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Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique 126 (2015) Rebelles à l'ordre colonial ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Didier Monciaud Les engagements d’Injî Aflâtûn dans l’Égypte des années quarante : la radicalisation d’une jeune éduquée au croisement des questions nationale, femme et sociale ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Didier Monciaud, « Les engagements d’Injî Aflâtûn dans l’Égypte des années quarante : la radicalisation d’une jeune éduquée au croisement des questions nationale, femme et sociale », Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique [En ligne], 126 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 10 février 2015. URL : http:// chrhc.revues.org/4136 Éditeur : Association Paul Langevin http://chrhc.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://chrhc.revues.org/4136 Document généré automatiquement le 10 février 2015. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'édition papier. © Tous droits réservés

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Cahiers d'histoire. Revued'histoire critique126  (2015)Rebelles à l'ordre colonial

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Didier Monciaud

Les engagements d’Injî Aflâtûn dansl’Égypte des années quarante : laradicalisation d’une jeune éduquée aucroisement des questions nationale,femme et sociale................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'éditionélectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

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Référence électroniqueDidier Monciaud, « Les engagements d’Injî Aflâtûn dans l’Égypte des années quarante : la radicalisationd’une jeune éduquée au croisement des questions nationale, femme et sociale », Cahiers d'histoire. Revued'histoire critique [En ligne], 126 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le 10 février 2015. URL : http://chrhc.revues.org/4136

Éditeur : Association Paul Langevinhttp://chrhc.revues.orghttp://www.revues.org

Document accessible en ligne sur :http://chrhc.revues.org/4136Document généré automatiquement le 10 février 2015. La pagination ne correspond pas à la pagination de l'éditionpapier.© Tous droits réservés

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Didier Monciaud

Les engagements d’Injî Aflâtûn dansl’Égypte des années quarante : laradicalisation d’une jeune éduquée aucroisement des questions nationale,femme et socialePagination de l’édition papier : p. 73-95

À la mémoire de Soraya Adhâm et d’Eqbal Hanîn1 L’histoire des luttes pour les droits des femmes en Égypte est riche d’engagements, de

contributions et de mobilisations 1. Depuis la fin du XIXe siècle, la « question femme » s’affirmeprogressivement dans un pays dominé et s’associe aux luttes du mouvement anticolonial.Différentes orientations émergent, d’un patriotisme libéral et laïc à des options conservatrices,nationalistes ou de gauche.

2 Dans les années 1940, de nombreuses Égyptiennes rejoignent les groupes communistes alorsen plein essor 2. Une figure émerge : Injî Aflâtûn 3, jeune éduquée passionnée par la peinture 4,s’engage à gauche et s’investit dans « l’action femme », y jouant un rôle de premier plan.

3 Notre article examine cette contribution pour l’obtention de droits politiques et sociaux.Ce parcours exprime le phénomène de radicalisation d’une jeune éduquée dans le contextecolonial où s’articulent marxisme, patriotisme et réforme sociale. Les options d’Injî Aflâtûnsur la « question femme » reposent sur une adhésion à un projet où la lutte pour les droitsdes femmes devient un élément spécifique du mouvement de résistance au colonialisme et aucapitalisme. Ses analyses et ses interventions participent de l’élaboration d’une « conscienceféministe primitive », selon l’expression de Katerina Trimi 5. Avec un tel exemple, il s’agirade discuter les relations complexes, et non dépourvues de tensions, de la gauche égyptienneavec le féminisme durant cette période 6.

4 Dans une première partie, nous examinerons les origines et les éléments clés de ceparcours individuel, en particulier ses racines familiales, l’importance de la peinture, saradicalisation politique et ses engagements militants. Nous aborderons ensuite sa participationau congrès fondateur de la Fédération démocratique internationale des femmes à Paris, puissa contribution critique à la « question femme » avec son ouvrage original publié en 1949.Nous discuterons ensuite des caractéristiques de cet engagement communiste égyptien dans lecontexte de cette période sensible et de sa contribution à la lutte des femmes avec un examendes tensions entre « question femme » et féminisme qui traversent son intervention.

Origines et éléments d’un parcours

Racines d’un itinéraire individuel 7

5 Injî Aflâtûn naît en 1924 dans une famille francophone de l’aristocratie d’origine turco-circassienne proche de la famille royale 8, qui parle turc et français plus qu’arabe. Ses parentssont cousins 9, pratique répandue en Égypte, notamment au sein de cette élite. Le père, grandentomologiste, obtient le titre de « pacha ». Sa mère, Salhah, née à Choubra, alors quartierrésidentiel huppé, vit dans un palais avec de nombreux domestiques.

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Injî Aflâtûn (1940)6 Elle connaît une enfance relativement atypique 10 en raison de la personnalité et de la trajectoire

de cette mère qui quitte son époux à l’âge de 19  ans. Injî n’a alors que quelques mois  11.Indépendante, Salha Aflâtûn choisit de travailler et d’ouvrir une boutique de mode en 1936,après un prêt de la banque Misr, contre l’avis de son époux 12. Elle représente la haute coutureparisienne au Caire. Elle recourt au pseudonyme de Monique 13 pour apprendre ce métier àParis. Dévoilé, ce secret provoque un scandale au sein de la « bonne » société, mais celareprésente pour ses filles un exploit et un exemple.

7 La maison de Choubra abandonnée, la mère et ses deux filles s’installent à Zamalek puis àMa’adi. La jeune Injî fréquente l’école du Sacré-Cœur. Cette école catholique, conservatrice etfrancophone, qui forme de futures épouses « convenables pour les milieux aisés » 14, représentepour elle une véritable épreuve.

8 Le style de vie des jeunes filles de ce milieu est souvent marqué par un isolement et par desformes de rejet de la langue arabe 15. « Elles étaient fières de converser en français. Et ellesrivalisaient entre elles pour mépriser tout ce qui était égyptien, arabe, ou lié de toute façon àcela. Les jeunes filles musulmanes étaient une minorité, très peu nombreuses. » 16 Dans le casd’Injî, cela signifie une méconnaissance de l’arabe.

9 Avec son passage au lycée français du Caire, l’adolescente gagne une liberté avec un véritabledéfi intellectuel. Le lycée lui apparaît comme fort différent du Sacré-Cœur. Une prise dedistance progressive avec le milieu de son enfance s’opère alors.

10 En devenant militante, patriote et marxiste, elle effectue un passage « du camp des richesau camp des pauvres  »  17. Si la France reste la référence pour ce milieu, Injî refuse lasuggestion de sa mère et les pressions de ses proches d’aller y étudier les arts : « il n’étaitpas acceptable et rationnel que je quitte l’Égypte et que j’aille dans les pays des khawagât 18

pour plusieurs années, alors que je pensais de tout mon cœur au long et douloureux processusd’égyptianisation pour moi-même, pour ma personnalité, moi qui parlais français et avaisperdu 18 ans dans une société enveloppée dans du cellophane. Jusqu’à ce que j’aie 17 ans, malangue était le français et quand je commençais à être en contact avec les gens, je ne pouvaispas desserrer le nœud qui liait ma langue ! Moi coupée de l’arbre ? » 19

11 Sa scolarité dans un système étranger et francophone, au contenu moderne et conservateur,favorise un accès à d’autres références et participe d’une rupture avec les préjugés de cetteélite. « L’usine à bonnes épouses » la conduit à « la liberté » : après des « interrogations », elledécouvre « une liberté de forme nouvelle » 20. Révoltée par la grande pauvreté du peuple et larichesse de son milieu, la jeune Injî se radicalise et s’engage dans le communisme.

