Christian Rakovsky, L'U.R.S.S. - Une nouvelle étape dans la construction soviétique (juillet 1923)

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    Une nouvelle tape: lU.R.S.S.'(Juillet 1923)

    La fin de Tanne 1922 a t une occasion spciale dans lhistoire desrpubliques sovitiques, de passer en revue les relations qui ont existentre elles jusqualors. Le comit central excutif des diverses rpubliquesdabord, ensuite le comit central excutif pan-russe ont approuv desrsolutions plus ou moins semblables sur la ncessit de formuler ledveloppement de lUnion et de lui donner une apparence plus spcifiqueet plus acheve.

    Jusqu prsent, les rapports entre les rpubliques de lUnion ont trgls par des accords spars entre chacune delles et la R.S.F.S.R.LUkraine et la R.S.F.S.R. avaient leur propre accord, de mme que laGorgie, lArmnie, TAzerbaidjan, etc. avaient leur propre accord avec laR.S.F.S.R. De toute vidence un tel tat de choses ne peut pas tre tenupour normal. En outre, ces accords spars conclus entre les rpubliqueset la R.S.F.S.R. avaient un caractre tout fait gnral. Leur principalefaiblesse provenait de labsence dune claire distinction entre les fonctionsgnrales des commissariats unifis et leurs fonctions spcifiquement russes.

    Je souligne ces deux faiblesses dans le dveloppement de notreUnion, mais, bien entendu, ilyen existe bien plus : il ne pouvait en treautrement pendant la guerre civile o toute lattention se concentrait surla ncessit de prserver les rpubliques sovitiques. Les questionsconcernant leurs relations mutuelles formelles ntaient que dune importance secondaire. Nanmoins, tout le monde sentait bien que, si nousarrivions prserver notre existence en tant quEtat, le moment viendrait

    1. Soyuz Sotsialistitcheskikh Republik. Novyi Etap v sovetskom Stroitelstvo,Kharkov,1923. Traduit du russe par J. Sentier. La brochure a probablement paru au moins de juilletaprs laffectation de Rakovsky Londres. Mais elle avait probablement t crite avant.

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    de rgler les relations entre les rpubliques sovitiques conformment auxprincipes fondamentaux dun Etat proltarien qui rejette toute oppressionde classe ou nationale.

    Ainsi que vous le savez, les principales fondations constitutionnellesacceptes au 1er congrs des soviets de lUnion doivent encore tre revueset examines par des sessions des comits excutifs centraux des rpubliques individuellement. Aprs quon ait introduit toutes les modificationsessentielles, ces fondations constitutionnelles seront ratifies une sessiondu comit central excutif de lUnion. En ce qui concerne la constitutionde lUnion, elle devrait finalement tre ratifie au deuxime congrs dessoviets. Il apparat dores et dj que les institutions gnrales de lUnionauxquelles il est fait allusion ci-dessus (sur lesquelles, jusqu prsent, seulle comit excutif central de lUnion a t lu) ont quelques dfautsfondamentaux.

    Comme on sait, le congrs des soviets de lUnion et le comitexcutif de lUnion sont lus par lensemble du soviet de lUnion conformment la loi sovitique. De cette faon, le congrs des soviets delUnion et le comit excutif central de lUnion lu par ce congrs sont unreflet exact du nombre des lecteurs. En ralit, si on considre le nombrede travailleurs dans les Rpubliques prises sparment, on dcouvre quequelques rpubliques pourraient contrler toute la vie sovitique en ayantune majorit dans les institutions sovitiques. Ce qui se produit, cest quela majorit des dputs dans le congrs des soviets de lUnion et lamajorit des dlgus lus au comit excutif central de lUnion (propor

    tionnellement au nombre total de dlgus) sont automatiquement assurs la R.S.F.S.R. Pouvons-nous tirer la conclusion que le congrs dessoviets de lUnion et le comit excutif central de lUnion ne devraientpas tre lus selon un systme sovitique de dmocratie ouvrire? Biensr que non. Si le congrs des soviets de lUnion cessait dtre uneexpression directe des masses et si ses lecteurs ne bnficiaient pas dedroits gaux, il perdrait sa signification en tant quinstitution nationaleouvrire-paysanne et cesserait de jouer son rle dorganisateur des largesmasses des rpubliques dans leurs intrts de classe.

    Le danger que les rpubliques plus petites soient domines par les

    plus grandes a dj t soulign dans les rsolutions de la commissionprvue par le C.C. du parti communiste russe en octobre dernier, bienavant le premier congrs des soviets de lUnion. Pour carter ce danger, ilnous faut chercher ailleurs. En mme temps que la reprsentation declasse du comit central excutif et de son prsidium, on devrait aussienvisager la reprsentation des intrts nationaux des rpubliques individuelles. Avec lgalit des votants assure par le droit lectoral sovitique,on devrait prendre galement en considration la protection de lgalitdes rpubliques, ou, au moins, leur galit relative. Lide antrieure de lacration dune seconde Chambre de lUnion a t retenue en principe et

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    sera sans aucun doute accepte la prochaine session des C.E.C. nationaux et du C.E.C. de lUnion.

    Des Etats bourgeois unifis ont utilis une telle mesure pour surmon

    ter cette contradiction. Naturellement, nous ne sommes pas opposs lutilisation dune exprience bourgeoise quand elle est profitable, puisquela bourgeoisie a trs habilement protg ses propres intrts en organisantson appareil contre la possibilit quil soit pris par sa propre bureaucratie.Nous pouvons ici souligner trois exemples : les Etats-Unis, la Suisse etlAllemagne. Tous trois sont des Etats unifis. Ils fonctionnent avec unsystme double chambre lune lue sur la base de la loi lectoralegnrale, lautre reprsentant les Etats sparment membres de lUnion.Les Etats-Unis signifientgouvernementsunis. Dans la deuxime chambre suisse, les tats spars ou cantons sont aussi reprsents de faon

    gale, indpendamment des grandes diffrences de leur chiffre de population. Il est vrai que, dans le cas de lAllemagne, les Etats nont pas undroit de vote gal, mais aucun ne peut obtenir une majorit contre etmalgr le vote collectif de la chambre fdrale. Par consquent, sur lessoixante voix au parlement fdral, la Prusse ne dispose que de dix-sept,bien que sa population soit gale celle de tous les autres Etats runis.

    Nous nallons pas maintenant entrer dans les dtails du systme deux chambres. Il est important dindiquer et de souligner que les fondations du dveloppement de lUnion sovitique qui ont t approuves aupremier congrs de lUnion vont subir une srie de modifications afin

    dtre mieux adaptes aux exigences dun Etat ouvrier-paysan. De toutevidence, mme aprs que la Constitution de lUnion ait t adopte danssa forme finale, il faut prendre le terme finale dans un sens relatif.Notre nouvelle exprience dEtat, une situation internationale nouvelle etde nouveaux rapports internes pourraient rendre ncessaires certainschangements.

