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QUEL ESPOIR POUR HAÏTI ? POUR LES MILITANTS ET LES MEMBRES INTERNATIONAUX OCTOBRE / NOVEMBRE 2010 VOLUME 40 N°005

Chroniques de l'asile et des migrations

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Pour agir et suivre l’actualité d’Amnesty International France concernant l’asile et les migrations.

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QUELESPOIR

POUR HAÏTI ?

POUR LES MILITANTS ET LES MEMBRES INTERNATIONAUXOCTOBRE / NOVEMBRE 2010 VOLUME 40 N°005

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© Amnesty International Publications 2010www.amnesty.orgIndex : NWS 21/005/2010ISSN : 1472-443X

ÉFAI pour la version française47, rue de Paradis - 75010 Parisimprimé sur papier recycléBanbury Litho - Oxon - Royaume-Uni.

Tous droits de reproduction réservés.Cette publication ne peut faire l’objet, en toutou en partie, d’aucune forme de reproduction,d’archivage ou de transmission, quels que soient lesmoyens utilisés (électroniques, mécaniques, parphotocopie, par enregistrement ou autres), sansl’accord préalable des éditeurs.

Photo de couverture : Des enfants jouent sur un toità Port-au-Prince, Haïti (juin 2010).© AP Photo/Alexandre Meneghini

RECEVOIR LE FILSouhaitez-vous en savoir plus sur lesactions d'Amnesty International ouvous servir du FIL pour faire avancervos propres projets ?

LE FIL peut être téléchargé à cetteadresse : www.amnesty.org.Pour recevoir un exemplaire papiergratuit, il vous suffit de devenirmembre international – rendez-vousen dernière page de ce numéro pouren savoir plus.

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CECI EST

VOTREFILMERCI DE NOUS DIRE SI VOUS L’APPRÉCIEZ

» Vous êtes-vous servi des actions ?» Avez-vous parlé autour de vous des informations qu’il contient ?» Quels sont les sujets que vous aimeriez voir traités plus largement dansles prochains numéros ?» Avez-vous des articles ou des photos dont vous aimeriez faire profiterd’autres membres ?» Dernier point : n’oubliez pas de vous rendre sur notre blog à l’adressewww.amnesty.org/livewire

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LE VOYAGE AU CŒUR DES DROITS HUMAINS

La première étape du Voyage au cœur des droits humains a eu lieu au moisd’août. Le secrétaire général d’Amnesty International, Salil Shetty, a emportéune des valises symbolisant cette action à l’Assemblée mondiale de CIVICUS,à Montréal (Canada). À cette occasion, il a réuni des témoignages et obtenudes soutiens pour la campagne visant à mettre les droits humains au cœur desObjectifs du millénaire pour le développement (OMD). Ces éléments viendronts’ajouter aux informations recueillies de longue date par Amnesty Internationalpour montrer qu’atteintes aux droits humains et pauvreté sont liées en unvéritable cercle vicieux.

Pour que de réels progrès soient accomplis, les droits humains doiventêtre au centre de toutes les actions de lutte contre la pauvreté à l’échelleinternationale et nationale. Tel est le message que nous avons porté auSommet des Nations unies sur les OMD à New York en septembre. Ce Voyage estl’occasion, pour les militants du monde entier, de s’informer sur les atteintesaux droits humains qui entretiennent la pauvreté et d’agir pour y mettre unterme. Faites un tour sur le site et participez au voyage. Écoutez les gensparler des lieux et des conditions dans lesquels ils vivent, et passez à l’action.

www.amnesty.org/fr/rightsjourney

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Salil Shetty, secrétaire général d’AmnestyInternational, brandit une des valises symboliquesdu « Voyage au cœur des droits humains ».

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SOMMAIRE

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LEFIL

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SURVIVRE EN HAÏTI :UN COMBAT QUOTIDIENDes mois après le tremblement de terre, plusd’un million de personnes s’entasse toujoursdans des campements de fortune où règnentl’insécurité et le manque d’intimité, et où desfemmes et des fillettes sont agressées chaquejour. Pour en savoir plus et passer à l’action,rendez-vous en PAGE 2.

SUIVEZ LE FIL

SRI LANKA :DES LEÇONS AMÈRESJustice n’a toujours pas été rendue auxvictimes de crimes de guerre au SriLanka. Joignez-vous aux appels en faveurd’une enquête internationaleindépendante. PAGE 13.

AGISSEZAPPELS MONDIAUXLISEZ, DIFFUSEZ, AGISSEZVOIR L’ENCART

Q&R

Dans un entretien avec LE FIL,l’avocat Joseph Dunia Ruyenziévoque sa vie de défenseur desdroits humains en Républiquedémocratique du Congo. PAGE 18.

ET PUIS ENCORE ?

Participez à la Journée mondiale de l'habitat le4 octobre (voir les pages centrales de ce numéro).Découvrez pourquoi les problèmes sanitaires dansles bidonvilles de Nairobi mettent les femmes endanger (PAGE 7). Informez-vous sur la commissiond’enquête britannique sur les violations des droitsdes personnes détenues à l’étranger, et signezune carte postale demandant la fin des détentionsillégales en Irak (PAGE 8). Lisez notre article surles restrictions à la liberté d’expression au Rwandaet agissez contre les expulsions forcées au Nigeria(PAGE 9). Enfin, célébrez une victoire historiquedans la défense des droits des peuples indigènesen Inde (PAGE 20).

YÉMEN :LA SÉCURITÉ À QUEL PRIX ?Les autorités yéménites bafouent les droitshumains au nom de la sécurité. Vous leverrez en PAGE 12.

SLOVAQUIE.DES ÉLÈVES DESECOND RANGDans les écolesslovaques, les enfantsroms subissent uneségrégation humilianteet injuste qui les prive deleurs droits. Apprenez-enplus PAGE 14, puis signezet envoyez la cartepostale (voir l’encart).

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SURVIVRE EN HAÏTI :UN COMBAT QUOTIDIENUn calme trompeur règne sur les camps de fortune en Haïti. Les personnes déplacéesguettent les signes d’une amorce de reconstruction et de rétablissement du pays.Plus de huit mois après le séisme, elles sont 1,3 million à vivre dans cette attente.Chaque jour, elles doivent lutter pour survivre dans des villes de tentes qui n’offrentqu’une maigre protection. Les personnes qui se sont confiées à Amnesty Internationaltémoignent de leur volonté tenace de se battre malgré la faiblesse des progrès,envers et contre tout, pour garder espoir.

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Le tremblement de terre de janvier 2010,qui a fait plus de 200 000 morts, a ravagé lacapitale d’Haïti, Port-au-Prince, et occasionné

de graves dommages dans de nombreuses villesdes environs. Plus de huit mois après, plus de1,3 million d’Haïtiens vivent toujours dans descampements de fortune, et plus de 600 000 autressont hébergés chez des particuliers dans deszones non touchées par le séisme. Leurs maisons,anéanties par le tremblement de terre, sonttoujours en ruines.

Les secousses sismiques ont causé desdommages catastrophiques dans les quartiersdéshérités d’Haïti, caractérisés de longue datepar des habitations inadaptées et mal construites.Selon les Nations unies, les suites du tremblementde terre en Haïti constituent une crise humanitaireparticulièrement grave ; elles n’en ont pas connude pire dans l’histoire récente. Il est évidemmenttrès difficile d’apporter des solutions face à unetelle catastrophe. Des ressources considérablesdoivent être mobilisées. Jusqu’ici, les opérationsde déblaiement ont été principalement réaliséesà la main, les engins de levage disponibles étanten nombre insuffisant. La reconstruction va trèslentement. Bien du chemin reste à faire avant queles maisons soient reconstruites et que lespersonnes touchées soient capables de subvenirà leurs propres besoins.

À ce jour, 10 000 à 12 000 personnesseulement, soit une infime proportion despersonnes déplacées à la suite du séisme, ontété relogées dans des camps conformes auxnormes internationales humanitaires, où l’accèsaux services de base est actuellement assuré.Malgré l’urgence, rien ou presque sur le terrainne permet aujourd’hui de penser qu’il serapossible de reloger dans les mois à venir descentaines de milliers de personnes dans des abrisdurables et sûrs, où elles pourront reconstruireleur vie dans la dignité.

Des personnes qui vivent dans les camps ontconfié à Amnesty International leur désarroi faceà l’absence d’amélioration de leur sort. Nombred’entre elles se sont dites amèrement déçuespar le gouvernement et les responsables haïtiens,qui, à leur sens, ont été très peu présents.Leur sentiment d’injustice et leur désillusion sontd’autant plus grands qu’elles ont entendu parlerdes sommes considérables promises par lacommunauté internationale pour la reconstructiond’Haïti et qu’elles ne voient pas cet argent arriverjusqu’à ceux qui en ont désespérément besoin.Ces gens ont souvent l’impression que le restedu monde les a abandonnés.

