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Clairs de Lune Gérard COUTE

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Clairs de Lune

Gérard COUTE

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Page 3: Clairs de Lune.pdf

Si notre vie est moins qu'une journée

En l'éternel, si l'an qui fait le tour

Chasse nos jours sans espoir de retour,

Si périssable est toute chose née,

Que songes-tu, mon âme emprisonnée ?

Pourquoi te plaît l'obscure de notre jour,

Si, pour voler en un plus clair séjour,

Tu as au dos l'aile bien empennée ?

Là est le bien que tout esprit désire,

Là le repos où tout le monde aspire,

Là est l'amour, là le plaisir encore.

Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,

Tu y pourras reconnaître l'Idée

De la beauté, qu'en ce monde j'adore.

Joachin Du BELLEY L’Idée, recueil de L’Olive

(1549)

Page 4: Clairs de Lune.pdf

REMERCIEMENTS

Joachin Du BELLEY, pour son poème « L’idée ».

Guy MOURLEVAT, un honnête homme au cœur du XXe siècle, spécialiste de Jupiter, du Nombre

d’or, de l’architecture romane, professeur d’histoire, professeur de français au lycée Blaise Pascal

qui, commentant ce poème, m’a ouvert les portes de l’astronomie en 1964.

Jean Michel DE BENNETOT et Delphine LE DOUJET pour leur lecture attentive, leurs corrections et

leurs remarques.

Jocelyn SEROT pour ses conseils et son autorisation à utiliser ses images.

Charles « Chuck » WOOD animateur du site Lunar Photo of the Day qui m’a amené à reconsidérer

totalement ma façon d’observer.

Jocelyn SEROT, Claude NAVARRO, Alexandre MOUTET avec qui j’ai partagé l’aventure

quotidienne d’ILUJ, la version française de LPOD.

.

Page 5: Clairs de Lune.pdf

1

POURQUOI (ENCORE) OBSERVER LA LUNE?

Comparée aux autres astres que nous observons la Lune est, avec le Soleil, un géant cosmique. Il n'est donc

pas étonnant que dès les premiers balbutiements de l’astronomie scientifique, de nombreux astronomes

l’aient choisi comme objet d'étude. C’est souvent vers elle que les amateurs tournent pour la première fois

leurs instruments. Avec Saturne, elle constitue le duo idéal à montrer au grand public.

Par rapport à d'autres objets célestes, les avantages de l'observation de la Lune pourraient se résumer ainsi :

- La Lune est l'objet le plus important et le plus brillant du ciel nocturne. Elle est facilement repérable et

observable avec des instruments modestes, même à partir de grands centres urbains pollués.

- La Lune est une cible énorme. Un exemple : Jupiter, la plus grosse planète du système solaire a, dans un

télescope, approximativement le même diamètre angulaire que les cratères Theophilus, Plato ou

Copernicus. En fonction de l'oculaire utilisé, on peut observer soit une vaste zone avec de nombreuses

formations différentes ou se concentrer sur un élément particulier.

- L’observation de la Lune n’est pas monotone. Sa surface change constamment d'aspect en fonction de la

hauteur du Soleil au-dessus de l’horizon. Les jeux d’ombre et de lumière sur un relief varié offrent sans

cesse de nouvelles conditions d'observation.

- La Lune est riche en détails, mers, montagnes, cratères d'impact, cratères secondaires, cratères fantômes,

canaux, escarpements, crêtes de rides, coulées volcaniques et zones pyroclastiques ... Et comme pour

égayer encore plus les observations, elle propose gratuitement des attractions supplémentaires, telles que les

occultations, éclipses et phénomènes lumineux transitoires.

Bien que des décennies se soient écoulées depuis que le dernier astronaute a marché sur la Lune (Eugene

Cernan - Apollo 17 - 1972), l'exploration lunaire continue grâce à des sondes robotisées. Notre voisine

céleste présente encore un grand potentiel de découvertes permettant de mieux comprendre la création et

l’évolution de notre système solaire ; l’étude de la Lune a permis la mise au point de techniques qui ont, par

la suite, été adaptées à l’étude de planètes comme Mars et Mercure. La datation par comptage des cratères

d’impact est l’exemple le plus connu.