    Les fondations dune fdration sovitique anticipent le droit desrpubliques individuelles faire scession de lUnion de leur propreinitiative. Et en outre chaque rpublique conserve le droit dintroduiretoutes sortes de changements dans la constitution de la mme manire

    quun groupe de dlgus agissant conformment la procdure constitutionnelle reconnue. La destruction du capitalisme dans dautres pays, ledveloppement de lindustrie dEtat, le dveloppement de la richesse dupays et de sa situation financire, la croissance des ressources, etc., toutcela va crer des conditions nouvelles o les rapports lintrieur delUnion seront tels que les rpubliques individuelles vont acqurir plusdindpendance conomique, politique et administrative quil est possibledans la situation internationale et intrieure actuelle. Incontestablement letemps viendra encore dans un avenir lointain o aucune union nesera ncessaire parce quaucun Etat ne sera ncessaire. Bien que, je le

    rpte, ces temps soient encore dans un avenir lointain, ils nous condui

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    ront sans doute tout prs de la transition vers une socit authentiquement communiste. Je mentionne ce fait ici afin de clarifier la ncessitdans laquelle nous sommes davoir une perspective marxiste srieuse sur

    les relations internationales. Cela nous ferait prendre en considration desdveloppements conomiques et politiques et adapter toutes nos institutions aux intrts de la classe proltarienne. A un moment donn, telle outelle forme institutionnelle accepte par les rpubliques socialistes sovitiques est sans importance. Ce qui est important cest une faon daborderla solution du problme national lui-mme un aspect du dveloppement de lUnion sovitique. Pour y arriver, il nous faut un peu revenir enarrire sur lattitude du parti communiste vis--vis de la question nationale avant et aprs la Rvolution dOctobre.

    En tant que marxistes, nous soulignons constamment le rle

    rvolutionnaire-progressiste norme du capital dans le dveloppement desformes politiques et conomiques de vie. La question nationale (la reconnaissance de chaque groupe uni par son origine, sa langue, son territoire,son pass et ses coutumes historiques, et de leur droit lexistenceindpendante) est ne du dveloppement capitaliste. Cest seulement lecapitalisme qui a bris les conditions particulires au moyen desquelles lefodalisme retardait le dveloppement national et cest seulement lui qui asurmont tous les obstacles et toutes les barrires que linsularit duMoyen-Age avait places entre la ville et la campagne, un Etat et un autre.Il a mlang les nations et cr des regroupements nouveaux conform

    ment aux alignements de classes lintrieur de chaque nation particulire. Il suffit de rappeler le rle rvolutionnaire jou par la libert ducommerce. Cela na pas seulement permis dabsorber les masses paysannes tout fait arrires et culturellement isoles dans une vie conomiqueglobale. Cela les a introduits dans la vie politique et spirituelle du pays,affectant les diffrences de classe lintrieur entre riches et pauvres etallumant la lutte de classes dans le village mme. Au XVIIIesicle, lappelde la lutte nationale tait dj manifeste pour les nations commerantesqui ont colonis lAmrique du Nord, surtout celles dorigine anglaise.Mais le XIXesicle garde la fiert de sa place dans lhistoire cet gard.

    Indpendamment de tous ses autres titres, le XIXea acquis celui dgedes nations. Le mouvement national, qui a commenc avec la Rvolution franaise, se poursuit encore aujourdhui. Il suffit de rappeler lesprincipaux vnements pour comprendre sa puissance. Le dbut du XIXea marqu le dbut du puissant mouvement pour unifier lAllemagne.Lhistoire de la Grce et de la Serbie est marque par des soulvements : lapremire acquit son indpendance, la deuxime son autonomie. Aprs laguerre entre la France et lAutriche en 1859, lItalie ralisa son unification la suite dune srie de rbellions contre la dynastie des Bourbons deNaples, contre la domination autrichienne de lItalie du Nord et contrelautocratie fodale en Italie centrale.

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    La chute de la Monarchie de Juillet en 1848 en France donna le signaldu dbut de soulvements nationaux en Fongrie, Bohme, Autriche.

    Vingt ans plus tard commena une longue lutte insurrectionnelle en

    Bosnie, Herzgovine et Bulgarie, se concluant par la guerre russo-turquede 1877 et la dclaration dindpendance bulgare. Lhistoire ultrieure vitcommencer les mouvements nationaux en Macdoine, en Albanie et en

    Arabie pour ne pas mentionner le bilan de presque un sicle de rvolteet de guerre en Irlande. Dans certains cas, les nations elles-mmes negagnrent pas autant que les Etats pillards qui aidrent leur libration.Il faut rappeler ici les mouvements nationaux et les rvoltes nationales enRussie par exemple linsurrection polonaise de 1863. La lutte nationaleen Autriche-Hongrie occupe une place spciale dans lhistoire. Au prixdune lutte acharne sans relche de chaque nationalit contre loppression

    allemande et hongroise, elles sont parvenues gagner pour elles-mmeslautonomie nationale. Quelques-unes sont mme arrives soumettre leur propre autorit des nationalits plus faibles (Croates, Serbes, Roumains et Slovaques).

    A notre propre poque, la guerre imprialiste donne un nouvel lannational. Nous avons vu la lutte irlandaise pour sa totale indpendance delAngleterre; la lutte des Flamands belges pour la complte galit descirconscriptions lectorales flamandes et wallones; le large mouvementnational dans toutes les colonies, en Asie et dans les pays islamiques en

    Afrique comme en Chine. On doit galement mentionner le mouvement

    national actuel en Chine et mme auparavant au Japon. Sans dresser uneliste exhaustive, nous venons de citer suffisamment de faits historiquespour dmontrer lampleur du mouvement national. Naturellement personne ne mentionne que la bourgeoisie tait le soi-disant sujet ou chefdu mouvement national. Elle a incontestablement mis profit lindignation des larges masses contre loppression nationale pour consolider sapropre domination. La bourgeoisie a dchir la richesse du pays desmains des trangers maudits dans une tentative pour sen emparerelle-mme et pour prolonger lexploitation des masses ouvrires et paysannes. Dans la mesure o le capital national dtruit les vieux Etatsbureaucratiques fodaux comme la Russie tsariste bureaucratique etlAutriche-Hongrie clrico-bureaucratique, et o il sape comme maintenant les grands Etats imprialistes coloniaux, il constitue un grand facteurrvolutionnaire. Le parti communiste a toujours soutenu le mouvementnational de ce point de vue. Cependant, le parti tait toujours prt frapper le nationalisme quand il se transformait dune attaque contre ladomination fodale ou semi-fodale en une attaque contre sa propre classeouvrire et quand, aprs avoir empoisonn la conscience des ouvriers parle sentiment national, il sefforce de les obliger servir les intrts de labourgeoisie nationale.

