plus créatif on te réponde Pernod Absinthe.» (Répondant C, 2010).

Deuxièmement, Pernod cherche à développer des relations au travers des réseaux

sociaux Facebook et Twitter qui permettent aux personnes intéressées par le produit et

la marque d‟interagir directement avec les représentants de l‟entreprise. De plus, au

travers des évènements qu‟elle sponsorise ou qu‟elle organise, la marque multiplie les

points de contacts avec les consommateurs. C‟est le cas, par exemple, lors des

concours de création qu‟elle organise. Ainsi la marque favorise la création de relations

affectives en ligne et hors ligne avec les membres de la communauté.

« Pour les consommateurs, c‟est effectivement une façon de dialoguer avec la marque

d‟une manière un peu rigolote en la plaçant dans un contexte de création. » (Répondant

A, 2010).

D‟autre part, la marque cherche à développer des relations émotionnelles avec les

membres au travers d‟évangélistes de la marque qui sont prêts à partager leur

expérience avec les autres. En effet, les influenceurs, au travers, des évènements

créatifs qu‟ils organisent, permettent aux membres de la communauté d‟interagir avec la

Chapitre 7 Analyses 70

marque et crée ainsi une expérience de marque positive pour les consommateurs. Ainsi,

ils suscitent l‟attachement des consommateurs au produit, à la marque mais aussi aux

autres membres présents et favorisent le développement d‟un sentiment d‟appartenance

chez les consommateurs.

7.2 Engager la communauté auprès de la marque

7.2.1 Les influenceurs : une multitude de rôles

Dans le but de rallier la communauté autour de la marque Pernod Absinthe, l‟entreprise

a développé une stratégie d‟infiltration qui fait appel à des « influenceurs créatifs ».

L‟agence dresse un portrait des influenceurs créatifs londoniens: « Ils sont

fondamentalement britanniques, naturellement espiègles, effrontés, troubles, un peu

décadents, démagogues et complètement non-conventionnels. Le génie repose sur leur

capacité à donner le ton, définir l‟agenda et les façons de faire d‟une scène particulière,

en effet ils créent souvent la scène et sont au centre d‟un réseau de personnes qui sont

suspendues à leurs lèvres et qui se fient à eux pour trouver de l‟inspiration, des conseils

et plus généralement tout ce qui est une affaire de goût. »(traduction libre, Unity, 2010,

p. 6).

L‟étude de cas nous permet de distinguer trois caractéristiques majeures d‟un

influenceur. Premièrement, un influenceur exerce un certain leadership d‟opinion sur les

personnes qui l‟entoure, deuxièmement il est au centre d‟un réseau social important et

diversifié (il dispose de nombreuses connexions), et enfin il dispose de traits de

personnalité caractéristiques. En effet, un influenceur est une personne généralement

non conventionnelle, charismatique et très sociable. Nos observations sont globalement

supportées dans la littérature. En effet, un influenceur est défini comme (1) convaincant

voire charismatique , (2) possédant de vastes connaissances (ce sont des experts) et

(3) ayant un grand nombre de liens sociaux (Goldenberg, Han, Lehmann, & Hong,

2009). Or, une personne cumulant des scores élevés sur chacune de ces dimensions

est plus susceptible d‟exercer un leadership d‟opinion.

Chapitre 7 Analyses 71

Caractéristiques des influenceurs Rôle des influenceurs

Leadership d'opinion Propagation de l'information

Centre d'un large réseau social Influence choix de consommation

Traits de personnalité : charismatique,

sociable et non conformiste

Incarnation de la marque

Figure 7-1 : Caractéristiques et rôles des influenceurs au sein de la communauté

Dans le cas particulier d‟une communauté de marque, on constate que les participants

créent et échangent de l‟information concernant les marques et les produits et

s‟influencent les uns les autres au cours de ce processus d‟échange interactif (Ahonen &

Moore, 2005; McAlexander, et al., 2002). Plus particulièrement, les innovations et les

nouveautés produits alimentent souvent des échanges intenses entre les membres

(Muñiz & Schau, 2005). De plus, on constate que certains membres sont considérés

comme des leaders d‟opinions au sein de la communauté (Kozinets, 1999; Schouten &

McAlexander, 1995).On différencie les leaders d‟opinion de leurs suiveurs selon leurs

niveaux d‟activités au sein de leur réseau (Piirto, 1992).

Füller, Matzler et Hoppe (2008) constatent également que certains des membres ont

une connaissance étendue du produit et s‟engagent plus facilement dans des

discussions liées au produit. Or, les leaders d‟opinion démontrent une familiarité plus

élevée avec le produit ainsi qu‟un niveau d‟implication plus élevé avec ce dernier. En

conséquent, ils parlent fréquemment de problèmes liés aux produits (Feick & Price,

1987), et sont fortement motivés à chercher de l‟information les concernant (Myers &

Robertson, 1972). En conclusion, on peut identifier au sein d‟une communauté des

membres plus à même d‟influencer les autres membres dans le processus d‟adoption et

de diffusion d‟un nouveau produit.

Katz and Lazarsfeld (1955), dans leur ouvrage Personal Influence, examinent comment

l‟adoption d‟un comportement ou d‟une innovation s‟opère au sein d‟un groupe social

relativement homogène. Ils concluent que l‟information circule principalement d‟une

source extérieure vers les leaders d‟opinion qui a leur tour la font circuler au sein de leur

réseau de relations. Les influenceurs jouent donc premièrement un rôle de diffusion de

l‟information. En effet, les relations interpersonnelles permettent la diffusion rapide

d‟information concernant les nouveaux produits car les sources sont considérées

Chapitre 7 Analyses 72

comme plus crédibles (Goldsmith, Flynn, & Goldsmith, 2003). De ce fait, elles font

autorité au sein du groupe.

« Je pense qu‟au-delà des communautés, tu as les influenceurs au sein de ces

communautés. Cela marche un peu en pyramide. Il y a plusieurs niveaux d‟influenceurs.

Pour moi, il y a un rôle de propagation de l‟information. » (Répondant C, 2010).

D‟autre part, la littérature démontre que les sources d‟information interpersonnelles

influencent de façon décisive les choix des consommateurs sur le marché. Le leadership

d‟opinion va donc au-delà de la simple diffusion d‟information puisqu‟il repose sur une

accumulation d‟information et d‟expérience et suggère fortement l‟existence d‟une

relation d‟influence (Rogers, 1995). En effet, les influenceurs servent d‟exemple au sein

de la communauté et ainsi ils ont un impact sur les choix de consommation des autres

membres.

« Le rôle des influenceurs c‟est d‟impliquer. En gros, la distribution, les évènements c‟est

pour être présent et pour pouvoir être consommé maintenant ca ne suffit pas. Même si

les évènements ça permet aussi d‟introduire les gens, de leur faire goûter, ça ne suffit

pas à les décider. Je pense qu‟il faut réussir à pousser les gens à commander.

Effectivement les gens ils vont boire, ils vont aimer quand on leur file. Le vrai objectif

c‟est que les gens de leur propre chef à un moment dise moi je veux ça. C‟est un peu le

grand challenge de toutes les marques d‟alcool. Ça, ça passe quasiment uniquement

par l‟exemple. Dans la consommation de truc qu‟on ingère c‟est assez rare qu‟on en

vienne à ingérer un truc uniquement parce qu‟on l‟a gouté lors d‟une manifestation. En

général on l‟ingère ou on le consomme parce qu‟on a vu quelqu‟un le consommer. C‟est

le principe de base qu‟on essaye d‟appliquer dans le cas présent en disant il faut qu‟on

arrive à donner l‟exemple et du coup on cherche des gens exemplaires qui puissent

donner l‟exemple à leur petit cercle. » (Répondant A, 2010)

Ce point est souligné par plusieurs de nos répondants qui soulignent que les opinions

des influenceurs sont mieux perçues que celles émises par l‟entreprise.

