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Homéopathie Connaissances et perspectives © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Plus de la moitié des Français (56 %) affirme consommer des médicaments homéopathiques en 2012, contre 53 % en 2010 et 39 % en 2004, d'après les résultats d'une étude réalisée par Ipsos pour le laboratoire Boiron, présentés vendredi 17 février 2012. Plus d'un tiers des personnes interrogées (36 %) déclare même être des consommateurs réguliers, soit une progression de 15 points par rapport à 2004. http://sante-medecine.commentcamarche.net/ news/113718-les-francais-se-tournent-de-plus-en-plus- vers-les-medicaments-homeopathiques La consultation homéopathique réussie ne peut se concevoir sans un bon niveau de communication entre le patient et le médecin. Elle est l'aboutisse- ment d'un échange relativement précis, au sein duquel la science nous sert de garde-fou et la culture de guide vers une meilleure compréhension du cas. Spécificités de la consultation homéopathique Diagnostic de la maladie Comme tous les médecins, nous faisons en pre- mier lieu le diagnostic de la maladie, ce qui nous permet de savoir si le cas du patient relève de notre discipline, mais nous ne pouvons, comme en médecine classique, en déduire le traitement. La tentation du spécifisme Chez nous, le spécifisme est le plus souvent voué à l'échec. Le prescripteur débutant aimerait avoir à sa disposition une homéopathie de type « allopathique », dans laquelle le nom de la maladie ou du symptôme fournirait automatiquement le nom du médicament. Il existe un certain nombre de circonstances où la prescription peut se faire de cette manière, comme une « recette », mais c'est loin d'être systématique. Quelques exemples de prescription systématique sont fournis dans le tableau 4.1. Les médicaments sont à donner en basse dynamisation (5 à 9 CH). Indications et limites De l'aigu au chronique De l'aigu au chronique, du psychique au soma- tique, de nombreuses affections peuvent être trai- tées par l'homéopathie – en totalité ou en partie. L'homéopathie est active dans ce qui est réver- sible, fonctionnel, psychique. Il faut exclure de son domaine d'action ce qui est d'origine lésion- nelle, génétique, et les pathologies mentales sévères. On peut dire en gros que les limites de l'homéopathie sont à estimer en fonction des pos- sibilités de défense de l'organisme. Maladies graves Les maladies graves sont, pour la plupart, orga- niques et, à ce titre, échappent aux indications des médicaments homéopathiques. Il n'empêche qu'en complément des médicaments classiques, de la chirurgie ou de tel ou tel autre geste indispensable, les médicaments prescrits selon le principe de simi- litude peuvent être utiles. À ce titre, une liste des principaux médicaments d'états graves pourrait être : Aceticum acidum (anémie, diabète de type 2 La consultation. De la similitude à l'ordonnance Chapitre 4 Alain Horvilleur

Chapitre 4 - Decitre.fr · matière de prescription. Il nous faut avant tout considérer l'ensemble des symptômes, dans tous les domaines de l'écono- mie, de la tête aux pieds,

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Page 1: Chapitre 4 - Decitre.fr · matière de prescription. Il nous faut avant tout considérer l'ensemble des symptômes, dans tous les domaines de l'écono- mie, de la tête aux pieds,

Homéopathie Connaissances et perspectives© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Plus de la moitié des Français (56 %) affirme consommer

des médicaments homéopathiques en 2012, contre 53 %

en 2010 et 39 % en 2004, d'après les résultats d'une

étude réalisée par Ipsos pour le laboratoire Boiron,

présentés vendredi 17 février 2012. Plus d'un tiers des

personnes interrogées (36 %) déclare même être des

consommateurs réguliers, soit une progression de

15 points par rapport à 2004.

http://sante-medecine.commentcamarche.net/

news/113718-les-francais-se-tournent-de-plus-en-plus-

vers-les-medicaments-homeopathiques

La consultation homéopathique réussie ne peut se concevoir sans un bon niveau de communication entre le patient et le médecin. Elle est l'aboutisse-ment d'un échange relativement précis, au sein duquel la science nous sert de garde-fou et la culture de guide vers une meilleure compréhension du cas.

Spécificités de la consultation homéopathique

Diagnostic de la maladie

Comme tous les médecins, nous faisons en pre-mier lieu le diagnostic de la maladie, ce qui nous permet de savoir si le cas du patient relève de notre discipline, mais nous ne pouvons, comme en médecine classique, en déduire le traitement.

La tentation du spécifisme

Chez nous, le spécifisme est le plus souvent voué à l'échec. Le prescripteur débutant aimerait avoir à sa

disposition une homéopathie de type « allopathique », dans laquelle le nom de la maladie ou du symptôme fournirait automatiquement le nom du médicament. Il existe un certain nombre de circonstances où la prescription peut se faire de cette manière, comme une « recette », mais c'est loin d'être systématique. Quelques exemples de prescription systématique sont fournis dans le tableau 4.1. Les médicaments sont à donner en basse dynamisation (5 à 9 CH).

Indications et limites De l'aigu au chronique

De l'aigu au chronique, du psychique au soma-tique, de nombreuses affections peuvent être trai-tées par l'homéopathie – en totalité ou en partie. L'homéopathie est active dans ce qui est réver-sible, fonctionnel, psychique. Il faut exclure de son domaine d'action ce qui est d'origine lésion-nelle, génétique, et les pathologies mentales sévères. On peut dire en gros que les limites de l'homéopathie sont à estimer en fonction des pos-sibilités de défense de l'organisme.

Maladies graves

Les maladies graves sont, pour la plupart, orga-niques et, à ce titre, échappent aux indications des médicaments homéopathiques. Il n'empêche qu'en complément des médicaments classiques, de la chirurgie ou de tel ou tel autre geste indispensable, les médicaments prescrits selon le principe de simi-litude peuvent être utiles. À ce titre, une liste des principaux médicaments d'états graves pourrait être : Aceticum acidum (anémie, diabète de type 2