    Examinons maintenant la seconde tendance du dveloppement capi

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    taliste. Naturellement, le capitalisme a progress et na pas achev sontravail constructif-rvolutionnaire une fois quil a dtruit les Etats bureaucratiques fodaux et construit sur leurs ruines de nouveaux Etats-Nations.

    Pour se dvelopper, le capitalisme avait besoin dun march internationalet dune concentration des moyens de production. Cela exigeait de grandsEtats consolids avec des populations nombreuses, de vastes territoiresavec diffrentes richesses nationales. Plus important par ses dimensions,plus peupl, et plus diverse est la richesse nationale dun pays, plus rapideest son dveloppement industriel commercial, la croissance de sa forceproductive et laugmentation de la profitabilit du capital. Par ailleurs,dans la lutte pour la domination du march mondial, le capitalisme dunpays donn est prt marcher la main dans la main avec un autre contreun troisime. Les trusts et cartels internationaux ont t constitus sous le

    contrle des grandes institutions financires. Les gouvernements eux-mmes ont t amens dans ces combinaisons. Naturellement, la crationdun march international ntait possible que sur la base du consentement volontaire ou non des Etats une grande varit de traits commerciaux internationaux, de mme que les accords-postaux-tlgraphiques,frroviaires et navals et toutes sortes de concessions, etc. En un mot, parla force de persuasion, le capitalismea internationalisla vie conomiqueet politique partout o il sen est rendu matre. Naturellement, le capitalisme considrait ses propres intrts, mais en mme temps il facilitaitcontre son gr le dveloppement du mouvement proltarien. Les grandes

    configurations tatiques ont galement favoris les puissantes organisa-tions professionnelles et politiques et stimul le mouvement ouvrier international. Lavantage dune vaste conomie nationale et dinstitutions politiques tait si vident que tout ouvrier conscient sen rjouissait et lecomprenait.

    Dans son programme, le parti communiste a toujours soulign lesdeux tendances du dveloppement capitaliste: la libration nationale etlinternationalisation de la vie politique et conomique. De toute vidence, la reconnaissance du droit de chaque nation lexistence indpendante na pas exclu leur unification dans des fdrations dEtats plus

    grandes avec la garantie de chacun de prserver loyalement les intrts dechaque nation individuelle.Le paragraphe 13 du premier programme du P.O.S.D.R. qui fut

    confirm au deuxime congrs du parti en aot 1903, prvoyait le droit rautodtermination nationale. A lt 1913, une runion du comitcentral du P.O.S.D.R. avec les ouvriers dirigeant le parti, fut adopte unersolution sur la question nationale. La rsolution tendait le paragraphe13 du programme du parti, entre autre choses en mentionnant la possibilit dtablir lunit nationale dans le cadre du capitalisme. De mme quelunit nationale est possible dans une socit capitaliste base sur

    lexploitation, lusure et la concurrence de mme elle est possible dans

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    un systme dEtat rpublicain dmocratique aussi longtemps quil resteconsistant dans ses principes. Cest--dire, sil est consistant en donnantlgalit complte toutes les nations et langues ; sil prserve lexistence

    dcoles pour la population locale, enseignant dans la langue locale, etinclut dans sa constitution les droits fondamentaux qui mettent un termeaux privilges dune seule nation aux dpens des autres et arrte la

    violation dun quelconque des droits des minorits nationales. Cetteconception trs large a t adopte la confrence du parti de 1917.

    Naturellement la rvolution dOctobre elle-mme na pas introduitde diffrence importante dans lattitude du parti lgard de la questionnationale. Au contraire, cest seulement aprs la rvolution dOctobre queles conditions pour sa rsolution de la question nationale ont t cres.Dans la Russie tsariste-seigneuriale pr-rvolutionnaire, o seigneurs etcapitalistes taient les agents de loppression nationale et incarnaient lapolitique de russification, il nexistait pas de solution convenable laquestion nationale. Et le mme sappliquait gnralement dans les conditions dune socit dmocratique bourgeoise. Ce fut affirm dans larsolution de 1917. Les conditions pour rsoudre la question nationalenapparurent quaprs la rvolution dOctobre qui abolit la dominationdes capitalistes, des seigneurs et de la bureaucratie tsariste, cest--dire desclasses qui empchaient les nations de raliser leur droit lautodtermination nationale.

    Nanmoins, dans quelques cercles insignifiants du parti communiste,la rvolution dOctobre cra certains prjugs qui empchaient une vue

    raliste. Avec le renversement de la domination capitaliste et seigneuriale,limpression fut cre que la question nationale avait dj t rgle. Pources camarades, ctait comme si la discussion sur la question nationaletait un rsidu des temps anciens davant la Rvolution. Les ides de cescamarades rappelaient celles de certains socialistes franais. Bien quilsdevinssent plus tard de bons marxistes, pendant la premire Internationale, ils considraient les nationalits comme des prjugs dpasss.

    Voici ce que Marx leur rpondit dans une lettre Engels en date du 10juin 1866, au cur de la guerre austro-prussienne:

    Hier il y avait une runion du conseil de lInternationale sur la guerre [...]Comme on sy attendait, la runion en est venue la question des nationalits et lattitude leur gard... Le reprsentant de la Jeune France2(non ouvrier) aproclam que toutes les nationalits et mme les nations taient des prjugsantiques... Les Anglais ont ri de bon cur quand j'ai commenc mon discoursen disant que notre ami Lafargue et les autres, qui en avaient termin avec lesnationalits, nous avaient parl en franais, cest--dire dans une langue qui

    2. Cf. note 5, page 94. Ce reprsentant tait comme on sait le futur gendre de Marx,Paul Lafargue.

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    tait incomprhensible aux neuf diximes dans la runion. Jai aussi suggr que,par ngation des nationalits, il apparaissait, tout fait inconsciemment, comprendre leur absorption par la nation-modle franaise.

    Lnine crivit ladditif suivant aux paroles de Marx: Une fois que les mouvements nationaux de masse sont apparus, les carter,

    dnoncer en eux laspect dveloppement, signifie en ralit cder au prjugnationaliste et reconnatre sa propre nationalit comme la nation exemplaire et,pouvons-nous ajouter, la nation qui a le privilge exclusif du dveloppementtatique.