Les tentes, les bâches bleues et les abrisimprovisés au moyen de draps et de couverturesdominent le paysage de la capitale, du seuil del’aéroport international et du palais présidentieljusqu’au cœur des quartiers les plus pauvres.Dès les premiers jours, les conditions de vie dans

les camps ont été pénibles. Malgré les effortsdéployés par les organisations humanitaires, ellessont allées en se dégradant. Les camps nepermettent pas de se protéger des chaleursextrêmes et du risque d’inondation. L’insécuritéqui y règne a également attisé une autre crainte,celle des violences sexuelles.

LES VIOLENCES SEXUELLESOccultée par l’urgence humanitaire, une crise desdroits humains se joue en sourdine parmi lespersonnes déplacées en Haïti. L’un des principauxsujets d’inquiétude évoqués auprès d’AmnestyInternational par des personnes déplacéesà Port-au-Prince et à Jacmel est le manquede sécurité, notamment pour les femmes et lesfillettes. Des responsables de deux organisationsde femmes, KOFAVIV, une association défendantles femmes victimes de violences sexuelles, etFAVILEK (Femmes victimes, debout !), ont indiquéà Amnesty International que des viols étaientcommis dans les camps presque tous les jours.

Ce niveau élevé de violence sexuelle à l’égarddes femmes et des fillettes n’est pas nouveau enHaïti, où de nombreux viols étaient déjà recensésavant le tremblement de terre. Toutefois, du faitdes conditions de vie dans les villes de tentes, lesrisques pour les femmes et les fillettes se sontaccrus et il leur est plus difficile d’échapper auxagressions sexuelles. La plupart des viols signalésà Amnesty International ont été commis dans destentes de fortune. Les agresseurs ont pratiquéune ouverture dans la toile au moyen d’uncouteau, d’un rasoir ou d’une machette, violé lesfemmes abritées sous la tente puis dérobé leursmaigres effets. Les victimes restent parce qu’ellesn’ont nulle part où aller. Chaque nuit, ellescraignent d’être à nouveau agressées. Plusieursfemmes ont confié à Amnesty Internationalqu’elles avaient été violées plus d’une fois.« Quand la nuit tombe, nous avons peur »,ont-elles ajouté.

Les autorités haïtiennes et la Mission desNations unies pour la stabilisation en Haïti(MINUSTAH) n’ont ni le personnel ni lesressources nécessaires pour assurer la sécuritédans les quelque 1 300 camps où les personnesdéplacées ont trouvé refuge. Même dans lesquelques camps de la capitale où des effectifsde la Police nationale d'Haïti sont présents enpermanence, des viols sont toujours signalés.

Des personnes déplacées coordonnentelles-mêmes des comités de sécurité dans denombreux camps, parfois à la demande defemmes déplacées. Ces comités effectuentrégulièrement des rondes pendant la nuit. Tout desuite après le tremblement de terre, ces initiativesont pris une grande ampleur et bénéficié d’unappui considérable. Cependant, au fil des mois,de nombreux comités n’ont pu continuer àfonctionner en raison des problèmes de santéliés aux conditions de vie dans les camps. Deshommes qui avaient fait partie de ces groupes ontexpliqué à Amnesty International que les rondesde nuit, la chaleur étouffante dans les tentespendant la journée et la pénurie de nourriture lesavaient complètement épuisés. Des femmes ontégalement créé des comités de sécurité. Desmembres de KOFAVIV, par exemple, se sontéquipées de sifflets afin de pouvoir alerter d’autrespersonnes en cas d’urgence.

DROITSHUM

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HAÏTIPage de gauche : Le séisme a détruit les habitations,et privé les personnes déplacées de leurs moyens desubsistance. La participation à des projets cash-for-work gérés par le PNUD et des ONG assure unerémunération à certains de ces déplacés quitravaillent pendant une période limitée au nettoyagedes gravats. CC Attribution - Share Alike 2.0Ci-dessus : Le camp du lycée Pinchinat, à Jacmel.Chaque tente abrite jusqu’à six familles.

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Des enfants au camp du lycée Pinchinat, à Jacmel(juin 2010). Des agences de secours ont fourni uneaide alimentaire d’urgence aux personnes déplacéesdans les mois qui ont suivi le séisme. Mais, enl’absence de toute source de revenus, les familleshébergées dans les camps risquent de sombrer dansl’insécurité alimentaire.

La lutte contre la violence sexuelle est toujoursdifficile, quelles que soient les circonstances.Toutefois, lorsque des catastrophes naturellesou d’origine humaine chassent de leur foyer despopulations entières, les femmes et les fillettesaffrontent des dangers accrus. Les serviceschargés d’assurer leur sécurité doivent en tenircompte et prendre des mesures proportionnellesaux risques encourus. En Haïti, la réponse des

autorités a été complètement inadaptée. Desfemmes et des fillettes ayant subi un viol ontrelaté à Amnesty International ce qu’elles ontvécu : lorsqu’elles sont allées signaler les faitsà la police, les policiers leur ont répondu qu’ilétait impossible de retrouver leurs agresseurs, ouqu’elles devaient les retrouver elles-mêmes et lesleur amener. Certes, la police doit assumer enHaïti une tâche difficile, mais cela ne justifie pas

son incapacité à porter assistance aux victimeset à les aider à obtenir justice. Avant même leséisme, Amnesty International avait soulignéqu’il était urgent de dispenser une formationapprofondie aux policiers afin qu’ils puissentprendre en charge de manière adaptée lesfemmes et fillettes faisant état de violencessexuelles. Aujourd’hui, cette formation est plusnécessaire que jamais.

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DROITS HUMAINS ET RECONSTRUCTIONJusqu’ici, les personnes déplacées en Haïti n’ontpas eu la possibilité de participer réellementaux décisions portant sur les modalités de lareconstruction. Les organisations haïtiennes etinternationales actives dans le pays travaillentactuellement à la planification et à la coordinationde l’aide humanitaire et de la reconstruction.Cependant, ces initiatives ne font guère appel aux

personnes que le séisme a plongées dans ledénuement. Les personnes les plus touchées n’ontpour ainsi dire aucune information sur les projetsdu gouvernement ou les actions qu’il mèneactuellement. Réduits à des conditions de viesordides, n’ayant pas leur mot à dire sur desdécisions qui vont déterminer leur avenir, desmillions d’Haïtiens ont le sentiment d’être aupoint mort.

La reconstruction d’Haïti devrait être uneoccasion de sortir le pays de la pauvreté généraliséequi le caractérisait avant le tremblement de terre.Le gouvernement haïtien et la communautéinternationale, qui dirigent conjointement laCommission intérimaire pour la reconstructiond'Haïti (CIRH), chargée d’élaborer et d’optimiserles projets de reconstruction d’Haïti, doivent veillerà ce que les droits économiques, sociaux etculturels soient respectés et protégés. En tantque coprésidents de la CIRH, Jean-Max Bellerive,Premier ministre haïtien, et l’ancien présidentaméricain Bill Clinton, envoyé spécial des Nationsunies pour Haïti, auront pour mission de veiller à ceque la reconstruction ne recrée pas une situationsociale marquée par de grandes inégalités – enHaïti, plus de 500 000 enfants n’avaient pas accèsà l’éducation et les taux de mortalité maternelle etinfantile du pays étaient les plus élevés du continentaméricain. Cet objectif ne sera atteint qu’à conditionde considérer les personnes déplacées comme despartenaires à part entière et de leur donner lapossibilité de participer activement à la constructionde leur avenir.

AGISSEZÉcrivez au président René Préval et demandez-luid’intensifier les efforts déployés pour remédier à lasurpopulation et à l’insécurité des camps. Soulignez queles personnes déplacées à l’intérieur du pays doivent êtreconsultées sur les modifications à apporter aux campsexistants pour améliorer la sécurité et que des mesuresdoivent être prises pour acquérir plus de terrains sur dessites appropriés afin de réduire la surpopulation et delimiter les risques d’inondation.

Écrivez aux coprésidents et aux membres du conseild’administration de la CIRH et demandez-leur de veiller à ceque tous les projets dont ils approuveront le financementprévoient des mesures permettant d’améliorer le respectdes droits des femmes et des fillettes. Engagez-leségalement à garantir les droits de toutes les personnesdéplacées, notamment leur droit de participer réellement àl’élaboration des projets qui les concernent et de consentirou non à leur adoption.

Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’HaïtiAncienne Ambassade des États-UnisBoul. Harry TrumanBicentenaire, Port-au-Prince, HaïtiFormule d’appel : Mesdames et Messieurs les membresdu conseil d’administration de la CIRH,

Président de la RépubliqueM. René Garcia PrévalPalais NationalChamp de Mars, Port-au-Prince, HaïtiFormule d’appel : Monsieur le Président de laRépublique,

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BLOG

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INFORMATIONS

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Burundi : une question de justice ?Par Tom Gibson, chargé d’action d’AmnestyInternational sur le Burundi

« Aujourd’hui, à Bujumbura, nous avonsassisté à la première audience sur lescirconstances de la mort d’Ernest Manirumva,un défenseur des droits humains tué le 9 avril2009. Ernest Manirumva était le vice-présidentde l’Observatoire de lutte contre la corruptionet les malversations économiques (OLUCOME),une organisation de la société civile.

« Nous sommes arrivés au tribunal peuaprès neuf heures. L’audience a commencévers dix heures et demie. Le procès asuscité beaucoup d’intérêt. La salled’audience était pleine à craquer.Apparemment, il y avait des gens de tousâges et de toutes professions, des défenseursdes droits humains, des journalistes, desproches des personnes concernées, desmères avec leurs enfants… On avait pluschaud dans la salle d’audience qu’àl’extérieur.

« Pour Amnesty International, il étaitindispensable d’être là – cette affaire esttellement importante pour la société civiledu Burundi. Si la justice est rendue, et bienrendue, cela pourrait sonner le glas del’impunité des attaques contre la sociétécivile. »

Pour en savoir plus : http://sn.im/10t9ve(en anglais uniquement)

Omar Khadr : le procès s’est ouvert, maisquand va-t-il reprendre ?Par Alex Neve, secrétaire général d’AmnestyInternational Canada, qui va suivre enobservateur le procès d’Omar Khadr devant unecommission militaire.

« Pour une affaire qui a tellement traîné enlongueur – la première inculpation d’OmarKhadr remonte à près de cinq ans, sous legouvernement Bush – il s’est passé beaucoupde choses, prévues mais aussi imprévues,

le jour de l’ouverture du procès devant unecommission militaire, ici, à Guantánamo.L’audience s’est ouverte sur les déclarationspréliminaires de l’accusation et de la défense.Elle s’est interrompue de façon dramatiquelorsque l’avocat militaire d’Omar Khadr, lelieutenant-colonel Jon Jackson, s’est évanouidevant le tribunal en fin d’après-midi, alorsqu’il interrogeait un témoin. Une ambulancea ensuite emmené Jon Jackson à l’hôpital età l’heure où j’écris ces lignes, on ignorequand le procès reprendra.

« Auparavant, la commission avait entendudeux témoins de l’accusation et regardé unevidéo découverte en Afghanistan par lesforces américaines, dans le bâtiment oùs’est produit l’échange de tirs à l’origine despoursuites contre Omar Khadr. C’est là qu’à15 ans il aurait lancé une grenade qui amortellement blessé un soldat américain,le sergent Christopher Speer. »

Pour en savoir plus : http://sn.im/10t9wl(en anglais uniquement).

Amnesty International en tournée avec U2Par Lucy Macnamara, coordonnatrice de lacampagne Exigeons la dignité d’AmnestyInternational

« Uno, dos, tres, catorce ! Soyez lesbienvenus sur la tournée mondiale de U2 !La nuit dernière, Amnesty était présente pourle coup d’envoi de la deuxième partieeuropéenne du fabuleux U2 360° Tour,à Turin, en Italie. En fait, aussi incroyableque cela puisse paraître, nous serons làpendant toute la partie européenne de latournée. En effet, pour la première fois deson histoire, Amnesty International sera“ embarquée ” au cœur d’une tournée etvoyagera avec l’équipe de production.

« Je m’appelle Lucy Macnamara et je suivraila tournée pendant ses trois premièressemaines, de Turin jusqu’à Moscou, où macollègue Danielle Solick prendra le relaisjusqu’à Rome.

« U2 soutient Amnesty depuis plus de27 ans et son engagement passionné pourles droits humains a incité des milliersde personnes à participer aux actions del’organisation. Et il se trouve que je suisune de ces personnes. Quand j’avais 13 ans,j’étais une grande fan de U2 et c’est lachanson “Mothers of the Disappeared”,de l’album The Joshua Tree, puis mon toutpremier concert au stade de Wembley,escortée de ma mère et de mes sœurs,

qui m’ont poussée à rejoindre Amnesty,éveillant une passion pour la justice qui nes’est jamais démentie. »

Pour en savoir plus : http://sn.im/10t9vv(en anglais uniquement).

RETROUVEZ LE BLOG D’AMNESTY INTERNATIONAL SUR WWW.AMNESTY.ORG/LIVEWIRE

Des bénévoles d’Amnesty International se préparentà l’action à Turin, en Italie.

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Dans les bidonvilles de Nairobi,les agressions et les violsmenacent les femmes qui

s’aventurent jusqu’aux toilettes. Legouvernement kenyan doit veiller àleur sécurité.

La violence contre les femmes estomniprésente dans les bidonvilles deNairobi. À la maison, dans la rue et autravail. Infligée par les propriétaires oule personnel de sécurité. La policeest pratiquement absente de cesquartiers, et les femmes qui subissentdes violences n’ont guère d’espoird’obtenir justice.

La difficulté d’accéder à desinstallations sanitaires et en particulierà des toilettes aggrave encorel’insécurité dans laquelle vivent cesfemmes. Bien souvent, il leur faut unedizaine de minutes de marche pourrejoindre des toilettes. La nuit, lerisque de viol ou d’agression est tropélevé. Elles ne peuvent donc pas sortiret doivent se débrouiller autrement.

Lancé à Nairobi le 7 juillet dernieren partenariat avec plusieurs groupesde femmes concernées, le rapportd'Amnesty International intituléInsecurity and indignity – women’sexperiences in the slums of Nairobi,Kenya (AFR 32/002/2010) évoque lasituation des femmes dans lesbidonvilles de Nairobi.

Il souligne que la loi kenyane faitobligation aux propriétaires de prévoirdes installations sanitaires et notam-ment des toilettes dans tout nouveaubâtiment. Les autorités locales,notamment le conseil municipal et lesresponsables des services de santépublique, doivent veiller à ce que lespropriétaires s’acquittent de cesobligations.

Si la législation et les normes enmatière d’installations sanitaires sontrespectées dans la plupart des

quartiers de Nairobi – certainspropriétaires qui ne fournissaient pasles services requis ont même ététraduits en justice –, il n’en va pas demême dans les bidonvilles et leszones d’habitat précaire.

Les propriétaires et les promo-teurs privés construisent bien souventdes habitations dépourvues de touteinstallation sanitaire. Souvent, lespropriétaires ne sont pas prêts à fairedes frais pour ce genre d’équipement,car un grand nombre de cesbâtiments, sortis de terre sansautorisation officielle, risquent d’êtredémolis à tout moment. Les pouvoirspublics les laissent faire.

Des délégués d’Amnesty Inter-national ont rencontré des repré-sentants du gouvernement kenyanavant le lancement du rapport, et ontplaidé en faveur d’une meilleuresécurité pour les habitantes desbidonvilles.

Amnesty International associe desgroupes de femmes des bidonvillesaux décisions concernant l’orientationdes recherches et de la campagne.Les personnes vivant dans la pauvretéont en effet un rôle essentiel à jouerdans la lutte contre ce fléau.

Après le lancement du rapport,l’organisation est revenue dans lesquartiers où les recherches avaientété menées et a présenté le documentfinal, avec un résumé en swahili, auxgroupes de femmes qui y avaientcontribué. Des ateliers d’une journéeont été organisés à Kibera, MukuruKwa Njenga, Mathare et Korogocho,les quatre bidonvilles de Nairobi oùl'enquête avait eu lieu. Les habitantesont été consultées sur la forme àdonner à la campagne pour qu’ellefasse progresser la cause de lasécurité et de la dignité des femmesdans les bidonvilles de Nairobi.

AGISSEZFormez une file d’attente symbolique le19 novembre 2010, Journée mondiale destoilettes, et faites connaître les risquescourus par les femmes des bidonvilles deNairobi parce qu’elles ne disposent pasd’un accès suffisant à des sanitaires.Vous pouvez mener cette action devantl’ambassade du Kenya dans votre pays.

Demandez aux membres concernés dugouvernement kenyan (ministre desAdministrations locales, ministre de laSanté publique et de l’Assainissement)de garantir l’égale protection de la loià tous ceux qui vivent dans des zonesd’habitat précaire et de faire respecterla Loi relative à la santé publique et lesautres dispositions – notamment laréglementation locale en matière deconstruction – qui imposent auxpropriétaires de construire des toiletteset des salles d’eau à proximitéimmédiate de chaque foyer. Demandezégalement aux ministres d’aider les

propriétaires dépourvus des moyensnécessaires pour installer des toiletteset des salles d'eau.