La consultation .De la similitude à l'ordonnance

Chapitre 4

Alain Horvilleur

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qui se décompense soudainement), Aethyl sulfur dichloratum (œdème aigu du poumon), Ailanthus glandulosa (diphtérie maligne), Apis mellifica (réaction hyperallergique au venin d'abeille, ménin-gite, néphrite aiguë), Arsenicum album (anémie grave, asthme grave, cancer, choléra, gangrène, hémorragies, hépatite médicamenteuse, intoxica-tion alimentaire, pôle dépressif de la bipolarité, néphrite, pancréatite, septicémie), Aurum metalli-cum (angor, mélancolie suicidaire, pôle dépressif de bipolarité, myocardite), Belladonna (fièvre avec convulsions), Camphora (choléra, état de choc, collapsus cardiovasculaire), Carbolicum acidum (anaphylaxie), Carboneum sulfuratum (troubles neurologiques de l'alcoolisme, intoxication par

l'oxyde de carbone), Carbo vegetabilis (alopécie dans les suites d'une maladie grave, hypothermie, adjuvant au stade terminal des maladies), Crotalus horridus (coagulation intravasculaire disséminée, fièvre jaune, fièvre d'Ebola [ ? ], gangrène), Elaps corallinus (septicémie avec hémorragies de sang noirâtre), Helleborus niger (encéphalite, ménin-gite), Hydrastis canadensis (cachexie du cancéreux), Hydrocyanicum acidum (collapsus car dio vas-culaire), Lachesis mutus (anthrax, hémorragies, ictère grave), Latrodectus mactans (angor, infarctus du myocarde ou syndrome de menace), Lau-rocerasus (asphyxie du nouveau-né, collapsus, complications des cardiopathies), Mephitis puto-rius (crise d'asthme grave), Naja tripudians (à pres-crire sur la notion de lésion valvulaire, pour remettre en forme le cardiaque), Natrum muriaticum (ano-rexie mentale, médicament de fond de la bipolarité, maladies auto-immunes), Nitricum acidum (can-cer, en particulier digestif), Opium (accident vascu-laire cérébral, syndrome d'apnée du sommeil, occlusion intestinale, invagination intestinale), Phosphorus (cirrhose du foie, hémorragies, hépa-tite, nécrose osseuse, néphrite chronique, pancréa-tite, purpura, hébéphrénie), Silicea (ostéomyélite, ostéoporose, suppuration chronique), Sulfur (aller-gie grave, diabète), Tarentula cubensis (anthrax grave, septicémie, douleurs au cours de la phase terminale de la vie), Veratrum album (choléra, col-lapsus), Veratrum viride (accident ischémique tran-sitoire, accident vasculaire cérébral), Zincum metallicum (maladie neurologique grave qui n'ar-rive pas à se faire jour).

Diagnostic du médicament

Après le diagnostic de la maladie, fondé sur les signes pathognomoniques, nous faisons le diagnostic du médicament, fondé sur la similitude et centré sur le patient. Il s'agit de faire coïncider deux tableaux, le tableau symptomatique expérimental d'un médica-ment avec le tableau symptomatique clinique , et d'en déduire le nom du médicament à prescrire. En quelque sorte, le médicament ressemble à la maladie ( tableau 4.2 ). Nous prenons le patient en charge de façon aussi médicale que possible, écoutant le motif de la

Tableau 4.1 Quelques exemples de prescription

systématique

Diagnostic Médicament systématique

Accouchement (préparation à l’) Caulophyllum thalictroides

Aigreurs ou brûlures digestives Iris versicolor

Aphtes buccaux Mercurius solubilis

Bulle cutanée Cantharis

Café (intoxication par le) Nux vomica

Coccyx (chute sur le) Hypericum perforatum

Cordes vocales (fatigue des) Arum triphyllum

Dyshidrose Rhus venenata

Épuisement nerveux Phosphoricum acidum

Indigestion Nux vomica

Insolation Glonoinum

Intoxication alimentaire Arsenicum album

Lucite Apis mellifica

Ménisque (douleurs dues à un) Petroleum

Pancréatite Phosphorus

Panique (attaque de) Aconitum napellus

Piqûre d'insecte Apis mellifica

Rhume des foins Galphimia glauca

Spasmes du sanglot Ignatia amara

Tétanie (crise de) Cocculus indicus

Terreurs nocturnes Stramonium

Traumatisme, chute, coup, contusion

Arnica montana

Ulcère de cornée Mercurius corrosivus

Urticaire Apis mellifica

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consultation, recherchant les antécédents, l'en-semble des plaintes, les signes pathognomoniques, pratiquant un examen clinique et demandant, s'il y a lieu, des examens paracliniques. Nous nous intéressons non seulement aux signes , c'est-à-dire aux manifestations qui permettent d'objectiver la maladie, mais également aux symptômes qui, eux, correspondent à la manifestation réactionnelle, le plus souvent subjective, du malade à son état. Le symptôme à usage homéopathique n'est pas un événement isolé ; il doit être intégré dans l'en-semble de ce que le patient peut ressentir, qu'il ait repéré lui-même, ou non, tous les aspects de sa maladie. Nous observons son attitude au cours de la consul-tation, ses menus faits et gestes, sa manière de mar-cher, de s'asseoir, de parler, ce qui nous permet d'avoir, à travers un nombre restreint mais généra-lement suffisant de symptômes et de notations, une bonne représentation de son état. Si nous sommes attentifs, il éclaire lui-même son cas : la précipitation d'Argentum nitricum quand il se dirige vers le bureau ou quand il parle, le fait que Phosphorus rapproche sa chaise ne nous sont pas indifférents. Arsenicum efface un pli sur un drap d'examen, choisit des mots dignes d'un classique de la littérature, ne se perd jamais en digressions. Pulsatilla se met à pleurer en rougissant dès qu'elle commence à parler. Sepia pleure également mais elle devient pâle. Ignatia cherche à nous manipu-ler. Natrum muriaticum emploie des périphrases déconnectées de sa réalité, des généralisations der-rière lesquelles il se cache, une sorte de langue de bois. Sulfur nous offre un visage rouge et jovial et refait le monde à notre intention. Lachesis, avec

ses coq-à-l'âne, nous emmène très loin dans son discours – trop loin par rapport à ce qui est néces-saire à notre information. Cela ne fonctionne pas pour tous les patients, mais lorsque nous avons la possibilité de faire de telles remarques, le cas est déjà bien avancé, parfois même avant que la consultation ne commence véritablement. Il ne faut pas confondre cette typologie dyna-mique, vivante, avec la typologie statique fondée sur l'aspect extérieur et les caractéristiques géné-rales (taille, forme du crâne, couleur des yeux, couleur des cheveux, forme des dents), autrement dit les constitutions , lesquelles sont aléatoires en matière de prescription. Il nous faut avant tout considérer l'ensemble des symptômes, dans tous les domaines de l'écono-mie, de la tête aux pieds, du psychisme à la peau, de l'organique au fonctionnel, au cours d'une consultation souvent assez longue et riche en contenu humain. Nous devons cependant éviter le piège du réductionnisme qui consisterait à ne voir que les symptômes et pas le patient dans son intégralité.

