8
Analyse du remlissage alluvionnaire 25 Chapitre 1.2. Le transect de Boulages (Aube) : apport à la connaissance de l'évolution paléohydrologique de la vallée de l'Aube Pierre ANTOINE et Jean-François PASTRE avec la collaboration de M. FONTUGNE et C. LEROYER 1. Introduction Le transect de Boulages a été réalisé en juillet 1998 selon un profil perpendiculaire à l'Aube entre Boulages et la Longueville-sur-Aube. D'orientation Nord-Est/Sud-Ouest, il a concerné une longueur totale de 1260 m. Le profil transversal (figure 1.2.1) a été établi à partir de 44 sondages (BST 1 à 44) à la tarière hélicoïdale de 100 mm enfoncée en rotation lente grâce à une sondeuse SEDIDRILL 140. Ce type de sondage permet une reconnaissance satisfaisante des terrains alluviaux, mais à toutefois le défaut de les destructurer et de les homogénéiser plus ou moins, d'où de légères différences entre la stratigraphie du transect (figure 1.2.1) et la stratigraphie réelle (carottages, figure 1.2.2). L'espacement des sondages à 10, 20 ou 40 m a été adapté en fonction de la complexité de la stratigraphie et de la géométrie rencontrées. Cinq carottages (Ø 80 mm) ont été effectués dans les paléochenaux repérés par les sondages à la tarière (BSC 1 à 5). Ils ont permis de préciser la stratigraphie et les faciès sédimentaires (figure 1.2.2) et de réaliser des prélèvements pour des analyses. 18 prélèvements ont ainsi fait l'objet d'une étude palynologique (C. Leroyer). Cette étude a permis de reconstituer les paysages végétaux et de préciser les attributions chronostratigraphiques. 3 prélèvements ont été datés par 14 C classique (comptage béta, M. Fontugne, Gif). L’un, de volume insuffisant, est en cours de datation par SMA. La fréquence des faciès détritiques a limité l'échantillonnage destiné à ces méthodes. Des prélevements sédimentologiques archivés pourront faire l'objet d'une étude ultérieure. L'analyse combinée des faciès sédimentaires, des données palynologiques et des datations radiocarbone, permet par référence aux résultats obtenus dans les autres vallées du Bassin parisien de proposer un schéma d'ensemble, qui apparait relativement cohérent. 2. Géométrie générale La relative planité du lit majeur actuel de l'Aube masque une morphostratigraphie alluviale beaucoup plus complexe, témoin de l'évolution de la vallée depuis le Pléistocène supérieur (pour les divisions stratigraphiques du Quaternaire voir le tableau 1.2.1) . Les graviers calcaires qui recouvrent la craie marquent le profil de l'incision maximum de la vallée au début du Pléistocène supérieur. Ce profil montre une tendance générale à l'approfondissement vers le SW, avec une profondeur maximale à proximité de l'extrémité du profil (craie à -7 m en BST 37). Les graviers qui caractérisent de manière indifférenciée le Pléniglaciaire ont été rencontrés dans tous les sondages sur une épaisseur variant de 2 à 7 m. La topographie de surface de cette unité (NGR) montre clairement la présence de 6 chenaux principaux de 40 à 80 m de largeur, incisés de 1 à 2,5 m dans la nappe graveleuse. A l'exception de celui lié au lit mineur de l'Aube, ces paléochenaux n'apparaissent guère dans la topographie actuelle. Leurs remplissages sédimentaires différents présument de leur diachronisme. Le remplissage observé au niveau de BST 3 – BSC 3 au NE de l'Aube actuelle, tend à montrer une pérénité du lit mineur principal de la rivière dans cette zone depuis le Tardiglaciaire. En revanche, si les chenaux 3 et 6 (BSC 4 et 5) apparaissent aussi hérités de cette période, les autres ont soit été largement retouchés au cours de l'Holocène, soient constituent des formes propres à cette période. Enfin, la stratigraphie du sondage BST 42, établie en rive droite de l'Aube à la périphérie sud de Boulages illustre l'importante dissymétrie de la vallée dans ce secteur. L'amenuisement de l'épaisseur des formations holocènes traduit l'amorce de leur limite probable d'extension au niveau du village.