Wycliffe Musalia Mudavadi, MPOffice of Deputy Prime Minister andMinister for Local GovernmentJogoo House A, Taifa RoadPO Box 30004Nairobi, KenyaFax : +254 20 224 8377Courriels : [email protected]

Beth Wambui Mugo, MPMinister of Public Health and SanitationAfya House, Cathedral RoadPO Box 30016Nairobi, KenyaFax: +254 20 224 8552/271 3234

KENYAPOUR LA DIGNITÉ,AMÉLIORER LA SÉCURITÉ

Une femme franchit le ruisseaupollué qui traverse Soweto Village,dans le bidonville de Kibera à Nairobi(mars 2009).

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Au Royaume-Uni, des allégationsdont le nombre va croissantmettent en cause le gouver-

nement et les services de ren-seignement, qui auraient portéatteinte aux droits de personnesdétenues à l’étranger depuis le11 septembre 2001. Ces instancesse seraient rendues complices ouresponsables d’actes de torture ouautres mauvais traitements, deplacements en détentions arbitraires,de disparitions forcées et de « res-titutions » de personnes détenues àl’étranger dans le contexte d’opéra-tions de lutte contre le terrorisme.

Le 6 juillet 2010, David Cameron,Premier ministre du Royaume-Uni, aconfirmé qu’il allait convoquer unecommission d’enquête sur lesallégations selon lesquelles des agents

de l’État et des membres des servicesde renseignement britanniques au-raient participé à des violations desdroits humains, dont des actes detorture. Cette commission auxpouvoirs limités devrait se concentrersur les cas de ressortissants et derésidents du Royaume-Uni incarcérésau centre de détention de Guan-tánamo Bay.

Le gouvernement a placé Sir PeterGibson, actuellement chargé de contrô-ler la régularité de l’action des servicesde renseignement, à la tête de lacommission formée de trois membres.

La mise en place de la com-mission d’enquête est une premièreétape importante. Elle peut permettred’établir effectivement les respon-sabilités des atteintes aux droitshumains commises dans le passé.

Mais ce résultat ne sera obtenu quepar une enquête approfondie, indé-pendante et impartiale.

Le mandat exact de la com-mission n’est pas encore connu.Amnesty International craint qu’elle nesoit pas suffisamment indépendantedu gouvernement. La notion de secretd’État risque de jouer un rôle négatif,car on ne sait pas jusqu’à quel pointles motifs de sécurité nationaleimposeront le silence sur les travauxde la commission. Ses conclusions neseront peut-être ni rendues totalementpubliques ni communiquées auxvictimes des violations des droitshumains qui font l’objet de l’enquête.

Amnesty International reconnaîtque l’enquête doit être menée à bienpromptement, mais l’exhaustivité nedoit pas être sacrifiée à l’impératif de

la rapidité. Il est indispensable demener un examen approfondi despolitiques et des pratiques qui ontdonné lieu à ces graves violations, ens’intéressant au rôle des agences derenseignement, des forces armées,des fonctionnaires, des membres dugouvernement et de leurs conseillersjuridiques.

Ceux qui ont souffert d’atteintesaux droits humains ont le droit desavoir la vérité. Ils ont le droit d’obtenirjustice et de voir les responsablesrendre des comptes. Aucun Étatne devrait pouvoir commettre desviolations des droits humainsimpunément.

Pour en savoir plus sur l’enquêtebritannique sur la torture, rendez-vous surwww.amnesty.org/en/region/uk

AU ROYAUME-UNI, L’ENQUÊTE SUR LA TORTURE PERMETTRA-T-ELLED’ÉTABLIR VÉRITABLEMENT LES RESPONSABILITÉS ?

Depuis 2003, des groupes armésopposés au gouvernement ira-kien et à l'armée des États-Unis

commettent de graves atteintes auxdroits humains et prennent pour cibledes milliers de civils, principalementlors d’attentats-suicides. En combat-tant ces groupes armés, notamment

Al Qaïda, les autorités irakiennes et lesforces américaines ont égalementperpétré des violations des droitshumains. Elles ont arrêté arbi-trairement des milliers de personnespour les mettre en détention sansinculpation ni jugement durant delongues périodes. Un grand nombre

de détenus subissent des tortures oud’autres mauvais traitements et sontplacés à l'isolement.

Rien n’indique que la situationpourrait changer prochainement.Amnesty International craint que letransfert aux autorités irakiennes desprisonniers détenus par les États-Unis, qui s’est achevé le 15 juillet2010, n’ait pas été assorti de garantiesque ces personnes ne seraient nitorturées ni maltraitées et bénéfi-cieraient sans tarder d’un procèséquitable.

Walid Yunis Ahmad est incarcérésans inculpation ni procès depuis plusde 10 ans. « Cela fait 10 ans que jen’ai pas vu mes enfants, a-t-il expliquéà Amnesty International. Je ne voulaispas qu’ils me voient dans cettesituation terrible. » Walid YunisAhmad compte parmi les quelque30 000 personnes détenues illégale-ment dans les prisons irakiennes,y compris dans la région du Kurdistan.

Des membres de l’Asayish, leservice de police kurde chargé de lasécurité, l’ont arrêté le 6 février 2000à Erbil, capitale de la région kurde

semi-autonome d’Irak. Après sonarrestation, sa famille n’a pas supendant trois ans où il se trouvait, nimême s’il était encore de ce monde.

Durant cette période de dispa-rition forcée, Walid Yunis Ahmad a ététorturé. Après avoir fait une grève dela faim pour protester contre sadétention et la torture qui lui avait étéinfligée, il a été placé à l'isolement,puis déplacé d’une prison à l’autresans explication. Il est actuellementdétenu au siège de l’Asayish, à Erbil.

Une délégation d’Amnesty Inter-national lui a rendu visite en prison enjuin 2010. Walid Yunis Ahmad aexprimé son appréciation des actionsmenées en sa faveur par les membresde l’organisation, soulignant que cettemobilisation lui avait remonté le moralet l’aidait à conserver l’espoir d’êtrelibéré un jour.

AGISSEZVeuillez signer et envoyer la carte postalefigurant dans l’encart pour demander queWalid Yunis Ahmad et les autres détenussoient remis en liberté, ou bien inculpésd'une infraction dûment reconnue par la loiet jugés sans délai dans le respect desnormes internationales.

30 000 PERSONNES DÉTENUESILLÉGALEMENT EN IRAK

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Le matin du 28 août 2009, despoliciers armés et des soldats ontaccompagné des équipes char-

gées de détruire le quartier d’habitatprécaire de Njemanze Waterfront,situé au bord de l’eau à Port Harcourt,capitale de l’État de Rivers. Desmilliers de personnes ont étéexpulsées de force, après quoi ellesont assisté à la démolition desbâtiments où elles avaient vécu ettravaillé. Les habitants ont été offi-ciellement prévenus des destructionsune semaine seulement avant qu’ellesaient lieu.

Les expulsions forcées se ratta-chent aux plans annoncés en 2008 parle gouvernement de l’État, qui entendsupprimer toutes les zones d’habitatprécaire situées au bord de l’eau à PortHarcourt. Elles ont été entreprises sansvéritable consultation préalable, sanspréavis suffisant, sans indemnisation etsans proposition d’une solution derelogement. Plus d’un an après, untrès grand nombre d’hommes, defemmes, d’enfants sont encore sanslogis. Ils dorment dans des voitures,

dans une église proche, ou même sousun échangeur d’autoroute.

Le 6 novembre 2009, la démolitionde Njemanze Street, à proximité deNjemanze Waterfront, a encore aug-menté dans une importante proportionle nombre de sans-logis. Des person-nes qui habitaient auparavant lequartier de Njemanze Waterfront ontsubi pour la deuxième fois uneexpulsion forcée. Au moment où nousrédigeons ces lignes, la zoned’Abonemma Wharf, limitrophe deNjemanze Street, est menacée dedémolition.

À Port Harcourt, les zones situéesau bord de l’eau sont très densémentpeuplées : on y compte plus de40 quartiers d’habitat précaire. Si lesautorités poursuivent leur programmede démolition de tous ces quartiers, onconsidère que plus de 200 000 person-nes risquent d’être expulsées de force.

Le gouvernement de l’État affirmeque la démolition de ces zones est uneétape nécessaire de la revitalisation dela ville. Les démolitions d’AbonemmaWharf et de Njemanze ont pour but de

permettre la réalisation d’un projetcommercial privé dénommé SilverbirdShowtime.

Les obligations internationales duNigeria en matière de droits humainslui imposent de s’abstenir de recouriraux expulsions forcées et même de lesempêcher. Les expulsions ne peuventêtre effectuées qu’en dernier ressort,lorsque toutes les autres solutionsenvisageables ont été examinées en

consultant les collectivités concernées.Les autorités doivent veiller à ce quepersonne ne soit privé de logement.Une solution satisfaisante de relo-gement et une indemnisation pour toutpréjudice subi doivent être proposéesaux personnes concernées, avant touteexpulsion.

