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4 L’une de celles-ci, moins connue malgré les dé- corations flamboyantes de ses appareils, fut le 51 e groupe de chasse qui vit le jour en janvier 1941. Ce Pursuit Group, intégré aux Forces aériennes de l’Armée des États-Unis (US Army Air Forces) et sta- tionné sur le terrain d’Hamilton Field, aux abords de San Francisco, était composé des 16 e , 25 e et 26 e es- cadrilles de chasse, cette dernière étant sous les or- dres du 2Lt Charles W. Dunning qui céda très vite la place au 1Lt Francis E. Brenner. Jusqu’à son transfert sur le terrain de March Field, près de Riverside en Californie, au mois de juin, le 51st Pursuit Group était une formation virtuelle dotée d’un minimum de personnel et dépourvue d’avions. Des chasseurs Curtiss P-40 lui furent attribués, permettant aux pi- lotes des trois escadrilles de s’entrainer sur plusieurs terrains en Californie, dont la Naval Air Station de North Island à San Diego et Mines Field près de Los Angeles, qui accueillit la 26 e escadrille. Le groupe participa également à la défense aé- rienne de cette zone, après l’attaque du 7 décembre 1941 contre la base de Pearl Harbor. À la fin de l’an- née, toute l’unité se rassembla à March Field sous les ordres du Major Homer L. « Tex » Sanders et le 8 janvier 1942, elle reçut l’ordre de se tenir prêt à embarquer vers sa zone d’opérations. Quatre jours plus tard, le transport President Coolidge quittait le port de San Francisco à destination du Pacifique Sud, emportant à son bord les 53 officiers et 894 hommes du rang du 51st PG. Rejoint par deux autres navires de transport et un croiseur, le bâtiment faisait partie du premier convoi de troupes américaines à quitter la métropole depuis la décla- ration de guerre au Japon. Après une escale à Melbourne, à partir du 1 er février, où il fut rejoint par 16 nouveaux pilotes, le groupe changea de navire et 32 P-40E Warhawk arrivés en vol à travers l’Australie furent hissés à bord du transport d’avions USS Langley. « CHINA BLITZERS » LA SAGA DU 26 th FIGHTER SQUADRON Par Steve Blake (traduction de Jean Barbaud et profils de Thierry Dekker) Pour la majorité des passionnés d’aviation, la guerre aérienne sur le théâtre d’opérations « Chine – Birmanie – Inde » (CBI) évoque automatiquement l’épopée des « Tigres Volants », le groupe de volontaires américains partis soutenir les forces chinoises face à l’agression nippone, ou celle de leurs successeurs au sein du 23 e groupe de chasse (23rd FG). Les forces alliées s’opposant aux japonais ne se réduisaient cependant pas à cette seule célèbre unité… Cette photo a été prise sur le terrain chinois de Kunming, en octobre 1943. À gauche, le Major Nollmeyer discute avec ses pilotes, appuyé sur son P-40K-5 « 255 » (s/n 42- 9768). À droite, debouts, les Lt Joseph K. Bavuso et Von C. Weller Jr. Assis sur l’aile, de gauche à droite, les Lt John W. Sherak, Douglas H. McDonald et Lt John M. Machin, ainsi que les Capt William R. Rodgers et Leonard C. Hicks. On remarque que ni le célèbre insigne des « China Blitzers », ni la gueule de requin, n’ont encore été apposés. (USAF)

CHINA BLITZERS - avions-bateaux.com · 1080 F6F-1 (à moteur Wright R-2600 donc), est pas-sée à Grumman le 7 janvier 1942. Cette commande va ensuite être modifiée, notamment au

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    L’une de celles-ci, moins connue malgré les dé-corations flamboyantes de ses appareils, fut le 51e groupe de chasse qui vit le jour en janvier 1941. Ce Pursuit Group, intégré aux Forces aériennes de l’Armée des États-Unis (US Army Air Forces) et sta-tionné sur le terrain d’Hamilton Field, aux abords de San Francisco, était composé des 16e, 25e et 26e es-cadrilles de chasse, cette dernière étant sous les or-dres du 2Lt Charles W. Dunning qui céda très vite la place au 1Lt Francis E. Brenner. Jusqu’à son transfert sur le terrain de March Field, près de Riverside en Californie, au mois de juin, le 51st Pursuit Group était une formation virtuelle dotée d’un minimum de personnel et dépourvue d’avions. Des chasseurs Curtiss P-40 lui furent attribués, permettant aux pi-lotes des trois escadrilles de s’entrainer sur plusieurs terrains en Californie, dont la Naval Air Station de North Island à San Diego et Mines Field près de Los Angeles, qui accueillit la 26e escadrille.

