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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 15 MISE AU POINT Chronobiologie en anesthésie-réanimation Concept, mécanismes et implications Frédéric Duflo, Romain Guyot, Dominique Chassard (photo) LES RYTHMES BIOLOGIQUES Durant la plus grande partie de notre cursus universitaire, l’approche de la physiologie humaine a tourné autour du concept d’homéostasie. Les idées de Claude Bernard (1), selon lesquel- les la plus petite variation d’un constituant du milieu intérieur déclen- che, chez le sujet sain, une cascade de processus qui tendent à corriger la perturbation, étaient considérées comme vérités premières. Grâce à l’homéostasie, les différentes valeurs physiologiques devaient se maintenir entre certaines limites. On parlait alors de « constantes » biologiques. Cependant, dès le XVIII e siècle, on avait observé une alternance des rythmes biologiques, confirmée chez l’homme par toute une série de travaux pratiqués en milieu souterrain. Ainsi, on retrouve pratiquement toujours, à l’étude quantitative des processus biochimiques, biophysi- ques ou pharmacologiques, des variations périodiques et pré- visibles dans le temps. Or, l’existence de phénomènes bio- périodiques est parfaitement compati- ble avec la notion d’homéostasie. Elle vient simplement compléter l’explica- tion des processus de régulation en limitant l’importance donnée aux phé- nomènes de « feedback ». En 1957, Reinberg et Ghata (2) ont pro- posé de reconnaître la rythmicité comme une propriété fondamentale de la matière vivante, que ce soit au niveau moléculaire, cellulaire ou de l’individu entier. Leurs travaux portaient essentiellement sur les variations du métabolisme du potassium. Depuis, on a pu établir que la presque totalité des régulations et sécrétions biologiques étaient sous l’influence du facteur temps. Des symptômes et maladies (asthme, angor) expriment aussi des variations temporelles. Enfin, les effets bénéfiques ou toxiques des thérapeutiques (chimiothérapie) sont soumis au nycthémère. La chronergie est l’étude des variations des effets d’un médicament sur l’organisme en fonction de l’heure d’admi- nistration. Elle dépend à la fois de la chronopharmaco- cinétique du médicament et de la chronesthésie ou susceptibilité des biosystèmes cibles en fonction du temps. La chronopharmacologie est l’étude des variations d’effica- cité d’un médicament en fonction du moment de son admi- nistration. Elle englobe deux parties : – la chronopharmacocinétique qui correspond aux change- ments rythmiques des paramètres pharmacologiques classi- ques d’un médicament comme la Cmax, la clairance, la demi-vie, le volume de distribution. Elle prend en compte également les variations de l’absorption, le transport ou l’élimination des substances ; – la chronesthésie qui correspond aux changements ryth- miques de l’activité d’un médicament pouvant être expli- qués par les modifications temporelles de l’organe cible par des changements de la perméabilité membranaire ou du nombre de récepteurs à une substance. CARACTÉRISATION D’UN RYTHME BIOLOGIQUE Une variation périodique peut être assimilée à une fonction sinusoïdale (figure 1). Halberg a donc proposé d’utiliser la fonction sinusoïdale se rapprochant le plus des valeurs expérimentales des séries temporelles. La méthode est connue sous le nom de Cosinor (3, 4), dans laquelle M est la moyenne (Mesor), A est l’amplitude, ω est la fré- quence angulaire, t est le temps et est l’acrophase, c’est-à-dire la position temporelle du sommet de la variation pour la période considérée. À partir des périodes prépondérantes, on dis- tingue plusieurs types de rythmes : – les rythmes ultradiens ou t < 20 heures ; – les rythmes circadiens ou 20 heures < t < 28 heures ; – les rythmes infradiens où t > 28 heures, qui se subdivi- sent en rythmes circasptidiens (t = 7 jours), en rythmes cir- camensuels (t = 1 mois) et en rythmes circannuels (t = 1 an). UBIQUITÉ DES RYTHMES BIOLOGIQUES Il existe des rythmes biologiques chez tous les organismes vivants, qu’ils appartiennent au règne animal ou végétal, et on retrouve ces rythmes à l’échelle de la cellule comme au simple niveau moléculaire (5). Les variations circadiennes La chronergie est l’étude des variations des effets d’un médicament sur l’organisme en fonction de l’heure d’administration.