Chapitre 1.2. Le transect de Boulages (Aube) : apport à la ... · représentant le bilan périglaciaire du Pléniglaciaire. La redondance des faciès et l'absence d'éléments

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Analyse du remlissage alluvionnaire 25

Chapitre 1.2. Le transect de Boulages (Aube) : apport à la connaissance de l'évolution paléohydrologique de la vallée de l'Aube

Pierre ANTOINE et Jean-François PASTRE avec la collaboration de M. FONTUGNE et C. LEROYER

1. Introduction

Le transect de Boulages a été réalisé en juillet 1998 selon un profil perpendiculaire à l'Aube entre Boulages et la Longueville-sur-Aube. D'orientation Nord-Est/Sud-Ouest, il a concerné une longueur totale de 1260 m.

Le profil transversal (figure 1.2.1) a été établi à partir de 44 sondages (BST 1 à 44) à la tarière hélicoïdale de 100 mm enfoncée en rotation lente grâce à une sondeuse SEDIDRILL 140. Ce type de sondage permet une reconnaissance satisfaisante des terrains alluviaux, mais à toutefois le défaut de les destructurer et de les homogénéiser plus ou moins, d'où de légères différences entre la stratigraphie du transect (figure 1.2.1) et la stratigraphie réelle (carottages, figure 1.2.2). L'espacement des sondages à 10, 20 ou 40 m a été adapté en fonction de la complexité de la stratigraphie et de la géométrie rencontrées.

Cinq carottages (Ø 80 mm) ont été effectués dans les paléochenaux repérés par les sondages à la tarière (BSC 1 à 5). Ils ont permis de préciser la stratigraphie et les faciès sédimentaires (figure 1.2.2) et de réaliser des prélèvements pour des analyses. 18 prélèvements ont ainsi fait l'objet d'une étude palynologique (C. Leroyer). Cette étude a permis de reconstituer les paysages végétaux et de préciser les attributions chronostratigraphiques. 3 prélèvements ont été datés par 14C classique (comptage béta, M. Fontugne, Gif). L’un, de volume insuffisant, est en cours de datation par SMA. La fréquence des faciès détritiques a limité l'échantillonnage destiné à ces méthodes. Des prélevements sédimentologiques archivés pourront faire l'objet d'une étude ultérieure.

L'analyse combinée des faciès sédimentaires, des données palynologiques et des datations radiocarbone, permet par référence aux résultats obtenus dans les autres vallées du Bassin parisien de proposer un schéma d'ensemble, qui apparait relativement cohérent.

2. Géométrie générale

La relative planité du lit majeur actuel de l'Aube masque une morphostratigraphie alluviale beaucoup plus complexe, témoin de l'évolution de la vallée depuis le Pléistocène supérieur (pour les divisions stratigraphiques du Quaternaire voir le tableau 1.2.1).

Les graviers calcaires qui recouvrent la craie marquent le profil de l'incision maximum de la vallée au début du Pléistocène supérieur. Ce profil montre une tendance générale à l'approfondissement vers le SW, avec une profondeur maximale à proximité de l'extrémité du profil (craie à -7 m en BST 37). Les graviers qui caractérisent de manière indifférenciée le Pléniglaciaire ont été rencontrés dans tous les sondages sur une épaisseur variant de 2 à 7 m. La topographie de surface de cette unité (NGR) montre clairement la présence de 6 chenaux principaux de 40 à 80 m de largeur, incisés de 1 à 2,5 m dans la nappe graveleuse. A l'exception de celui lié au lit mineur de l'Aube, ces paléochenaux n'apparaissent guère dans la topographie actuelle. Leurs remplissages sédimentaires différents présument de leur diachronisme.

Le remplissage observé au niveau de BST 3 – BSC 3 au NE de l'Aube actuelle, tend à montrer une pérénité du lit mineur principal de la rivière dans cette zone depuis le Tardiglaciaire. En revanche, si les chenaux 3 et 6 (BSC 4 et 5) apparaissent aussi hérités de cette période, les autres ont soit été largement retouchés au cours de l'Holocène, soient constituent des formes propres à cette période.