    Le groupe participa également à la défense aé-rienne de cette zone, après l’attaque du 7 décembre 1941 contre la base de Pearl Harbor. À la fin de l’an-née, toute l’unité se rassembla à March Field sous les ordres du Major Homer L. « Tex » Sanders et le 8 janvier 1942, elle reçut l’ordre de se tenir prêt à embarquer vers sa zone d’opérations. Quatre jours plus tard, le transport President Coolidge quittait le

    port de San Francisco à destination du Pacifique Sud, emportant à son bord les 53 officiers et

    894 hommes du rang du 51st PG. Rejoint par deux autres navires de transport et un croiseur, le bâtiment faisait partie du premier convoi de troupes américaines à quitter la métropole depuis la décla-ration de guerre au Japon.

    Après une escale à Melbourne, à partir du 1er février, où il fut rejoint par 16 nouveaux

    pilotes, le groupe changea de navire et 32 P-40E Warhawk arrivés en vol à travers l’Australie furent hissés à bord du transport d’avions USS Langley.

    « CHINA BLITZERS »LA SAGA DU 26th FIGHTER SQUADRONPar Steve Blake (traduction de Jean Barbaud et profils de Thierry Dekker)

    Pour la majorité des passionnés d’aviation, la guerre aérienne sur le théâtre d’opérations « Chine – Birmanie – Inde » (CBI) évoque automatiquement l’épopée des « Tigres Volants », le groupe de volontaires américains partis soutenir les forces chinoises face à l’agression nippone, ou celle de leurs successeurs au sein du 23e groupe de chasse (23rd FG). Les forces alliées s’opposant aux japonais ne se réduisaient cependant pas à cette seule célèbre unité…

    Cette photo a été prise sur le terrain chinois de Kunming, en octobre 1943. À gauche, le Major Nollmeyer discute avec ses pilotes, appuyé sur son P-40K-5 « 255 » (s/n 42-9768). À droite, debouts, les Lt Joseph K. Bavuso et Von C. Weller Jr. Assis sur l’aile, de gauche à droite, les Lt John W. Sherak, Douglas H. McDonald et Lt John M. Machin, ainsi que les Capt William R. Rodgers et Leonard C. Hicks. On remarque que ni le célèbre insigne des « China Blitzers », ni la gueule de requin, n’ont encore été apposés.(USAF)

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    objectifs en Birmanie quand la météo le leur per-mettait. À l’aube du 25 février 1943, l’aérodrome de Sookerating subit l’attaque de neuf bombardiers

    « Sally » du 98e Sentai encadrés par vingt et un « Oscar » appartenant aux 50e et 64e Sentai. Dix-huit P-40 décollèrent des bases de Dinjan, Lilibari et Mohanbari, épaulés par quatorze chasseurs du 25th FS. Le Lt Lyle T. Boley raconta : « J’ai attaqué un bi-moteur et l’ai envoyé au tapis, avant de réaliser que les 4 autres, ainsi que leur escorte de 5 chasseurs, me mitraillaient ! J’ai aussitôt plongé vers le sol et pris la fuite au ras de la végétation, volant pendant 64 minutes avant d’épuiser mes dernières gouttes de carburant au moment même où je me posais sur la piste : ouf ! »

    Au terme de cette bataille aérienne, les forces américaines dénombrèrent douze appareils ennemis détruits, quatorze probablement hors de combat et sept endommagés, ainsi que deux abattus par la DCA. Sur ce bilan global, le 26th FS pouvait re-vendiquer neuf victoires certaines [3], dix probables et cinq avions endommagés. Parmi les pilotes vic-

    Le Capt Charles Henry Colwell aux commandes de son P-40E « 82 ». Il abat un « Sally » et endommage un « Oscar » le 25 février 1943, deux succès représentés sur cet avion décoré d’une gueule de requin. Colwell disparaitra lors d’une collision en vol le 2 juin suivant, à bord du P-40E-1 s/n 41-36498.

