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    Politiques migratoires :les entreprises ont-elles leur mot dire ?

    ______________________________________________________________________

    Emma Broughton

    Mai 2014

    NN oo tt ee dd ee llIIf f r r ii

    Programme Migrations,

    Identits, Citoyennet

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    LIfri est, en France, le principal centre indpendant de recherche, dinfor mation etde dbat sur les grandes questions internationales. Cr en 1979 par Thierry deMontbrial, lIfri est une association reconnue dutilit publique (loi de 1901). Il nest soumis aucune tutelle administrative, dfinit librement ses activits etpublie rgulirement ses travaux.LIfri associe, au travers de ses tudes et de ses dbats, dans une dmarcheinterdisciplinaire, dcideurs politiques et experts lche lle internationale.

    Avec son antenne de Bruxelles (Ifri- Bruxelles), lIfri simpose comme un des raresthink tanks franais se positionner au cur mme du dbat europen.

    Les opinions exprimes dans ce textenengagent que la responsabilit de laut eur.

    Cette E-Note est publie dans le cadre du programme Migrations et Patronat duCentre Migrations et Citoyennet.

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    ISBN : 978-2-36567-281-8 Ifri 2014 Tous droits rservs

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    Auteur

    Emma Broughton est chercheuse au Centre Migrations etCitoyennets. Elle coordonne le programme Migrations etpatronat depuis septembre 2011 et conduit l'tude de terrain de 18mois entreprise dans ce cadre. Elle a lanc le programme depublications numriques Politiques migratoires et conomiesmergentes en janvier 2014.

    Elle est diplme de la London School of Economics and

    Political Science (MA).

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    Sommaire

    AUTEUR ............................................................................................. 1

    S OMMAIRE ......................................................................................... 2

    EXECUTIVE S UMMARY ......................................................................... 3

    INTRODUCTION ................................................................................... 6

    LES ENTREPRISES DANS LE CONTEXTE DE L IMMIGRATION CHOISIE . 8

    Une politique aligne sur les besoins des entreprises .................. 8

    Controverses autour de la politique ............................................... 10

    La lutte contre limmigration clandestine et le discours surles patrons voyous ..................................................................... 11

    Une participation risque ................................................................. 12

    GREVES ET OCCUPATIONS DU LIEU DE TRAVAIL : LES ENTREPRISESPOUSSEES A SE MOBILISER ............................................................... 14

    Le dbat sinvite dans les entreprises ............................................ 14 Les entreprises sinvitent dans le dbat public ............................. 17

    Lchec des mobilisations ............................................................... 20

    LES BONS MIGRANTS PRIS POUR CIBLE : LA MOBILISATION S ELARGIT 25

    2011-2012 : un durcissement accru des politiquesmigratoires ........................................................................................ 25

    Une mobilisation largie .................................................................. 27

    CONCLUSION .................................................................................... 31

    RECOMMANDATIONS ......................................................................... 33 Crer les conditions pour une participation des entreprisesau dbat sur les politiques migratoires de travail ......................... 34

    Transformer la participation : vers une meilleure rpartitiondes rles ............................................................................................ 37

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    Executive Summary

    Au dbut des annes 2000, Nicolas Sarkozy propose la politique ditede l immigration choisie . Les entreprises auraient pu tre unacteur central du dbat public autour dune politique qui entendaitfaire rentrer sur le territoire franais des travailleurs dont les profils oules comptences taient recherches par les entreprises. Mais lesentreprises ont peu particip au dbat, et leur opinion sur le sujet est

    peu connue.Quelle place occupent les entreprises dans le dbat public sur

    les politiques migratoires ? Quelles relations entretiennent-elles avecles autres acteurs du dbat public gouvernement, acteurs de lasocit civile, acteurs conomiques, mdias, opinion publique ?Quand les entreprises participent au dbat, comment le font-elles etavec quel impact ? Le gouvernement Ayrault sest engag mettreen place une politique dimmigration professionnelle en ligne avec lesbesoins conomiques de la France. Une telle politique peut-elle fairelconomie de la participation des entreprises sa conception et samise en uvre ?

    La prsente Note dmontre que, sur la priode 2002/2012, lesentreprises nont pas particip la conception des politiquesmigratoires. E lles n ont t consultes que sporadiquement, etsouvent en raction des vnements spcifiques. Les organisationspatronales, quant elles, ne traduisent pas toujours fidlement lesbesoins de leurs adhrents quant au recrutement de travailleurstrangers.

    Le contexte politique est dfavorable la participation desentreprises au dbat. Le sujet des migrations de travail, et plusgnralement de limmigration, est tr s sensible et les entreprisesprennent un risque en exprimant leur opinion sur le sujet : un risqueen termes dimage , puisque lles sexposent tre considrescomme des patrons voyous , et un risque politique,puisquentreprises et gouvernements successifs dfendent, dans lamajorit des cas, des intrts diffrents et parfois opposs.

    Dans certaines circonstances, et sous certaines conditionscependant, les entreprises se mobilisent. A deux reprises, sur lapriode tudie, certaines entreprises ont demand la rgularisationde leurs travailleurs sans papiers . Une protestation plus large amerg au printemps 2011 contre la publication de la circulaire dite Guant , durcissan t les possibilits dembauche d es tudiantstrangers.

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    Plusieurs facteurs contribuent expliquer ces mobilisations.La possibilit, pour les entreprises, de diminuer les risques associs leur participation au dbat (par le biais de partenariats avec desacteurs de la socit civile par exemple) semble tre un facteur

    dterminant de leur intervention.

    Recommandat ions

    Depuis le dbut des annes 2000, et malgr un discourspolitique allant officiellement en ce sens, la politique migratoire napas permis de mettre en adquation flux migratoires et besoinsconomiques. Dautre part, lentreprise est un acteur dont la visionpropre peut enrichir llaboration des politiques migratoires et aider les rendre plus efficaces. Pour atteindre lobjectif dune politique

    dimmigration professionnelle servant les besoins conomiques de laFrance, il est souhaitable de crer les conditions dune participationeffective des entreprises la rflexion.

    InformerLune des premires conditions de cette participation est la bonneconnaissance des rglementations sur le recrutement et le maintiendans lemploi de travaill eurs trangers.

    La clarification des procdures, et ltablissement de critresclairs pour lobtention de titres de sjour/autorisations de travail fontpartie des objectifs du ministre de lIntrieur depuis 2012, mais lestextes restent mal connus ou mal compris par les entreprises et lesdisparits de mise en uvre restent trs fortes entre les diffrentes

    prfectures. Amliorer la prvisibilit des procdures doctroi de titre s

    de s jou r/auto ris atio ns de t rav ail

    Il est souhaitable que le ministre de lIntrieur borne lacapacit dinterprtation des acteurs en cha rge de la mise enuvre de la politique dimmigration (en limitant les textesinfra-lgislatifs par exemple) et sassure que les textes so ntappliqus fidlement et unanimeme nt sur lensembl e duterritoire.

    Com m un iqu er su r les pro cdu resIl est souhaitable que les diffrents ministres concernsfacilitent l accs aux informations relatives aux procdures derecrutement et de maintien dans lemploi dun travailleurtranger.

    Dvelopper des ples de connaissance dans les entreprisesLes entreprises ont intrt amliorer en interne leur retourdexprience . Les organisations patronales pourraient prendre leur charge la cration et le dveloppement de plesdexpertise sur ces questions.

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    ConsulterIl nexiste aujourdhui pas de processus formel et rgulier deconsultation des entreprises (ou dautres acteurs) sur la question despolitiques migratoires.

    Crer un systme de consultation des entreprisesUn tel systme devrait prsenter a minima les caractristiquessuivantes :reprsentation des parties prenantes (ministre s de lIntrieur,du Travail, de lEducation ; partis politiques ; entreprises ;reprsentants patronaux ; syndicats de travailleurs ; ONG ;coles et universits ; chercheurs) ;frquence rgulire des runions ;calendrier indpendant du calendrier lectoral.

    Renforcer le rle de transmission des organisations patronales

    Diminuer les risques associs la participation au dbatPour accrotre la participation des entreprises et organisationspatronales au dbat public sur les politiques migratoires, il estncessaire de diminuer les risques associs cette participation.

    Communiquer sur la dpnalisation des procdures.Le risque pnal a t rduit pour les employeurs ayant recrutlgalement un travailleur sans papiers, mais les discourssuccessifs sur la lutte contre les patrons voyous ont laissdes traces, et le risque agit encore comme un rpulsif.

    Changer les termes du dbatCrer une politique migratoire rpondant aux besoins delconomie franaise exige de la part des diffrents acteursconcerns mais en premier lieu du gouvernement, desinformations et des discours valorisant lapport delimmigration lconomie franaise. L e rle positif jou parles entreprises dans le parcours professionnel des travailleurstrangers devrait galement tre soulign.

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    et juin 2012 avec des acteurs conomiques 4, qui offrent une (rare)vue de lintrieur du positionnement des entreprises. La littratureacadmique vient galement enrichir lanalyse 5.

    Il est important de souligner ce sujet que la recherche sur

    les entreprises comme acteurs des politiques migratoires estpratiquement inexistante 6. Les entreprises ne font pas lobjet duneattention spcifique. La prsente Note se fixe aussi pour objectif decommencer combler ce manque.