7.2.2 Développer les rôles et les pratiques au sein de la communauté

Les pratiques permettent aux membres de s‟approprier la marque et ainsi d‟assimiler la

marque à l‟identité collective du groupe : à ses valeurs, ses représentations et ses

croyances. De fait, plus les membres acquièrent de pratiques, plus le sentiment

Chapitre 7 Analyses 73

d‟appartenance et l‟assimilation à l‟identité collective augmente (Sohn, 2005). Ainsi, pour

construire une communauté de marque forte, l‟entreprise doit s‟assurer d‟encourager le

développement de plusieurs rôles et pratiques au sein du groupe ou tout du moins « de

créer des structures et des systèmes de soutien pour assurer l‟existence d‟un large

éventail de rôles » (traduction libre, Fournier & Lee, 2009, p. 109)

De plus, rappelons que les consommateurs souhaitent aujourd„hui participer activement

à la vie de la marque et qu‟avec l‟émergence des nouveaux outils de communication, ils

ont de plus en plus la volonté et le pouvoir d‟imposer leur vision aux managers

(McWilliam, 2000).

Les influenceurs jouent un rôle majeur dans le développement des rôles et des

pratiques. Le barmen, par exemple, agit comme un leader d‟opinion et ainsi adopte un

rôle défini au sein de la communauté. De plus, il participe au développement de diverses

pratiques : il encourage les pratiques d‟utilisation de la marque en participant à

l‟élaboration de nouveaux cocktails, il fournit un soutien moral et physique aux membres

qui font une première expérience de marque en les éduquant aux usages et rituels de

consommation, et enfin il favorise l‟engagement communautaire en créant des symboles

de l‟engagement envers la marque comme le cocktail Green Beast, devenu

incontournable pour ceux qui aiment l‟absinthe.

Le groupe de rock Liquid Architecture contribue également à véhiculer des pratiques.

Les membres du groupe jouent principalement le rôle d‟évangélisateur en introduisant

leurs amis à la marque et à ses usages notamment en organisant des diners privés

dans plusieurs capitales mondiales pendant lesquels la marque Pernod sera présente.

De plus ils contribuent à documenter la relation entre les consommateurs et la marque

en réalisant des court-métrages mettant en scène leurs invités qui découvrent ou font

l‟expérience de Pernod Absinthe lors des diners qu‟ils organisent.

« Liquid Architecture va réaliser une série de dîners dans différentes capitales où ils

inviteront les 10 figures créatives et emblématiques (musique, art,mode, design,

cinéma,...) de chaque ville : Paris, Londres, New York, Berlin, Tokyo et Shanghai. Ces

dîners très privés se tiendront dans des lieux créatifs incontournables de chaque ville

(ex: Paris / Nomiya). Les hôtes, Audrey et Jérôme, animeront la soirée présentant leur

nouvel album et Pernod Absinthe dans une ambiance propice au networking en one to

one. En amont et à l‟issue de chaque dîner, Liquid Architecture réalisera de petites

Chapitre 7 Analyses 74

vidéos/interview des invités. Les personnalités invitées par le groupe pourront par la

suite être recontactés par Pernod afin d‟envisager de futurs partenariats. » (Being,

2011).

À ce titre, Pernod tente de favoriser la participation des influenceurs et organise divers

évènements qui contribuent également au développement de pratiques autour de la

marque.

« Dans la mesure où sur Pernod on a une cible relativement restreinte, oui. On leur

demande de participer, on fait des concours de création aux États-Unis, on essaye de

créer des communautés au UK. Dans la mesure où on a une cible relativement bien

délimitée et où on s‟adresse pour l‟instant à un petit monde, oui on leur donne

carrément le produit pour s‟amuser. Bien sûr, ce n‟est pas tous les consommateurs mais

en tout cas les consommateurs les plus influents, on essaye de les cibler et d‟essayer

de faciliter les discussions qu‟ils pourraient avoir avec leurs amis autour de l‟absinthe et

de Pernod. En revanche, après je pense ce n‟est pas forcément générique à notre

business où là dans la mesure où on a une cible relativement bien délimitée, oui on

essaye de les faire participer. » (Répondant A, 2010).

Enfin, via le site Facebook, la marque organise des concours de création qui permettent

aux membres d‟établir des relations avec le produit et la marque dans un contexte de

créativité. En effet, les membres sont invités à produire une œuvre créative (montages

photo ou vidéo, peinture, dessin, sculpture etc…) autour de thèmes liés à l‟absinthe et à

Pernod. Ces concours de création ont suscité la participation de nombreux membres sur

le site en ligne.

« Il y a une deuxième phase de concours qui vient d‟être lancée mais le premier

concours qui a eu lieu est un concours de création d‟œuvres artistiques autour du thème

1805, un thème vaste et libre. On a d‟ailleurs été assez surpris par le nombre de

candidatures, Il y a eu 200 et quelques candidatures quelques gens assez reconnus,

pas des grands artistes mais des gens qui sont localement reconnus en tant qu‟artistes

avec des œuvres plutôt originales. On a eu des vidéos, des peintures, des gravures, des

montages photos. Ça a donné, pour nous, déjà un bon petit palmarès d‟œuvre inspirée

par Pernod.» (Répondant A, 2010)

Chapitre 7 Analyses 75

Ces œuvres permettent aux membres de la classe créatif d‟exprimer librement leur art

autour de la marque et ainsi ils participent à customiser les usages de marque

(McWilliam, 2000). De plus, c‟est l‟occasion pour les artistes de narrer leur relation à la

marque, que cela soit au travers de l‟œuvre ou au travers du récit de la réalisation de

l‟œuvre.

“Absinthe creates a beautiful blue flame when lit and creates bursts of energy, life and

excitement, similar to that of fireworks.” (Poroshina, 2011).

“I created this hand tinted transfer drawing that portrays the louche process of drinking

Absinthe. Each card is a step along this absinthe ritual. I wanted the drawings to create

parallels to transformations. For instance, water poured over the shot of absinthe acts as

a solvent liberating the essential oils from the liquor. My process for creating this work

also involved a solvent to free the ink so it could be drawn from one surface to another.

To further stimulate the viewer I concentrated on juxtapositions. Chromatic colors such

as the reds and blues scintillate amidst the bold white frames and their tonal

interiors”.(Harrigan, 2011).

Enfin, autre exemple, la marque a fait appel à un célèbre designer français pour réaliser

un set à absinthe comprenant une fontaine et un ensemble de cuillères à absinthe. Ces

objets de consommation favorisent également le développement des usages de la

marque et permettent d‟entretenir le rituel traditionnel de consommation de l‟absinthe au

sein du groupe.

En conclusion, on constate que Pernod au travers de ses actions favorise la mise en

place des quatre catégories de pratiques identifiées par Schau et al. (2009): les

pratiques de réseautage social, les pratiques de gestion d‟impressions de marque, les

pratiques d‟engagement communautaire et enfin les pratiques d‟utilisation de marque.

Ainsi la marque contribue au développement d‟une identité collective forte prônant des

valeurs, des croyances et de rites communs. Par conséquent, ces actions favorisent le

développement d‟une communauté forte autour de la marque.

Chapitre 7 Analyses 76

7.2.3 Développer des relations significatives avec la communauté de

marque

Pour réussir à engager la communauté dans le processus de revitalisation d‟une

marque, l‟entreprise doit de plus s‟efforcer de développer des relations significatives

avec la communauté et ses membres individuels. En effet, au sein des communautés de

consommation, la marque permet avant tout la création de liens sociaux qui priment sur

le lien de consommation (Cova, 1997).

« Aujourd‟hui les gens, tu le vois dans les études de tendance sur les années à venir, ce

qu‟ils veulent c‟est des expériences, des interconnexions et que la marque leur donne

un supplément d‟âme, c'est-à-dire que la marque vive vraiment. La marque ne va pas

être jugée sur ce qu‟elle est mais sur ce qu‟elle fait. » (Répondant C, 2011).

En premier lieu, les relations entre la firme et la communauté dépendent de la capacité

de la marque à établir un dialogue de qualité avec la communauté. Ainsi, la marque doit

s‟efforcer au travers de ses représentants et de ses différents outils de communication,

d‟établir un dialogue ouvert et transparent avec la cible pour mieux comprendre ses

valeurs, ses attentes et ses préoccupations actuelles. En effet, les consommateurs

souhaitent être écoutés par les firmes (Cova & Carrère, 2002). La compagnie ne peut

donc plus se contenter d‟envoyer un message unique et unidirectionnel à ses

consommateurs.