Importance de la peinture12 Très tôt, elle manifeste un vif intérêt pour la peinture 21. Soutenue par sa famille, elle suit des

cours privés à la maison avec l’artiste Kamâl al-Tilmissâni. La rencontre de cette figure 22 dela petite et dynamique mouvance surréaliste s’avère décisive : il lui fait découvrir de nouveauxhorizons artistiques et philosophiques  23  : surréalisme, cubisme, histoire des arts, questions

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esthétiques. Il soutient l’engouement pour l’univers paysan 24 qui accompagne son sentimentde révolte avec la découverte de la pauvreté. Elle s’oriente vers un « humanisme d’un autretype » 25. À 17 ans, elle participe à la troisième exposition Art indépendant du groupe Art etLiberté. Ultérieurement, son travail sera marqué par le réalisme social. Elle va devenir unefigure de l’art égyptien moderne.

Injî Aflâtûn, La fille et le monstre, 1941.

Radicalisation et engagement politiques13 Après la « révolution de 1919 », l’Égypte gagne une indépendance limitée et une monarchie

parlementaire. La question nationale reste centrale, progressivement la question sociale prendde l’importance. Le second conflit mondial affecte l’Égypte avec d’importantes mutationspolitiques et sociales. Des réseaux politiques progressistes s’affirment. D’abord influentsdans les milieux étrangers et cosmopolites, ils pénètrent les milieux éduqués et syndicaux,notamment après Stalingrad. Les espoirs d’une indépendance effective et de justice socialeaugmentent. La mouvance communiste incarne la radicalité et la modernité, tant sur la questionnationale que sur les enjeux sociaux.

14 À l’université, Injî fréquente la mouvance de gauche. Elle participe à un « cercle d’étude » 26,retrouvant régulièrement des proches, par affinités personnelles, pour des discussions etdes échanges de livres. Injî assiste aussi aux conférences hebdomadaires du Dâr al-Abhâthal-‘Ilmîa 27 (centre de recherches scientifiques), situé au centre de la capitale. Ce foyer culturel,intellectuel et social 28 incarne un dynamisme culturel, une liberté d’expression, une mixité

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et une vie sociale en rupture avec les normes conservatrices prédominantes. Il gagne uneaudience certaine avec 300 participants réguliers, dont une cinquantaine de jeunes femmes 29.Nombre d’entre elles, comme Latîfa al-Zayyât 30, Soraya Adhâm 31 ou Fatma Zakî32, s’engagentà gauche.

15 Ce centre est animé par des militants d’Iskra (étincelle) 33, l’une des organisations communistesformée en 1942 autour d’Hillel Schwartz  34, juif francophone. Elle s’adresse aux milieuxéduqués et cosmopolites, et insiste sur la théorie.

16 Injî poursuit sa découverte de nouvelles références et d’un nouvel univers qui bouleversent sesperspectives. Sympathisante, elle participe à des réunions avant d’intégrer Iskra en 1944 35.Elle qui maîtrise très mal sa langue commence à réellement l’apprendre 36.

17 En 1944-1945, elle participe au lancement de la Ligue des jeunes femmes des universités etdes instituts (Râbitat Fatayat al-gâmi’a wa al-ma’âhid) 37. La Ligue défend une orientation degauche anticoloniale, les intérêts spécifiques des étudiantes et des diplômées, et l’égalité entrehommes et femmes 38. Une de ses brochures appelle les femmes à « lutter pour les plus largeslibertés ; lutter pour la libération de l’oppression, de la faim et de l’agression ; lutter par etpour nous-mêmes ; lutter pour créer une libre et noble vie pour les femmes égyptiennes sous lasouveraineté d’un pays noble et libre ; lutter pour réaliser la liberté démocratique qui ne peutarriver à l’ombre de l’impérialisme, ni à l’ombre de l’esclavage et de l’exploitation » 39.

18 Cette structure non reconnue par le ministère des Affaires sociales n’est pas une antichambred’Iskra, mais une structure d’action large. La police évalue ses effectifs à une cinquantainede membres, égyptiennes et soudanaises. Outre Injî Aflâtûn, ses responsables sont SorayaAdhâm, Latîfa al-Zayyât, ‘Enayât Adhâm, Fatma Zakî  40 ou So’âd Kâmel  41. La plupartappartiennent à la mouvance communiste, mais on y trouve des indépendantes comme ‘AychaRâteb 42.

19 Ce réseau militant joue un rôle important dans les mobilisations antibritanniques d’ampleurqui se développent à partir de l’automne 1945 dans les écoles et les universités. Le mondedu travail connaît l’affirmation d’un syndicalisme combatif. Une jonction s’opère au sein duComité national des ouvriers et des étudiants (CNOE)  43 en 1946. Fait rare à l’époque, ladirection du CNOE comprend des femmes, comme Latîfa al-Zayyât, ‘Enayât Adhâm, FatmaZakî ou Injî Aflâtûn 44.

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Latîfa al-Zayyât, dirigeante du Comité national des ouvriers et des étudiants (1946).20 Son militantisme prend une dimension internationale  45 avec la participation au Congrès

étudiant d’août 1946 et de la jeunesse en juillet 1947 à Prague. Plus important, ennovembre 1945, elle assiste au congrès fondateur de la Fédération démocratique internationaledes femmes (FDIF) à Paris. L’émissaire de l’Union des femmes égyptiennes, principaleorganisation en Égypte, refuse d’y participer en raison du radicalisme du projet 46. En 1948, ellerelate cet épisode dans sa brochure Thamanun milyon imraa ma’anâ (80 millions de femmesavec nous), «  premier encouragement pour écrire  »  47. La police empêche sa distributionjusqu’à un recours judiciaire contre le ministère de l’Intérieur 48.

21 Elle ressent un sentiment de culpabilité en raison de sa riche garde-robe alors que la plupartde ses camarades ne sont pas de la même extraction sociale. Une certaine presse hostile laprésente d’ailleurs comme «  la communiste qui possède quarante robes »  49. Elle est aussidénoncée comme « communiste aristocrate » et « sioniste » 50. La seconde accusation affectel’ensemble de la gauche communiste, pour son soutien au plan de partage de la Palestine.

22 En juillet 1946, le Premier ministre, Isma’îl Sidqy, écrase la puissante vague de mobilisationavec l’interpellation de ses principaux animateurs et d’intellectuels de gauche ou libéraux,l’interdiction de journaux, de maisons d’édition et de clubs comme la Ligue des jeunes femmesde l’université et des instituts supérieurs 51 ou le Dâr al-Abhâth al-‘Ilmîa 52. Injî est interpelée,comme Latifa al-Zayyât, Hekmat al-Ghazali, Fatma Zakî ou Soraya Adhâm.

23 En 1947, elle participe au lancement du Mouvement démocratique de libération nationale(MDLN), fusion d’Iskra et du MELN d’Henri Curiel. Elle poursuit ses activités militantes,notamment au bureau « femmes » qu’elle dirige avec Soraya Adhâm, Fatma Zaki ou Hekmatal-Ghazali, animatrice de la Ligue des ouvrières  53. Pendant l’été 1947, elle s’investit dansla solidarité contre la sévère épidémie de choléra  54. Elle participe aussi à la diffusion del’hebdomadaire communiste al-Gamâhîr 55.

