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CHRONIQUE DE L'ADMINISTRATION Bénédicte Delaunay et al. E.N.A. | Revue française d'administration publique 2004/2 - no110 pages 381 à 399 ISSN 0152-7401 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2004-2-page-381.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Delaunay Bénédicteet al., « Chronique de l'administration », Revue française d'administration publique, 2004/2 no110, p. 381-399. DOI : 10.3917/rfap.110.0381 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour E.N.A.. © E.N.A.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - University of North Carolina - - 152.2.176.242 - 14/05/2013 22h55. © E.N.A. Document téléchargé depuis www.cairn.info - University of North Carolina - - 152.2.176.242 - 14/05/2013 22h55. © E.N.A.

Chronique de l'administration

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CHRONIQUE DE L'ADMINISTRATION Bénédicte Delaunay et al. E.N.A. | Revue française d'administration publique 2004/2 - no110pages 381 à 399

ISSN 0152-7401

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-francaise-d-administration-publique-2004-2-page-381.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Delaunay Bénédicteet al., « Chronique de l'administration »,

Revue française d'administration publique, 2004/2 no110, p. 381-399. DOI : 10.3917/rfap.110.0381

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CHRONIQUE

CHRONIQUE DE L’ADMINISTRATION

Francis CHAUVIN Bénédicte DELAUNAY

Professeur à l’Université de Rennes Professeur à l’Université de Tours

Carine MOREAU-SOULAY Hervé RIHAL

Auditeur au Conseil d’État Professeur à l’Université d’Angers

I — ADMINISTRATION D’ÉTAT

• Au gouvernement

Le 21 juin 2004, il a été mis fin aux fonctions de Tokia Saïfi, secrétaire d’État audéveloppement durable qui a présenté sa démission pour siéger au Parlement européen 1. Ellen’a pas été remplacée. Dans ce domaine, il existe désormais un simple délégué interminis-tériel institué auprès du Premier ministre par le décret n° 2004-601 du 24 juin 2004 2 qui fixeses attributions. Il travaillera en liaison avec le comité interministériel pour le développementdurable et le conseil national du développement durable déjà évoqués dans cette chronique àl’occasion de leur création 3.

II — DÉCENTRALISATION ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

• Commune, nouveaux pouvoirs du maire, solidarité de proximité, recensementdes personnes âgées et handicapées 4

En août 2003, la canicule a fait en France près de 15 000 morts, notamment chez lespersonnes âgées. Par la suite, de nombreux rapports ont été rédigés pour tenter de chercher

1. Décret du 21 juin 2004 relatif à la composition du gouvernement, JO du 22 juin 2004, p. 11168.2. JO du 26 juin 2004, p. 11601.3. RFAP, n° 105-106, 2003, p. 236.4. Loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des

personnes handicapées, JO du 1er juillet, p. 11944.

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la cause de l’inefficacité des dispositifs de veille sanitaire et d’alerte. La loi du 30 juin 2004,plus célèbre pour avoir créé une caisse nationale de solidarité pour l’autonomie notammentalimentée par le produit d’une journée de travail, a, dans son titre premier, mis en place undispositif de veille et d’alerte.

Le nouvel article L. 116-3 du code de l’action sociale et des familles institue danschaque département un plan d’alerte et d’urgence au profit des personnes âgées et handicapéespour faire face à des risques exceptionnels. Arrêté conjointement par le préfet et le présidentdu conseil général, il est mis en œuvre sous l’autorité du préfet.

Surtout, est créé dans le même code un article L. 121-6-1 qui prévoit qu’« afin defavoriser l’intervention des services sociaux et sanitaires, les maires recueillent les élémentsrelatifs à l’identité, à l’âge et au domicile des personnes âgées et des personnes handicapéesqui en ont fait la demande ». Pour maintenir un lien social, les services sociaux et sanitairespourront organiser un contact périodique lorsque le plan d’alerte et d’urgence sera mis enœuvre. Il s’agit de rompre l’isolement grâce à une visite, un appel téléphonique, etc. Il estprécisé que le recueil des informations pourra être effectué à la demande d’un tiers, à lacondition que la personne concernée ou son représentant légal s’il s’agit d’un majeur protégén’y soit pas opposé. Bien sûr, les registres nominatifs ainsi constitués seront tenus dans lerespect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 sur l’informatique, les fichiers et leslibertés.

On peut évidemment douter de l’efficacité de ce recensement qui risque de laisser àl’écart les personnes les plus vulnérables ; on peut aussi remarquer que cette nouvelle chargen’est nullement compensée par un transfert financier de l’État. Quoi qu’il en soit, onreprocherait encore plus au législateur de n’avoir pas agi ; il faut donc lui donner acte de ceteffort pour rompre l’isolement des plus fragiles d’entre nous. Au-delà, ce texte est révélateurdu rôle de proximité confié aux services municipaux, alors que les actions opérationnellessont de plus en plus confiées à l’échelon intercommunal.

• Partenariat public/privé, nouveaux types de contrats administratifs, applicationaux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopérationintercommunale (EPCI)

La loi 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit 5 a,dans son article 6, autorisé le gouvernement à créer par ordonnance de nouvelles formes decontrats conclus par une personne publique ou une personne privée chargée d’une mission deservice public « pour la conception, la réalisation, la transformation, l’exploitation et lefinancement d’équipements publics ou la gestion et le financement de services ou unecombinaison de ces différentes missions ». Il était prévu que les dispositions de l’ordonnancedétermineraient les règles de publicité et de mise en concurrence relatives au choix descocontractants, ainsi que les règles de transparence et de contrôle. Avant même son vote, cettedisposition du projet de loi d’habilitation avait soulevé un tollé dans la classe politique. Onsait en effet que ces montages contractuels complexes ont donné lieu à de nombreux abusnotamment en ce qui concerne l’utilisation du marché d’entreprise de travaux publics pour laconstruction et la rénovation des lycées d’Île-de-France. Le grand inconvénient de ce type decontrats est qu’ils forcent à choisir simultanément l’architecte, les entrepreneurs et même les

5. JO du 3 juillet 2003, p. 11192.

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exploitants des équipements réalisés 6. Dans sa décision 2003-473 DC du 26 juin 2003 7, leConseil constitutionnel avait émis deux réserves d’interprétation à propos de l’article 6. S’ilapprouvait la finalité de l’habilitation qui est d’alléger les règles régissant la commandepublique en vue de rendre plus aisées la conclusion et l’exécution des contrats passés avec despersonnes privées pour la réalisation d’équipements et la fourniture de services, s’il admettaitqu’aucune règle n’impose de confier à des personnes distinctes les diverses phases de lacommande publique, il estimait en revanche que « la généralisation de telles dérogations audroit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible depriver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant lacommande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des denierspublics. Il réservait dès lors l’usage de telles dérogations « à des motifs d’intérêt général telsque l’urgence qui s’attache en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper unretard préjudiciable » ou la nécessité de tenir compte des caractéristiques d’un équipement oud’un service déterminé. Ainsi, l’exception ne devait pas devenir la règle. Il ajoutait quel’article 6 ne devait pas être entendu comme permettant de déléguer à une personne privéel’exercice d’une mission de souveraineté.

Près d’un an après, l’ordonnance du 17 juin 2004 8 vient régir ce type de contrats et al’avantage d’encadrer des pratiques anciennes (marché d’entreprise de travaux public,crédit-bail immobilier, vente en l’état futur d’achèvement). Elle crée, à côté des contratstraditionnels que sont les marchés publics, les délégations de service public et les contratsportant occupation du domaine public, une quatrième catégorie de contrats dans le cadre dece qu’il est à présent convenu d’appeler le partenariat public/privé.

Pour ce qui est du droit des collectivités territoriales, l’article 14 de l’ordonnance créedans le code général des collectivités territoriales (CGCT), au sein du livre consacré auxservices publics locaux, un chapitre IV intitulé « Les contrats de partenariat ».