Chronobiologie en anesthésie-réanimation

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 15

M I S E A U P O I N T

Chronobiologie en anesthésie-réanimationConcept, mécanismes et implications

Frédéric Duflo, Romain Guyot, Dominique Chassard (photo)

LES RYTHMES BIOLOGIQUES

Durant la plus grande partie de notrecursus universitaire, l’approche de laphysiologie humaine a tourné autourdu concept d’homéostasie. Les idéesde Claude Bernard (1), selon lesquel-les la plus petite variation d’unconstituant du milieu intérieur déclen-che, chez le sujet sain, une cascade de

processus qui tendent à corriger la perturbation, étaientconsidérées comme vérités premières. Grâce à l’homéostasie,les différentes valeurs physiologiques devaient se maintenirentre certaines limites. On parlait alors de « constantes »biologiques. Cependant, dès le XVIIIe siècle, on avait observéune alternance des rythmes biologiques, confirmée chezl’homme par toute une série de travaux pratiqués en milieusouterrain. Ainsi, on retrouve pratiquement toujours, àl’étude quantitative des processus biochimiques, biophysi-ques ou pharmacologiques, des variations périodiques et pré-visibles dans le temps. Or, l’existence de phénomènes bio-périodiques est parfaitement compati-ble avec la notion d’homéostasie. Ellevient simplement compléter l’explica-tion des processus de régulation enlimitant l’importance donnée aux phé-nomènes de « feedback ».En 1957, Reinberg et Ghata (2) ont pro-posé de reconnaître la rythmicitécomme une propriété fondamentale dela matière vivante, que ce soit au niveaumoléculaire, cellulaire ou de l’individu entier. Leurs travauxportaient essentiellement sur les variations du métabolismedu potassium. Depuis, on a pu établir que la presque totalitédes régulations et sécrétions biologiques étaient sousl’influence du facteur temps. Des symptômes et maladies(asthme, angor) expriment aussi des variations temporelles.Enfin, les effets bénéfiques ou toxiques des thérapeutiques(chimiothérapie) sont soumis au nycthémère.La chronergie est l’étude des variations des effets d’unmédicament sur l’organisme en fonction de l’heure d’admi-nistration. Elle dépend à la fois de la chronopharmaco-cinétique du médicament et de la chronesthésie oususceptibilité des biosystèmes cibles en fonction du temps.

La chronopharmacologie est l’étude des variations d’effica-cité d’un médicament en fonction du moment de son admi-nistration. Elle englobe deux parties :– la chronopharmacocinétique qui correspond aux change-ments rythmiques des paramètres pharmacologiques classi-ques d’un médicament comme la Cmax, la clairance, lademi-vie, le volume de distribution. Elle prend en compteégalement les variations de l’absorption, le transport oul’élimination des substances ;– la chronesthésie qui correspond aux changements ryth-miques de l’activité d’un médicament pouvant être expli-qués par les modifications temporelles de l’organe ciblepar des changements de la perméabilité membranaire oudu nombre de récepteurs à une substance.

CARACTÉRISATION D’UN RYTHME BIOLOGIQUE

Une variation périodique peut être assimilée à une fonctionsinusoïdale (figure 1). Halberg a donc proposé d’utiliser lafonction sinusoïdale se rapprochant le plus des valeursexpérimentales des séries temporelles. La méthode est

connue sous le nom de Cosinor (3, 4),dans laquelle M est la moyenne(Mesor), A est l’amplitude,

ω est la fré-quence angulaire, t est le temps et estl’acrophase, c’est-à-dire la positiontemporelle du sommet de la variationpour la période considérée. À partirdes périodes prépondérantes, on dis-tingue plusieurs types de rythmes :

– les rythmes ultradiens ou t < 20 heures ;– les rythmes circadiens ou 20 heures < t < 28 heures ;– les rythmes infradiens où t > 28 heures, qui se subdivi-sent en rythmes circasptidiens (t = 7 jours), en rythmes cir-camensuels (t = 1 mois) et en rythmes circannuels(t = 1 an).

UBIQUITÉ DES RYTHMES BIOLOGIQUES

Il existe des rythmes biologiques chez tous les organismesvivants, qu’ils appartiennent au règne animal ou végétal, eton retrouve ces rythmes à l’échelle de la cellule comme ausimple niveau moléculaire (5). Les variations circadiennes

La chronergie est l’étude des variations des effets

d’un médicament sur l’organisme en fonction de l’heure d’administration.

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pourraient être d’origine transcriptionnelle et post-trans-criptionnelle, puisque l’on remarque une fluctuation de laquantité d’ARN transcrit et des ARNmessagers dans le temps. Tous lesgènes ne seraient donc pas transcritsau même moment et en même quan-tité au cours de la journée. Selon Quei-roz (6), les processus contrôlant latranscription des gènes, la traductionde l’ARNm et la synthèse protéiquesont sous l’influence des facteurs environnementaux,notamment via le photopériodisme.

COMPOSANTE ENDOGÈNE DES RYTHMES BIOLOGIQUES

Les expériences d’isolement en obscurité ou en lumièreconstante ou sans repère concernant le temps montrent :– que les rythmes circadiens persistent dans ces condi-tions ;– que leur période diffère alors sensiblement de 24 heures.La période naturelle chez l’homme adulte sain est prochede 25 heures, avec des différences interindividuelles. Deschercheurs ont comparé les variations circadiennes dupouls, de la pression artérielle, (7) de l’excrétion urinairedes 17-hydroxycorticostéroïdes (8) chez des jumeauxmonozygotes et dizygotes. Tous ces paramètres connaissentdes variations sinusoïdales caractéristiques de notre espècemais, alors que les courbes des monozygotes diffèrent trèspeu entre elles, celles des dizygotes sont réellement diffé-rentes.