    Nous verrons dans un premier temps que la question delimmigration de travail reste sensible dans le dbat public, malgr lediscours sur l immigration choisie , et quil serait de ce fait risqupour les entreprises dexprimer leur opinion. Puis, par le biais de deuxtudes de cas, que les entreprises peuvent se mobiliser danscertaines circonstances et sous certaines conditions, notammentlorsque les risques associs la prise de parole publique peuventtre rduits. Il semble ainsi que la forte politisation des dbats sur

    limmigration ait eu un impact ngatif sur la capacit des entreprises y participer.

    4 Ces entretiens collectifs se sont fait dans le cadre dune intervention s ociologique,mthode propose par Alain Touraine. Un groupe de travail compos de 11 DRH etresponsables diversit dentreprises franaises sest runi mensuellementpendant 18 mois afin dvaluer limpact des politiques migratoires sur leur activit.Les entreprises reprsentes taient issues de secteurs dactivit varis. Ce projet at conduit par E. Broughton, D. Joly et D. Prudhomme, sous la direction scientifiquede C. Bertossi et de D. Joly.5 Un ouvrage est particulirement important cet gard, pour la deuxime partie dece papier: Barron, P., A. Bory, L. Tourette, S. Chauvin et N. Jounin. (2011) On bosseici, on reste ici ! Paris : La Dcouverte.6 Le rle des entreprises dans lattraction de la main duvre trangre estmentionn dans certains ouvrages historiques (Weil, P. (1991) L'Aventure d'une

    politique de l'immigration de 1938 nos jours. Paris : Gallimard, par exemple) ou esttudie en creux dans certains ouvrages de sociologie des migrations (on peut citerBarron, P. et al. (2011) On bosse ici, on reste ici ! Paris : La Dcouverte) mais lesentreprises ne font pas lobjet dune attention spcifique.

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    est vote, consacrant la reprise officielle de limmigration de travailsur la base des besoins de lconomie franaise 12 .

    Les entreprises sont de facto au cur de cette politique : ces tpar elles que sexpriment les besoins de lconomie franaise en

    termes de politique migratoire, qui ne sont autres que des besoins entermes de recrutement : de quels profils les entreprises franaisesont-elles besoin et, parmi eux, lesquels ne sont pas disponibles sur leterritoire franais ? Les entreprises sont galement au cur de cettepolitique parce quelles font partie, avec les travailleurs trangerseux-mmes, des acteurs impacts directement par les politiquesrgulant limmigration de travail. La suspension de limmigrationdcide en 1974 a pour consquence d allonger l es procdures,incertaines et coteuses, pour les entreprises souhaitant recruter untravailleur tranger. Lentreprise doit dposer un dossier de demandedintroduction auprs de lagence pour lemploi, motivant sa dcisionde recruter un travailleur tranger plutt que franais. Lentreprise

    doit ensuite attendre plusieurs semaines, durant lesquelles lagencediffuse son offre demploi et peut lui proposer des candidats recevoir en entretien. Si aucun candidat de nationalit franaisesatisfaisant nest retenu au terme de ce dlai, lagence pour lemploi transmet le dossier ladministration locale en charge de lemploi(alors la DDTEFP 13 , aujourdhui la DIRECCTE 14 ), qui statue sur ladlivrance dune autorisation de travail, en fonction de la situation delemploi dans le bassin donn , ainsi que du profil du travailleur et delentreprise. Si lentreprise reoit une rponse favorable, elle doitsacquitter dune taxe sur lembauche dun travailleur tranger. Ledossier est ensuite envoy aux autorits prfectorales qui dlivrerontun titre de sjour valant autorisation de travail.

    Cette procdure est donc la fois plus longue (parfoisplusieurs mois) et plus coteuse quune procdure de recrutementdun travailleur de nationalit franaise ou titulaire dune autorisationde travail, mais elle est galement hautement imprvisible. Danscertains secteurs et sur certains postes, les recruteurs dans lesentreprises peinent ainsi trouver les candidats dont ils ont besoin,parce quils ne trouvent pas la ressource sur place et que lesautorits administratives ne leur donnent pas lautorisation de recruterdes travailleurs trangers.

    12 Vie publique. Limiter limmigration subie promouvoir limmigration choisie .http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/ 13 Direction Dpartementale du Travail, de lEmploi et de la FormationProfessionnelle.14 Direction Rgionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, duTravail et de lEmploi.

    http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/immigration-2006/immigration-choisie-immigration-subie/
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    Controv erses autou r de la poli t ique

    La politique du gouvernement est donc cense rpondre un besoindes entreprises en termes de recrutement de travailleurs trangers.Cette convergence dintrt nest pas partage par les autres acteursen prsence : la nouvelle politique est accueillie avec scepticismepar les reprsentants de lopposi tion, les syndicats, les associationsde travailleurs et mme par certaines organisations patronales,notamment sur la question des quotas .

    Un dbat merge sur ce thme fin 2004 et enfle au cours de2005. Lors de ses vux la presse, Nicolas Sarkozy, dsormaisprsident de lUMP, fait part de sa volont douvrir des dbatsapprofondis, sans exclusive et sans tabou autour de la questiondes quotas 15 . Ceux-ci seraient un des outils permettant la mise enplace dune immigration base sur les besoins de lconomie :

    chaque anne, des objectifs quantitatifs prvisionnels de visas etde titres de sjour 16 seraient fixs par mtier ou par type deformation 17 , en fonction des besoins de la France, ses entrepriseset ses administrations 18 .

    Dominique de Villepin, ministre de lIntrieur, soppose dabord Nicolas Sarkozy sur cette question, dcrivant les quotas comme unoutil contraire la tradition rpublicaine 19 (plus tard, les deuxhommes saccorderont sur la ncessit de fixer chaque anne,catgorie par catgorie , le nombre dimmigrs autoriss venir enFrance 20 ). Des acteurs issus du monde associatif ou universitaire, surla mme ligne que le ministre de lIntrieur, dnoncent une politiqueinacceptable dun point de vue thiq ue. La slection des immigrs est

    perue comme une forme de discrimination envers les migrants, etcomme une faon dexploiter les pays dorigine : aprs le pillagedes matires premires , ce sont les matires grises quiseraient pilles 21 .

    Des reprsentants de lopposition contestent , eux, l apportpositif des quotas au plan conomique. Selon eux, ce dispositifmettrait en comptition les chmeurs de nationalit franaise ou djautoriss travailler en France avec les travailleurs trangers,

    15 Le Nouvel Observateur. (14 janvier 2005) Nicolas Sarkozy prend le contre-piedde Chirac .16 AFP. (5 fvrier 2006) Sarkozy veut proposer une carte de sjour de 3 ans auxtalents trangers .17 Brezet, A., G. Tabart, J. Waintraub. (17 janvier 2005) Le prsident de lUMPrpond ses dtracteurs et prcise loffre nouvelle que le pa rti majoritaire doit,selon lui, co nstruire dici la mi -2006 . Le Figaro .18 Brezet, A. et al., ibid. 19 Fouteau, C. (10/11 fvrier 2006) Immigration : le Premier ministre veutrquilibrer le projet de loi Sarkozy . Les Echos .20 Lochak, D (2006), op. cit. 21 Bounouar, F., N. Chaib, F. Douhane, A. Kismoune, G-H. Lonso Koko, C.Mentalecheta. (3 fvrier 2005) Imigration, quotas : danger . Libration.

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    travailleurs sans-papiers . Cette lutte vise les travailleurs, dcritscomme des fraudeurs, mais galement les employeurs, accuss deprofiter de la prcarit de la situation de ces travailleurs pour imposer, travail gal, des salaires plus bas, ou des conditions de travail plus

    dures. En avril 2003, le ministre de lIntrieur prsente un projet deloi sur limmigration dont lobjectif principal est la lutte contrelimmigration clandestine. Les employeurs sont directement viss parce texte : les dputs votent un amendement allongeant la peinedemprisonnement et alourdissant lamende encourue par desemployeurs recourant au travail dissimul 27 . En mai 2005, au curdu dbat sur les quotas dimmigrs, u n plan de lutte contrelimmigration clandestine est prsent au Conseil des ministres. Lesemployeurs y sont nouveau viss : un dcret en discussion prvoitde les faire participer aux frais de racheminement destravailleurs sans autorisation de travail 28 . Le ministre dlgu

    lEmploi dclare ne pas vouloir laisser () de rpit auxfraudeurs 29 , et dans la presse les articles traitant de cette politiquefont rfrence aux rseaux du BTP ou des travaux saisonniers quiexploitent cette main-d uvre bon march 30 , aux entreprises peuscrupuleuses qui, pour gagner beaucoup dargent , nhsitentpas saffranchir sans complexe de la lgislation sociale franaise etcommunautaire 31 .

    Un e par tic ip ation r is que

    Les termes du dbat sur la question migratoire sont doncmajoritairement ngatifs lorsquils concernent la figure du patron .Il nest pas tonnant, dans ce contexte, quaucune entreprise ne sesoit exprime publiquement sur la question de la politique migratoire.On peut supposer que la prise de parole publique soit devenue plusrisque de ce fait: les entreprises ne veulent pas apparatre commedes voyous . Celles qui ont les moyens, ou les ressources, pourintervenir (contacts privilgis dans les ministres ou lesadministrations) se mobilisent individuellement et au cas-par-caslorsque des problmes de recrutement se posent, toujours hors de lascne publique 32 . Les reprsentations patronales quant elles, nedfendent pas toujours les intrts de leurs adhrents. Se positionner

    27 Zappi, S. (24 septembre 2003) Un amendement instaure une double peine pourle travail au noir . Le Monde .28 Fouteau, C. (20 octobre 2005) Travail illgal : Sarkozy veut obliger lesemployeurs financer les expulsions . Les Echos. 29 Plantade, J-M. (7 novembre 2005) Un festival dirrgularits . Le Parisien. 30 J-M. Leclerc, Une police spcialise va traquer l es filires dimmigrationclandestine , Le Figaro, 11/08/200531 J-M. Plantade, op. cit. 32 Entretien collectif, janvier 2012.

