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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ? Exercice 1 : On a vu dans les chapitres précédents que, depuis 50 ans, on a assisté à une mondialisation des économies, c'est-à-dire à la constitution d'un marché mondial des biens, services et capitaux, en raison de la progression des échanges de biens et de capitaux. Toutefois, parallèlement à cette mondialisation, s'impose également une régionalisation des échanges. Les économies s'ouvrent non pas au monde, mais surtout aux autres économies de leur région. Cette régionalisation prend, en particulier, la forme d'accords d'intégration régionaux, comme l'Union Européenne, l'ALENA (Accord de Libre Échange Nord Américain), qui unit États-Unis, Canada et Mexique depuis 1994, le Mercosur (Marché commun du Sud), qui unit quelques pays d'Amérique latine depuis 1991. Ces accords visent à constituer une espace économique unique, en supprimant les barrières à la circulation des biens, services et capitaux entre les pays membres. Ils s'accompagnent souvent d'institutions qui gèrent ce processus (notamment en adoptant des normes communes). Parmi tous les accords économiques régionaux dans le monde, le cas de l'Europe est à part. Premièrement, le processus d'intégration économique européen est, de loin, le plus poussé : en plus d'un marché unique s'y ajoute, notamment, une monnaie commune. C'est, par conséquent, la zone économique mondiale où les échanges interrégionaux sont les plus importants, relativement aux échanges avec les pays extérieurs à la région. Deuxièmement, le processus d'intégration européen ne se réduit pas à sa dimension économique. Il a également une dimension politique fondamentale. Il cherche à unir politiquement les pays européens, et à faire de l'Europe un acteur en tant que tel des relations internationales. Question 1 : Pourquoi peut-on parler d'une régionalisation des échanges ? Question 2 : A partir du document 1 et du texte, montrez que l'intégration économique européenne est la plus poussée dans le monde. Question 3 : En quoi la construction européenne constitue-t-elle une expérience unique d'intégration ? 1 ALENA Union Européenne ASEAN MERCOSUR Communauté Andine 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Document 1 : Part des échanges intrarégionaux dans les exportations totales de marchandises en 2010 (en %) Commerce intra- régional Commerce extra- régional Source : OMC

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne ...seslescours.free.fr/documents/terminale/chapitre 8/exercices... · Premièrement, le processus d'intégration économique

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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 1 :

On a vu dans les chapitres précédents que, depuis 50 ans, on a assisté à une mondialisation deséconomies, c'est-à-dire à la constitution d'un marché mondial des biens, services et capitaux, en raisonde la progression des échanges de biens et de capitaux. Toutefois, parallèlement à cettemondialisation, s'impose également une régionalisation des échanges. Les économies s'ouvrent nonpas au monde, mais surtout aux autres économies de leur région.

Cette régionalisation prend, en particulier, la forme d'accords d'intégration régionaux, commel'Union Européenne, l'ALENA (Accord de Libre Échange Nord Américain), qui unit États-Unis,Canada et Mexique depuis 1994, le Mercosur (Marché commun du Sud), qui unit quelques paysd'Amérique latine depuis 1991. Ces accords visent à constituer une espace économique unique, ensupprimant les barrières à la circulation des biens, services et capitaux entre les pays membres. Ilss'accompagnent souvent d'institutions qui gèrent ce processus (notamment en adoptant des normescommunes).

Parmi tous les accords économiques régionaux dans le monde, le cas de l'Europe est à part. Premièrement, le processus d'intégration économique européen est, de loin, le plus poussé : en plus

d'un marché unique s'y ajoute, notamment, une monnaie commune. C'est, par conséquent, la zoneéconomique mondiale où les échanges interrégionaux sont les plus importants, relativement auxéchanges avec les pays extérieurs à la région.

Deuxièmement, le processus d'intégration européen ne se réduit pas à sa dimension économique. Il aégalement une dimension politique fondamentale. Il cherche à unir politiquement les pays européens,et à faire de l'Europe un acteur en tant que tel des relations internationales.

Question 1 : Pourquoi peut-on parler d'une régionalisation des échanges ?Question 2 : A partir du document 1 et du texte, montrez que l'intégration économique européenne estla plus poussée dans le monde.Question 3 : En quoi la construction européenne constitue-t-elle une expérience unique d'intégration ?

1

ALENA Union Européenne ASEAN MERCOSUR Communauté Andine0

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70

80

90

100

Document 1 : Part des échanges intrarégionaux dans les exportations totales de marchandises en 2010 (en %)

Commerce intra-régionalCommerce extra-régional

Source : OMC

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 2 :

L'intégration économique est nécessairement un processus graduel : des pays qui cherchent àintégrer leurs économies le font nécessairement progressivement. On doit à l'économiste Bela Belassala distinction entre 5 niveaux d'intégration économique (du moins au plus poussés).

1. Première étape possible dans l'intégration : la zone de libre-échange. Dans le cas d'une zone delibre échange, les pays membres suppriment les barrières douanières à l'intérieur de la zone (entreeux). Par contre, chaque pays est libre de mener la politique commerciale qu'il souhaite avec les paysextérieurs à la zone (de choisir ses droits de douane, par exemple). L'ALENA est un exemple de zonede libre-échange. Ce type d'intégration a été écarté dès le début de la construction européenne : leRoyaume-Uni avait tenté en 1960 de regrouper des pays européens autour d'une zone de ce type(l'AELE), mais ces pays ont progressive intégré la future Union Européenne. L'intérêt de ce type dezone est relativement limité : l'intégration économique y est minimale.

2. Deuxième étape : l'union douanière. En plus d'une zone de libre-échange, les pays membresadoptent une politique commerciale commune avec le reste du monde, notamment en adoptant desdroits de douane externes communs. Le MERCOSUR est une union douanière qui unit des paysd'Amérique du Sud depuis 1991. Le Traité de Rome en 1958, qui instaure la CommunautéÉconomique Européenne (CEE), établissait une union douanière, qui sera mise en place en 1968.

3. Troisième étape : le marché commun. En plus d'une union douanière, le marché commun vise àcréer (comme son nom l'indique) un marché économique commun entre les pays membres. Pour cela,il supprime toutes les entraves à la circulation des facteurs de production, c'est-à-dire aux capitaux etaux personnes, entre les pays membres. Ainsi, en plus de la libre-circulation des biens et services,comme dans une union douanière, les capitaux et le travail peuvent circuler librement entre les paysmembres, ce qui unit les économies en un marché commun. Pour qu'un marché commun puissefonctionner efficacement, il est nécessaire de réguler la concurrence entre pays et entre entreprises.Cela implique d'harmoniser les réglementations nationales (par exemple, il faut harmoniser la fiscalitésur les biens et services (TVA), les normes réglementaires (création de la norme CE, par exemple),pour que biens, services et capitaux puissent être échangés, sans concurrence déloyale. En 1986, estsigné l'Acte Unique Européen, qui sera mise en œuvre en 1993, et qui crée le marché unique parmi lespays de la CEE.

4. Quatrième étape : l'union économique. Elle consiste dans la mise en œuvre de politiqueséconomiques communes, en plus du marché commun. L'union économique ajoute ainsi à l'intégrationqui résulte de la création d'un marché unique, une intégration politique : les pays membres mènentensemble leurs politiques économiques. L'Europe présente des éléments d'union économique depuislongtemps : la PAC date, par exemple, de 1962.

5. Cinquième étape : l'union économique et monétaire. Elle ajoute, à l'union économique, unemonnaie unique, et donc une politique monétaire unique. Elle est la phase ultime de l'intégrationéconomique, puisque les États abandonnent un élément fondamental de leur souveraineté : la créationmonétaire. Comme on le verra, elle est la conséquence de l'union économique : pour que le marchésoit vraiment unique, il faut que tout le monde utilise la même monnaie. C'est le traité de Maastrichtqui crée, en 1992, la monnaie unique, qui sera mise en œuvre à partir de 1999.