Pour les organismes supérieurs comme les mammifères, onretrouve une biopériodicité au niveau cellulaire, mais il

existe également des structures spé-cialisées qui fonctionnent comme deshorloges biologiques. C’est le cas dunoyau suprachiasmatiqus (NSC), uneformation hypothalamique pairesituée près du chiasma optique(figure 2). Stephan et coll. (9), ainsique Moore (10), ont démontré que la

destruction du NSC est suivie de la disparition plus oumoins complète d’un grand nombre de rythmes circadiens,comme celui de la prolactine, de l’ACTH, de la faim ou dela soif. Ces fonctions sont toujours présentes, mais perdentleur rythmicité. Le NSC reste l’oscillateur circadien le plusconnu, mais sa destruction n’entraîne pas nécessairement ladisparition complète d’une activité rythmique. Il comprendenviron 10 000 neurones. La rythmicité a un support bio-chimique qui correspond à une boucle d’autorégulationsous le contrôle de plusieurs gènes (CLOCK, BMLAL1,rev-erb

α, cry 1-2, per 1-3) (11). On retrouve ces gènes res-ponsables de l’horloge dans le NSC dans de nombreux tis-sus chez les mammifères (foie, rein, peau). Contrairementà ce qui est observé chez la mouche, chez les mammifères,l’organisation circadienne semble être plus centralisée, lasynchronisation des horloges périphériques par la lumières’effectuant par l’intermédiaire de l’horloge du NSC. Desrésultats récents suggèrent que les glucocorticoïdes pour-raient jouer le rôle de messager entre le NSC et les différen-tes horloges tissulaires.Les neurones du NSC synthétisent de la vasopressine et duVIP (vasoactive intestinal peptide). On trouve également,

Figure 1. Exemple d’analyse Cosinor réalisée sur le cycle du cortisol.En pointillés sont représentées les fluctuations plasmatiques habituel-lement mesurées chez les patients normaux, en fonction du temps.

0

100

200

300

400

500

600

700

800

900

02.00 05.00 08.00 11.00 14.00 17.00 20.00 23.00

Mesor (400 nmol/l)

Acrophase (08 h 00)

Amplitude

(250 nmol/l)

Heures(h)

Vale

urs

pla

smati

qu

es (

nm

ol/

l)

Figure 2. Organisation anatomique et fonctionnelle de l’horlogeinterne chez les mammifères.

Faisceau

Rétino-

thalamique

Bandelette

Intergéniculaire

GABA

NPY

GABA

Mélatonine

Glande

pinéale

Ganglion

sympathique

cervical

supérieur

Moelle

épinière

RétineNoradrénaline

Activité, alimentation

médicaments

Lumière

Rythmes

Circadiens :

sommeil, activité

température

Noyau suprachiasmatique

PVN

Noyau

raphé

5-HT

Voie

hum

ora

le

Vo

ie n

erv

eu

se

Récepteurs

périphériques

Synchroniseurs

non lumineux

BMAL1 + CLOCK = activateursRev-erb = répresseurs

Gènes: Per 1-3 +Cry

Loop=oscillations

Les noyaux suprachiasmatiques hypothalamiques sont

les oscillateurs circadiens les plus connus.

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 17de façon plus dispersée, des neurones GABAergiques et desneurones à somatostatine. L’activité globale du NSC, mesu-rée au travers de l’activité électrique, de la synthèse protéi-que ou de la consommation de glucose, est toujours plusimportante de jour que de nuit. Ce rythme persiste chez lesanimaux maintenus en isolement temporel. En ce quiconcerne les neuropeptides synthétisés dans le NSC, tousprésentent une variation journalière de leur expression etde leur libération, mais le profil de leur activité diffère.Ainsi, le contenu en VIP présente un pic d’activité pendantla phase nocturne, alors que celui du GRP est diurne. Parailleurs, tous ne manifestent pas une activité rythmiqueendogène. Ainsi, les neurones à VIP et à GRP ne présententaucune variation en obscurité constante.Le NSC reçoit directement le signalphotopériodique de certaines cellulesganglionnaires de la rétine, par l’inter-médiaire du tractus rétino-hypothala-mique (TRH). Le neurotransmetteurlibéré est le glutamate. Il reçoit aussides informations photiques par unevoie faisant relais dans le feuillet inter-géniculé (IGL). Les projections en pro-venance de l’IGL libèrent du NPY(neuropeptide Y). Le noyau du raphé,qui reçoit des afférences rétiniennes, innerve le NSC par unfaisceau dense de fibres sérotoninergiques (12). L’ensemblede ces afférences qui converge plus particulièrement dansla portion ventrale du NSC, participe à l’entraînement et àla régulation des rythmes circadiens.Le NSC influe sur d’autres systèmes dont le noyau paraven-triculaire du thalamus impliqué dans la régulation des acti-vités de sélection, mouvement et motivation, et les noyauxdorsomédian et ventromédian de l’hypothalamus impli-qués, au travers de voies multisynaptiques, dans la régula-tion du système nerveux autonome. Parmi les rythmesengendrés par le NSC, celui de la sécrétion de mélatonineest un des mieux connus. Sa sécrétion, exclusivement noc-turne, peut agir en retour comme synchroniseur de rythme.