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    en faveur des quotas par exemple, pourrait valoir cesorganisations dtre accuses de vouloir importer une main duvremoins coteuse et plus docile. Ces accusations seraientproblmatiques en termes dimage , et pourraient fragiliser leurs

    relations avec le gouvernement.Il est significatif cet gard que se soient exprimes contre ledispositif des quotas de grandes organisations patronales dansdes secteurs forts besoins de main- duvre perue comme peuqualifie 33 (htellerie, btiment, restauration). Ce sont en effet lesentreprises de ces secteurs qui sont vises par des discours surlexploitation de salaris par des employeurs voyous . Le prsidentde la Confdration de l'artisanat et des petites entreprises dubtiment (CAPEB) dclare pour sa part : il n'y a pas d'tats d'me avoir concernant les quotas : les besoins en main- duvresont tellement importants () qu'il faut accueillir toutes les bonnesvolonts 34 .

    33 La dfinition de ce qui constitue un travailleur peu qualifi et qualifi estfloue, ainsi que la frontire entre les deux : un travailleur peu qualifi a t-illquivalent du brevet ? Du baccalaurat ? Est-on un travailleur qualifi partir dumoment o lon a suivi une formation ? A partir de Bac +5 ?34 Fouchet, A. (23 juin 2005), ibid.

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    Grves et occupations du lieu detravail : les entreprises pousses

    se mobiliser 35

    Cest avec ce contexte lesprit quon peut se pencher sur lamobilisation de certaines entreprises, la fin des annes 2000,autour de leurs travailleurs sans titre de sjour valable les

    travailleurs sans-papiers 36

    .

    Le dbat sinvite dans les entreprises

    Durcissement de la politique migratoire et grves destravailleurs sans-papiers En septembre 2006, les salaris sans-papiers de lentrepriseModelux se mettent en grve et occupent les locaux de leurentreprise pour dnoncer leur licenciement et demander leurrgularisation. Cette nouvelle forme de mobilisation fera cole :

    jusqu la fin 2010 , plusieurs milliers de travailleurs sans-papiers ,accompagns par la CGT, se mettront en grve en rgion parisienneet dans quelques autres dpartements.

    Le contexte politique est alors au durcissement de la politiquemigratoire. Nicolas Sarkozy, lu prsident de la Rpublique en mai2007, met en uvre son concept de politique migratoire base surles besoins du march du travail plutt que sur des critres familiauxou humanitaires. Les travailleurs immigrs sont distingus par leurniveau de qualification et placs dans deux catgories distinctes :dune part les travailleurs perus comme peu qualifis, que lon faitentrer sur le territoire en rponse des besoins prcis ; de lautre lestrangers perus comme qualifis et donc comme les plus mmede contribuer la comptitivit de la France, et qui bnficient defacilits pour entrer sur le territoire.

    En dcembre 2007, une circulaire spcifie les mtiers entension , cest --dire pnuriques, que les travailleurs trangers

    36 Ces travailleurs sont aussi appels travailleurs clandestins ou illgaux .35 Beaucoup des informations utilises dans cette partie sont tires de louvrage deBarron, P et al. (2011), ibid. sur les grves des travailleurs sans-papiers .

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    dfinis comme peu qualifis peuvent occuper. Ce systme doitpermettre aux entreprises souhaitant recruter des travailleurs sur cespostes de bnficier dune procdure acclre (pas dobligation dedpt doffre Ple Emploi). Il permet galement au gouvernement

    de limiter le nombre de travailleurs trangers peu qualifis autoriss travailler sur le territoire : la liste initiale de mtiers en tension compte uniquement trente entres. Pour les travailleurs qualifiscontribuant de faon significative et durable au dveloppement dela France, une nouvelle carte de sjour est cre, la carte comptences et talents .

    En parallle, les conditions dentre des immigrs ne rentrantpas pour des raisons professionnelles (regroupement familial, asile,raisons mdicales) sont durcies 37 , et la lutte contre limmigrationclandestine se poursuit, visant aussi bien travailleursquemployeurs 38 . Associations et syndicats de travailleurs dnoncentune politique utilitariste et immorale 39 , mais galement complique et

    coteuse pour les employeurs. Selon eux, seules les grandesentreprises pourraient entreprendre les procdures ncessairespour recruter des travailleurs trangers 40 .

    Des travailleurs dont les entreprises ont besoin maisquelles ne peuvent garder Les grves mettent les entreprises dans une situation dlicate : toutdabord, parce quelles rvlent que les entreprises occupesemploient des travailleurs sans-papiers . Lembauche detravailleurs sans titre de sjour valable est assimil du travail aunoir, et est donc passible de sanctions, y compris pnales. De plus,

    les entreprises exposes par les grves risquent de rencontrer desproblmes dimage : lemploi de travailleurs prcaires comme lestravailleurs sans-papiers rappelle, dans le dbat public, limage du patrons voyous 41 . Enfin, il nexiste pas de dispositif formelpermettant aux employeurs de rpondre aux demandes de leurs

    37 Lochak, D. (2006), ibid. 38 Voir par exemple Brioux, V. et G. Tomasovitch. (30 juillet 2007) Mon combatpasse par une augmentation des contrles , Entretien avec Brice Hortefeux. Le

    Parisien. 39 Un reprsentant du syndicat Force Ouvrire (FO) juge par exemple choquantque lon choisisse ou rejette les travailleurs migrants en fonction de leur utilitconomique, et que lon restreigne paralllement la possibilit pour ces mmestravailleurs de vivre en famille , in Coroller, C. (29 octobre 2007) Les mtiers pourtrangers . Libration. 40 Entretien avec Stphane Maugendre, vice- prsident du Groupe dInformation et deSoutien aux Travailleurs Immigrs (GISTI). Propos recueillis par Grard, A. (29dcembre 2007) En porte--faux avec les discours officiels . Le Parisien. 41 Kessous, M. (15 juin 2007) Reconnus en cuisine, clandestins dehors . LeMonde. ; Tabet, M-C. (21 octobre 2005), Sanctions alourdies pour lemploi declandestins . Le Figaro.

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    travailleurs grvistes : aucun dispositif lgislatif nexiste pourrgulariser les travailleurs sans-papiers 42 .

    Depuis le dbut des annes 70, les diffrents gouvernementsont procd ponctuellement des vagues de rgularisation 43 ,

    mais celles-ci ont systmatiquement t prsentes comme desmesures au cas-par-cas , ayant un caractre exceptionnel . Aucun gouvernement, de gauche comme de droite, na jusqualorstravaill tablir des critres prcis et durables permettant largularisation de travailleurs ou dimmigrs plus gnralement sans-papiers . Le dispositif des mtiers en tension noffre pasde solution non plus pour la rgularisation des travailleurs : les postesoccups par les grvistes ne figurent pas sur la liste des mtierspnuriques pour lesquels les employeurs sont autoriss recruterdes travailleurs trangers 44 .

    Les entreprises expriment pourtant un besoin de cestravailleurs, qui occupent des postes que, selon elles, les travailleurs

    franais ne sollicitent pas45

    . Si certains employeurs emploient destravailleurs sans-papiers en connaissance de cause, dautres lefont en respectant leurs obligations lgales, dans lignorance leursituation administrative 46 . Pour ces employeurs, les trav ailleurs quilsdcouvrent tre en situation irrgulire sont des collaborateurs devaleur quils souhaitent garder au sein de lentreprise. Ain si lesentreprises bnficiant de contacts dans les prfectures ou lesministres concerns grent-elles les dossiers de rgularisationindividuellement et de manire officieuse. Pour les autres, souventdes PME, le s eul recours est de sadresser au reprsentant politiquelocal . Aucun de ces dmarches nest assure dtre couronne desuccs. Un certain nombre demp loyeurs prfrent ainsi licencier un

    42 Le 28 novembre 2012, une circulaire est publie par le ministre de lIntrie ur avecpour objectif de clarifier les modalits de rgularisation dun travailleur tranger. Descritres prenant en compte le temps de prsence sur le sol franais, lanciennetdans lentreprise et la situation de lemploi du travailleur sont noncs. L opposabilitdu march du travail est supprime. Une circulaire reste cependant un texte informelqui na pas force de loi , et dont lapplication reste lapprciation des prfets.43 Par exemple, en juin 1973, suite des grves de travailleurs trangers ensituation irrgulire, le gouvernement publie la circulaire Gorse (du nom du ministrede lIntrieur) qui permet la rgularisation des travailleurs sans-papiers munisdun contrat de travail et entrs sur le territoire avant le 1 er juin 1973; en 1982, le

    gouvernement de Pierre Mauroy rgularise 100 000 immigrs sans-papiers ; desrgularisations sont galement effectues lors du mouvement de grve de la faimentam par des immigrs sans-papiers en juillet 1996.44 Barron, P. et al. (2011), op. cit., 51.45 Entretien collectif, novembre 2011.46 Une circulaire publie en 2007 requiert des employeurs quils envoient, avantchaque recrutement, une copie des papiers du travailleur tranger qu ils souhaitentembaucher la prfecture, afin que celle-ci vrifie leur authenticit. Cependant, destravailleurs sans-papiers peuvent prsenter des papiers valides appartenant quelquun dautre. Dans ce cas, il revient lemployeur de juger si la personne quil aen face de lui est bien la personne reprsente sur les papiers prsents. Cettevrification peut tre errone.