Clinique homéopathique

La clinique homéopathique serait particulière si l'on pouvait redéfinir les syndromes en fonction du nom des médicaments. S'il suffisait d'étudier le syndrome Argentum nitricum, la « sulfurite », la maladie de Thuya occidentalis, l'arthrose de Causticum, etc., nous aurions une nosologie spécifique relativement facile à identifier. En fait, derrière ces regroupements utopiques de symp-tômes, il n'y a pas de réalité anatomopatholo-gique univoque. Le médecin qui pratique l'homéopathie agit à la manière clinique habituelle mais porte un regard original sur les symptômes du patient. Il les consi-dère comme une tentative de réaction de l'orga-nisme à la maladie et non comme la maladie elle-même. La fièvre est bactériostatique ou bacté-ricide, la douleur constitue une alerte, la toux éli-mine les corps étrangers, etc. Lorsqu'il applique la similitude, le médecin agit dans le même sens que les symptômes dans le but de favoriser un proces-sus d'autoguérison. À ce titre, il privilégie les

Tableau 4.2 Exemple de diagnostic du médicament *

Tableau symptomatique clinique Tableau

symptomatique

expérimental

Peau rosée Œdème Prurit Piqûre + brûlure Amélioration par le froid

Peau rosée Œdème Prurit Piqûre + brûlure Amélioration par le froid

Urticaire (résultat du diagnostic) Apis mellifica

* Les deux tableaux sont semblables, ce qui amène à prescrire Apis mellifica.

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symptômes les plus « frappants, singuliers, extraor-dinaires, caractéristiques » (paragraphe 153 de l’ Organon de Hahnemann). La majeure partie du matériel informatif recueilli par l'homéopathe à l'instant du diagnostic théra-peutique relève de la subjectivité du patient. On ne doit retenir que ce qui lui appartient vraiment, donc tendre vers une certaine objectivité de la sub-jectivité , en quelque sorte faire le diagnostic de la personne qui nous fait face. Comme toute activité humaine, la consultation médicale est codée, que nous en soyons conscients ou non. Le patient, au-delà des informations qu'il nous donne sur ses symptômes, émet une série de signaux indiquant comment il vit sa maladie, mais aussi qui il est, les particularités de son milieu familial et professionnel, sa conception du monde, etc. Le médecin homéopathe doit pouvoir lire ces informations « annexes » qui lui parviennent sans être obligatoirement verbalisées mais qui sont sus-ceptibles de faciliter le diagnostic thérapeutique. Le comportement du patient est la résultante de son histoire personnelle, de son éducation, du milieu dans lequel il vit, le tout avec l'approbation, l'action sous-jacente ou les interdits de son incons-cient . Si nous voulons percevoir sa réalité inté-rieure, distinguer ce qu'il exprime de ce qui lui a été transmis, en un mot individualiser son cas, nous devons nous intéresser à sa façon de commu-niquer et aux moyens d'optimiser notre commu-nication avec lui. Le corpus des sciences humaines nous offre, à ce titre, des outils de réflexion susceptibles de nous aider à comprendre le patient. Nous sommes avant tout intéressés par ses réactions person-nelles, indépendamment de la culture dans laquelle il baigne et qui influence nécessaire-ment son style de vie. Si un symptôme concerne les autres, l'ensemble de sa communauté (un désir de mets très relevés chez une personne d'origine orientale par exemple), il n'est pas l'expression de son habitus. La culture est indis-pensable à connaître, ne serait-ce que pour l'éli-miner de notre réflexion : nous devons adopter, pour mieux prescrire, une démarche à contre-culture.

Optimiser la consultation

La consultation est une relation singulière dans laquelle deux sachants confrontent leurs expé-riences. Le patient est le seul à pouvoir décrire ses symptômes, ainsi que leur répercussion dans sa vie et celle de son entourage. Dans le but de le traiter efficacement, le médecin homéopathe l'amène à exprimer ce qu'il ressent, ce qu'il cherche à cacher, ce qu'il oublie. Ce que le patient ne dit pas est aussi important, parfois plus, que ce qu'il dit.

Interrogatoire ou entretien ?

Communication interpersonnelle

La communication interpersonnelle, selon le terme consacré depuis une cinquantaine d'années par Gregory Bateson [ 1 ] et l'école de Palo Alto (Californie), est donc indispensable pour qu'il se passe quelque chose de réellement prégnant entre le patient et le médecin homéopathe. Elle s'établit pour des raisons techniques et non parce que l'ho-méopathe se veut différent.

Les techniques de communication interperson-nelle – autrement dit, la manière dont les indivi-dus échangent entre eux des informations, des idées et des affects – peuvent nous aider à atteindre notre but. Tout s'organise autour de la notion d'émetteur/récepteur, selon le schéma :

( ) ( )A B

émetteur récepteur→

Un des deux partenaires est l'émetteur du mes-sage, l'autre le récepteur. L'un dit, l'autre écoute. Ceci, en fait, est un schéma simplifié. La commu-nication fonctionne dans les deux sens et il vaut mieux admettre le schéma :

récepteur/émetteur émetteur/récepteur

(A) (B)

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A et B sont à la fois émetteur et récepteur, d'où l'expression : « communication interpersonnelle ». Dans le cadre de la consultation, un des deux per-sonnages est le patient, l'autre le médecin. La com -munication entre eux est à la fois verbale et non verbale.

Communication verbale

Les mots ne sont pas choisis au hasard, ni pronon-cés dans n'importe quel ordre. L'émetteur res-pecte la syntaxe de la langue, c'est-à-dire l'ordre communément admis pour le sujet, le verbe, le complément, etc., et celui des diverses proposi-tions de la phrase. Dans ce cadre théoriquement rigide, il peut faire varier les mots dont il a besoin en fonction de ce qu'il veut exprimer, en particu-lier ses sensations et ses sentiments. Il peut aussi bien déclarer : « Ma douleur est forte », « Ma dou-leur est intolérable », « Ma douleur est atroce », etc. Les mots « forte », « intolérable », « atroce » consti-tuent un paradigme , c'est-à-dire un ensemble d'unités lexicales pouvant figurer les unes à la place des autres dans la phrase sans perturber la syntaxe. L'emploi de tel ou tel mot n'est pas le fruit du hasard. Il résulte d'un choix fait par le patient dans son éventail paradigmatique, lequel dépend de son vocabulaire, de sa personnalité, de l'humeur du moment, de son degré d'attention. Les mots, s'ils sont porteurs d'une notion commune (dans l'exemple ci-dessus, celle de grande douleur), ont entre eux des écarts par rapport à leur signification principale, c'est-à-dire des connotations suscep-tibles de faire évoluer le contexte .

