Chapitre 16 –Les grands courants de l’analyse sociologique … · 2020-06-21 · Chapitre 16 –Les grands courants de l’analyse sociologique depuis le 19ème siècle Lycée

Chapitre 16 – Les grands courants de l’analyse sociologique depuis le 19ème

siècle

Lycée Camille Vernet – 2019-2020

1 – Les précurseurs de la sociologie11 – Le 19ème siècle : un siècle de changements majeurs favorable à l’émergence d’une pensée nouvelle

Le mode de connaissance du social change, il devient petit à petitplus scientifique à travers l’émergence d’une pensée du social qui sedistingue de la philosophie ou de l’essayisme.

L’émergence d’une connaissance plus scientifique du social est favorisée par :

- la pensée rationaliste des lumières du 18ème siècle ;- l’entrée dans la modernité…- … qui s’accompagne de l’émergence de la question sociale…- … et d’un souci de connaissance du social…- … afin que les pouvoirs publics puissent faire face efficacement

aux nouveaux problèmes sociaux ;

Enquêtes sociales et recueils statistiques au 19ème siècleAu 19ème siècle : développement d’un puissant appareil d’observation du

social :

• Développement des méthodes quantitatives sous l’impulsion :- des intérêts étatiques de contrôle social ;

- des préoccupations humanistes et hygiénistes d’aide aux populations les

plus déshéritées ;

- d’un souci d’application aux faits humains des méthodes mathématiques

éprouvées dans les sciences de la nature (moyenne, %, tableau croisés…)

Þ Atteste d’une foi scientiste dans les vertus de la mesure

• Développement des méthodes qualitatives :- Entretien (guides d’entretien) ;

- Observation in situ : Enquête de R. Villermé sur l’état physique et moral

des ouvriers en 1840

Þ Prémices d’une connaissance scientifique du social à travers la fondation

de méthodes d’enquête qui sont encore aujourd’hui la boite à outil du

sociologue.

Les écueils de cette pensée préscientifiqueDes problèmes d’objectivité : - Fortes accointances entre pouvoir politique et enquêtes sociales ;- Enquêtes qui sombrent souvent dans la dénonciation, le combat

ou l’indignation (problème de neutralité axiologique)Dans les deux cas, la connaissance est subordonnée à des valeurspratiques (portée normative)

Un problème dans l’articulation du théorique et de l’empirique :- Pas de véritable réflexion et construction de l’objet d’étude ;- Difficultés d’associer les idées aux faits ; faible conceptualisation

(souvent de simples compilations de faits pour dégager desrégularités statistiques)

12 – Tocqueville, Marx : la recherche de principes régissant l’organisation des sociétés

On oppose traditionnellement Tocqueville et Marx :

- Marx pense que la société va se bipolariser…- … alors que Tocqueville pense au contraire qu’elle va

se moyenniser.

Cette opposition peut cependant être dépassée parceque les deux auteurs mettent chacun en évidence unprincipe organisateur de la société.

121 – Tocqueville et la démocratie comme égalisation des conditions

Chez Tocqueville, c’est l’égalisation des conditions qui constitue le principe organisateur de la société moderne.

Société aristocratique(France)

Société démocratique(Etats-Unis)

Objectifs

centraux

La société d’Ancien Régime se donne

l’objectif d’accroître la puissance et la

gloire. C’est pourquoi elle est cloisonnée

en différents ordres : noblesse, clergé et

Tiers-Etat

La société américaines entend éviter la misère et

procurer le bien-être. C’est pourquoi elle se

caractérise par une passion pour l’égalité.

Comment sont

attribués les

droits

individuels

Les positions sont déterminées dès la

naissance. La noble et le clergé bénéficient

de privilèges et d’une législation particulière

Les citoyens américains sont soumis aux mêmes

règles juridiques. C’est ce que l’on appelle l’égalité des droits

Comment

accède-t-on au

bien-être

matériel

La société d’Ancien-Régime se caractérise

par une forte hérédité sociale qui conduit

à la reproduction des statuts et de la

stratification sociale

Les citoyens américains ont la possibilité de

prétendre au bien-être qui correspond à leurs talentsdans la mesure où ils on des chances équivalentes de

réussir : l’hérédité ne détermine pas leur statut : c’est

ce qu’on appelle l’égalité des chances.

Comment les

individus se

représentent-ils

les rapports

sociaux ?

Les rapports sociaux reposent sur la

croyance en la légitimité naturelle de la

domination des uns sur les autres. Les

nobles se comportaient en héros et le

Tiers-Etat en serviteurs

Les rapports sociaux reposent sur la croyance en

l’égalité des citoyens. Aucun n’est jugé comme

supérieur à l’autre, ce qui conduit à l’individualismeet à l’égalité de considération.

Le risque de despotisme démocratique

La méthodologie de Tocqueville

La pensée de Tocqueville :- s’inscrit dans le cadre de l’individualisme méthodologique…- parce que le comportement ne se laisse pas déduire du

principe…- … mais le comportement est reconstruit dans sa logique

interne et exemplifié au moyen d’anecdotes typiques ;- le comportement est donc interprété…- ce qui préfigure la future sociologie compréhensive- mais c’est aussi une pensée comparative (France d’Ancien-

Régime vs Etats-Unis)…- basée sur une observation in situ d’une société

démocratique

122 – Karl Marx et la lutte des classesA - Les classes sociales chez Marx

B – Le matérialisme historique de Karl Marx« Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine la réalité ; c’est au contraire la réalité sociale qui détermine leur

conscience » (Karl Marx 1840)

• L’analyse de Marx repose sur la théorie du « matérialisme historique » :selon Marx, l’histoire de l’humanité s’explique principalement parl’évolu;on de ses condi;ons matérielles d’existence et de produc;on ;

• Les condiEons matérielles sont ce que Marx appelle un mode de produc;on.Le mode de producEon est l’organisaEon sociale de la producEon, c'est-à-direla combinaison de forces produc;ves (les facteurs de producEon) dans certainsrapports de produc;on (la manière dont les classes sociales sont en relaEondans la producEon). Dans le cas de la société capitaliste, les forces producEvesrenvoient au capital et au travail ; et les rapports de producEon renvoient à lasubordinaEon du travail au capital par le contrat de travail ;

• Dans cePe concepEon matérialiste, c’est le mode de producEon quidétermine la vie juridique, poliEque et intellectuelle d’une société. C’estce qu’on résume en disant : « l’infrastructure détermine lasuperstructure ». Autrement dit, « le mode de producEon déterminel’ensemble des structures et insEtuEons poliEques et sociales (régimeset règles poliEques, religions, traits culturels, etc.) ».

B – Le matérialisme historique de Karl Marx

Superstructure- Culture, religion, idéologie ;

- manières de penser, de sentir d’agir ;- institutions politiques ;

- Institution sociales ;- Institutions juridiques

InfrastructureMode de production

Forces productives et rapports de production

SOCIETE

B – Le matérialisme historique de Karl MarxL’histoire est vue chez Marx comme une succession de différents

modes de production

B – Le matérialisme historique de Karl MarxL’exemple du passage du féodalisme au capitalisme

13 – Auguste Comte : les prémices d’une sociologie scien8fique

• Auguste Comte est l’inventeur du terme sociologie ;• Pour lui la sociologie est la plus complexe des sciences parce

qu’elle possède à la fois une dimension statique (l’ordre social) etune dimension dynamique (le changement social) ;

• A l’image des sciences de la nature, la sociologie doit produire unsavoir objectif et universel sur son objet (l’ordre social et lechangement social) ;

• Selon lui, les sociétés font évoluer au cours de l’histoire la manièredont elles conçoivent leur fonctionnement (loi des 3 états) :

• Chez Comte, le changement social est associé au progrès parcequ’il permet à la société de se voir de façon plus fidèle à travers laraison et l’expérimentation.