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    conomique, principalement en raison de la sensibilit politique dusujet. Elles auront nanmoins un impact important sur le dbat public,car elles permettront de mettre en avant un discours diffrent sur lestravailleurs sans-papiers et leurs employeurs et, partant, sur le

    phnomne migratoire en gnral.Le Groupement des employeurs pour la rgularisation deleurs salaris (GERS)

    A lautomne 2007, Johan Le Goff, patron de trois PME en rgionparisienne dcouvre quun de ses intrimaires, quil souhaitaitembaucher, est en situation irrgulire. A la recherche dune solutionpour rgulariser sa situation, il rencontre Jean-Claude Amara, porte-parole dune association agissant aux cts des grvistes, qui le meten contact avec une vingtaine demployeurs de travailleurs sans-papiers . Au dbut de lanne 2008, une vingtaine de patrons crentainsi le GERS 49 .

    Lobjectif de ce groupe est de dfendre la cration dun principe gnral de rgularisation dune personne donne , endautres termes ltablissement de critres clairs de rgularisation, quisappliquerait tous les mtiers, pnuriques ou non. Ils demandentgalement la dpnalisation des employeurs sollicitant largularisation de leurs travailleurs 50 . Pour les membres de ce groupe,la cration dun dispositif de rgularisation est une ncessitconomique car leurs salaris trangers sont des lments de[leur russite 51 . Ils mettent galement en avant leur lgitimit faire cette demande en se d tachant de limage du patron voyou .Pour le GERS, la rgularisation ne doit concerner que les travailleurs sans-papiers embauchs lgalement cest--dire bnficiantdun contrat de travail et de conditions de travail en rgle, et dont lescharges sociales sont payes par lentreprise. Enfin, les patronsmembre du GERS signalent leur rticence simpliquer politiquementsur cette question. Ainsi Johan Le Goff dclare-t-il que pour ceuxqui sont dj l, il faut rgulariser les salaris ncessaires lentreprise. Si, aprs, ils veulent durcir leur politique dimmigration,pourquoi pas ? Mais quon ne soit pas pris en otage 52 .

    L Approche commune Ces trois axes du discours du GERS ncessit conomique,lgitimit morale, refus de limplication politique seront repris en2010 lors dune deuxime mobilisation patronale.

    Le 28 dcembre 2009, Sophie de Menthon, prsidente delorganisation patronale Entreprises de taille humaine indpendanteset de croissance (ETHIC) signe une tribune dans Les Echos demandant un moratoire sur les poursuites encourues par les patrons

    49 Barron, P. et al. (2011), op. cit., 68.50 Barron, P. et al. , ibid., 69.51 Le Monde , 25 avril 2008, in Barron, P. et al. , ibid., 70.52 Dpche Associated Press, 23 avril 2008, in Barron, P. et al. , ibid ., 69.

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    qui souhaiteraient rgulariser des travailleurs sans-papiers 53 . Anouveau, cette demande est justifie par le fait que ce moratoire neconcernerait que les patrons ayant embauch leurs travailleurslgalement. Le 26 janvier 2010, Francine Blanche, secrtaire

    confdrale de la CGT, rpond cette demande par une tribune dansle mme journal, encourageant le dialogue entre acteursconomiques et syndicaux sur la question de la main duvretrangre 54 .

    En mars 2010, un groupe dacteurs runissant syndicats,entreprises et reprsentations patronales (CGT ; CFDT ; Unionnationale des syndicats autonomes ; Fdration syndicale unitaire ;Union syndicale Solidaires ; Syndicat national des activits dudchet ; les organisations patronales CGPME Confdrationgnrale du patronat et des petites et moyennes entreprises etETHIC ; len treprise Veolia Propret) adressent un texte au ministredu Travail intitul Approche commune . Celui-ci demande

    ltablissement de conditions prcises et objectives dobtentiondautorisation de travail et de sjour correspondant, pour les salaristrangers " sans-papiers " mais qui sacquittent, de mme que leursemployeurs, de leurs cotisations et impts 55 , ainsi que louverturedune discussion tripartite patronat, syndicats, gouvernement, surla rgularisation des salaris sans titre de sjour mais occupant desemplois dclars 56 .

    A nouveau, largument de la ralit conomique est mis enavant. Franois Davy, alors PDG dAdecco France , explique que laFrance a besoin de cette main- duvre 57 car il y a des mtiersque les nationaux ne veulent pas exercer 58 . Largument sarticulelogiquement avec la volont daborder la question des grves detravailleurs sans-papiers comme une question dordre purementconomique. Sophie de Menthon dclare : Nous, patrons, et mmela CGT, ne voulons pas nous mler de politique dimmigration, cest

    53 De Menthon, S. (28 dcembre 2009) La vrit sur les sans-papiers . LesEchos. http://www.lesechos.fr/28/12/2009/LesEchos/20581-074-ECH_la-verite-sur-les-sans-papiers.htm 54 Blanche, F. (26 janvier 2010) Sans papiers, mais dabord salaris . Les Echos. http://www.lesechos.fr/26/01/2010/LesEchos/20601-72-ECH_sans-papiers--mais-d-abord-salaries.htm 55 ETHIC, CGT, CFDT, UNSA, FSU, Union syndicale Solidaires, CGPME, VoliaPropret, Syndicat National des activits du dchet. (8 mars 2010) Approchecommune sur la rgularisation des travailleurs sans papiers . Communiqucommun.http://www.solidaires.org/IMG/pdf/communique_commun_8_mars2010.pdf 56 Van Eeckhout, L. (7 avril 2010), op. cit. 57 Van Eeckhout, L. (8 octobre 2008) Lintrim confont aux revendications destravailleurs sans-papiers . Le Monde .58 Charles Mercer, prsident de la Fdration nationale de lhabillement in VanEeckhout, L. (7 avril 2010), op. cit.

    http://www.lesechos.fr/28/12/2009/LesEchos/20581-074-ECH_la-verite-sur-les-sans-papiers.htmhttp://www.lesechos.fr/28/12/2009/LesEchos/20581-074-ECH_la-verite-sur-les-sans-papiers.htmhttp://www.lesechos.fr/28/12/2009/LesEchos/20581-074-ECH_la-verite-sur-les-sans-papiers.htmhttp://www.lesechos.fr/26/01/2010/LesEchos/20601-72-ECH_sans-papiers--mais-d-abord-salaries.htmhttp://www.lesechos.fr/26/01/2010/LesEchos/20601-72-ECH_sans-papiers--mais-d-abord-salaries.htmhttp://www.lesechos.fr/26/01/2010/LesEchos/20601-72-ECH_sans-papiers--mais-d-abord-salaries.htmhttp://www.solidaires.org/IMG/pdf/communique_commun_8_mars2010.pdfhttp://www.solidaires.org/IMG/pdf/communique_commun_8_mars2010.pdfhttp://www.solidaires.org/IMG/pdf/communique_commun_8_mars2010.pdfhttp://www.solidaires.org/IMG/pdf/communique_commun_8_mars2010.pdfhttp://www.solidaires.org/IMG/pdf/communique_commun_8_mars2010.pdfhttp://www.lesechos.fr/26/01/2010/LesEchos/20601-72-ECH_sans-papiers--mais-d-abord-salaries.htmhttp://www.lesechos.fr/26/01/2010/LesEchos/20601-72-ECH_sans-papiers--mais-d-abord-salaries.htmhttp://www.lesechos.fr/28/12/2009/LesEchos/20581-074-ECH_la-verite-sur-les-sans-papiers.htmhttp://www.lesechos.fr/28/12/2009/LesEchos/20581-074-ECH_la-verite-sur-les-sans-papiers.htm
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    pas notre problme ! () Nous parlons ici exclusivement dutravail 59 . Enfin, la lgitimit morale des patrons demander largularisation de leurs travailleurs est galement mise en avant :seuls les employeurs ayant embauch leurs travailleurs lgalement

    sont concerns par l approche commune .

    L chec des m obi l isat ions

    Les deux mobilisations se solderont par un chec. Sur leterrain, les prises de position patronales ne sont pas soutenues par legouvernement. Le GERS se dlite faute de soutien des organisationspatronales, de partis politiques ou du gouvernement. Le ministre duTravail refuse de recevoir ses reprsentants et les redirige vers leministre de l Immigration, qui ne soutient pas non plus linitiative 60 .

    Les ngociations tripartites demandes par les partenaires del approche commune nont pas lieu , et la mobilisation stiole.