« De plus en plus, les organisations ont besoin d‟être connectées, elles ne peuvent plus

être dans leur tour d‟ivoire et envoyer des messages unidirectionnels à leur marché cible

et dire non ne me parlez pas. À cause du web, les consommateurs s‟expriment de plus

en plus […] Fait que le consommateur fait partie de la mise en marché du produit. Il

n‟est plus comme dans une ancienne époque qui est pas si lointaine où il y a nous, puis

il y a eux, et puis moi je ne descends jamais sur le terrain pour parler à mon marché

cible. » (Répondant E, 2010)

De fait, la firme a développé plusieurs outils lui permettant de dialoguer avec ses

consommateurs cibles. D‟une part, au travers de son site Facebook, Pernod Absinthe

entretient, en ligne, le dialogue avec les fans de la marque ou du produit. Aujourd‟hui, le

site compte plus de 5000 abonnés et les interactions sont fréquentes avec l‟entreprise.

Chapitre 7 Analyses 77

Deuxièmement, la marque sponsorise divers évènements artistiques tels que des

vernissages dans des galeries ou lors d‟avant-première de films. En effet, au-delà des

interactions en ligne, il est important de favoriser des interactions physiques entre

l‟entreprise et la communauté car celles-ci favorisent le développement de relations plus

fortes (Stokburger-Sauer, 2010). Ainsi, Pernod collabore avec le Rebel Diner Society

pour organiser des diners qui permettent aux membres de la communauté créative de

rencontrer la marque dans lieux contextuellement riches. Au cours de ces évènements,

comme dans le cas du Camp Jeep, les membres développent des relations à la fois

avec la marque, les représentants de la firme et les autres membres de la communauté

ce qui permet de favoriser l‟identification et l‟engagement des membres (McAlexander,

et al., 2002).

«Pour te donner un autre exemple, dans le même registre, avec ce qu‟on fait à Londres

avec là Rebel diner society. Où la pour le coup on sponsorise carrément les

évènements, on est la boisson de l‟évènement sauf que du coup on est partenaires avec

ces deux chefs qui font des diners un peu délirants, dans des endroits qui ne sont pas

des restaurants et qui sont tenus secret jusqu‟au dernier moment, il faut un mot de

passe, tu vas t‟inscrire sur internet etc. Il y a toujours un workshop créatif au milieu du

diner où tu dois créer ton badge, il y a des groupes de musique, tu dois chanter, il y a

des ateliers de créativité sociale et du coup on est partenaire avec eux et tous les gens

qui sont présents à ces diners qui font parti de cette communauté. Ce ne sont pas des

gens qui sont forcément des créatifs en tant que tel mais la créativité fait partie de leurs

centres d‟intérêt. Donc ce ne sont pas des « core » créatifs comme dirait Richard Florida

mais des créatifs suiveurs. Ça nous permet de toucher cette cible là en passant par ces

diners ou par ces évènements. Disons que c‟est plus qu‟un évènement c‟est plus une

sorte d‟interaction que d‟évènements. » (Répondant A, 2010)

Troisièmement, dans le cadre particulier de notre étude, il est pertinent d‟examiner les

relations qui se tissent entre les influenceurs et les gestionnaires marketing. En effet, les

influenceurs sont d‟une part des membres appartenant à la communauté créative.

D‟autre part, ils disposent d‟un rôle et d‟un statut particulier leur permettant d‟influencer

les membres de la communauté.

Chapitre 7 Analyses 78

En premier lieu, le répondant A (2010) exprime l‟importance d‟établir des relations de

confiance car le niveau d‟incertitude lié à de telles stratégies est relativement élevé du

fait qu‟on ne peut évaluer précisément les résultats attribuables à l‟influence :

« Avec tous nos autres influenceurs c'est un peu ça aussi le challenge c'est de réussir à

faire suffisamment confiance aux gens pour dire on ne va pas vous dire ce qu'il faut

faire, vu qu'on ne sait pas ce qu'il faut faire, en revanche ce qu'on veut c'est que vous

touchiez un maximum de gens avec un message super important. »

Ce point est également souligné par le répondant C qui me dit qu‟elle préfère éviter de

trop contrôler les relations au profit du dialogue.

« [Je n‟exerce] pas de contrôle mais moi en amont je suis très brief et débrief, on

update, on valide. C‟est bien pour eux parce que ça les cadre parce que ce sont des

gens qui sont parfois complètement évaporés, qui sont vachement intéressants mais

complètement évaporés. Il ne faut pas oublier qu‟avant tout on a une relation

professionnelle. » (Répondant C, 2011).

De plus, ces relations sont très particulières car elles mêlent à la fois l‟aspect

professionnel et amical.

« C'est-à-dire que par exemple avec Jean Paul on discute de choses en commun, on

crée une relation à la fois professionnelle et amicale. Je te donne un exemple j‟ai été

faire des puces à Bruxelles l‟autre jour et j‟ai bu un café avec Jean Paul. C‟est important

de créer ces relations pour que le mec il pense à toi automatiquement et tu deviennes à

la fois une copine. » (Répondant C, 2011).

L‟importance du caractère affectif de la relation est également soulignée par le

répondant A.

« Il faut donc arriver à matérialiser qui sont les personnes autour de Pernod Absinthe et

puis quand il y a une personne qui change, il faut réussir à faire en sorte que le discours

reste le même et qu‟on ait l‟impression de parler a la même personne de sorte à ce

qu‟un tel se sente dans une relation personnifiée avec la marque plus que dans une

relation avec des personnes qui changent et qui peuvent lui plaire ou non. Il faut réussir

à ce que la marque se personnifie en une multitude de gens et qu‟au final les gens

soient attachés.» (Répondant A, 2010).

Chapitre 7 Analyses 79

Enfin, ces relations sont basées sur un mode de pensée commun. Plus précisément,

elles reposent sur une affection commune pour la marque et les valeurs et les

significations qui lui sont associées.

« On cherche des gens qui ont vraiment de l‟affect pour la marque. C‟est vraiment

important pour nous avant de faire un partenariat d‟identifier des gens qui pensent

comme nous. » (Répondant C, 2011).

En conclusion, la marque doit chercher à développer des relations affectives avec les

membres de la communauté. Dans ce but, la marque doit favoriser le dialogue en

utilisant par exemple les réseaux sociaux mais elle doit également multiplier les

occasions de rencontres physiques entre la marque et les membres de la communauté.

Dans le cas des influenceurs, on voit naître des relations affectives profondes entre les

représentants de la marque et ces derniers. Le succès de ces relations dépend de

plusieurs critères : un affect commun pour la marque et ses valeurs et l‟établissement de

relations de confiance à la fois professionnelle et amicale.

Nous allons maintenant examiner plus en détail le contenu de ces relations. En effet, le

succès des relations entre la communauté et la marque repose également sur la qualité

du contenu proposé par la marque. Ainsi, il est nécessaire que les gestionnaires

marketing créent un contenu de marque pertinent pour les membres et la communauté.

La marque doit démontrer son engagement moral envers les membres et la

communauté (Muñiz & O'Guinn, 2001) : elle doit jouer un rôle bénéfique dans son

maintien et son développement pour que celle-ci l‟accepte en tant que « membre » à

part entière.

À ce titre, Pernod Absinthe aide les influenceurs dans leurs projets créatifs, et espère

en retour que ces derniers parleront en bien de la marque autour d‟eux et deviendront

ultimement des évangélistes de la marque.

« Ce qu‟on fait actuellement avec les mecs avec qui on bosse c‟est qu‟on développe

avec eux des projets artistiques. On ne leur donne pas de 2000, 3000 ou 10000 euros

juste pour que notre logo apparaisse sur un poster. Par exemple, Jean Paul on lui a

donné une enveloppe parce qu‟il a organisé une exposition à Bruxelles, de photos prises

au Mexique pour dénoncer les dérèglements climatiques et où il s‟est déguisé en abeille.

Chapitre 7 Analyses 80

On lui paye le développement et l‟encadrement des photos et il nous permet d‟avoir un

bar lors du vernissage. C‟est vraiment gagnant-gagnant » (Répondant C, 2011)

De la même façon, le site Liquidthinking.com propose un contenu pertinent pour les

membres de la classe créative qui veulent mieux comprendre le processus créatif ou qui

sont à la recherche d‟inspiration et de créativité dans leur travail. De plus, il s‟agit d‟une

approche relativement unique et nouvelle dans le monde artistique, ce qui est à même

de susciter l‟intérêt de la communauté. L‟agence expose le concept de Liquid Thinking

et sa pertinence pour la marque (Unity, 2010).