13 – Auguste Comte : les prémices d’une sociologie scientifique

• La sociologie de Comte est une sociologie holiste (métaphore du corps pour parler de la société) ;

• Cette sociologie doit rejeter les jugements de valeur ; • Elle se base sur l’observation des faits…• … pour en déduire des lois relatives aux phénomènes sociaux ;• La sociologie doit permettre de concilier ordre (faire face à la

question sociale) et progrès (assurer l’accès de la société à l’état positif)

Synthèse : les pensées présociologiques de Marx, Comte et Tocqueville

Holisme ou individualisme

méthodologique ?

Caractéristiquecentrale de la

modernité

Ressort de la dynamique

historique de LT(lois sociales)

Utilité de l’analyse sociologique

Auguste Comte

Holisme méthodologique

Question socialeet esprit positif

Loi des 3 états Permet de concilier ordre et

progrès

Alexis de Tocqueville

Individualisme méthodologique

Démocratie sociale –

moyennisation –individualisme sociologique

Egalisation des conditions chez

Tocqueville

Prévoir les risques associés aux

sociétés démocratiques

Karl MarxHolisme

méthodologiqueMode de

production capitaliste et

question sociale

Lutte des classes Accélérer la prise de conscience par la classe ouvrière de son exploitation en

dévoilant cette forme de domination

2 – L’institutionnalisation de la sociologie à partir de la fin du 1çème siècle

Que faut-il entendre par institutionnalisation de la sociologie ? - Une professionnalisation de ceux qui produisent la connaissance du

social ;- L’apparition des premières chaires de sociologie à l’université ; - Le passage d’une base de soutien idéologique ou militante à une

base de soutien scientifique ;- Le développement des revues scientifiques permettant aux

sociologues d’échanger ;

Ce que cela ne signifie cependant pas :- Attention l’institutionnalisation de la sociologie ne signifie pas

l’émergence d’une discipline unitaire ;- En effet plusieurs réponses à la question « Qu’est-ce que faire de la

sociologie ? » vont émerger à travers les travaux de Durkheim,Weber et Simmel.

21 – L’école française de sociologie211 – Le projet durkheimien

• La pensée de Durkheim émerge dans un contexte de fragilitépoli8que et sociale ;

• Préoccupa<on essen<elle de Durkheim = intégra8on sociale ;• Connaissance scien8fique du social afin de fonder une morale

laïque, seule à même de prémunir les risques de disloca<onsociale

• Posi<on qui se rapproche de celle de Comte « savoir pour prévoir,prévoir pour pouvoir ». Durkheim affirmait : « La sociologie nevaut pas une heure de peine si elle ne devait avoir qu’un intérêtspécula7f (pas d’u7lité pra7que) »

212 – La constitution de la sociologie comme science par Durkheim

• Rejet de la pensée purement déductive ;

• Rejet de l’empirisme puérile ;

• Souci d’une construction rigoureuse de l’objet d’étude ;

• Confrontation de la théorie au réel c’est-à-dire aux faits(rationalisme expérimental)

A – Les règles de la méthode sociologique (1895)Durkheim définit l’objet d’étude de la sociologie

• Fait social : « manières d’agir, de penser et de sentir, extérieures àl’individu, et qui sont douées d’un pouvoir de coercition en vertu duquel(elles) s’imposent à lui. »

• Extériorité : les fais sociaux se distinguent des faits psychiques (ils nes’expliquent pas par la psychologie de l’individu, ils existentextérieurement aux consciences individuelles) et des faits organiques oubiologiques (ce sont des représentations et des actions) ;

• Contrainte : les croyances, les valeurs, la culture, les pratiquess’imposent aux individus (rôle des sanctions, de la morale…) ;

• Généralité : large diffusion au sein d’un groupe social (tout en sesouvenant qu’il « existe indépendamment des formes individuelles qu’ilprend en se diffusant ».

Þ Ces différents critères sont différentes manières de reconnaîtreempiriquement le fait social et, donc, de l’objectiver. A partir de là, il estpossible de procéder à une investigation scientifique c’est-à-dired’enquêter.

A – Les règles de la méthode sociologique (1895)Emile Durkheim définit une méthode sociologique

En définissant l’objet d’étude de la sociologie, Durkheim entend la distinguer dessciences de la nature. C’est l’inverse en termes de méthode.

• 1ère règle : il faut « considérer les faits sociaux comme des choses » : les faitssociaux, ayant une réalité propre et indépendante des faits individuels, peuventêtre considérés comme des données observables de l’extérieur qu’il s’agira dedécrire à l’aide d’indicateurs objectifs (stats/règle de droit) ; comme le reste dela nature, ils sont soumis au principe du déterminisme et sont donc régis par deslois.

• 2ème règle : il faut « écarter systématiquement les prénotions » : douteméthodique de Descartes et rejet des fausses évidences, des concepts forgés endehors de la science ; le sociologue doit tourner son attention vers les faits ;

• Corolaire de cette 2ème règle : le sociologue doit définir en ne s’en tenant qu’auxfaits la réalité dont il traite ; « ne jamais prendre pour objet de recherche qu’ungroupe de phénomènes préalablement définis par certains caractères extérieursqui leurs sont communs et comprendre dans la même recherche tous ceux quirépondent à cette définition

A – Les règles de la méthode sociologique (1895)Les règles rela2ves à l’explica2on des faits sociaux

• Pour Durkheim, on ne peut pas expliquer un fait social par le rôle qu’iljoue, par sa fonc:on ou son u:lité ;

• La ques:on per:nente pour expliquer les faits sociaux n’est pas« pourquoi ? » mais « comment ? » ;

• Il faut donc remonter « la chaîne des causes et des effets » et 3ème règle :« n’expliquer les faits sociaux que par d’autres faits sociaux » ;

• Durkheim prône donc une analyse causale et la construc2onexpérimentale des lois comme dans les sciences de la nature ;

• Le problème c’est que l’expérimenta2on directe est impossible ;

• Il faut donc passer par une « expérimenta2on indirecte » c’est-à-direprocéder à des comparaisons ;

• Ces comparaisons doivent porter sur les varia2ons concomitantes entredeux phénomènes (les corréla:ons constatées indiquent qu’il existe unrapport de causalité direct ou indirect entre les deux phénomènes que lesociologue doit meKre à jour)

B – Le Suicide (1897) : un exemple d’application des règles de la méthode sociologique

• En choisissant pour objet concret le suicide, il rend intelligible un phénomène,qui relève de la décision individuelle, en le rapportant à d’autres faits sociaux(religion, état matrimonial, habitat urbain ou rural…) => démonstration de laspécificité du social et de la scientificité de la sociologie (objet d’étude + 1èrerègle de la méthode) ;

• Définition précise et objective de l’objet d’étude (suicide : « tout cas de mort quirésulte directement ou indirectement d’un acte positif ou négatif accompli par lavictime elle-même et qu’elle savait devoir produire ce résultat ») => 2ème règle dela méthode

• Utilisation des statistiques pour faire émerger la constance des taux de suicidedans chaque société… (généralité du fait social)

• …. et les grandes différences entre sociétés (extériorité et contrainte du faitsocial suicide) ;

• Mise en évidence des variations concomitantes entre taux de suicide et d’autresvariables (pays, religion, statut matrimonial, sexe…) et formulation de théoriesexplicatives (3ème règle de la méthode + expérimentation indirecte) : par exemple, siles hommes mariés se suicident beaucoup moins que les veufs parce qu’ils sont davantage intégrésdans un groupe familial.

C – De la division du travail social (1893)Le passage des sociétés traditionnelles aux sociétés modernes (1)

• Ce qui distingue les sociétés traditionnelles des sociétés modernes c’est le degréde division du travail ;

• Le développement de la division du travail s’explique par la croissancedémographique (hausse de la densité matérielle) et le développement deséchanges et des communications entre individus (hausse de la densité moraleet du volume social) ;

• Durkheim pense que la principale fonction de la DT n’est pas d’améliorerl’efficacité mais de produire de la solidarité entre les membres d’une société enles rendant interdépendants.