L’article L. 1414-1 les définit comme des contrats administratifs « par lesquels lapersonne publique confie à un tiers, pour une période déterminée en fonction de la duréed’amortissement des investissements ou des modalités de financement retenues, une missionglobale relative au financement d’investissements immatériels, d’ouvrages ou d’équipementsnécessaires au service public, à la construction ou transformation des ouvrages ou équipe-ments ainsi qu’à leur entretien, leur maintenance, leur exploitation ou leur gestion et, le caséchéant, à d’autres prestations de service concourant à l’exercice par la personne publique dela mission de service public dont elle est chargée ». Le cocontractant assure la maîtrised’ouvrage, sa rémunération provient de la personne publique mais peut être liée à desobjectifs de performance à lui assignés. On le voit, les prestations seront globales allant de laconception de l’ouvrage à son exploitation et même à sa maintenance.

Pour tenir compte des réserves du Conseil constitutionnel, l’article L. 1414-2 a prévuque les contrats ne peuvent être conclus que pour des projets préalablement évalués.L’évaluation doit permettre notamment d’établir que la personne publique n’est pas en mesurede définir seule et à l’avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins oud’établir le montage financier ou juridique du projet, ou que le projet présente un caractèred’urgence. Elle doit également exposer les motifs qui ont conduit, après analyse comparativede différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une procédure de

6. Sur cette polémique, voir Sueur (Jean-Pierre) « La machine à corruption est en marche » (Le Monde,3 juin 2003) et la réponse de Sauget (Bernard) « Simplifier n’est pas corrompre », (Le Monde, 10 juin 2003).

7. JO du 3 juillet 2003, p. 11205 et la note de Schoettl (Jean-Éric), AJDA 2003, p. 1391 et s., notammentp. 1398-1401.

8. Ordonnance 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, JO du 19 juin, p. 10994.

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passation d’un contrat de partenariat. L’évaluation est présentée à l’organe délibérant qui seprononce sur le principe du recours à ce type de contrat.

La procédure de passation est ensuite assez proche de celle prévue pour les délégationsde service public et l’article L. 1414-3 la soumet à certains principes : liberté d’accès, égalitéde traitement des candidats, objectivité des procédures. Après les formalités de publicité et demise en concurrence, une commission d’ouverture des plis semblable à celle existant enmatière de délégations de service public dresse la liste des candidats admis à participer audialogue permettant de définir les moyens techniques pouvant répondre aux besoins de lacollectivité territoriale ou de l’établissement public de coopération intercommunale oud’établir le montage juridique ou financier du projet. Le dialogue doit se dérouler selon unestricte égalité et se poursuivre jusqu’à l’identification de la ou des solutions susceptibles derépondre aux besoins. Toutefois, la collectivité ou l’EPCI peut passer directement à laréception des offres finales si la phase de dialogue n’est pas nécessaire. Ensuite, la personnepublique reçoit les offres finales des candidats en s’efforçant de maintenir « jusqu’à ce stadeune concurrence réelle » (art. L. 1414-8). Le contrat est alors attribué au candidat qui aprésenté l’offre la plus avantageuse compte tenu des conclusions de l’étude d’évaluation.Figurent nécessairement parmi les critères de répartition le coût global, les objectifs deperformance et la part d’exécution du contrat que le candidat s’engage à confier à des petiteset moyennes entreprises et à des artisans (art. L. 1414-9). Cette mesure de protection vise àne pas trop avantager les grands groupes de bâtiments et de travaux publics, très friands dece type de montages contractuels. Pourront également être retenus d’autres critères en relationavec l’objet du contrat, tels que la valeur technique et le caractère innovant de l’offre, le délaide réalisation, la qualité esthétique ou fonctionnelle de l’équipement.

Le projet revient ensuite devant l’organe délibérant qui autorise la signature (à moinsqu’il ne déclare la procédure infructueuse). La délibération doit comporter le coût del’opération en moyenne annuelle et la part qu’il représente par rapport à la capacité annuellede financement de la personne publique. Cette mesure devrait dissuader les villes moyennesd’avoir recours à ce type de contrat de manière trop systématique pour ne pas aggraver lescharges des contribuables tout en se dotant d’équipements modernes. Le risque est en effetgrand d’un fort endettement pouvant être de longue durée. L’article L. 1414-12 indique lesprincipales clauses devant figurer dans le contrat, tenant notamment aux conditions du partagedes risques, aux modalités de contrôle par la personne publique de l’exécution du contrat etaux sanctions de son inexécution.

Enfin, le contrôle de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établisse-ment public sera assuré grâce à la remise par le cocontractant (art. L. 1414-14) d’un rapportannuel permettant le suivi de l’exécution du contrat. Celui-ci est en outre transmis au préfetdans les quinze jours avec les pièces permettant un exercice correct du contrôle de légalité.Les tiers ou le préfet peuvent recourir au référé précontractuel dans les mêmes conditions quepour les marchés ou les délégations de service public.

Depuis sa publication, l’ordonnance engendre des polémiques, l’opposition jugeant qu’iln’a pas été suffisamment tenu compte des réserves du Conseil constitutionnel 9. Il est dès lorsprobable que des recours seront introduits à l’encontre de cette ordonnance qui, faute deratification par le législateur, conserve sa valeur réglementaire. L’avantage de ces contrats departenariat sera de substituer des financements privés à des financements publics de manièreà ne pas grever les déficits budgétaires des collectivités territoriales ; mais il ne faudrait pastoutefois que le recours excessif et facilité à ce type de contrats conduise les collectivités às’endetter du fait d’un accroissement durable de leurs charges de fonctionnement. Il ne

9. Voir l’interview de Sapin (Michel), Le Monde, 3 juillet 2004.

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faudrait surtout pas qu’elles perdent leur libre arbitre au profit de grands groupes qui peuventles persuader, grâce à leurs capacités d’expertise technique, que la solution qu’ils proposentest la seule qui soit viable. Ces contrats devraient être utilisés pour rénover les collèges et leslycées mais surtout pour construire des usines d’incinération des ordures ménagères, desstations d’épuration et des usines de traitement des eaux. Le respect des normes environne-mentales est en effet devenu une charge très lourde pour les collectivités territoriales et lesEPCI. La confier sera ainsi une facilité budgétaire qui risque de donner ensuite du « fil àretordre » aux élus qui, dans quinze à vingt ans, auront à éponger les dettes.

III — AGENTS PUBLICS

• Rémunération au mérite

Depuis le Comité interministériel de la réforme de l’État du 15 novembre 2001 et lerapport public du Conseil d’État pour 2003 10, préconisant une clarification des rémunérationspubliques, la notion de « rémunération au mérite » dans la fonction publique connaît unsuccès croissant, comme en témoignent deux publications récentes.

Jean-Ludovic Silicani, conseiller d’État, a remis en février 2004 un rapport au Premierministre sur La rémunération au mérite des directeurs d’administration centrale 11. Lepostulat de départ du rapport repose sur l’écart entre la logique de la loi organique relative auxlois de finances (LOLF), qui repose sur les notions d’objectifs, de résultats, d’évaluation dela performance et de l’efficience de l’administration, et les modalités actuelles de rémunéra-tion des quelque 180 cadres dirigeants des administrations centrales de l’État nommés enConseil des ministres. Ceux-ci « ont des responsabilités mal définies, ne disposent le plussouvent d’aucun objectif clair, ne sont guère évalués sur leurs résultats et perçoivent unerémunération inadaptée, sans lien avec l’importance ou l’efficacité de leur action (...) ». Lerapport met plus particulièrement en évidence trois lacunes du régime actuel de rémunérationdes directeurs d’administration centrale : une rémunération trois à quatre fois inférieure àcelle des hauts dirigeants du secteur privé et deux à trois fois inférieures à celle de leurshomologues britanniques ; la quasi absence de prise en compte du parcours professionnelpersonnel, de l’importance des responsabilités ou des résultats ; l’opacité des conditions deprise de fonction et de départ de ces hauts fonctionnaires.