De nombreux mystères restent encore entiers comme les taches marines irrégulières, les swirls, les

anomalies gravimétriques à petite échelle ou la formation des cratères concentriques. La formation même

de la Lune soulève encore de nombreuses questions.

Certes, les amateurs ne disposent pas d’instruments permettant de s’intégrer dans les programmes de

recherche, comme ce fut le cas dans les années 1960 ; mais ils peuvent suivre de très près les progrès

réalisés par les scientifiques grâce à une meilleure connaissance de notre satellite.

Page 6: Clairs de Lune.pdf

2

Les images sont présentées nord en haut.

Sauf mention spéciale, elles sont de l’auteur,

réalisées avec un télescope Takahashi Mewlon de 210 mm à f/d 11,5

et une caméra DMK 31 AU 03 AS.

Le traitement est généralement réalisé avec AutoStakkert2 et Registax6

Page 7: Clairs de Lune.pdf

3

CARACTERISTIQUES PHYSIQUES

Source : NASA Fact Sheet

DISTANCE :

Distance moyenne à la Terre : 384 400 km ou 30 diamètres terrestres

Distance minimale à la Terre : 363 300 km

Distance maximale à la Terre : 405 500 km

ORBITE :

Excentricité : 0,0549

Inclinaison sur l’écliptique : 5° 8 ' 43 "

Révolution de la ligne des nœuds : 18,6 ans

REVOLUTION :

Révolution sidérale : 27 j 7 h 43 mn 11 s ou 27,32166 j

Révolution synodique : 29 j 12 h 44 mn 2 s ou 29,53058 j

VITESSE :

Déplacement moyen en orbite : 3 681 km/h ou 1,023 km/s (variable de 0,964 à 1,076)

Déplacement apparent sur le ciel : 33 '/ h

Déplacement journalier / étoiles : 13,176 358 °/j

DIAMETRE :

Diamètre apparent moyen : 31' 05,2"

Diamètre apparent maximal : 33’ 28,8"

Diamètre apparent minimal : 29' 23,2"

Diamètre polaire : 3 472 km

Diamètre équatorial : 3476,2 km

Rayon moyen : 1 737,1 km

EQUATEUR :

Inclinaison / orbite : 6° 41’

Inclinaison sur l’écliptique : 1° 33’

Longueur : 10 920 km

LIBRATIONS :

Libration maximale en longitude : 6° 50'

Libration maximale en latitude : 7° 54'

Superficie visible de la Terre : 59 %

DIVERS :

Masse : 1/81 Terre

Volume : 3,03 % Terre

Densité : 3,341 g/cm3 ou 0,606 / Terre

Gravité à la surface: 1,62 m/s2 ou 1/6 Terre

Vitesse de libération : 2,38 km/s

Température maximale au Soleil : + 123° C

Température minimale à l'ombre : - 153° C

Température minimale au pôle : - 238° C

Albédo : 0,11

Page 8: Clairs de Lune.pdf

4

EN GUISE DE SOMMAIRE GENERAL

Avant d’observer la Lune avec des moyens plus “sophistiqués”, nous avons tous, dans un premier temps,

eu recours à nos yeux, parfois à des jumelles puis à un instrument modeste comme un 115/900 ou une

petite lunette de 70mm.

Nous observons ainsi, selon l’instrument que nous utilisons, des « Clairs de Lune » différents.

L’articulation de ce petit livre suit cette progression.

Nous commencerons allongés sur le dos pour finir derrière un écran d’ordinateur.

Le fil d’Ariane est : « Que remarque-t-on avec l’instrument dont nous disposons? »

La Lune brille dans le ciel, elle se lève et se couche…Elle se déplace en sens inverse du

déplacement des étoiles, change de forme… Il y a des zones claires et zones sombres. Avec un peu

d’imagination, on voit des personnages… Des formations bien visibles proches du limbe semblent

tantôt s’en rapprocher tantôt s’en éloigner… On observe des dépressions circulaires ressemblant à

des cratères de volcans… Les mers sont grises mais ce n’est pas un gris uniforme… Les reliefs

sont très accentués en bordure des mers…Les atlas permettent de préparer les observations… Un

télescope de 200 mm permet de rentrer dans le détail : rainures, vallées, marais, golfes, … et même

des formations imaginaires. Les photos permettent aussi d’effectuer des mesures le diamètre des

cratères et l’altitude des reliefs.