"Liquid Thinking is the transformational process for the creative mind. It provides creative

solutions and quenches artistic thirst; it is the essential ebb and flow between perception

and reality. It is a perfectly credible concept for a drinks brand to own, particularly one

that has been fuelling artistic pursuits for a number of centuries.”(Unity, 2010, p. 2)

Un des gestionnaires marketing précise qu‟au travers de ce site, l‟entreprise espère

favoriser le dialogue entre la marque et la communauté mais aussi démontrer que

Pernod ne souhaite pas uniquement promouvoir ses produits au sein de la

communauté. Ainsi, il espère développer des relations à caractère non commercial entre

l‟entreprise et la marque.

« Donc plutôt que de regarder l‟œuvre et de dire regardez comme c‟est beau il s‟agit

plutôt d‟essayer de savoir ce qui se passe en terme de créativité. Et ça nous permet

d‟approcher des gens hyper influents et hyper créatifs de cette communauté pour leur

faire écrire des articles sur eux ou avec eux et du coup en profiter pour placer d‟une

manière ou d‟une autre du contenu Pernod de temps en temps, placer aussi des

évènements en partenariat avec Pernod, avoir une clef d‟entrée pour leur parler. Donc

voilà, leur dire qu‟on n‟est pas seulement intéressé par leur faire boire du Pernod mais

aussi intéressé à « showcaser » leur travail mais de manière originale.»(Répondant A,

2010).

Pour conclure, l‟entreprise doit développer des relations significatives avec ses

consommateurs en multipliant les occasions de dialogue et en développant un contenu

pertinent pour la communauté. Favoriser une expérience physique de la marque dans

des lieux contextuellement riches (Muñiz & O'Guinn, 2001) apparaît être un excellent

Chapitre 7 Analyses 81

moyen d‟encourager l‟appropriation de la marque par les consommateurs mais

également de développer des relations affectives avec ces derniers.

7.3 Les critères de succès

Critères de succès

Histoire de marque Une histoire de marque encore présente qui incarne

un conflit moral.

Essence de marque vive La marque doit incarner des valeurs et des

significations qui résonnent auprès de la communauté.

Le caractère authentique de la marque est perçu

comme très important.

Marque est associée à une

communauté idéalisée

Un idéal susceptible de créer des émotions vives

parmi les membres.

Marque marginale La marque doit permettre aux membres de se

distinguer par rapport aux autres.

Limiter les actions marketing Limiter les communications de masse pour laisser la

communauté s’approprier les significations de marque

Figure 7-2 : Critères de succès

Brown et al. (2003) identifient quatre composants que les gestionnaires doivent exploiter

lorsqu‟ils souhaitent relancer une marque sur un marché: les allégories qui représentent

l‟histoire de marque, l‟arcadie qui représente une communauté idéalisée, l‟aura qui

représente l‟essence de marque et l‟antinomie autrement dit le paradoxe de marque.

Ainsi, certaines marques semblent plus qualifiées que d‟autres lorsqu‟il s‟agit

d‟entreprendre leur revitalisation. Brown et al.(2003) suggèrent à ce titre trois critères de

succès : (1) la marque doit exister en tant qu‟histoire et ne doit pas avoir fait l‟objet de

trop d‟attentions marketing, (2) l‟essence de marque doit être vive dans l‟esprit des

consommateurs, et enfin (3) la marque doit pouvoir susciter la nostalgie des

consommateurs envers un passé ou une communauté idéalisés. Plusieurs de ces

critères semblent également s‟appliquer dans le cas de Pernod Absinthe comme nous

allons le démontrer. De plus, nous avons pu dégager au cours de notre étude un dernier

critère qui semble favoriser le relancement de la marque par la communauté créative.

Chapitre 7 Analyses 82

7.3.1 Une histoire de marque riche

Le premier point soulevé par Brown concerne l‟histoire de marque. Dans le cas de

Pernod Absinthe, la marque accorde une importance très particulière à son héritage

historique.

En effet, Pernod souhaite se positionner comme le créateur de l‟Absinthe puisque la

maison Pernod est la première distillerie à ouvrir ses portes en France en 1805. Pernod,

c‟est également une absinthe de qualité qui est produite selon une recette originale et un

procédé de fabrication minutieux. Enfin et surtout, l‟absinthe c‟est également « la fée

verte » des grands artistes de la Belle époque. Elle est à la fois une source d‟inspiration

et le sujet de plusieurs œuvres réalisées par de grands noms du monde artistique

comme Picasso ou Degas.

« C‟est une marque qui a un héritage, une histoire, qui a des premiers ambassadeurs

qui font parti des plus grands créatifs de ce siècle, du siècle passé, des siècles à venir. Il

y a avait ça également par rapport à la creative class, Pernod Absinthe a une vraie

légitimité. Elle inspire les créatifs depuis, enfin inspire pour ne pas dire autre chose.

C‟est la marque compagnon des âmes créatives depuis 200 ans. » (Répondant C,

2011).

La marque met donc l‟emphase sur son riche passé historique. En ligne, sur le site

Facebook, les représentants de la marque postent régulièrement des œuvres réalisées

par les artistes de la Belle Époque tel que le tableau de Charles Maire « Pernod Fils »

qui inspira plus tard Picasso. Ces messages s‟accompagnent souvent d‟une note

d‟encouragement pour les membres de la communauté en ligne. Ainsi, Pernod peut

prendre part à la vie quotidienne des artistes et leur permet de créer des significations

personnelles en lien avec la marque.

“Charles Maire‟s „Pernod Fils‟, circa 1900 is the most widely recognized image of

absinthe. Maire was commissioned by Pernod Fils to create this image, which would

later adorn café walls across France. Pablo Picasso, inspired by Maire‟s painting,

created his cubist still life Bouteille de Pernod et verre in 1912. Now, start your week off

right and get inspired by your surroundings.”(Pernod, 2011).

Hors ligne, les influenceurs diffusent de l‟information sur l‟histoire de Pernod Absinthe

auprès de la communauté créative. Ainsi, lors des formations qu‟il donne partout dans le

Chapitre 7 Analyses 83

monde, le répondant D me dit qu‟il renseigne sur l‟histoire, le procédé de fabrication, les

ingrédients de la recette et les succès passés de la marque dans le but d‟éduquer et

d‟inspirer la communauté des barmen.

D‟autre part, l‟histoire de l‟absinthe incarne un conflit moral propre à la communauté

créative. En effet, considérée comme la source d‟inspiration des plus grands créatifs de

ce siècle, on dit de l‟Absinthe qu‟elle a contribué au génie des artistes de la Belle

époque.

« Pour moi [l‟Absinthe], c‟est les grands auteurs : je pense à Rimbaud, à Balzac qui a eu

un sacré problème à cause de l‟absinthe. Tout ce côté destructeur fait partie du charme

de l‟absinthe, et qui va définitivement intéresser certains artistes ou créateurs qui vont

se reconnaître, qui aspirent à être associés à l‟image de l‟absinthe. Je verrai très bien un

jeune peintre, un jeune designer, qui veut être associé à Balzac et à son absinthe. »

(Répondant F, 2010).

Cependant, l‟histoire de l‟absinthe est également intrinsèquement liée à celle de la

propagande des ligues antialcooliques et aussi plus récemment à la mauvaise image

véhiculée par les absinthes espagnoles et tchèques de mauvaise qualité. Ainsi,

l‟absinthe est encore perçue comme une boisson dangereuse, hallucinogène qui conduit

à la folie.

« J‟ai fait des cocktails chez moi si tu veux, les premières questions mes amis me

demandait c‟est : est ce que c‟est dangereux, ca va me rendre fou ? Je leur répondais :

oui, enfin comme si tu buvais du Ricard ou du Pernod anisé sauf que si tu en bois 4

litres effectivement tu ne vas pas être bien… Il fallait aller au-delà de la mauvaise image

véhiculée par les absinthes espagnoles et tchèques. » (Répondant C, 2011).

7.3.2 Essence de marque vive

Pour certaines marques, l‟authenticité occupe une place relativement très importante

dans leur identité. C‟est le cas notamment des marques de luxe pour lesquelles

l‟héritage est quasiment un impératif à leur succès (Alexander, 2009). C‟est également

le cas pour les marques retro puisque l‟aura de marque est un élément déterminant du

succès du retro marketing (Brown, et al., 2003). Or, l‟authenticité fait partie des valeurs

centrales et uniques à la marque qui constituent son essence et contribue ainsi à la

vitalité de son aura.