24 Son égyptianisation et son arabisation  56 se poursuivent avec son mariage à Hamdi ‘AbdelGawwâd, procureur marxiste issu de la classe moyenne. Il l’aide à dépasser ses complexes et

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l’encourage dans son engagement. Ses parents acceptent un tel mariage : « Ma mère se sentitrassurée parce qu’il était égyptien et musulman. » 57

25 Le MDLN connaît des troubles internes à propos de son orientation, le système des secteursd’interventions, la personnalité d’Henri Curiel et le rôle des étrangers. Il implose en unekyrielle de groupes rivaux. Injî rejoint l’une des scissions.

26 Enseignante puis journaliste au quotidien wafdiste al-Misrî, elle poursuit ses activités,notamment féministes, et s’implique dans le mouvement de la paix. En 1951, une guérillaantibritannique s’affirme dans la région du canal. Autour de la féministe Ceza Nabaraoui, lesmilitantes de gauche animent le Comité femme pour la résistance populaire 58. En 1956, elleslancent des comités féminins pour la résistance populaire contre l’agression militaire de laFrance, de la Grande-Bretagne et de l’État d’Israël 59.

27 Au milieu des années 1950, elle rejoint le Parti communiste égyptien dit al-Raya (le drapeau),animé par des diplômés revenus de France et des dissidents du MDLN. Elle participe à« l’action femme » lors des élections de 1957. L’unification des groupes communistes s’opèrele 8 janvier 1958, mais rapidement la nouvelle organisation se divise.

28 En 1959, la vague d’arrestations contre la gauche communiste lancée par le régime nassérien 60

concerne aussi des militantes dont Injî 61. En prison, elle poursuit sa création picturale. Aflâtûnparticipe aux luttes des prisonnières, par exemple en décembre 1962 avec une grève de la faim.Libérée, elle agit en faveur des prisonniers. En avril 1965, les communistes dissolvent leursorganisations et rejoignent l’expérience nassérienne.

29 Au milieu des années 1970, elle participe à la fondation du parti légal de gauche duTagammu’ (rassemblement) et s’investit dans l’Union des femmes progressistes (UFP). Artisteet militante reconnue, elle est souvent sollicitée pour son expérience ou des sujets politiques,jusqu’à son décès en 1989.

Participation au congrès de Paris, fondateur de laFédération démocratique internationale des femmes

30 Au sortir du second conflit mondial, l’espoir d’une paix mondiale prédomine. Un projetd’une Fédération démocratique internationale des femmes (FDIF) 62 émane de la mouvancecommuniste, en particulier l’Union des femmes françaises 63.

31 La FDIF est fondée à Paris au cours d’un « congrès international des femmes » au Palais dela Mutualité 64 qui débute le 26 novembre 1945 : 850 déléguées provenant de « tous les pointsde l’horizon » représentent 40 pays et 181 organisations. Un meeting au Vélodrome d’Hiver,en présence de 10 000 femmes, le clôture le 1er décembre 1945.

32 S’inscrivant dans l’héritage de la Résistance et des luttes des femmes et des peuples du mondeentier, elle s’affirme contre le fascisme, pour les indépendances nationales et pour la paixmondiale 65. Sa fondation est « la résultante d’une série d’héritages, plus ou moins conscients,plus ou moins revendiqués » 66, notamment l’antifascisme féminin d’avant-guerre. Injî Aflâtûnévoque « la joie de la Ligue des étudiantes et des diplômées égyptiennes de participer à cettegrandiose manifestation féminine antifasciste » 67.

33 Ce congrès aborde « la question du rôle de la femme dans l’antifascisme ainsi que la paixet la démocratie, la situation économique et sociale des femmes et le problème de l’enfanceet de l’éducation », et lance « une organisation féminine internationale nouvelle » avec larevendication de l’égalité 68 et la volonté de favoriser « l’action massive des femmes dans lavie publique » 69. L’anticolonialisme et le soutien aux luttes des peuples dominés sont aussides axes importants 70.

La participation égyptienne34 Les préparatifs de la constitution de la délégation égyptienne restent méconnus. Injî Aflâtûn

ne les évoque pas. Seule, So’ad al-Ramlî parle de sa propre campagne 71. Cette journaliste,communiste sans organisation, est l’épouse de l’hyperactif Fathi al-Ramlî. Elle est sollicitéepar Henri Curiel, figure du MELN pour aller à Paris 72. Il est possible qu’Injî ait mené campagneen utilisant les réseaux d’Iskra.

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35 La commission des mandats reconnaît pour la délégation égyptienne : « Mmes Efflatoun Inji,Kamel Soad, Fadel Safeya, Ramleh Soad » et différentes structures féminines associatives,professionnelles ou syndicales 73.

Couverture d’Injî Aflâtûn, 80 millîûn mar’a ma’anâ, Le Caire, Dâr al Fagr, 1948.36 Deux rapports sont déposés par la délégation égyptienne 74 et les étudiantes égyptiennes. Injî

intervient au nom de la Ligue des étudiantes et des diplômées égyptiennes 75 : « J’ai fait un trèspuissant discours, dans lequel j’ai lié l’oppression des femmes en Égypte à l’occupation et àl’impérialisme britannique. J’ai non seulement dénoncé les Britanniques, mais aussi le roi etles hommes politiques. C’était un discours très politique, dans lequel j’ai appelé à la libérationnationale et à la libération des femmes. » 76

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Photos d’Injî Aflâtûn (en haut), de So’ad al-Ramlî (en bas à gauche) et de Safeya Fâdel (en bas à droite). Source : InjîAflâtûn, 80 millîûn mar’a ma’anâ, Le Caire, Dâr al Fagr, 1948.

37 Sur les « questions relatives aux problèmes de l’enfance », son rapport 77 souligne la situationcatastrophique en Égypte. La mortalité infantile y est la plus forte du monde. L’analphabétismeatteint 80 % des enfants. La sous-alimentation et les maladies parasitaires sont très répandues.Le budget d’enseignement est totalement insuffisant, avec une moyenne de 27 piastres parpersonne contre 230 en Grande-Bretagne.

38 Aflâtûn évoque le besoin de réforme du droit en matière de divorce et de pension alimentaire.Si la législation égyptienne interdit le travail des enfants, «  ces restrictions légales necorrespondent jamais à la réalité » : de nombreux enfants travaillent dès l’âge de cinq ans sousla dénomination « d’apprentis ».

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39 Des revendications sont mises en avant : « protection de l’enfance ; amélioration des conditionsd’hygiène ; aide aux familles nombreuses ; instruction obligatoire et gratuite, non seulementen théorie mais en pratique ; alimentation obligatoire dans les écoles ».

40 Les déléguées sont sollicitées pour des interviews, des rencontres politiques et des fêtes  78.Elles parlent à la radio française en langue arabe et en français, et répondent à des questions surla situation générale de la femme en Égypte, la question de Palestine ou les relations franco-égyptiennes.

41 « Mlle Inji Efflatoun, Mlle Soad Kamel, Mlle Safeya Fadel, Mlle Souraya Ramleh Soad » 79

entrent au conseil de la FDIF, mais aucune n’est élue au comité exécutif, signe de la fragilitédu mouvement.