Communication non verbale

« On ne peut pas ne pas communiquer » constate l'école de Palo Alto , mais il y a, pour le faire, d'autres moyens que les mots. Les études montrent que, dans la compréhension d'un message, le sens des mots compte pour 7 %, l'intonation pour 38 %, la gestuelle pour 55 %. On doit également retenir l'importance des silences (signes de pudeur, de réflexion, de répression d'une émotion, d'attente), l'expression du visage, les mimiques, le regard, l'attitude générale du patient, la distance qu'il choisit de mettre entre lui et le médecin, le choix de ses vêtements (les vêtements sombres de Sepia,

carrément noirs d'Arsenicum, pastel de Pulsatilla peuvent retenir notre attention), de ses bijoux, de ses lunettes, le livre qu'il tient à la main, la manière dont il fouille dans son dossier médical, etc. La communication non verbale est moins contrô-lée que la parole, moins programmée par l'éduca-tion ; c'est pourquoi elle a de l'importance. Nous devons en tenir compte au cours de la consulta-tion car elle peut nous aider à poser des questions pertinentes.

L'implicite

Les émissions verbale et non verbale se font simul-tanément, mais elles ne sont pas obligatoirement porteuses du même message. Parfois, il y a adé-quation, cohérence et même redondance (notre interlocuteur dit et montre la même chose). Il peut y avoir également contradiction entre ce qui est dit et les signaux émis, et la différence, généra-lement involontaire, est significative. Dans ce cas, c'est souvent le non-verbal qui nous met sur la piste du symptôme. Nous devons être attentifs à tout ce qui est ambigu, implicite, et même volon-tairement ou involontairement tu. La manière dont le patient communique sur le plan verbal et non verbal résulte de sa subjectivité (sa conscience individuelle des phénomènes exté-rieurs à lui). La subjectivité, point de vue person-nel qui exclut la nécessité de faire le tour d'un problème, est elle-même à la base de la notion d’ image . L'image est l'apparence de la réalité, telle qu'elle est conçue de manière originale et person-nelle par le locuteur – ici le patient – sans obliga-toirement correspondre à la réalité elle-même. Ce dernier parle et agit en fonction de l'image qu'il a de lui-même, de son entourage, du médecin, de l'homéopathie, du monde en général. En face de lui, le médecin, s'il veut analyser correc-tement ce qui est exprimé, doit se méfier de sa propre subjectivité, donc de l'image qu'il peut avoir du patient. Il doit découvrir la personne authen-tique et non son image, ce qui mènerait à l'échec. Autant il est souhaitable que l'attitude du patient soit spontanée, naturelle, autant il est préférable de la part du médecin d'adopter une attitude, certes aussi naturelle que possible afin de faciliter les échanges, mais comportant un certain recul.

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C'est très proche de l'art du théâtre, au sens où il est conçu actuellement : le comédien cherche en lui-même les sentiments et les exprime de façon sincère, en évitant cependant toute implication douloureuse. De même, l'attitude du médecin se doit d'être sincère mais distanciée. Au-delà de la mise en perspective des symptômes et du vécu du patient, et dans le but d'assurer le diagnostic cli-nique et thérapeutique, le médecin homéopathe a donc intérêt à se mettre en état d’ empathie . Ce terme a été proposé par Carl Rogers (1920), qui le définissait ainsi : « Présence intuitive à autrui dans laquelle nous ne sommes plus centrés sur nous-mêmes mais sur autrui. Totalement attentif à ses sentiments, tout en restant profondément nous-mêmes, mais sans crispation. » Il s'agit d'un état de réceptivité affective, de conscience des senti-ments, qui permet la compréhension profonde, sinon totale, de l'autre. Chaque diagnostic réussi peut et doit se faire sur l'empathie. L'homéopathie est fondée sur une philosophie humaniste qui s'accommode fort bien de la notion de communication interpersonnelle. De manière à obtenir des symptômes caractéristiques, nous pouvons retenir les expressions verbales et non verbales du patient lorsqu'elles constituent un écart par rapport à la norme. Le langage de la science est dénoté, ce qui permet de manipuler des concepts et de garder le contact avec la réalité objective. Le langage quotidien est, au contraire, connoté ; c'est celui qu'utilise le patient et que l'on trouve, en grande majorité, dans la Matière médicale homéopathique. Le comportement verbal et non verbal du patient nous indique la manière d'être en phase avec lui afin d'obtenir les bonnes réponses. Il est recom-mandé de noter ses mots et expressions, ce qui nous permet de les employer à notre tour et de mieux communiquer avec lui. Nous devons être particulièrement attentifs à ce qui est non conven-tionnel dans ses déclarations, à ce qui ne cadre pas avec ce que l'on sait de lui ; il y a là un réservoir de questions à ne pas négliger. Le choix du simillimum (le médicament le plus semblable) dépend beaucoup de la qualité de l'ob-servation. En étant attentifs, nous pourrons repé-rer plus facilement les polychrestes et les classer

d'après leur manière de communiquer. Parmi les communicants, on peut retenir : Argentum nitri-cum, Lycopodium clavatum, Nux vomica, Phos-phorus, Pulsatilla, Sulfur. Aux non-communicants appartiennent : Arsenicum album, Calcarea phos-phorica, Ignatia amara, Natrum muriaticum, Phosphoricum acidum, Sepia, Silicea, Staphysagria.