Le propre de l'intégration européenne est de ne pas avoir suivi de manière linéaire toutes ces étapes :en particulier, dès le début de la construction européenne (avec la CECA et Euratom), des politiquessont menées en commun, bien avant la mise en place d'une union douanière. De la même façon, alorsque la monnaie unique a été adoptée, l'harmonisation fiscale demeure presque nulle entre les pays(chacun fixe comme il veut la plupart des impôts), et l'harmonisation des politiques budgétairesdemeure problématique (comme on le verra). Les étapes d'intégration se sont donc, au moins en partie,entrecroisées. Mais elles ont néanmoins suivi globalement le schéma de B.Belassa.

2

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Au final, l'Europe est la seule zone régionale dans le monde à avoir adopté une union économique etmonétaire : la seule à combiner un marché commun, une monnaie unique, et des politiques(partiellement) communes. C'est aussi, logiquement, la zone la plus intégrée du point de vue deséchanges commerciaux internes.

Question 1 : Complétez le tableau suivant :

Type d'intégration Caractéristiques Exemples

Zone de libre-échange→

Union douanière

Marché commun

Union économique

Union économique etmonétaire

Question 2 : Retrouvez les grandes dates de la construction européenne. Question 3 : Qu'est-ce qui caractérise le processus d'intégration économique européen ?

Exercice 3 :

L'autre spécificité majeure du processus d'intégration européen est qu'il ne se réduit pas à sadimension économique : il a également une dimension politique fondamentale. Le but de laconstruction européenne n'a jamais été simplement de favoriser le libre-échange (comme par exemplepour l'ALENA) mais également de construire une intégration des décisions politiques au niveaueuropéen, de construire des éléments d'une démocratie européenne, de faire de l'Europe un acteurautonome, par rapport aux États nationaux.

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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

En fait, pour les « pères fondateurs » de l'Europe, l'intégration économique est vue comme unmoyen de pousser les pays européens à se rapprocher politiquement. Robert Schuman déclare ainsi, aumoment de la création de la CECA (qui conduit la France et l'Allemagne et le Bénelux à avoir unepolitique sidérurgique et minière commune) : « l'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans uneconstruction d'ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité defait » (cf. doc 1, p.112 du manuel). Le but initial des pères fondateurs était ainsi de rassembler les payseuropéens dans une même structure pour rendre impossible le retour de la guerre, et établirdurablement la démocratie en Europe. Pour Jean Monnet, cela devait conduire à la création d'unefédération européenne, sur le modèle des États-Unis : les « États-Unis d'Europe ». Pour atteindre cebut, il s'agissait d'unir progressivement les pays européens en les rendant interdépendantséconomiquement, à travers des accords d'intégration économique. Ces accords étaient donc plus unmoyen qu'une fin.

Question 1 : Quel était le but des pères fondateurs de l'Europe en lançant l'intégration économique ?

Exercice 4 :

L'Union Européenne est bien plus qu'un accord économique. Mais ce n'est pas non plus lafédération d’États dont rêvaient les pères fondateurs. Il n'y a pas d’État fédéral européen qui domineles États d'Europe. Toutefois, ce n'est non plus une simple organisation interétatiques, où les États nesont unis que par des traités internationaux et sont les seuls à prendre les décisions, sans entitésupraétatique qui les dépasse. L'Europe est une entité politique inédite, qui mêle ces deux éléments.Voyons les éléments qui font de l'Europe un acteur en tant que tel.

Premièrement, il existe, pour gouverner l'Europe, des institutions supraétatiques : la Commissioneuropéenne et le Parlement européen. Ces institutions ont parfois l'initiative des décisions (on parlealors de « méthode communautaire »), par rapport aux États, représentés par le Conseil européen (quiréunit les chefs d’État et de gouvernement).

Deuxièmement, dans cette entité politique inédite, les États ont transféré des compétences àl'Europe, qui mène alors des politiques communes, qui s'imposent aux États. C'est le cas de lapolitique de la concurrence, de la politique agricole, ou de la politique monétaire. Toutes cespolitiques sont décidées par la Commission européenne ou la Banque centrale (pour la monnaie) et lesÉtats doivent appliquer des décisions auxquelles ils n'ont pas directement participées.

En outre, les accords commerciaux sont négociés par l'Europe en tant que telle. Ainsi, à l'OMC,c'est l'Europe qui siège, et non les États membres. L'Europe est ainsi, à l'OMC, un acteur à part entièrede la vie internationale.

Une des raisons pour laquelle la situation actuelle de l'intégration européenne est inédite est le faitqu'il y a toujours eu des divergences entre les pays. Ainsi, le Royaume-Uni a longtemps cherché à nefaire de l'Europe qu'une zone de libre-échange, refusant toute intégration politique. La France,notamment sous le Général de Gaulle, a refusé la mise en place d'une intégration fédérale complète oùles chefs d’État n'auraient qu'un pouvoir marginal, au profit d'une instance supra nationale. Lasituation actuelle est le produit de beaucoup de compromis. Au final, l'Europe est bien plus qu'unezone de libre-échange, construite dans le cadre d'une vision libérale de l'économie, comme lesouhaitaient les Britanniques. Mais ce n'est pas non plus une fédération. C'est, en tout cas, une entitéinédite et unique dans le monde. Nulle part ailleurs, on trouve, à côté d'une intégration économiquetrès poussée (union économique et monétaire), des éléments supranationaux, qui font de l'Europepartiellement un acteur autonome de la vie internationale, comme lors des négociations à l'OMC.Question 1 : En quoi l'Europe est-elle un acteur politique autonome, qui s'impose aux Étatseuropéens ?Question 2 : Pourquoi la construction européenne n'a-t-elle pas pris la forme que souhaitaient sespères fondateurs ?

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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 5 :

L'union douanière, puis le marché commun, avaient comme objectif économique d'améliorerl'efficacité des économies européennes, et ainsi générer plus de croissance, selon des mécanismes quenous avons vus dans l'exercice 5 du chapitre 7 (sur les avantages du libre-échange).

1. Premier mécanisme : en accroissant la taille du marché auquel vendent les entreprises, celles-cidoivent réaliser des économies d'échelle : elles peuvent, en effet, vendre davantage de produits sur cemarché plus vaste. Grâce à ces économies d'échelle, les coûts des entreprises doivent donc baisser.Elles peuvent donc baisser leurs prix. Cette baisse des prix accroît le pouvoir d'achat, et permet doncune hausse de la demande et, par suite, de la production (croissance). Ces économies d'échelle doiventêtre d'autant plus grandes que la liberté de circulation des capitaux rend possible aux entreprisesd'acheter d'autres entreprises européennes, de manière à accroître leur taille.

2. Deuxième mécanisme : en intégrant les marchés européens en un seul marché, le marché uniquedevait pousser les entreprises de chaque pays à se spécialiser dans les secteurs où elles ont unavantage comparatif, permettant ainsi des gains de productivité, et donc une baisse de leurs coûts deproduction. Cette baisse des coûts rend possible une baisse des prix, et donc une hausse de la demandeet de la production (croissance).

3. Troisième mécanisme : en accroissant la concurrence, le marché européen devait pousser lesentreprises à améliorer leur efficacité (compétitivité-prix et hors-prix).

Au final, l'intégration économique permet des économies d'échelle et des gains de productivité, quidébouchent sur une baisse des coûts de production. Cette baisse des coûts permet une baisse des prix,qui conduit à une hausse de la demande. En outre, cette baisse des prix accroît la compétitivité-prixdes entreprises européennes, qui voient donc leur demande mondiale augmenter : d'où une hausse dela production et une amélioration du solde de la balance commerciale. Cette amélioration est d'autantplus grande que la compétitivité hors prix des entreprises européennes doit également s'améliorer, enraison de la concurrence plus vive que génère le grand marché commun.

Question : Complétez le graphique avec les termes suivants : extension taille du marché, hausse dupouvoir d'achat, économie d'échelle, hausse de la demande extérieure et amélioration de la balancecommerciale.