    En ralit, la rvolution dOctobre na fait quecommencer rsoudrela question nationale. Elle ne Ta pas rsolue. La rvolution dOctobre acr des conditions dans lesquelles les particularits nationales dveloppes dans le cours de lhistoire humaine survivraient. Le long procs de

    changement qui suivra va probablement durer un sicle, pas seulementdes dcennies. La rvolution dOctobre na aboli ni la langue, ni lescoutumes particulires, conomiques et autres caractristiques de la nation, et elle na pas non plus aboli la nation en tant que produit dundveloppement historique spcifique. De toute vidence, la tche du particommuniste aprs la rvolution dOctobre ne consistait pas ignorer leproblme, mais rechercher les meilleures relations entre les nations l ole pouvoir sovitique avait vaincu.

    Les prjugs sur la question nationale parmi quelques camarades dansle parti communiste ont provoqu un dbat au VIIIecongrs en 1919. Le

    congrs a conclu en approuvant lide traditionnelle sur la question nationale. Au congrs pan-russe du parti, en dcembre de la mme anne,notre attitude sur cette question a t de nouveau discute. La question at pose en liaison avec lavance victorieuse de lArme rouge contre lesunits blanches galiciennes et petliouristes en Ukraine. Je cite le premierpoint de la rsolution adopte par le C.C. du parti russe, puis confirmpar le congrs: Aprs avoir discut des relations avec les travailleursdUkraine, un peuple qui se libre de loccupation temporaire des bandesdenikistes, le C.C. du P.C.R. (qui poursuit rsolument lapplication duprincipe de lautodtermination) considre comme ncessaire de confir

    mer nouveau son inbranlable attachement lide daccepter une Rpublique socialiste sovitique ukrainienne indpendante. Le comit centraldu P.C. dUkraine, au mme moment, a adopt une rsolution semblable. Le quatrime point est typique. Ici, tout en affirmant en mme tempsle droit de la nation lautodtermination, la rsolution avanait galement lide quune ralisation authentique dun tel droit nest possible quesousla domination des soviets:

    Lextension et le renforcement de la solidarit entre les ouvriers et lespaysans de diffrents Etats et nations est conditionn par la reconnaissance delgalit absolue et du droit qui en dcoule lautodtermination. Une telle con

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    dition est ncessaire pour l'abolition du privilge national et racial, de toutedivision possible entre nations petites ou grandes, de toute trace doppressionnationale. La ralisation du droit des ouvriers et des paysans lautodterminationnest possible quavec labolition de la domination de classe et du gouvernement declasse. En dautres termes, elle nest ralisable quavec la cration dun authentiqueEtat ouvrier-paysan et la libration de lexploitation capitaliste-seigneuriale et deloppression. Seule la structure de classe sovitique, qui exclut la domination declasses exploiteuses privilgies et repose sur la dictature des proltaires et despaysans, cre les conditions dans lesquelles les ouvriers et les paysans sont nonseulement les matres de leur activit conomique et politique, mais aussi lesmatres de leurs affaires nationales-culturelles .

    Lhistoire de lUkraine se porte en excellent tmoin de cette vrit. Lavictoire de la bourgeoisie ukrainienne nationaliste naurait pas promis auxouvriers et paysans ukrainiens mme le type d autodtermination dont ilsjouissent dans les Etats baltes. Situe entre une Russie bourgeoise et unePologne et une Roumanie bourgeoises, lUkraine aurait t partage. Elleaurait de nouveau t transforme en un grand tat vassal dpendant duseigneur polonais, du boyard roumain ou du capitaliste russe. Si lUkrainedevait rester un Etat-tampon, conomiquement, elle aurait t totalementdpendante du capital occidental. Les nationalistes ukrainiens nont jamaiscach leurs plans. Ils livraient un morceau du territoire la Pologne et laRoumanie. Ils livraient les rapports conomiques et financiers de lUkraine limprialisme international acqurant ainsi un certain droit participer lexploitation des ouvriers et paysans ukrainiens. Deux accords seulementservent dmontrer la justesse de notre thse de 1919 que lautodtermination nationale ukrainienne nest possible que sous le pouvoir sovitique etdmontre aussi combien lautodtermination nest possible quavec laprotection de la Russie sovitique. Dabord laccord entre le Directoire3et lecommandement franais dans lhiver 1918-1919 remettait tout le commerce,les chemins de fer, les finances, les affaires militaires et la justice aux mainsdes Franais. Un deuxime accord, en dcembre 1919, entre le soi-disantgouvernement de la rpublique nationale ukrainienne et Pilsudski4livrait laplus grande partie de lUkraine occidentale la Pologne.

    Le rapport entre les rpubliques socialistes sovitiques actuelles estapparu comme une question concrte aprs la rvolution dOctobre. Il va desoi que les relations entre des Etats socialistes ouvriers-paysans ne peuventpas tre les mmes quentre les Etats bourgeois.

    3. Le Directoire ukrainien, avec Vinnitchenko come prsident et Petlioura commecommandant-en-chef et homme fort, stait form Kiev au moment de la chute du fantoche delAllemagne, lataman Skoropadsky.

    4. Cest en dcembre 1919 que Petlioura stait mis daccord avec le chef du gouvernementpolonais, JosefPilsudski(1867-1935), pour faire de lUkraine indpendante un satellite de la

    Pologne.

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    Comme nous lavons indiqu plus haut, la tendance internationaliser les affaires conomiques et politiques est devenue claire. Il y a mmedes signes dune tendance au fdralisme, comme aux Etats-Unis, en

    Allemagne, en Suisse, etc. Nanmoins, ce procs ne peut pas transcenderles traits particuliers du dveloppement de la socit capitaliste qui sexprime dans le particularisme national. Les affaires entre Etats capitalistessuivent deux tendances opposes. Tout le droit civil et internationalbourgeois repose sur le principe de la proprit prive. A lintrieur desEtats capitalistes joue la loi de la concurrence entre capitalistes individuels. La loi qui domine les relations internationales est la concurrenceentre Etats capitalistes diffrents. Do la distinction entre droit international et socialiste et droit bourgeois international. Jai trait cette question un peu en dtail avant, aussi vais-je citer mon propre article dans la

    revue mensuelle LInternationale communiste sous le titre Rapportsentre Rpubliques sovitiques.

    La mme loi rgle galement le dveloppement des Etats bourgeois. Ils ontdes organisations de la mme faon en concurrence et avec les mmes caractristiques de la destruction des Etats plus faibles, ou, au moins de leur subordinationtotale aux Etats les plus puissants. Lordre des Etats bourgeois est caractris parla cration de tels Etats nationaux spars, luttant lun contre lautre.