AGISSEZVeuillez signer et envoyer la carte postaleinsérée en encart, qui engage le présidentdu Nigeria à mettre dès maintenant unterme aux expulsions forcées à PortHarcourt.

Quelque 800 000 Rwandais ontété tués lors du génocide de1994. Les victimes étaient pour

la plupart des Tutsis, mais aussi desHutus qui s’étaient opposés à cemassacre organisé et aux forces quil’avaient orchestré. Conscient du rôlejoué par les discours de haine et par latristement célèbre Radio télévisionlibre des mille collines (RTLM), quiavaient incité au génocide, legouvernement du Front patriotiquerwandais (FPR), formé après lesévénements, a promulgué des loisvisant à encourager l’unité et à limiterles propos pouvant constituer uneincitation à la haine.

Le rapport d’Amnesty Inter-national intitulé Il est plus prudent degarder le silence. Les conséquenceseffrayantes des lois rwandaises surl’« idéologie du génocide » et le« sectarisme » montre que ces textes

de loi, formulés en termes vagues,font de la liberté d’expression uneinfraction pénale. Il souligne quel’interdiction du discours haineux estun objectif légitime, mais que lesautorités rwandaises ont fait des choixcontraires à leurs obligations auregard du droit international relatif auxdroits humains. Le rapport montreque la législation est délibérémentutilisée pour violer les droits humains.« Cette “idéologie du génocide”, c’estune forme d’intimidation, a indiqué àAmnesty International un militantrwandais des droits humains. Si vousosez critiquer ce qui ne va pas, c’estde l’idéologie du génocide. La sociétécivile et la population en généralpréfèrent se taire. »

Les accusations d’« idéologiedu génocide » et de « sectarisme »ont des conséquences graves etparalysent la société rwandaise.

À l’approche des élections de 2010,la confusion délibérée entredissidence politique légitime et« idéologie du génocide » a nui à laliberté d’expression et d’associationdes personnalités politiques del’opposition, des défenseurs des droitshumains et des journalistes critiquesà l’égard du gouvernement. Larépression a également fait taire lesvoix qui demandaient que les crimesde guerre commis dans le passé parle FPR soient jugés. Des personnesont exploité à des fins personnelles lesfaiblesses de la législation, parexemple pour jeter le discrédit sur desenseignants ou acquérir une influencepolitique au niveau local, ou dans lecadre de litiges fonciers ou de conflitsprivés. Des Rwandais, notamment desjuges, des avocats et des défenseursdes droits humains, ont expriméleur perplexité quant au type de

comportement visé par ces textes. Unavocat, défenseur d’une jeune fille de16 ans accusée d’« idéologie dugénocide », soulignait que sa clienten’avait pas vécu le génocide, n’avaitpas « l’expérience historique dugénocide » et ne pouvait par consé-quent pas avoir une « idéologie dugénocide ».

La perspective d’une modificationde la législation est apparue. Après sixannées de réformes importantes dusystème judiciaire, le gouvernementrwandais a annoncé, en avril 2010,un réexamen de la loi réprimantl’« idéologie du génocide ». Rien n’atoutefois été fait pour l’instant, et laliberté d’expression demeure trèsrestreinte après les élections.

Pour en savoir plus, rendez-vous surhttp://snipr.com/112wcr

RWANDA : LA LIBERTÉ D’EXPRESSION DEVIENT UNE INFRACTION PÉNALE

METTRE FIN AUX EXPULSIONSFORCÉES AU NIGERIA

Un bulldozer détruit des maisons deNjemanze Street à Port Harcourt,Nigeria (avril 2010).

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Au nom de la sécurité, les autoritésyéménites réduisent à néant lesavancées en matière de droits

humains – avec des conséquencesdésastreuses pour la population.

Mis en difficulté par la multipli-cation des appels à la sécession dansle sud, par un conflit sporadique avecle mouvement rebelle des Huthisdans le nord et par la présence d’AlQaïda dans le pays, le gouvernementyéménite mène une politique de plusen plus répressive, en recourant à desméthodes illégales.

Ces pratiques ont été encou-ragées par d’autres pays, notammentles États-Unis, les pays du Golfe et lesÉtats européens, qui préconisent uneaction ferme pour lutter contre AlQaïda et prévenir la division ou ladésintégration du Yémen.

Assurément, des activistes isla-mistes ont commis au Yémen desattentats-suicides et d’autres atta-ques, et le gouvernement a le devoirde protéger la population et de punirles auteurs de ces actes. Mais denombreux Yéménites craignent avanttout de faire les frais d’une desactions de grande ampleur, souventqualifiées d’opérations antiterroristes,que mènent les autorités en réponseaux difficultés rencontrées dans lesud et le nord.

Dans le sud, les forces desécurité auraient pris pour cible etéliminé des personnalités mar-quantes du Mouvement du sud,coalition peu structurée rassemblantdes groupes et des individus. Elles onttué ou blessé des centaines demanifestants pacifiques. Un grandnombre de personnes soupçonnéesde liens avec les Huthis ou leMouvement du sud ont été arrêtées etemprisonnées à l’issue de procèsiniques.

SAADA, UNE RÉGION DÉVASTÉEDes centaines, peut-être des milliers,de civils ont trouvé la mort dans leconflit opposant les autorités auxHuthis dans la région de Saada (norddu pays), bien souvent lors d’attaquesaveugles. Plus de 250 000 hommes,

femmes et enfants ont été contraintsde quitter leur foyer.

Le conflit a redoublé d’intensité enaoût 2009, le gouvernement lançantalors l’opération Terre brûlée etdéployant des chars et des avions dechasse. En novembre 2009, lesaffrontements se sont étendus àl’Arabie saoudite, dont l’armée abombardé Saada avec une férocitéparticulière durant deux mois environ.

Dans un premier temps, l’accès àcette ville a été interdit. Des photos

prises par la suite montrent unerégion dévastée. Maisons, immeu-bles, marchés, mosquées, stationsd’essence, magasins, écoles, dispen-saires… aucun type de bâtiment n'aété épargné.

Selon plusieurs récits, desbombes à sous-munitions ont étéutilisées et des zones d’habitation ontété visées. De tels actes, quand ilssont délibérés, constituent des crimesde guerre. Selon certaines informa-tions, les Huthis auraient eux aussicommis des atteintes aux droitshumains, notamment en mobilisantdes enfants soldats et en posant desmines terrestres. Amnesty Interna-tional n’a pas été en mesure devérifier ces allégations.

De nombreuses personnes cap-turées ou arrêtées lors desaffrontements de Saada ont disparu.Certaines n'ont réapparu qu'aprèsplusieurs mois, et l'on reste sansnouvelles de certaines autres. Destortures auraient été infligées lors desinterrogatoires de détenus incarcéréspendant de longues périodes, sanscontact avec l'extérieur ni possibilitéde rencontrer un avocat. Ils sontnombreux à rester derrière lesbarreaux sans avoir été inculpés.

Abdul Jabar Ahmed al Jarmozi,17 ans, suivait un cours à l’écolesecondaire Al Kuwait, à Sanaa, le11 mars 2007, lorsqu’il a été arrêté partrois membres des forces de sécurité

et conduit à la Sécurité politique. Troisans plus tard, il est toujours détenusans inculpation ni procès. Le jeunehomme aurait distribué des tractspro-Huthis et serait soupçonné,aux dires de la Sécurité politique,d’avoir voulu renverser le régime.« Cela fait trois ans que nous vivonsdans l’angoisse, explique son père,Ahmed Muhammad al Jarmozi. Noussouffrons beaucoup, car il a été privéde la possibilité d’étudier. »

Dans tout le pays, des jour-nalistes, des défenseurs des droitshumains, des avocats et d’autrespersonnes qui critiquent la politiquedu gouvernement ou s’élèvent contreles violations des droits fondamentauxsont également pris pour cible. Leslois et tribunaux spéciaux anti-terroristes ont permis d’incarcérer despersonnes dont le seul crime est dedébattre des événements dans larégion de Saada ou dans le sud.

Les opérations de sécuritémenées par le Yémen bénéficient dusoutien peu critique d’une bonnepartie de la communauté inter-nationale, ce qui encourage cegouvernement à recourir à des

méthodes illégales. La communautéinternationale doit de toute urgenceexercer une pression effective sur lesautorités yéménites et les autres Étatsimpliqués dans ce pays, en leurfaisant comprendre que les violationsdes droits humains, loin de renforcerla sécurité, la mettent en péril.