LES COMPOSANTS EXOGÈNES : LES SYNCHRONISEURS

Ils ont été définis par Halberg et correspondent à un ou plu-sieurs facteurs de l’environnement susceptibles de calibrerla période des rythmes circadiens. On les connaît égale-ment sous le nom de « Zeitgeberg » (donneurs de temps).Les synchroniseurs ne créent pas les rythmes. Leur suppres-sion, obtenue par le maintien de l’organisme dans un envi-ronnement constant, laisse persister les rythmes circadiensqui prennent alors leur périodicité naturelle. Il est en outre

possible d’imposer une périodicité différente à un rythmecircadien, mais il existe une fourchette de variation limitée(entre 20 et 28 heures pour un rythme circadien de mam-mifère) au-delà de laquelle le synchroniseur perd ses pro-priétés, rendant la variation à sa période naturelle.La manipulation des synchroniseurs fait varier la positiondes acrophases avec une latence propre à chaque rythme.Ainsi, un voyage déplaçant un sujet de plusieurs fuseauxhoraires fait varier ses acrophases d’autant. Chez ce voya-geur, le temps nécessaire à l’ajustement des rythmes auxmodifications du synchroniseur (jour/nuit) est différentselon la variable physiologique. Le rythme veille/sommeilreprend après 72 heures, le rythme thermique en 7 jours etle rythme corticosurrénalien en 2 semaines environ. Notons

en outre que le réajustement des ryth-mes est également individu dépen-dant.Les synchroniseurs circadiens les pluspuissants revêtent, chez l’homme,deux aspects distincts. On retrouved’une part des synchroniseurs naturelstels les cycles lumière/obscurité,bruit/silence, ou l’alternance chaud/froid, d’autre part des synchroniseursde la vie sociale (travail/repos) qui

jouent un rôle majeur chez l’être humain.

LES RYTHMES BIOLOGIQUES EN ANESTHÉSIE RÉANIMATION

Les rythmes biologiques et la douleurL’étude scientifique de la variation temporelle de la sensibi-lité à la douleur semble avoir débuté au début du vingtièmesiècle. En 1913, Grabfield et Martin (13) ont retrouvé unevariation diurne et nocturne d’une douleur électrique expé-rimentale chez l’homme. En 1979, Pöllmann (14) a mis enévidence une distribution circadienne de la sensibilité gin-givale au froid, avec un maximum à 18 heures et un mini-mum à 3 heures. En 1974, Procacci (15) a constaté chez 19hommes et 15 femmes que le seuil de la douleur cutanéeprovoquée par la chaleur radiante était maximal à 6 heures30 et minimal 12 heures plus tard. Dans la même étude, ilmontrait qu’il existait un cycle d’une période de 25 jourschez tous les sujets, avec une amplitude maximale de per-ception douloureuse au huitième jour. Bourdallé-Badie etcoll. (16) ont montré une variation circadienne de la per-ception chez cinq volontaires sains synchronisés sur unrythme veille/sommeil identique (8 h 00-23 h 00). La stimu-lation douloureuse électrique entraînait une douleur quiétait maximale (évaluée sur une échelle visuelle analogique)à 5 h 00 et minimale entre 9 h 00 et 13 h 00. Le réflexe de

Chez un voyageur, le rythme veille/sommeil reprend

à 72 heures, le rythme thermique en 7 jours et le rythme

corticosurrenalienen 2 semaines environ.

Page 4: Chronobiologie en anesthésie-réanimation

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 118retrait à la douleur était quant à lui maximal à 17 h 00, pourun minimum à 1 h 00.

Il faut également noter que certaines études n’ont pas per-mis de mettre en évidence de variations cycliques dans lasensation douloureuse. Strian (17), en 1989, a étudié unmodèle de douleur thermique chez onze volontaires sains,et rapporté une différence non significative entre 5 % et8 % des seuils de tolérance cutanée au chaud et au froid.

Des variations circadiennes de la douleur ont été aussi rap-portées pour des pathologies chroniques telles que la poly-arthrite rhumatoïde (pic matinal), la migraine (picnocturne), les douleurs biliaires (douleurs 30 % plus inten-ses le soir). L’efficacité de la mépéridine est maximale lematin chez les patients souffrant de crises de drépanocytose(18-20).