Enfin, la stratigraphie du sondage BST 42, établie en rive droite de l'Aube à la périphérie sud de Boulages illustre l'importante dissymétrie de la vallée dans ce secteur. L'amenuisement de l'épaisseur des formations holocènes traduit l'amorce de leur limite probable d'extension au niveau du village.

26 PNRZH, projet 07, rapport final, novembre 2000

Figure 1.2.1. Profil transversal de la vallée de l’Aube au droit du village de Boulages (1ère partie).

Analyse du remlissage alluvionnaire 27

Figure 1.2.1. Profil transversal de la vallée de l’Aube au droit du village de Boulages (2ème partie).

Description simplifiée CR – Craie (partie supérieure altérée sur 1 m env.) NGR –Nappe alluviale graveleuse (alluvions sablo-calcaires) HSO – Petit horizon de sol organique argileux gris sombre CXL – Graviers à matrice limoneuse SC – Sable calcaire SLO – Sable limoneux calcaire lité à débris organiques SLC – Sable limoneux calcaire LAC – Limon argilo-calcaire compact, homogène à linéoles et tâches d’oxydation LLDV – Limon gris-vert clair lité à fins lits de débris végétaux et niveaux graveleuxà la base SA – Limon argileux brun-grisâtre compact à structure prismatique et localement charbons de bois épars LABG – Limon argileux brun-grisâtre compact à taches d’oxydation LODV – Limon organique gris-vert finement lité à débris végétaux CXO – Graviers fins à patine bleutée et abondante matrice organique CXLO – Dépôt limono-caillouteux à débris végétaux et fragments de bois LOGB – Limon organique sombre à débris de bois TB – Tourbe brune à coquilles de mollusques éparses GL – Limon argilo-calcaire hydromorphe (gley) présent à la base de LABG CXML – Cailloutis calcaire à abondante matrice limono-argileuse LSG – Limons calcaires sableux à cailloutis épars GRDO – Alternance de niveaux graveleux fins à débris végétaux et de limons organiques gris-vert GFDO – Graviers fins à débris végétaux et lits tuffacés LACX – Limon argilo-humique brun-gris à structure grumeleuse et cailloutis épars SV – Limon argilo-humique brun-gris à structure grumeleuse R - Remblais

28 PNRZH, projet 07, rapport final, novembre 2000

Tableau 1.2.1. Divisions stratigraphiques de la fin du Quaternaire ouest-européen (Tardiglaciaire, 15 000 à 10 300 ans BP et Holocène) basées sur les associations poliniques (D’après Foucault et Raoult, 1995)

Ages en années (B.P.) Divisions stratigraphiques

Subatlantique 2 700

Subboréal 4 700

Atlantique 8 000

Boréal 9 000

HOLOCENE

Préboréal 10 300

Dryas récent 10 700

Alleröd 11 700

Dryas moyen 12 200

Bölling 13 200

PLEISTOCENE

15 000 Dryas ancien

3. Évolution paléohydrologique

Les cailloutis qui tapissent la totalité de la vallée (figure 1.2.1, NGR) sur une épaisseur variant entre 0,5 (BST 18 )et 5 m (BST 37) représentent l'activité d'un réseau hydrographique en tresse représentant le bilan périglaciaire du Pléniglaciaire. La redondance des faciès et l'absence d'éléments de datation, ne permet pas d'affirmer s'ils caractérisent une ou plusieurs phases d'activité.

La réorganisation des réseaux hydrographiques au début du Tardiglaciaire abouti à l'individualisation d'au moins trois chenaux (CH1, 3, 6, figure 1.2.1 et 1.2.2). Ces chenaux antérieurs à l'Alleröd et au Dryas récent (BSC 3, 4, 5) datent probablement comme dans le reste du Bassin parisien (Antoine, 1997 ; Antoine et al., 2000 ; Pastre et al., 1997 ; Pastre et al., 2000) du Bölling, et plus probablement de sa première moitié (13 000 - 12 500 BP).