Chapitre 7 Analyses 84

De plus, la littérature scientifique démontre que l‟un des motifs de participation des

consommateurs au sein des communautés est la recherche d‟authenticité (Leigh, et al.,

2006) et que les communautés peuvent se constituer en contre-pouvoir des actions

marketing si elles estiment que l‟authenticité n‟est pas préservée (Cova & Carrère,

2002). Ainsi, au sein d‟une communauté, les membres « atteignent le sentiment

d‟authenticité au travers de l‟objet et sa possession, des expériences de consommation

et de la construction et l‟affirmation identitaire du membre au sein d‟une communauté. »

(traduction libre, Leigh, et al., 2006, p. 481)

Dans le cas de la marque Pernod Absinthe, celle-ci développe des preuves objectives

de son authenticité en positionnant son produit par rapport à l‟original. On constate en

effet, que le produit est clairement identifié comme un produit authentique, en témoigne

l‟estampe 1889 sur la bouteille, les codes graphiques proches de ceux d‟origine ou

encore la recette actuelle « inspirée de la recette originale ».

"We have reformulated and are reintroducing Pernod, the product that started it all for

our company over 200 years ago. Since then we have risen to become the second

largest spirits company in the world. It is such an honor to return to our roots and offer

our U.S. customers this amazing, superior quality brand created in the tradition of the

original Pernod Absinthe. No competitor comes close in terms of quality and heritage.”

(Kelley & Benyon, 2007).

« On a utilisé des typos un petit peu à la main pour le côté handmade. On a fait un bar

en bois qui n‟était fait que de caisses empilées. On leur a dit qu‟il fallait utiliser du vrai

bois. On était sur des vraies matières. Cette cible est dirigée par deux mots clefs qui

sont créativité et authenticité. Donc on avait toujours ça en tête il fallait être créatif et

authentique. » (Répondant C, 2011).

De plus, la marque favorise des expériences de marque authentiques en véhiculant le

rituel de consommation traditionnel de l‟absinthe (Leigh, et al., 2006). Ce rituel favorise

également l‟authenticité communautaire en favorisant au sein de la communauté le

développement d‟un rite qui permettra par la suite aux membres de se différencier des

autres au travers de l‟acquisition d‟un capital culturel unique (Schouten & McAlexander,

1995).

Chapitre 7 Analyses 85

Enfin, l‟entreprise favorise également le développement d‟une essence de marque

authentique comme le suggèrent Brown et al. (2003). En effet, l‟authenticité perçue de la

marque dépend des valeurs centrales qui sont reprises et actualisées par la firme

(Alexander, 2009). Les auteurs précisent que les valeurs centrales de la marque sont

déterminantes en ce sens qu‟elles permettent à la marque de résonner auprès des

consommateurs actuels (Brown, et al., 2003). On constate de fait que l‟identité de la

marque Pernod Absinthe a été définie par les gestionnaires de façon à respecter les

valeurs fondamentales entretenues par la communauté créative contemporaine. Ainsi,

Pernod met en exergue deux valeurs centrales pour la communauté créative

contemporaine que sont la créativité et l‟authenticité.

« Aujourd‟hui on pense qu‟il y a une vraie homogénéité de ce groupe et un vrai attrait

pour Pernod parce que Pernod c‟est l‟authenticité et la créativité. Authenticité parce

qu‟on est une marque avec des racines bien ancrées, la créativité parce qu‟on a des

liens et une légitimité au sein de la communauté artistique de par un passé artistique

d‟inspirateur de créatifs que ce soit des peintres, des sculpteurs, des poètes et des

écrivains. Ces deux valeurs authenticité et créativité sont des valeurs qui parlent et qui

sont très importantes voir probablement les plus importantes pour cette classe créatifs.»

(Répondant A, 2010).

De plus, Pernod capitalise sur sa relation à la Belle époque et aux artistes du siècle

passé, tout en affirmant son statut de patron de la communauté artistique actuelle.

« Pernod Absinthe was wholly embraced by artists, writers and poets of the era. It was

heralded as a chic, modern, and fashionable drink that inspired many works of art and

literature. Toulouse-Lautrec, one devotee of Pernod, carried a custom-made cane that

hid a glass and vial of Absinthe. Picasso, Manet, Van Gogh and Degas, also not only

enjoyed Pernod, but drew paintings featuring Absinthe drinkers or the famous “Pernod

Fils” bottle. Today, Pernod maintains a strong relationship with the art community as a

patron of contemporary arts.”("Art, Artists," 2009).

En effet, cela permet à l‟entreprise de légitimer sa participation au sein de la

communauté, comme le mentionne la consultante Branding.

Chapitre 7 Analyses 86

« Il y a avait ca également par rapport à la creative class, Pernod Absinthe a une vraie

légitimité. Elle inspire les créatifs depuis, enfin inspire pour ne pas dire autre chose.

C‟est la marque compagnon des âmes créatives depuis 200 ans » (Répondant C, 2010).

À ce titre, il est important de signaler que « la légitimité en tant que gestionnaire

marketing au sein de la communauté, requière une participation sincère aux activités

sanctionnés, aux cérémonies et à l‟agenda collectif. » (traduction libre, Leigh, et al.,

2006, p. 492)

En conclusion, la marque maintient la vitalité de son essence auprès des

consommateurs en travaillant sur les différentes sources d‟authenticité perçue.

7.3.3 La marque est associée à une époque, à une communauté idéalisée

La marque Pernod Absinthe est intrinsèquement liée à la Belle époque. Période de

grands progrès économiques et techniques, elle voit naître un monde intellectuel

prestigieux dans le domaine des sciences et des arts. Période de rupture et

d‟innovations, le 19ème siècle est le théâtre de nombreux courants artistiques comme le

naturalisme, le fauvisme, le cubisme ou en encore l‟Art nouveau. La culture française

exerce à ce titre un rayonnement mondial. Ainsi, la Belle époque est également

associée aux grands artistes du siècle passé, devenus aujourd‟hui des monuments au

sein du monde artistique : Zola, Rimbaud, Victor Hugo, Picasso, Degas et bien d‟autres.

Par conséquent, pour les créatifs contemporains, la Belle époque correspond à une

époque et une communauté idéalisées dont l‟absinthe est un symbole. En effet,

rappelons que l‟absinthe, aussi connue sous le nom de fée verte, est la muse des

artistes de la Belle Époque qui en font également l‟objet de leurs œuvres.

7.3.4 Une marque « marginale »

Dans plusieurs communautés de consommation, et en particulier les sous-cultures de

consommation, on a pu constater le caractère marginal et fortement idéologique des

communautés (Brown, et al., 2003). Plus particulièrement, le caractère marginal de la

communauté s‟exprime généralement par une loyauté oppositionnelle à une autre

marque.

La propagande des ligues antialcooliques a conduit à l‟interdiction de fabriquer et de

vendre l‟absinthe et ce pendant près d‟un siècle. Suite à son interdiction, l‟absinthe a

cependant continué d‟être distribuée grâce à un commerce de contrebande qui s‟était

Chapitre 7 Analyses 87

alors installé dans certaines régions comme la Suisse et l‟Espagne (Delahaye, 1990).

De plus, les jeunes européens qui avaient l‟occasion de voyager en Europe de l‟Est

pouvaient faire l‟expérience de cette boisson mystérieuse en République Tchèque.

Aujourd‟hui encore, on constate que l‟Absinthe est perçue comme une boisson interdite

et illégale et cela contribue à attirer les membres au sein de la communauté.

« C‟est là où l‟actif de la marque a un rôle énorme. Parce que moi tu me dis absinthe,

c‟est drôle mais je ne le vois pas du tout comme un produit ringard, je le vois comme un

produit interdit, et l‟interdit attire les influenceurs. » (Répondant F, 2010)

D‟autre part, l‟absinthe est finalement une boisson de « caractère », de part son goût

bien particulier et le rituel de consommation qui l‟accompagne. De fait, l‟absinthe est

donc une liqueur qui ne s‟adresse pas à la majorité mais bien à un groupe d‟initiés.