    De tels tats concluent des accords commerciaux, postaux, tlgraphiques etconcernant les chemins de fer: en accord avec la situation internationale, onconclut des alliances dfensives et offensives ; mais toutes ont un caractre provi

    soire, conjoncturel et inachev.De telles alliances ne peuvent supprimer les antagonismes profondment

    enracins entre ces Etats, qui sont inhrents lordre capitaliste dans son ensemble. Ds que la menace commune, ou lintrt mutuel qui les a runis a disparu, la

    vieille inimiti ressurgit avec plus de violence encore quauparavant. Lhistoire dela coalition des puissances de lEntente et de leurs allis pendant et aprs la guerreimprialiste est caractristique cet gard.

    Le nationalisme est lidologie de lordre de lEtat bourgeois. Les intriguesdiplomatiques, toutes les formes de lespionnage, labus de confiance mutuel, sontses mthodes ordinaires. Lorsque, dans le Manifeste de la lre Internationale,Marx, parlant de la politique trangre des Etats capitalistes, lui opposait une

    politique fonde sur la loi de la moralit, il ne voulait certainement pas dire que,dans une socit bourgeoise, les socialistes devraient avoir sous les yeux la moralechrtienne Comportez-vous avec les autres comme vous souhaitez quils secomportent avec vous. Il soulignait au proltariat que seul le triomphe de larvolution proltarienne serait capable de crer les conditions de relations honntes et ouvertement franches entre les nations.

    En opposition lordre de lEtat bourgeois, celui du proltariat, tout enrpudiant toute proprit prive dans les moyens de production, renonce touteproprit prive du territoire de lEtat lui-mme. Dans une socit socialiste, leprincipe qui sert sorienter nest pas lintrt dun exploiteur particulier, mais lesintrts de la classe ouvrire tout entire. Les frontires entre Etats socialistes

    cessent davoir un caractre politique et deviennent simplement des units admi

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    nistratives. De la mme faon disparaissent les limites qui divisent les industriesprives spares, units de production limites seulement par la loi de la concurrence. Au lieu dune gestion capitaliste chaotique dans laquelle une production enaugmentation de biens et une exploitation intense des ouvriers sont suivies de

    priodes de chmage et de crise industrielle, apparat une production nationaliseorganise, se dveloppant nationalement selon un plan gnral et pas seulement lchelle nationale, mais lchelle internationale. La tendance de la rvolutionsocialiste est la centralisation conomique et politique sous la forme dune fdration internationale temporaire. La formation dune telle fdration nest pas,naturellement, luvre de la plume : elle rsulte dun processus plus ou moins longde suppression des particularismes, de tous les prjugs dmocratiques et nationaux, rsultat dune connaissance et dune adaptation mutuelles.

    Les principes ci-dessus, proclams par la Premire Internationale ouvrire,sont la base des relations entre la Russie sovitique et lUkraine sovitique.

    Dans la premire partie nous avons considr les tendances du dve

    loppement socialiste sur une priode particulire, puisque, dans toutesnos conceptions jusqu prsent, nous avons t guids par la notion delEtat ; dans une telle situation, le rapport entre les Etats qui sont socialistes est avant tout dtermin par un seul facteur, le besoin dune conomieplanifie et du contrle. Cela signifie unification et centralisation undegr dtermin par les conditions extrieures et intrieures.

    Quest-ce qui doit caractriser les relations mutuelles entre les rpubliques sovitiques? Bien entendu, nous ne pouvons que soulignerquelques-uns des caractres les plus importants. Dabord la lutte contre lacontre-rvolution, au-dehors comme au dedans. Il va sans dire que pen

    dant les trois annes terribles de guerre civile et internationale subie parlUnion sovitique, il tait impratif que les affaires militaires soientconduites sous un contrle et une direction unifies, la coordination laplus rigoureuse et le plus haut degr de centralisme. Nous ne sommes paslibrs de ces exigences. Nous jouissons dun rpit bref, pas dune harmonie permanente. Les vnements quotidiens, comme ce qui est en train dese produire dans la Ruhr5 pourraient dchaner une nouvelle guerreimprialiste. Le second trait caractristique des relations mutuelles est laconstruction conomique. Nous entendons par l lindustrie aussi bienque lagriculture et le commerce. Etant donn la pauvret et les ruinesterribles dans les Rpubliques sovitiques actuelles un legs de la guerreimprialiste il faut conserver rserves et force le plus possible. En dpitdu fait quune conomie socialiste implique une conomie planifie etqu lavenir une coordination dans les affaires conomiques des rpubliques sovitiques deviendra une ncessit, en attendant, nous devons nous

    5. On sait que la dcision des gouvernements de France et de Belgique doccupermilitairement en janvier 1923 la Ruhr, comme la saisie dun gage productif avait ouvertune crise trs grave.

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    incliner devant les impratifs de la pauvret et de la dsolation. Letroisime facteur est la question financire. De toute vidence, aucunerpublique isolment ne peut surmonter cette difficile situation par ses

    propres forces. La question financire exige aussi la plus extrme coordination et unit. Pendant une priode, cette question va tout dominer. Lareconstruction de lindustrie et de lagriculture dpend de sa solution

    juste. Quatrimement, en ce qui concerne la situation internationale,Gnes, La Haye et Lucerne6ont dmontr que les capitalistes nont pasabandonn leur objectif de ressusciter leurs privilges abolis par la rvolution ouvrire et paysanne. Ils exigent non seulement la reconnaissance desdettes, mais aussi le rtablissement de leur proprit prive. Si le capitalisme international a momentanment cess ses sanglants assauts contre lesrpubliques sovitiques, il en sera dautant plus dcid les saper par des

    sanctions conomiques. Il va retourner chaque pierre de notre vie conomique, saper tous les fondements du pouvoir sovitique le monopoledu commerce extrieur, lindustrie dEtat nationalise, etc. Lun desmoyens que limprialisme international est capable dutiliser pour minerle pouvoir sovitique consiste attiser les inimitis nationales et la luttenationale. La Nep est un facteur de dcomposition dans les rapports entrerpubliques sovitiques, parce quelle est un passage partiel dune conomie socialiste planifie une conomie montaire prive. Elle signifiecommerce priv, capital priv, un renforcement de la petite bourgeoisieurbaine et rurale et la cration de conditions favorables laccumulationsocialiste prive. Nous sommes amens faire des efforts considrablespour dfendre notre politique socialiste tandis quau mme moment lerapport de forces interne est si dfavorable une conomie socialiste.Tout indique que cette dernire lemportera. La Nep est en ralit ungrand moment stratgique, une manoeuvre du proltariat pour se dgager.Mais comme tout autre plan stratgique et manoeuvre de dgagementprofond, elle exige lunit la plus totale et une concentration dattention etdefforts sur un objectif unique pour assurer son succs.