    Prvalence des facteurs politiques sur les facteursconomiquesCest quentreprises et gouvernement dfendent ce moment -l desintrts diffrents. Le gouvernement continue de durcir la politiquemigratoire, en particulier envers les travailleurs clandestins, et lesentreprises ne sont pas pargnes. En novembre 2009, les sanctionscontre les entreprises employant des travailleurs sans-papiers sont durcies et le ministre du Travail propose mme la fermeture

    administrative dune entreprise sil est avr que son activit estconstruite autour du travail illgal ou lemploi de travailleurs trangerssans titre de travail 61 . Un quotidien rgional rsume la situation : Les employeurs dtrangers en situation irrgulire sont dans lecollimateur du gouvernement 62 . Le ministre de lImmigrationannonce simultanment un projet de loi prvoyant un arsenalcomplet de lutte contre les abus en la matire 63 . Ce durcissementest peru par de nombreux commentateurs comme une stratgielectorale : A quatre mois des lections rgionales de mars 2010, legouvernement cherche se donner une image de fermet 64 qui

    59 Sophie de Menthon, in Barron, P. et al. (2011), op. cit., 252. 60 Barron, P. et al. (2011), ibid., 70.61 Peillon, L. (27 novembre 2009) Baston autour des patrons de sans-papiers .Libration. 62 Gast-Peclers, C. (23 novembre 2009) Sans-papiers : aprs Darcos, Bessonsen mle . Le Parisien .63 Van Eeckhout, L. (25 novembre 2009) Immigration, sans-papiers : la batailleUMP- PS moins frontale quil ny parat . Le Monde .64 Van Eeckhout, L. ibid.

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    lutilisation de textes infra -lgislatifs (tlgramme, circulaire, guide debonnes pratiques) qui nont pas de valeur lgal e et sont facilementmodifiables. Le gouvernement fait galement durer les ngociations,comme dans le cas de l approche commune 68 . Enfin, il

    dcourage ponctuellement la mobilisation des employeurs par desactions dintimidation , par exemple en menaant une entreprise quidemanderait avec trop dinsistance la rgularisation de sestravailleurs denvoyer des inspecteurs du travail dans sonexploitation 69 .

    Le silence des organisations patronalesLe positionnement des organisations patronales est significatif cetgard. Cet acteur est le grand absent des mobilisations patronalesautour de la rgularisation des travailleurs sans-papiers .

    Au dbut des grves, certains dirigeants dorganisationspatronales se sont exprims en faveur de la rgularisation destravailleurs sans-papiers 70 . En avril 2008 par exemple, DidierChenet, prsident du Synhorcat, publie un communiqu demandantune rgularisation massive des salaris embauchs de faontransparente , cest --dire lgalement 71 . Deux jours plus tard, AndrDaguin, prsident de lUMIH , dclare quun salari dclar, dontlemployeur paie les charges et qui donne entire satisfaction, doittre rgularis 72 . Ces prises de position valent aux deuxreprsentants patronaux des reprsailles de la part dugouvernement : annulation dun rendez -vous pour discuter de cettequestion avec le cabinet du Premier ministre, intimidation de la part

    de reprsentants du gouvernement pour dcourager la mobilisationdes patrons 73 . La prise de position de certains reprsentantspatronaux sur la question leur aurait cot [leur poste 74 . Enconsquence, de moins en moins de reprsentants patronauxsexpriment sur la question. Pour un participant aux ngociations

    68 Entretien collectif, janvier 2012.69 Entretien collectif, janvier 2012.70 Cette position nest pas forcment contradictoire avec celle adopte au milieu desannes 2000, en opposition la mise en uvre dune politique dimmigration choisie.Dan s ce discours, il nest pas question de faire venir de travailleurs de ltranger ,mais plutt de former les chmeurs franais aux mtiers pnuriques et de rgulariserles travailleurs trangers dj sur le territoire.71 Mathieu, C. (23 avril 2008) Les patrons de la restauration pour une rgularisationmassive . LHumanit . 72 Coroller, C et R. Remande. (18 avril 2008) Les patrons avec leurs sans-papiers . Libration. 73 Barron, P. et al. (2011), op. cit., 67.74 Entretien collectif, janvier 2012.

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    entre entreprises et grvistes : la messe tait dite du ct patronal :plus on se tait, mieux on se porte. 75

    Dans ce contexte, les organisations patronales nereprsentent plus les intrts de leurs adhrents. Elles ne dfendent

    pas auprs du gouvernement la ncessit dtablir des critres clairsde rgularisation. Les entreprises allant demander un soutien leurbranche, ou directement au MEDEF, sur la question du recrutementde travailleurs dans les secteurs pnuriques, se voient opposer unefin de non-recevoir : ce sujet-l, on ne veut pas en entendre parler.a part, cest au gouvernement, et pas ailleurs 76 .

    Un impact durable malgr lchec politique Le mouvement de grve des travailleurs sans-papiers force lesentreprises, un acteur jusque l trs discret, prendre position dansle dbat public sur les politiques migratoires. Si la majorit desentreprises reste dans une position ractive, certaines se mobilisentpour demander au gouvernement une solution pour rgulariser lestravailleurs sans-papiers dans leurs effectifs.

    Cette alliance ne se solde pas par un succs politique. Legouvernement ne souhaite pas engager de discussion de fond sur laquestion de la rgularisation des travailleurs sans-papiers , malgrla politique d immigration choisie et les besoins exprims par lesentreprises. La trs forte politisation de la question migratoire,construite comme un enjeu lectoral, ne facilite pas les ngociations.

    Malgr lchec poli tique, le partenariat entre employeurs etacteurs de la socit civile a eu un impact sur le dbat public. Il apermis de mettre en avant une autre vision du travailleur sans-

    papiers et de son employeur. Le mouvement de grve a tournlattention des mdias vers ces employeurs, permettant ainsi deproposer une image plus nuance de ceux qui taient perus defaon gnrique comme des voyous . Les mdias ont relay lesexpriences de travailleurs sans-papiers exploits par desemployeurs indlicats 77 , mais galement les tmoignages depatrons recrutant des travailleurs lgalement, dans lignorance de leursituation administrative 78 , ou de patrons solidaires de leurstravailleurs, se battant pour leur rgularisation 79 . Ensuite, les acteursde la mobilisation eux-mmes ont port un discours nouveau : en seconcentrant sur la lgalit de lembauche plut t que sur le statutadministratif du travailleur, les grvistes, les membres du GERS et de

    l approche commune ont mis en avant une image du travailleur

    75 Entretien avec George Hernot, conseiller en relations sociales et mdiateur lors dela grve du restaurant La Grande Arme, in Barron, P. et al. (2011), op. cit., 67.76 Entretiens collectifs, novembre 2011 et janvier 2012.77 Tabet, M-C. (21 octobre 2005), op. cit. 78 Tabet, M-C. (30 juin/1 juillet 2007) Le chef alsacien tait un Marocain sanspapiers . Le Figaro .79 Van Eeckhout, L. (7 avril 2010), op. cit.

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    sans-papier comme tant un travailleur mritant et citoyen, et delemployeur comme un acteur socialement responsable .

    On peut supposer que cest le partenariat avec les acteurs dela socit civile qui permet la prise de parole publique des

    employeurs dans un contexte trs dfavorable. Comme le rsumeavec humour Sophie de Menthon : quand un mouvement quisappelle Ethi c, qui est un mouvement de patrons, est entirementdaccord avec la CGT, a doit prouver quand mme quon na pascompltement tort. 80 Ce partenariat lgitime la prise de parolepatronale, en certifiant la responsabilit sociale et morale desemployeurs, et donc leur lgitimit sexprimer.

    80 Barron, P. et al. (2011), op. cit., 250.

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    Les bons migrants pris pourcible : la mobilisation slargit

    Cette vision marque le dbat public et sera reprise par lesemployeurs lors dun nouveau dbat sur le recrutement detravailleurs trangers au printemps 2011.

    2011-2012 : un d urc iss ement acc ru despoli t iques migratoires

    Dsaveu de la politique d immigration choisie Un deuxime dbat sur le recrutement de travailleurs trangerssouvre au printemps 2011. Le durcissement de la politique migratoireest poursuivi par le gouvernement, par le biais de mesures de plus enplus radicales : en avril 2011, le ministre de lIntrieur annonce pourla premire fois son intention de rduire le flux dimmigration lgale de 20.000 entres par an 81 . Cette mesure affecte en premier lieu lespersonnes venant travailler ou tudier en France, les fluxdimmigration familiale ou de demandeurs dasile tant rgis par desconventions internationales.

    Cette mesu re soppose directement au discours sur unepolitique de l immigration choisie , dont lun des lmentscentraux tait laugmentation de la proportion dimmigrs se rendanten France pour des motifs de travail 82 . Le ministre de lIntrieurdclare alors que contrairement une lgende (), il est inexactque nous ayons besoin de talents, de comptences issues delimmigration 83 . Le gouvernement justifie ces mesures par le besoinde prserver la capacit du pays absorber efficacement les fluxmigratoires, tant en terme dintgration une antienne des dbats

    81 Le Monde avec AFP. (16 avril 2011) Immigration lgale : Guant veut supprimer20 000 autorisations par an , Le Monde.82 Nicolas Sarkozy dclare vouloir mettre en place un systme dans lequel plus de50% des immigrs entreront pour rpondre des besoins identifis du march dutravail , in Sarkozy, N. (6 septembre 2005) Des flux mieux contrls pour le biendes immigrs. Libration. 83 Lomazzi, M. (24 mai 2011) Le gouvernement lance le dbat sur limmigration dutravail . Le Parisien.