Accueil de la délégation égyptienne à son retour du congrès de Paris.Source : So’ad al-Ramlî, Kifâh al mara’a, Le Caire, Dâr al-Thaqâfa al-Horra, 1948.

Une contribution critique à la « question femme »42 Fin 1949, Injî Aflâtûn publie un second livre 80, diffusé après l’abrogation de la loi martiale

en vigueur depuis la guerre de Palestine et peu avant les élections législatives (p. 3). Elle aalors rejoint l’influent quotidien wafdiste Al-Masr à la demande de son directeur, MahmoudAbul-Fath (p. 115).

43 Rétrospectivement, cet ouvrage lui apparaît comme « le plus nécessaire » et « plus importantque le premier » (p. 114). Cette contribution substantielle à la « question femme » en Égypteest une des rares études d’une communiste égyptienne. Il s’agit d’« un appel véritable » pourla participation de la femme à l’action » et d’un appel à la femme à agir elle-même (p. 114).

44 Elle le situe dans le champ égyptien des débats politiques en cours. « Aujourd’hui se déroule enÉgypte une violente polémique à propos des droits des femmes, entre deux principaux camps :celui qui soutient l’égalité entre la femme et l’homme dans la société, et celui qui s’oppose àcette égalité » (p. 1). Contre les influentes sensibilités conservatrices, elle attaque « la théorieréactionnaire qui appelait au retour de la femme à la maison » (p. 114). Ces « ennemis de lafemme » (p. 2) qui s’opposent à son émancipation (p. 3) sont des « ennemis de la démocratie etdu progrès » (p. 2). « Réactionnaires », ils défendent l’idée de la « servante de maison ». Cettesensibilité politique nie à la femme « sa personnalité, son honneur et sa nature humaine », carelle la prive de ses droits et de ses devoirs envers la famille et la société (p. 2).

45 Cette «  réponse  » (p.  3) aux approches conservatrices a aussi pour objectif de discuterscientifiquement les réalités de la femme dans la société égyptienne. Un besoin existe«  pour une étude réaliste de la condition de la femme égyptienne, de ses problèmes etde ses revendications  » (p.  1). Ce livre se veut «  une tentative rapide et une contributionmodeste » (p. 1).

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46 L’auteure s’inscrit dans une filiation et une légitimité historiques en dédiant son livre àplusieurs penseurs égyptiens (p. 2), comme le réformateur et précurseur en matière des droitsdes femmes Qâsem Amîn 81, le socialiste fabien et laïque Salama Moussa, le penseur critiquedarwinien Isma’il Mazhar, le religieux progressiste Khaled Mohamad Khaled ou encore TahaHussayn. Ces auteurs sont considérés comme des partisans de la liberté et de l’égalité. L’avocatet écrivain nationaliste ‘Abdel Rahmân al-Rafî’î, figure du parti Watanî 82, préface ce livre quis’adresse aux femmes d’Égypte, moitié de la société, et qui réclame pour elles des droits civilset politiques. Son but est de convaincre l’opinion publique de la justesse des revendicationsdes femmes et de favoriser leur libération des entraves (p. 3).

47 La première partie est consacrée à la place de la femme dans la société. Le premier chapitre(p. 5-25) insiste sur les réalités oppressives. Avec le proverbe de Haute-Égypte selon lequella femme ne sort de sa famille que deux fois, par mariage et par décès, elle montre ladépendance. L’accord nécessaire pour le mariage est devenu un véritable accord commercial(safqa tugâria).

48 Aflâtûn évoque l’appel au retour de la femme à la maison, la défense de la polygamie, le droitpour l’homme à la répudiation et à l’adultère (zinâ), celui de frapper sa femme, et la questionde l’autorité. La « dépendance permanente envers l’homme » ne peut être modifiée qu’avecl’éducation de la femme (p.  6). À la campagne, un paradoxe existe entre les importantesresponsabilités de la femme et sa plus grande dépendance (p. 7), notamment en Haute-Égypteoù le conservatisme est plus important (p. 7). Seule l’indépendance économique offrira un« pouvoir total dans le choix du partenaire de vie » (p. 8). Pour l’auteure, la famille est faibleen raison de la polygamie (p. 10), du confinement de la femme à la maison (p. 11) et de larépudiation. Elle mentionne l’adultère (zinâ) (p. 14-22) et la réalité du droit égyptien (p. 16).Avec Al-Tâ’a, un droit absolu est accordé au marié, « un des aspects de l’autorité (sultan) et dela domination complète de l’homme sur sa femme » (p. 22). Elle défend le droit de choisir sonmari (charîk), le droit à l’éducation et à l’indépendance économique, et le besoin de réformes :interdiction de la polygamie, limitation de la répudiation, réalisation de l’égalité avec le droitau divorce et l’abolition de la Tâ’a.

49 Un historique de la question de l’enseignement est brossé (p. 26-38). Lors d’une premièrephase, avec le contrôle britannique complet entre 1882 et 1919, le colonialisme musèle laNahda, l’éveil égyptien moderne qui débute avec le règne de Mohammad Ali. C’est seulementlors de la seconde phase, avec la lutte du mouvement national, qu’il y a un véritable essor.L’université s’ouvre aux filles par la lutte du mouvement national, avec une réelle participationféminine et l’action des jeunes femmes (p. 32). L’analphabétisme endémique s’explique pardes facteurs économiques. Les fortes réticences envers l’instruction des filles sont expliquéespar une presse hostile (p.  38). L’auteure réfute l’argument selon lequel le travail fémininsignifie une destruction de la famille, son rôle étant d’être épouse et mère. Pour elle, unefemme qui travaille améliore le niveau de vie de sa famille, est moins dépendante et gagne lesentiment d’être « une entité individuelle et indépendante de l’entité homme ». Elle n’a plusle sentiment d’être un simple produit sur le marché du mariage.

50 La participation à la vie économique et sociale représente un facteur essentiel de progrèssocial. Cela passe par des droits sociaux : les congés payés (maternité) et l’égalité salariale,véritable plus pour la famille. Il s’agit aussi de combattre la pauvreté, l’ignorance et lamaladie, éléments clés de la question sociale à l’époque, et de se confronter aux adversairesde l’égalité (p. 40). Elle souligne une certaine progression du travail féminin, notamment dansles industries productrices (p. 44). Elle décrit la condition des ouvrières (p. 46) et des femmesdans l’agriculture (p. 50). Elle réclame la création de crèches et d’écoles maternelles (p. 56).Injî évoque aussi les sciences, les arts et la littérature (p. 54).

51 Injî Aflâtûn défend la participation de la femme à la vie politique, « un des fondements dela vie démocratique » (p. 57). La privation des droits politiques est une entrave au progrèset un non-respect de la démocratie. Elle rappelle l’important analphabétisme masculin. Elleconsidère aussi que la constitution égyptienne de 1923 accorde le droit de vote aux femmes.

52 La seconde partie du livre évoque l’émancipation des femmes. Le premier chapitre (p. 67-78)aborde la religion (p. 67). Elle critique la lecture du texte coranique favorisant l’homme au

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détriment de la femme. Les hommes en charge de l’interprétation (fiq et igtihâd) (p. 67) sontprésentés comme « ceux qui prétextent la religion islamique » et « leurs idées dogmatiqueset réactionnaires » sont dénoncées (p. 68). La lecture des textes religieux est conditionnée parles contraintes de l’époque et par le changement des conditions (p. 67).