    Le Sgt Elmer Pence, chef-mé-canicien d’Ed Nollmeyer, tente de finir de peindre un drapeau de victoire « malgré l’aide » de la mascotte de l’escadrille qui arrose son travail ! Le mar-quage symbolise un « Oscar » abattu le 25 février 1943, la victoire précédente de son pilote ayant été remportée sur un autre « Oscar » quatre mois plus tôt. Nollmeyer a aussi revendiqué le 25 février un second Ki-43 « probable », qui ne figure pas sur son ta-bleau de chasse. (USAF)

    Curtiss P-40K « 82 » du Capt Charles « Hank » Colwell, 26th FS/51st FG, Lilibari (Inde) mars 1943.

  • 18

    Naissance d’un chasseur : une longue gestation

    Contrairement à ce que l’on pourrait penser – et à ce qui a souvent été écrit, même aux États-Unis –, l’histoire du Hellcat remonte à 1938 et non à 1942 quand son prédécesseur, le Grumman F4F Wildcat, affrontait le terrible Mitsubishi Zéro. Il n’a donc pas été étudié pour faire face au Zéro mais pour suc-céder tout simplement au Wildcat. Le parcours de son développement n’est d’ailleurs pas aussi simple qu’on pourrait le croire.

    Au printemps 1938, Grumman perd un concours lorsque son prototype XF4F-2 est rejeté par la Marine qui lui préfère le Brewster XF2A-1. Pourtant, le XF4F-2 s’est montré meilleur durant les essais mais la Marine désire diversifier ses sources d’appro-visionnement en avions de chasse ; elle commande donc 50 F2A-1 ! Grumman ne s’avoue pas vaincu et ses ingénieurs vont parvenir à améliorer la motori-sation de son XF4F-2… pour finalement largement surpasser les performances du F2A-1. Ce sera le Wildcat (une autre histoire).

    L’équipe du bureau d’études de Grumman décide également, dès février 1938, de travailler sur les

    Le chasseur Grumman F6F Hellcat est devenu un avion mythique de la guerre dans le Pacifique ! Pourtant, quand on le compare à son principal adversaire, le Mitsubishi A6M5 Zéro, ses lignes, sa silhouette paraissent bien moins racées. Mais cette impression était bien trompeuse : le Hellcat était un chasseur très efficace, performant, facile à construire et à entretenir. De nom-breux pilotes de l’U.S. Navy lui doivent leur brillant palmarès mais surtout d’avoir survécu à de difficiles combats, le Grumman pouvant encaisser beaucoup. Les pilotes de Hellcat ont été crédités de 5156 victoires, représentant 55% du total des avions ennemis détruits par les pi-lotes de l’U.S. Navy et du Marine Corps, ce contre la perte de 270 Hellcat ! Un record, dû sans aucun doute à un ensemble de facteurs déterminants mais surtout aux qualités intrinsèques de cet avion.

    Le but de cet article n’est pas de relater l’ensemble de la carrière de ce bel avion, il faudrait un livre ! Nous allons cependant vous le faire découvrir d’un point de vue technique et au travers des combats qu’il a menés durant la Seconde Guerre mondiale.

    LE GRUMMAN F6F HELLCAT DANS LA SECONDE GUERRE MONDIALE

    L’un des nombreux Grumman F6F-3 Hellcat en cours de livraison à la marine améri-caine au début de 1944. Le Hellcat va être « le » chasseur qui permettra aux aviateurs marins américains, grâce à ses excellentes performances et ses nombreuses autres qualités, de prendre le dessus sur l’aviation embarqué ja-ponaise. (toutes les photos : Grumman, sauf autre mention)

    Première partie, par Michel Ledet(profils de Thierry Dekker)

  • 29

    Cette photo du second F6F-3 de série (BuNo 04776) nous

    montre le premier schéma de camouflage appliqué, stan-

    dard à l’époque : gris bleu sur les surfaces supérieures et gris clair dessous, identique à celui peint sur les Wildcat. L’avion

    est ici piloté par le pilote d’essai Bud Gillies qui survole

    Long Island en 1943.