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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

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Marché unique

Gains de productivitéHausse de la concurrence

Baisse des coûts

Hausse de la demandeintérieure

Hausse de la compétitivité (prix ou hors prix)

Hausse de la production =Croissance

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Correction :

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Marché unique

Gains de productivitéHausse de la concurrence Extension taille marché

Économie d'échelle

Baisse des coûts

Hausse du pouvoir d'achat

Hausse de la demandeintérieure

Hausse de la compétitivité (prix ou hors prix)

Hausse de la demande extérieureAmélioration de la balance commerciale

Hausse de la production =Croissance

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 6 :

La construction européenne s'est souvent opérée à travers des crises : chaque étape d'intégrationcrée des problèmes ou des difficultés qui ne peuvent résolus que par un renforcement de l'intégration.Cela a été le cas au moment de la construction du marché commun. Pour que la libre-circulation desbiens, services, personnes et capitaux soit vraiment réalisée, il ne suffisait pas de supprimer tous lesobstacles douaniers. En effet, il était nécessaire de faire en sorte que les entreprises de chaque paysdisposent des mêmes chances de vendre leurs produits partout en Europe. Cela a conduit à uneimportante harmonisation réglementaire sur les produits : il faut que les règlements qui s'appliquentaux produits soient les mêmes partout en Europe pour qu'une entreprise d'un pays donné puisse vendresa production partout en Europe. Cela a, également, conduit à l'harmonisation de la TVA. Cela aégalement eu pour conséquence que la politique de la concurrence est désormais menée au niveaueuropéen, par la Commission Européenne. La politique de la concurrence a, en effet, pour but deréguler la manière dont les entreprises se font concurrence : elle vise, par exemple, à empêcher qu'uneentreprise soit en situation de monopole, ou encore abuse de son pouvoir de marché pour interdire àd'autres entreprises de se développer. La Commission vise, en particulier, à ce qu'aucun État européenne donne à des entreprises de son pays des aides qui les avantageraient face aux entreprises des autrespays qui n'en disposent pas. Avant d'aider une entreprise, un État doit donc obtenir l'autorisation de laCommission.

L'adoption de la monnaie unique répond également à ce mécanisme. La monnaie unique apportaitune réponse à des problèmes qu'avait fait apparaître la libre circulation des capitaux, dans unesituation où les pays européen avaient adopté un système de changes fixes entre eux. En outre, pourqu'un marché unique accroisse pleinement l'efficacité des économies, selon les mécanismes vus dansl'exercice 4, l'adoption d'une monnaie unique est apparue nécessaire.

Question 1 : Pourquoi la construction européenne progresse-t-elle souvent au moment de crise ?Question 2 : Pourquoi est-il nécessaire d'avoir une politique de la concurrence au niveau européendans le cadre d'un grand marché ?

Exercice 7 :

Quand, en 1971, le système de parités fixes entre les monnaies du monde, issu de Bretton Woods, acessé d'exister, les pays européens se sont efforcés de créer un mécanisme permettant d'avoir des tauxde change fixes entre leurs monnaies. Cela a conduit à la création du Système Monétaire Européen(SME), qui limitait strictement les fluctuations entre les monnaies (nous verrons bientôt pourquoiavoir des taux de change fixe est utile pour que le marché commun fonctionne efficacement).

Dès sa mise en œuvre, ce système a fonctionné avec des difficultés. Cependant, à partir du momentoù la liberté de circulation des capitaux a été adoptée (Acte Unique), ces difficultés sont devenusbeaucoup plus graves. C'est cela qu'a montré la crise de 1992 de la livre Sterling (monnaie duRoyaume-Uni). A la suite de ventes massives de livres par des spéculateurs (en particulier GeorgeSoros, qui y gagna des milliards), la livre est si fortement dévaluée, qu'elle sort du SME.

Cette situation avait, en fait, été prévue par Robert Mundell. R.Mundell explique qu'il existe un« triangle des incompatibilité » (ou trilemme) en matière de taux de change. Il existe trois conditionsque l'on ne peut avoir simultanément : taux de change fixe, liberté de circulation des capitaux etindépendance de la politique monétaire. On ne peut adopter que deux d'entre elles à la fois : on doit,donc, choisir une arrête du triangle

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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

.

Les pays européens avaient choisi un taux de change fixe et la liberté de circulation des capitaux.Cela avait pour conséquence qu'ils ne pouvaient plus avoir une politique monétaire indépendante. Eneffet, si les capitaux circulent librement, ils vont aller là où les taux d'intérêt sont les plus élevés. Or,les taux d'intérêt dépendent de la politique monétaire. Si, par exemple, la Banque centrale française ades taux d'intérêt plus faibles que la Banque centrale allemande, tous les capitaux vont aller enAllemagne. Mais si les capitaux vont en Allemagne, alors il y aura une vente de francs contre desdeutsch marks : le franc va se dévaluer face au mark et il n'y aura plus de change fixe. Par conséquent, en choisissant d'avoir le SME et la liberté de circulation des capitaux, les pays

européens ont perdu le choix de leur politique monétaire (c'est-à-dire la possibilité de fixer leurs tauxd'intérêt comme ils le souhaitent). En pratique, durant les années 1990, c'est la Banque centraleallemande qui fixait la politique monétaire de toutes les autres banques centrales. En effet, la Banquecentrale allemande jouissait d'une excellente réputation : les investisseurs avaient confiance dans lefait qu'elle ferait en sorte qu'il n'y ait pas d'inflation (qui a pour effet de baisser le taux d'intérêt réel, etdonc la rémunération des placements). Lorsque, en 1991, la Banque centrale allemande a augmentéses taux d'intérêt, pour que le boom qui a suivi la réunification allemande ne crée pas de l'inflation,toutes les autres banques centrales ont donc dû augmenter leurs taux d'intérêt. C'est parce que laBanque d'Angleterre ne l'a pas assez fait, que la livre a été attaquée par des spéculateurs.Cette situation n'était pas satisfaisante : c'est comme si tous les pays européen avaient abandonné leur

monnaie, au profit du mark. C'est l'Allemagne qui définissait la politique monétaire des autres payseuropéens. L'euro était une solution à cette situation : grâce à l'euro, ce n'est plus la Banque centrale allemande

qui fixe les taux d'intérêt, mais une Banque centrale européenne, qui agit en fonction de l'intérêt detous les pays de la zone euro, et pas de la seule Allemagne.

Question 1 : Qu'est-ce que le « triangle des incompatibilités » ?Question 2 : Pourquoi la France n'avait plus de politique monétaire avant l'adoption de l'euro ?Question 3 : En quoi l'euro est-il une solution (imparfaite) à ce trilemme ?

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Taux de change fixe

Liberté de circulation des capitaux Indépendance de la politique monétaire

Choix des pays européens

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 8 :

La monnaie unique était également nécessaire pour que le marché commun fonctionne pleinement.La monnaie unique a, en effet, trois avantages essentiels du point de vue du fonctionnement dumarché.

1. Premièrement, l'adoption de la monnaie unique supprime les dévaluations compétitives et le risquede change. Avant l'adoption de l'euro, un pays européen pouvait dévaluer sa monnaie. Ses entreprisesobtenaient alors une compétitivité-prix au détriment des entreprises des autres pays. Par ailleurs, lesentreprises européennes faisaient face à un risque de change : il y avait toujours le risque que, entre lemoment où elles négocient un contrat avec un client étranger, et le moment où elles sont payées, leurmonnaie ait connu une dévaluation.2. Deuxièmement, l'adoption de la monnaie unique conduit à une baisse des coûts de transaction, c'est-à-dire des coûts liés au fait que pour opérer une transaction avec un acteur étranger, il était nécessairede payer le change de la monnaie. Ainsi, les transactions avec des acteurs étrangers étaient pluscoûteuses qu'avec des acteurs nationaux. Le marché commun ne l'était donc pas véritablement,puisque les prix des produits étrangers étaient nécessairement grevés du coût du change.3. Troisièmement, l'adoption de la monnaie unique accroît la transparence du marché. Avec plusieursmonnaies, un consommateur a plus de difficulté à comparer les prix d'un même produit dans lesdifférents pays. Le marché n'est pas transparent, au sens où l'information sur le prix n'est pasimmédiatement accessible. La monnaie unique favorise ainsi la concurrence dans le marché commun.