« Si tu veux l‟absinthe il fallait que ça revienne, d‟autant plus qu‟aujourd‟hui, on est dans

un siècle enfin une décennie qui boit de la vodka, du mojito. Pourquoi ils boivent de la

vodka parce qu‟ils le mettent dans un soft donc ça n‟a aucun gout. Les gens qui

incarnent cette cible sont des gens de caractère, des gens de conviction et pour

l‟absinthe c‟est un peu pareil. Le goût il est un peu clivant parce qu‟il faut aimer l‟anis et

puis tu as tout un imaginaire et 68°, il faut aller au-delà. » (Répondant C, 2010).

On notera à ce titre, que la stratégie du cocktail va peut être à l‟encontre du rituel et

qu‟elle doit donc faire l‟objet d‟une attention particulière.

7.3.5 Des actions marketing discrètes

Dans le cas de Pabst Blue Ribbon, on suggérait que pour qu‟une marque soit reprise

par une sous-culture, il était essentiel de limiter les communications marketing de sorte

à ce que les consommateurs puissent donner un sens à la marque (Walker, 2003). Dans

le cas de Pernod Absinthe, on constate également cette volonté de limiter les actions de

communication de masse afin de laisser le consommateur s‟approprier la marque.

« On s‟est dit déjà que ce n‟était pas une marque qui allait faire de la pub […] Donc on a

identifié ces gens là et les lieux où on voulait être distribué. Parce que pour nous c‟est

primordial d‟identifier des vrais lieux clefs. À Paris, tu serais à l‟expérimental cocktail

club, tu serais au Mama Shelter, tu serais à toute l‟équipe du Baron, de la Fidélité, du

Paris Paris enfin tous les lieux qui draine cette communauté. Donc comme je te disais la

publicité n‟a jamais été indispensable et elle n‟en a toujours pas fait. L‟idée c‟est plus

Chapitre 7 Analyses 88

que la marque existe et vive plutôt qu‟elle soit sur papier glacé. C‟est une marque qui

doit vivre dans les mains des gens qui doit être goutée parce qu‟il y avait ça aussi. »

(Répondant C, 2011)

De plus, pour que les consommateurs puissent s‟approprier la marque, il est nécessaire

de favoriser la co-création de significations de marque au sein de la communauté. À ce

titre, les gestionnaires peuvent favoriser la création de significations et de traditions

partagées en organisant des évènements contextuellement riches qui permettent

l‟interaction entre les membres (Muñiz & Schau, 2005).Dans le cas de Pernod Absinthe,

on constate que l‟entreprise favorise des actions marketing évènementielles telles que

des diners ou des vernissages de galerie, au détriment des communications marketing

de masse.

Enfin, il faut ajouter que ces actions contribuent également à « transcender » l‟histoire

commerciale de la marque et ainsi permettent de susciter un sentiment d‟authenticité.

Chapitre 8 Conclusion 89

8. CONCLUSION

La présente recherche avait trois principaux objectifs. Le premier était de démontrer de

façon empirique que les communautés de marque ont plusieurs impacts positifs sur le

capital de marque et qu‟elles jouent par conséquent un rôle dans le processus de

revitalisation de marque. Le deuxième était d‟envisager les actions managériales à

même de susciter l‟engagement communautaire au sein du processus de revitalisation.

Enfin, le troisième objectif consistait à examiner les facteurs-clefs de succès de cette

stratégie particulière de revitalisation de marque. Dans ce chapitre, nous présenterons

d‟abord une synthèse des résultats et nos contributions à la recherche scientifique.

Ensuite, nous examinerons les implications managériales qui découlent de nos résultats.

Enfin, nous exposerons les limites de notre recherche ainsi que les avenues de

recherche futures.

8.1 Synthèse des résultats

Notre recherche nous a tout d‟abord permis de nous pencher sur le cas de l‟absinthe et

de son histoire. Peu d‟ouvrages existent actuellement sur ce produit qui a fait pourtant

l‟objet d‟un véritable phénomène de société. En cela, nous pensons donc qu‟il est

intéressant pour le lecteur de découvrir cette boisson mythique, symbole de la Belle

époque et des artistes qui y ont vécu.

Notre première question de recherche quant à elle visait à démontrer les divers impacts

des communautés de consommation sur le capital de marque. En effet, aucune étude

ne s‟attarde à démontrer empiriquement l‟impact des communautés dans le cadre du

processus de revitalisation de marque. Ainsi, nous avons pu constater que les pratiques

mises en place par la communauté et ses membres ont un impact sur chacun des six

blocs identifiés par Keller (2001) dans son modèle d‟équité de marque. De plus, en

qualifiant l‟impact des communautés sur le capital de marque, nous contribuons à

affirmer la complexité, l‟hétérogénéité et le caractère expérientiel des relations entre la

marque et les consommateurs (Fournier, 1998). De ce fait, nous proposons de

considérer un nouveau modèle d‟équité de marque co-créé par les membres de la

communauté et les gestionnaires où les consommateurs ne sont plus seulement des

Chapitre 8 Conclusion 90

récepteurs passifs des actions marketing, mais des acteurs de la construction de la

marque.

Notre seconde question de recherche portait sur les actions que peuvent entreprendre

les gestionnaires pour susciter la participation des membres dans le processus de

revitalisation. Plus précisément, il s‟agissait de déterminer comment favoriser

l‟engagement des membres autour de la marque. Nous avons pu à ce titre, identifier

plusieurs actions. D‟une part, les firmes peuvent collaborer avec des influenceurs qui

sont membres de la communauté déjà en place. En effet, ils agissent à titre de leader

d‟opinion au sein de la communauté et en tant que tel, ils favorisent l‟adoption et la

diffusion de la marque au sein du groupe. D‟autre part, comme le suggèrent Schau et al.

(2009), la marque peut donner des structures et des outils permettant aux membres de

développer plusieurs rôles et pratiques centrés autour de la marque. Enfin, la marque

doit favoriser le développement de relations significatives avec la communauté et ses

membres en favorisant les rencontres en ligne et hors ligne, mais également en

développant un contenu de marque pertinent au développement et au maintien de la

communauté. Ce constat fait écho aux résultats de McAlexander et al. (2002) qui

constatent que lors d‟évènements de marque comme le Camp Jeep, les membres

créent des relations affectives avec le produit, la marque, les représentants de la firme

et enfin les autres membres, ce qui renforce le sentiment d‟identification personnel et

social à la marque et en conséquence favorise l‟appropriation de la marque par le

groupe.

Notre dernière question concernait les critères qui favorisent le succès des stratégies de

revitalisation de marque prenant appui sur des communautés de consommation. À ce

titre, Brown et al. (2003) identifient plusieurs facteurs qui favorisent le succès des

marques retro : (1) la marque doit exister en tant qu‟histoire et ne doit pas avoir fait

l‟objet de trop d‟attentions marketing, (2) l‟essence de marque doit être vive dans l‟esprit

dans consommateurs, et enfin (3) la marque doit pouvoir susciter la nostalgie des

consommateurs envers un passé ou une communauté idéalisés. Dans le cas de notre

étude, on a pu distinguer cinq critères favorisant l‟engagement communautaire dans le

processus de revitalisation, dont plusieurs sont similaires à ceux développés par Brown

et al. (2003). Premièrement, la marque doit posséder une histoire de marque riche,

encore présente à l‟esprit des consommateurs. Deuxièmement, la marque doit être

perçue comme une marque authentique et plus généralement, incarner des valeurs qui

Chapitre 8 Conclusion 91

résonnent auprès de la communauté cible. Dans le cas de Pernod Absinthe, l‟aura de la

marque est de fait intimement liée aux valeurs d‟authenticité et de créativité, valeurs

essentielles au sein de la communauté créative. Troisièmement, le statut d‟icône de

Pernod Absinthe et son lien à une communauté idéalisée lui permettent de susciter un

sentiment nostalgique parmi les membres de la communauté créative contemporaine.

De la même façon une marque qui souhaite être relancée, devra symboliser un idéal

susceptible de susciter des émotions vives parmi les membres. Quatrièmement, on

constate que l‟entreprise Pernod a adopté une stratégie marketing dite « d‟infiltration »

dans le but de laisser les consommateurs développer leurs propres significations de

marque. Afin de relancer une marque avec succès, il sera donc nécessaire de procéder

à des actions marketing discrètes. Enfin, notre étude nous a permis de dégager un

dernier critère concernant l‟image de marque. En effet, le caractère marginal et interdit

de l‟absinthe contribue à favoriser son appropriation par la communauté créative. Nous

pensons à ce titre, que l‟identité marginale et interdite de marque contribue à renforcer

l‟identité collective qui se définit en opposition par rapport aux autres et ainsi contribue à

engager les membres envers la marque (Muñiz & O'Guinn, 2001).