Nous voyons donc que les résultats des différentes étudesde chronobiologie de la douleur chez l’homme sont dispa-rates. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la plupart deces études incluent un petit nombre de patients, mais onremarque aussi d’autres différences méthodologiques. Lanature et l’intensité des stimulus nociceptifs sont variées.La synchronisation des volontaires au niveau du cycleveille/sommeil qui, comme nous l’avons vu précédem-ment, semble jouer un rôle prépondérant dans l’organisa-tion des cycles chez l’homme, n’est le plus souvent mêmepas abordée. Nous savons tous aussi que la composanteaffective de la douleur est déterminante dans notre seuil deperception. Les techniques expérimentales reflètent malcette variable. L’anxiété, la fatigue à l’arrivée de la nuit nesont-elles pas les facteurs déterminants de la différence deperception d’un même stimulus douloureux ? Les étudessur le modèle animal visent à atténuer ces paramètres.Frederickson (21), en 1977, a retrouvé une variation circa-dienne de la sensibilité des souris synchronisée à une dou-leur thermique, avec un pic à la fin de la période d’activitéet une bathyphase douze heures après.

Les travaux de Kavaliers (22), en 1983, ont confirmé cesdonnées chez des animaux d’âges différents. Dans uneétude plus récente, Hamra et coll. (23) ont expérimenté surdes chevaux synchronisés (L : D 14:10), un modèle deretrait du sabot à la piqûre. Les latences les plus courtesfurent obtenues à 18 h 00, alors que les plus longues se dis-tribuaient selon deux pics à 9 h 00 et à 15 h 00.

Ces études animales semblent montrer que les variationsenregistrées chez l’homme ne sont pas entièrement dues àdes facteurs psychologiques. Il est donc probable que, tantchez l’homme que chez l’animal, ces rythmes circadiensnotés dans la perception des stimulus douloureux soient enpartie liés à des facteurs endogènes.

De nombreux médiateurs chimiques intervenant dans lagenèse et la conduction de la douleur sont potentiellementimpliqués dans les variations nycthémérales observées dans

la perception douloureuse. Parmi eux, les endorphines ontété les mieux étudiées au niveau chronobiologique. Wes-che et Frederickson (24), en 1981, ont étudié la variationdes concentrations de metenképhaline dans les cerveauxde rats synchronisés. Les concentrations étaient deux foissupérieures à la fin de la période de repos (pic à 15 h 30)qu’au début (nadir à 7 h 30). Pluglisi-Allegra (25), en 1982,mettaient en évidence chez le rat synchronisé une variationcircadienne significative de la réponse à un stimulus dou-loureux. La sensibilité douloureuse était minimale entre8 h 00 et 14 h 00 (en pleine période de repos) et le pic sesituait entre 22 h 00 et 8 h 00. L’antagonisation des récep-teurs morphiniques par la naloxone diminuait significative-ment le seuil douloureux. Pour ces auteurs, les variationsobservées étaient probablement dues à une sécrétiond’endorphine.

Hamra (23), en 1993, a retrouvé une variation circadiennede sécrétion d’endorphines chez le cheval, avec un pic à9 h 00. Les variations inverses observées chez les animauxdiurnes et nocturnes semblent indiquer que la sécrétiond’endorphine est liée à la période d’activité de l’animal,avec un maximum en période d’activité. Pour ce qui estdes mammifères, la sécrétion d’endorphine semble circa-dienne, mais elle comporte généralement deux pics. Naber(26), en 1981, a retrouvé dans un dosage d’endorphines desérothèques humaines deux acrophases (un pic à 10 h 00et un pic à 22 h 00). On note que ces résultats sont super-posables, dans cette même étude, aux concentrations céré-brales d’endorphines chez des primates synchronisés sur lemême modèle que les patients. Une étude (27) a mis enévidence également une variation nycthémérale des tauxde ß-endorphines circulantes chez dix enfants prématurés,avec une acrophase toujours matinale (à 9 h 30) et undeuxième pic à 15 h 30. Ces résultats sont superposablesavec les concentrations retrouvées chez dix adultes sains.

En parallèle à cette sécrétion d’endorphine, Naber (28) amontré qu’il existait également une variation importante etcircadienne du nombre de récepteurs aux endorphines auniveau central chez le rat. L’étude utilisait de la naloxoneradioactive et retrouvait un pic en nombre à 22 h 00 et unnadir à 2 h 00 chez les rats synchronisés avec une ampli-tude de 42 %. L’affinité des récepteurs semble quant à ellerester la même.

Chronopharmacologie des anesthésiques locaux

Lutsch et Morris (29) ont décrit une variation circadiennede la toxicité de la lidocaïne chez le rat. Après adminis-tration intraveineuse d’une dose toxique de lidocaïne, lescrises convulsives étaient quatre fois plus fréquentes lesoir (21 h 00) que le matin (9 h 00). Plus récemment,Bruguerolle (30) a rapporté des résultats superposablespour trois autres anesthésiques locaux chez le rat, avec une