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    publics sur limmigration 84 quen termes conomiques. Diffrentsreprsentants du gouvernement expliquent qu avec nos difficults fournir un travail tous n os nationaux () nous devonsnous poser la question de l'immigration lgale 85 ; la priorit est de

    former les demandeurs demplois pour occuper ces postes . 86

    En mai 2011, une circulaire communment appele circulaire Guant - du nom du mini stre de lIntrieur - limite lespossibilits demploi dtudiants trangers. En juin de la mmeanne, la liste des mtiers en tension ouverts aux travailleursextra-communautaires est rduite de moiti. Les personnes issues depays non-membres de lUnion Europenne ne peuvent dsormaisoccuper que quinze mtiers.

    La mesure phare (et unique) du gouvernement dans le cadredune politique dimmigration axe sur les besoins du march dutravail ltablissement dune liste de mtiers en tension est ainsirabote et le gouvernement, par le biais de la circulaire Guant,

    signale sa volont de toucher une population qui navait jusqualors jamais t vise par le durcissement des politiques migratoires : lestudiants trangers.

    La circulaire Guant : un nouveau publicLa loi autorise les tudiants trangers effectuer une exprienceprofessionnelle en France au terme de leurs tudes : ils bnficientdune autorisation provisoire de sjour qui leur permet de chercher dutravail. La situation de lemploi ne leur est pas opposable pendantcette priode et les tudiants concerns peuvent donc tre recrutssur des secteurs o il ny a pas de pnurie de main -duvre. Pou r

    cela, ltudiant doit complter une procdure de chang ement destatut, qui le fera passer du statut dtudiant au statut de travailleur.Cette procdure est effectue par la prfecture dont dpendltudiant, sur sa demande et aprs signature dun contra t de travailavec une entreprise. Le 31 mai 2011, le gouvernement publie unecirculaire enjoignant aux prfets d instruire avec rigueur lesdemandes dautorisation de travail et de procder un contrleapprofondi pour les tudiants trangers voulant changer de statut etdemandant un visa professionnel 87 .

    La circulaire, par dfinition, ne change pas la loi celle-cipermet toujours aux tudiants ayant termin un cursus en France debnficier dune premire exprience professionnelle sur le ter ritoire.

    Mais elle enjoint aux prfets de ne donner qu exceptionnellement des autorisations provisoires de sjour ces tudiants. Plus

    84 Voir notamment Spire, A. (2005) Etrangers la carte : ladministration delimmigration en France (1945 -1975). Paris : Grasset.85 Le Monde. (3 mai 2011) Rduction de limmigration l gale : Sarkozy appuieGuant .86 Plichon, O. (26 juillet 2011) Le gouvernement rduit la liste des mtiers pour lesimmigrs . Le Parisien. 87 Soul, V. (1 juin 2012) La circulaire Guant rduite nant . Libration.

    http://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/deuxieme-groupe/fournirhttp://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/poserhttp://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/premier-groupe/poserhttp://conjugaison.lemonde.fr/conjugaison/deuxieme-groupe/fournir
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    gnralement, les termes employs dans le texte de la circulaire( rigueur , contrle , rigoureusement limite , aucunefacilit particulire dans lexamen de la procdure ), ainsi que le lienfait avec la crise conomique ( lune des plus svres de

    lhistoire ), le chmage, et lobjectif de diminution des flux fix par legouvernement, envoient un message restrictif : il faut diminuer lenombre dimmigrs en slectionnant rigoureusement les tudiantsautoriss travailler en France. A nouveau, la figure du patronvoyou est convoque pour justifier cette nouvelle mesure : leministre de lIntrieur d clare propos de la circulaire que lesservices de lEtat apportent de surcrot une attention particulire ceque le recours limmigration professionnelle ne soit pas unemanire de servir des salaires infrieurs au niveau du march 88 .

    Limpact de la circulaire sur les entreprises est immdiat : denombreuses procdures de recrutement dtudiants trangersaboutissent un refus des prfectures. Des tudiants dj

    embauchs et en attente de leur autorisation de sjour doivent trelicencis par les entreprises. Selon Jacques Adoue, directeur desRessources humaines de Cap Gemini France, les dossiers de plusdune centaine de jeunes ingnieurs que nous souhaitons recrutersont bloqus, et ils ont t obligs de repartir chez eux 89 . Lesemployeurs interrogs ont tmoign avoir t touchs par cettecirculaire : certaines procdures de recrutement ont d tre stoppes,dautres se sont soldes par un refus. Un employeur ayant recrutune trentaine dtudiants suite leur stage de fin dtude a t o bligde les licencier et de les recruter par la suite dans une filiale de leurpays dorigine, afin de les faire revenir au sige en France dans lecadre dune mobilit intragroupe.

    Un e m obil is ation larg ie

    Mobilisation unanime des acteurs conomiquesLe contexte politique est, cette fois galement, tendu. Ledurcissement du gouvernement nest pas propice la mobilisationdes employeurs. Pourtant, le mme scnario va se rpter : lapolitique migratoire pose des problmes conomiques aigus dans lesentreprises, et des employeurs vont se mobiliser, aux cts dacteu rsde la socit civile, pour faire valoir leurs besoins auprs dugouvernement. Cette fois-ci, la mobilisation sera plus tendue, pourles employeurs mais aussi les organisations patronales, etnotamment le MEDEF, qui vont dfendre les mmes positions queleurs adhrents.

    88 Guant, C. (24 novembre 2011) LEtat ne restreint pas les visas des tudiantstrangers . Le Monde .89 Brafman, N et I. Rey-Lefebvre. (21 dcembre 2011) Etudiants trangers : lamobilisation ne faiblit pas . Le Monde.

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    Un front uni se dveloppe ainsi en raction la circulaire. Ilrassemble tudiants, universitaires, syndicats, organisationspatronales et entreprises. Les tudiants trangers se mobilisentdabord, accompagns du monde universitaire 90 , par le biais de

    manifestations. Le Collectif du 31 mai est cr pour coordonnercette mobilisation. Pierre Tapie et Louis Vogel, respectivementprsident de la Confrence des grandes coles et prsident de laConfrence des prsidents duniversit, sont deux acteurs -cls decette mobilisation, tant par leur participation aux mobilisations queleurs dclarations dans la presse et leurs actions directes auprs desresponsables politiques 91 . Les syndicats se mobilisent galement :lUNEF, syndicat tudiant, mais galement la CGT, sensibilise laquestion du recrutement des travailleurs trangers par le mouvementde mobilisation des travailleurs sans-papiers . Les organisationspatronales, MEDEF en tte, se positionnent clairement contre lacirculaire 92 , ainsi que des entreprises comme LOral ou

    Ernst&Young. Dautres sexpriment dans la presse sur les difficultsquils rencontrent recruter des lments dont ils ont besoin. Desreprsentants de la CGPME expliquent qu il faut que nosentreprises soient capables dhonorer leurs carnets decommandes 93 ; sans les immigrs, de nombreux secteursconomiques seraient en grande difficult. 94 La question estgalement lobjet dune couverture m diatique trs importante, enparticulier dans la presse conomique, largement critique envers lacirculaire.

    Une cause inattaquable

    La diffrence avec la mobilisation prcdente quant au nombredemployeurs engags peut sexpliquer par plusieurs facteurs . Toutdabord, les entreprises nencourent pas de risques pnaux semobiliser : le recrutement dtudiants trangers nest pas illgal.Surtout, les employeurs, dans le cas de la circulaire Guant, nontpas faire preuve de leur lgitimit se mobiliser : les opposants lacirculaire ne font que rappeler les engagements du gouvernement entermes dimmigration professionnelle , et cest plutt la volt e-face dece dernier sur le sujet qui apparat illgitime.

    90 Fieck, I. et M. Bellan. (3 octobre 2011) Menace sur les diplms trangers enentreprise . Les Echos. 91 Floch, B. et E. Vincent. (28 septembre 2011) Les grandes coles dnoncent larestriction de laccs lempl oi des tudiants trangers . Le Monde. 92 Alaniou, B. (13 novembre 2011) Les tudiants trangers pris au pige de lacirculaire Guant . Le Parisien. 93 Rosenweg, D. (19 avril 2011) Bertrand veut moins de travailleurs immigrs . LeParisien .94 Charles Mercer, prsident de la Fdration nationale de lhabillement , proposrecueillis par Hacot, V. (24 mai 2011) Les Franais refusent les mtiers difficiles .Le Parisien.

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    Les tudiants, des immigrs diffrents et dsirablesSappuyant sur le discours sur l immigration choisie distill par legouvernement depuis le milieu des annes 2000, les acteursconomiques prsentent les tudiants trangers comme des

    travailleurs dsirables car ne posant pas de problmes de chmageou d intgration , et participant la croissance conomique desentreprises franaises. Ils ne prennent la place de personne selonle MEDEF, car ils sont sur des postes souvent hauteresponsabilit l'international, o on a besoin de ces talentsparticuliers et de ces nationalits 95 . Les tudiants trangersrendraient les entreprises plus comptitives parce quils permettraientde faciliter le dveloppement de marchs ltranger 96 , ou plusgnralement damliorer la performance des quipes 97 .

    Cette vision est partage dans les mdias. Dans les articlessur le sujet, les tudiants trangers sont prsents comme desimmigrs dsirables et au pire inoffensifs du fait de leur niveau de

    qualification lev ils sont issus des meilleures colesfranaises 98 , et de leur appartenance perue une lite trangre 99 .