53 Pour l’auteure, « l’esprit de la religion islamique affirme l’idée d’égalité, de coopération et detolérance » (p. 68). L’islam représente une révolution sur l’époque de la Gahiliya 83, avec une« grande contribution dans l’évolution » (p. 68). L’islam défend le droit de la femme à choisirson époux, interdit le mariage de la femme sans sa volonté, sans laquelle un tel mariage serait« caduc » (p. 69). Sa demande d’abolition de la polygamie s’appuie sur les textes coraniques(p.  69), avec «  l’impossibilité de l’équité avec plusieurs épouses  » (p.  70). Elle inscrit sadémonstration dans la lignée de penseurs musulmans comme les chaykhs Mohammad ‘Abduou al-Marâghi. Elle souligne que l’adultère est interdit dans le Coran pour les deux époux,alors que le droit moderne égyptien excuse l’homme (p. 73).

54 Elle analyse ensuite les causes véritables de la condition féminine en Égypte (p. 79-87). Ellesouligne qu’à l’époque pharaonique la femme est propriétaire foncière. Après l’âge sombre du« Moyen Âge » (p. 81), elle arrive à l’ère moderne. Le développement économique représentele fondement de la libération de la femme de ses entraves (p. 81).

55 « Fondateur de l’Égypte moderne en éveil », Mohammad ‘Ali est « le premier qui ouvrit lesportes de la science aux jeunes femmes d’Égypte, et se préoccupa de leurs droits humains etsociaux » (p. 82). Face à la logique coloniale, elle insiste sur les liens étroits entre « l’éveil » dela femme et de la nation suivant Qâsem Amîn (p. 84). Le niveau d’émancipation de la femmereprésente le critère de toute émancipation (p. 84).

56 Les inégalités ne sont pas d’origine religieuse, mais ont des « causes historiques, réalisteset claires » (p. 86). Suivant Qâssem Amîn et les penseurs «  libres », elle affirme que «  larevendication de la libération de la femme » est « une étape nécessaire et obligatoire versl’accomplissement de la liberté et de la démocratie » (p. 87). Le chapitre 3 récapitule les dixprincipes clés de la libération de la femme égyptienne (p. 88).

57 Elle aborde enfin l’histoire du mouvement des femmes. Un chapitre est consacré à QâsemAmîn (p. 90-97) et « ses deux livres éternels » (p. 90), Tahrîr al-Mar’a (La libération desfemmes) et Al-Mar’a al-Guédîda (La nouvelle femme). Cet auteur établit le lien entre lesquestions «  femme  » et nationale (p. 90). Insistant sur le changement de la société et destraditions (p. 91), il propose une légitimité religieuse « véritable » (p. 91), dénonce la femmeau foyer et défend un rôle dans l’espace public pour la « moitié » de la société (p. 92). Lessolutions sont l’interdiction de la polygamie, la gestion des divorces (p. 96) par le juge ou lema’dhoun84, le développement de l’éducation des femmes, le droit au travail, la levée du voile(al-sufûr) et le droit de choisir son mari (p. 96). Qâsem Amîn est le « premier propagateur de laNahda féminine égyptienne » et « le premier défenseur des droits des femmes et le concepteurdu premier noyau du mouvement féminin en Égypte » (p. 97).

58 La révolution de 1919 ébranle les traditions (p. 98) avec les fortes mobilisations féminines etle rôle décisif de Hoda Sharawi (p. 97). Cette dernière poursuit son action avec les congrèsinternationaux (p. 106), la création du Comité wafdiste des femmes, et le lancement de l’Unionféminine en 1924 (p. 107), dont les revendications sont l’égalité en matière d’éducation et sonessor, le droit de vote, la réforme du divorce et l’interdiction de la polygamie, sauf si l’épouseest stérile ou malade (p. 108). Quelques avancées sont notées : limitation de l’âge du mariageà 16 ans pour la femme et 18 ans pour l’homme, et des progrès en matière d’éducation.

59 L’histoire du mouvement des femmes repose sur l’unité, la solidarité et la coopération (p. 109)avec de riches luttes (p. 110) comme la création du parti femme par Ne’mat Rached Fou’ad en1942, l’actif rôle des femmes dans les mouvements de 1946 (p. 111) ou la création du groupeBint al-Nil (fille du Nil) autour de Doreya Shafiq en 1948 (p. 112). L’auteure est fascinée parla puissance des mouvements de femmes en France, en Amérique, au Danemark ou en Inde(p. 113), d’autant que le mouvement égyptien reste fragile, avec guère plus de 200 membres(p. 114). Injî manque d’objectivité quand elle avance que ses animatrices ne sont pas toutes desintellectuelles issues des salons, voire même qu’elles ne sont pas toutes éloignées des milieuxpopulaires (p. 113). Optimisme de la volonté sans doute…

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60 Cette riche contribution, qui affirme une « opinion subtile (thâqiba) dans la défense des droitsde la femme », met en avant « un programme d’action véritable85 ». Il représente une importanteétude produite par une communiste égyptienne.

Caractéristiques d’un engagement militant : patriotisme,marxisme et « question femme »

61 Examinons ici l’engagement de cette figure féminine de la gauche égyptienne et sescaractéristiques essentielles.

Une certaine adhésion au marxisme62 L’engagement militant d’Injî Aflâtûn repose sur un refus du conservatisme social et de la

domination coloniale, ainsi qu’une adhésion à une utopie progressiste. L’exemple de sa mèrefavorise une logique de contestation. Une telle radicalisation concerne de nombreux jeuneséduqués dans l’Égypte des années 1940. Rappelons cependant qu’Injî provient de l’éliteégyptienne.

63 Le marxisme offre une cohérence, une logique et une vision du monde qui procurentconfiance, certitude et sens de l’histoire. Il signifie aussi un progrès scientifique et techniquequi offre aux hommes et aux femmes la maîtrise consciente de l’histoire, sans oublierd’immenses possibilités matérielles qui permettront de réaliser l’égalité et l’émancipation 86.Cette idéologie apporte une vision globale et alternative au monde existant. De plus, « ellepropose implicitement, mais vigoureusement, une éthique qui donne à chaque adhérent unepleine satisfaction morale de son engagement » 87.

64 Son mode d’emprunt au marxisme repose sur une matrice où le nationalisme reste l’élémentdéterminant, et où la dimension émancipatrice est centrale. Ce projet ne se réduit pas à laseule conquête de l’indépendance, mais implique une transformation des structures sociales,et notamment de la place de la femme dans la société.

65 L’hégémonie stalinienne exige l’importation de références théoriques et d’élaborationsstratégiques 88 en provenance de Moscou et de son courant international. La version marxistesoviétique offre avec la dimension anti-impérialiste la théorie du parti d’avant-garde, sansoublier les modes d’action, les structures, et la possibilité d’engager un nouveau type decombat. À cela s’ajoute une codification dogmatique des textes des grandes figures dumarxisme et des conceptions mécaniques de lois objectives 89.