Ainsi,

- la première partie de Clairs de Lune « La Lune à l’œil nu et aux jumelles » - pages 5 à 61 - invite à une

découverte générale,

- la deuxième « La Lune au 115/900 » - pages 62 à 131 - a une approche plus géologique,

- la troisième « La Lune au 200 » - pages 132 à 180 - entre dans le détail des formations observables avec

ce type d’instrument.

Bonne lecture.

Page 9: Clairs de Lune.pdf

5

PREMIER CLAIR DE LUNE

LA LUNE A L’ ŒIL NU ET AUX JUMELLES

Hier, il n’y avait rien. Simplement ce magnifique coucher de Soleil du tout début du mois de juin, signe

avant-coureur d’un été chaud et sec. Puis la nuit s’est doucement installée, glissant d’est en ouest. Deux

étoiles jumelles sont allées rejoindre le Soleil, disparu depuis un peu plus d’une heure. Progressivement, la

voûte céleste s’est couverte d’une myriade d’étoiles. A l’est la lueur diffuse de la Voie Lactée est montée à

l’assaut du ciel d’été. Il fait doux. Couché sur le dos, j’écoutais le silence.

Aujourd’hui, quelqu’un s’est invité sans prévenir. La Lune.

Tout là-bas, à l’ouest, une fine parenthèse en or fin dix-huit carats se dessine au-dessus des arbres. Le

spectacle est magnifique.

On dit que la Lune est d’humeur changeante, capricieuse, imprévisible, bref lunatique. Avec elle il faudrait

donc s’attendre à tout. Sera-t-elle là demain ? Et les deux étoiles, solitaires hier et qui l’accompagnent

aujourd’hui, seront-elles également présentes ?

Deux jours ont passé. Je me suis souvenu de jumelles dans une malle au grenier. C’est muni de mon

premier instrument d’observation que j’ai attendu la fin du jour.

Comme chaque soir, le Soleil glisse vers l’ouest, les deux étoiles aussi. Depuis deux jours, elles n’ont

pratiquement pas changé de place. La Lune, en revanche, s’est déplacée vers l’est, passant juste sous les

étoiles jumelles. Je perçois son disque divisé en deux parties : le croissant doré et une zone d’un gris très

léger.

Quatrième jour. Quel spectacle ! La Lune est en deux parties, un croissant doré et le reste d’un gris

argenté. Magnifique à observer avec mes jumelles.

Cinquième jour. Aujourd’hui la Lune est comme une pomme Golden tranchée verticalement par le milieu.

Une frontière nette sépare l’ombre de la lumière. Qui dit « séparer » dit au moins deux parties. La partie

lumineuse est dirigée vers l’ouest, dans la direction où le Soleil s’est couché, l’ombre vers l’est. Si je trace

une ligne le long de cette frontière, cela forme avec la partie éclairée une sorte de P. C’est le premier

quartier ; je le sais depuis l’école et, quand elle est toute ronde, c’est la pleine lune. Chaque jour, elle

descend doucement vers l’horizon sud et se trouve aujourd’hui à l’ouest d’une étoile brillante. J’ai fait un

petit achat, absolument indispensable, une carte mobile du ciel. Après l’avoir réglée sur la date et l’heure,

je peux facilement identifier cette étoile, il suffit de lire : Spica, constellation de la Vierge. Quant aux deux

étoiles qui accompagnaient la Lune tout au début, c’étaient Castor et Pollux de la constellation des

Gémeaux. La Vierge, les Gémeaux sont des signes du zodiaque… J’estime que la Lune et Spica seront très

proches dans deux jours. Je sens que j’entre petit à petit dans le monde des astronomes ; je sais lire le ciel

et le nommer…

Les jumelles, c’est bien mais ce n’est pas l’idéal pour observer la Lune. Le faible grossissement ne me

permet pas de voir les détails. Toutefois, je remarque que les parties grises que les astronomes appellent

les mers, semblent plates et lisses et que les parties claires, les continents, présentent un relief beaucoup

plus tourmenté. Cela est surtout visible à la limite de l’ombre et de la lumière où deux ou trois formations

d’apparence ovale ou ronde, selon qu’elles sont plus ou moins proches du centre du disque, sont

discernables.