• Dans les sociétés traditionnelles, la solidarité est de type mécanique alorsqu’elle est de type organique dans les sociétés modernes (cf. synthèse) ;

• Développement de l’individualisme dans les sociétés modernes ;• La transformation des formes de solidarité est repérable dans l’évolution du

droit selon Durkheim (droit répressif dans les sociétés traditionnelles et droitrestitutif dans les sociétés modernes)

C – De la division du travail social (1893)

COMMUNAUTE (société traditionnelle)* Petite taille ;

• Forte conscience collective ;• L’homme est plus un agent qu’un individu;

• Solidarité mécanique• La déviance est perçue comme un problème moral vis à vis de la conscience collective

Croissance démographique (densité matérielle)Développement des échanges et des

communications entre individus (densité morale et volume social)

=> Spécialisation pour être plus efficace

SOCIETE (société moderne)• Grande taille ;

• Relâchement de la conscience collecLve ;• Développement de l’individualisme

• Solidarité organique : les liens d’interdépendance uLlitaires découlant de la division du travail assurent une forme renouvelée de lien social

Le passage des sociétés traditionnelles au sociétés modernes (2)

C – De la division du travail social (1893)Quand la division du travail ne produit pas de solidarité

Anomie : insuffisance de réglementations sociales qui conduit à un déficit decoopération entre les individus et à un risque de « guerre des classes.A savoir : Durkheim propose une autre acception de l’anomie dans Le Suicide :situation où les aspirations individuelles sont fortement en décalage avec lesnormes sociales et où, en conséquence, les désirs des individus ne sont plusbornés par les exigences sociales. L’état d’anomie se caractérise par uneinsuffisance de réglementations sociales.

• La DT affaiblit la conscience collective (développement de l’individualisme)…,• … et donc la régulation sociale des comportements…• …ce qui peut se traduire par l’émergence de comportements non coopératifs

portant atteinte à la cohésion sociale…• … d’où la nécessité i) de fonder une morale laïque (remplaçant la morale

religieuse) ; ii) de socialiser de façon méthodique la jeune génération (rôle del’école) ; iii) de développer les corps intermédiaires (corporations ou groupesprofessionnels) qui encadrent les travailleurs par des règles contraignantes etfavorisent les stratégies de coopération plutôt que les stratégies deconcurrence (On retrouve ici la portée pratique de la sociologie de DK)

22 – L’école allemande de Sociologie221 – Max Weber : une sociologie compréhensive du monde moderne

• Une pensée antitéléologique ;

• Une pensée qui s’inscrit dans l’individualisme méthodologique ;

• Une pensée, en termes de méthode, proche de Tocqueville etéloignée de Marx/Comte/Durkheim ;

• Il partage avec Durkheim la volonté de fonder scientifiquement lasociologie ;

A – L’objet d’étude de la sociologie pour Weber : l’action sociale

Action ou activité sociale : comportement humain orienté versautrui auquel l’individu attribue une sens subjectif.

Exercice : « action sociale » ou « pas action action sociale » : expliquez !- Un bâillement ;

- Une collision entre deux cyclistes ;

- Une dispute entre les deux cyclistes après cette collision ;

- Ouvrir son parapluie ;

- Ouvrir son parapluie parce que d’autres gens le font dans la rue ;

B – La méthodologie sociologique de Max Weber : comprendre puis expliquer

En 1883, éclate la querelle des méthodes (dans le cadre de la science économique) : Elle oppose l’économiste autrichien Menger (qui pense que l’économie doit être

fondée sur le modèle des sciences de la nature) à Schmoller, membre de l’école

historique allemande.

Menger Schmoller

Représentation de l’homme

économique

Représentation simplifiée de

l’homme économique : être

rationnel et égoïste

Complexité des motifs de l’action

humaine qui dépendent aussi des

croyances ou des valeurs qui

peuvent être irrationnelles

MéthodologieMéthode hypothético-

déductive

Etudes monographiques multiples

pour établir de façon inductive les

lois du développement

économique et social

Type de loiLois universelles du

fonctionnement de

l’économie (sur le modèle

des sciences de la nature)

Doutes sur la possibilité d’établir

des lois universelles du fait de la

complexité et de la singularité de

chaque société


Cette même année (1883), cette querelle s’exporte dans l’ensemble du champdes sciences sociales

• Dilthey distingue les « sciences de la nature » et les « sciences de l’esprit » ;

• Dans les « sciences de la nature », il est possible d’expliquer par des lois lesphénomènes physiques : l’explication causale est adaptée parce qu’il existedes relations stables de cause à effet entre les phénomènes physiques ;

• Par contre, l’objet d’étude des « sciences de l’esprit », c’est l’homme, c’est-à-dire des « être de conscience qui agissent en fonction de valeurs, de croyances,de représentations, de calculs rationnels et qui ne se bornent pas à réagir auxstimulations de l’environnement » (doc21) : l’activité humaine ne peut doncpas se réduire à des rapports de cause à effet ; les comportements sontcontingents ; aussi pour en rendre compte il faut avant tout comprendre lasignification que les individus assignent à leurs actions

La sociologie de Weber s’inscrit dans cette lignée : c’est une sociologiecompréhensive


Comprendre…• Comprendre, c’est retrouver le sens subjectif que les individus assignent à leurs

comportements => sociologie subjectiviste ;

• La compréhension, c’est aussi et surtout un procédé analytique et théoriqued’interprétation du sens subjectif ;

• Partant, une sociologie subjectiviste peut être objective ;

• L’objectivation chez Weber est assurée par la construction de types-idéaux ;

• Idéal-type : reconstitution stylisée d’une réalité dont l’observateur aisolé/sélectionné les traits jugés significatifs. C’est donc un outil théorique forgépar l’observateur qui va permettre de rendre intelligible la réalité (exemple de lacarte IGN ou de l’homo oeconomicus). Weber parle à son sujet de « tableau depensée homogène » ;

• Evidemment, dans la réalité, on ne retrouve pas l’idéal-type dans toute sa puretéconceptuelle ;


… pour expliquer :• Une fois que le sociologue à interprété à travers un type-idéal le sens que les

individus donnent à leurs actions ;• Il doit passer à l’étape de l’explication, c’est-à-dire à l’analyse causale (qui est

cependant subordonnée au travail spécifique de compréhension) ;• Il va s’agir de mettre à jour les enchaînements entre les phénomènes en partant

des actions individuelles interprétées par le sociologue (qui sont évidemmentagrégées)

Typologie des actions sociales chez WeberMotivation de l’action Exemple

Action rationnelle en finalité

Action rationnelle en valeur

Action affective

Action traditionnelle

C – L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905) : un exemple d’application du programme scientifique de Max Weber

• Etude documents et de textes pour saisir le sens que les protestants et lescapitalistes assignent à leurs actions ;

• Interprétation idéal-typique du « sens » collecté à travers les documents étudiés;

• Construction rigoureuse de deux idéaux-types :- i) « l’éthique protestante » (action rationnelle en valeur) ;- ii) « l’esprit du capitalisme » (action rationnelle en finalité) ;• Antériorité de l’éthique protestante sur l’esprit du capitalisme ;• Ce qui explique le capitalisme pour Weber ne se trouve pas dans les conditions

matérielles d’existence (cf Marx) mais l’apparition d’une conduite de vie et d’unsystème de valeurs favorable.

• Le protestantisme a fait émerger un état d’esprit (doctrines de laprédestination et de l’ascétisme) en affinité élective avec le capitalisme (définicomme un état d’esprit qui consiste à rechercher un profit continu et durable autravers d’une activité professionnelle marchande organisée rationnellement enfinalité).