    Les F6F-3 BuNo 04782 (au premier plan) et 04783 en

    vol de formation, pilotés res-pectivement par les pilotes d’essai Grumman « Bob »

    McReynolds et Corwin Meyer ; il s’agit des septième et hui-tième exemplaires de série.

    Le nouveau chasseur de l’U.S. Navy n’est présenté à la presse

    américaine qu’en août 1943, soit plus d’un an après son pre-mier vol et après les premières

    opérations dans le Pacifique. (US Navy)

  • 32

    F6F-5 Le premier exemplaire de ce second modèle effec-tue son vol initial le 5 avril 1944. La nouvelle version incorpore bien entendu les améliorations éprou-vées sur le F6F-3 mais elle en comporte également d’autres. Le moteur R-2800-10W devient standard,

    tous les F6F-5 en étant donc équipés. Parmi les autres raffinements, mentionnons les compensa-teurs d’ailerons : chaque aileron reçoit ainsi un com-pensateur mobile servo-commandé ainsi qu’un autre fixe. En ce qui concerne l’armement, chaque F6F-5 peut recevoir les six mitrailleuses habituelles, ou

    Le F6F-3 BuNo 25181 est devenu l’un des prototypes du F6F-5. Il servira à évaluer les différentes améliorations apportées à cette version, comme les compensateurs sur les ailerons mis au point par le NACA. On remarque la verrière sans montant ainsi que le pare-brise plat aux montants modifiés.

    Un F6F-5N en cours de convoyage en 1944 par une unité spécialement créée dans ce but, la VRF-1. (US Navy)

  • 35

    La construction en série du Hellcat va constituer un réel défi pour Grumman. En effet, le constructeur ne dispose, au démarrage du programme, d’aucun lieu assez vaste pour la production du nouveau chasseur. La commande initiale de l’U.S. Navy, portant sur 1080 F6F-1 (à moteur Wright R-2600 donc), est pas-sée à Grumman le 7 janvier 1942. Cette commande

    va ensuite être modifiée, notamment au sujet de la motorisation comme nous l’avons écrit précédem-ment. Cependant, il faut absolument que Grumman prépare la construction en grande série du Hellcat. C’est alors plus facile à dire qu’à faire car toutes les ressources industrielles, en métal notamment, sont requises pour les productions de guerre et il sem-

    Visite d’officiers de l’U.S. Navy chez Grumman : le Hellcat en est la vedette.

    Préparation pour le vol d’essai d’un F6F-3 fin 1943.

    Grumman conservera un cer-tain nombre de Hellcat pour

    apporter des améliorations au modèle ou tester de nouveaux

    systèmes.

  • 38

    La N 3 avant Verdun

    L’escadrille n° 3 voit le jour au camp d’Avord en juillet 1912. Initialement équipée de monoplans Blériot, elle participe, après la déclaration de guerre, à la bataille des frontières et à celle de la Marne. Elle est pratiquement dissoute en février 1915 [2], pour renaître dès le mois suivant. C’est le lieutenant Antonin Brocard [3] qui est chargé de la remettre sur pied à partir du 18 mars. Officiellement reformée le 5 avril, elle est rééquipée en Morane type L et de-vient officiellement MS 3. Basée à Vauciennes, dans

    « DOGFIGHTS » [1] SUR LA MEUSELe détachement de la N 3 à Verdun, 25 février – 15 mai 1916Par Marc Chassard (profils de l’auteur)

    Il y a cent ans se déroulait la plus terrible bataille de l’histoire. Le 21 février 1916, les Allemands déclenchaient, sous un déluge de feu, leur offensive sur la rive droite de la Meuse. Elle fut finalement stoppée au prix d’énormes pertes. Sur terre comme dans les airs, la reconquête du terrain perdu se fit pas à pas. À travers l’histoire du détachement de la célèbre escadrille N 3, mené par le capitaine Brocard puis le sous-lieutenant Peretti, rendons hommage à tous ces aviateurs français qui tombèrent dans le ciel de Verdun…

    Le S/Lt Albert Deullin en combat avec un monoplan Fokker dans le ciel de Verdun en mars 1916. (M. Chassard)