Question 1 : Pourquoi fallait-il avoir une monnaie unique pour que le marché commun fonctionnepleinement ?

Exercice 9

Treize ans après la mise en œuvre de l'euro (1999) et 30 ans après la création du marché unique(1986), le bilan de l'intégration économique et monétaire euro est nuancé. La crise économique quetraverse l'Europe rend ce bilan plus nuancé encore.

Document 1Les échanges économiques au sein de l'UnionEuropéenne sont très fortement développés,comme on l'a vu dans l'exercice 1 : plus de 60 %des échanges commerciaux des pays de l'UnionEuropéenne se font avec d'autres pays de l'UnionEuropéenne. Toutefois, sur le long terme, on neperçoit pas une tendance à un approfondissementde cette intégration régionale (document 1). Lacréation de l'euro n'a pas conduit à uneintensification de cette intégration. De la même manière, environ la moitié des IDEdes entreprises des pays de l'UE se font versd'autres pays de l'UE. Mais, là encore, on neperçoit pas l'impact de l'adoption de l'euro(document 2).

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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Document 2 : IDE sortant des pays de l'Union Européenne en fonction de leur destination (en %du total)

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Pays de l'UE 51.71 73.01 66.54 60.45 63.31 62.73 55.22 56.84 44.04 46.38 49.93 37.91

Pays extra européen 48.29 26.99 33.46 39.55 36.69 37.27 44.78 43.16 55.96 53.62 50.07 62.09

dont Asie 9.17 6.25 5.29 9.62 6.37 3.23 4.29 8.37 7.93 7.99 9.46 13.63

Chine (exceptée Hong-Kong) 0.36 0.63 0.79 1.05 0.92 0.76 0.56 0.65 1.33 1.82 2.11 3.71

Amérique 33.3 9.68 13.05 15.56 9.8 21.42 26.32 17.45 27.49 18.99 28.85 25.61

États-Unis 25.03 0.55 12.66 4.2 5.46 12.01 13.95 13.83 15.65 10.53 17.21 15.03

Source : Eurostat

Autrement dit, les économies des pays de l'UE sont hautement intégrées, mais l'adoption de l'euro (et,dans une moindre mesure, du marché unique) n'a pas conduit à accroître cette intégration.

Question 1 : L'adoption de l'euro a-t-elle renforcé l'intégration économique en Europe ?Question 2 : En quoi cela limite-t-il les effets positifs attendus de cette adoption ?

Exercice 10

Au niveau du système monétaire international, l'euro a trouvé sa place, mais pas la placequ'espéraient les Européens. L'euro devait remplacer, ou au moins concurrencer le dollar, commedevise internationale. Les Européens fondaient leurs espoirs sur le fait que l'Europe est la premièrepuissance économique mondiale et le premier exportateurs mondial (doc. 23 p.122). Logiquement, lestransactions internationales devraient donc se faire préférentiellement en euro. Or, ce n'est pas le cas.En fait, l'euro occupe même une place plus faible dans les transactions internationales que lesdifférentes monnaies nationales avant l'unification monétaire (doc. 28 p.123). Le dollar est toujours ladevise dans laquelle se font la majorité des transactions internationales (comme pour le pétrole).

Document 1 : Taux de change de l'Euro par rapport au dollar depuis 1999

Toutefois, l'euro est devenu lapremière monnaie de placementmondial : c'est en euro que se font leplus de placements financiers dans lemonde. Cela a eu une conséquencenégative : ces flux de capitaux quiviennent dans les marchés financiersde la zone euro sont une des causes dela hausse du taux de change de l'europar rapport aux autres devises.Cette hausse pénalise la compétitivité

prix des entreprises européennes (notamment les françaises qui misent beaucoup sur la compétitivitéprix plutôt que hors prix, au contraire des entreprises allemandes).

Question 1 : En quoi l'euro n'occupe-t-il pas la place qu'attendaient les Européens dans le systèmemonétaire international ?Question 2 : Pourquoi le taux de change de l'euro a-t-il longtemps été un handicap pour lesentreprises françaises ?

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Do

llars

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Source : FED

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 11

Sur le plan économique, le bilan est encore plus nuancé. En particulier, l'espoir d'une croissance plusgrande grâce au marché unique puis à l'euro a été déçu.

Premièrement, la productivité en Europe reste plus faible qu'aux États-Unis, et l'écart a tendance às'accroître. L'efficacité des entreprises européennes n'a donc pas augmenté autant qu'il était prévu.

Document 1 : Une économie européenne en retard de compétitivité sur les États-Unis (Source : Eurostat)

En 2009 Zone euro Europe des 27 États-Unis

Productivité horaire (zoneeuro = indice 100)

100 85 114

En outre, la croissance dans la zone euro a toujours été plus faible qu'aux États-Unis avant la crise.Depuis la crise, l'écart est encore plus grand : la zone euro a replongé dans la récession, alors quel'économie américaine renoue lentement avec la croissance. Comme on va le voir, cela renvoie à desdéfauts de conception de l'euro, en particulier l'absence d'une vraie coordination des politiquesbudgétaires. L'euro a toutefois permis une faible inflation et des taux d'intérêt faibles.

Document 2 : Les indicateurs économiques aux États-Unis et dans la zone EuroÉtats-Unis 2000-2007 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Taux de croissance 2.58 -2.8 2.5 1.6 2.3 2.2 2.2

Taux d'inflation 2.83 -0.3 1.6 3.1 2.1 1.5 2.0

Taux de chômage 5.04 9.3 9.6 8.9 8.1 7.3 6.3

Dette publique (en % du PIB) 68.7 86.3 94.8 99.0 102.5 104.2 105.6

Balance commerciale (en % du PIB)

-4.9 -2.6 -3.0 -3.0 -2.9 -2.4 -2.5

Zone Euro 2000-2007 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Taux de croissance 2.18 -4.4 2.0 1.6 -0.7 -0.4 0.8

Taux d'inflation 2.33 0.3 1.6 2.7 2.5 1.4 0.5

Taux de chômage 8.62 9.6 10.1 10.1 11.3 11.9 11.6

Dette publique (en % du PIB) 59.8 80.1 85.7 88.3 93.0 95.7 96.4

Balance commerciale (en % du PIB)

0.42 0.2 0.1 0.1 1.4 2.4 2.0

Source : FMIQuestion 1 : Pourquoi le bilan de l'euro et du marché unique du point de vue économique est-il trèsnuancé ?

12

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 12 bis :

La formation de la monnaie unique a renforcé la spécialisation industrielle et celle-ci adésindustrialisé une large partie de l’Europe. […] L’industrie allemande qui avait déjà vu sonmarché intérieur grandir avec l’unification du pays, a pu bénéficier des rendements d’échellesur un espace de 300 millions d’habitants. Bien loin de s’homogénéiser, la zone euro estdevenue de plus en plus hétérogène sur le plan de la compétitivité. Les écarts decompétitivité entre les pays du Nord et les pays du Sud n’ont fait qu’augmenter depuis lacréation de l’euro.

Car l’industrie engendre des rendements croissants par interaction étroite entre offre etdemande. Parce que le marché intérieur européen a considérablement accru la taille de lademande, elle a profité au maximum aux industries déjà dominantes par rendementsdynamiques d’échelle : l’accroissement de la demande a accru la rentabilité des industriesen place ; ce qui a entraîné des investissements d’augmentation d’échelle et demodernisation, lesquels ont dégagé les progrès de productivité permettant l’accroissementdes revenus réels dont dépend l’essor endogène de la demande. Il est donc logique que lespays du nord de l’Europe aient accru leur avantage initial sur les pays du sud et provoquéleur désindustrialisation. […] Autrement dit, sans une intervention volontariste de lapuissance publique, poursuivie selon une stratégie de long terme et munie de moyensfinanciers puissants, les régions riches deviennent de plus en plus riches et les régionspauvres de plus en plus pauvres.

M.Aglietta et T.Brand, Un New Deal pour l'Europe, 2013

Question 1 : Quelle conséquence négative et inattendu a eu l'unification monétaire ?Question 2 : Pour quelle raison ?