C – L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1905) : un exemple d’application du programme scientifique de Max Weber

ETHIQUE PROTESTANTE• Doctrine de la prédestination : le travail est valorisé ;

• Doctrine de l’ascétisme : renoncement au plaisirs immédiats ;

Les protestants agissent rationnellement en valeur et donc : • s’investissent pleinement dans leurs activités professionnelles en les

rationnalisant (gains d’efficacité) ce qui fait qu’ils s’enrichissent ;• Épargnent leurs revenus et les investissent ce qui permet l’accumulation du capital

;

Affinités élective entre l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme

Le comportement rationnel en valeur des protestants a un impact économique positif (gain d’efficacité). Partant, les autres individus non protestants sont obligés d’adopter cet

état d’esprit sous peine de disparaître économiquement (état d’esprit qui devient ici l’ESPRIT DU CAPITALISME: un comportement rationnel en finalité à savoir la recherche

rationnelle du profit par l’exercice d’une profession)Le capitalisme est donc un effet non voulu des pratiques des protestants.

D – La rationalisation du monde : caractéristique centrale de la modernité pour Max Weber

a) La rationalisation du monde :- processus par lequel les actions rationnelles en finalité (recherche de l’efficacité

par le calcul et la prévision) prennent le dessus sur les autres types d’actionssociales (rationnelles en valeur, traditionnelles, affectives) ;

- La rationalisation des conduites est un changement qui s’inscrit dans le tempslong ;

- Attention, cela ne signifie pas que les autres formes d’action disparaissent ;elles existent toujours mais deviennent minoritaires ;

- Attention, la rationalisation du monde ne signifie une plus grande connaissancedu monde mais simplement le fait de savoir que chaque phénomène présenteune explication scientifique (exemple du tramway) ;

- Avec la rationalisation, l’homme moderne a l’impression qu’il peut totalementmaîtriser le monde : « nous pouvons maîtriser toute chose par la prévision » ;

- Des exemples de rationalisation des conduites dans différentes sphères sociales: musique, organisation du travail, médecine, droit, entreprise, école… ;

D – La rationalisation du monde : caractéristique centrale de la modernité pour Max Weber

b) Le corolaire de la rationalisation des conduites : le désenchantement dumonde• Avec le développement de la rationalisation du monde, il n’y a plus d’explication

magiques, superstitieuses et imprévisibles du monde ;• Dès que tout est explicable scientifiquement, les individus ne recherchent plus

le sens caché des choses ;• Le désenchantement du monde désigne donc la fin de la recherche du sens

magique des choses au profit de leur explication rationnelle, technique etscientifique. Pas de jugement de valeur chez Weber, seulement un constat.

E – La bureaucratie : une illustration de la rationalisation des conduitesa) Un préalable : la domination et ses différentes formes• Puissance ou pouvoir : c’est la capacité d’un individu A à imposer sa propre

volonté à un individu B, peu importe sur quoi repose cette capacité (la force etla contrainte notamment) ;

• Domination : c’est un pouvoir qui est légitime : A a la capacité d’imposer sapropre volonté à B sans avoir besoin de recourir à la force.

Typologie des formes de dominationFondement de la légitimité Exemples

Domination légale rationnelle

Repose sur la croyance que les décisions sontlégales et rationnelles parce que ceux qui exercentla domination ont été nommés conformément auxrègles en vigueur

Enseignant, policier, adminsitrations

Domination traditionnelle

Repose sur croyance en sainteté des traditions et conduit à respecter ceux qui sont appelés à exercer l’autorité par ces moyens.

Monarchie de droit divin, Pape

Domination charismatique

Elle repose sur la soumission à une personne considérée comme exemplaire pour ses qualités propres

Leader d’un groupe d’ami, gourou

b) La bureaucratieBureaucratie = organisation publique (administrations publiques) ou privées(entreprises, associations) organisée selon le principe de la rationalité, c’est-à-diredont le fonctionnement est standardisé et prévisible parce qu’il est encadré par unensemble de règles rationnelles visant à assurer une efficacité maximale del’organisation.

BUREAUCRATIE

DOMINATION LEGALE RATIONNELLE- Pouvoir émanant de l’institution et pas de la personne ;- Système de règles abstraites et impersonnelles ;- Le détenteur légal type du pouvoir (le supérieur), lorsqu'il ordonne, obéit à l’ordre

impersonnel (le système de règles légales rationnelles) par lequel il oriente sesdispositions

RATIONALISATION DU TRAVAIL- Définition rigoureuse des postes auxquels correspondent des fonctions (spécialisation) ;- Existence d’une hiérarchie ;- Pouvoir fondé sur la compétence ;

F – La distinction savant/politique• L’activité du politique consiste à émettre des jugements de valeur c’est-à-dire à

énoncer des propos qui disent comment le monde devraient être ;

• Le savant doit au contraire éviter à tout prix les jugements de valeur pour s’entenir aux faits : jugements de fait ;

• Le savant, en tant que membre d’une société, baigne dans un système devaleurs mais il ne doit pas introduire ces dernières dans son travail scientifique :il doit faire preuve de neutralité axiologique ;

• La science (sociologie) est une science des réalités (des faits) et pas de ce quidevrait être ;

• La science (sociologie) est donc une activité qui vise l’objectivité

Synthèse : faut-il opposer Weber et DurkheimCe qui oppose Durkheim et Weber Les pts communs entre Durkheim et Weber

• Holisme méthodologique (fait social)versus individualisme méthodologique(action sociale) ;

• Méthodologie objectiviste et explicativevs démarche subjectiviste etcompréhensive ;

• Démarché réaliste vs démarchenominaliste ;

• Faire de la sociologie ne va pas de soi ;

• Construction de modèles scientifiquesd’intelligibilité du social ;

• Effort commun d’autonomiser lasociologie par rapport aux autres sciences;

• Effort commun d’objectivation ;

• Portée explicative du savoir sociologique ;

• Distinction du savoir savant et du savoirordinaire ;

• Volonté commune de déchiffrer lamodernité ;

222 – Le relationnisme méthodologique de Georg Simmel• Selon Simmel, on ne peut pas étudier la vie sociale en étudiant

uniquement les motivations individuelles ;

• De la même manière, il n’est pas suffisant d’uniquements’intéresser aux contraintes sociales pour étudier la vie sociale ;

• Pour concilier ces deux dimensions apparemment contradictoiresde la vie sociale, Georg Simmel va prendre comme objet d’étudesles interactions sociales et forger le concept de forme sociale : lesformes sociales résultent des interactions entre les individus etont tendance à s’autonomiser pour devenir contraignantes pourles individus ;

• Exemples de formes sociales : la mode, l’argent…

Synthèse – Les 3 grandes traditions sociologiquesE. Durkheim M. Weber G. Simmel

Objet de la sociologie

Fait social Activité sociale Interactions sociales

L’accent est mis sur : L’importance de la contrainte sociale

L’importance du sens donné par les

individus à leurs comportements

L’importance de l’articulation donnée

à la dimension individuelle et

autonome des actes et à la dimension contraintes de ces

mêmes actes

Ce que chaque tradition cherche à démontrer :

Comment les hommes sont faits

par la société

Comment les hommes font la

société

Comment l’homme fait la société et la

société fait l’homme

3 – Les développements de la sociologie après Durkheim et Weber• Durant les années 1920-1930, la sociologie professionnelle se développe aux

Etats-Unis, en particulier dans deux universités : Columbia et Chicago ;

• On assiste alors au développement d’une sociologie empirique ;

• L’école de Chicago recoure aux méthodes qualitatives (études de cas,techniques de l’observation et des récits de vie, monographies) ; elle estinfluencée par la tradition wébérienne et simmelienne ;

(Exemple d’étude : W.I. Thomas, F. Znaniecki, Le paysan polonais, 1918)

• L’école de Columbia recoure aux méthodes quantitatives (questionnaires ettraitement statistique) ; elle s’inscrit dans la tradition holiste ;

(Exemple d’étude : S. Stouffer & alii, Le soldat américain, 1949 ou Paul Lazarsfeld,The people’s choice, 1944 ou P. Lazarsfeld & Katz, Personal influence, 1955)

• En 1956, Pitirim Sorokin dénonce les excès de la sociologie quantitative enparlant de quantophrénie : l’usage de stats et des maths « suffit » à légitimer lecaractère scientifique de l’étude alors que nombre d’études quantitatives del’époque sont détachées de toute problématique scientifique…

3.1 – Culturalisme et fonctionnalisme3.1.1 – Les approches culturalistes

A – Les grandes caractéristiques des approches culturalistes

• Des approches qui s’inscrivent dans la tradition holiste ;

• L’objet d’étude = l’homme fait par la société ;

• C’est-à-dire l’homme ayant intégré la culture de son groupe d’appartenancedans sa personnalité, dans son identité : « le moi est un précipité culturel » ;

• La culture fournit aux individus des modèles de comportement qui permettentaux individus qui les mettent en œuvre d’être intégrés…

• … et à la société d’assurer sa pérennité en standardisant les comportements eten les rendant ainsi prévisibles ;

• Partant, les approches culturalistes vont essentiellement s’intéresser auprocessus de socialisation.