Des récurrences sédimentaires (BSC 3, 242-254 cm ; BSC 4, 290-386 cm) pourraient marquer la seconde partie du Bölling et/ou le Dryas moyen.

La stabilisation des environnements et la diminution de l'activité fluviatile se marquent ensuite par la chute des apports détritiques et le développement d'un petit sol (BST = "HSO" ; BSC 3, 235-254 cm ; BSC 4, 270-290 cm). Les données palynologiques permettent d'attribuer avec plus (BSC 4) ou moins (BSC 8) de netteté cet horizon pédologique à l'Alleröd, mais le fait qu'il constitue dans le reste du Bassin parisien un horizon-repère bien daté de cette période (Antoine, 1997 ; Antoine et al., 2000 ; Pastre et al., 1997 ; Pastre et al., 2000), tend à confirmer cette attribution. Un mince lit d'argile organique (BSC 4, 286 cm) dénote des apports organiques qui lui sont antérieurs (Bölling ou début de l'Alleröd).

L'unité sédimentaire suivante, qui est constituée par des limons argilo-calcaires ("LAC") est bien représentée dans la partie NE du transect (BST 2 à 28). Elle se développe en particulier dans les paléochenaux (BSC 3 et 5 -sa présence dans ce dernier n'étant établie que par le carottage-). Son faciès, autant que son extension, attribuent l'importante décharge détritique qu'elle exprime au Dryas récent, étendant à la région la caractérisation de cette phase bien reconnue dans le Bassin parisien (Antoine, 1997 ; Antoine et al., 2000 ; Pastre et al., 1997 ; Pastre et al., 2000). Un balayage important de la plaine par des débordements de crue saisonniers, conduit ainsi à un colmatage plus ou moins marqué des chenaux et au dépôt de limons de débordement sur les "rides" graveleuses.

Analyse du remlissage alluvionnaire 29

Figure 1.2.2. Carottages du transect perpendiculaire à l’Aube au droit de Boulages : logs simplifiés.

30 PNRZH, projet 07, rapport final, novembre 2000

La diminution importante de la charge sédimentaire au début du Préboréal après 10 000 BP, aboutit ensuite à une incision qui semble affecter inégalement les différents chenaux en fonction de leur position par rapport au lit principal. Si un seul chenal a fourni un spectre pollinique préboréal (BSC 5, ech. 3, 158 cm), ont peut penser que c'est en fonction de sa position excentrique qui a entraîné son abandon rapide et la conservation de ce niveau. Il est vraisemblable que les autres chenaux, du moins les chenaux 1 (Aube), 3 et 5 ont connu la même phase d'incision, conformément au schéma établi pour le reste du Bassin parisien (Antoine, 1997 ; Antoine et al., 2000 ; Pastre et al., 1997 ; Pastre et al., 2000), mais les modifications ultérieures (érosion subboréale pour CH1, absence de sédimentation, érosion ? pour CH3 et 5) n'en permettent pas une datation directe.

Le développement important de l'organogenèse durant le Boréal, constitue probablement la prolongation d'un phénomène amorcé comme ailleurs au Préboréal, mais dont la réalité reste fugace (BSC 5, ech. palyno 3, figure 1.2.2) du fait d'érosions postérieures ou de hiatus morphosédimentaires que la précision des sondages ne permet pas d'appréhender. Cette sédimentation organique affecte nettement le chenal 5 (BSC 1 303-325 cm). Le verdict de la palynologie (C. Leroyer) est confirmé par le radiocarbone (8230 ± 95 BP). Cette date assez tardive obtenue sur un échantillon prélevé à 12 cm de la base de la couche, peut découler d'un hiatus lié à la progradation tardive de la sédimentation à partir d'une zone plus basse, mais la phase détritique présente dans ce dépôt, témoigne aussi de sa mise en place probablement rapide. Le niveau de graviers à matrice limono-organique sous-jacent témoigne aussi d'un transit fluviatile antérieur significatif et la question d'une possible troncature de niveaux organiques antérieurs peut être posée. La superposition à cette première unité organique d'une unité graveleuse indique clairement une reprise de l'activité fluviatile dans le chenal 5 lors de la transition Boréal-Atlantique et les graviers observés aussi entre 208 et 237 cm dans le chenal 3 (BSC 4) correspondent peut être aussi à cette phase. Ce phénomène, en rupture avec la sédimentation antérieure est particulièrement intéressant, dans la mesure où il se place en correspondance chronologique avec une phase également perçue récemment dans d'autres sites du Bassin parisien, et qui pourrait correspondre à la détérioration climatique à 8200 BP identifiée dans plusieurs points du globe.