L'entretien

Dans un premier temps, le médecin parle peu : il écoute, observe, privilégiant ainsi les fonctionnalités de son sensorium. Cela suppose qu'il soit attentif, capable de se concentrer, patient, rigoureux dans l'analyse et la réflexion, généreux de son temps. Hahnemann parle des qualités du médecin ho méopathe dans les paragraphes 83, 84, 98 de son Organon . La question n'est donc pas nou-velle, mais elle prend une résonance toute parti-culière aujourd'hui, du fait qu'elle semble aller à contre-courant dans notre monde en perpétuelle accélération et tourmenté par l'individualisme. Classiquement, une consultation médicale com-mence par un interrogatoire , mais dans le contexte socioculturel actuel, et tout spécialement dans le domaine de l'homéopathie, il est préférable de parler d’ entretien , ce qui rend mieux compte de la symétrie des deux compétences. Le patient sait des choses que lui seul peut connaître. Rien n'égale ses déclarations spontanées, celles qui lui viennent en premier et à propos desquelles il est parfois intarissable ; mais ensuite il nous appartient de le guider sans l'influencer. Utilisant sa double compétence – diagnostic de la maladie, diagnostic du médicament –, le médecin homéopathe propose un traitement. On peut presque parler de triple compétence car il lui est difficile, même s'il est très professionnel, de faire l'impasse sur son statut de malade potentiel. C'est ce qui différencie la science de la médecine : le fait que le patient soit pris en charge par un être humain avec tout ce que cela comporte d'approxi-mation, certes, mais aussi d'altruisme, de perspica-cité et d'exigence. La confrontation des deux expériences est un système complexe où deux réseaux se connectent dans le but de réaliser une évaluation aussi complète que possible de l'état du patient.

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Chapitre 4. La consultation. De la similitude à l'ordonnance 41

L'entretien doit être souple, interactif, non diri-giste. Tout en visant un résultat précis – le similli-mum –, les questions doivent être vagues, ouvertes afin d'influer le moins possible sur les réponses. L'homéopathe évite également de poser des ques-tions à partir de la Matière médicale d'un médica-ment qui lui vient à l'idée au détriment potentiel des autres. Si l'on est amené à interpréter les symptômes, il vaut mieux que ce soit au moment de la synthèse plutôt que de l'anamnèse. La Matière médicale est notre référence, mais elle ne doit pas constituer un filtre qui nous empêcherait de voir le patient. Bien entendu, cette présenta-tion constitue un modèle que nous essayons d'ap-pliquer à chaque fois que possible tout en ayant conscience que nous faisons comme nous pou-vons en fonction de ce qui nous est donné. En résumant, en simplifiant, on peut dire que le médecin homéopathe, dans l'idéal, doit prendre la position du chasseur à l'affût. Il ne s'agit pas d'at-tendre passivement le simillimum mais plutôt d'adopter une attitude active secondaire qui nous permette de le repérer quand il passe à notre portée. Il ne faut pas obligatoirement fixer le patient sur son problème médical ni lancer des questions qui lui permettraient de déceler notre intention. Quand il quitte la piste de ses symptômes, quand il parle d’ « autre chose », il parle encore de lui. Bien entendu, on l'interrompt le moins possible. Les questions sont courtes et ambiguës, alors que les réponses les plus longues et les plus descriptives – non induites – sont celles qui nous intéressent le plus : « Pourquoi venez-vous me voir ? Que res-sentez-vous exactement ? Depuis quand ? Dans quelles circonstances ? Qu'est-ce qui est important dans ce que vous venez de dire ? Si vous n'aviez droit qu'à un symptôme, lequel choisiriez-vous ? Pouvez-vous être plus précis ? M'en dire plus ? Me donner un exemple ? » Les réponses doivent être analysées avec un certain recul et contrôlées par d'autres questions afin de s'assurer que le patient s'est authentiquement révélé et qu'on a bien com-pris ce qu'il a voulu dire. Quand le patient croit avoir épuisé ce qu'il est venu dire, on lui pose des questions « tous azi-

muts », sans idées préconçues. On lance des ques-tions ouvertes auxquelles il ne peut répondre par « oui » ou par « non ». Il s'agit de chercher à tout prix à ce qu'il se livre. On doit respecter ses silences, lui laisser le temps de chercher un mou-choir, lui faire comprendre que ses hésitations sont naturelles et tout à fait acceptables. Simultanément, on observe ses réactions : rou-geur émotive ou pâleur, pleurs, mouvements de recul, visage qui s'éclaire, amusement, etc., autant de réactions susceptibles de nous donner des indi-cations sur la fiabilité des symptômes que nous sommes tentés de retenir. Les symptômes les plus intéressants sont ceux qui sont accompagnés d'at-titudes ou de mimiques confirmatives, précis (les notions de « fièvre » ou de « mal de tête » sont insuffisantes), nets, répétitifs, personnels, origi-naux, décrits plutôt qu'expliqués. Quand le patient semble avoir épuisé ce qu'il a à dire, quand on a l'impression d'avoir fait un tour complet de son problème, on se tourne vers l'ac-compagnant éventuel et on lui demande s'il a des compléments d'information à donner. Les manifestations à rechercher appartiennent à tous les domaines. Les symptômes mentaux concernent : • l'humeur : tristesse, désespoir, pleurs, peur de la

mort, gaieté, irritabilité ; • le caractère : jalousie, précipitation, lenteur, émo -

tivité, impatience, méticulosité, tendance à la colère, etc.

• la sexualité ; • le sommeil : facilité ou non de l'endormisse-

ment, position pendant le sommeil, rêves, paroles, cris, pleurs, réveil pendant la nuit, état au réveil ;

• le rapport aux autres : recherche ou évitement de la compagnie, bouderie, sensibilité au mal-heur des gens.

Les symptômes généraux sont : sueurs, fièvre, syn-cope, vertige, fatigue. Les symptômes localisés aux organes sont, pour le patient, les plus faciles à aborder : • la tête : céphalées et migraines, symptômes ocu-

laires et auriculaires ; • le cou : cervicalgie, gorge, etc. ;

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• la poitrine : symptômes pulmonaires et cardiaques ; • le rachis : douleurs, mobilité, attitude ; • l'abdomen : troubles digestifs en particulier ; • les organes génitaux : règles (âge des premières

règles, symptômes avant, pendant ou après les règles, ovulation, fréquence, abondance des rè -gles, caillots, durée, couleur, odeur ; psychisme pendant les règles) ;

• les membres : état des articulations, des muscles et tendons, des veines et artères, etc. ;

• la peau, les phanères, etc. L'homéopathe s'intéresse également aux causali-tés . Il ne s'agit pas de symptômes à proprement parler mais de circonstances susceptibles de les déclencher, qu'elles soient de nature physique (ingestion d'un aliment, surmenage, climat, trau-matisme) ou morale (suites de chagrin, émotion, contrariété, joie, peurs, colère, déception, vexa-tion, mauvaise nouvelle, deuil). La causalité est la cause des symptômes alors que l'étiologie est la cause de la maladie. Les modalités sont également à considérer. Il s'agit de la coloration des symptômes, de leur variation en hypo- ou en hyper- en fonction des circonstances de vie : aggravation ou amélioration par les événements extérieurs, l'effort physique, le repos ou le mouve-ment, les fonctions physiologiques, les applications externes, le temps qu'il fait, les lieux, etc. La latéralité est de moindre importance car les statistiques jouent contre elle. Il y a une chance sur deux qu'une angine, si elle est unilatérale, débute ou soit localisée à droite ou à gauche. Il n'y a rien de frappant dans ce fait. En revanche, si l'on traite un terrain et qu'une angine se manifeste toujours à droite ou toujours à gauche, on peut, à la rigueur, tenir compte de cette caractéristique, sans en faire le pivot de la décision.