B – Rôle et statut : de nouvelles notions sociologiques introduites par les approches culturalistes

• Le statut social désigne l’ensemble des positions/fonctionsqu’occupe un individu dans une système social donné(époux/épouse, mère/père de famille, enseignant, hommepolitique, président d’une association, homme/femme…) ;

• Le rôle représente l’aspect dynamique du statut, à savoir la miseen oeuvre des droits et devoirs associés à un statut ou lescomportements qui sont socialement attendu de la part d’unepersonne occupant un certain statut ;

• Les individus font l’apprentissage des différents rôles associés àleur statut au cours de leur socialisation ;

• L’apprentissage des rôles assignés aux statuts permet le bonfonctionnement de la société ;

C – Un exemple d’étude culturalisteMargaret Mead, Moeurs et sexualité en Océanie, 1928-1935• Etude de trois tribus :- Chez les Arapesh : aussi bien les hommes que les femmes sont solidaires,

sensibles, doux et modérés ainsi qu’attentifs aux besoins d’autrui (pas dedifférences entre les sexes) ;

- Chez les Mundugumor : aussi bien les hommes que les femmes sont agressifs,brutaux, peu enclins à prendre soin des autres (pas de différences entre lessexes) ;

- Chez les Chambuli : la femme est le partenaire dominant (elle chasse, fait laguerre, s’occupe des affaires publiques) alors que les hommes sont repliés sur lasphère privée, font preuve de sensibilité, s’occupent des enfants...

• Conclusions :- Les rôles masculins et féminins diffèrent selon les communautés...- ... Ce qui signifie que les rôle des hommes et des femmes ne sont pas

déterminés par la nature mais par la socialisation...- ... ils dépendent donc de la culture du groupe social d’appartenance.

3.1.2 – Les approches fonctionnalistesA – Les grandes caractéristiques des approches fonctionnalistes• Une approche qui s’inscrit dans le cadre du holisme méthodologique :- Distinction du « tout » et des éléments ;- Les éléments contribuent au fonctionnement du « tout » ;- Le « tout » n’est pas réductible à la somme des parties.

• Toutes les sociétés humaines se caractérisent par des besoins (bien-être corporel,production, santé, socialisation de la jeune génération…) ;

• Les institutions sont des réponses à ces besoins (par exemple l’école) ;

• Le travail du sociologue consiste à repérer l’institution qui est liée au phénomènequ’il observe et donc à analyser la fonction de cette institution, chaque sociétérégulant à sa manière ses besoins.

• Emergence d’un fonctionnalisme absolu :- “postulat de l’unité fonctionnelle” : les institutions sont fonctionnelles pour le

système social dans sa globalité ;- “postulat du fonctionnalisme universel” : toutes les institutions remplissent une

fonction positive pour la société dans sa globalité ;- “postulat de la nécessité” : les institutions sont indispensables chacune en vue d’une

fonction différente.

B – Le fonctionnalisme de moyenne portée de R. King MertonR. King Merton critique le fonctionnalisme absolu de Malinowski :

- Les institutions ne sont pas forcément fonctionnelles pour lesystème social tout entier (fonctions partielle ou limitée) ;(Critique de l’unité fonctionnelle)

- Tous les institutions ne remplissent pas forcément une fonctionpositive (ces fonctions peuvent être positives pour une partie dela société et négatives pour l’autre partie de la société) ; (critiquedu fonctionnalisme universel)

- La fonction peut subsister alors que l’institution disparaît parceque remplacée par une autre ; (critique de la nécessité)

B – Les concepts introduits par Mertona) La distinction fonction latente/fonction manifeste

• Fonction manifeste : fonction désirée qui renvoie à des butsconscients ;

• Fonction latente : fonction non désirée (et donc non conscientes) ;

• Exemple : la machine politique américaine => si cette dernièrecontinue à exister en dépit de ses relations avec la pègre, en dépitde la corruption…, c’est parce que le monde politique américainassure des fonctions latentes d’aide sociales notamment qu’ileffectue plus efficacement que l’assistante sociale.

• Autres exemples : l’école, la consommation...

B – Les concepts introduits par Mertonb) La notion de prédiction créatrice ou de prophétie autoréalisatrice• « Quand les hommes considèrent certaines situations comme réelles,

elles deviennent réelles dans leur conséquences » (reprise de W.I.Thomas) ;

• Exemple : L’exclusion des Noirs venus du sud par les syndicats blancs :

- Croyance, préjugé sur les noirs : ce sont des traitres à la classe ouvrièreparce que ce sont des briseurs de grève, parce qu’ils acceptent de trèsbas salaires,

- Par conséquent, les noirs ne sont pas acceptés par les syndicats blancs ;

- De ce fait, ils sont plus souvent au chômage (parce que pas protégés pardes syndicats) et n’ont pas véritablement le choix que d’accepter detravailler quand les patrons font appel à eux pour suppléer les grévistes ;

- Par leurs croyances et les comportements qu’elles induisent, lessyndiqués blancs ont créé les fait qu’ils observent.

B – Les concepts introduits par Mertonc) Groupe d’appartenance, groupe de référence et frustration relative

• Groupe d’appartenance : groupe social auquel appartient l’individu ;

• Groupe de référence : groupe social auquel l’individu s’identifie ;

• Dans ce second cas, s’instaure un mécanisme de socialisationanticipatrice…

• ... Socialisation qui est fonctionnelle parce qu’elle permet à l’individu depréparer son insertion dans le groupe auquel il se réfère...

• … Mais qui peut également être dysfonctionnelle, en cas de mobilitésociale réduite par exemple, parce que l’individu ne sera pas intégré dansle groupe social auquel il s’identifie et parce que dans le même temps ils’est coupé de son groupe d’appartenance qui risque de le rejeter ;

• Dans cette situation d’espoir déçu, l’individu a toutes les chances d’êtrefrustrés par sa situation.

B – Les concepts introduits par Mertonc) Groupe d’appartenance, groupe de référence et frustration relativeUne application de ces concepts par J. Goldthorpe et D. Lockwood, sociologuesanglais qui ont travaillé sur l’embourgeoisement de la classe ouvrière :

B – Les concepts introduits par Mertond) Les dysfonctionnements et l’anomie• L’anomie survient quand l’individu est confronté à la discordance entre les

objectifs légitimes que lui propose la société et les moyens légitimes à sa portée;

• L’anomie se produit quand l’individu se concentre uniquement sur les objectifslégitimes en rejetant les moyens légitimes ;Modes d’adaptation Buts légitimes Moyens légitimes

Conformisme Acceptation Acceptation

Innovation Acceptation Rejet

Ritualisme Rejet Acceptation

Evasion Rejet Rejet

Rébellion Introduction de nouvelles valeurs sociales

Acceptation

Synthèse : culturalisme et fonctionnalismeReprésentation de l’homme

socialApports à la sociologie

Culturalisme L’homme social, c’est l’hommequi a intégré les élémentsculturels du groupe socialauquel il appartient par lasocialisation.

• Rejet de l’ethnocentrisme ;• Concept de rôle et de statut ; • Personnalité de base ;

Fonctionnalisme L’homme fait par la société. Ilest contraint dans soncomportement par lesinstitutions.