    Naturellement, les conditions ci-dessus se refltent dans le gouverne

    ment de lUnion. La ncessit de rsister au blocus capitaliste lextrieur, la pression de la petite bourgeoisie lintrieur, la ncessit dexploiter les ressources du pays de la faon la plus rationnelle tout cela adict avec force la ncessit dun front uni dans les affaires politiques etconomiques.

    Occasionnellement, on rencontre dans la discussion lide que ltatproltarien devrait tre un Etat centralis et que, par consquent, lesrpubliques sovitiques devraient fusionner en un seul Etat centralis. De

    6. Allusion toutes les discussions internationales pour rgler le contentieux des dettesrusses lgard de lOccident.

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    tels propos nont rien voir avec le communisme. La tche de centralisation gnrale navait jamais figur dans le programme communiste. En cequi concerne lEtat, lattitude des communistes est claire galement. Engels crivait dans son introduction La Guerre civile en France, LEtatest un mal dont le proltariat hrite aprs sa lutte victorieuse pour lasuprmatie de classe. Comme avec la Commune de Paris, le proltariatdevra autant que possible liminer certains de ses pires aspects avant quela nouvelle gnration soit capable denvoyer toute la charpente de lEtat la ferraille. En dautres termes, lEtat qui apparat en tant que rsultat dela division de la socit en classes disparat avec la disparition de cesclasses. La socit communiste sera une socit sans Etat. Bien entendu,cest une affaire qui relve de lavenir lointain. Jusque l, le proltariatutilisera, bien entendu, le pouvoir dEtat pour organiser la productionsocialiste. Pour dmontrer que nous ne considrons pas lEtat comme un

    ftiche, nous avons cit Engels. La centralisation nen est pas un non plus.La centralisation est bonne dans la mesure o elle facilite la lutte declasses. En ce qui concerne la rpublique sovitique, il faut dire que lacentralisation nest bonne que dans la mesure o elle renforce cetterpublique et assure la domination du proltariat.

    Naturellement le pouvoir sovitique ne peut avoir de pire ennemique la centralisation, si nous entendons par l une concentration depouvoir dans un organisme unique et la transformation de toute la population en instrument zl de lexcution des dcrets centraux. Le mmesapplique si, par le mme terme, nous entendons la destruction de

    linitiative et de lauto-motivation conomique, politique et administrative. En dautres termes, le pouvoir sovitique est lennemi du centralisme tout crin. Le pouvoir sovitique signifie la participation des masseslaborieuses (et travers elle des masses paysannes) la vie politique dupays. Mais si la vie politique devient le privilge dun petit groupe degens, alors, bien entendu, les masses ouvrires ne participeront pas aucontrle et le pouvoir sovitique va perdre son soutien le plus important.Les communistes combattront toujours rsolument une telle centralisation.

    Dans la mme introduction La Guerre civile en France, Engelsmontre comment le pouvoir dEtat sert ses propres intrts individuels ;le serviteur de la socit devient son matre. En dautres termes, uneclasse de bureaucrates sest forme avec ses propres intrts particuliers etelle est avant tout attache conserver son appareil dEtat complexe etcentralis. Bien que se soient constitus des intrts bureaucratiques spcifiques, la bureaucratie sert normalement la bourgeoisie. A loccasion,elle sacrifie les intrts de la classe bourgeoise dans son ensemble, choisissant de dfendre ses propres intrts gouvernementaux-bureaucratiquestroits. Entre autres, Engels cite lAmrique comme exemple de la cration dune aussi norme bureaucratie borne: Cest prcisment en

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    Amrique que lon voit plus clairement que partout ailleurs commentlappareil dEtat devient indpendant de la socit mme dont il est paressence linstrument . Pour cette raison, Engels considre quune fois que

    le proltariat a pris le pouvoir, il doit changer la structure du nouvelappareil dEtat, le rendant docile sa volont:

    Ds le dbut, la Commune dt reconnatre quune fois que la classeouvrire avait pris le pouvoir, elle ne pouvait utiliser la vieille machine dEtat pourraliser ses tches et que, pour viter de perdre ce pouvoir rcemment conquis, laclasse ouvrire doit dabord abolir tout lordre ancien, jusque l dirig contre elle,la machine mme de loppression ; dun autre ct, elle doit se protger contre sespropres fonctionnaires et responsables en les soumettant en tout temps larvocation .

    Comment une bureaucratie cette couche distincte de fonctionnai

    res qui lient leur sort la centralisation sest-elle constitue? Marxcrivait :

    Le pouvoir dEtat centralis avec ses organismes omni-prsents de larmepermanente, de la police, de la bureaucratie, du clerg et de la justice organismes conus selon le plan dune division du travail systmatique et hirarchique remonte lpoque de la monarchie absolue servant la classe moyenne naissantecomme une arme puissante dans sa lutte contre le fodalisme. Son dveloppementtait encore entrav par toute sorte de dbris et rsidus du Moyen-Age, droitsseigneuriaux, privilges locaux, monopoles municipaux et de guildes, constitutionsprovinciales. Llan gigantesque de la Rvolution franaise au XVIIIe sicle a

    balay tous ces restes des temps rvolus, librant en mme temps le terrain socialdes dernires barrires la superstructure de ldifice de lEtat moderne bti sousle Second Empire, lui-mme sous-produit des guerres de coalition de lEuropesemi-fodale contre la France moderne.

    Naturellement, une telle centralisation, qui exclut les masses ducontrle direct des organismes administratifs, conomiques et politiques,ne peut pas tre un phnomne appropri aux intrts proltariens. Marxoppose la Commune de Paris au vieil Etat bureaucratique centralis, uneaffaire collective combinant le pouvoir excutif et lgislatif. Bien entendu, le pouvoir sovitique est, quant lui, la ralisation de cette mme

    commune sur une chelle plus vaste. Les fondements constitutionnels dupouvoir sovitique ont pris de ce qui tait le plus vital dans lexpriencede la Commune de Paris.