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 19toxicité maximale la nuit (c’est-à-dire lors de la périoded’activité chez le rat). Chez les rongeurs, les propriétésconvulsivantes des anesthésiques locaux sont aussi plusmarquées la nuit, c’est-à-dire pendant leur période d’acti-vité. Reinberg (31), en 1977, a retrouvé une variation cir-cadienne de la durée d’action de la lidocaïne chez levolontaire sain. L’acrophase était obtenue à 15 h 30 et labathyphase à 7 h 30, avec une amplitude de plus de 100 %.Enfin, Lemmer (32), en 1989, a mis en évidence un résultatsimilaire dans un modèle de douleur dentaire provoquée etd’étude de l’efficacité de la carticaïne (maximum à 14 heu-res). Dernièrement, Debon (33) a mis en évidence unevariation circadienne de la durée d’action de la ropivacaïnelors d’une péridurale obstétricale en première partie de tra-vail chez 194 parturientes. La durée d’efficacité, évaluéesur une échelle visuelle analogique de douleur, était maxi-male entre 13 h 00 et 19 h 00. Les études animales ethumaines concordent toutes vers le fait que les variationstemporelles d’efficacité sont maximales pendant les phasesd’activités physiques.La pharmacocinétique des AL n’est pasconstante sur le nycthémère. Des fluc-tuations de leur distribution, de leurmétabolisme et de leur éliminationexpliquent en partie les propriétéschronergiques des anesthésiqueslocaux.

Chronopharmacologie des opiacésL’analgésie contrôlée par le patient (PCA : Patient ControlAnalgesia) est un mode d’administration qui permet d’éva-luer la fluctuation des besoins du patient en opiacé. Dansune étude sur la PCA, effectuée en postopératoire de chi-rurgie abdominale, Graves et coll. (34) ont constaté, chez46 patients, que la consommation de morphine était maxi-male à 9 h 00, alors que les besoins étaient minimaux vers15 h 00. Le différentiel de consommation entre ces deuxpériodes était de plus de 15 %. Auvil-Novak et coll. (35) ontrapporté des résultats identiques chez 19 patientes de chi-rurgie gynécologique. Leur étude a porté sur les besoins enmorphine ou en hydromorphone, chez des patientes ayantsubi l’ablation d’une tumeur gynécologique. Les besoinsétaient évalués sur des périodes de 4 heures. L’auto-admi-nistration des deux analgésiques était maximale entre4 h 00 et 8 h 00, et minimale entre 14 h 00 et 18 h 00. Ledifférentiel de dose était cette fois de 25 %. Enfin, lesbesoins en fentanyl étaient plus faibles en début (08 h 00— 10 h 00 : 3,03 mg. kg– 1.h– 1.10– 3) qu’en fin de matinée(11 h 00 — 15 h 00 : 4,32 mg. kg– 1.h– 1.10– 3) chez despatients opérés de cholécystectomie (36).Il existe donc des résultats divergents en ce qui concernel’heure et l’intensité des pics douloureux. Dans certaines

études, on n’a retrouvé aucun rythme circadien de la dou-leur, mais la plupart des travaux font état d’une variabilitéde la douleur au cours de la journée (37). Là est une justifi-cation supplémentaire à l’emploi de la PCA chez lespatients qui souffrent.

Rythmes circadiens des anesthésiques généraux

Comme dans le cas des anesthésiques locaux, les travauxsur ce thème ont porté initialement sur les phénomènes detoxicité. Ainsi, il a été démontré que les doses létales de bar-bituriques étaient plus faibles le matin chez le rat et la sou-ris. Une mortalité de l’ordre de 76 % pendant la nuit a étérapportée avec une forte dose d’halothane, contre 5 % seu-lement pendant la journée (38).L’effet hypnotique des barbituriques est plus importantpendant les périodes de repos que pendant les périodesd’activité. Ainsi, une dose de 35 mg/kg de pentobarbitalchez le rat, induit une hypnose persistant environ 53 minu-tes à 09 h 00 du matin, contre 90 minutes à 19 h 00 (39).Chez l’homme, l’hexobarbital par voie orale est plus effi-

cace le soir que le matin (40). Des étu-des pharmacologiques chez la sourisont montré que les concentrationscérébrales de barbituriques étaientplus importantes pendant les phasesnocturnes (41). Secondairement, on apu démontrer qu’il existait une varia-tion circadienne des enzymes hépati-

ques responsables du métabolisme des barbituriques,expliquant les variations circadiennes de leurs effets hyp-notiques (42). Enfin, l’activité hypnotique circadienne desbarbituriques peut aussi s’expliquer par les variations cir-cadiennes de l’activité des récepteurs GABAergiques auniveau central (43).Les benzodiazépines ont, elles aussi, une activité circa-dienne. Que ce soit pour leur toxicité à forte dose ou pourleur action sédative, les variations circadiennes peuvents’expliquer ici par une variation circadienne du nombreet/ou de l’activité de leurs récepteurs, ainsi que par desvariations circadiennes de leur métabolisme hépatique, deleur distribution ou de leur absorption lorsqu’elles sontadministrées par voie orale (44, 45).Chez l’animal, l’effet hypnotique du gamma-hydroxybuty-rate et de la kétamine est variable selon le moment de lajournée (46), mais il n’existe pas de données similaires chezl’homme. Il n’existe pas non plus de données concernant lepropofol ou l’étomidate, que ce soit chez l’homme ou chezl’animal. Pour les halogénés, seul l’halothane a été exploré.Chez le rat, la CAM de l’halothane est de l’ordre de 1,26 %à 12 h 00, contre 1,45 % à 20 h 00 (47). On ne disposed’aucune donnée pour les agents curarisants les plusrécents tels que l’atracurium, le cisatracurium, le rocuro-

Au cours du travail obstétrical, la durée d’action

d’une péridurale connaît une variation cicardienne.