Plus les jours passent, plus la Lune progresse vers l’est et le sud et plus elle se rapproche de la forme de la

pleine lune. Celle-ci se produit sept jours après le premier quartier. Comme il fait chaud, je sors prendre le

frais vers une heure du matin. Plein sud, un magnifique globe lumineux, parfaitement rond, s’élève au-

Page 10: Clairs de Lune.pdf

6

dessus de l’horizon. Elle est énorme, elle a dû se rapprocher de la Terre. Je me souviens alors, qu’en

décembre, la Lune est très haute dans le ciel et parait beaucoup plus petite que celle de juin. A sa droite,

une étoile orange est la seule que la luminosité du ciel me permet de distinguer. Ma carte me dit que c’est

Antarès du Scorpion.

En effet, la Lune brille tellement qu’elle m’éblouit avec les jumelles. Je ne peux distinguer aucun détail,

aucun relief, mais des zones claires et des zones sombres. Par endroits, des toutes petites taches très

brillantes semblent donner naissance à des rayons très clairs. Certains de ces rayons parcourent

pratiquement toute la face visible. Les zones grises dessinent des formes ; avec un peu d’imagination, on

peut déceler un visage.

Tiens, ma voisine a étendu son linge sur le gazon et l’a arrosé. Drôle d’idée. Ce sont les nuits où la Lune

est pleine, que les loups garous se manifestent, que les rôdeurs rôdent (ce qui est logique pour un rôdeur),

que les femmes accouchent ; c’est avant la pleine lune qu’il faut couper les bois résineux et les feuillus

après. Quant aux astronomes amateurs, ils se reposent. Alors, je rentre en me faisant cette remarque :

« C’est étrange, la Lune me présente toujours le même visage, comme si elle ne voulait pas me perdre de

vue ». Une chevêche décolle de sa branche, furieuse que ma présence ait fait fuir la souris qu’elle

convoitait, bien visible sous cette Lune si brillante.

21ème

jour. Il n’a pas fait beau pendant une semaine et je n’ai pu poursuivre mes observations. Est-elle

toujours là, fidèle? Il me faudra attendre le septième jour après la pleine lune vers 2 heures du matin pour

la voir apparaître derrière quelques nuages dessinant des ombres chinoises. Elle a beaucoup maigri.

Lorsque vers six heures elle culminera dans le ciel, elle présentera une forme opposée à celle que j’avais

observée quatorze jours plus tôt. La ligne entre l’ombre et la lumière ne dessine plus un P mais un D, le

dernier quartier. Puis, chaque jour, elle déclinera vers l’est, se levant de plus en plus tard, comme fatiguée

d’avoir éclairé mes nuits, de plus en plus amaigrie.

Environ vingt-huit jours après notre première rencontre, elle a décidé de rompre et disparaît juste avant le

lever du Soleil. Pendant les jours précédents, elle m’a gratifié de cette lueur argentée qui, comme pendant

les tout premiers jours, baigne sa surface restée dans l’ombre.

Mais la Lune est bouddhiste, elle a plusieurs vies, des milliards de vies en réserve. Deux jours plus tard,

peu de temps après le coucher du Soleil, elle est de retour, fine et dorée et reprend sa course dans le ciel.

Ses formes me sont désormais familières et je décide de l’accompagner pendant les six prochaines soirées,

jusqu’au moment où ombre et lumière dessineront un P dans le ciel.

Il y a un mois, le premier quartier s’était produit à l’ouest de l’étoile Spica. Aujourd’hui, il se produit à sa

hauteur.

Ça devient vraiment compliqué tout ça. Il est temps de faire le point.

Ce que j’ai remarqué

La Lune brille dans le ciel

La Lune se déplace en sens inverse du déplacement des étoiles

La Lune se déplace devant des constellations dont le nom nous est familier

via l’horoscope

La Lune change de forme. Ce phénomène, qui se reproduit après environ un

mois, semble lié à sa position par rapport au Soleil

Il faut environ trente jours à la Lune pour présenter la même forme

A l’horizon, la pleine lune paraît énorme

Zones claires et zones sombres. Avec un peu d’imagination, on voit des

formes

Les jumelles, ce n’est pas l’idéal, mais…

Mers et continents. La Lune, comme la Terre, doit avoir une histoire

géologique

Ma voisine a un comportement bizarre et il n’y a pas qu’elle

Page 11: Clairs de Lune.pdf

7

SOMMAIRE

LA LUNE A L’ ŒIL NU ET AUX JUMELLES

1RE

REMARQUE - Pages 10 à 12. LA LUNE BRILLE DANS LE CIEL 1.1 Sous la lumière du Soleil