    Ce qui a t dit de la centralisation sapplique aussi la dcentralisation, si nous devons la concevoir sous la forme absolue que nous prsentent les lgislateurs bourgeois et les idologues petits-bourgeois. Si nousentendons par le terme de dcentralisation lexistence spare, isole politiquement, de rpubliques sovitiques, le particularisme national et lesparatisme, la lutte entre Etats socialistes individuels et des provincesspares du mme Etat, comme les efforts pour briser la solidarit des

    intrts politiques et conomiques qui unissent les ouvriers et les pay

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    sans alors, de toute vidence, une telle dcentralisation serait tout faitcontre-rvolutionnaire et aussi dommageable aux intrts proltariens declasse que le phnomne du centralisme bureaucratique. Une semblable

    dcentralisation serait naturellement tout fait profitable limprialisme international. Elle aiderait la politique de limprialisme saper lefront sovitique et ouvrirait la possibilit pour bien des voisins, loignsou proches, de dtruire le pouvoir sovitique dans chacune des rpubliques sovitiques. Combien ce serait satisfaisant pour limprialisme international de voir des rpubliques sovitiques spares au lieu dune Unionde rpubliques sovitiques ! Chaque rpublique serait coupe de lautrepar des frontires dEtat et des douanes ; chacune possderait sa proprearme indpendante, commande exclusivement dans sa propre langue etchacun aurait sa propre politique intrieure et extrieure et particulire

    ment sa propre lgislation sur les concessions. Ce serait surtout vrai sicelles des rpubliques qui ont des ressources minrales avait des rglespour les concessions qui seraient avantageuses pour les capitalistes trangers, etc. Naturellement, peu aprs ce type dindpendance, il neresterait mme pas lombre dune rpublique sovitique. Lhistoire detoute notre guerre civile le confirme. Pour renverser le pouvoir sovitique, la contre-rvolution internationale a donn un soutien financier etfourni toutes les formes daide aux partis nationaux. Les nationalistesukrainiens de la Rada centrale et du Directoire, les menchviks gorgiens,les dachnakistes armniens, les moussavatistes azerbadjanais, les Kiroula-

    haij de Crime, etc. quel tait leur dnominateur commun ?Ils taienttous essentiellement des firmes nationales derrire lesquelles se dissimulaient limprialisme tranger, les Anglais, Franais, Roumains, Polonais,Turcs, etc. Les capitalistes trangers utilisent la question nationale (rsurgence du prjug nationaliste, rsurrection des perscutions nationales,lutte nationale) dans leur lutte contre le pouvoir sovitique.

    Il faut dire ici que le sparatisme national et provincial est nonseulement lun des moyens les plus dangereux employ par la contre-rvolution contre la rvolution ouvrire et paysanne, mais quil est galement utilis contre les rvolutions bourgeoises-dmocratiques.

    Souvenons-nous de la Rvolution franaise. A cette poque, Robespierrefaisait rfrence au mot fdralisme, qui rpond au sens actuel dedcentralisation, comme lune des hydres que les tyrans trangers dchanaient contre la Rvolution : Cest en vain que le nid des Girondinset les vils agents des tyrans trangers dchanent partout les serpents delinfmie, le dmon de la guerre civile, lhydre du fdralisme et lemonstre de laristocratie pour trangler la Rpublique dans son berceau (discours de Robespierre la Convention nationale, 17 octobre 1793).Comme on le sait, lAngleterre tait au cur de ce complot. Elle convoitait Toulon, Dunkerque, les colonies franaises et, en outre, avait en tte

    de restaurer le trne de France avec lun des fils du monarque anglais.

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    Ultrieurement, aprs avoir consolid le pouvoir en France, lAngleterrecomptait bien soumettre de nouveau lAmrique sa volont. Il fautdire, dit Robespierre, que ce gouvernement (anglais) mne sparment

    deux intrigues, lune en France, lautre aux Etats-Unis. Tout en sefforant de sparer le Nord et le Midi de la France, il complotait aussi desparer les provinces amricaines du Nord et du Sud. De mme que legouvernement anglais cherche fdraliser notre rpublique, de mme ilsefforce Philadelphie de couper le lien de la Confrence qui unit lesdiffrentes parties de la rpublique amricaine.

    Il faut bien nous rappeler ces exemples historiques. Pour nous ilssont contemporains et vivants. La lutte entre les marxistes rvolutionnaires incarns par Plkhanov et les fdralistes de lacabit de Dragomanov7(au cours de laquelle le premier tait en faveur dun centralisme rvolu

    tionnaire, le second le traitant de Jacobin) ne portait de toute vidence passur le centralisme tsariste bureaucratique, mais sur le maintien dun frontcommun, dune rsolution commune, sans laquelle le proltariat ne seraitpas venu bout du tsarisme et sans laquelle, lavenir, le proltariat nepourra pas conserver le pouvoir.

    V.I. Lnine a souvent crit sur cette question. Pour ne pas surchargercet article de citations, nous recommandons au lecteur de se reporter auvolume XIX des uvres de Lnine. Il y traite exclusivement de laquestion nationale. Nous nous en tiendrons une seule rfrence. Lninesuivait deux principes : la reconnaissance du droit dune nation lauto

    dtermination. Des considrations dgalit politique nationale devaientmarquer toutes les relations entre Etats. En comparaison avec des Etatsindividuels, une union dEtats apporte de toute vidence beaucoupdavantages bien des gards. Cest vrai dans une poque dEtats socialistes comme ctait vrai pour leurs quivalents bourgeois. Cependant cetteunion devrait tre volontaire: elle devrait respecter le droit des rpubliques individuelles et navoir rien de commun avec le centralisme bureaucratique. Le second principe suivi par Lnine est lide du centralismedmocratique comme unique forme dEtat qui reflte les intrts proltariens. Cela sapplique aux Etats nationalement uniformes dont les popula

    tions sont nationalement homognes. Engels, tout comme Marx, crivaitV.I. Lnine, pensait que le proltariat et la rvolution proltariennetabliraient un gouvernement centraliste dmocratique dans une rpublique unifie indivisible. Il considrait la rpublique fdre soit commeune exception, soit comme un obstacle une rpublique centralise; ouun pas en avant avec des conditions prcises et particulires. Cest dansces conditions particulires qumerge la question nationale.

    7. Mikhal Petrovitch Dragomanov (1841-1895), professeur dhistoire Kiev, dut

    sexiler en 1876 et enseigna Sofia partir de 1888.

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    En dpit de la vigoureuse critique des petits tats ractionnaires et delutilisation quils font de la question nationale pour dissimuler leurnature ractionnaire (dans des situations spcifiques), il ny a pas le

    moindre soupon dun dsir, que ce soit chez Marx ou chez Engels,dignorer la question nationale. Tel nest pas le cas chez les marxisteshollandais et polonais qui ont souvent fait des erreurs dans ce domaine etont tendance considrer les choses du point de vue de la lutte contreltroit nationalisme petit-bourgeois de leurs petits Etats.