Les auteurs du rapport proposent de simplifier et de clarifier ce régime de rémunération,afin de mobiliser les directeurs d’administration centrale dans leur mission de conduite duchangement. « La rémunération d’un directeur d’administration centrale serait calculée, aumoment de sa nomination, en fonction de deux uniques paramètres : son expérienceprofessionnelle antérieure et l’importance du poste qui va lui être confié, appréciée selon descritères de cotation clairs et usuels. La rémunération, ainsi calculée, serait composée d’unepart fixe et d’une part variable, égale à environ 20 % du salaire total. Le versement effectifde tout ou partie de cette part variable dépendrait des résultats atteints par le directeur auregard des objectifs que son ministre lui aurait fixés, soit au moment de sa nomination, soit,

10. Rapport public du Conseil d’État, 2003, Considérations générales : perspectives pour la fonctionpublique (EDCE, n° 54), Paris, La Documentation française, 2003.

11. Silicani (Jean-Ludovic), assisté de Lenica (Frédéric), La rémunération au mérite des directeursd’administration centrale : mobiliser les directeurs pour conduire le changement, Rapport au Premier Ministre,février 2004, Paris, La Documentation française.

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ensuite, à des échéances régulières ». L’élévation des rémunérations induite par cette réformeserait rapidement et largement compensée par les gains de productivité et d’efficacité del’action administrative. Le rapport propose enfin un calendrier volontariste, avec une mise enœuvre du dispositif dans certains ministères pilotes dès cette année et une généralisationprévue pour l’année 2005.

Le comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics, organismerattaché au Premier ministre, présidé par le Premier président de la Cour des comptes 12, a faitécho au « rapport Silicani » en rendant public, en avril 2004, son rapport sur « La gestion desrégimes indemnitaires et la modulation des primes » 13, suite à une demande exprimée par leministre de la fonction publique à l’automne 2002. Le champ de l’étude couvre quatreministères : économie, finances et industrie ; éducation nationale, jeunesse et recherche (horsenseignants) ; agriculture ; affaires sociales, travail et solidarité.

Dans une première partie, le comité définit le concept de « modulation indemnitaire »comme une « pratique qui permet à l’administration de modifier, à la hausse ou à la baisse,par rapport à un taux moyen, le montant des indemnités versées à un agent. Elle s’entendcomme une modulation individuelle ». Si la notion de rémunération « au mérite » est de plusen plus utilisée par les autorités administratives, elle n’apparaît pas en tant que telle, pas plusque la notion de performance, dans le droit de la fonction publique. Mais celui-ci prévoitd’ores et déjà une modulation des primes en fonction de la valeur professionnelle des agentset de leur manière de servir, évalués par la notation et désormais par l’évaluation.

La deuxième partie du rapport constate que la modulation des primes en vigueur dansles différents ministères, s’applique selon des modalités différentes dans chacun d’entre eux(par exemple, modulation individuelle ou collective ; modulation concernant certains corps etemplois et non d’autres ; modulation dans l’administration centrale et non dans les servicesdéconcentrés). Les indemnités représentent rarement plus de 20 % de la rémunération totaledes fonctionnaires, sauf dans l’encadrement supérieur, où la part variable de la rémunérationpeut atteindre 50 % en moyenne. L’enjeu de la rémunération « au mérite » est doncparticulièrement fort pour les cadres supérieurs de la fonction publique. Cependant, le rapportsouligne que l’opacité du système indemnitaire, l’absence de pratiques rigoureuses d’évalua-tion individuelle ou collective des personnels, reposant sur des critères explicites, affaiblissentla légitimité de la modulation indemnitaire.

Les propositions énumérées dans la troisième partie du rapport visent à pallier cescarences. Le préalable indispensable à la modulation est une évaluation de qualité reposantsur des critères objectifs, selon la procédure prévue par le décret du 29 avril 2002 14. Lapolitique de rémunération doit donner lieu à un dialogue social développé, fondé notammentsur la transparence accrue des régimes indemnitaires. La LOLF constituera par ailleurs uncadre privilégié d’expérimentation pour des modulations individuelles ou collectives. Lerapport plaide enfin en faveur d’un cadre général fixé par circulaire interministérielle, aveclequel devra s’articuler une gestion indemnitaire déconcentrée et adaptée aux différentsmétiers.

12. Ce comité est composé de députés, de sénateurs, de membres des corps de la haute fonction publiqueainsi que de représentants des organisations syndicales représentatives au niveau national.

13. Ce rapport est accessible sur internet par le lien suivant : http ://www.ccomptes.fr/organismes/comite-enquete/bilan-activites/gestion-regimes-indemnitaires/gestion-regime-indemnitaire.pdf

14. Décret n° 2002-682 du 29 avril 2002 relatif aux conditions générales d’évaluation, de notation etd’avancement des fonctionnaires de l’État ; voir l’étude de Salon (S.) et de Savignac (J.-C.) intitulée « Laréforme de la notation des fonctionnaires de l’État », AJDA, 10 mai 2004, p. 958 et s.

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• Réforme des retraites

Répondant dans ce cadre à une demande ancienne, l’article 76 de la loi du 21 août 2003a prévu que soit intégrée une partie des primes des fonctionnaires dans la base de calcul priseen compte pour la constitution de leurs droits à retraite.

Le décret du 18 juin 2004 15 institue un régime de retraite inédit, distinct du régime despensions, dénommé « retraite additionnelle de la fonction publique » (RAFP). Ce régimepermettra ainsi de verser à plus de 4 millions de fonctionnaires de l’État, des collectivitésterritoriales et des établissements hospitaliers une retraite additionnelle à partir des primes etdes avantages en nature, qui jusqu’à présent ne faisaient l’objet d’aucune cotisation ni priseen compte dans le calcul de leur retraite. Ce nouveau régime sera obligatoire, par répartitionet par points. Les droits futurs des fonctionnaires seront sécurisés et intégralement couvertsdans les comptes du régime par la constitution de provisions financières. La solidaritéprofessionnelle entre les générations de fonctionnaires et leurs employeurs sera ainsi assuréedurablement. Dès janvier 2005, les fonctionnaires et les employeurs publics des troisfonctions publiques cotiseront pour ce régime à parts égales, à hauteur de 5 % chacun dumontant des primes, dans la limite de 20 % du traitement indiciaire.

Le régime est placé sous l’autorité d’un conseil d’administration composé de manièreparitaire, dont le président est nommé par décret 16.

• Limites d’âge pour les concours de la fonction publique

Le décret du 29 mars 2004 17 a abaissé la limite d’âge pour les candidats souhaitants’inscrire au concours interne de l’École nationale d’administration. Cette limite d’âge, quis’élevait au plus à 51 ans et 9 mois au 1er janvier de l’année du concours en application dudécret du 1er août 1990, est désormais de 35 ans au 1er janvier de l’année des épreuves. Encontrepartie, la durée des services effectifs nécessaires pour pouvoir s’inscrire au concoursinterne est ramenée de 5 à 4 ans. Un dispositif transitoire est mis en place notamment pourles candidats déjà inscrits au concours de cette année à la date de publication du décret. Unabaissement aussi important de la limite d’âge, qui aura vraisemblablement un impact sur ladiversité des profils des lauréats du concours interne de l’ENA, peut paraître surprenant alorsque deux semaines plus tard, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture laproposition de loi 18 visant à supprimer les limites d’âge pour l’ensemble des concours de lafonction publique, afin de répondre aux défis annoncés du choc démographique et del’allongement des carrières qu’implique notamment l’actuelle réforme des retraites desfonctionnaires. Cette proposition de loi prévoit cependant le maintien de limites d’âge à titreexceptionnel pour le recrutement par concours dans certains corps, compte tenu des exigences

15. Décret n° 2004-569 du 18 juin 2004 relatif à la retraite additionnelle de la fonction publique, JO du19 juin 2004, page 11028.