    Les motivations lectoralistes du gouvernementPour une majorit de commentateurs dans la presse, la circulairenaurait pa s pour objectif de mettre en uvre une politique migratoireadquate , mais dengranger le plus de suffrages possibles dans laperspective des lections prsidentielles. Il ny aurait pas deconcurrence directe entre trangers et nationaux car les trangersoccupent des positions que les Franais ne veulent pas occuper oupour lesquels il y a une pnurie de travailleurs 100 . L'impact rel sur lemarch de l'emploi serait incertain , le nombre demplois librs tant limit (10.000 12.000 postes au maximum) 101 .La circulaire viserait plutt permettre au gouvernement [ enpleine campagne prsidentielle, dafficher, comme il sy tait engag,

    95 20 minutes. (17 dcembre 2011) Diplms trangers : la circulaire Guantproccupe les entreprises .96 Franois de Wazires, directeur international du recrutement chez LOralexplique que ces profils (diplms trangers brsiliens, chinois ou du Moyen-Orient) sont stratgiques pour notre entreprise, car ce sont les marchs sur lesquelsnous avons les plus grosses perspectives de croissance. in Vincent, E. (17novembre 2011) Mobilisation croissante en faveur des diplms trangersmenacs dexpulsion . Le Monde. 97 M. Mickeler, DRH de lentreprise Deloitte , dit quil na pas seulement besoin dunHEC ou dun Essec, mais aussi dune personne qui a une double culture. () Cettediversit de points de vue na pas de prix in Vincent, E. (17 novembre 2011), ibid.98 Vincent, E. (14 janvier 2012) La nouvelle circulaire sur les tudiants trangers nelve pas toutes les ambiguts . Le Monde. 99 La Snatrice Bariza Khiari in Vincent, E. (16 novembre 2011), op. cit. 100 Le Parisien. (24 mai 2011) La place des travailleurs immigrs danslconomie .101 Bellan, M et D. Perrotte. (25 juillet 2011) Guant rduit de moiti la liste desmtiers ouverts aux trangers . Les Echos .

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    une baisse de l"immigration lgale" 102 . Le diagnostic est le mmechez les acteurs conomiques, pour qui la circulaire cherche sduire les lecteurs et obit une logique politique qui faitabstraction des phnomnes conomiques 103 .

    Les acteurs conomiques se mobilisent peu autour deproblmatiques lies aux politiques migratoires. La sensibilitpolitique de la question et les risques que les entreprises qui semobilisent prennent en termes dimage peuvent tre des facteursinhibants. Dans ce contexte, la capacit proposer un discourslgitime semble tre une des conditions de la participation desentreprises au dbat public.

    Succs de la mobilisation : retour au statu quoFace lampleur de la mobilisation et la prise de distance dunnombre croissant de membres du gouvernement ou de lUMP, legouvernement assouplit progressivement ses directives sur lestudiants trangers. Jean-Pierre Raffarin dnonce une stratgieinternationale absurde 104 , et Laurent Wauquiez, alors ministre delEnseignement suprieur, ira jusqu dire : on sest plants, il fautle dire clairement 105 . Une nouvelle circulaire est publie en janvier2012, quelques mois avant llection prsidentielle, prenant encompte les enjeux en termes dattractivit et de comptitivit 106 . Leretour au discours d une politique migratoire axe sur les besoins dumarch du travail est act 107 .

    Cette seconde mobilisation confirme certainescaractristiques de la mobilisation des entreprises et de la relationquelles entretiennent avec le gouvernement sur la question des

    politiques migratoires. Entreprises et gouvernement dfendent desintrts opposs ; les entreprises sont ngativement affectes par lapol itique migratoire mise en uvre ; le gouvernement utilise lapolitique migratoire pour dfendre des objectifs dordre politique ; etles employeurs se mobilisent , en dpit dun contexte dfavorable,lorsquils sont touchs au cur de leur activit mais galementlorsque la mobilisation peut-tre prsente comme tant lgitime.

    102 Vincent, E. (14 janvier 2012), ob.cit. 103 Entretien collectif, novembre 2011.104 Floch, B et E. Vincent. (28 septembre 2011), ob.cit. 105 Vincent, E. (samedi 24/dimanche 25/lundi 26 decembre 2011) Claude Guantse rsout assouplir la circulaire sur les tudiants trangers . Le Monde .106 Polony, N. (5 janvier 2012) Une nouvelle circulaire sur les tudiantstrangers . Le Figaro. 107 Lune des premires mesures du gouvernement lu en mai 2012 sera dailleurs lasuppression de la circulaire, lambition affiche tant d attirer les meilleurstudiants, notamment ceux de master et de doctorat in Tassel, F. (26 avril 2013) Attirer les plus qualifis : une approche consensuelle . Libration.

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    Conclusion

    Les entreprises se trouve nt au cur des politiques sur les migrationsde travail : p arce quelles sont directement vis es par ces politiques,mais aussi parce quelles jouent un rle central dans laccueil destravailleurs trangers. Ltude directe de la participation desentreprises au dbat public sur les politiques migratoires renforce cediagnostic de dpart. Les entreprises sont souvent le premierinterlocuteur des travailleurs trangers et leur point de passage vers

    des papiers et des droits sociaux (mais galement un logement, uneaide juridique, laccompagnement dans certaines procdures) vialtablissement dun contrat et dune r elation de travail. Ce rlesaugmente de responsabilits dlgues par lEtat, comme lecontrle de la validit des autorisations de travail.

    Pourtant, les entreprises ne sont pas intgres dans leprocessus de conception des politiques publiques : elles ne sontconsultes que sporadiquement par le gouvernement, quand elles lesont, et souvent en raction des vnements spcifiques. De plus,le contexte politique est trs dfavorable leur participation. Le sujetdes migrations de travail, et plus gnralement de limmigration , esttrs sensible dans le dbat public, et trs politis. Il charrie avec luides peurs, comme celle de laugmentation du chmage du fait delentre sur le territoire de nouveaux travailleurs , ou de la dgradationdes conditions de travail en raison de la comptition avec lestravailleurs trangers - peurs qui se refltent dans les discourspolitiques. A lapproche dchances lectorales, les discourspolitiques de fermet sur la question migratoire fleurissent.

    Dans ce contexte, une prise de position des employeurscomporte des risques. En termes dimage tout dabord, lesemployeurs risquant d tre assimils des patrons voyous , unefigure centrale des discours sur le travail au noir et lembauche detravailleurs trangers. En termes politiques ensuite : entreprises etgouvernements successifs dfendent, dans la grande majorit descas, des intrts diffrents et parfois opposs, et ce malgr lediscours sur des politiques migratoires en adquation avec lesbesoins de lconomie franaise. Lorsque les acteurs conomiquesprennent la parole, ils expriment donc ncessairement un dsaccordavec certains aspects de la politique migratoire telle que mene parle gouvernement. Ce dernier a ainsi tendance dcourager les prisesde position des acteurs conomiques. Les organisations patronales,qui sont linterlocuteur logique du gouvernement sur ces questions etdont lutilit est prcisment de librer les entreprises du risque li une prise de parole, ne jouent pas leur rle : elles participent peu au

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    dbat , et lorsquelles le font elles ne dfendent pas toujoursfidlement les intrts de leurs adhrents.

    Les entreprises se mobilisent donc peu dans le dbat public.La forte politisation de la question migratoire n est pas le seul facteur

    susceptible dexpliquer cette absence des facteurs internes (culturede lentreprise, perception du rle de lentreprise dans la socit)peuvent avoir un impact 108 ; mais, on la vu, elle joue un rle central.Dans certains cas cependant, et sous certaines conditions, lesentreprises se mobilisent, dveloppant des stratgies ou profitantdopportunits qui diminuent le risque li leur prise de parole. Lacration de partenariats semble tre lune de ces conditions : ilspermettent de rompre lisolement des entreprises sur la scnepolitique et contribuent tablir la lgitimit de la mobilisation lments dcisifs dans un contexte politique sensible.

    108 Ltude de ces facteurs fait lobjet dune tude de terrain mene depuisseptembre 2013 dans des entreprises franaises. Le rapport final bas sur ce travailsera publi la fin de lanne 2014.

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    Recommandations

    Les politiques migratoires ne permettent pas aux entreprises derecruter les personnes dont elles ont besoin ou de le faire dans desconditions satisfaisantes. Celles- ci ont intrt sinvestir plus dans ledbat public sur les politiques migratoires afin que leurs besoinssoient mieux reprsents. Une politique rpondant plus efficacementaux besoins de recrutement des entreprises permettrait galementaux travailleurs trangers de venir en France dans de meilleures

    conditions, et rduirait la prcarit pour les travailleurs peu qualifis.De plus, l entreprise est un acteur dont la vision propre peut

    en richir llaboration d es politiques migratoires et aider les rendreplus efficaces. La mobilisation contre la circulaire Guant apermis la modification, puis le retrait , dun texte qui pr ivilgiait lalogique lectorale plus que lintrt commun. La mobilisation autourdes travailleurs sans-papiers a permis dintroduire dans un dbatpublic aux figures dj bien sdimentes une autre image delentreprise, loin de la figure du patron voyou . En participant audbat public sur les politiques migratoires, les entreprises pourraientproposer une vision positive de limmigration et des travailleurstrangers, et rompre ainsi la fois avec la vision dominante delimmigration comme problme , et avec la rentabilit politique quilui est associe.

