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12 APERçU HISTORIQUE DES MéTHODES DE PRéPARATION PHYSIQUE Chapitre.1 Aperçu.historique.des.méthodes.de.préparation.physique tion se veut, encore et toujours, uniquement générale et natu- relle 2 . Elle trouve sa substance dans les disciplines athlétiques. On ne connaîtra jamais l’efficacité de la méthode puisqu’en raison de la guerre, les jeux Olympiques de 1916 sont annulés 3 . La préparation physique, source de beauté À la création des jeux Olympiques, en 776 avant J.-C., par goût du jeu et de la compétition, les Grecs font déjà des exer- cices corporels où l’esthétisme occupe une place de choix, sans pour autant négliger la performance. C’est cette philosophie qu’Edmond Desbonnet (1868-1953), fondateur de la première école de culture physique française, reprend à sa façon à la fin du XIX e siècle : il avance que la culture physique doit déve- lopper la beauté, la santé et la force. Sa méthode est basée sur des exercices analytiques, sur le soulevé d’haltères ou de plaques de fonte et il insiste sur la valeur des étirements. Les gens fortunés, motivés par le culte du beau, s’y intéressent. Cette tendance peut être considérée comme les premiers pas d’une démarche qui amènera nos contemporains à fréquenter les salles de remise en forme, voire à pratiquer le bodybuilding. La recherche d’une performance en compétition reste là un ob- jectif secondaire. Et si nous pensons qu’une pratique sportive compétitive, si modeste soit-elle, reste un moyen privilégié de mieux se connaître, on peut imaginer, autour de la philoso- phie de Desbonnet, un moyen d’amener certains adolescents réfractaires à s’engager dans une pratique sportive régulière. La préparation physique constitue là une porte d’entrée. À l’inverse, ce peut être un piège pour certains sportifs blessés ou en fin de carrière qui ont encore la volonté d’établir des per- formances : à se rendre à la salle de musculation beaucoup plus souvent qu’à l’accoutumée, ils trouveront peut-être une com- pensation psychologique dans ce travail mais ils peuvent modi- fier sans s’en apercevoir leur musculature et donc peiner ensuite à retrouver des sensations spécifiques à leur sport. À travers ce substitut de pratique, ils s’éloignent de ce qui constitue le cœur de leur pratique, au risque de s’écarter de la compétition. La préparation physique, première arme du soldat À l’inverse, les militaires, dans un autre type de compétition, savent tirer parti d’une préparation physique réfléchie. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans des camps situés en Écosse, les Britanniques avaient instauré un mode de pré- 2. La méthode naturelle, mise au point par Hébert, repose sur l’ob- servation des animaux et des peuplades primitives, qui se mus- clent efficacement et naturellement, sans artifice. Hébert prend ainsi le contrepied de la musculation du haut du corps, en vogue à l’époque, qui met l’accent sur le volume des biceps au détriment du reste du corps. 3. Après la guerre de 1914-1918, Hébert se consacre à l’éducation physique plutôt qu’au sport de haut niveau. Quelques dates clés dans l’histoire de la préparation physique Dans.l’Antiquité Gladiateurs ou adeptes de pratiques sportives moins guerrières, les civilisations grecque et latine avaient leurs champions. Certains s’entraînaient à temps complet comme de véritables professionnels. Dans leur entraînement, ils avaient intégré la notion de préparation physique. Ceux qui étaient en forme phy- sique voyaient leurs chances de vaincre augmenter. Les ath- lètes couraient beaucoup, prenaient le temps de s’adonner à un travail régulier de soulevé d’haltères et allaient même jusqu’à surveiller leur alimentation. Mais, surtout, ils pratiquaient les disciplines dans lesquelles ils s’affrontaient. Sparte en est un exemple extrême : on obligeait les jeunes gar- çons Spartiates à quitter leur mère à l’âge de 7 ans pour dé- buter une formation militaire qui durait jusqu’à ce qu’ils aient 30 ans ; ils vouaient le reste de leur vie à la défense de la cité. Ils commençaient par apprendre à courir et à nager, puis pratiquaient divers exercices destinés à fortifier les bras. Ils pouvaient alors participer aux jeux du pentathle, qui compre- nait cinq « combats » : la course, le saut, la lutte, le lancer du disque et le lancer du javelot. Les filles, elles, avaient le devoir d’être en parfaite condition physique pour donner naissance à des enfants robustes. Elles subissaient une véritable éduca- tion étatique, à base de gymnastique, d’athlétisme et de lutte. Ce système assurait à Sparte une supériorité militaire qui la protégeait mais lui permettait aussi de briller aux jeux Olym- piques : sur 81 vainqueurs connus de l’Antiquité, 46 étaient Spartiates ! Plus en détail, pour la course à pied, sur 36 connus, il y avait 21 Spartiates. Dans un contexte où l’accession à la performance sportive ne faisait pas l’objet d’un entraînement très élaboré, l’athlète qui était en forme, gagnait. Du.XIX e .siècle.à.nos.jours La préparation physique, tremplin de la performance C’est peut-être le succès des Spartiates aux jeux Olympiques qui inspira Georges Hébert 1 (1875-1957) lorsqu’il fut, à partir de 1913, nommé à la tête d’un centre d’entraînement, le Col- lège d’athlètes de Reims. L’objectif était de préparer les spor- tifs français pour le rendez-vous olympique de 1916. Soulevé de parpaing, saut en longueur avec ou sans élan, lancer de poids de la main droite, lancer de poids de la main gauche, la musculature du haut du corps est privilégiée mais la prépara- 1. Parmi les ouvrages de Georges Hébert, citons notamment Le sport contre l’éducation physique (1926, réed. Éd. EP&S, 1993), L’édu- cation physique ou l’entraînement complet par la méthode natu- relle (1938, réed. Vuibert, 1947).