AGISSEZVous trouverez à l’adressehttp://snipr.com/112wel la synthèseintitulée Yémen. La sécurité à quel prix ?(MDE 31/011/2010). Pour en savoir plus,consultez le rapport Yemen. Cracking downunder pressure (MDE 31/010/2010) surhttp://snipr.com/112wf4

Étals de fortune montés devant lesdécombres d’habitations et decommerces, région de Saada (mars2010).

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YÉMENLA SÉCURITÉ À QUEL PRIX ?

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«Le gouvernement sri-lankais adésigné une commissionprésidentielle, dernière en

date d’une longue série, pour enquêtersur le conflit armé avec les Tigreslibérateurs de l'Eelam tamoul (LTTE),qui s’est achevé l’an dernier. Celle-ciporte sur “les leçons du conflit et laréconciliation”. C’est là une mesurecynique, formulée en termes vagues etvouée à l’échec. Cette commission nesaurait en aucun cas remplacer uneenquête internationale indépendante,sous l’égide des Nations unies, sur lesallégations de crimes de guerre commisau Sri Lanka.

« J’ai fait partie de deux com-missions présidentielles nommées parle gouvernement du Sri Lanka pourexaminer des violations graves desdroits humains, notamment desdizaines de milliers de disparitionsforcées et des massacres de civilsperpétrés par les forces gouverne-mentales. Elles ont produit desconclusions et des recommandationsdétaillées visant à octroyer justice etréparation aux victimes et à leursfamilles, qui n’ont jamais été mises enœuvre par le gouvernement sri-lankais.Leurs travaux n’ont pas eu d’effetdissuasif sur les nouvelles violations.

« Enlèvements, arrestations etdétentions arbitraires, rapts, exé-cutions extrajudiciaires et disparitionsforcées (souvent liées à des raisonspolitiques ou à de prétenduesopérations de lutte antiterroriste) sepoursuivent au Sri Lanka. La policeimpute ces agissements à des“individus non identifiés” et n’enquêteque rarement. La torture en détentionest presque systématique. Lorsquequelqu’un meurt en détention, la policeaffirme souvent que la victime a étéabattue lors d’une tentative d’évasion.

« Des centaines de membres desforces de sécurité ont été accusésnommément de violations des droitshumains dans des rapports, mais peude poursuites ont été engagées à lasuite du travail des commissionsnationales d'enquête. Cette accep-tation de la culture de l’impunité donnecarte blanche aux forces de sécuritépour perpétrer de nouvelles violations.

« Périodiquement, le monde cesseun instant de fermer les yeux sur ladésastreuse situation des droitshumains au Sri Lanka. Un réveil del’intérêt pour ce pays s’est ainsi produiten mai 2009, lorsque le gouvernementsri-lankais, décidé à en finir avec lesLTTE, a sacrifié la vie de milliers decivils innocents et en a grièvementblessé des milliers d’autres. Lesautorités sont accusées d'avoir enfreintplusieurs conventions internationalesrelatives à la conduite de la guerre.Seule une instance indépendante peutétablir les faits.

« Le Sri Lanka ne nomme descommissions présidentielles d’enquête

que lorsque des pressions diplo-matiques intenses sont exercées et lemettent en cause pour des violationsgraves des droits de ses citoyens. Cesinstances permettent peut-être de fairetaire pour un temps les critiques de lacommunauté internationale, maispersonne au Sri Lanka n’est dupe deces procédés douteux. Tout le mondeici sait bien que ces commissions nesont que de la poudre aux yeux.

« J’aimerais que la justice de notrepays fonctionne normalement et quenous puissions compter sur lesinstitutions nationales pour protégernos droits. Cela n’est pas le cas, etdevant l’ampleur des crimes commis,la réponse doit être internationale.

« Seul un organe internationalindépendant crédible et nommé parles Nations unies pour enquêter sur lesévénements qui se sont déroulésavant, pendant et après le conflit demai 2009 pourrait faire la lumière surles atrocités perpétrées par l’État, lesLTTE et les autres groupes armés.

« Aucune commission nomméepar le président ne désignera du doigtcelui qui l’a mise en place pourproclamer : “Vous avez violé lesconventions internationales pendant laguerre. Vous êtes responsable de lamort d'un grand nombre de civils”. Leprésident est vraiment d’une grandenaïveté s’il pense que cettecommission va mener ses inves-tigations de manière juste et équitableet s’il imagine que le peuple et lacommunauté internationale vont lecroire. »

AGISSEZAmnesty International a demandé dèsmai 2009 qu’une enquête internationaleindépendante associant les Nations unieset d’autres organisations soit menée.Le 22 juin 2010, le secrétaire général del’ONU a désigné un groupe d’experts chargéde le conseiller sur la question de laresponsabilité des crimes qui auraient étécommis au Sri Lanka. Ce groupe, quisoumettra son rapport en janvier 2011,est la première étape d’un mouvement enfaveur de l'ouverture d'une enquêteinternationale. Soutenez cet appel ensignant la pétition en ligne qui sera remiseau secrétaire général des Nations uniesen janvier. Vous la trouverez surhttp://snipr.com/x122x

Des proches de ThurairajahPratheeban expriment leur afflictionautour de son cercueil à Trincomalee,au Sri Lanka (août 2006). La mort dece travailleur humanitaire figure aunombre des « graves violations desdroits humains » sur lesquelles s’estpenchée une commission d’enquêtedésignée en novembre 2006.L’instance a été dissoute trois ansplus tard sans s’être acquittée dela mission qui lui avait été confiée.

UNE LETTRE DU SRI LANKA :DES LEÇONS AMÈRES

LE SRI LANKA NE PARVIENT TOUJOURS PASÀ ROMPRE AVEC LA CULTURE DE L’IMPUNITÉ.M.C.M. IQBAL, QUI A ÉTÉ SECRÉTAIRE DE DEUXCOMMISSIONS CHARGÉES D'ENQUÊTER SUR LESDISPARITIONS FORCÉES, EXPOSE LES CARENCESDES MESURES PRISES RÉCEMMENT POUR QUELES RESPONSABLES RENDENT COMPTE DELEURS ACTES.

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Jakub, 16 ans, vit à Plavecký Štvrtok, un villagesitué à 20 km au nord de la capitale de laSlovaquie, Bratislava. Il a fini le primaire

dans une classe spéciale destinée aux enfantsprésentant des « handicaps mentaux légers »,après avoir été contraint à quitter le systèmescolaire normal à la fin de sa quatrième année.Jusque-là, ses enseignants considéraient Jakubcomme un excellent élève et il avait même obtenuune bourse grâce à ses bons résultats. MaisJakub est un Rom, comme tous les enfantsqui fréquentent la classe spéciale.

Jakub a été soumis à une évaluation à lasuite d’un conflit avec un professeur. Ses parentsn'ont pas été prévenus de cette décision nide son transfert dans une classe spéciale.Le programme très allégé qu’il y a suivi avait aumoins deux ans de retard par rapport à celuide son ancienne classe, ce qui a, de fait, limitél’éducation qu’il a reçue et ses perspectivesd’avenir. Voici ce qu’il dit de son expérience àl’école : « Ce qu'ils m'ont fait est horrible… Ils ontfait de moi un idiot. Je faisais partie des meilleursélèves de quatrième année. »

Le cas de Jakub n’a rien d’exceptionnel.Près de la moitié des élèves roms de l’écoleprimaire de Plavecký Štvrtok sont scolarisés dansdes classes spécialisées qui n’accueillent de faitque des Roms. Il en est de même pour des

milliers d’enfants roms dans toute la Slovaquie.Dans plusieurs districts, ils fréquentent desétablissements normaux où la ségrégationethnique est de règle et sont placés dans desclasses qui proposent un programme réduit. Dansles régions où il existe une forte population rom,sur quatre élèves des écoles spéciales, au moinstrois sont des Roms. À l’échelle du pays, lesRoms constituent 85 % des enfants qui suiventun enseignement dans une classe spécialisée.Pourtant, les Roms représentent moins de 10 %de l’ensemble de la population de la Slovaquie.

Le rejet des Roms qui imprègne depuislongtemps le système éducatif du pays a conduità une situation dans laquelle des enfants roms,dès la maternelle, se trouvent parfois littéralementenfermés dans des bâtiments, des salles declasse et des couloirs séparés, même à l’heure dudéjeuner, afin d'éviter qu’ils ne se mélangent avecles élèves non roms.

Ce traitement constitue non seulementun déni de leur droit à une éducation sansdiscrimination, mais aussi, à plus long terme,une privation d’un grand nombre d'autres droitsfondamentaux, dont les droits au meilleur étatde santé possible, au travail et à la libertéd'expression. Ils sont de fait exclus de l’accèsà de nombreux services publics, et d’une pleineparticipation à la société slovaque.