13

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 12 :

Complétez le texte suivant :

Les politiques conjoncturelles (également appelées politiques …......................) sont les politiquesqui visent à agir sur la................... économique d'un pays à un moment donné, pour l'améliorer.

Elles cherchent à améliorer quatre grands objectifs. Les trois plus importants sont : la.........................économique, l'.............................. ainsi que le …................................ Dernier objectif : l'équilibre de labalance commerciale, surtout quand celle-ci est très déficitaire.

Elles vont agir, pour cela, sur la demande globale. En cas de choc négatif de demande, qui entraîneun ralentissement de la …............... et, par conséquent, une hausse du …......................., les politiquesconjoncturelles vont donc chercher à …................. la demande, pour ….................... la croissance.

En cas de choc positif de demande, qui entraîne une accélération trop rapide de la ….................... etdonc de l'inflation, les politiques conjoncturelles vont chercher à …..................... ..........................pour …................... la croissance.

Exercice 13 :

Complétez le texte suivant :

Il y a deux instruments de la politique conjoncturelle : la politique budgétaire et la politiquemonétaire.

La politique budgétaire consiste à modifier le budget de l'État pour agir sur la demande globale etdonc sur la conjoncture. Si l'économie est en récession et que le chômage augmente, alors l'État doitfaire en sorte d'accroître la …............ globale en augmentant ses …........................ et en diminuant lesimpôts. En effet, si l'État accroît ses …......., alors il …............... la …......... puisqu'il achète des…........ et …......... supplémentaires à l'économie. Au contraire, s'il diminue les impôts, les agentséconomiques auront plus de ….................... qu'ils pourront …......................, ce qui augmentera lademande globale.

La politique monétaire consiste à agir sur la demande globale, et donc sur la conjoncture, enmodifiant les taux d'intérêt de la banque centrale. En cas de choc négatif de demande,la.........................................baisse ses.................................... En effet, cela va conduire les autresbanques (qui viennent se « refinancer » chez elle) à baisser les leurs. Cela doit pousser les entreprisesà davantage …......................., car cela leur coûtera moins cher. Le taux d'intérêt est en effet unevariable essentielle du …..................... de l'investissement puisque celui-ci est le plus souvent financépar emprunt. Par conséquent, plus les ….............................. sont élevés, plus l'investissement coûteracher, moins il sera........................... et moins les entreprises........................ Si l'investissement desentreprises augmente, cela va provoquer une hausse de la demande globale, et donc cela doitpermettre de relancer la croissance.

En cas de « surchauffe » de l'économie, la banque centrale va, au contraire, …..................... ses….............. Cela provoquera, en effet, une …............... de ….................... et donc une diminution de la…...................... globale et donc un …...................... de la croissance.

14

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 14 :

À la requête de l’Allemagne, la liberté budgétaire des pays participant à l’euro estcependant encadrée. Ils sont soumis à un contrôle de leurs niveaux de déficit etd’endettement publics. C’est l’objet des fameux « critères de Maastricht » et du non moinsfameux « Pacte de stabilité », qui résultent du même article du traité européen sur laprévention des déficits excessifs.[...]

[La] séparation [entre la politique monétaire et la politique budgétaire] disparaît [en effet]dans des conditions extrêmes. Lorsque [l’État est tellement endetté qu'il risque de fairefaillite] et que les investisseurs ne veulent plus financer le déficit public en achetant des titresde dette des États, la banque centrale est acculée à un choix : accepter la faillite de l’État,avec ses conséquences financières, ou bien se substituer aux investisseurs privés etfinancer les appels de fonds de l’État en émettant de la monnaie – ce qu’on appellemonétiser la dette. À la limite, la banque centrale est obligée de financer intégralement l’Étatet d’émettre de la monnaie en contrepartie – faire fonctionner la planche à billets, comme ondit familièrement. C’est arrivé régulièrement dans l’histoire, notamment en Allemagne audébut des années 1920, et cela s’est généralement terminé dans l’inflation, voirel’hyperinflation. [...]

Toute la question est donc de trouver l’équilibre entre la nécessaire autonomie despolitiques budgétaires nationales et le respect de disciplines destinées à assurer la stabilitéd’ensemble. Les critères de Maastricht et le Pacte de stabilité (qu’une initiative purementsémantique de Jacques Chirac, au début de sa présidence, a conduit à nommer « Pacte destabilité et de croissance ») tentent de le faire, mais de manière assez maladroite, ce quiconduira à réformer ce pacte à plusieurs reprises. L’objectif sera successivement demaintenir les déficits en dessous de 3 % du PIB, puis de viser un solde « proche del’équilibre ou en surplus », puis de conserver ce même objectif, mais en tenant compte desinfluences du cycle conjoncturel, et enfin de prendre davantage en compte, à côté du déficit,le niveau d’endettement.

Jean Pisani-Ferry, Le Réveil des démons, Fayard, 2011

Question 1 : Que fait une banque centrale lorsque l’État dont elle dépend est sur le point de fairefaillite ? En quoi cela n'est-il pas une véritable solution ?

Question 2 : Pourquoi les pays européens devaient-ils perdre une partie de leur autonomie dedécision en matière de politique budgétaire pour faire partie de l'euro ?

Question 3 : En quoi les critères de convergence, puis les critères fixés par les autres traités,s'efforcent-ils de «trouver l’équilibre entre la nécessaire autonomie des politiques budgétairesnationales et le respect de disciplines destinées à assurer la stabilité d’ensemble » ?

Exercice 15

D'autres éléments justifient d'encadrer la politique budgétaire des États par des règles, qui rentrentégalement dans l'idée qu'il y a un risque de débordement (spill over) de la politique d'un État sur sespartenaires. Une politique budgétaire trop expansionniste peut créer de l'inflation, qui risque de sediffuser dans l'ensemble de la zone euro. Elle peut également créer une hausse des taux d'intérêt. Celapeut être le cas si elle implique un important déficit budgétaire : l'épargne étant disponible en quantitélimitée, la demande plus forte d'emprunt par un État peut conduire les taux d'intérêt à augmenter danstoute la zone euro. En outre, au lieu de financer le secteur privé, cette épargne va financer l’État (c'estce que l'on appelle l'effet d'éviction). Enfin, la crise actuelle a permis de faire apparaître un autre mécanisme de débordement : les banques

des pays européens possèdent des dettes de nombreux États européens. La faillite d'un État a donc un

15

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

impact sur l'ensemble de l'économie de la zone, puisqu'il provoque des pertes dans les banques desautres pays, qui sont alors moins capables de prêter des fonds (et qui ont besoin, au contraire, que leurÉtat les renfloue). La faillite de l'État grec a ainsi provoqué des milliards d'euro de perte pour lesbanques françaises (la BNP y a perdu entre 700 millions et un milliards d'€) ou allemandes.

Question 1 : Qu'est-ce que le risque de débordement ?Question 2 : Pourquoi la faillite d'un État a-t-il un impact sur la capacité des banques des autres paysà financer l'investissement ?