Chapitre.1 Aperçu.historique.des.méthodes.de.préparation ... · commando Kieffer, composé de soldats français qui débar-queront en première ligne le 6 juin 1944, un grand nombre

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› aperçu hiStorique deS méthodeS de préparation phySique

Chapitre.1

Aperçu.historique.des.méthodes.de.préparation.physique

tion se veut, encore et toujours, uniquement générale et natu-relle2. Elle trouve sa substance dans les disciplines athlétiques. On ne connaîtra jamais l’efficacité de la méthode puisqu’en raison de la guerre, les jeux Olympiques de 1916 sont annulés3.

La préparation physique, source de beautéÀ la création des jeux Olympiques, en 776 avant J.-C., par goût du jeu et de la compétition, les Grecs font déjà des exer-cices corporels où l’esthétisme occupe une place de choix, sans pour autant négliger la performance. C’est cette philosophie qu’Edmond Desbonnet (1868-1953), fondateur de la première école de culture physique française, reprend à sa façon à la fin du xixe siècle : il avance que la culture physique doit déve-lopper la beauté, la santé et la force. Sa méthode est basée sur des exercices analytiques, sur le soulevé d’haltères ou de plaques de fonte et il insiste sur la valeur des étirements. Les gens fortunés, motivés par le culte du beau, s’y intéressent. Cette tendance peut être considérée comme les premiers pas d’une démarche qui amènera nos contemporains à fréquenter les salles de remise en forme, voire à pratiquer le bodybuilding. La recherche d’une performance en compétition reste là un ob-jectif secondaire. Et si nous pensons qu’une pratique sportive compétitive, si modeste soit-elle, reste un moyen privilégié de mieux se connaître, on peut imaginer, autour de la philoso-phie de Desbonnet, un moyen d’amener certains adolescents réfractaires à s’engager dans une pratique sportive régulière. La préparation physique constitue là une porte d’entrée. À l’inverse, ce peut être un piège pour certains sportifs blessés ou en fin de carrière qui ont encore la volonté d’établir des per-formances : à se rendre à la salle de musculation beaucoup plus souvent qu’à l’accoutumée, ils trouveront peut-être une com-pensation psychologique dans ce travail mais ils peuvent modi-fier sans s’en apercevoir leur musculature et donc peiner ensuite à retrouver des sensations spécifiques à leur sport. À travers ce substitut de pratique, ils s’éloignent de ce qui constitue le cœur de leur pratique, au risque de s’écarter de la compétition.