• Fonctions ; • fonctions latentes/manifestes ;• Groupe d’appartenance/référence,

socialisation anticipatrice et frustration relative ;

• Prédiction créatrice ;• Anomie ;• Dysfonctionnement ;

3.2 – Les développements de l’individualisme méthodologique

De courants sociologiques objectivistes à une sociologie subjectiviste

• Les sociologies objectivistes considèrent que les phénomènes sociaux sontextérieurs aux individus. Il convient de les étudier directement comme deschoses, sans se préoccuper du sens que les individus donnent à leurs actions. Lesens des actions n’est en fait qu’intériorisation de modèles de comportement etde schèmes d’actions définis en dehors d’eux-mêmes. Cela recouvre lasociologie de Durkheim amis aussi les sociologies fonctionnalistes etculturalistes.

• Les sociologies subjectivistes considèrent au contraire que les phénomènessociaux doivent être analysés en partant de la motivation qui pousse lesindividus à agir. Cela recouvre la sociologie wébérienne, la théorie du choixrationnel, la théorie de la rationalité ordinaire de Raymond Boudon. Cessociologies critiquent fortement le caractère hyper-socialisé de l’acteur socialdans les théories objectivistes.

3.2.1 – La théorie du choix rationnelLa théorie du choix rationnel :

• s’inscrit dans l’individualisme méthodologique parce qu’ellecherche à expliquer les phénomène sociaux en partant desdécisions individuelles ;

• considère que les individus sont rationnels et prennent leursdécision en procédant à une analyse coût/avantage (commel’homo oeconomicus) pour maximiser leur utilité.

3.2.1 – La théorie du choix rationnelA – Mancur Olson et le paradoxe de l’action collective (La logique de l’actioncollective - 1966)• Individualisme méthodologique ;

• Sa thèse : l’existence et la conscience d’une communauté d’intérêt à agir nesuffit pas à provoquer l’action collective : paradoxe de l’action collective ;

• Explication : l’action collective implique des coûts pour ceux qui y participent etprocure un avantage qui prend la forme d’un bien collectif, qui par naturebénéficiera à tous (du fait du caractère non excluable de ce bien), même à ceuxqui n’ont pas participé à l’action collective (et donc pas supporté les coûts) ;

• Partant, les individus rationnels ont (individuellement) intérêt à ne pasparticiper à l’action collective et à laisser les autres agir pour maximiser leursatisfaction (ils ne supportent ainsi aucun coût et bénéficient du bien collectifproduit par l’action collective). (comportement de passager clandestin)

• De ce fait, il est fort probable que l’action collective n’émerge pas

3.2.1 – La théorie du choix rationnelA – Mancur Olson et le paradoxe de l’action collective (La logique de l’actioncollective - 1966)Pour contrecarrer la logique du passager clandestin, les organisations ou les

mouvements sont obligées de mettre en oeuvre des incitations sélectives :• Une incitation est une mesure qui consiste à modifier le calcul coût-avantage

des individus pour les pousser à participer à l’action collective ;

• Cette incitation est dite sélective parce qu’elle ne cible pas tout le groupe mais

soit seulement ceux qui participent à l’action (dans le cas d’accord d’avantages),

soit seulement ceux qui s’abstiennent de participer (dans le cas de l’imposition

d’un coût).

• Des exemples d’incitations sélectives qui jouent sur les avantages : *fourniture

d’informations, *fourniture de services, *gestion de systèmes d’assurance….

• Des exemples d’incitations sélectives qui jouent sur les coûts : *pression morale

sur ceux qui ne participent pas ;

Pour Olson, la désyndicalisation s’explique par l’incapacité des organisations

syndicales à produire suffisamment d’incitations sélectives

3.2.1 – La théorie du choix rationnelB – L’impérialisme économique de Gary Becker• Un économiste (Prix Nobel 1992) ;

• dont les travaux s’inscrivent dans le courant de l’IM ;

• il considère que l’individu est rationnel et égoïste : il cherche en

permanence à maximiser sa satisfaction en faisant des choix à partir

d’une analyse coût/avantage ;

• il fait de l’économie la « grammaire universelle des sciences sociales », il

est le chantre de l’impérialisme économique ;

• il applique la méthodologie de l’économie néoclassique à des sujets

aussi divers que le crime, la famille (le mariage, la décision d’avoir des

enfants, le divorce), les études (il introduit la notion de capital humain)…

3.2.1 – La théorie du choix rationnelC – La rationalité limitée de March et Simon : une critique de la TCR

Rationalité au sens de la TCR Rationalité limitée

Accès à l’information Accès illimité à l’information

Accès limité à l’information

Capacités cognitives Très poussées : capacité à connaître et à analyser les coûts et les avantages de

toutes les situations possibles

Limitées : capacité à connaîtreet à analyser les coûts et les

avantages de seulement quelques situations parmi

toutes les situations possiblesPréférences Vision claire

des préférencesVision floue

des préférences (car évolutives)Type de choix Choix optimal : le meilleur des

choix possiblesChoix satisfaisant : la solution

qui lui paraît la meilleur subjectivement

3.2.1 – La théorie du choix rationnelC – La rationalité limitée de March et Simon : une critique de la TCR

Rationalité au sens de la TCR Rationalité limitée

Accès à l’information Accès illimité à l’information

Accès limité à l’information

Capacités cognitives Très poussées : capacité à connaître et à analyser les coûts et les avantages de

toutes les situations possibles

Limitées : capacité à connaîtreet à analyser les coûts et les

avantages de seulement quelques situations parmi

toutes les situations possiblesPréférences Vision claire

des préférencesVision floue

des préférences (car évolutives)Type de choix Choix optimal : le meilleur des

choix possiblesChoix satisfaisant : la solution

qui lui paraît la meilleur subjectivement

3.2.2 – L’individualisme méthodologique de Raymond Boudon

A – Les caractéristiques de l’IM de Boudon : un IM nuancé

• Une pensée sociologique qui s’inscrit dans la continuité de Weber :

- l’individu a de larges marges de liberté et d’autonomie ;

- Pour expliquer les phénomènes sociaux, il faut partir des motivationsindividuelles des actions, c’est-à-dire comprendre le sens que les

individus attribuent à leurs comportements ;

- Les motivations individuelles doivent être saisies à travers des idéaux-types ;

- Il retient les actions rationnelles de Weber (en finalité et en valeur)

- C’est l’agrégation des comportements individuels qui produit les

phénomènes sociaux.


A – Les caractéristiques de l’IM de Boudon : un IM nuancé

• L’IM de Boudon se distingue de l’IM de la TCR :- l’environnement dans lequel s’inscrit l’individu exerce des effets sur ce

dernier (préférences, attentes sociales…) et le contraint dans unecertaine mesure ;

- la rationalité des acteurs est limitée ;- la rationalité des acteurs peut être une rationalité en valeur (pas

uniquement une rationalité en finalité) ;- l’acteur n’est pas forcément égoïste ;

Þ L’IM de Boudon est donc un individualisme nuancé parce qu’il penseque l’acteur dispose de marges de liberté qui lui permettent de mettreen oeuvre des stratégies même si l’environnement dans lequel il s’insèrecontraint ses stratégies.


L’analyse du vote : une illustration de l’intérêt de l’IM nuancé de Raymond Boudon

• Point de départ = paradoxe du vote : pourquoi voter puisque chaque voix a unpoids négligeable ?