    En Angleterre, o les conditions gographiques et nombre dannesdune langue et dune histoire communes suggreraient que la questionnationale, dans des rgions particulires du pays a t rsolue mmeEngels indique ici le fait vident que la question nationale est encore

    vivante (et par consquent, il considre la rpublique fdre comme un

    pas en avant. Bien entendu, cela ne revient pas nier les insuffisances dela rpublique fdre ni la ncessit dune propagande nette et de la luttepour une rpublique dmocratique centralise unique). Cependant, par lecentralisme, Engels na pas en tte le modle bureaucratique, le modledfendu par les idologues petits-bourgeois et les anarchistes. Pour Engels, le centralisme nexclut daucune manire le type dauto-gouvernement large base qui rejette catgoriquement le bureaucratismeet les ordres den-haut. Dans cette conception, les communes et lesdiffrentes rgions soutiennent lunit de lEtat.

    En ce qui concerne en particulier notre propre situation, nous ne

    devons pas oublier les leons de nos matres. Le dveloppement tatiquedans chaque rpublique, aussi bien que le dveloppement densemble delUnion, devraient prendre place sur des fondations qui permettent uncontrle et un plan gnral mais qui nexcluent pas lautonomie civile,administrative, conomique, financire et culturelle des rpubliques etrgions individuelles. Lart de nos administrateurs sovitiques devraitconsister dans un dosage juste et un rapport correct entre ces diverslments. Dborder dun ct ou de lautre aurait un rsultat destructif.

    Les trois questions les plus fondamentales que nous avons rencontres dans le dveloppement de lUnion taient les suivantes. Dabord, la

    question de quelles branches de la vie politique, conomique, administrative des rpubliques devaient passer sous lautorit de lUnion. Deuximement, comment dterminer la comptence du gouvernement de lUnion etdes gouvernements de chaque Rpublique, quand il sagit de contrler lesagences de lUnion ? Troisimement, comment prserver la participationrelle de chaque rpublique au gouvernement de lUnion?

    Comme on le sait, la premire question a t rsolue en faisant desaffaires militaires, des affaires trangres, du commerce extrieur et deschemins de fer, de la poste et du tlgraphe, des agences de lUnion. Lescommissariats de ces cinq ministres nexisteront quau niveau du com

    missaire des peuples de toute lUnion, tandis que les rpubliques, la

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    R.S.F.S.R. comprise, n'auront que leurs plnipotentiaires. Les commissaires de ces cinq ministres auront le droit de donner des directivesoprationnelles directement leurs bureaux locaux. Toute la lgislation

    concernant ces commissariats de lUnion sera concentre dans les agencesde lUnion.

    Cela signifie-t-il que ces rpubliques, avec les commissariats pourtoute lUnion, vont perdre le droit de donner des directives? Celasignifie-t-il que les gouvernements des diffrentes rpubliques naurontpas de part dans le contrle des branches et entreprises de ces commissariats ?Prenons, par exemple, la question des chemins de fer. Le contrledun vaste rseau de 60 000 verstes nest pas au pouvoir dun commissariatunique. En outre, les chemins de fer, qui sont un instrument pour ledveloppement de la vie conomique, doivent tre accessibles aux agences

    conomiques locales. Bien entendu le moment viendra o les chemins defer seront de nouveau diviss en deux catgories Tune lchelle delunion, lautre dintrt local. La premire sera place sous lautorit ducommissariat du peuple aux communications, la seconde au conseil descommissaires du peuple des diffrentes rpubliques. Peut-tre cela ne sefera-t-il pas tout de suite, mais on peut dire maintenant que la construction des routes se fera sous les auspices des rpubliques. On peut faire lesmmes remarques propos des services tlgraphiques et tlphoniques.Il y a dj une forte tendance la rgionalisation du rseau tlphonique.Ce type de solution la question des transports et des communications

    devrait satisfaire aussi bien lintrt gnral que les intrts locaux. Dunct, cela veut dire plan unique et tarif unique ; de lautre, il y a lintrtdes agences locales dans la prsentation des problmes concernant letransport et les communications nationales quelles veulent lever uncertain niveau. Le mme est valable pour les problmes de contrlemilitaire, commerce extrieur et affaires trangres, dans lesquels il faudrait laisser linitiative des rpubliques individuelles toute une srie dedomaines. Cette question ne sera pas rsolue tellement par la constitutionque par des statuts particuliers dvelopps pour chaque commissariat. Ilnous faut souligner ici que ces statuts devraient tre empreints dun

    centralisme dmocratique, et non bureaucratique.Ce quon appelle les commissariats directifs des finances, sovnar-

    khoze, ravitaillement, inspection ouvrire et paysanne et travail, formentune deuxime catgorie de commissariats. Ils existeront aussi bien dans lescommissariats du peuple de lUnion quau niveau des rpubliques individuelles. LUnion formulera seulement plans et directives gnrales. Lesinstructions de fonctionnement ne viendront que des commissariats nationaux des rpubliques individuelles, qui seront subordonnes et responsables devant le comit excutif central et le conseil des commissaires dupeuple de ces dernires.

    Dans la troisime catgorie se trouvent les commissariats nationaux

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    des rpubliques. Ils couvrent les affaires intrieures, lagriculture, la sant,la justice, lducation et la scurit sociale. Mais quand on en arrive laquestion de lorganisation de la terre, lindpendance de chaque rpubli

    que ne peut pas tre comprise dune faon o elle impliquerait labolitionde la nationalisation de la terre. Autrement, ce ne serait plus une rpublique sovitique. En consquence, une certaine lgislation de base concernant la terre, le code civil et criminel, etc. devrait tre de la comptencede lUnion.

    Finalement, la troisime question comment assurons-nous la participation relle des rpubliques individuelles dans le gouvernement delUnion? Des sauvegardes vont fonctionner travers deux mcanismes.Dun ct, elles fonctionnent travers des institutions lgislatives centrales, cest--dire des congrs de soviets et les deux chambres discutes plus

    haut. L, ce ne sera pas seulement la reprsentation de classe, mais lareprsentation nationale qui sera assure. Une seconde sauvegarde est laformation dun bureau des commissariats de lUnion. Les rpubliquesdevraient avoir le droit dy avoir leurs reprsentants. Les rpubliquesdevraient avoir aussi des reprsentants dans les agences ltranger quitraitent des questions commerciales et politiques. Une rpublique donne,avec des liens conomiques et politiques plus dvelopps avec un Etattranger, devrait se voir reconnatre la prfrence pour y avoir des reprsentants.

    Voil donc les principes de base dans la fondation de lUnion soviti

    que. Ils ne sont pas dfinitifs. Lesprit qui influence les commissions detravail sur les divers statuts dpend de limportance quelles attachent laquestion nationale dans la structure tatique. Cela jouera un rle important dans un avenir non dtermin. Dans cet article, je me suis proccupde la question nationale dans le dveloppement de lUnion sovitique.Bientt, jaimerais avoir dans Chervonyi Shlyakhloccasion de traiter dela faon dont la question nationale affecte le dveloppement interne de laRpublique ukrainienne.