UN SYSTÈME ÉDUCATIF QUI N’OFFREPAS AUX ÉLÈVES CE QU’ILS SONT ENDROIT D’ATTENDREEn Slovaquie, les écoles primaires normalesmanquent de moyens pour aider comme il se doitles élèves issus d’un milieu social défavorisé oudont l’origine ethnique est différente, et lesenseignants ne sont pas toujours disposés à leurapporter cette assistance. De nombreux Romsn’ont pas le slovaque pour langue maternelle.En raison de leur appartenance culturelle et dela grande pauvreté dans laquelle ils vivent, lesenfants roms ont souvent besoin de cours delangue supplémentaires, d’une préscolarisationou d’un soutien en classe. Ces besoins n’étantgénéralement pas satisfaits par le systèmescolaire, nombre d’enfants roms en sont excluspour cause de retard et sont envoyés dans desclasses spéciales au sein d’établissementsnormaux ou dans des écoles spéciales.

Aux termes du droit slovaque, lorsqu’onrépertorie les élèves ayant des besoins spéciaux,on met sur le même plan « handicapés mentaux »et « défavorisés ». Dans un contexte où les Roms

DES ÉLÈVESDE SECOND RANGEN SLOVAQUIE, LES ENFANTS ROMS SONT SÉPARÉS DES AUTRES ENFANTS ETSUIVENT UN PROGRAMME SCOLAIRE RÉDUIT DANS DES CLASSES SPÉCIALES.LES CONSÉQUENCES VONT BIEN AU-DELÀ DES PORTES DE L’ÉCOLE : EXCLUSDE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, LES ROMS SONT CONDAMNÉS À DES EMPLOISMAL RÉMUNÉRÉS.

Des enfants roms fréquentent une classe spécialeséparée de l’école élémentaire de Krivany, enSlovaquie (avril 2010).

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sont régulièrement considérés comme issus demilieux défavorisés, le système, de fait, prédisposeles enfants roms à être vus comme des élèvesayant des besoins spécifiques. Du même coup, lapauvreté étant assimilée à la déficience mentale,ce système pérennise leur situation défavorisée.

En Slovaquie, le diagnostic de besoins éducatifsspéciaux est posé à l’issue d’un processusd’évaluation complexe, dans le cadre d’un réseaude centres d’orientation scolaire. Les spécificitésculturelles, linguistiques et socio-économiquesdes enfants roms ne sont quasiment pas prisesen compte. Ainsi, les capacités de communicationsont évaluées uniquement en slovaque.

De plus, les enfants sont souvent placésdans des écoles spéciales à l’âge à partir duquell’éducation devient obligatoire, ce qui estprématuré, d’après certains pédopsychologuesslovaques. Il n’est pas rare que la décision defaire sortir un enfant rom du système éducatifnormal soit prise sur la seule foi d'un testd'intelligence de 90 minutes ou moins. Or, selondes spécialistes de la santé mentale et despsychopédagogues de Slovaquie et d’autres pays,de tels placements ne devraient pas être décidéssur la base d’une seule évaluation.

Les parents doivent donner leur assentimentà l’inscription de leur enfant dans une école ouune classe élémentaire spéciale, conditionsouvent présentée par les autorités comme unesolide garantie contre les erreurs. Cependant,Amnesty International craint que les parents romsqui choisissent ou acceptent de placer leursenfants dans des écoles ou des classes spécialesne soient fréquemment mal informés.

Bien souvent, en effet, ils ne sont pas aucourant des conséquences qu’aura leur décisionsur les perspectives d'avenir de leurs enfants.Compte tenu des préjugés et du manque desoutien dont leurs enfants pâtissent dans lesétablissements normaux, ils pensent aussi parfoisqu’il est préférable qu’ils soient scolarisés dans unenvironnement où ils se sentiront mieux acceptés,même si la qualité de l’enseignement est inférieure.

UNE EXCLUSION AUX CONSÉQUENCESDÉFINITIVESDans la plupart des classes spécialesqu’Amnesty International a visitées en Slovaquie,les enfants roms n’étaient pas autorisés àemporter des livres à la maison. En effet, lepersonnel partait du principe que les ouvragesseraient abîmés ou ne seraient pas ramenés àl’école. De telles restrictions limitent de touteévidence les possibilités d'apprentissage et deprogression des enfants roms. Écoutons Irena,qui habite le quartier rom de Krivany, un villagede l’est de la Slovaquie :

« Je suis allée à l'école et j'ai demandé [auxenseignants] de me donner les devoirs à faire parécrit, car je voulais aider mes enfants à étudier…Mais [ils disent] qu'ils ne peuvent pas leurpermettre d'emmener les livres à la maison…Comment peuvent-ils apprendre à lire, à écrireou à calculer sans livres ? »

Une fois qu’ils ont rejoint des écoles ou desclasses spéciales, les enfants roms n’ont guèrede chances de réintégrer le système scolairenormal. La réévaluation des capacités des élèvesn’est pas obligatoire et n’a généralement lieuqu’à la demande des parents. De plus, une fois

Ci-dessus et page de droite : Presque tous les élèvesroms de l’école élémentaire de Krivany fréquententdes classes spéciales et sont séparés des autres àl’heure du déjeuner, qu’ils mangent dans le couloir,et non dans le réfectoire (avril 2010).

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sorti du système, l’enfant prend un tel retardqu’il est peu probable qu’il puisse le rattraper.Les élèves qui terminent leur cycle primaire enayant suivi un programme spécial reçoivent undiplôme d’une valeur moindre, qui permetd'accéder uniquement à des établissementsd'enseignement secondaire spéciaux. Cesétablissements proposent des formationsprofessionnelles de deux à trois années pourdevenir par exemple boucher, maçon,cordonnier, employé de maison ou jardinier.Les enfants roms qui aspirent à deveniringénieurs, médecins ou universitaires n’ontguère de chances de réaliser leur rêve.

CE QU’IL FAUT FAIRELa ségrégation des Roms dans les écolesslovaques résulte de la discrimination racialeprésente au sein du système éducatif. Elle est lereflet de préjugés et d’une intolérance bien ancrésdans la société slovaque en général. La Loi sur lesécoles adoptée en 2008 interdit toutes les formesde discrimination, en particulier la ségrégation.Toutefois, elle ne définit pas clairement ce qu’estla ségrégation, pas plus qu’elle ne propose delignes directrices ni de mesures concrètes pour

permettre au corps enseignant de l’identifier et decontrôler les pratiques au sein des écoles en vuede l’éradiquer. On attend encore les mesureseffectives qui seules donneraient force de loi àcette interdiction. À l’heure actuelle, les organeschargés de surveiller l’application de la législationantidiscrimination et de la loi sur les écoles (leCentre national slovaque pour les droits humainset les services de l’inspection de l’éducationnationale, respectivement) ne disposent ni desressources ni des outils nécessaires pour fairerespecter l'interdiction de la ségrégation, et n’ontpas de mandat clair dans ce sens. Il estindispensable que ces moyens leur soient donnés.

Le nouveau gouvernement de coalition arécemment promis d’éliminer la ségrégation dontles Roms sont victimes au sein du systèmescolaire et a inclus cet engagement dans sonprogramme, adopté en août 2010, ce quiconstitue une évolution encourageante.Cependant, la ségrégation reste un obstaclemajeur à la réalisation du droit des enfants romsà l’éducation et contribue au cercle vicieux depauvreté, de discrimination et d’exclusion danslequel la plupart des Roms se trouvent enfermés.La Slovaquie ne peut pas continuer à nier le droit

des enfants roms à la dignité et à l’égalitéde traitement. Par les choix qu’il va faireprochainement, le gouvernement slovaquepeut enfermer les Roms dans la pauvreté et lamarginalité pour plusieurs décennies. À l’inverse,il peut leur permettre de jouir de leur droit à uneéducation non discriminatoire et de participerpleinement à la vie de la société slovaque eteuropéenne.

AGISSEZDemandez à la Première ministre slovaque de mettre fin à laségrégation des enfants roms au sein des écoles slovaques,en signant et envoyant la carte postale encartée dans cenuméro. Pour en savoir plus :http://www.amnesty.org/fr/region/slovaquie

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Comment est né votre intérêt pour lesdroits humains ?En 1995, pendant le régime de Mobutu, j’ai étéobligé de m’associer avec des amis pour créernotre association dénommée Promotion de ladémocratie et protection des droits humains(PDH), espérant que nous allions contribuerà réduire les violations des droits humains quiétaient en train d’atteindre le niveau le plusextrême. Lorsque l’on voyait toutes cesarrestations arbitraires, toutes ces personnes quiétaient placées dans des endroits cachés, et lespersonnes qui étaient torturées injustement,cela a attiré notre attention. Nous avons prisl’engagement de dénoncer ces actes, espérantque cela allait réduire toutes ces violationsauxquelles nous étions en train d’assister.