16. L’établissement public est placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la fonction publique,du ministre chargé du budget et du ministre chargé de la sécurité sociale, qui désignent un commissaire dugouvernement représentant l’État au conseil d’administration de l’établissement. Originalité des modalitésd’exercice de la tutelle : celle-ci s’exerce après consultation d’un conseil de tutelle qui comprend, outre lecommissaire du gouvernement et le contrôleur d’État, un représentant de chacun des ministres chargés de lafonction publique, du budget, de la sécurité sociale, de l’économie, des collectivités territoriales et de la santé.

17. Décret n° 2004-313 du 29 mars 2004 modifiant le décret n° 2002-50 du 10 janvier 2002 relatif auxconditions d’accès et aux régimes de formation à l’École nationale d’administration, JO du 31 mars 2004,p. 6180.

18. Proposition de M. Serge Poignant, tendant à supprimer les limites d’âge pour les concours de lafonction publique, n° 1137, déposée le 15 octobre 2003, adoptée par l’Assemblée nationale le 15 avril 2004.

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spécifiques de formation nécessaire pour l’accès à ces corps, ce qui est le cas des corpsrecrutant à la sortie de l’ENA.

• Jurisprudence : fin de détachement dans un emploi fonctionnel d’une collectivitéterritoriale

Dans une décision à paraître au recueil Lebon 19, le Conseil d’État a jugé qu’il pouvaitêtre mis fin au détachement d’un fonctionnaire territorial occupant un emploi fonctionnel 20

mentionné à l’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 pour des motifs tirés de l’intérêt duservice. Eu égard à l’importance du rôle des titulaires de ces emplois et à la nature particulièredes responsabilités qui leur incombent, le fait pour le secrétaire général d’une commune des’être trouvé placé dans une situation ne lui permettant plus de disposer, de la part de l’autoritéterritoriale, de la confiance nécessaire au bon accomplissement de ses missions peutlégalement justifier qu’il soit, pour ce motif, déchargé de ses fonctions. Cette décisionsouligne « le caractère juridiquement fragile des emplois fonctionnels en faisant de la seuleperte de confiance un critère justifiant la fin du détachement sur un tel emploi » 21.

IV — CONTRÔLE DE L’ADMINISTRATION, LIBERTÉS PUBLIQUES,RELATIONS AVEC LES CITOYENS

• Droits et libertés

a) Liberté religieuse

Principe de laïcité — Port des signes religieux dans les établissements scolaires

Après que le premier projet eut été modifié à la suite des critiques qu’il avait suscitées,la circulaire d’application de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application duprincipe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dansles écoles, collèges et lycées publics 22, a été publiée 23. Elle cherche notamment à apporterdes précisions sur deux points problématiques : le champ d’application de l’interdiction et ledialogue devant précéder toute procédure disciplinaire. Elle ne clarifie pas toutefoisréellement la notion de signe ou de tenue « ostensible », terme qui a remplacé celuid’« ostentatoire » : « les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à sefaire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique(...), la kippa ou une croix de dimension excessive ». Elle rappelle que « la loi ne remet pasen cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets » et qu’« elle n’interdit pas

19. 3ème et 8ème sous-sections réunies, 7 janvier 2004, M. B., 250616.20. L’article 53 de la loi du 26 janvier 1984 énumère ces emplois, au nombre desquels figurent ceux de

secrétaire général de mairie et de directeur général des services de département et de région.21. Voir la note d’Aubin (E.), AJDA, 19 avril 2004, p. 825 et s.22. Sur cette loi, v. cette chronique, RFAP, n° 109, 2004, p. 166.23. Circulaire du 18 mai 2004 du ministre de l’éducation nationale, JO, 22 mai 2004, p. 9033 ; com.

Koubi (G.), JCP A, 1403. Elle abroge et remplace les circulaires des 12 décembre 1989, 26 octobre 1993 et20 septembre 1994.

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les accessoires et les tenues qui sont portés communément par des élèves en dehors de toutesignification religieuse ». Mais la distinction reste fragile. La circulaire insiste sur le dialogue,qui « n’est pas une négociation », mais « devra être poursuivi un temps suffisant pour garantirque la procédure disciplinaire n’est utilisée que pour sanctionner un refus persistant etdélibéré de l’élève de se conformer à la loi ».

Statut d’association cultuelle

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des églises et de l’État institue unstatut juridique particulier pour les associations cultuelles, leur conférant certains avantages,notamment fiscaux et celui de recevoir des dons et legs. Depuis 1997, le Conseil d’État exclutde son bénéfice les associations dont l’activité est susceptible de porter atteinte à l’ordrepublic.

Dans une décision récente 24, il a précisé ce que recouvre cette notion ; il retient uneacception large, incluant des activités pénalement sanctionnées, en rapport direct avec l’objetde l’association, y compris celles d’associations avec lesquelles elle partage les mêmesréférences statutaires et des dirigeants communs. Il a ainsi confirmé le refus du préfetd’accorder ce statut à l’Association du Vajra triomphant, en raison des infractions au droit del’urbanisme constituées par l’édification, sans permis de construire, d’une statue de 25 mètresde haut-représentant son fondateur, Gilbert Bourdin, dans les environs de Castellane(Alpes-de-Haute-Provence). Le Conseil d’État a considéré que ce refus ne portait pas atteinteà la liberté de conscience et de religion garantie par l’article 9 de la Convention européennedes droits de l’homme.

b) Informatique — Traitements de données personnelles

Réforme de la loi du 6 janvier 1978

Le projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l’égard des traitementsde données à caractère personnel et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative àl’informatique, aux fichiers et aux libertés devrait, en principe, être adopté définitivement aucours de la session extraordinaire du Parlement qui s’est ouverte le 1er juillet.

Il transpose la directive n° 95/46 CE du 24 octobre 1995 et adapte la loi « Informatiqueet libertés » aux mutations très importantes qu’a connues l’informatique depuis 1978 25. Ilsubstitue au contrôle a priori de la Commission nationale de l’informatique et des libertés(CNIL) un contrôle, en grande partie, a posteriori. Les traitements du secteur public et dusecteur privé seront soumis à des procédures largement uniformisées. Seuls les traitementsconsidérés comme générateurs de risques au regard des droits et libertés des personnes serontsoumis à un régime d’autorisation préalable. De nombreux traitements publics serontdésormais simplement déclarés. Les traitements les plus courants pourront faire l’objet d’unedéclaration allégée, notamment par voie électronique, et même être exonérés de toutedéclaration, si la structure (qu’il s’agisse d’une entreprise, d’une administration ou d’unecollectivité locale) a désigné un correspondant de la CNIL, chargé de tenir la liste de cestraitements et de veiller à leur régularité. En contrepartie, les pouvoirs de contrôle et de

24. CE, 28 avril 2004, Association cultuelle du Vajra triomphant, n° 248467 ; AJDA, 25/2004, p. 1367,concl. Boissard (S.) ; JCP A, 25/2004, p. 838, note Tawil (E.).

25. Voir le rapport de Braibant (G.), Données personnelles et société de l’information : rapport auPremier ministre sur la transposition en droit français de la directive numéro 95-46, Paris, La Documentationfrançaise, 1998.

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sanction de la CNIL seront renforcés ; elle pourra notamment prononcer des sanctionspécuniaires ou retirer une autorisation, et saisir le juge des référés.

Principale pierre d’achoppement avec le Sénat, ces pouvoirs de sanction conditionnentla réussite de cette réforme, qualifiée de dangereuse par certains. Le président de la CNIL afait part de sa détermination à les utiliser pour assurer l’application effective de la loi.

Rapport d’activité 2003 de la CNIL 26

Après une « explosion » en 2002, le nombre de saisines est revenu, en 2003, au niveaude l’année 2001 27. S’agissant des demandes d’accès indirect aux fichiers de police, la CNILa réalisé 1962 vérifications, dont 435 dans les fichiers de police judiciaire du ministère del’intérieur (STIC). 231 personnes étaient fichées ; l’intervention de la CNIL a permis desupprimer 50 signalements et d’opérer 3 mises à jour.