Examen

Quand vient le temps de l'examen, l'homéopathe regarde, palpe, ausculte son patient, etc. de la même manière que ses confrères, mais certaines particularités attirent toutefois son attention : l'as-pect d'un eczéma en farine (Arsenicum album), sous forme de petites vésicule cernées d'une zone inflammatoire (Rhus toxicodendron) lui donne

des indications thérapeutiques, au moins pour un médicament symptomatique ; une dyspnée , des lèvres cyanosées (Carbo vegetabilis), un souffle cardiaque (Naja tripudians) peuvent le mettre sur le chemin du médicament.

Le temps du diagnostic

Sélection

Nous accordons une certaine cohérence aux sym-ptômes, ce qui nous amène à choisir le traitement qui convient, ou plus exactement à identifier le simillimum , parmi les quelque 3000 candidats médicaments de la Matière médicale. Il s'agit d'un travail de sélection, d'individualisation des cas sans idée préconçue ni routine, en fonction du patient, et non de nos préférences. Il faut signaler que l'homéopathie est particulière-ment intéressante quand aucun diagnostic précis ne peut être porté, quand aucune « étiquette » ne peut être accolée aux symptômes. Si le médicament couvre bien le cas, il sera efficace quels que soient le mécanisme sous-jacent et/ou notre interprétation, alors qu'en allopathie la prescription est relative-ment dépendante du diagnostic nosologique.

Outils de confirmation

À ce stade, le médecin a une bonne idée de ce qu'il va donner à son patient. L'expérience aidant, il peut être à peu près sûr de sa prescription ou avoir besoin de confirmer son intention, ou de trouver une nou-velle question. Avant de rédiger l'ordonnance, il peut tenter d'infirmer son projet thérapeutique, et même d'en chercher une autre afin de voir com-ment son hypothèse résiste. Les outils de confirma-tion à sa disposition sont les matières médicales, les répertoires, qu'ils soient imprimés ou informatisés, et les livres de thérapeutique. Il faut bien entendu savoir échapper à toutes ces routines, être créatif et ne jamais perdre de vue le patient.

Matières médicales

Les matières médicales sont plus ou moins déve-loppées. Les matières médicales synthétiques sont celles qui permettent au mieux de réviser un médi-cament au cours de la consultation, de retrouver

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un détail qu'on a oublié ou qu'on ignorait, de mieux « sentir » le médicament, et d'avoir une bonne idée de l'esprit dans lequel on doit le prescrire. Cependant, les matières médicales de référence , extensives, celles qui rapportent les pathogénésies dans leur entier, ne sont pas inutiles. Il est recom-mandé d'en avoir une à sa disposition, par exemple celle de Hering [ 2 ]. Elles ont un intérêt quand on cherche un détail précis dans un appareil précis. Exemple : « Quel est le genou de Pulsatilla ? »

Répertoires

On peut considérer les répertoires comme des matières médicales à l'envers dans lesquelles les entrées sont les symptômes et les données le nom des médicaments qui leur correspondent. Certains les utilisent comme des index et se contentent de repérer le médicament qui convient. Ils cherchent la confirmation d'une impression, le rappel d'un souvenir ou encore la découverte d'un médicament rarement rencontré en clinique et qu'ils connaissent mal. Un patient se plaint d'une sensation de repta-tion dans l'estomac : comment savoir quels sont les médicaments qui ont ce symptôme sans consulter le répertoire ? Page 648 du répertoire de Kent [ 3 ], on trouve : « Sensation de reptation : Agar., Alum., Ars., Bry., Cocc. , Colch., Lact., Lyc., Nat-c., Nux-v., Puls. » Si les autres symptômes agréent, on peut choisir l'un des médicaments de cette liste. Les répertoires servent également – c'est leur principale utilité – à effectuer des répertorisations , c'est-à-dire des croisements de renseignements.

Livres de thérapeutique

Les livres de thérapeutique, qui donnent des ren-seignements en fonction de la nosologie , sont éga-lement à notre disposition. Leur principal intérêt est de fournir la liste des médicaments les plus fré-quemment indiqués dans une pathologie donnée.

Prescription

Les stratégies de prescription sont variables d'un médecin à l'autre, parfois d'un patient à l'autre. Toutes doivent cependant être fondées sur la simi-

litude et comporter, au moins, le médicament indiqué par les symptômes.

Un ou plusieurs médicaments ?

Unicisme

L'unicisme consiste à n'inscrire qu'un seul médica-ment actif sur l'ordonnance. Il s'agit d'un idéal, dans lequel chaque homéopathe peut se recon-naître, mais qui n'est pas repris par tout le monde, en particulier en France. Le principe est très satisfai-sant pour l'esprit. Il permet de savoir ce qu'on fait dans un cas donné ; de se prouver, si le résultat est au rendez-vous, qu'on sait reconnaître le médicament en question et qu'on a bien compris son patient. Ce que l'on peut reprocher cependant à certains uni-cistes (non pas à l'unicisme en tant que tel), ce n'est pas leur pratique, mais de figer leur mode de pres-cription alors que dans certains cas l'unicisme est difficile – voire impossible – à appliquer. L'ordonnance uniciste ne comporte qu'un seul médicament, parfois une seule dose (associée, ou non, à des placebos ). Cependant, il est exception-nel, voire impensable, qu'un patient ait besoin du même médicament, fût-il de « terrain », de « mala-die chronique », pendant toute sa vie. La plupart des ordonnances unicistes représentent une suite, au fil des consultations, dans laquelle le médica-ment recommandé change de temps à autres, sou-vent, ou à chaque fois selon les circonstances et les prescripteurs.

Pluralisme

Le pluralisme consiste à donner plusieurs médica-ments sur la même ordonnance. Les deux princi-paux types sont le médicament symptomatique et le médicament de fond.