La préparation physique, première arme du soldatÀ l’inverse, les militaires, dans un autre type de compétition, savent tirer parti d’une préparation physique réfléchie. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans des camps situés en Écosse, les Britanniques avaient instauré un mode de pré-

2. La méthode naturelle, mise au point par Hébert, repose sur l’ob-servation des animaux et des peuplades primitives, qui se mus-clent efficacement et naturellement, sans artifice. Hébert prend ainsi le contrepied de la musculation du haut du corps, en vogue à l’époque, qui met l’accent sur le volume des biceps au détriment du reste du corps.

3. Après la guerre de 1914-1918, Hébert se consacre à l’éducation physique plutôt qu’au sport de haut niveau.

Quelques dates clés dans l’histoire de la préparation physiqueDans.l’AntiquitéGladiateurs ou adeptes de pratiques sportives moins guerrières, les civilisations grecque et latine avaient leurs champions. Certains s’entraînaient à temps complet comme de véritables professionnels. Dans leur entraînement, ils avaient intégré la notion de préparation physique. Ceux qui étaient en forme phy-sique voyaient leurs chances de vaincre augmenter. Les ath-lètes couraient beaucoup, prenaient le temps de s’adonner à un travail régulier de soulevé d’haltères et allaient même jusqu’à surveiller leur alimentation. Mais, surtout, ils pratiquaient les disciplines dans lesquelles ils s’affrontaient.Sparte en est un exemple extrême : on obligeait les jeunes gar-çons Spartiates à quitter leur mère à l’âge de 7 ans pour dé-buter une formation militaire qui durait jusqu’à ce qu’ils aient 30 ans ; ils vouaient le reste de leur vie à la défense de la cité. Ils commençaient par apprendre à courir et à nager, puis pratiquaient divers exercices destinés à fortifier les bras. Ils pouvaient alors participer aux jeux du pentathle, qui compre-nait cinq « combats » : la course, le saut, la lutte, le lancer du disque et le lancer du javelot. Les filles, elles, avaient le devoir d’être en parfaite condition physique pour donner naissance à des enfants robustes. Elles subissaient une véritable éduca-tion étatique, à base de gymnastique, d’athlétisme et de lutte. Ce système assurait à Sparte une supériorité militaire qui la protégeait mais lui permettait aussi de briller aux jeux Olym-piques : sur 81 vainqueurs connus de l’Antiquité, 46 étaient Spartiates ! Plus en détail, pour la course à pied, sur 36 connus, il y avait 21 Spartiates. Dans un contexte où l’accession à la performance sportive ne faisait pas l’objet d’un entraînement très élaboré, l’athlète qui était en forme, gagnait.

Du.xixe.siècle.à.nos.jours

La préparation physique, tremplin de la performanceC’est peut-être le succès des Spartiates aux jeux Olympiques qui inspira Georges Hébert1 (1875-1957) lorsqu’il fut, à partir de 1913, nommé à la tête d’un centre d’entraînement, le Col-lège d’athlètes de Reims. L’objectif était de préparer les spor-tifs français pour le rendez-vous olympique de 1916. Soulevé de parpaing, saut en longueur avec ou sans élan, lancer de poids de la main droite, lancer de poids de la main gauche, la musculature du haut du corps est privilégiée mais la prépara-

1. Parmi les ouvrages de Georges Hébert, citons notamment Le sport contre l’éducation physique (1926, réed. Éd. EP&S, 1993), L’édu-cation physique ou l’entraînement complet par la méthode natu-relle (1938, réed. Vuibert, 1947).

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Quelques dates clés dans l’histoire de la préparation physique ‹

tères viennent s’ajouter à la liste pour équiper les premiers gymnases. Georges Hébert s’inscrit dans cette forme de tra-vail, fondant en partie sa méthode, dite naturelle, sur des exercices au portique et les diffusant dans les écoles en fonc-tion de l’aménagement des différents plateaux. En France, jusque dans les années 1960, les élèves du ba-by-boom utilisent encore un portique de plusieurs mètres de haut dans la cour de leur école. Puis, au début des années 1970, les portiques sont délaissés, voire interdits en raison des dangers d’utilisation qu’ils présentent ; ils finissent, man-gés par la rouille et les termites avant d’être tout simple-ment supprimés dès 1980. Mais les via ferrata ou les parcours d’acrobranche en vogue aujourd’hui ne seraient-ils pas des versions modernes du portique d’Amoros ?