Au cours de l’année 2003, la CNIL s’est intéressée à un certain nombre de dossiersrelatifs aux traitements publics de données (liés, pour la plupart, aux préoccupationscroissantes de sécurité), compte tenu des dangers potentiels qu’ils représentent : ainsi lerelevé de données biométriques (photographies et empreintes digitales), l’extension du fichierdes empreintes génétiques, le dispositif expérimental de constatation automatique desinfractions routières, et le développement de l’administration électronique 28.

Fichier national automatisé des empreintes génétiques

La loi n° 203-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure 29 a élargi la liste desinfractions pouvant donner lieu à inscription au fichier national automatisé des empreintesgénétiques et celle des personnes dont l’empreinte peut être inscrite dans le fichier oucomparée avec son contenu. Le décret d’application n° 2004-470 du 25 mai 2004 30 définit lesdonnées pouvant être enregistrées au fichier national automatisé des empreintes génétiques etfixe la procédure d’enregistrement et d’effacement de celles-ci. Il précise également lesrecours ouverts, la durée de conservation des données et les personnes y ayant accès.Certaines garanties demandées par la CNIL n’ont pas été retenues par le gouvernement.

Le décret n° 2004-471 du même jour 31 modifie les conditions d’agrément des personneshabilitées à procéder aux analyses d’identification par empreintes génétiques.

c) Étrangers — Réforme des expulsions

À la suite de la tentative d’expulsion de l’imam de Vénissieux, dont l’arrêté dereconduite à la frontière a été suspendu par le tribunal administratif de Lyon, le régime desexpulsions fait l’objet de deux réformes.

26. 24e rapport, Paris, La Documentation française, 2004 ; consultable sur www.cnil.fr. Succédant àM. Michel Gentot, M. Alex Türk, sénateur du Nord, est devenu président de la CNIL en février 2004, et lacomposition de la CNIL a été renouvelée avec l’arrivée de six nouveaux membres.

27. 6 136 saisines, dont 3 567 plaintes, 1 163 demandes de droit d’accès indirect et 1 102 demandes deconseil.

28. Un extrait de ce rapport est publié dans le présent numéro.29. Cf. cette chronique, RFAP, n° 105-106, 2003, p. 258.30. Décret modifiant le code de procédure pénale (deuxième partie : décrets en Conseil d’État) et relatif

au fichier national automatisé des empreintes génétiques, JO du 2 juin 2004, p. 9731.31. Décret modifiant le décret n° 97-109 du 6 février 1997 relatif aux conditions d’agrément des

personnes habilitées à procéder à des identifications par empreintes génétiques dans le cadre d’une procédurejudiciaire, JO du 2 juin 2004, p. 9731.

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D’une part, une proposition de loi, relative aux conditions permettant l’expulsion despersonnes visées par l’article 26 de l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, a étéadoptée définitivement par le Sénat le 15 juillet. Elle élargit le champ des infractionsautorisant l’expulsion de certains étrangers. Cette dernière sera possible en cas de compor-tement « constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à lahaine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes », ce quipermettra d’inclure les appels à la violence contre les femmes.

D’autre part, un projet de décret, modifiant l’article R. 312-8 du code de justiceadministrative, attribue le contentieux des arrêtés d’expulsion, en première instance, autribunal administratif de Paris. Le ministère de l’intérieur avait envisagé, dans un premiertemps, de le transférer au Conseil d’État, mais il a dû renoncer à ce projet, en raison del’opposition des syndicats, la haute assemblée n’y étant pas, de plus, favorable. Cette réformes’appliquerait à compter du 1er octobre 2004.

• Police — « Rave parties »

La loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne a instituéun régime de déclaration préalable auprès du préfet pour les « rave parties » 32. Le décretd’application du 3 mai 2002 33 permet à celui-ci de surseoir à la délivrance du récépissé,lorsqu’il estime que les mesures envisagées sont insuffisantes pour garantir le bon déroule-ment du rassemblement.

Saisi par une association soutenant que ces règles méconnaissaient la loi, qui a instauréun régime de simple déclaration, le Conseil d’État les a jugées légales 34. Selon lui, il résultedes dispositions de la loi, « éclairées au demeurant par les débats parlementaires », que « lelégislateur n’a pas entendu créer un régime où le rassemblement pourrait se tenir légalementdès le dépôt de la déclaration ». Le préfet doit en effet vérifier si les moyens envisagés sontsuffisants, et, dans le cas contraire, organiser une concertation avec les responsables.

La réponse n’allait pourtant pas de soi. Certains auteurs avaient conclu à l’illégalité dudécret 35. En effet, le préfet a une compétence discrétionnaire pour délivrer le récépissé, laprocédure étant proche de celle de l’autorisation préalable, alors que la loi prévoit seulementla possibilité pour le préfet d’imposer aux organisateurs les mesures nécessaires et, en casd’échec de la concertation, d’interdire le rassemblement. Or le juge sanctionne un telglissement 36, seule la loi pouvant soumettre l’exercice d’une liberté fondamentale (enl’occurrence, ici, la liberté de réunion) à un tel régime.

Mais le Conseil d’État s’est précisément appuyé sur une interprétation des dispositionsde loi, au vu notamment des travaux parlementaires, pour rechercher l’intention dulégislateur, et conclure à la conformité du décret par rapport à celle-ci. Il rejoint ainsil’opinion de certains auteurs, selon laquelle le législateur a institué « sous couvert dedéclaration (...) quasiment un régime d’autorisation implicite » 37.

32. Art. 23-1 inséré dans la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995.33. D. n° 2002-887 pris pour l’application de l’article 23-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 et relatif

à certains rassemblements festifs à caractère musical, JO du 7 mai 2002, p. 927.34. CE, 30 avril 2004, Association Technopol, n° 248460 ; JCP A, 2004, 1405, note Moreau (J.).35. Videlin (J.-C.), « Le régime juridique des rave parties », AJDA, 20/2004, p. 1070.36. Cf. TA Paris, 25 janvier 1971, Dame de Beauvoir et Sieur Leiris, AJDA, 1971, p. 229.37. Chauvin (F.), cette chronique, RFAP, n° 100, 2001, p. 741.

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• Simplifications administratives

Plus d’une trentaine d’ordonnances de simplification et de codification ont été prisesdans le cadre de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifierle droit 38. Le décret n° 2004-617 du 29 juin 2004, pris en application de l’ordonnancen° 2004-164 du 20 février 2004 39, précise les actes dont la publication sous formeélectronique au Journal offıciel suffit à assurer l’entrée en vigueur 40.

L’ordonnance n° 2004-637 du 1er juillet 2004 41 supprime un certain nombre decommissions administratives consultatives devenues inutiles ou obsolètes. Elle constitue lapremière phase d’une réforme qui devrait aboutir à la suppression de 200 commissions auniveau central et de 70 au niveau déconcentré. Par ailleurs, les attributions de 75 commissionsdéconcentrées seront regroupées au sein de « commissions-pivots » ayant vocation àconnaître l’ensemble des questions relatives à une politique publique, qui comporteront desformations spécialisées et seront largement déconcentrées au niveau préfectoral. Les gains detemps réalisés pourraient permettre un redéploiement vers des tâches plus utiles.

L’ordonnance vise aussi à simplifier la composition et le fonctionnement de certainescommissions. Elle modifie ainsi la composition d’une dizaine d’entre elles, notamment pouralléger la charge de travail des juges administratifs et judiciaires.

Un second projet de loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit a été adopté parl’Assemblée nationale, en première lecture, le 10 juin. Il autorise notamment le gouvernementà harmoniser les règles de retrait des actes administratifs, perfectionner le régime d’accès auxdocuments administratifs, réformer les enquêtes publiques, simplifier le permis de construire,renforcer l’encadrement juridique de la signature électronique. La création ou la refonte de14 codes est également prévue. Les parties législatives du code de l’administration, du codede la commande publique et du code général de la fonction publique seront ainsi adoptées parordonnance, et le code de l’expropriation sera refondu.