• Limite des explications instrumentales (rationalité en finalité) du vote ;

• Pouvoir explicatif du modèle de la rationalité en valeur : « Les gens votentparce qu’ils estiment qu’ils doivent voter. Et ils croient qu’ils doivent voter parcequ’ils ont des raisons fortes de le croire, ces raisons n’étant pas de cellesqu’envisagent la rationalité instrumentale »


B – L’étude des inégalités scolaires (L’inégalité des chances : 1973)

• L’information est imparfaite ;• La rationalité des acteurs est ordinaire et pas instrumentale ;

• Les individus se basent sur leurs croyances pour prendre leurs décisionsd’orientation ; ce sont ces croyances qui leur permettent d’apprécier lesavantages et les coûts de la poursuite d’étude ;

• Ces croyances sont influencées par le milieu social de l’individu puisqu’ellessont construite à partir de l’expérience de l’individu ainsi que celles de leursproches (familles, amis…) ;

• De ce fait, les familles populaires qui ont un accès plus faible à l’informationconcernant l’école ont tendance à surestimer les coûts et sous-estimer lesavantages (biais cognitif), ce qui les conduit à avoir de bonnes raisons (selonleur croyances) de choisir des filières courtes et peu sélectives.

Rationalité instrumentale Rationalité ordinaireUtiliser au mieux ses ressources pourparvenir au but fixé

Elaborer un raisonnement qui justifie une action plutôt qu’une autre.


B – L’étude des inégalités scolaires (L’inégalité des chances : 1973)


C – Effet d’agrégation et effet pervers• Exemple de l’école : les acteurs, pris individuellement, ont intérêt à allonger la

durée de leur scolarité pour accéder à une meilleure position sociale ;

• Mais si tous les acteurs font de même, on assiste à une inflation des diplômes: leur valeur chute ;

• L’accroissement de la durée des études ne permet pas de baisser lesinégalités, elles sont seulement translatées ;

• Ici les comportements individuels se traduisent au niveau collectif parl’apparition d’un phénomène non désiré, ce que Boudon appelle un effetpervers (résultat non désiré de l’agrégation des actions individuelles).

• Illustration : Paradoxe d’Anderson (1961) = le développement de la scolarité nefavorise pas ou très peu la mobilité sociale : « l’acquisition d’un diplôme scolairesupérieur à celui de son père ne garantit pas au fils une positions sociale plusélevée.


Synthèse – L’IM de Boudon (TRO) vs l’IM de la TCR

Points communs Différences

• Postulat de la rationalité des agents ;

• Explications des phénomènes collectifs en partant des motivations des actions ;

• L’agrégation des comportements individuels produit les phénomènes sociaux ;

• Saisie des motivation des individus à travers des types-idéaux (modèles) ;

• L’environnement exerce des effets sur les individus (préférences, rôles) ;

• Les stratégies des individus sont contraintes par leur environnement ;

• Rationalité limitée (information imparfaite)

• Rationalité ordinaire fondée sur des croyances et pas rationalité instrumentale ;

• L’acteur n’est pas forcément égoïste ;

4 – Les nouvelles sociologies : un ensemble de courants qui tentent de dépasser l’opposition individu-société

4.1 – La construction sociale de la réalité : interactionnisme symbolique etethnométhodologie

4.1.1 – L’interactionnisme symboliqueA – Les grandes caractéristiques de l’interactionnisme symbolique• Une sociologie qui s’inscrit dans la tradition relationniste ;• Pour agir dans une situation donnée, les individus doivent se représenter la

situation, c’est-à-dire imaginer les comportements que les autres attendent denous et les comportements que l’on peut attendre des autres ;

• L’objet que doit saisir le sociologue = la représentation de la situation parl’individu c’est-à-dire le sens qu’il donne à la situation

• L’individu n’est pas un idiot culturel : il est capable de se définir lui même aucœur de cette interaction, de produire le sens de cette interaction ;

• Une sociologie de la construction sociale de la réalité : chaque situation socialeest interprétée par les individus, cette interprétation donne un sens à lasituation et c’est ce sens qui produit leur actions ; la réalité n’existe pas pour lesindividus en dehors de ce qu’ils en pensent car c’est en fonction de ce qu’ils enpensent qu’ils agissent et donc que la réalité émerge.

• Sociologie qui rejette les méthode positivistes et privilégie les méthodesqualitatives

4.1.1 – L’interactionnisme symboliqueB – L’analyse interactionniste de la déviance (H.S. Becker, Outsiders – 1963)• La déviance ne se définit pas par la qualité de l’acte commis par

une personne ; • La déviance se définit comme une réalité qui est socialement

construite au cours de l’interaction ; • La déviance naît de l’interaction entre :- des entrepreneurs de morale…- ... et des individus qui transgresse les normes édictées par les

premiers• Ce n’est pas la transgression en elle-même de la norme qui définit

la déviance mais l’étiquetage, la qualification, la désignationd’une personne comme déviante par les entrepreneurs demorale, qui en donnant du sens à la situation crée la réalitésociale (ici la déviance)

B – L’analyse interactionniste de la déviance (H.S. Becker, Outsiders – 1963)

Déviance primaire, déviance secondaire et étiquetage

• Déviance primaire = transgression de la norme ;• Déviance secondaire = reconnaissance et qualification d’un acte comme

déviant par une instance de contrôle social.

• Les interactionnistes insistent fortement sur les processus par lesquels les actessont désignés comme déviants : étiquetage, qualification, stigmatisation ;

• Cette école considère donc que la déviance n’est qu’un rôle endossé par celuiqui est victime de la stigmatisation des autres ;

• Si ce rôle persiste, il peut entraîner une modification de la personnalité del’individu, une modification de sa perception du monde et de ses relationssociales.

Obéissant à la norme Transgressant la norme

Perçu comme déviant Accusé à tort Pleinement déviant

Non perçu comme déviant Conforme Secrètement déviant

B – L’analyse interactionniste de la déviance (H.S. Becker, Outsiders – 1963)

La carrière déviante• La notion de carrière renvoie, chez les interactionnistes, à l’évolution

progressive de la personnalité des individus, à l’évolution progressive del’image qu’ils ont d’eux-mêmes (leur identité) au cours de différentes étapes ;

• Les interactionnistes ont ainsi analysé la carrière déviante dont on peut isolertrois grandes étapes :

- 1ère étape : la transgression de la norme ;- 2ème étape : moment de la désignation publique, de l’étiquetage ;- 3ème étape : adhésion à un groupe déviant organisé qui permet de justifier son

engagement dans la carrière déviante et d’intégrer cette nouvelle identité ;

• « Ce ne sont pas les motivations déviantes qui conduisent au comportementdéviant mais, à l’inverse, c’est le comportement du déviant qui produit, au fil dutemps, la motivation déviante » (H. S. Becker, Outsiders, 1963)

4.1.2 – L’ethnométhodologie• L’ethnométhodologie est une sociologique qui, à l’instar, de l’interactionnisme

symbolique ou de la sociologie wébérienne qui postule que l’individu à desmarges de liberté dans ses actions : l’acteur social n’est pas un idiot culturel !

• Tout comme les interactionnistes, ils pensent que la réalité est socialementconstruite (cf. Le cas du transsexuel Agnès – DOC55)

• Contrairement aux interactionnistes, les ethnométhodologues n’interprètentpas, ne reconstruisent pas sous forme d’idéaux-types le sens que les individusdonnent à leurs actions. Ils ne font que retranscrire ce que disent les individussur leurs comportements. La réalité sociale correspond à ce que les individusen disent.

• Partant, il n’y a pas de réelle différence entre la connaissance scientifique dusocial et la connaissance ordinaire et la sociologie devient subjective ;

• Position très critiquée par les sociologues notamment Pierre Bourdieu : lasociologie ne peut pas être « un compte rendu des compte rendus » produitspar les acteurs sociaux » => problème d’objectivité de la science

Synthèse – les trois grands pôles sociologiquesPôle explicatif Pôle compréhensif Pôle herméneutique

Sociologie durkheimienne,

culturalisme,

fonctionnalisme

Sociologie wébérienne, IM

de Boudon, TCR,

interactionnisme symbolique

Ethnométhodologie

La réalité sociale est

extérieure aux individus

La réalité sociale a un sens

pour les individus

La réalité sociale est ce que

les individus en disent et en

font

Il faut expliquer les

comportements humains (la

réalité sociale) par des

causes extérieures : les faits

sociaux, la culture, les

institutions…

Il faut expliquer les

comportements humains en

interprétant le sens que les

individus donnent à leurs

actions (compréhension)

Il faut enregistrer les

représentations individuelles

des situations qui donnent le

sens de la réalité sociale et

leur permettent d’agir

Science objective : étude de

fait sociaux comme des

choses extérieures aux

individus

Distinction du savoir savant

et du savoir ordinaire

Science objective : étude des

activités sociales en

interprétant et en évitant les

jugements de valeur

Distinction du savoir savant

et du savoir ordinaire

Science subjective !!!