Les prémices de la diététique du sportifPlus encore, que dire quand les militaires intégraient des fac-teurs autres que le seul facteur physique dans la préparation physique de leurs troupes ? « Un soldat en forme est un soldat bien nourri, bien couché et bien entraîné », affirmaient les ins-tructeurs aux jeunes recrues du service militaire. Peut-on parler de concepts diététiques et de récupération avant l’heure ? Déjà, au xvie siècle, Sir Thomas Elyot5 avait à l’esprit l’im-portance de l’hygiène de vie : il l’évoquait dans son manuel d’éducation, dans lequel il recommandait notamment la pra-tique de la course à pied, citant comme exemples Achille et Alexandre-le-Grand, qui furent de grands coureurs. À l’époque de Sir Thomas Elyot, on pariait même sur les hommes comme

5. Érudit britannique de la Renaissance, auteur de L’Éducation ou Com-ment élever ses enfants (vers 1535), inspiré des écrits de Plutarque.

paration physique pour leurs troupes d’élite. Avant le débarquement des troupes alliées en Normandie, des Français rejoignent l’Angle-terre. À l’image du célèbre commando Kieffer, composé de soldats français qui débar-queront en première ligne le 6 juin 1944, un grand nombre de soldats suivront les stages de la Royal Air Force. Course à pied, travail au portique, ponts de singe, parcours chronométrés, simulateurs de saut en parachute, parcours du combattant… Une pa-noplie d’outils est déployée pour préparer physiquement les soldats. Cette méthode est si efficace qu’elle trouve ses prolongements jusqu’à nos jours. Nos troupes d’élite (GIGN, RAID, commandos parachutistes, légionnaires, forces spéciales, pompiers de Paris) ont conservé l’essence de la démarche, qu’en réalité dès 1834 le colonel Amoros avait pré-sentée dans son livre Manuel d’éducation physique gymnastique et morale4. Cet ouvrage propose une méthode de culture phy-sique qui s’adresse aux militaires et notamment aux pompiers ; elle repose sur divers exercices dont certains se pratiquent sur un portique, conçu par Amoros lui-même et comportant échelles de corde, trapèzes, cordes avec ou sans nœuds, etc. (voir dessin ci-dessus). Cette méthode inspirera plus tard les plus grandes armées du monde, au sein desquelles sont imaginées des par-cours de préparation physique. Au siècle suivant, Georges Hébert les nommera d’ailleurs « par-cours du combattant ». Aujourd’hui encore, dans les centres de formation des pompiers, on trouve des déclinaisons spécifiques du portique d’Amoros : monter à l’échelle fixe, traverser le portique en marchant sur la passerelle de sa partie haute, redescendre de l’autre côté en se laissant glisser le long d’un mât vertical.

La préparation physique à l’écoleOn trouve dans les instructions ministérielles du xixe siècle, ou dans des listes de matériels recommandés par l’inspecteur d’académie, les constituants du portique d’Amoros : un por-tique en chêne, un mât fixe vertical, un mât horizontal, une corde à console, une échelle de corde, une paire d’anneaux, un trapèze, une échelle de bois, une corde à nœuds, une corde lisse. D’autres matériels comme des barres parallèles, une échelle orthopédique (espaliers), une perche oscillante, des cannes d’initiation à l’escrime ou encore de petits hal-

4. Ce manuel, publié par La Librairie encyclopédique de Roret en 1834, a été réimprimé en fac-similé par les Éditions EP&S en 1998.

Le portique du colonel Amoros (gravure extraite du Manuel d’éducation physique, gymnastique et morale, « Atlas », 1848).