Médicament symptomatique

Le médicament symptomatique correspond avant tout au traitement d'une maladie aiguë. Dans les cas chroniques, il couvre les symptômes occasion-nels, sans prendre en compte toute l'histoire du patient. Il convient à une circonstance bien précise et généralement limitée dans le temps, ce qui ne l'empêche pas de concerner l'individu dans son

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entier. Pour le déterminer, on explore tous les organes et toutes les fonctions. Exemple : un patient a un eczéma sous forme de petites vésicules au liquide jaune citrin entourées d'une aréole rouge associées à un prurit calmé par les applications chaudes. Rhus toxicodendron est le médicament qui s'impose. On peut le donner avec de très grandes chances de succès, soit au coup par coup à chaque crise, soit dans une ordon-nance suivie régulièrement pendant quelque temps, donc à titre de médicament symptoma-tique de la maladie chronique. Si un autre symp-tôme de Rhus toxicodendron lui est associé, par exemple le rêve de grands exercices, la fiabilité de la prescription s'en trouve augmentée.

Médicament de fond

C'est en prescrivant le médicament de fond que nous avons nos meilleurs résultats. Il est indispen-sable dans de nombreuses situations, notamment une maladie chronique ou une maladie à rechutes. Il peut également être utilisé en cas de polypatholo-gie (exemple : arthrose + malformation cardiaque + infection urinaire à répétition). Si nous ne sommes pas en mesure d'établir un lien cohérent entre ces diverses maladies, l'organisme du patient, lui, sait se débrouiller à partir du moment où il reçoit la bonne information, c'est-à-dire le simillimum. Il faut éga-lement tenir compte des cas où le patient fait remonter son état à une cause précise mais après laquelle il ne s'est jamais senti bien, un accouche-ment, un traumatisme, une grippe, un deuil, etc., et tenir compte de tous les symptômes apparus depuis cet événement. Selon les patients, les habitudes du médecin homéo-pathe et/ou les circonstances, on peut être amené à ajouter : • un biothérapique , médicament préparé à l'avance à

partir de produits d'origine microbienne, de sécré-tions ou d'excrétions pathologiques, etc., utile quand un traitement apparemment bien sélec-tionné n'agit pas (Psorinum, Medorrhinum, etc.) ;

• un isothérapique , préparation de l'agent causal d'une maladie ou du produit qui a intoxiqué un patient ; il s'agit en quelque sorte d'un biothéra-pique préparé extemporanément pour un cas particulier ;

• un drainage , procédé qui consiste à prescrire en basse dynamisation des médicaments suscep-tibles de stimuler les fonctions d'excrétion de l'organisme afin de l'inciter à se débarrasser des substances nocives qu'il peut contenir.

L'avantage du pluralisme est le fait qu'il « couvre le cas », ce qui peut s'avérer intéressant quand le simillimum est difficile à dégager, que ce soit à cause de l'état du patient, d'une difficulté de com-munication entre le patient et le médecin ou de la compétence limitée de l'homéopathe. Plutôt que de renoncer à l'homéopathie, il vaut peut-être mieux se satisfaire d'une ordonnance pluraliste. C'est l'intérêt du patient qui prime. Il faut, bien entendu, appliquer un pluralisme rai-sonnable et raisonné, toujours justifié par les symp-tômes et la Matière médicale. À l'opposé, le complexisme , dans lequel il y a une surabondance de médicaments associés dans des préparations magis-trales multiples, n'a pas sa place dans une prescrip-tion homéopathique. La similitude n'y trouve pas son compte. À la rigueur, les formules composées de prescrip-tion courante , qui comportent 3 à 10 médica-ments et sont préparées à l'avance par l'industrie pharmaceutique, peuvent être utilisées au titre du drainage ou pour un conseil par téléphone dans un cas simple. C'est le cas, par exemple, de Chelidonium composé, indiqué dans les troubles dyspeptiques d'origine hépatobiliaire et qui comporte sept mé di caments : Carduus maria-nus, Chelidonium majus, China rubra, Hydrastis canadensis, Magnesia muriatica, Solidago virga aurea, Taraxacum dens leonis.

Le choix de la dynamisation

La similitude a le pas sur l'infinitésimal, mais celui-ci donne plus de puissance au simillimum. Lorsqu'on le tient on peut considérer que toutes les dynamisa-tions sont efficaces. Cependant, il est habituel d'ob-server les règles suivantes. On utilise : • les basses dynamisations (4 ou 5 CH), quand la

similitude est partielle ou porte sur des symp-tômes plutôt organiques et locaux, dans les maladies aiguës, lorsqu'on pratique le drainage ; elles sont d'action courte ;

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• les moyennes dynamisations (7 ou 9 CH) dans les cas fonctionnels ;

• les hautes dynamisations (9 à 30 CH) quand la similitude est nette, quand il y a des signes men-taux ou comportementaux importants, dans les maladies chroniques.

Allopathie et homéopathie

L'allopathie est une méthode thérapeutique utili-sant des médicaments destinés à développer des actions opposées aux symptômes. L'homéopathie, à l'inverse, emploie des médicaments qui ont des effets semblables aux symptômes. Tout en ayant une formation classique, nous préférons utiliser l'homéopathie à chaque fois qu'elle est applicable car elle : • respecte la physiologie ; • constitue une clé pour comprendre le patient ; • permet de communiquer avec lui ; • répond souvent à une demande de sa part ; • est peu onéreuse.

Comparaison

Des points de comparaison entre les méthodes allo-pathique et homéopathique sont présentés dans le

tableau 4.3. Celui-ci montre qu'elles agissent de manière très différente.

Syncrétisme ?

On associe les deux méthodes : • quand un traitement allopathique est déjà com-

mencé ; dans la dépression nerveuse, ou l'hyper-tension artérielle, par exemple, il y aurait un effet rebond si l'on remplaçait l'une par l'autre ;

• quand l'une marche mieux en crise et l'autre en traitement de fond ; c'est le cas, par exemple, des migraines et de l'asthme ;

• quand on a besoin d'une « couverture » théra-peutique (dans une maladie grave) ou légale.

Il existe également une allopathie substitutive, qui vise à remplacer des substances existant normale-ment dans l'organisme, indispensables à la vie ou à la bonne santé et qui viennent à manquer ; dans ce cas, on peut à peine parler d'allopathie, ni même de médicaments ; exemples : injections d'insuline chez un diabétique, perfusion de sang chez un anémique, L-thyroxine en cas d'hypothyroïdie. L'homéopathie n'est pas une thérapeutique com-plémentaire ou parallèle, mais une méthode de plus en plus intégrée dans la médecine de notre époque, même s'il reste encore un grand chemin à parcourir.