    L’escadrille MS 3 peu de temps après sa reconstitution, probablement début mai 1915. De gauche à droite : S/Lt Fernand Venson, Adj Charles Houssemand, Lt Robert de Bazelaire de Ruppierre (observateur), Sgt Clément Bonnard, Cne Antonin Brocard, Cne Georges Mailfert (ex commandant de la HF 28, en visite), Lt de Lavalette (observateur), Sgt Émile Devienne, Lt Edmond Hugel (observateur), Adj Jules Védrines. (coll. SHDA)

  • 53

    Dans la matinée du 9 avril 1941 et en dépit du temps médiocre, le 35e groupe d’aviation (GA) tente une nouvelle fois d’atteindre Kraljevo ; cette fois, le succès est au rendez-vous. Sur place se trouvent également un Do 17 K du 3e régiment d’aviation (RA), deux Do 17 K juste sortis d’usine, les avions de la 2e école de pilotage (EP) et un Amiot 143 amené en Yougoslavie en juin 1940 par un équipage tchè-que. Un ordre étrange arrive aux pilotes de mettre le feu aux Fury car de nouveaux Hurricane sont sur le point d’arriver. Les pilotes refusent, argumentant qu’il sera bien temps de faire flamber les biplans

    quand les Hurricane seront arrivés. L’ordre émane du lieutenant-colonel Bajdak qui disparaît étrange-ment juste après... Cet officier n’a pas accompagné le groupe mais s’est rendu à Kraljevo aux comman-des du Bf 108.

    Le lendemain, des nouvelles alarmantes font état de l’arrivée imminente des forces allemandes à Kraljevo. L’état-major du 5e RA et le 36e GA quittent les lieux pour Užice, à 100 km plus à l’Ouest, tandis que les neuf Fury du 35e GA demeurent à Kraljevo. Dès l’arrivée à Užice, il leur est ordonné de repar-

    Seconde et dernière partie, par Aleksander Ognjević et Ognjan M. Petrović (traduction de Michel Ledet ; profils couleurs d’Ognjan M. Petrović)

    LE HAWKER FURY DANS LES BALKANS

    UN BIPLAN S’EN VA-T-EN GUERRE :

    Triste symbole de ce qui va bientôt advenir aux Fury you-

    goslaves, le chasseur du Sgt Slobodan M. Vorgić a capoté sur le plateau de Pešter, près de la ville serbe de Sjenica, le 26 septembre 1940. Le pilote

    qui s’en est tiré sain et sauf pose nonchalamment, accoudé

    à l’hélice du « 67 blanc » (n° 2229).

    (coll. Milan Micevski)

    Yugoslav Fury Mk.II n° 2229 « 67 blanc » de la 110e escadrille du 35e groupe aérien (5e régiment de chasse), Niš septembre 1940.

  • 66

    Le constructeur d’avions azuréen Romano est bien mal connu. Dans un livre référence sur l’aviation militaire française, on pouvait même lire : « Pris par le temps, on était contraint d’ache-ter en 1938 la licence d’un avion italien, le Romano » [1]. Quel contresens pour ce constructeur bien français, qui a débuté sa carrière à l’époque des pionniers à Aubagne, avant de s’installer à Cannes au début des années 1920 ! Sans doute trop éloigné des centres de décisions pari-siens, son histoire est passé fort discrète, jusqu’à ce que quelques rares passionnés rappel-lent son existence, notamment Jean Liron à la fin des années 1960 dans Aviation Magazine. Pourtant, certains de ses avions furent abondamment utilisés à travers la France pour former toute une génération de pilotes entrant dans la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à la défaite de juin 1940.

    Un voltigeur exceptionnel

    Étienne Romano, qui construisait des hydravions sur la Côte d’Azur depuis le début des années 1920, se lança dans la construction d’avions terrestres avec l’aide de l’italien Caproni. Il embaucha alors Pierre Lemoigne comme chef pilote d’essais en mai 1931. Ce dernier travaillait jusque-là chez Gourdou-Lesseure, dont il avait conservé un avion de volti-ge qu’il utilisait à titre privé. En 1934, il suggéra à Romano de réaliser un appareil plus moderne pour le remplacer. Ce fut semble-t-il le point de départ d’un biplan dont les masses devaient être ramas-sées le plus possible autour du centre de gravité, afin de favoriser la maniabilité. Il était propulsé par un moteur à sept cylindres en étoile refroidis par air Lorraine 7Me Mizar de 240 ch, cerclé d’un anneau Townend, entraînant une hélice Ratier. Cet appareil qui reçut dès lors la désignation Romano 80 effec-tua son premier vol vers la fin 1934, sur le terrain de Saint-Cassien qui jouxtait l’usine des Chantiers Aéronavals Étienne Romano (CAER) installés le long de la plage de la Bocca. La date précise de ce vol n’est pas connue. Quant au pilote, il semblerait logi-