L'Atlantique apparaît, c’est bien souvent le cas, comme une période complexe. La tourbogenèse, amorcée dès son début dans le chenal 5 (datation 14C à 8040 ± 105 B.P.), ne constitue pas forcément un phénomène isolé. Que ce soit dans le chenal 3 ou le chenal 1 (paléo-lit mineur), il est possible de penser que ses témoins ont pu être détruits par des érosions postérieures. Si dans le chenal 5, la sédimentation organique se poursuit durant l'Atlantique récent, avec toutefois un glissement vers des phases plus minérales (BSC 1, 148-183 cm), dans le chenal 3, la sédimentation apparaît beaucoup plus détritique, sans que ce caractère ne permette malheureusement d'évaluer sa durée, ni son impact sur d'éventuelles phases antérieures.

Cette sédimentation, qui concerne les chenaux, est relayée sur les parties exondées par une pédogenèse discrète marquée par le développement d'un petit sol alluvial structuré (BSC 3 125-142 cm, BST 2-5, 9-20, 17-28, 31-32). Ce sol recouvre probablement approximativement la première moitié de l'Holocène.

Le Subboréal est marqué, au moins en partie par un regain de l'activité détritique. Les cortèges polliniques enrichis en aulne identifiés dans le carottage 1 (ech. 2, 158 cm et 4, 167 cm) s'ils ne fournissent pas une base chronologique précise, permettent toutefois d'attribuer probablement à une partie de cette période le début de la sédimentation limono-argileuse observée à la base de la seconde moitié des carottages 1, 3, 4 et 5. Cette sédimentation, qui correspond plus probablement à la seconde moitié de la chronozone (Pastre et al., 1997) affecte aussi sans-doute la majorité des zones basses.

La stratigraphie du carottage BSC 2, qui concerne la paléoberge de la rivière, montre quant à elle un caractère beaucoup plus grossier, marqué par le développement de faciès graveleux à débris végétaux et lits tufacés (GFDO). La datation 14C d'un bois contenu dans ces niveaux à 3000 ± 50 BP les attribue à la fin du Subboréal., en accord avec l'analyse palynologique qui place l'argile organo-minérale sus-jacente (ech. 1, 206 cm) à la fin du Subboréal / début du Subatlantique. Cette position chronostratigraphique est en bon accord avec les données obtenues dans le reste du Bassin parisien, qui situent une crise hydrologique et érosive majeure durant la seconde moitié du Subboréal (Pastre et al., 1997). Il faut remarquer que ce calage "haut", ne préjuge pas d'un début plus hâtif vers 4000 BP

Analyse du remlissage alluvionnaire 31

qui serait en conformité avec les autres enregistrements, les dépôts carottés ici ne recouvrant vraisemblablement qu'une partie de l'événement. La conséquence de cet épisode pourrait être d'avoir gommé largement les traces de dépôts antérieurs dans le paléo-lit mineur et en particulier les dépôts organiques qu'on devrait logiquement y trouver. Les preuve d'un ralentissement de l'activité, marqué par le dépôt organo-minéral enregistré en BSC 2 pourrait correspondre aux données relevées par ailleurs pour le début du Subatlantique.