66 L’orientation stratégique prônée signifie l’adoption de la théorie de la révolution par étapes :« La théorie de la révolution par étapes, selon laquelle, dans les pays dits coloniaux et semi-coloniaux, l’accomplissement d’une révolution démocratique bourgeoise, en alliance avec labourgeoisie nationale, est une étape historique préalable à toute révolution socialiste future. » 90

67 Ces fondements expliquent le soutien des communistes à un projet autolimité de révolutionnationale démocratique. «  Notre tâche a donc un double aspect  : lutte pour la démocratieintérieure et lutte pour l’indépendance. » 91

68 L’URSS apparaît comme l’incarnation du socialisme selon une perception égyptienne. Le« grand changement » 92 de la société soviétique impressionne cette patriote révoltée en quêtede réforme sociale et d’égalité. L’URSS est un allié qui s’impose comme la référence concrètedes possibilités de profondes transformations sociales et de la construction au quotidien deson espoir-utopie-projet de société. On ne trouve nulle mention des dimensions autoritairesde l’expérience soviétique.

Entre droits des femmes et féminisme69 Avec leur engagement au sein de la gauche communiste, ces militantes jouent un rôle important

dans la lutte pour les droits des femmes, dans les mobilisations anticoloniales et le combat enfaveur de réformes sociales.

70 Les rapports de la gauche égyptienne avec la « question femme » restent assez complexes.Si la défense et la promotion des droits des femmes occupent une place importante dans sondiscours, cela ne représente qu’un élément du projet d’émancipation nationale 93. La « lutte

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nationale-démocratique » des femmes doit « entraîner la femme, aux côtés de l’homme, à lutterpour la démocratie et la libération » 94.

71 Au congrès de Paris, Injî Aflâtûn insiste sur l’occupation britannique avec « notre éternelcombat patriotique » et ses moments clés (1882, 1919, 1936, 1946) : « Nous avons fait effortpour faire comprendre aux déléguées que la femme égyptienne comprend jour après jour quela cause fondamentale de son oppression et de son exploitation est le colonialisme, et que laquestion de la femme est étroitement liée à la question de la libération nationale » 95.

72 On peut parler d’une hiérarchisation au nom de la lutte principale porteuse du projet global.La lutte contre l’oppression des femmes se trouve subordonnée à la lutte contre la dominationcoloniale. Les racines soviétiques et le marxisme classique 96 jouent un rôle décisif dans detelles orientations.

73 Un tel engagement est plus en faveur des droits des femmes que véritablement féministe 97.La gauche est méfiante, voire hostile à l’affirmation d’un mouvement autonome, malgrél’animation de structures spécifiques comme la Ligue des jeunes femmes de l’université etdes instituts, ou les Comités femmes de soutien à la résistance populaire. En 1946, aprèsl’interdiction de la Ligue, la construction d’un mouvement autonome des femmes n’est pasenvisagée 98. Lorsque Fatma Zakî lance le bulletin Heya (elle), la « question femme » n’estpas centrale : « C’était seulement son titre. » 99

74 Le plaidoyer en faveur de l’égalité et des droits civils et politiques de la femme s’articule àla demande de réformes en matière éducative et juridique : l’interdiction de la polygamie, lalimitation de la répudiation, l’égalité entre les époux et le droit de l’épouse au divorce. Lapromotion du travail de la femme et la reconnaissance de droits politiques complets sont aussiréclamées.

75 L’affirmation selon laquelle « le mouvement féministe n’est entré dans aucune de ses étapesdans une polémique avec les textes religieux, sauf au début des années 1980 »  100 est bienexcessive. Injî Aflâtûn n’hésite pas à critiquer la place de la législation islamique  101  : les« traditions féodales dominantes » expliquent l’assujettissement de la femme égyptienne.

76 L’engagement de ces jeunes femmes doit faire face aux préjugés et à l’hostilité des courantsréactionnaires. Soraya Adhâm est victime de violences physiques en raison de ses activités 102.Latîfa al-Zayyât subit des insultes, traitée de « putain » par des intégristes 103. Ces pratiquesdiffamatoires, fréquentes contre les militantes, se focalisent sur une prétendue immoralité,élément particulièrement stigmatisant dans un environnement conservateur.

77 La lutte contre les conservatismes au quotidien et pour changer les comportements individuels(attitude, mariage, éducation des enfants) s’avère extrêmement compliquée. Par exemple,le refus initial du PCE al-Raya d’accepter des femmes, même s’il ne dure pas, illustre lapersistance des pesanteurs, de même que les réticences de certains communistes devant leslibertés prises ou affichées par des militantes 104, sans parler des relations hommes-femmesau sein même des organisations 105. Hekmat Ghazali arrête de militer avec son mariage et sesmaternités. Latîfa al-Zayyât épouse Râchad Rochdy 106 et abandonne la politique.

78 Cette approche novatrice s’oppose au conservatisme dominant, mais ne favorise pas laconstruction d’une véritable alternative. Yousri Moustafa parle, avec une sévérité d’autantplus grande qu’elle est rétrospective, d’un « discours sans identité » insistant sur les tensionsentre projet de gauche et projet féministe 107. Sans oublier que longtemps le discours dominantdes gauches n’a pas repris effectivement la lutte des femmes 108. Une telle approche s’expliqueaussi par l’influence des analyses inaugurées par Friedrich Engels 109. Depuis, des approchescritiques ont été proposées. Dans les pays dominés, la question se révèle plus compliquée avecl’acuité de la domination.

Conclusion79 Avec sa trajectoire militante, Injî Aflâtûn incarne les idées de la gauche égyptienne dans les

années 1940 sur la « question femme » et son émancipation en contexte colonial. La questionnationale et la lutte contre l’occupation coloniale britannique sont au cœur de sa démarche,

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qui veut promouvoir les mobilisations des femmes dans le cadre du mouvement national, enrupture avec les approches dominantes à l’époque.

80 Dénonçant la condition de la femme dans la famille, devant la loi, en matière de travail oud’accès à l’enseignement, elle réclame l’égalité et une série de réformes sociales, éducatives,juridiques et politiques, insistant sur l’éducation et la réforme judiciaire avec l’interdiction dela polygamie, la limitation de la répudiation, l’égalité entre les époux, le droit de l’épouse audivorce. Le droit à l’entrée dans la vie économique est réclamé. Son argumentation insistesur le droit au travail et les droits sociaux, sans négliger la participation à la vie sociale etl’obtention des droits politiques, y compris pour les analphabètes.

81 Une telle contribution militante et théorique démontre la richesse des interventions desmarxistes égyptiennes, notamment dans les mobilisations politiques et les luttes sociales.Elle illustre aussi l’impact significatif de ce courant dans la politique égyptienne. Injî joueainsi un rôle clé dans l’histoire contemporaine de l’Égypte, avec la création de la premièreorganisation féminine progressiste (la Ligue des jeunes femmes de l’université et des instituts),les mobilisations anticoloniales de l’après-guerre et la construction du courant communiste.

82 Sa contribution a bien sûr ses limites et ses tensions, que cela concerne la non-prise en comptede l’ouverture d’espaces autonomes pour les femmes ou de la question de la sphère de la « vieprivée ». Ce dernier domaine extrêmement sensible, qui concerne les pratiques individuellesen société, représente de véritables « non-dits » selon Irène Fenoglio, car « le silence sur unsujet particulier ou le surgissement de celui-ci est toujours significatif » 110.