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Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 120

nium ou le mivacurium. Les travaux plus anciens ont

montré que l’effet curarisant du pancuronium était plus

faible pendant la période d’activité chez le rat (48). Des

réductions d’effets curarisants du même ordre (de 20 à

30 %) ont aussi été obtenues avec la galamine, la D-tubo-

curarine et le fazidinium (49). Ces variations circadiennes

d’activité peuvent s’expliquer par des changements de leur

clairance rénale et de leur métabolisme. L’efficacité maxi-

male de divers anesthésiques est rapportée dans la figure 3.

Rythmes circadiens durant la période périopératoire

La plupart des études à ce propos se sont centrées sur les

modifications de sécrétion de la mélatonine. La mélatonine

est produite par la glande pinéale durant la nuit. La mélato-

nine a des effets hypnotiques et analgésiques connus

(50, 51). Elle possède aussi des effets sur l’immunité à média-

tion cellulaire, agit en partie avec d’autres médiateurs sur la

régulation de la pression artérielle systémique, de la tempé-

rature, sur l’appétit, la mémoire et l’humeur (52). Toutes ces

fonctions sont fréquemment altérées en période postopéra-

toire, ce que l’on peut expliquer en partie par une altération

des rythmes circadiens de la mélatonine. En effet, on a

observé une altération des rythmes circadiens de la sécrétion

de mélatonine en chirurgie cardiaque (53), ainsi qu’en chi-

rurgie orthopédique, que les patients aient reçu une anesthé-

sie générale ou une anesthésie périmédullaire (54).

Cependant, ces phénomènes n’ont pas été observés dans les

suites d’une chirurgie gynécologique (55). Chez l’animal, cer-

taines familles d’hypnotiques n’altèrent pas le niveau de

sécrétion de la mélatonine (halogénés, barbituriques, kéta-mine), alors que d’autres peuvent le diminuer (propofol) (56).Enfin, la mélatonine a été proposée comme sédatif au momentde la prémédication, à la dose de 5 g, avec des effets tout à faitsimilaires à ceux obtenus avec 15 mg de midazolam (57).

IMPLICATION DE LA CHRONOBIOLOGIE POUR LA PRATIQUE DE L’ANESTHÉSIE

L’impact de la chronobiologie dans notre pratique quoti-dienne est sous-estimée. Des avancées certaines ont étéobtenues pour le traitement de certaines maladies chroni-ques (asthme, arthrite, coronaropathie), mais l’implicationde la chronobiologie dans notre spécialité est moins claire(58). Il convient donc de souligner l’implication de cettescience dans notre spécialité.

Études de pharmacologie en anesthésieDans notre spécialité, les études de pharmacocinétique oupharmacodynamie sont nombreuses. Les effets de l’âge, dusexe, du poids sont les variables les plus connues pouvantaffecter les paramètres pharmacocinétiques ou pharmaco-dynamiques des curares, des opioïdes ou des hypnotiques.Les logiciels mis à la disposition des pharmacologues, telque NONMEN, ne tiennent pas compte de l’heure àlaquelle sont réalisées les études pharmacologiques. Or, ilest bien établi qu’il existe des variations circadiennes del’absorption, du degré de liaison protéique, du contenuhépatique en cytochrome P450, de l’hydrolyse et de laconjugaison hépatique de nombreuses molécules (59, 60).À titre indicatif, le débit hépatique peut varier de l’ordrede 40 % au cours de la journée (61). Les variations de débithépatique peuvent induire des variations de la clairancehépatique des anesthésiques, tel que le propofol ou lesufentanil. De nombreux agents d’anesthésie sont aussidégradés par le système du cytochrome P450 qui possèded’importantes fluctuations circadiennes sur le nycthémère.L’étude de Bleyzac et coll. illustre bien la problématique(62). La constante d’élimination de l’amikacine est de0,18

± 0,05 le matin, et de 0,11

± 0,01 l’après-midi. Lorsqueles valeurs sont moyennées, la valeur obtenue est de 0,16

± 0,06. Dans cet exemple, si l’étude pharmacocinétiquen’est effectuée que l’après-midi, les paramètres pharmaco-cinétiques sont sous-estimés par rapport au reste de la jour-née. Il serait donc intéressant de reprendre la plupart desétudes pharmacocinétiques et d’analyser les résultats entenant compte du moment où sont administrés les pro-duits. Le second point d’intérêt concerne la toxicité desmédicaments utilisés en période peropératoire. On sait parexemple que la toxicité rénale des aminosides varie enfonction du moment de leur administration (63).