Impossibilité de distinguer

savoir savant et savoir

ordinaire

4.2 - La sociologie de Pierre Bourdieu• Une sociologie qui a profondément marqué la sociologie française ;

• Une sociologie qui s’appuie sur Durkheim, Weber, Marx et l’écoleinteractionniste ;

• Une sociologie qui repose sur des concepts spécifiques (champ, habitus,violence symbolique…) ;

• Une sociologie trop souvent présentée sous un mode déterministe…

• ... mais qu’il faut davantage comprendre comme une tentative de dépassementde l’opposition individu/société ;

Il faudra distinguer deux niveaux d’analyse dans la pensée bourdieusienne :

- analyse du cadre dans lequel se déroulent les interactions entre lesindividus…

- ... puis analyse de la formation des représentations et de leur rôle dans lecomportement des individus.

4.2.1 – Le champ social comme lieu des interactions entre individus

A – Qu’est-ce qu’un champ social ?

Pierre Bourdieu mobilise le concept de champ social :

- Espace social dans lequel se jouent des interactions entre des acteurs ;

- Chaque champ est relativement autonome des autres champs sociaux ;

- La position de chacun dans un champ est déterminée par la quantité détenuede capitaux valorisés dans ce champ ;

- Le capital n’est pas seulement économique, il peut être culturel, politique,social, symbolique…) ;

- Il existe donc un rapport de force entre les acteurs composant un champ : il y ades dominants et des dominés ;

- Il y a donc un conflit entre les acteurs présents dans un champ pour définir lesressources valorisées et transformer ou préserver le rapport de force ;

4.2.1 – Le champ social comme lieu des interactions entre individusB – Un exemple de champ : le champ scolaire

Pierre Bourdieu, Les Héritiers, 1964• Dans le champ scolaire, les individus sont en lutte pour obtenir des diplômes ;

• La réussite scolaire repose fortement sur la détention ou non de la culture légitime :la culture de la classe dominante.

• Les inégalités de réussite scolaire ne traduisent pas des différences de talents(prénotion) mais un accès inégal entre les élèves à la culture valorisée par l’école(celles des classes dominantes) ;

• Cependant, la véritable origine des inégalités de réussite scolaire est cachée : lesenseignants et les étudiants expliquent les réussites et les échecs par les mérites, lestalents de chacun ;

• Partant, la domination des élèves issus des catégories supérieures est légitimée,notamment à travers les jugements professoraux qui naturalisent des différencessociales…

• ... : c’est une forme de violence symbolique : les représentations rendent légitime etdurable la domination parce que l’élève vit ses résultats comme le produit naturel decapacités plus ou moins grandes et non pas comme le produit de son origine sociale.(Sociologie critique)

4.2.2 – L’habitus et la fabrication des représentationsPour Pierre Bourdieu, l’habitus : • correspond à l’intériorisation de l’extériorité ;• est un ensemble de dispositions durables et transposables :- dispositions : manières de penser, de percevoir et d’agir

intériorisées/incorporées de façon le plus souvent inconsciente par l’individu aucours des expériences sociales (= produit de la socialisation) ;

- durables mais pas immuables: les dispositions sont fortement ancrées dans lesindividus et même si elles peuvent se modifier, elles ont tendance à résister auchangement ;

- transposables : les dispositions acquises au cours d’expériences spécifiques sontremobilisées dans d’autres cadres d’expérience ;

• possède donc à la fois une dimension passive et une dimension active ;• est singulier : chaque habitus individuel est le produit d’une diversité

d’expériences sociales ;• permet aux individus d’agir spontanément en conformité avec leur

environnement (= sens pratique) les comportements semblent naturels,évidents ;

• peut être conduit à innover quand il se retrouve face à des situations inédites.

4.2.2 – L’habitus et la fabrication des représentationsDépasser l’opposition individu-société

• Les comportements individuels ne sont ni naturels, ni innés mais le produit denotre socialisation ;

• La socialisation est réalisée dans un champ social traversé par une lutte entreles dominants et les dominés ;

• Les individus ne sont pas passifs et peuvent donc agir pour changer lefonctionnement du champ ;

• Cependant cette action des dominés est rendue difficile par la violencesymbolique (ils méconnaissent les mécanismes de domination et considèrentcomme naturelles leurs positions individuelles) ;

• Ce sont les dominants qui imposent au dominés des représentations socialesqui conduisent à masquer les mécanismes de la domination ;

• Le rôle du sociologue est de dévoiler la réalité sociale ;• La sociologie est donc critique parce qu’elle fait apparaître les ressorts de la

domination d’un groupe sur un autre.

Les filiations multiples de la sociologie de Pierre Bourdieu

Influence durkheimienne :• Éviter les prénotions ;• Déterminismes sociaux

Influence wébérienne :• Approche nominaliste de la réalité

sociale ; • Eviter les jugements de valeurs• Domination

Influence marxienne :• Rôle du conflit ;• Rapports de domination

Influence de l’interactionnisme symbolique

• Les individus agissent car ils ont une représentation de la réalité sociale : construction sociale de la réalité

Constructivisme structuraliste de Pierre Bourdieu

4.3 – La sociologie des réseaux sociauxA – Les grandes caractéristiques de la sociologie des réseauxsociaux

• Un réseau social désigne en sociologie un ensemble de relations entre individus ou groupes sociaux ;

• Le concept trouve son origine dans la sociologie de Georg Simmel :les structures émergent des interactions et exercent sur cesdernières une contrainte qui n’a rien d’un déterminismemécanique ;

• Sociologie qui s’oppose aux conceptions sur-socialisées del’homme social…

• … mais aussi aux conceptions sous-socialisées de l’homme social.

B – Mark Granovetter : « La force des liens faibles » (1973)• Il s’intéresse aux individus en interaction : les réseaux sociaux

• Distinction de deux grands types de liens sociaux :

- Les liens faibles : liens caractérisés par leur faible fréquence, leur faibleintensité émotionnelle, de faible services réciproques…

- Les liens forts : liens caractérisés par leur forte fréquence, leur forte intensitéémotionnelle, d’importants services réciproques…

• Supériorité des liens faibles sur les liens forts pour permettre la circulation del’information ;

• Confirmée par son étude sur la recherche d’emploi : les individus trouventmajoritairement un emploi par leurs relations personnelles. Le plus souvent cesont des liens faibles qui permettent de trouver un emploi.

• Analyse qui permet d’articuler action individuelle et structure sociale : leréseau social est une interface entre individu et structure => dépassement del’opposition individu/société.

• L’approche sociologique permet de rendre compte de phénomènes jusque làignorés par l’approche économique.

Un prolongement de Granovetter : La théorie des trous structuraux de Ronald Burt

Le capital socialRobert Putnam, Bowling alone, 2000• Le capital social correspond, selon Putnam, l’ensemble des réseaux, des

normes et de la confiance sociale qui favorise la coopération entre lesindividus ;

• Putnam insiste sur la dimension collective du capital social => il produit des effets positifs pour l’ensemble de la société ;

• Façon de mesurer le capital social = nombre d’adhérents à des associations,l’intensité des relations informelles, la participation électorale… ;

• Putnam affirme que le capital social décline aux USA : preuve originale = ledéveloppement du bowling seul ;

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Chapitre 16 –Les grands courants de l’analyse sociologique … · 2020-06-21 · Chapitre 16 –Les grands courants de l’analyse sociologique depuis le 19ème siècle Lycée