83 La figure d’Injî Aflâtûn et ses interventions démontrent comment, même dans des sociétéstrès conservatrices, de nouvelles voix peuvent se lever, refuser l’ordre établi et proposer desperspectives alternatives et émancipatrices.

Notes

1 Cf. Eglâl Khalīfa, al-Haraka al-nisā’īya al-hadītha, Le Caire, al-Matba‘a al-‘arabīya al-hadītha, 1973 ;Amal al-Sobky, Al-haraka al nisa’i fî misr, Le Caire, Al-hay’at al-‘Âma lil-kitâb, 1987 ; Margot Badran,Feminists, islam and nation : gender and the making of modern Egypt, Le Caire, American UniversityPress, 1996.2 Cf. Selma Botman, Oppositional politics in Egypt  : the communist movement 1936-1954, Thèsede doctorat, université de Harvard, 1984  ; Rif‘at al-Sa‘îd, Târîkh al-haraka al-Chuyûʻîya al-misrîya,Le Caire, Al-Amal, 5 vol.3 Cf. son autobiographie, Injî Aflâtûn, Mudhâkirât, Koweit, Dâr So’ad al-Sabbâh, 1993.4 Cf. le film Injî (1988) de Mohamed Cha’ban, Le Caire, Sundûq al tanmîa al thaqâfîa.5 Chercheuse travaillant sur les Grecs, le cosmopolitisme et la gauche en Égypte.6 Cf. Selma Botman, « Women’s participation in radical egyptian politics 1939-1952 », Khamsin, n° 6,1987, p. 12-25 ; Yousri Mustafa, « Al-haraka al-chou’you’ia al-misrîa wa qadâîâ al-mar’a », Tiba’, n° 4, mars 2004, p. 22-36 et « Al-yasâr al-misrî wa qadâîâ al nisâ. Khitâb bilâ howiya », Tiba’, n° 6,juin 2006, p. 117-25.7 Le premier volume de l’autobiographie de sa sœur Gulpérie éclaire cette histoire. Cf. GulpérieEfflatoun-Abdalla, Gulpérie, Paris, L’Harmattan, 2001.8 Injî Aflatûn, op. cit., 1993, p. 9-10.9 Gulpérie Efflatoun-Abdalla, op. cit., p. 7-39.10 Selma Botman, op. cit., 1999, p. 44.11 Injî Aflatûn, op. cit., 1993, p. 11.12 Selma Botman, op. cit., 1999, p. 45.13 Gulpérie Efflatoun-Abdalla, op. cit., p. 85-93.14 Injî Aflatûn, op. cit., 1993, p. 17.15 Jacques Berque, Égypte : impérialisme et révolution, Paris, Gallimard, 1969, p. 492.16 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 18.17 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 33.18 Terme d’origine turque qui renvoie en dialecte égyptien aux étrangers.19 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 34.

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20 Injî Aflatûn, op. cit., 1993, p. 17, 18, 20, 25 et 24.21 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 28-32.22 Liliane Karnouk, Modern Egyptian Art, Le Caire, AUC Press, 2005, p. 72-73.23 Cf. Injî Aflatûn, op. cit., 1993.24 Sherifa Zuhur, Images of enchantment : visual and performing arts of the Middle East, Le Caire, AUCPress, 1998, p. 167.25 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 26.26 Hamza Qennâwî, Al-Muthaqafûn, Le Caire, Dâr al-Thaqâfa al-Guedîda, 2009, p. 70.27 Rifa’t al Sa’îd, vol. 3, 1988, op. cit., p. 125-28.28 Raoul Makarius, La jeunesse intellectuelle d’Égypte au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale,La Haye, Mouton et Cie, 1960, p. 93-94.29 Selma Botman, op. cit., 1984, p. 319.30 Cf. Latifa Zayyat, Perquisition !, Paris, Sindbad, 1996.31 Cf. Didier Monciaud, « Une trajectoire féminine dans la gauche égyptienne : dimensions et enjeux desengagements de Soraya Adham (1926-2008) », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 105-106,juillet-décembre 2008, p. 235-58.32 Cf. son témoignage dans ‘Âsem al-Dessouqî (dir.), Chahadât wa ro’a, vol. 7, Le Caire, Markaz al-Buhûth al ‘Arabeya, 2006, p. 225-44.33 Cf. R. al Sa’id, op. cit., vol. 3, 1988, p. 215-226 ; Selma Botman, op. cit., 1984, p. 386-99.34 Entretien dans ‘Asem al-Dessûqî (éd.), Chahādāt wa-ruʼá, vol.  5, Le Caire, Markaz al-Buhūthal-‘Arabīya, 2001, p. 201-208.35 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 38.36 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 39.37 Selma Botman, op. cit., 1987, p. 21.38 ‘Âdel Amîn, Mohâkama al chuyu’îîn al masryîn. Qadaya sâna 1946, Le Caire, s.e., 1996, p. 24-25.39 Ahdâfunâ (1945) brochure de la Ligue des jeunes femmes de l’université et des instituts, citée parSelma Botman, op. cit., 1984, p. 83.40 Cf. son témoignage dans ‘Âsem al-Dessouqî (dir.), op. cit., vol. 7, 2006, p. 225-44.41 ‘Âdel Amîn, op. cit., 1996, p. 24.42 Âsem al-Dessouqî (dir.), Chahadât wa ro’a, vol. 7, op. cit., p. 56.43 Cf. Ahmed ‘Abdallah, The student movement and national politics in Egypt, Londres, Saqi Books,1985.44 Cf. Injî Aflâtûn, op. cit., p. 68 et après.45 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 75-78 et 89.46 Selma Botman, op. cit., 1984, p. 85.47 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 114.48 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 113.49 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 98.50 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 113.51 Cf. ‘Âdel Amîn, op. cit., vol. 1, 1996 et Rifa’t al-Sa’îd, op. cit., vol. 2.52 Rifa’t al-Sa’îd, Hakadha takallamu al chuîû-îûn, Le Caire, Matab’a al-Amal, 1989, p. 290-95.53 Cf. témoignages dans ‘Âsem al-Dessouqî (dir.), op. cit., vol. 7, 2006, p. 57 et 228.54 Nancy Gallagher, Egypt’s other wars : epidemics and the politics of public health, Syracuse, SyracuseUniversity Press, 1990.55 Cf. Rifa’t al-Sa’îd, Al-Sahâfa al-yasârîa fî misr 1925-1948, vol. 2, op. cit., p. 184-234.56 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 104.57 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 98.58 Cynthia Nelson, Doria Shafik egyptian feminist, a woman apart, Le Caire, American University inCairo Press, 1996, p. 176.59 Idem.60 ‘Âdel Amîn, op. cit., vol. 7, 2000, p. 175 et 250.61 Cf. Soraya Châker, « Khawâter ‘ann fath mo’taqal lil-nisâ’ fî sâna 1959 », dans Ramsîs Labîb (dir.),Al-Mar’a al misrya wa al-yasâr, Le Caire, Lagna Ihya dhikri chuhâdâ’ wa monâdilî al-yasâr al-masrî,s.d., p. 11-19.