    Le gouvernement mis en place la suite de llectionprsidentielle de 2012 a relanc lide dune politique dimmigrat ionprofessionnelle servant les besoins conomiques de la France 109 .Pour atteindre cet objectif, il apparat ncessaire de crer lesconditions d une participation effective des entreprises la rflexion -cette recommandation pourrai t dailleurs tre largie dautres typesdacteurs. Les difficults que rencontrent les entreprises pourparticiper au dbat sur les politiques migratoires, ou pour que leurcontribution y ait un impact, touchent dautres types dacteurs, issusde la socit civile mais galement du ministre du Travail parexemple, renvoyant une mme spcificit franaise : le quasi-monopole du ministre de lIntrieur sur llaboration et la mise enuvre de la politique migratoire

    109 Voir par exemple le discours de Manuel Valls au Snat : Snat. (24 avril 2013) Dbat sur limmigration tudiante et professionnelle . Compte rendu analytiqueofficiel du 24 avril 2013.http://www.senat.fr/cra/s20130424/s20130424_9.html

    http://www.senat.fr/cra/s20130424/s20130424_9.htmlhttp://www.senat.fr/cra/s20130424/s20130424_9.htmlhttp://www.senat.fr/cra/s20130424/s20130424_9.html
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    Crer les co nd itio ns po ur u ne p artic ipatio n d esentr epris es au dbat su r l es p olit iqu esm igratoires de travail

    InformerLun e des premires conditions permettant la participation desentreprises (ou dautres types dacteurs) est une bonne connaissancedes rglementations sur le recrutement et le maintien dans lemploide travailleurs trangers. Cest sur cette base que les entreprisespourront participer une discussion avec les parties prenantes llaboration des politiques migratoires. Or le niveau de connaissancedes rglementations est trs variable dans les entreprisesaujourdhui , et nombre de reprsentants dentreprise s disent leurrticence sexprimer sur un sujet quils ont limpression de ne pas

    assez bien matriser. Amliorer la prvisibilit des procdures doctroi de titrede sjou r/auto ris atio n d e tr avail

    La politique migratoire franaise est complexe, opaque etchangeante. Depuis 2003, les textes lgislatifs sur la questionmigratoire ont prolifr 110 . De plus, la connaissance des rglesformelles encadrant limmigration de travail ne suffit pas mener bien une procdure de recrutement : le succs ou lchec dune telleprocdure dpend de ces rgles mais galement des actionsindividuelles des diffrents interlocuteurs administratifs desentreprises ou des travailleurs trangers 111 , ce qui les rend peuprvisibles. La clarification des procdures, et ltablissement de

    critres clairs pour l obtention de titres de sjour/autorisations detravail font partie des objectifs du ministre de lIntrieur depuis2012 112 , mais les textes restent mal connus ou mal compris par lesentreprises, et les disparits entre prfectures demeurent. Il estsouhait able que le ministre de lIntrieur borne la capacitdinterprtation des acteurs en charge de la mise en uvre pratique

    110 Le Code de lentre et du sjour des trangers et du droit dasile (CESEDA) a tmodifi six fois, soit presque une fois par an sans compter les trs nombreuxdocuments infra-lgislatifs (circulaires, tlgrammes, notes internes). Ce Code

    navait connu que des modifications marginales depuis 1980.111 De multiples services administratifs sont impliqus dans les procdures doctroide titres de sjour/autorisations de travail, et ce de faon croissante, et tous ont lepouvoir de les influencer dans le cadre de leurs activits agents de Prfecture aupremier chef mais galement agents des Directions rgionales des entreprises, de laconcurrence, de la consommation, du travail et de lemploi (Direccte), des Caissesprimaires dassurance maladie (CPAM), insp ecteurs du travail, personnelshospitaliers 112 Voir le discours de Manuel Valls au Snat : Snat. (24 avril 2013) Dbat surlimmigration tudiante et professionnelle . Compte rendu analytique officiel du 24avril 2013.http://www.senat.fr/cra/s20130424/s20130424_9.html

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    duvre de la France, il apparat ncessaire de crer un systme deconsultation des entreprises. Ce systme devrait prsenter a minima les caractristiques suivantes :

    reprsentation des parties prenantes (ministres de

    lIntrieur, du Travail, de lEducation ; partis politiques ;entreprises ; reprsentants patronaux ; syndicats detravailleurs ; ONGs ; coles et universits ;chercheurs) ;

    frquence fixe et rgulire des runions ; calendrier de travail indpendant du calendrier

    lectoral.Renforcer le rle de transmission des organisations

    patronalesLes organisations patronales sont nouveau appeles jouer

    un rle pivot dans ce systme : elles pourraient participer lacompilation et lvaluation des besoins des entreprises en termesde main duvre, secteur par secteur.

    Diminuer les risques associs la participation audbatEnfin, pour permettre la participation des entreprises et desorganisations patronales au dbat public sur les politiquesmigratoires, il est ncessaire de diminuer les risques associs cetteparticipation.

    Co m m uniq uer s ur la d pnali sa ti on d es p ro cdu resLe risque pnal agit comme un rpulsif pour les entreprises

    qui souhaiteraient participer aux rflexions sur les politiquesmigratoires de travail. Bien que celui-ci ait t rduit pour lesemployeurs ayant recrut lgalement un travailleur sans-papier ,les discours successifs sur la lutte contre les patrons voyous ontlaiss des traces. Il est important pour le gouvernement dinsister,dans le dbat public, sur le rle positif jou par une majoritdemployeurs dans le parcours des travailleurs trangers (cf. infra ).

    Chan ger les term es d u dbatLimmigration est largement dcrite dans le dbat public

    comme un phnomne posant problme. Les employeurs qui

    question de limmigration de travail et des besoins du march du travail dans le cadrede la Commission tripartite p our lemploi. Elle rend des avis sur le catalogue desmtiers en tension prsent trimestriellement par le gouvernement. Pour plus dedtails, voir les deux notes du Centre Migrations et Citoyennets de lIfri : Joly, D. etK. Wadia. (fvrier 2012) Migration Policy and Irregular Workers in the UnitedKingdom . Notes de lIfri. http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7000&id_provenance=103&provenance_context_id=12 et Strckow, I. (mai 2012) Undocumented Workers in Spainand the Politics of Regularization . Notes de lIfri.http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7144&id_provenance=103&provenance_context_id=12 .

    http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7000&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7000&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7000&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7000&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7144&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7144&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7144&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7144&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7144&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7144&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7144&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7000&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7000&id_provenance=103&provenance_context_id=12http://ifri.org/?page=detail-contribution&id=7000&id_provenance=103&provenance_context_id=12
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    recrute nt des travailleurs trangers sont souvent accuss d aggraverle chmage en ne recourant pas aux demandeurs demploi franais . Ce discours ngatif sur limpact de limmigration s urlconomie franaise pouss e llaboration de politiques migratoires

    restrictives. Pourtant, le recrutement de travailleurs trangers, ensituation rgulire ou non, ne se fait pas au dtriment de la main-duvre nationale. Dans la majorit des cas, les employeursembauchent des travailleurs trangers lorsquils ne trouvent pas decandidats de nationalit franaise ou bnficiant dj duneautorisation de travail.

    Crer une politique migratoire rpondant aux besoins delconomie franaise, et participant ainsi son dynamisme, exige dela part des diffrents acteurs concerns mais en premier lieu dugouvernement, de mettre en avant dans le dbat public dautrestypes dinformations et de discours :

    valorisation des travaux de recherche mettant en avant

    lapport positif de limmigration sur lconomiefranaise ;

    prsentation rgulire des chiffres officiels delimmigration , pour mettre en avant, par exemple, lastabilit des flux depuis plusieurs dcennies, ou leurcaractre rduit par rapport la plupart des payseuropens ;

    valorisation, sous des formats dfinir (publication ;missions ; documentaires), des parcours de vie destravailleurs migrants et de leur apport lconomiefranaise.

    Dans ce discours, le rle positif jou par les entreprises dansle parcours professionnel mais galement personnel des travailleurstrangers doit galement tre soulign , afin dquilibre r le discourssur les patrons voyous :

    valorisation et mdiatisation des actions desentreprises pour faciliter et amliorer laccueil destravailleurs trangers (dispense de coursdalphabtisation et de frana is ; assistance dans lesdmarches administratives ; intgration dans unrseau professionnel)

    abandon du discours sur les patrons voyous ainsique sur les travailleurs fraudeurs .

    Transfo rm er la part icipation : vers unem eil leu re r part it io n d es r les

    Les entreprises participent dans les faits la mise en uvre despolitiques migratoires, par le biais de responsabilits dlgues par leministre de lIntrieur : contrle de la validit des papiers lembauche ; vrification des dates dexpiration des papiers Lescontraintes dcoulant de ces responsabilits ne sont pas

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    accompagnes davantages, comme par exemple lvalua tion desbesoins du march du travail : ce sont les prfectures, plus que lesentreprises, qui apprcient la situation conomique et sociale dansle dpartement .

    Et pourtant : les entreprises sont en premire ligne pour capter les tensions du march du travail. Le recrutement duntravailleur tranger est, dans la majorit des cas, un indicateur queles comptences recherches nont pas t trouves parmi lescandidats franais. Il pourrait donc tre utile de dlguer auxentreprises la responsabili t dapprcier le niveau de tension dunsecteur ou dun type de poste, en supprimant par exemple lo bligationquont ces dernires de publier une annonce Ple Emploi, quiallonge le processus de recrutement, ou celle de justifier par crittoute dcision de recruter un travailleur tranger.