Figure 3. Maximum d’efficacité des agents les plus courammentemployés en anesthésie-réanimation. Chez les rongeurs, les cyclesjour/nuit sont inversés par rapport à l’homme, ce qui explique ledécalage par rapport aux valeurs obtenues chez ce dernier.

12h00 18h00 24h00 06h00 06h00

Rongeur Homme

A. locaux

Morphine

Hexobarbital

Halothane

Curares Kétamine

Alfathésine Lorazépam

Halothane Barbituriques

Page 7: Chronobiologie en anesthésie-réanimation

Le praticien en anesthésie-réanimation, 2005, 9, 1 21Protocole d’étude en anesthésie

Beaucoup d’études dans notre spécialité portent sur les effetsdes agents de l’anesthésie sur les grandes fonctions de l’orga-nisme, comme les fonctions cardiaque ou pulmonaire. Or, cesgrandes fonctions ne sont pas constantes au cours de la jour-née, du fait de rythmes circadiens. Au niveau circulatoire, lavariabilité est de l’ordre de 10 à 20 %. Le seuil électrique defibrillation ventriculaire et l’énergie nécessaire pour une défi-brillation varient aussi au cours de la journée (64, 65). Chezl’homme, la fonction glomérulaire, appréciée par la mesurede la clairance de l’inuline, est beaucoup plus importante pen-dant la journée (122

± 22 ml/min) que pendant la nuit (86

± 12 ml/min) (66). Les résistances pulmonaires et le débit depointe varient également, que ce soit chez les sujets normauxou les sujets asthmatiques (67). Chez ces derniers, la réactivitéaux agents provocateurs (acétylcholine) est plus importantependant la nuit, ou en début de matinée, que pendant la jour-née. L’injection sous-cutanée d’histamine (test de réactivitécutanée) provoque une réaction cutanée beaucoup plus mar-quée en période nocturne qu’en période diurne (68). Enfin,l’effet anticoagulant de l’héparine et l’activité fibrinolytiquedu plasma ne sont pas constants sur le nycthémère (69).L’heure à laquelle sont prélevés des échantillons musculairespour des études in vitro de contraction-relaxation chez l’ani-mal a aussi une importance capitale. Ainsi, une contractionmusculaire maximale est obtenue avec une concentration dephényléphrine (unité : 10-9 M) de 13,2

± 3,5 à 09 h 00, de13,9

± 4,1 à 17 h 00 et de seulement 4,1

± 1,0 à 13 h 00 (70).

En conclusion, toutes les variations rapportées dans ce cha-pitre peuvent affecter de manière significative les résultatsd’études cliniques ou d’études in vitro. Il est tout à fait pos-sible que, par absence d’intégration du facteur temps dansles protocoles d’évaluation, certaines molécules aient étéjugées inefficaces. Il est donc nécessaire, pour les protoco-les d’investigation futurs, de tenir compte du moment de lajournée, tant pour l’analyse des résultats que pour lacomparaison des études entre elles.

Prévention des risques vasculaires en période périopératoire

Il existe, comme on l’a vu, des variations circadiennes de lapression artérielle. Chez le patient normotendu, la pressionartérielle diminue pendant la période nocturne. Chez lepatient hypertendu, cette variation rythmique est interrom-pue, avec des pics nocturnes de pression artérielle. Il existeaussi des variations circadiennes de la variabilité du rythmecardiaque (71). Une réduction de la variabilité du rythme a étéassociée à un risque de coronaropathie aiguë, alors que l’excèsde pression artérielle nocturne (Circadian Hyper AmplitudeTension : CHAT) l’était à un risque d’accident ischémiquecérébral (72, 73). L’implication de ces deux altérations, notam-ment en chirurgie vasculaire, n’a pas encore été étudiée.

Traitement de la douleur postopératoire

Comme nous l’avons vu, il existe des variations circadien-nes des seuils douloureux, de l’intensité de la douleur et dela pharmacocinétique des antalgiques. L’administration àdose constante d’analgésiques ou d’anesthésiques locauxne tient pas compte de ces variations. Il est donc logiquede proposer le plus souvent possible des administrationspar PCA ou de faire varier les doses d’antalgiques au coursde la journée en fonction de leur effet clinique : ceci estparticulièrement vrai pour les douleurs chroniques suiviesdans les consultations de la douleur.

CONCLUSION

Il existe de nombreuses informations sur l’origine des ryth-mes circadiens, leurs influences sur les grandes fonctionsphysiologiques et sur la pharmacologie des médicaments(74). Mais, dans notre spécialité, peu de données sont dis-ponibles en ce qui concerne les agents d’anesthésie ou lesantalgiques les plus récents. Il semble également néces-saire, à partir des données de la littérature, de revoir la pla-nification des essais thérapeutiques et de tenir compteimpérativement du moment de la journée où ils sont prati-qués, avant d’interpréter tout résultat. Sinon, on ne peutexclure des biais d’interprétation.

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Tirés à part : Dominique CHASSARD,Service d’Anesthésie réanimation, Hôpital de l’Hôtel-Dieu,

1, place de l’Hôpital, 69288 Lyon cedex 02.