1.2 Luminosité de la Lune

2E REMARQUE - Page 12. LA LUNE SE LEVE ET SE COUCHE

2.1 Mais pas toujours à la même heure

2.2 Un jour par mois, elle ne se lève pas

3E REMARQUE - Pages 12 à 16. LA LUNE SE DEPLACE EN SENS INVERSE DU

DEPLACEMENT DES ETOILES 3.1 Les unes vers l’ouest, l’autre vers l’est

3.2 Mouvement réel et mouvement apparent

3.3 Lune, écliptique et zodiaque

3.4 Les occultations et les rapprochements de planètes et étoiles brillantes

3.41 Disparition, apparition

3.42 Données techniques

3.43 Les occultations rasantes

3.44 Quelques occultations célèbres

4E REMARQUE - Pages 16 à 26. LA LUNE CHANGE DE FORME. CE PHENOMENE

SEMBLE LIE A SA POSITION PAR RAPPORT AU SOLEIL 4.1 Tout tourne

4.2 Sur un rythme à trois temps : Kepler et les orbites des planètes et satellites

4.3 De quoi se faire des nœuds : Terre, Lune, écliptique, orbite

4.4 Un centre qui n’est pas au centre

4.5 Une courbe pas courbe

4.6 Jamais la même : les phases

4.61 Construction des phases

4.62 Les différents éléments d’une phase

4.7 Une phase particulière : la pleine lune

4.71 La pleine lune est haute en hiver, basse en été

4.72 Quelques pleines lunes amérindiennes (traditions mélangées)

4.73 La Lune des moissonneurs

4.74 La treizième lune : la lune bleue

4.75 Super Moon

4.76 Photographier une pleine lune.

Page 12: Clairs de Lune.pdf

8

4.8 La pleine terre

4.9 Deux phénomènes très esthétiques liés aux phases : la lumière cendrée, les fins croissants

4.91 La lumière cendrée

4.92 Rechercher les fins croissants

5E REMARQUE - Pages 26 à 32. IL FAUT ENVIRON TRENTE JOURS A LA LUNE POUR

PRESENTER LA MEME FORME 5.1 Un astre révolutionnaire

5.11 Révolution sidérale

5.12 Révolution synodique, de synodus : qui revient en même temps

5.13 La révolution draconitique

5.14 La révolution anomalistique

5.15 Il faut 19 ans + 1h30 pour revenir à la même phase aux mêmes dates de l’année : le

cycle de Méton

5.16 Un autre retour périodique lié aux phases : le Saros

5.2 Une lunaison et tout recommence. La Lune, premier calendrier.

5.21 Les calendes grecques

5.22 Le calendrier s’occupe des temps longs, le jour est son unité de base.

5.3 Pâques et la Lune, intiment liés

6E REMARQUE - Pages 32 à 37. A L’HORIZON, LA PLEINE LUNE PARAIT ENORME

6.1 Le diamètre apparent de la pleine lune

6.2 Notre cerveau nous ment

6.3 La distance Terre – Lune

6.31 Il faut bien qu’il y en ait un qui commence : Aristarque de Samos

6.32 Chapeau bas Monsieur Hipparque

6.33 Joseph Jérôme et Monsieur l’Abbé

6.34 Sisyphe ou Ravaillac

6.35 Et pour finir dans la joie et la bonne humeur : la distance de la Terre à la Lune dans

une feuille de papier.