• Procédure contentieuse

a) Le juge de l’excès de pouvoir peut priver une annulation d’effet rétroactif

Dans un très important arrêt d’assemblée 42, qui constitue « une petite révolution »juridique, le Conseil d’État a jugé, pour la première fois, que le juge administratif peutdéroger, à titre exceptionnel, au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et« prévoir dans sa décision d’annulation que (...) tout ou partie des effets de cet acte antérieurs

38. Cf. notamment ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat (public-privé), JO du 19 juin 2004, p. 10994 ; ordonnance n° 2004-566 du 17 juin 2004 portant modification de la loin° 85-704 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, JO du19 juin 2004, p. 11020.

39. Voir cette chronique, RFAP, n° 109, 2004, p. 168.40. D. n° 2004-617 du 29 juin 2004 relatif aux modalités et effets de la publication sous forme

électronique de certains actes administratifs au Journal officiel de la République française, JO du 30 juin 2004,p. 11849 ; v. également D. n° 2004-459 du 28 mai 2004 (JO du 29 mai 2004, p. 9583) qui fixe les catégoriesd’actes individuels ne pouvant faire l’objet d’une telle publication.

41. Ordonnance n° 2004-637 du 1er juillet 2004 relative à la simplification de la composition et dufonctionnement des commissions administratives et à la réduction de leur nombre, JO du 2 juillet 2004,p. 12070.

42. CE, Ass., 11 mai 2004, Association « Agir contre le chômage » et autres (AC !), n° 255886 ; AJDA,22/2004, p. 1183, chron. Landais (C.) et Lenica (F.) ; com. Bonichot (J.-C.), AJDA, 20/2004, p. 1049 ;Auby (J.-B.), DA, 6/2004, Repère n° 6, p. 3 ; Mathieu (B.), Dalloz, 23/2004, p. 1603 ; Brondel (S.), AJDA,19/2004, p. 1004.

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à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, quel’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine ». Influencé par lesdroits européen et communautaire, ainsi que par l’exemple de certains États étrangers, ilcherche à concilier le principe de légalité avec le principe de sécurité juridique, très prégnantdans les systèmes juridiques contemporains. Cette évolution, réclamée par une partie de ladoctrine 43, s’inscrit dans la transformation qu’a connue la juridiction administrative françaisedepuis une quinzaine d’années, très soucieuse désormais de l’effectivité et des conséquencesdes décisions d’annulation qu’elle prononce. Elle présente toutefois le danger, en conduisantà des annulations purement formelles, de limiter le caractère dissuasif du contrôle exercé parle juge. C’est pourquoi, le Conseil d’État l’a strictement encadrée. Il faut notamment quel’effet rétroactif de l’annulation soit de nature à emporter « des conséquences manifestementexcessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu seconstituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintientemporaire de ses effets ». La mise en œuvre de ce pouvoir de modulation des effets dans letemps des annulations devrait, dans un premier temps, rester assez exceptionnel etcorrespondre aux hypothèses où le législateur est appelé à intervenir par des lois de validation.Mais la progression du principe de sécurité juridique pourrait en rendre progressivementl’usage plus fréquent.

b) Impartialité du juge administratif — Le juge du référé suspension peut être juge du fond

Saisi pour avis, le Conseil d’État a tranché la question de savoir si le juge des référéspeut, après s’être prononcé sur une demande de suspension d’une décision administrative,participer à la formation qui examine la requête au fond 44. S’appuyant sur la spécificité dela mission du juge du référé suspension — qui ne prend que des mesures provisoires — il yrépond positivement, rejoignant ainsi la Cour de cassation 45, et refusant de donner auprincipe d’impartialité une portée excessive, dans le souci notamment d’une bonne adminis-tration de la justice.

Le Conseil d’État réserve seulement le cas où le juge des référés aurait, compte tenunotamment des termes de l’ordonnance, préjugé l’issue du litige.

Cet avis ne concerne cependant que le référé suspension. Même si le commissaire dugouvernement s’est déclaré « favorable à une solution unique pour tous les référés », il n’estpas acquis que le Conseil d’État adoptera la même position pour le référé liberté ou le référéprovision 46.

43. Cf. Seiller (B.), L’illégalité sans annulation, AJDA, 18/2004, p. 971.44. CE, Sect. Avis, 12 mai 2004, Commune de Rogerville, n° 265184 ; AJDA, 25/2004, p. 1355, chron.

Landais (C.) et Lenica (F.) ; JCP A, 25/2004, 1392, note Hul (S.) ; com. Montecler (M.-C.), AJDA, 19/2004,p. 1007.

45. Cass., Ass. plén., 6 nov. 1998, Guillotel c/ Soc. Castel et Fromaget, Bull. civ. n° 5 ; Dalloz, 1999, J.,p. 1, concl. Burgelin (J.-F.).

46. La Cour de cassation a adopté une position différente au sujet du référé provision et jugé que lemagistrat ayant accordé une provision ne peut statuer au fond.

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LE POINT SUR...

Le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, àl’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements 47

par Francis CHAUVIN

Le nouveau décret relatif à l’administration territoriale de l’État est en rapport étroit avecle projet de loi sur les responsabilités locales qui était en cours d’examen au Parlement lorsde sa publication. Ses dispositions les plus importantes y figurent en sorte qu’il s’apparenteà un texte anticipé d’application d’une loi dont l’adoption a tardé plus que prévu. Pourtant,il ne faut pas se tromper, ce texte est moins tributaire de la seconde vague de décentralisationque les décrets du 10 mai 1982 ne le furent de la première. Ici, aucune réforme d’envergurene vient frapper de plein fouet les prérogatives préfectorales comme l’avait fait à l’époque latransformation de la tutelle sur les collectivités territoriales en simple contrôle administratif,ou encore, le transfert à un élu de la qualité d’exécutif de ces collectivités. Les nouvellesmesures de réorganisation de l’administration déconcentrée, même celles soumises auParlement, ne sont pas la conséquence directe de l’extension des compétences décentraliséesque le projet de loi prépare. Le lien avec la décentralisation existe pourtant, mais il est pluslâche et il faut y ajouter l’impact d’une construction européenne fondée sur le libéralismeéconomique. L’une et l’autre réduisent le champ des interventions de l’État. Dès lors, pourmontrer la continuité de sa présence sur le terrain et assurer la lisibilité des politiquesnationales, il importe plus que tout d’éviter une dispersion de l’activité des servicesdéconcentrés. Cette préoccupation rejoint d’ailleurs les objectifs de la politique de moderni-sation de la gestion publique, soucieuse d’une plus grande efficacité à laquelle devraitcontribuer la mise en œuvre prochaine de la loi organique du 1er août 2001 relative aux loisde finances.

Incontestablement, le décret du 29 avril 2004 vise à répondre à ces exigences. Il est vraiqu’il n’était point besoin pour cela de bouleverser notre administration territoriale ; il suffisaitde réaffirmer clairement que le préfet, pivot de la déconcentration, est le garant de lacohérence de l’action de l’État dans les circonscriptions administratives. C’est ce qui est fait,mais le nouveau texte va au-delà en renforçant considérablement l’échelon régional en sorteque le préfet de région devient véritablement garant de la cohérence de l’action des préfets dedépartement dans sa circonscription.

A — Le préfet, garant de la cohérence de l’action de l’Étatdans les circonscriptions administratives

Représentants du Premier ministre et de chacun des ministres, chargés de diriger sousleur autorité les services déconcentrés des administrations civiles, les préfets de région et dedépartement ont en principe les moyens d’assurer la mise en œuvre coordonnée des politiquespubliques. En réalité, la complexité des structures rend cette tâche difficile alors que les

47. JO du 30 avril 2004, p. 7755.

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exigences de l’interministérialité sont plus fortes. En conséquence, le nouveau décret apportequelques aménagements au dispositif institutionnel afin de faciliter la coopération entre lesservices et renforce l’encadrement de leurs interventions en vue d’en assurer la cohérence.