    que que ce fusse Pierre Lemoigne, mais on sait par ailleurs qu’à cette époque, celui-ci était très occupé à Villacoublay à mener les essais de l’avion à géo-métrie variable Makhonine Mak 101, en compagnie du mécanicien Lépine. L’autre pilote de la maison, François Boulic, spécialisé dans les hydravions, prit cet avion en mains pour réaliser quelques essais en mode terrestre à partir du 22 novembre 1934. Il réalisa ainsi une bonne vingtaine de vols jusqu’en janvier 1935.

    Les premiers vols révélèrent vite un avion au po-tentiel de voltige exceptionnel, dépassant même les prévisions les plus optimistes du constructeur. Quelques améliorations furent néanmoins apportées suite aux premiers essais, notamment l’agrandisse-ment du plan fixe vertical et le remplacement les quatre ailerons d’origine par deux ailerons à fente [2] placés sur l’aile inférieure. C’est le chef d’atelier Quoix qui supervisa ces modifications.

    Jean Liron, historien marseillais de l’aviation fran-çaise, s’était beaucoup attaché à la société Romano, dont il avait raconté l’histoire sur plusieurs numéros

    [1] Histoire de l’Aviation mi-litaire française, par les gé-néraux Charles Christienne et Pierre Lissarague, Alain Desgardin, Patrick Facon, Patrice Buffotot et Marcelin Hodeir, éd. Charles Lavauzelle 1980, page 337.[2] Pierre Lemoigne allait de-venir par la suite un promo-teur actif de ce type de dispo-sitif de sustentation à fente, notamment après la Seconde Guerre mondiale, comme sur les SO 6020 et NC 1080, et même sur les parachutes aux-quels il fit faire ainsi des pro-grès marquants.

    LE VOLTIGEUR DE L’ARMÉE DE L’AIRPremière partie, par Philippe Ricco (plans et profils de Pierre Tilley)

    ROMANO 82

    Cette incroyable photogra-phie, prise sur le vif par le célèbre photographe cannois Traverso, montre Pierre Lemoigne lors d’un passage incliné à quelques centimètres au-dessus du sol. Le cliché a servi de publicité à Romano durant plusieurs années dans la presse spécialisée. (photo Traverso)

  • 88

    Nouveaux projets, nouveaux espoirs Après quelques mois d’une séparation volontaire et réfléchie, Amy revient en Angleterre à l’automne 1934 et retrouve son mari. On peut supposer (sans grand danger de se tromper !) que Jim, véritable cœur d’artichaut, n’était pas demeuré solitaire tout ce temps... A-t-il cependant promis de s’amender ? Pendant quelques semaines, Amy, qui semble avoir pris goût aux USA à l’aviation de ligne, va voler au sein de la Hillman’s Airways, une compagnie an-glaise fondée trois années auparavant par Edward

    Hillman. Elle assure entre autres la ligne Londres-Le Bourget et commence de plus en plus à apprécier la France… même si elle l’a traitée précédemment de « pays d’arnaqueurs » [16].

    Poussée par Jim, Amy se laisse convaincre de partici-per à un nouveau raid. Cette fois, il s’agit de la coupe créée par Sir McPherson Robertson, Écossais émigré en Australie – et devenu là-bas « roi du chocolat » –

    Le DH 88 Comet c/n 1994 Black Magic des époux Mollison lors de la course Angleterre – Australie

    en octobre 1934.(toutes les photos : coll. de l’auteur,

    sauf autre mention)AMY JOHNSON,

    LA ROMANTIQUE DE L’AIRTroisième et dernière partie, par Jean-Louis Roba (profil de Pierre-André Tilley).

    Lors de son premier atterris-sage au Bourget aux comman-des d’un avion des Hillman’s Airways, le DH 84 Dragon G-ACEV (c/n 6023), l’aviatri-ce est la proie des journalistes locaux car son aura est tou-jours intacte en France.