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62 Cf. Francisca de Haan, « Continuing Cold War Paradigms in Western Historiography of TransnationalWomen’s Organisations  : the case of the Women’s International Democratic Federation (WIDF)  »,Women’s History Review, vol.  19, n°  4, 2010, p.  547-73  ; Mercedes Yusta Rodrigo, «  Réinventerl’antifascisme au féminin : la Fédération démocratique internationale des femmes et le début de la Guerrefroide », Témoigner entre histoire et mémoire, nº 104, 2009, p. 91-104.63 Cf. Sandra Fayolle, « L’Union des Femmes Françaises », DVD La Résistance en Île-de-France,AERI, 2004.64 Fédération démocratique internationale des femmes, Congrès international des femmes. Compterendu des travaux du congrès qui s’est tenu à Paris du 26 novembre au 1er décembre 1945, Paris, FDIF,1946.65 Eugénie Cotton, « Introduction » et Françoise Leclerq, « La participation des femmes à la lutte pourla paix et la démocratie », Congrès international des femmes, op. cit.66 Mercedes Yusta, op. cit., p. 94.67 Injî Aflâtûn, «  Situation juridique, politique et économique de la femme en Égypte  », Congrèsinternational des femmes, op. cit., p. 239.68 Congrès international des femmes, op. cit., p. 381-82.69 « Discours d’ouverture de Mme Cotton », op. cit., Congrès international des femmes, p. XVII‑XVIII.70 So’ad al-Ramlî, op. cit., p. 53.71 So’ad al-Ramlî, op. cit., p. 44.72 Témoignage So’ad Zoheir, ‘Asem al-Dessûqî (éd.), Chahādāt wa-ru’á, vol. 3, op. cit., p. 56.73 Congrès international des femmes, op. cit., p. 394-397.74 Congrès international des femmes, op. cit., p. 247-242.75 Intervention Injî Aflâtûn, Congrès international des femmes, op. cit., p. 239.76 Propos cités par Selma Botman, op. cit., 1984, p. 85.77 « Extrait du rapport général de Mme Injî Efflatoun », Congrès international des femmes, op. cit.,p. 335-336.78 So’ad al-Ramlî, op. cit., p. 47-48.79 Congrès international des femmes, op. cit., p. 404.80 Injî Aflâtûn, Nahnû …. Al nisâ’ a misryiât, Le Caire, Matba’a al-Sa’âda, 1949.81 Cf. Voir Tahrīr al-mar’a, Le Caire, Maktabat al-Taraqqī, 1899 ; al-Mar’a al-jadīda, Le Caire, s.e.,1900.82 Créé en 1907, ce parti défend un nationalisme favorable à l’ottomanisme. Après 1919, il devient unpetit parti radical en discours mais dans l’orbite du Palais, très hostile au Wafd.83 Terme signifiant « l’ignorance » et employé pour désigner la période préislamique.84 Chargé des actes notariaux en matière de mariage.85 Yousri Moustafa, op. cit., 2004, p. 26.86 Maxime Rodinson, Marxisme et monde musulman, Paris, Le Seuil, 1973, p. 303.87 Maxime Rodinson, op. cit., p. 249.88 Sur le stalinisme, cf. Michael Löwy, « Le stalinisme », dans Pascal Ory, Nouvelle histoire des idéespolitiques, Paris, Hachette, 1987, p. 392-400.89 Yousri Mustafa, op. cit., 2006, p. 128-29.90 Michael Löwy, op. cit., p. 395.91 « Intervention de Mme Inji Efflatoun », op. cit., p. 239.92 Injî Aflâtûn, op. cit., 1993, p. 32.93 Yousri Moustafa, op. cit., 2006, p. 130 et op. cit., 2004, p. 23.94 « Rapport déposé par la délégation égyptienne des étudiantes », op. cit., p. 192.95 Injî Aflâtûn, Thamanyun milîûn ma’a ma’ana, op. cit., p. 39 et 40.96 Yousri Moustafa, op. cit., 2006, p. 128-29.97 Yousri Moustafa, op. cit., 2006, p. 134.98 Cf. Geneviève Sîdârôs dans ‘Âsem al-Dessouqî (dir.), op. cit., vol. 3, 2000.99 Cité dans Hanân Ramadân, op. cit., p. 45.100 Yousri Moustafa, op. cit., 2004, p. 25.101 « Intervention de Mme Inji Efflatoun », op. cit., p. 239.

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102 Cf. Maria F. Curtis, «  Soraya Adham  », Middle East and North Africa Encyclopedia,www.answers.com103 Témoignage cité par Selma Botman, op. cit., 1987, p. 23.104 Plusieurs militants reconnaissent avoir été choqués par les fêtes et la mixité.105 Yousri Moustafa, op. cit., 2004, p. 26.106 Soraya Adhâm, témoignage cité dans ‘Âsem al-Dessouqî (dir.), op. cit., vol. 7, 2006, p. 66.107 Yousri Moustafa, op. cit., 2006, p. 134-35.108 Cf. Martine Riot-Sarcey, « Les femmes et la gauche en France : entre discours émancipateurs etpratiques de domination », dans Jean-Jacques Becker et Gilles Candar (dir.), Histoire des gauches enFrance, Paris, La Découverte, p. 362-78.109 Friedrich Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’État, Paris, Éditions sociales,1974. Pour une lecture critique, cf. Josette Trat, « Engels et l’émancipation des femmes », dans G. Labicaet M. Delbraccio (dir.), Engels, savant et révolutionnaire, Paris, PUF, 1997, p. 175-92.110 Irène Fenoglio Abd el Aal, Défense et illustration de l’Égyptienne. Aux débuts d’une expressionféminine, Le Caire, CEDEJ, 1988, p. 57.

Pour citer cet article

Référence électronique

Didier Monciaud, « Les engagements d’Injî Aflâtûn dans l’Égypte des années quarante : laradicalisation d’une jeune éduquée au croisement des questions nationale, femme et sociale », Cahiersd'histoire. Revue d'histoire critique [En ligne], 126 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2015, consulté le10 février 2015. URL : http://chrhc.revues.org/4136

Référence papier

Didier Monciaud, « Les engagements d’Injî Aflâtûn dans l’Égypte des années quarante : laradicalisation d’une jeune éduquée au croisement des questions nationale, femme et sociale »,Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique, 126 | 2015, 73-95.

À propos de l’auteur

Didier MonciaudCahiers d’histoire (RHC) et GREMAMO (Université Paris 7)

Droits d’auteur

© Tous droits réservés

Résumé

 Dans l’Égypte des années 1940 dominée par la puissance britannique, de nombreuses jeunesÉgyptiennes rejoignent la gauche communiste alors en plein essor. Injî Aflâtûn, jeune éduquéepassionnée de peinture, s’engage à gauche et s’investit dans « l’action femme ». Sa trajectoires’inscrit dans la riche histoire des luttes pour les droits des femmes en Égypte qui s’articule,non sans tensions, aux luttes anticolonialistes. Elle exprime un phénomène de radicalisationet de militantisme se situant au croisement du marxisme, du patriotisme, de la réforme socialeet de la « question femme ».

Entrées d’index

Mots-clés : Aflatun, féminisme, communisme, nationalisme, peinture, radicalisation,FDIFKeywords : Aflatun, féminisme, communisme, nationalisme, peinture, radicalisation,FDIF

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Géographie : ÉgypteChronologie : XXe siècleSchlagwortindex :  Aflatun, féminisme, communisme, nationalisme, peinture,radicalisation, FDIFPalabras claves :  Aflatun, féminisme, communisme, nationalisme, peinture,radicalisation, FDIF