1°) Les aménagements du dispositif institutionnel

Pour remédier à l’émiettement des services déconcentrés, il faudrait effectuer uneprofonde restructuration de l’administration territoriale mais les réticences des ministères,attachés à disposer d’une représentation propre dans les échelons territoriaux, n’ont paspermis de la réaliser. Même si le nouveau texte précise que le « préfet arrête l’organisationfonctionnelle et territoriale des services déconcentrés des administrations civiles de l’Étatplacés sous son autorité » 48, cette disposition ne lui permet pas de procéder à des opérationsde fusion qu’il peut seulement proposer aux ministres compétents. En revanche, il estimplicitement incité à utiliser plus largement le dispositif de coopération interserviceslégèrement retouché et, surtout, appelé à évoluer.

Ce dispositif a été institué en 1992 par la charte de la déconcentration 49. Elle permet auxpréfets de désigner des chefs de projet pour animer et coordonner l’action de plusieursservices dans un domaine déterminé, ou encore, de constituer des pôles de compétence entreadministrations pour mener à bien des actions communes. Dans ce cas, il s’agit d’établir unpartenariat durable alors que la mission des chefs de projet est limitée dans le temps. Telle estdu moins la précision apportée par les décrets du 20 octobre 1999 50 qui proposent, en outre,un troisième mode de collaboration plus élaboré que le pôle de compétence sous la formed’une délégation interservices dont le responsable exerce une autorité fonctionnelle sur lesadministrations concernées, au lieu d’un simple pouvoir de coordination, grâce à unedélégation préfectorale qui peut aussi lui confier la qualité d’ordonnateur secondaire.

Le nouveau décret maintient cette possibilité mais il la subordonne à l’accord desministres intéressés s’ils n’ont pas déterminé au préalable le champ d’action de l’institutioncréée. Il conserve également la restriction qui interdit d’inclure dans ce champ des activitéssoustraites traditionnellement au pouvoir de direction des représentants de l’État, à savoirl’éducation, l’inspection de la législation du travail et diverses interventions des administra-tions financières. En revanche, le texte mentionne expressément pour la première fois que lesservices chargés de ces missions peuvent être inclus dans un pôle de compétence ou figurerparmi les administrations coordonnées par un chef de projet. Même si la pratique allait en cesens 51, cette précision montre plus clairement l’intérêt du dispositif de coordination dont ilétait déjà admis par les textes qu’il permet aussi l’association d’autres organismes assurantune mission de service public.

Pourtant, ce dispositif a été peu exploité à l’échelon régional ; ceci contribue à expliquerla possibilité offerte par le texte du 29 avril 2004 de procéder à des regroupementsfonctionnels des administrations civiles sous l’appellation de pôles régionaux de l’État. Lanouvelle institution se situe à mi-chemin du pôle de compétence et de la délégationinterservices car son responsable peut être ordonnateur secondaire délégué mais, cantonnédans des tâches d’animation et de coordination, il n’aura pas d’autorité fonctionnelle sur lescomposantes du pôle. Ceci s’explique par le fait, qu’en plus des services déconcentrés qu’il

48. Article 25 du décret.49. Décret n° 92-604 du 1er juillet 1992, JO du 4 juillet 1992, p. 8898. Voir également la même rubrique

de cette chronique, RFAP, n° 63, juillet-septembre 1992, p. 530.50. Décrets n° 99-895 pour le préfet de département et n° 99-896 pour le préfet de région, JO du

23 octobre 1999, p. 15873 et 15874.51. Voir Cour des comptes, La déconcentration des administrations et la réforme de l’État, Rapport

public particulier, Éd. des JO, novembre 2003.

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a vocation à regrouper, le pôle associera les personnes morales intéressées à la mise en œuvredes politiques dont il doit assurer la cohérence sur le terrain, or leur autonomie juridique nepermet pas de les placer sous la direction du chef de pôle. Cette solution était donc inévitablecar il était exclu d’écarter du dispositif des intervenants qui jouent un rôle important dans lessecteurs de compétence des huit pôles régionaux envisagés 52 dont la composition sera fixéepar décret et non par le préfet de région, même si leurs responsables sont placés sous sonautorité. Le nouveau texte laisse cependant la porte ouverte à des expérimentations pourautoriser des regroupements différents dans des conditions qui seront fixées ultérieurement. Ilfaut d’ailleurs observer que le représentant de l’État dans la région conserve la possibilité deconstituer des pôles de compétence pour faciliter la mise en œuvre des politiques intermi-nistérielles. Ce choix se comprend mais, à l’instar de ce qui s’est passé en matière decoopération intercommunale, il crée le risque de compliquer un dispositif que la réforme viseofficiellement à simplifier.

2°) La mise en cohérence des interventions

L’instrument de cette cohérence sera le projet d’action stratégique de l’État arrêté par lepréfet dans chaque région et chaque département 53. Ce document succède au projet territorialqui devait être élaboré dans ces circonscriptions pour la fin de l’année 2000 mais dontl’achèvement a parfois attendu le début de l’année 2003. Comme lui, il a pour objet d’adapterles politiques nationales aux spécificités des territoires concernés, notamment en établissantune hiérarchie des priorités dans le domaine des actions interministérielles. Cela est d’autantplus indispensable qu’il contiendra a priori un nombre limité d’orientations déclinées, auplus, dans une quinzaine de programmes car il n’a pas vocation à intégrer l’ensemble despolitiques menées par l’État dans les échelons territoriaux. Sa réalisation devrait favoriserl’établissement d’un dialogue avec l’échelon central en lui donnant une perception plus clairedes contraintes de l’action sur le terrain pour qu’elles soient prises en compte lors de lapréparation du budget, effectuée impérativement à partir de 2005 dans le cadre fixé par la loiorganique du 1er août 2001.

Pour éviter à cette occasion une reconcentration du pouvoir au profit des ministres etl’établissement de liens directs entre ceux-ci et leurs services déconcentrés, nuisible à lacohérence des actions menées à l’échelle d’un circonscription, le décret du 29 avril 2004énonce plusieurs mesures. Ainsi, chaque préfet se verra soumettre pour avis le projet debudget des services déconcentrés à son échelon. En outre, le préfet de région pourra proposerd’insérer dans les programmes ministériels des interventions qui correspondent aux prioritésdu projet d’action stratégique de l’État dans sa circonscription. Celui-ci aura préalablementété soumis au comité de l’administration régionale qui est chargé de se prononcer sur sesorientations. Conçu comme un véritable conseil de direction de l’État déconcentré, ce comitésuccède à la conférence administrative régionale dont il reprend la composition sous réserve,toutefois, de l’introduction de nouveaux membres de droit que sont les chefs des pôlesrégionaux et le secrétaire général pour les affaires régionales. À l’échelon départemental, c’estle collège des chefs de service créé en 1992 qui examinera le projet d’action stratégique del’État arrêté à son niveau.

52. Ces pôles recouvriraient les secteurs suivants : éducation et formation ; gestion publique etdéveloppement économique ; transports, logement et aménagement ; santé publique et cohésion sociale ;économie agricole et monde rural ; environnement et développement durable ; culture ; développement del’emploi et formation professionnelle. On comprend, dès lors, l’obligation de prendre en compte des personnesmorales comme les universités, les agences régionales de l’hospitalisation, l’office national des forêts, etc. Letexte le permet en visant expressément les établissements publics, les groupements d’intérêt public et même lesassociations.

53. Articles 5 et 12 du décret. Les premiers projets porteront sur la période 2004-2006.

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Lors de l’exécution, chaque préfet devra s’assurer du respect des priorités fixées. Ildisposera d’ailleurs des crédits ouverts par la loi de finances, s’il n’a pas désigné lui-mêmeun ordonnateur secondaire délégué, et recevra du trésorier-payeur général compétent lesinformations nécessaires au suivi de leur utilisation par les services déconcentrés.