Exercice 16

Dès le début de la construction de la monnaie unique, la politique budgétaire a donc été encadrée pardes règles interdisant certains comportements, pouvant conduire à la faillite d'un État. Par contre, lestraités ne cherchent pas à faire en sorte que les États européens mènent ensemble des politiquesconjoncturelles (par exemple pour faire face à une récession qui les frapperait). Autrement dit, lestraités européens fixent ce que les États ne doivent pas faire, mais ne prévoient aucune procédure pourles pousser à prendre des décisions de politique budgétaire en commun au-delà de ces règles« négatives ».1. Le Traité de Maastricht (1992) oblige tout pays qui souhaite faire partie de l'euro à respecter des« critères de convergence » : a) ne pas avoir un déficit budgétaire supérieur à 3 % du PIB b) ne pasavoir une dette publique supérieure à 60 % du PIB. En pratique, seul le critère de 3 % de déficit serarespecté lors des adhésions à l'euro (la Grèce ne l'a toutefois pas respecté, car l’État grec a truqué sescomptes...).2. Le Pacte de stabilité et de croissance (1997) pérennise ces deux critères, après la mise en œuvre del'euro, prévu en 1999. Une fois l'euro adopté, il ajoute une procédure de sanction pour les États qui nerespectent pas le critères d'un déficit public inférieur à 3 % du PIB (c'est la procédure pour déficitexcessif).3. En raison de la panique sur les dettes publiques européennes, ces règles sont renforcées unepremière fois en 2011, puis en 2013 par le Pacte budgétaire. Le Pacte budgétaire européen,officiellement appelé Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) (entré envigueur le 1er janvier 2013) constitue un durcissement très significatif du pacte de stabilité, adoptédans le but de rassurer les marchés financiers dans un contexte de crainte de faillite de plusieurs Étatseuropéens.a. Les États européens ne doivent plus avoir plus de 0,5 % de déficit budgétaire non lié à unerécession (ce que l'on appelle en jargon économique le « déficit structurel », par opposition au« déficit conjoncturel » qui est lié aux éventuelles récessions que traverse une économie). C'est la« règle d'or » : les seuls déficits autorisés, au-delà de la petite marge de 0,5 %, sont les déficits liés auxrécessions, et ils doivent être compensés par des excédents durant les « bonnes » années. Sur le moyenterme, il ne doit plus y avoir de déficit supérieur à 0,5 % du PIB. b. D'autre part, les États qui ont plus de 60 % de dette publique doivent la réduire d'1/20ème par an.

Question 1 : Pourquoi peut-on dire que les politiques conjoncturelles en Europe sont fondées sur desrègles, plutôt que sur l'adaptation à la conjoncture ?Question 2 : En quoi consiste le Traité de Maastricht ? Et le Pacte de Stabilité ?Question 3 : Pourquoi est-il durci en 2013 ?

16

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 17

La récession de 2009 a révélé les problèmes que pose l'absence de mécanisme visant à ce que lesÉtats de la zone euro mènent ensemble des politiques budgétaires.Initialement, la crise est venue de l'extérieur, des États-Unis. Or, paradoxalement, dès le début de la

crise, l'Europe a connu une récession plus marquée que les États-Unis : en 2009, le PIB a baissé de2,8 % aux États-Unis contre 4,4 % dans la zone euro.

Document 1 : Des politiques budgétaires de relance limitées dans la zone euro

États-Unis 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Taux de croissance -0.3 -2.8 2.5 1.6 2.3 2.2 2.2

Déficit public (en % du PIB) -6.5 -12.9 -10.8 -9.9 -8.6 -5.8 -5.1

Dette publique(en % du PIB) 73.3 86.3 95.2 99.0 102.5 104.2 105.6

Zone Euro 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

Taux de croissance 0.4 -4.4 2 1.6 -0.7 -0.4 0.8

Déficit public (en % du PIB) -2.1 -6.4 -6.3 -4.1 -3.7 -3.1 -2.9

Dette publique(en % du PIB) 70.2 80.1 85.7 88.3 93.0 95.7 96.4

Source : FMIUne cause importante de ce paradoxe est l'absence de politique de relance budgétaire à la hauteur de

la récession. Une politique budgétaire de relance consiste à accroître la demande globale enaugmentant les dépenses de l'État et en diminuant ses impôts : elle conduit donc à dégrader le budgetde l'État, générant ainsi souvent un déficit budgétaire. Les politiques de relance ont été beaucoup plusmodestes en Europe qu'aux États-Unis (document 1). Elles n'ont pas été à la hauteur de la récession.La raison est que les traités européens ne prévoient pas de mécanismes institutionnels pour

coordonner les politiques budgétaires : la seule coordination est celles des règles du Pacte de stabilité,qui interdisent aux États d'avoir un déficit trop important, mais ne les incitent pas à répondre ensembleà une récession. Ces règles peuvent même avoir un effet pervers, puisqu'elles leur interdisent d'avoirdes déficits supérieurs à 3 %, ce qui peut être nécessaire pour lutter contre une très forte récession. En l'absence de ces mécanismes de coordination, chaque État européen a intérêt à pratiquer une

stratégie de passager clandestin. Il sait que les autres États vont faire une politique de relance. Dans lamesure où la zone euro est fortement intégrée, toute politique de relance dans un pays bénéficie à sesvoisins. En effet, cette politique de relance permet à l'économie de redémarrer, ce qui se traduit parune hausse des importations. Or, ces importations vont surtout vers les pays voisins dans la zone euro,qui est très intégrée. Donc ces pays voisins bénéficient d'une hausse de leur demande globale, à traversla hausse de leurs exportations, sans avoir eu de déficit budgétaire (qui a un coût : il implique unehausse de la dette publique, et donc des intérêts futurs à payer sur cette dette). Idéalement, si tous les pays de la zone euro se mettaient d'accord pour relancer ensemble, l'efficacité

de la politique de relance serait très grande, puisque 65 % des importations des Européens se font avecd'autres Européens : les importations des uns profiteraient aux autres, et réciproquement.Mais, il n'y a aucun mécanisme pour contraindre les États européens à coordonner leur politique

budgétaire. Par conséquent, la stratégie rationnelle est celle du passager clandestin.

Question 1 : Pourquoi est-il paradoxal que la récession de 2009 ait été plus forte en Europe qu'auxÉtats-Unis ?Question 2 : Montrez, en utilisant le document 1, que la politique de relance budgétaire a été

beaucoup plus faible dans la zone euro qu'aux États-Unis.Question 3 : Pourquoi le Pacte de stabilité est-il parfois accusé d'être « pro-cyclique » ?Question 4 : Expliquez la phrase soulignée.

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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 18 :

A partir de 2011, alors que les États-Unis renouent avec la croissance, l'Europe est secouée par lacrise des « dettes souveraines » (ou dettes publiques, c'est-à-dire la dette de l'État). Cette crise frappel'Europe du Sud ainsi que l'Irlande.

Ces pays ne sont jamais sortis de la récession, qui a été plus durable et violente que dans l'Europedu Nord. Cette récession a pour conséquence que leurs États sont durablement en fort déficit, parceque la chute du PIB entraîne une chute des impôts. Ces très fort déficits entraînent à leur tour uneexplosion de la dette publique.

Cela rend les investisseurs inquiets : ils hésitent à prêter à ces États qui ne pourront peut-être pas lesrembourser. Leur inquiétude se transforme presque en panique quand l'État grec fait faillite en 2011.Par conséquent, les taux d'intérêt auxquels les États du Sud empruntent explosent à partir de 2011.Cela ne fait qu'accroître leur dette, puisqu'ils doivent payer des intérêts plus élevés dessus -ce qui lesprécipite encore plus vers la faillite. Ces États sont ainsi emportés dans une spirale d'aggravation deleur dette. Ils tentent d'y répondre en diminuant leur déficit, grâce à une baisse des dépensespubliques. Mais, cela a pour conséquence une baisse de la demande globale, qui ne fait qu'aggraver larécession -ce qui limite leur capacité à prélever des impôts, et donc à vraiment diminuer leur déficit.

Question 1 : En quoi consiste la crise des dettes souveraines ?Question 2 : Pourquoi les taux d'intérêt augmentent-ils, en provoquant une spirale d'endettement ?

Exercice 19 :

La crise des dettes a pour cause profonde une perte de compétitivité des pays de l'Europe du Sud.Celle-ci renvoie, tout d'abord, à leur désindustrialisation, résultat de la spécialisation des économies dela zone euro (exercice 12 bis).