8.2 Implications managériales

De façon générale, notre étude démontre l‟importance qu‟ont les consommateurs dans

le processus de revitalisation de marque. En effet, au travers des pratiques

communautaires, les membres engagés auprès d‟une marque deviennent des co-

créateurs du capital de marque. Ainsi, les gestionnaires qui souhaitent revitaliser leur

marque en prenant appui sur une communauté existante doivent accepter de laisser les

consommateurs prendre part à la vie de la marque.

Plus particulièrement, nous proposons plusieurs actions managériales qui peuvent

favoriser l‟engagement de la communauté envers la marque dans le but de la revitaliser.

Ainsi, les gestionnaires marketing pourront faire appel à des influenceurs identifiés au

sein de la communauté. À ce titre, il est important que les influenceurs démontrent un

affect pour la marque et également qu‟ils incarnent le positionnement de marque désiré.

Il sera également possible pour les gestionnaires de développer des évènements à

même de favoriser la création de liens significatifs entre la communauté et la marque.

Ainsi, en multipliant les occasions de rencontres soit physique soit en ligne, la marque

peut favoriser une expérience de marque positive pour les membres de la communauté

Chapitre 8 Conclusion 92

et de plus, permettre la création de liens sociaux entre les membres mais également

entre les membres et les représentants de la marque.

Il est également important de développer des outils et des structures qui permettent le

développement et le maintien de la vitalité communautaire. À ce titre, la firme pourra

examiner les rôles et les pratiques qui sont les plus essentielles au développement de la

communauté de marque afin de les encourager.

Enfin, notre étude démontre que toutes les marques ne disposent pas des mêmes

atouts. Ainsi, les marques (1) authentiques, (2) associées à une époque/communauté

idéalisée, (3) marginales sont plus susceptibles de susciter un engagement

communautaire. Les gestionnaires peuvent donc examiner le capital de marque existant

et si nécessaire mettre en avant certaines associations à même de renforcer ses

différents critères. À ce titre, l‟histoire de la marque joue un rôle essentiel car elle permet

de communiquer les valeurs de marque et de susciter un attachement au sein du

groupe. Toutefois, il faut souligner que les actions marketing entreprises devront rester

discrètes afin de permettre aux communautés de s‟approprier la marque.

8.3 Limites de l’étude

Bien que notre stratégie de recherche soit pertinente au vu des objectifs de recherche

que nous nous étions fixés, cette méthode comporte des faiblesses. D‟une part, le

nombre restreint de personnes œuvrant sur le projet ne nous a pas permis de diversifier

suffisamment les sources d‟information concernant le cas Pernod comme le suggère Yin

(2009). D‟autre part, il est dommage que nous n‟ayons pas pu observer et interviewer

plus de personnes appartenant à la communauté créative afin de mieux comprendre

leur participation dans le processus. Cependant, nous n‟avions pas accès aux

ressources nécessaires pour réaliser une recherche de cette étendue. De plus, le cas

particulier des influenceurs est, d‟après nous, révélateur puisqu‟il constitue un cas

exemplaire des relations qui peuvent se nouer entre la firme et les communautés.

D‟autre part, nous avons choisi de mener notre étude sur un cas unique. Ce choix bien

que justifié, ne permet pas de générer des données aussi riches que si nous avions

choisi de mener une étude de cas multiples. En effet, en utilisant des exemples faisant

appel à des communautés diverses et impliquant des identités de marques

différenciées, nous aurions pu généraliser plusieurs de nos résultats et établir plus de

Chapitre 8 Conclusion 93

critères de succès valides. Cependant encore une fois, nous n‟avions pas les

ressources nécessaires et suffisantes. De plus, nous pensons que les méthodes de

recherche utilisées nous ont permis de pallier à cette limite car nous avons pu trianguler

efficacement les données et ainsi appuyer nos résultats.

De plus, il nous faut souligner que la récence du cas a probablement limité la richesse

des données obtenues. En effet, il ne nous a pas été possible d‟envisager les impacts à

long terme des différentes stratégies adoptées par l‟entreprise.

Enfin, plusieurs biais auraient pu être introduits au cours de l‟étude, que ce soit dans les

réponses obtenues lors de nos entrevues ou lors de l‟analyse menée par le chercheur.

En effet, certains répondants ont pu chercher à légitimer les actions entreprises et ainsi

ne pas mentionner certaines informations ou encore mettre l‟emphase sur d‟autres. Le

chercheur quant à lui désirait mettre en lumière certains critères de succès et ainsi a pu

malgré lui orienter les résultats de sa recherche dans ce but.

8.4 Avenues de recherches futures

Nous aimerions proposer quelques avenues de recherche qui nous le pensons

permettront de faire progresser la recherche dans le futur.

Premièrement, la décision de revitaliser la marque Pernod étant relativement récente, il

serait pertinent de reprendre cette étude à un stade plus avancé afin de pouvoir mieux

évaluer la pertinence des actions entreprises et leur impact sur l‟engagement des

membres. Plus précisément, il serait intéressant d‟examiner le développement de

relations à long terme entre la communauté et les représentants de la firme afin de

mieux déterminer les actions qui sont les plus favorables à la participation des membres.

Deuxièmement, nous pensons qu‟il serait intéressant de mener une étude quantitative

concernant le retour sur investissement de telles stratégies. En effet, nous avons pu

nous rendre compte au cours de notre recherche qu‟il est difficile pour les gestionnaires

de mesurer le réel impact des stratégies « d‟influence » sur les ventes et la marque. Il

est donc impératif de développer des outils de mesure quant à ces stratégies. À ce titre,

nous pensons qu‟une telle recherche pourrait favoriser le développement des stratégies

de revitalisation communautaire dans le futur.

Chapitre 8 Conclusion 94

Troisièmement, nous avons adopté dans cette recherche le regard des gestionnaires de

marque plutôt que le regard des consommateurs. Cependant, un chercheur pourrait

tenter d‟examiner de façon plus approfondie les raisons de l‟engagement des membres

dans le processus de revitalisation. En effet, il est possible que les membres aient des

motivations différentes qui devraient être prises en considération lors de l‟élaboration

des actions stratégiques.

Enfin, nous avons étudié le cas d‟une marque bien particulière qui est l‟Absinthe Pernod.

Les spiritueux sont une catégorie de produit sociale et partagée car la consommation du

produit se fait généralement dans des lieux publics et en compagnie d‟autres individus.

De ce fait, il serait intéressant d‟examiner les mêmes questions de recherche dans le

cas de produit de commodité dont la consommation n‟est pas nécessairement partagée.

Chapitre 9 Annexes 95

9. ANNEXES

9.1 Guide d’entrevue à l’attention des répondants du cas

Mise en contexte :

Plusieurs guides stratégiques encouragent les gestionnaires à faire du consommateur

l‟élément central de leur stratégie de revitalisation. Pourtant, ceux-ci sont encore

rarement directement impliqués dans les décisions marketing stratégiques. En effet, les

entreprises sont souvent contraintes de réagir selon l‟environnement concurrentiel et les

demandes des distributeurs plutôt que selon les besoins des consommateurs.

Pourtant, plusieurs exemples d‟actualité récents laissent à penser que les

consommateurs rassemblés en communautés peuvent réellement jouer un rôle crucial

dans le rajeunissement d‟une marque. Ainsi, ce projet de recherche a pour objectif de

déterminer :

1) Comment les consommateurs contribuent efficacement au processus de

revitalisation d‟une marque.

2) Quels sont les facteurs clefs de succès de la mise en place de telles stratégies.

Dans cet objectif, nous étudions plus particulièrement le cas de l‟Absinthe Pernod qui

après près d‟un siècle d‟absence, fait aujourd‟hui un retour discret sur le marché mondial

et ce depuis 2001. L‟entrevue à laquelle vous participez servira donc à développer une

meilleure compréhension du processus de revitalisation de marque et du rôle des

communautés de consommateurs dans ce processus.

Cette recherche a été conçue dans le plus grand respect des règles d‟éthique et de

confidentialité. Si vous choisissez de garder certaines informations confidentielles, soyez

assurés que celles-ci seront traitées comme telles. De plus, si vous n‟y voyez aucun

inconvénient, l‟entrevue sera enregistrée.