B — Le préfet de région garant de la cohérence de l’actiondes préfets de département

Le décret du 29 avril 2004 affirme d’emblée que le préfet de région « est dépositaire del’autorité de l’État » 54 dans sa circonscription alors que les textes de 1982 n’attribuaientexpressément cette qualité qu’au préfet de département. Cette disposition reflète l’esprit d’uneréforme qui confirme la montée en puissance de l’échelon régional et conduit à s’interrogersur les perspectives d’évolution de l’administration territoriale de l’État.

1°) La montée en puissance de l’échelon régional

La cohérence des interventions étatiques dans la circonscription régionale seraitmenacée si les services départementaux pouvaient agir en méconnaissance des priorités fixéesà ce niveau. Pour parer ce risque, il se verront imposer des orientations générales que le préfetde région aura élaborées avec ses collègues de département. De plus, ceux-ci devronts’assurer que le plan d’action stratégique relevant de leur compétence est compatible avec lesorientations générales du document similaire établi à l’échelon régional. Mais surtout, lenouveau décret étend le champ d’application des prérogatives que la charte de la déconcen-tration avait conférées au préfet de région.

En effet, celle-ci lui avait attribué le pouvoir d’imposer aux préfets de département desorientations pour la mise en œuvre des politiques nationale et communautaire intéressant ledéveloppement économique et social, ainsi que l’aménagement du territoire. Désormais, lepréfet de région dispose de ces prérogatives pour l’exécution de toutes les politiques quirelèvent de sa compétence. Curieusement, le projet de loi sur les responsabilités locales quicontient des dispositions identiques, est même plus précis puisqu’il énumère les politiquesconcernées. En plus de l’aménagement du territoire et du développement économique, ilmentionne le développement rural, l’environnement et le développement durable, la culture,l’emploi, le logement, la rénovation urbaine, enfin la santé publique sous réserve descompétences des agences régionales de l’hospitalisation.

Ces nouvelles prérogatives sont importantes car les préfets de département doiventconformer leurs décisions aux orientations fixées par le représentant de l’État dans la régionet lui en rendre compte. En outre, celui-ci est désormais chargé d’animer et de coordonner leuraction, ce qui facilitera la mise en cohérence des interventions. En pratique, le nouveau décrettire ici les conséquences de la charte de la déconcentration qui faisait de la circonscriptionrégionale l’échelon territorial « de l’animation et de la coordination des politiques de l’Étatrelatives à la culture, à l’environnement, à la ville et à l’espace rural », ainsi qu’un cadre de« coordination des actions de toute nature intéressant plusieurs départements de la région » 55.Elle retenait également cet échelon pour la programmation et la répartition des créditsd’investissement de l’État, confirmant par là une solution déjà en vigueur mais, en cedomaine, la déconcentration a été accentuée par un des décrets précités du 20 octobre 1999.Les mesures prises à cette occasion ont été maintenues par le nouveau texte qui confirme le

54. Article 1, alinéa 1, du décret.55. Article 3, alinéas 2 et 3, du décret précité du 1er juillet 1992.

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rôle majeur du préfet de région dans cette programmation et cette répartition, la consultationdes préfets de département sur ces questions s’effectuant désormais au sein du comité del’administration régionale.

2°) Les perspectives d’évolution

La montée en puissance de l’échelon régional suscite d’abord des interrogations sur lestatut du préfet de département. S’il est toujours chargé de l’exécution des politiquesnationales et communautaires, c’est sous réserve des compétences du préfet de région auquelil est de plus en plus subordonné. En pratique, son autonomie d’action ne subsiste que dansle domaine des politiques de proximité. Certes, celui-ci n’est pas négligeable car il comprendnotamment la préservation de l’ordre public, de la sécurité et la protection des populations.De plus, afin de mener à bien cette mission, le préfet de département a reçu des prérogativessupplémentaires avec la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui lui donne uneautorité fonctionnelle sur la gendarmerie nationale et un pouvoir de réquisition plus étendu encas d’urgence. Enfin, en cas de menaces ou d’atteinte à l’ordre public dans plusieursdépartements, cette même loi confie l’harmonisation des interventions au préfet de zone dedéfense territorialement compétent : cette solution, reprise par le décret du 29 avril 2004,montre que la prééminence du préfet de région n’est pas sans failles et que son pouvoir decoordination de l’action des préfets de département n’est pas sans limites. Pourtant, si tous lespréfets sont qualifiés de représentants du Premier ministre et de chacun des ministres, laformule convient sans doute mieux au préfet de région qui s’apparente assez facilement à unreprésentant territorial du Premier ministre alors que le préfet de département a du mal à sedépartir de son image de représentant du ministre de l’intérieur, chargé en priorité du maintiende l’ordre public malgré sa vocation interministérielle. À cet égard, il est révélateur que laréorganisation prévue des services départementaux de l’État ne devrait pas reproduire lespôles projetés à l’échelon régional. Dès lors, faut-il séparer plus clairement les deuxfonctions ?

Le décret commenté l’exclut en indiquant que le préfet de région est le préfet dudépartement où se trouve le chef-lieu de la région. Il faut reconnaître que cette séparationserait peut-être une fausse bonne idée : elle rendrait plus difficile la pratique des regroupe-ments fonctionnels qui consiste, dans une administration déconcentrée, à placer sous unemême autorité la direction régionale et la direction départementale implantée au chef-lieu dela région en vue d’optimiser l’emploi des moyens. Cependant, les solutions retenues le29 avril 2004 ne sont pas forcément définitives. Avant même la constitution des huit pôlesenvisagés, il a déjà été annoncé des expérimentations pour opérer entre certains desrapprochements. En réalité, il serait préférable de procéder à une réforme plus profonde quiréduirait le nombre des administrations. Quelques mesures en ce sens devraient d’ailleursconduire bientôt à la disparition de services que la décentralisation amènera en dessous de lataille critique.

Pour conclure, même si cela paraît paradoxal alors que la région devient l’échelonmajeur de l’organisation territoriale de l’État, il faut observer que sa dimension estinsuffisante pour permettre la mise en œuvre de certaines politiques publiques. Il en est ainside l’aménagement du territoire et du développement durable, domaine dans lequel un préfetde région peut se voir confier par le Premier ministre une mission interrégionale. Bénéficiantà ce titre de crédits déconcentrés dont il assure la programmation et l’ordonnancement, ilcoordonne pour l’accomplissement de sa mission l’action de tous les préfets intéressés, ycompris celle de préfets de région. Ce dispositif, qui figure dans le nouveau texte, est issu d’un

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décret du 2 juillet 2002. À ce jour, il a été utilisé pour des opérations limitées 56 mais il fautexcepter le cas particulier des préfets coordonnateurs de massif, institués en 1985 pour la miseen œuvre de la politique de la montagne, qui bénéficient de plein droit des mesures précitées.Leur exemple, joint à celui des préfets de zone de défense qui exercent leurs attributions dansle cadre de vastes circonscriptions, conduit à se demander s’il ne serait pas judicieux dedéconnecter les circonscriptions administratives de l’État du territoire des régions décentra-lisées pour organiser l’administration déconcentrée à un échelon supérieur, car l’avenir estprobablement à la mise en œuvre interrégionale des grandes politiques publiques. Quoi qu’ilen soit, le décret du 29 avril 2004 n’est probablement qu’une étape dans une évolution. Onretiendra de lui qu’il creuse encore l’écart entre les prérogatives du préfet de région et cellesdu préfet de département au moment où elles sont définies pour la première fois dans unmême texte, comme si l’on avait voulu minorer l’aspect essentiel de la réforme par uneprésentation formelle en trompe-l’œil.

56. Décret n° 2002-955 du 4 juillet 2002 relatif aux compétences interdépartementales et interrégionalesdes préfets et aux compétences des préfets coordonnateurs de massif (JO du 5 juillet 2002, p. 11576). Ce textea été utilisé pour faciliter l’aménagement du marais poitevin, l’application du contrat de pays de Redon, ledéveloppement de la vallée du Lot et la prévention des inondations du Rhône.

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