Mais cette première cause a été aggravée par une seconde, qui révèle un autre problème decoordination de la politique conjoncturelle : l'inadaptation de la politique monétaire de ces pays, qui aconduit à de graves déséquilibres macroéconomiques. Une monnaie unique implique d'avoir unepolitique monétaire unique. La Banque Centrale ne fixe qu'un seul taux d'intérêt : elle ne peut pasfixer un taux d'intérêt par pays de la zone. Ce ne serait pas un problème si les économies de la zoneconvergeaient, se ressemblaient de plus en plus. Mais c'est l'inverse qui s'est produit. En particulier,l'inflation a durablement été plus forte dans les pays du Sud. La Banque centrale a mené une politiquemonétaire qui ne leur convenait pas : elle aurait dû avoir des taux d'intérêt plus élevés, pour y limiterla croissance et donc l'inflation. Mais, comme elle fixe un taux d'intérêt pour toute la zone, elle ne lepouvait pas. Conséquence : les prix et les salaires (qui suivent l'inflation) ont plus rapidementaugmenté dans ces pays. Au final, entre l'adoption de l'euro et la récession de 2009, les coûts deproduction, notamment le coût du travail, ont beaucoup plus augmenté dans ces pays que dans ceux del'Europe du Nord. Conséquence de la conséquence : leurs coûts de production étant trop élevés, cespays sont durablement non compétitifs par rapport aux pays du Nord. Le plus grave est qu'ils nepeuvent plus retrouver leur compétitivité en dévaluant leur monnaie.

18

0

0.5

1

1.5

2

2.5

3

3.5

4Doc 1 : Taux d'inflation dans les pays de la zone euro en 2007

En

%

Source : Eurostat

100110120130140150160170

Doc 2 : Coût du travail dans le secteur privé dans les pays de la zone euro en 2008

(indice 100 = 2000)

Source : Eurostat

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

[En outre, les faibles taux d'intérêt réels ont poussé les acteurs économiques de ces pays a s'endetterénormément, ce qui a conduit à une explosion de dettes, qui ont nourri des bulles immobilières,notamment en Espagne ou en Irlande. Ces bulles explosent avec la récession, laissant des milliersd'acteurs en faillite (comme de nombreux ménages espagnols qui ne peuvent plus rembourser leurmaison, qu'ils ne peuvent pas vendre non plus, leur valeur ayant énormément baissé), intensifiant larécession.]

Question 1 : Pourquoi la politique monétaire n'a pas été adaptée durant les années 2000 dans les paysdu sud de la zone ?Question 2 : Pourquoi ne pouvait-elle pas l'être ?Question 3 : Pourquoi est-elle à l'origine de la crise des dettes publiques ?

Exercice 20 :

Prises collectivement, les dettes publiques de l'ensemble des pays de la zone Euro sont plus faiblesque celle des États-Unis (doc 1 de l'exercice 16). Pourtant, personne n'a jamais pensé que les États-Unis feraient faillite : ils n'ont pas connu de crise des dettes souveraines. Pourquoi cette différence ?

La crise des dettes souveraines constitue un « choc asymétrique », c'est-à-dire un choc qui netouche que certains pays de la zone, et pas tous (ce qui est le cas d'un « choc symétrique »). Dans cecas, la politique monétaire ne peut pas agir, puisqu'elle est la même pour tous. Les États n'ont doncplus à leur disposition que leur politique budgétaire. Le problème est que la récession est tellementforte que celle-ci ne suffit pas : elle conduit ces États à accroître leurs déficits considérablement, sansque cela ne relance l'économie. Par exemple, l'Espagne a un déficit budgétaire de près de 10 % par andepuis 4 ans, et elle reste en récession. Ce déficit risque de provoquer sa faillite, ce qui provoque lacrise de la dette, par défiance des prêteurs.

Les pays de l'Europe du Nord pourraient être solidaires. 1) Ils pourraient coordonner leur politiquebudgétaire, en pratiquant des politiques de relance. Celles-ci conduiraient à une hausse de leursimportations de produits de l'Europe du Sud, y relançant la croissance. Ou l'Union européenne ellemême pourrait pratiquer une politique de relance. Mais elle a un budget équivalent à 1 % du PIBeuropéen, très insuffisant pour financer une politique de relance en Europe. 2) Les autres pays (oul'UE) pourraient prêter des fonds aux pays en difficulté, ce qui leur éviterait toute crise de la dette.

La crise des dettes révèle donc l'absence coordination des politiques budgétaire en Europe : les paysne se prêtent pas entre eux, et ne s'aident pas dans leur politique budgétaire. Seul compte donc leurdette individuelle, et pas leur dette moyenne commune, à la différence des États-Unis. Cette crisemontre donc que les pays européens n'avaient pas adopté les mécanismes politiques nécessaires pourfaire vivre la monnaie unique. Ultimement, elle montre l'absence de solidarité entre les payseuropéens.

Question 1 : Pourquoi est-il paradoxal que ce soit la zone euro qui ait connu une crise des dettes ?Question 2 : Qu'est-ce qu'un choc asymétrique ?Question 3 : Pourquoi les pays de l'Europe du Sud auraient-ils besoin d'une coordination despolitiques budgétaires ?

19

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Exercice 21

Quelles réponses à la crise des dettes souveraines ? Cette crise manifeste en premier lieu l'inefficacité du Pacte de Stabilité et de Croissance qui

n'a pas empêché le dépassement par la plupart des pays membres des normes qu'il fixe enmatière de déficit et de dette.

La question posée est donc celle du choix entre le renforcement de règles contraignantespesant sur la politique budgétaire des États membres et la mise en place d'un véritablefédéralisme budgétaire :

- soit chaque pays accepte de contrôler strictement son budget, par un mécanismecontraignant de type "règle d'or", chacun subit alors des contraintes propres de financementmais conserve sa souveraineté budgétaire ;

- soit les pays européens acceptent de mutualiser leurs budgets dans une logique fédérale,en bénéficiant globalement de meilleures conditions de financement, mais au prix d'uneperte de souveraineté.

Alain Beitone et alii, Economie, Sirey, 2012

Question 1 : Pourquoi la crise a-t-elle manifesté l'inefficacité du Pacte de Stabilité ?Question 2 : Pourquoi les pays européens doivent-ils soit avoir des régles plus dures, soit un politiquebudgétaire (et une dette) commune ?

Exercice 22

Les pays européens ont choisi la première stratégie. Face à la « crise des dettes souveraines », ils ontchoisi, à partir de 2011, de durcir les règles contraignant la politique budgétaire. Le but est : 1) derassurer les prêteurs sur le sérieux des États de la zone 2) de faire en sorte qu'une telle crise ne puisseplus se produire, en faisant en sorte qu'un État n'ait pas une dette si grande qu'il puisse faire faillite.Cela a conduit au Pacte budgétaire européen, ratifié en 2013, qui impose la « règle d'or », selonlaquelle un État ne peut plus, sur le long terme, avoir plus de 0,5 % de déficit budgétaire.

Ce choix politique a conduit à ce que l'on appelle la « politique de rigueur ». Les États européens sesont engagés à respecter le plus rapidement possible le Pacte budgétaire : cela a impliqué uneimportante réduction des dépenses et/ou une augmentation des recettes, c'est-à-dire une politiquebudgétaire qui diminue la demande globale. Cette politique de rigueur a eu pour conséquence dereplonger l'Europe (ainsi que la France) dans la récession à partir de 2012 (2013 pour la France).

Par ailleurs, les États européens ont conçu un mécanisme pour aider les États européens endifficulté. Plutôt que d'être obligés de prêter des fonds directement à l'État en difficulté, ce qui accroîtleurs dettes, les États ont créé le Mécanisme européen de stabilité (en 2012). Celui-ci est un sorte debanque, à qui les États ont donné un capital initial, et qui peut emprunter sur les marchés financierspour prêter à un État en difficulté (voir le doc 36 p.120 qui décrit le fonctionnement du FESF qui aprécédé le MES).

Mais les États ont refusé d'aller plus loin en émettant des dettes en commun, et plus encore enmutualisant complètement leur politique budgétaire.

La logique fondamentale a donc été de renforcer la gouvernance par les règles, plutôt que deconstruire des mécanismes de coordination.

Question 1 : Quel choix ont fait les pays européens pour éviter un retour d'une crise des dettes ?Question 2 : Pourquoi ce choix a déclenché, à court terme, une récession ?