Vous pouvez à tout moment choisir d‟arrêter l‟entrevue ce qui entrainera l‟invalidité des

données récoltées. Sachez que l‟objectif principal de cette entrevue est d‟obtenir votre

Chapitre 9 Annexes 96

point de vue concernant les objectifs énoncés plus haut et que donc il n‟existe pas de

bonne ou mauvaise réponse.

Introduction

Présentation du chercheur

Présentation du sujet et de l’objectif de l’entrevue

Explication du déroulement de l‟entrevue : durée estimée entre 30 et 70 minutes,

les questions porteront sur les actions de revitalisation et le rôle des sous-

cultures dans ce processus

Explication des règles de confidentialité régissant les données brutes récoltées

Signature du formulaire A (consentement à une entrevue en organisation) et

demande d‟autorisation pour enregistrer l‟entrevue.

Profil du répondant :

Titre exact de la profession

Nombre d‟années d‟expérience dans l‟entreprise

Expériences antérieures sur des projets de revitalisation

Rôle et taches assignées dans le processus de revitalisation

La revitalisation de la marque Absinthe

Le processus de revitalisation

Qu‟appelle-t-on une revitalisation (rajeunissement) de marque?

Décrivez-moi un processus de revitalisation de marque typique. En particulier,

quelles sont les étapes, les objectifs et les acteurs.

Quels sont les critères de succès de telles stratégies?

Quels sont les principaux décideurs stratégiques (hiérarchie, distributeurs, etc..)?

Y‟en a-t-il un qui vous paraît extrêmement important?

Chapitre 9 Annexes 97

Quels sont les principaux objectifs, acteurs et actions stratégiques mises en

place dans le cadre du rajeunissement de Pernod Absinthe jusqu‟à aujourd‟hui?

Quels sont les critères qui d‟après vous peuvent favoriser la revitalisation de

l‟absinthe?

Le rôle des influenceurs et des communautés

Comment envisagez-vous de façon générale le rôle des consommateurs dans la

revitalisation de marque?

Comment les communautés/sous-cultures contribuent-elles à la revitalisation de

la marque Absinthe?

Comment envisagez-vous plus particulièrement le rôle des influenceurs créatifs

dans le processus de revitalisation (objectifs, attentes, rôles, perceptions)?

D‟après vous, qu‟est ce qui motive les influenceurs à collaborer dans ce projet de

relancement?

Quelles sont les actions mises en place par l‟entreprise pour favoriser la

collaboration des communautés?

Comment décririez-vous en quelques mots vos relations avec ces

communautés? (satisfaction, confiance, contrôle, niveau d‟engagement)

Performance des stratégies de revitalisation

Comment évaluez-vous la performance de telles stratégies?

Plus particulièrement comment comptez-vous évaluer la participation des

communautés?

Allez-vous évaluer la satisfaction des influenceurs à la suite de ce partenariat?

Pourquoi?

Comment pensez-vous pouvoir améliorer l‟efficacité de tels projets dans le futur?

Conclusion

Autres remarques ou suggestions?

Chapitre 9 Annexes 98

Des questions?

9.2 Guide d’entrevue à l’attention des experts

Mise en contexte :

Plusieurs guides stratégiques encouragent les gestionnaires à faire du consommateur

l‟élément central de leur stratégie de revitalisation. Pourtant, ceux-ci sont encore

rarement directement impliqués dans les décisions marketing stratégiques. En effet, les

entreprises sont souvent contraintes de réagir selon l‟environnement concurrentiel et les

demandes des distributeurs plutôt que selon les besoins des consommateurs.

Pourtant, plusieurs exemples d‟actualité récents laissent à penser que les

consommateurs rassemblés en communautés peuvent réellement jouer un rôle crucial

dans le rajeunissement d‟une marque. Ainsi, ce projet de recherche a pour objectif de

déterminer :

1. Comment les consommateurs contribuent efficacement au processus de

revitalisation d‟une marque.

2. Quels sont les facteurs clefs de succès de la mise en place de telles stratégies.

Dans cet objectif, nous étudions plus particulièrement le cas de l‟Absinthe Pernod qui

après près d‟un siècle d‟absence, fait aujourd‟hui un retour discret sur le marché mondial

et ce depuis 2001. L‟entrevue à laquelle vous participez servira donc à développer une

meilleure compréhension du processus de revitalisation de marque et du rôle des

communautés de consommateurs dans ce processus.

Cette recherche a été conçue dans le plus grand respect des règles d‟éthique et de

confidentialité. Si vous choisissez de garder certaines informations confidentielles, soyez

assurés que celles-ci seront traitées comme telles. De plus, si vous n‟y voyez aucun

inconvénient, l‟entrevue sera enregistrée.

Vous pouvez à tout moment choisir d‟arrêter l‟entrevue ce qui entrainera l‟invalidité des

données récoltées. Sachez que l‟objectif principal de cette entrevue est d‟obtenir votre

point de vue concernant les objectifs énoncés plus haut et que donc il n‟existe pas de

bonne ou mauvaise réponse.

Introduction

Chapitre 9 Annexes 99

Présentation du chercheur

Présentation du sujet et de l’objectif de l’entrevue :

Explication du déroulement de l‟entrevue : durée estimée entre 30 et 70 minutes,

questions porteront sur les influenceurs (ou communautés d‟influence) et plus

particulièrement sur leurs rôles potentiels dans les stratégies de relance de

marque

Explication des règles de confidentialité régissant les données brutes récoltées

Signature du formulaire B (consentement à une entrevue hors organisation) et

demande d‟autorisation pour enregistrer l‟entrevue.

Profil du répondant

Titre exact de la profession

Expériences antérieures sur les projets ayant recours aux communautés

d‟influences

Expériences antérieures sur des projets de revitalisation de marque

Définition d’un influenceur

Comment définiriez-vous un influenceur ?

Quels sont les principaux traits de personnalité, les principales caractéristiques

d‟un influenceur?

Comment repère-t-on les influenceurs?

Quelles qualités doit posséder un « bon » influenceur?

Existe-t-il une différence entre un influenceur, un innovateur et un leader

d‟opinion?

Par quels mécanismes réussit-il à influencer les autres?

Qui sont les personnes influencées (entourage proche ou groupe social plus

large?)

Plus particulièrement, quel peut être le rôle et le statut des influenceurs au sein

d‟une communauté de marque ou d‟une sous-culture de consommation?

Quelle est la différence entre un influenceur et une communauté d‟influence?

La marque et les communautés d’influence

Chapitre 9 Annexes 100

Comment une marque devient-elle l‟objet d‟intérêt d‟un groupe d‟influence?

(attentes et motivations des membres)

Par quels mécanismes une communauté d‟influence agit-elle sur ou autour d‟une

marque?

Quels impacts une communauté d‟influence peut avoir sur la marque?

Finalement, quel rôle devrait jouer une communauté d‟influence dans la gestion

stratégique d‟une marque?

Revitalisation de marque

Quelles sont actions mises en place par des communautés qui permettent de

revitaliser une marque?

Avez-vous déjà relancé une marque en prenant appui sur des communautés?

Donnez quelques exemples.

Comment une marque peut-elle collaborer efficacement avec les influenceurs

pour relancer une marque? Quelles sont les erreurs à éviter absolument?

Plus particulièrement comment atteindre les influenceurs? Comment

communiquer efficacement avec eux?

Comment s‟assurer qu‟ils relaient efficacement l‟information au sein de leurs

propres communautés?

Quelles sont leurs attentes envers l‟entreprise et la marque?

Conclusion

Autres remarques ou suggestions?

Chapitre 9 Annexes 101

9.3 Thèmes liés à l’observation descriptive

1. Les interrelations entre les différents intervenants

a. Satisfaction

b. Niveau d‟engagement

c. Contrôle de la situation

d. Confiance

2. Leurs actions au sein du processus de revitalisation

a. Actions stratégiques planifiées

b. Actions non planifiées

c. Diversité des actions

3. Leur rapport à la marque Pernod Absinthe et plus particulièrement :

a. L‟image de marque

b. L‟attachement à la marque

c. Les significations culturelles de la marque

d. Les significations sociales de la marque.

Chapitre 10 Bibliographie 102

10. BIBLIOGRAPHIE

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