Tableau 4.3 Points de comparaison entre allopathie et homéopathie

Allopathie Homéopathie

Pour chaque maladie le traitement est codifiable le traitement est non codifiable

Le sens clinique est utile pour diagnostiquer la maladie est utile pour diagnostiquer la maladie et son traitement

Il s'agit d'un modèle combinatoire (de type « oui ou non ») continu, admettant les situations d'indécidabilité, « oui » et « non » peuvent coexister

La méthode est fondée sur l'action des substances dans l'organisme sur la réaction de l'organisme aux substances

Par son mécanisme général, elle combat les points faibles renforce les points forts

La prescription se fait d'après l'étiquette nosologique, les signes de la maladie les symptômes particuliers du patient

La lutte contre la maladie vient du médicament de l'organisme obéissant au médicament

Le traitement prend la relève du système de défense stimule le système de défense

La nature est contrainte est canalisée dans ses forces de guérison

La nosologie fournit le traitement les limites du traitement

La prescription est standardisée individualisée

Les doses sont pondérables infinitésimales

Le traitement a fréquemment des effets secondaires n'a pas d'effet secondaire

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Ordonnance

Éviter les ambiguïtés

Si l'ordonnance n'est pas imprimée, il est recom-mandé de bien écrire afin qu'il n'y ait pas d'erreur au moment de la délivrance par le pharmacien. Il est également nécessaire d'écrire en entier le mot qui suit le nom principal : Sepia officinalis, Ignatia amara, et pas seulement « Sepia » ou « Ignatia ». C'est particulièrement important pour certains médicaments d'origine minérale (quel « Mercurius » le pharmacien doit-il délivrer à son client si ce nom est isolé ? ) et aussi pour les cas où les médicaments ont des noms voisins ( tableau 4.4 ). Avec ces médi-caments, il faut éviter toute ambiguïté dans la manière de les écrire.

Commentaire de l'ordonnance

Le commentaire de l'ordonnance est un temps important car il est à même de rassurer le patient sur la manière de prendre les médicaments, et le médecin sur les intentions du patient quant à l'ob-servance thérapeutique. Il s'agit de lui expliquer, à chaque fois que c'est possible, pourquoi il a telle ou telle maladie, ce qui le soulage déjà un peu – en tout cas lui donne à espérer – mais également à quoi servent les médi-caments prescrits. Vu le principe globalisant de la thérapeutique homéopathique (le fait qu'un médi-

cament couvre sinon l'ensemble des symptômes du patient, en tout cas un grand nombre), il est difficile de lui faire passer en quelques minutes une expérience qui se compte en années, parfois en dizaines d'années. Nous sommes amenés à résu-mer notre manière de prescrire, parfois même à la caricaturer pour être mieux perçus. En même temps, nous ne savons pas si le pharmacien – qui sera certainement interrogé – fera le même com-mentaire que nous. Faut-il expliquer l'homéopathie au patient ? Certes, il y a des livres de vulgarisation pour cela, mais le médecin homéopathe doit également répondre aux questions qui lui sont posées, tout en sachant que, même si l'explication est à sa por-tée, le patient ne retiendra pas tout. Il n'est pas nécessaire qu'il connaisse les bases de l'homéopa-thie, encore moins la Matière médicale, mais il doit tout de même savoir que ce qui en lui est le plus vivant, ce qui a toute chance d'être important dans sa vie facilite la prescription et donc, au second degré, sa guérison. Nous ne devons pas manquer de l'avertir d'une possible aggravation. On ne peut pas parler d'effet secondaire car le traitement homéopathique ne crée pas de toute pièce le symptôme imprévu. Il s'agit d'une pathologie infraclinique, réelle mais latente jusque-là, qui peut se manifester au début du traitement. Sauf dans le cas de Sulfur, qui donne systématiquement des aggravations quand il n'est pas bien indiqué, la réaction consécutive à l'utilisation des premières prises d'un médicament est de bon augure. Il faut également signaler, à l'inverse, que l'absence de réaction n'est pas syno-nyme d'inactivité.

Conclusion

L'originalité de l'homéopathie – autrement dit le principe de similitude – est le fil rouge qu'il ne faut pas perdre de vue quand il s'agit de s'entrete-nir avec le patient, de l'examiner et de déterminer ses symptômes caractéristiques. Il y va de la fiabi-lité de la prescription.

Tableau 4.4 Exemples de médicaments aux noms

voisins

Actæa racemosa Aralia racemosa

Ammonium Antimonium

Arum Aurum

China Cina

Cheiranthus Chionanthus

Euphorbia Euphorbium

Euphorbia Euphrasia

Lycopodium Lycopus

Myrica cerifera Myristica sebifera

Staphylococcinum Staphylotoxinum

Thuya occidentalis Tilia

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Références

[1] Bateson G , Ruesch J . Communication et société . Paris  : Le Seuil , coll. «La Couleur des Idées»; 1997 .

[2] Hering C . Symptômes, guide de la matière médicale homéopathique . Limoges : Roger Jollois ; 1994 .

[3] Kent JT . Le Répertoire homéopathique de Kent . Trad. fr. A. Horvilleur . Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2009 .

Pour en savoir plus

Blet D . L'Entretien lors de la consultation homéopathique . Cahiers du Groupement Hahnemannien 1995 ; 2 : 65 .

Demarque D . Techniques homéopathiques . Sainte-Foy-lès-Lyon : Boiron ; 1989 .

Horvilleur A . Homéopathie, la médecine de mes sem-blables . Monaco : Éditions du Rocher ; 1988 . http://homeoint.org/books4/horvsemb/index.htm .

Horvilleur A . La Communication interpersonnelle en ho -méopathie . Actes de la Société Rhodanienne d'Homéo-pathie 1996 .

Horvilleur A . Guide pratique de la communication médecin -patient en homéopathie . Paris : MMI Éditions ; 1999 .

Horvilleur A . Testez l'homéopathie d'action immédiate . Embourg : Testez Éditions ; coll. «Homéodoc» ; 2004 .

Horvilleur A . Vademecum de la prescription en homéopa-thie. Fiches pratiques par maladie et par médicament classées de A à Z . Issy-les-Moulineaux : Elsevier Masson ; 2011 .

Watzlawick P . Le Langage du changement. Éléments de communication thérapeutique . Paris : Le Seuil , coll. « Points Essais »; 1986 .

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