20

Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

Brouillon :

Exercice 17

Les problèmes que posent l'absence de mécanisme de coordination des politiques budgétaires se sontrévélés, à nouveau, et plus gravement encore, lorsque les économies du Sud de la zone euro ont étéfrappées, à partir de 2009, d'une aggravation de la crise, alors que les économies du Nord (commel'Allemagne) sortaient de la récession. C'est ce que l'on appelle un « choc asymétrique » (qui ne frappeque certains pays), par opposition à un « choc symétrique » (qui frappe de la même manière tous lespays de la zone). Or, l'éventualité qu'une très grave crise puisse frapper certains pays de la zone et pasd'autres n'avait pas été prévue, et moins encore ce qu'il faudrait faire si celle-ci se produisait.

Examinons pourquoi il aurait fallu une coordination plus étroite. Prenons, pour cela, l'exemple del'Espagne.

Pour répondre à ce choc asymétrique, l'État espagnol n'a pas le contrôle de sa politique monétaire. Ilne peut donc pas baisser les taux d'intérêt. Il ne peut pas, non plus, dévaluer sa monnaie, ce quirelancerait la demande extérieure, puisqu'il n'a plus de monnaie nationale. Tout ce qu'il peut faire pouraccroître la demande est une relance grâce à sa politique budgétaire. Si la crise avait été d'une faibleampleur, cela aurait suffit. Mais la crise est très grave : l'Espagne a un déficit budgétaire de près de10 % par an depuis 4 ans, et elle reste en récession. L’État espagnol risque donc de s'endetter tellementqu'il fasse faillite. Autrement dit, il manque à l'Espagne des outils de politiques économiques pour sesortir de la crise : la politique budgétaire ne suffit pas.

Ce manque de moyens d'action lié à l'euro aurait pu être compensé, s'il existait des mécanismes decoordination des politiques budgétaires en Europe. Par exemple, les autres États de la zone pourraient,eux-mêmes, pratiquer des politiques de relance, ce qui conduirait à ce que leurs importations deproduits espagnols augmentent (et donc la demande globale en Espagne). Ou encore, ils pourraientprêter des fonds à l'État espagnol. Mais, au début de la crise, aucun de ces mécanismes n'existait. Ouencore, l'Europe elle-même pourrait prêter à l'Espagne. Or, l'Union européenne a un budget équivalentà 1 % du PIB européen, très insuffisant pour financer une politique de relance en Espagne. Depuis lacrise, des mécanismes d'aide ont été créés, mais ils sont arrivés trop tard, et ils sont insuffisants.

Les économistes disent que la zone euro n'est pas une « zone monétaire optimale ». Des pays ontintérêt à former une zone économique si : 1) ils font beaucoup d'échanges entre eux, sinon cela n'a pasd'intérêt (l'Europe remplit ce critère) 2) ils ne connaissent pas de chocs asymétriques (ce n'est donc pasle cas de l'Europe) 3) et, s'ils en connaissent un, il existe des mécanismes de solidarité financièresentre les régions de la zone. Comme on l'a vu ces mécanismes faisaient défaut en Europe. L'Europen'est donc pas une zone monétaire optimale. Elle ne pourra le devenir qu'en renforçant trèssignificativement sa solidarité budgétaire.

Question 1 : Qu'est-ce qu'un choc « asymétrique » ?Question 2 : Pourquoi le fait que l'Espagne fasse partie de la zone euro la rend vulnérable face à unchoc asymétrique ?Question 3 : Qu'est-ce qui pourrait compenser cette situation ?

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Chapitre 8 : Quelle est la place de l’Union européenne dans l’économie globale ?

BROUILLON !

Les Européens n'avaient prévu aucune manière de mener des politiques budgétaires coordonnées,essentiellement parce que certains États refusaient de perdre leur souveraineté sur leurs politiquesbudgétaires. Cela s'est avéré une grave erreur. C'est, encore, à R.Mundell que l'on doit cette analyse. Mundell explique que des économies nepeuvent partager une monnaie qu'à trois conditions qui en font une « zone monétaire optimale ». a) Il faut que beaucoup qu'une grande partie des échanges économiques soient des échangesintrazones. Sinon, il n'y a pas d'intérêt à favoriser l'intégration entre les économies. La zone eurorépond à ce critère, comme on l'a vu.b) Deuxièmement, il faut que les économies soient très similaires du point de vue de leur structureéconomique, pour qu'elles connaissent uniquement des chocs « symétriques » . En d'autres termes, ilfaut qu'elles rentrent en même temps en récession, et pour les mêmes raisons ou, inversement, qu'ellesconnaissent des phases d'expansion au même moment, et pour les mêmes causes. Si les pays de lazone connaissent des « chocs asymétriques », c'est-à-dire que si certains sont frappés par unerécession, tandis que d'autres ne le sont pas, se pose alors un problème grave qui n'est soluble que si lazone répond à une troisième condition.c) Si ce n'est pas le cas, il faut, en effet, -troisième condition- qu'il y ait une importante mobilité dutravail, c'est-à-dire que la main d'oeuvre n'hésite pas à déménager des régions frappées par unerécession vers celles qui connaissent de la croissance. Si ce n'est pas le cas, il faut qu'il existe unepolitique budgétaire qui assure la solidarité entre les régions.

Examinons ce qui se passerait si la deuxième et la troisième conditions ne sont pas remplies. Prenonsl'exemple d'une économie -par exemple, l'Espagne- qui connaîtrait une très grave récession, tandis queles autres économies ne la connaissent pas (par exemple, parce que l'Espagne est spécialisée dans laconstruction immobilière, qui connaît une crise). La deuxième condition n'est donc pas remplie:l'Espagne connaît un choc « asymétrique » (elle est la seule à le connaître). Pour répondre à cette récession, l'État espagnol n'a pas le contrôle de sa poltique monétaire. Il ne peutpas baisser les taux d'intérêt. Il ne peut pas, non plus, dévaluer sa monnaie, ce qui relancerait lademande extérieure, puisqu'il n'a plus de monnaie. Tout ce qu'il peut faire pour accroître la demandeest une relance grâce à sa politique budgétaire. Si la crise est de faible ampleur, cela va suffire. Mais sila crise est très grave, cela ne sera pas suffisant. Pire, si la crise est extrêmement grave, cela peutconduire l'État à faire faillite (pour les raisons vue dans les exercice au-dessus). C'est exactement cequi s'est passé depuis 2008 en Espagne: l'État espagnol n'a pas fait faillite, mais c'est une éventualitéque l'on ne peut exclure.Il en est ainsi, parce que la troisième condition n'est pas rempli. Il n'y avait, initialement, aucunmécanisme qui fasse que les autres Etats aident l'Espagne. En particulier, l'Union européenne en tantque telle dispose d'un budget très faible (1 % du PIB de la zone euro) : elle ne peut donc pas donner del'argent à l'État espagnol. Et les autres Etats ne sont pas obligés d'aider l'Espagne, soit en lui prêtantdes fonds, soit, ou en menant une politique de relance chez eux, qui conduirait à ce que leursimportations de produits espagnols augmentent (et donc la demande globale en Espagne).

En résumé, l'Europe n'a prévu aucun mécanisme pour aider un pays qui connaîtrait une très gravecrise. Or, un tel État n'a plus de politique monétaire ou de politique de change pour y répondre. Il n'aplus que sa politique budgétaire, qui peut ne pas suffire, ou même qui peut le conduire à la faillite. Ilaurait fallu mettre en place des mécanismes d'aide, comme des politiques budgétaire de relancecoordonnées, ou un mécanisme d'aide. Cela n'a pas été fait initialement. Il a fallu que la crise atteigneun point très grave pour que ces mécanismes d'aide soient mises en œuvre.

La première raison de cela est la politique monétaire que mène la Banque Centrale Européenne. A la

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différence de la Banque centrale américaine (la Fed), son traité fondateur ne lui donne qu'unemission : lutter contre l'inflation. La Fed, au contraire, doit lutter contre l'inflation, et contre lechômage. Par conséquent, la Fed a beaucoup plus vite, et beaucoup plus fortement, baissé ses tauxd'intérêt pour limiter l'ampleur de la récession (et donc du chômage). La BCE a été nettement plusprudente. Elle a même augmenté ses taux d'intérêt en avril 2011, parce qu'elle avait peur d'un regaind'inflation (il n'y a pas eu d'inflation, et l'Europe a replongé dans la récession).

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