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on parie aujourd’hui encore sur les chevaux ! Ces coureurs, les footmen, qui pratiquaient quotidiennement la course à pied, s’imposaient un régime spécial constitué presque exclusive-ment d’œufs et de viande rouge à peine cuite.

la préparation physique générale : une alternative à la pratique sportive en morte saison La préparation physique présente l’avantage de maintenir le niveau de forme physique des sportifs durant toute la saison, en particulier quand leur activité n’est pas praticable. Par exemple, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une majorité de piscines étaient encore découvertes. Si l’on vivait un hiver froid, la piscine pouvait être fermée pendant 6 mois ! Quand les conditions climatiques ou l’entretien de ces ins-tallations interdisaient l’accès au bassin, les entraîneurs de natation proposaient, en at-tendant, une approche pluri-disciplinaire. De même, pour les sports dits « d’hiver » : les skieurs ne s’entraînaient qu’en hi-ver, attendant le retour de la neige pour retrouver leur forme physique ; l’été, la plu-part d’entre eux effectuaient bien quelques courses en montagnes, mais cela ne suffisait pas pour répondre aux exigences d’un entraî-nement élaboré… Dans les années 1960, Honoré Bon-net, le directeur des équipes de France de ski, décrète que dorénavant la période estivale pourra être mise à profit pour développer les ressources physiques. Les sœurs Goitchelle, Jean-Claude Killy, Jean Vuarnet, Guy Périllat, Adrien Duvillard et beaucoup d’autres skieurs sont déposés régulièrement en téléphérique ou en hélicoptère sur les crêtes alpines et doi-vent redescendre en courant dans la vallée, munis d’un sac à dos lesté. C’est une manière comme une autre d’effectuer un travail d’endurance de force dans un registre de contraction excentrique sur une base aérobie. C’est le lancement de ce que sera plus tard la préparation physique très élaborée du skieur. En athlétisme, à la même époque, en hiver, les sprinters jouaient au rugby ou au handball à onze et les sauteurs se tournaient vers le basket-ball en attendant une météorolo-gie plus favorable à la pratique quotidienne de l’athlétisme. Ainsi, bien souvent, c’est l’insuffisance des installations spor-tives en quantité ou en qualité, qui a amené les entraîneurs à développer des activités ayant pour objectif de ne pas stop-per toute activité à la saison morte. Un mal pour un bien…

Vers une préparation physique spécifiqueAutre exemple, le judoka Laurent Del Colombo, étudiant à l’INSEP au début des années 1980, avec son camarade d’entraînement Fabien Canu, demande à Michel Pradet, un de leurs enseignants, de leur concocter un programme de préparation physique en adé-quation avec les filières énergétiques sollicitées en judo. La pré-paration physique est incluse dans le programme d’entraînement et n’est, en aucun cas, un simple rajout occasionnant une fatigue supplémentaire. La démarche est audacieuse car, à l’époque, s’en-traîner de façon différente, c’est rompre une tradition. Fabien est devenu champion du monde de judo et Laurent fut le préparateur physique de David Douillet. Quelques années plus tard, Jacques Dechoux imagine des séances de préparation physique qui ont pour objectifs de permettre à Philippe Candeloro de ne pas craindre de s’engager dans un mou-

vement difficile et de ne pas subir la fatigue d’une presta-tion de 4’30’’ dans laquelle il se livre corps et âme.La recherche de spécificité dans l’entraînement a gé-néré des inventions remar-quables. Ainsi, en aviron, on utilise depuis longtemps une mécanique de substitu-tion permettant de simuler l’effort hors du plan d’eau : le rameur (voir photos ci-contre). Certes, en l’absence de rames (appareil à traction centrale), le sportif ne re-produit pas avec exactitude la manipulation fine de la pelle, mais la pratique sur cet appareil lui permet d’en-tretenir en salle sa condi-tion physique (ressources aérobies). Le système est d’ailleurs si ingénieux que toutes les salles de muscula-

tion sont désormais équipées de rameurs et que beaucoup de sportifs, quelle que soit leur spécialité, les utilisent. Et, par-delà le cadre de la performance sportive, cet appareil séduit également nombre de personnes désireuses de s’entretenir car il sollicite un grand nombre de groupes musculaires et offre une alternative au tapis roulant, au vélo ou à l’elliptique.Ces quelques exemples montrent que la préparation physique est devenue omniprésente dans la pratique sportive, car elle est indissociable de la construction d’un champion, particu-lièrement dans sa préparation en amont de toute compéti-tion. Comme nous le verrons au chapitre 2, elle n’est plus l’apanage des seuls sportifs professionnels ou de haut niveau. Elle intègre le champ médical, se pratique dans les salles de sport, en tant qu’activité physique d’entretien, et, par exten-sion, investit le monde de l’école.

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