Cette dernière chronozone est, elle, illustrée essentiellement par le dépôt massif de limons argileux "de débordement" déposées par des crues qui affectent tout le lit majeur. Ces dépôts de décantation, issus de l'érosion anthropique des versants, conduisent à un "nivellage" important de la topographie fluviale, fossilisant les chenaux et aplanissant la surface de la plaine alluviale. L'ubiquité de leur faciès, où la stratigraphie est avant tout liée aux conditions locales d'hydromorphie (faciès gleyifiés, faciès d'oxydo-réduction avec précipitations ferriques variées), se prête mal à l'établissement d'une chronologie satisfaisante, que seuls des niveaux archéologiques pourraient fournir. Il est toutefois probable qu'une partie importante de ces dépôts soient post-médiévaux et traduisent la dégradation "climato-culturale" liée à l'action conjuguée du Petit Age Glaciaire et des mises en culture modernes. L'absence de sol bien individualisé au sein de ces dépôts semble illustrer la relative continuité de leur mise en place.

Le sol récent qui les recouvre systématiquement se présente dans la partie sud-occidentale du transect comme un horizon A cultural reposant directement sur les limons argileux. Son épaississement dans la partie nord-occidentale témoigne probablement de son aggradation progressive par des apports colluviaux, alors que l'horizon B qui caractérise sa base exprime une différenciation plus affirmée accentuée par l'enfouissement, les apports colluviaux et l'absence de ré-homogénisation par les labours. L'apport humique qui différencie ce sol des limons sous-jacents ne marque pas forcément une rupture significative dans le processus d'aggradation limoneuse, mais participe sans doute en large partie des apports liés depuis quelques siècles à l'élevage et à l'agriculture.

4. Conclusion

Le transect de Boulages fournit un schéma général du remplissage alluvial de la vallée de l'Aube et permet de retracer son évolution pendant le Tardiglaciaire et l'Holocène. Il montre que la plaine alluviale actuelle représente l'aboutissement d'une évolution relativement complexe. La mise en évidence d'un système de paléochenaux holocènes colmatés, esquissé au Tardiglaciaire (Bölling) établit une composante fossile importante du système fluvial. La chronostratigraphie des remplissages de ces chenaux montre le caractère relativement diachronique de leur fonctionnement en fonction de leur position par rapport au lit mineur principal.

Si la majorité des grandes phases définies dans les zones plus centrales du Bassin parisien peuvent être identifiées, le système morphosédimentaire défini présente une conotation d'ensemble propre à ce que l'on connait actuellement des zones amont des grandes rivières tributaires de la Seine. Les phénomènes de sédimentation organique y sont limités, et les épisodes érosifs plus marqués aboutissent à une ablation fréquente des dépôts antérieurs à l'origine d'un système stratigraphique comportant de nombreux hiatus.

Parmi les étapes les plus significatives mises en évidences, le colmatage limoneux calcaire du Dryas récent représente une phase importante. La diversité et l'hétérochronie des dépôts de la première moitié de l'Holocène atteste à la fois de périodes de dépôt calmes à forte conotation organique et de périodes d'activité fluviatile plus ou moins marquée. En ce, la phase de détritisme importante relevée dans le chenal 5 à la fin du Boréal, traduit peut être une détérioration climatique et environnementale significative, assortie d'un nettoyage partiel des dépôts antérieurs. Le développement d'une sédimentation organique plus calme durant le reste de l'Atlantique semble toutefois contemporaine d'une certaine instabilité que les données actuelles ne permettent pas d'appréhender dans le détail. Au cours de la seconde partie du Subboréal, l'activité fluviatile s'accroit comme ailleurs de manière notoire. Elle se marque par des apports limoneux significatifs dans les chenaux, mais c'est surtout le lit mineur qui voit un important regain du détritisme et des processus ablatifs à l'origine d'une troncature

32 PNRZH, projet 07, rapport final, novembre 2000

des dépôts antérieurs. Enfin, le Subatlantique est marquée par un limonage très important, qui aboutit au colmatage des chenaux et à l'"uniformisation géomorphologique" de la plaine, tardivement drainée par des canaux artificiels.

Cette étude montre ainsi la complexité du paléoréseau hydrographique de l'Aube et le caractère très artificialisé du système actuel. Ce transect et les études stratigraphiques, palynologiques et géochronologiques qui l'accompagnent établissent le bon accord des approches. Il est cependant clair, que seule une étude plus détaillée (resserrement du maillage des sondages, multiplication des carottages, multiplication des analyses et des datations) pourrait permettre de proposer une analyse précise des faits étudiés.