Quels sont, selon vous, les principauxobstacles rencontrés dans la lutte contreles atteintes aux droits humains en RDC ?Fondamentalement, il y a l’insécurité pour lesdéfenseurs des droits humains, l’insécurité dufait de la présence des groupes armés rwandais(les FDLR), ougandais (la LRA et l’ADF-NALU),congolais (les Maï maï et le CNDP), et lesmilitaires congolais. Il y a aussi les servicesde sécurité qui sont sans salaire convenable.Cette insécurité tracasse et c’est un obstaclefondamental.

Si vous pouviez changer une chose dansce pays, que feriez-vous ?Réveiller la conscience des Congolais, afinqu’ils assument leurs responsabilités de savoirpartager, et de garantir la sécurité et lesespaces de liberté en République démocratiquedu Congo.

Quelles conséquences votre actiona-t-elle sur votre vie ?Il faut dire que du point de vue desconséquences positives, la défense des droitshumains est exaltante ; parler pour les sansvoix, les opprimés et les victimes de l’arbitraire,mais aussi contribuer à l’édification de l’état dedroit avec objectivité. Ce sont des aspectspositifs. Mais du point de vue des conséquencesnégatives, il faut dire que je crains pour ma vie.Ma famille aussi craint, parce qu’à cause demon engagement pour la défense des droitshumains, je peux, par exemple à cause durisque de torture, être handicapé. Lorsque jetémoigne et dénonce de graves violations et desviolences dans mon pays, les membres de mafamille redoutent les risques que je prends enm’engageant pour des activités qui peuventmettre ma vie en danger.

Qu’est-ce qui vous permet de restermotivé quand les temps sont difficiles ?Il faut dire que c’est la liberté d’exprimer ce queje pense et de participer, sans être la « propriété »d’un parti, à la démocratisation de notresociété, quand la démocratie est le gage desdroits humains. Être faiseur ou acteur de lapaix, de la démocratie et de la justice m’habiteet m’encourage à continuer.

En 2008, lors d’une visite à la prison centraleMunzenze de Goma, vu le manque de nourritureet d’eau, les prisonniers m’ont retenu pensantque ma présence alertera les autorités et lesONG, qui leur donneront des réponses. Et donc,pour la deuxième fois j’ai remarqué que j’étaisun espoir, un sauveur, pour toutes cespersonnes arrêtées.

Que représente Amnesty Internationalpour vous ?De même que les victimes des violations desdroits humains nous considèrent comme dessauveurs ou des libérateurs, de mon côté jeconsidère Amnesty International comme un

Joseph Dunia Ruyenzi est avocat. Son action en faveurdes droits humains l’expose, comme des centainesd’autres militants en République démocratique duCongo (RDC), au risque d’être arrêté, harcelé, menacéde représailles, voire tué. Pour LE FIL, il évoque lecombat pour la liberté et la justice dans son pays.

JOSEPH DUNIARUYENZI

« Tout le monde a besoin du respectdes droits humains, que l’on soit enOccident, en Afrique ou en Asie »

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© Amnesty International

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sauveur, un libérateur, lorsque je vois toutes lesactions qui sont menées à travers le monde parAmnesty International.

À trois occasions, lorsque j’ai été arrêté, c’estgrâce à Amnesty International que j’ai étélibéré. J’ai été kidnappé en 2006 à Goma etemmené au T2 (les services de renseignementsmilitaires). Amnesty International a lancé desappels auprès du gouvernement congolais,demandant notre libération sans conditions.Grâce à cette action urgente, (surtout dans lecontexte des guerres à l’est du Congo, tout lemonde pensait que nous serions assassinés),grâce à l’appel d’Amnesty International, nousavons été libérés le même jour, et pourtant nousapprenions que le soir même nous devions êtreassassinés.

Avez-vous un message pour nos lecteurs ?Le message que je peux adresser aux lecteursest de continuer à appuyer les activités dedéfense des droits humains en focalisant lesactions sur les victimes de violations et deviolences dans des régions du monde comme laSomalie, la République démocratique du Congo,le Darfour, et des pays aux régimes dictatoriaux,opposés aux droits fondamentaux dont Dieu a doté chaque être humain. J’appelle aussi lesdéfenseurs qui liront cette revue à se mobiliserpour la situation des droits humains en RDCparce que c’est une situation grave, et il fautque justice soit faite concernant les assassinatsde Floribert Chebeya, Pascal Kabungulu, etd’autres défenseurs de la liberté, qui ont payéde leur vie.

Quel est l’enseignement le plus importantque vous ayez retiré de votre actionmilitante ? J’ai tiré de mon action militante l’universalitédes droits humains. En effet les droits humainsdoivent être respectés par les autorités, parceque c’est à tort que certains dirigeants veulentconsidérer le respect des droits humains commeun apanage seulement des pays occidentaux.Dans beaucoup de pays, il y a des violations desdroits de l’homme et tout le monde a besoin durespect de ces droits ; que l’on soit en Occident,en Afrique ou en Asie, tout être humain a droitau respect des droits dont il a été doté par Dieu.

Vous trouverez un entretien vidéo avec Joseph DuniaRuyenzi à cette adresse : http://snipr.com/10p53o

École secondaire, Rethy, Province-Orientale, en RDC(mai 2008). Certains élèves de cet établissementparticipaient à un programme de réinsertion pour les enfants enrôlés dans des groupes armés.CC Attribution - Share Alike 2.0

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VICTOIRE !UN PROJET DE MINE REJETÉEN INDE

Le 24 août, victoire historique pour lesdroits des indigènes : le gouverne-ment indien a officiellement refuséson aval au projet de création d’unemine de bauxite (minerai d’alu-minium) dans les collines deNiyamgiri, dans l’est de l’Inde. Cettedécision est l’aboutissement d’unecampagne menée depuis des annéespar les Dongrias Kondhs et pard’autres groupes indigènes dont ceprojet menaçait la survie.

Amnesty International s’est ralliéeà leur action à la mi-2008. Début2010, dans un rapport accablant, ellea fait état des atteintes aux droitshumains et des violations de lalégislation indienne et du droitinternational qu’impliquait ce projet.Six mois plus tard, le gouvernementindien décidait de le rejeter, unrapport qu’il avait commandité étantparvenu aux mêmes conclusions. Unprojet d’extension d'une raffineried'alumine située à Lanjigarh, au pieddes collines de Niyamgiri, a égalementété gelé. Il est établi que les activitésde cette raffinerie ont entraîné unepollution hydrique et atmosphériquepréjudiciable pour les habitants dela région.

Le gouvernement indien a estiméque le projet de mine de bauxite, déjàlargement contraire aux lois relativesà l’environnement et aux forêts,entraînerait de nouvelles atteintes auxdroits de la population locale. Le projetd’agrandissement de la raffinerie,quant à lui, a été jugé illégal.

Cette décision a porté un coupaux entreprises à l’origine du projet demine dans les collines de Niyamgiri :une filiale de la société VedantaResources, dont le siège se trouveau Royaume-Uni, et la compagnieminière d’État Orissa MiningCorporation.

Amnesty International a œuvréaux côtés des Dongrias Kondhs pourcontester en appel le certificat deconformité environnementale accordéau projet minier ; plus de 30 000membres d’Amnesty International ont

écrit aux autorités indiennes, tandisque l’organisation engageait despourparlers avec l’entreprise. C’est enbonne partie grâce à l’action deplaidoyer d’Amnesty International et àla mobilisation de ses membres queles projets de mine et d’extension dela raffinerie ont été suspendus durantplusieurs mois avant la décision finale.

Un responsable des DongriasKondhs a exprimé sa satisfaction àAmnesty International : « Après desannées de lutte et de visites renduespar des commissions, Delhi a enfinentendu notre voix. »

Pour en savoir plus :http://snipr.com/1114ox/fr/index.html

NOUVELLE PARUTION

Amnesty International a travaillé encollaboration avec l’organisation dedéfense des droits humains Conectaspour produire un numéro spécial deSur - International Journal on HumanRights (en anglais, espagnol et portu-gais) consacré aux Objectifs du millé-naire pour le développement (OMD) età la responsabilité des entreprises.À l’occasion du sommet dehaut niveau des Nationsunies sur les OMD,en septembre 2010,les articles sontconsultables enligne gratuitementà cette adresse :www.surjournal.org

Le poster-mosaïque du réseauJeunes Asie-Pacifique d’AmnestyInternational lors de lamanifestation hebdomadaire desfemmes ayant subi l'esclavagesexuel, à Séoul, en Corée du Sud(mai 2010).

LE SAVIEZ-VOUS ?

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« ÊTRE ACTEURDE LA PAIX,DE LA

DÉMOCRATIE ETDE LA JUSTICE

M’ENCOURAGEÀ CONTINUER.»

JOSEPH DUNIA RUYENZI