7E REMARQUE – Pages 37 à 39. ZONES CLAIRES ET ZONES SOMBRES. AVEC UN

PEU D’IMAGINATION, ON VOIT DES PERSONNAGES 7.1 Pierrot, The Lady in the Moon, le Lièvre de jade Yutu

7.2 Les Sélénites ou Séléniens

7.3 Une symétrie trompeuse

8E REMARQUE - Pages 39. LES ANCIENS N’AVAIENT QUE LEURS YEUX

8.1 White Mesa, la tombe de Knowth

8.2 Où on retrouve Léonard

8.3 William Gilbert, premier sélénologue

9E REMARQUE – Pages 40 à 46. LES JUMELLES, CE N’EST PAS L’IDEAL, MAIS…

9.1 Les jumelles donnent une vue d’ensemble de la surface de la Lune

9.2 Quelques formations intéressantes accessibles avec de bonnes jumelles (10 x 50)

9.3 Thomas Harriot versus Galileo Galilei

9.4 Quelques cartes contemporaines de Galilée

9.5 Riccioli and Co : la nomenclature des mers et continents

9.6 Nomenclature officielle des mers et formations associées

9.7 Mare Cognitum, Planitia Descensus, Sinus Successus : des cas à part

9.8 Terra : une nomenclature disparue

Page 13: Clairs de Lune.pdf

9

10E REMARQUE : - Pages 46 à 58 MERS ET CONTINENTS. LA LUNE, COMME LA

TERRE, DOIT AVOIR UNE HISTOIRE GEOLOGIQUE.

10.1 Mythes et réalités

10.2 Des lunes, il y en a beaucoup, mais une seule comme la Lune

10.3 Lune, d’où viens-tu ?

10.31 Théorie de la capture

10.32 Théorie de la fission

10.33 Théorie de la formation simultanée

10.34 Théorie de la collision. Hartmann et Davis 1975

10.4 Sur quelles bases s’appuyer pour défendre la théorie de la collision ?

10.41 La composition de la Lune

10.42 Les principaux minéraux lunaires

10.43 Ces différents minéraux ont formé des roches bien connues sur Terre

10.44 Les contraintes imposées par le modèle de l’impact géant

10.45 Les arguments en faveur de la théorie de la collision ?

10.5 Les empêcheurs de collisionner en rond

10.6 La formation d’une planète tellurique

10.61 La différenciation planétaire : un phénomène universel

10.62 Un océan magmatique originel

10.7 La structure interne de la Lune

10.71 La croûte lunaire

10.72 Sous la croute les KREEP

10.73 Le manteau

10.74 Le noyau

10.8 L’atmosphère

11E REMARQUE – Pages 58 à 61. MA VOISINE A UN COMPORTEMENT BIZARRE. ET

IL N’Y A PAS QU’ELLE

11.1 La Lune lave plus blanc et ronge le verre

11.2 La Lune rend les fous plus fous…

11.3 A la pleine lune, le pêcheur de truite reste chez lui

11.4 Les coraux sont des poètes

11.5 Temps pourri. Mon pauvre Monsieur c’est normal, c’est l’année des treize lunes

11.6 Beu d’épina, liuna fina, beu de feilla luna veilla.

11.7 La Lune soulève l’eau et la Terre.

11.8 Dites-le avec la Lune.

11.9 Il est temps d’aller dormir

Page 14: Clairs de Lune.pdf

10

1RE

REMARQUE : LA LUNE BRILLE DANS LE CIEL

1.1 Sous la lumière du Soleil

Hormis la Terre avec sa pollution lumineuse et ses éruptions volcaniques et le volcanique Io, le

premier satellite de Jupiter, une planète et ses satellites n’émettent pas de lumière propre. Ils ne font

que réfléchir la lumière de l’étoile autour de laquelle ils gravitent. La Lune, comme tous les

satellites, est dans ce cas. Elle réfléchit à la fois la lumière du Soleil, la lumière de la Terre, elle-

même lumière solaire réfléchie.

Cette capacité de réflexion s’appelle l’albédo, mot latin qui signifie « blancheur ». On peut définir

cette propriété comme le pourcentage de lumière réfléchie par un corps céleste éclairé par le Soleil.

Sa valeur va de 0 (aucune réflexion, corps totalement noir) à 1 (100 % de lumière réfléchie, corps

totalement blanc). Ces deux valeurs extrêmes sont théoriques. On estime qu’un corps ayant un

albédo de 0.03 est noir.

Comparaison d’albédos

Lune 0.11

Terre 0.306

Basalte 0.05

Leucogranit (granit clair) 0,20

Chaux 0.35

Nuage : (sommet) 0.6

Vénus : (haute atmosphère de nuages) 0.65

Neige : (ancienne) (fraiche) 0.5 à 0.8

Satellite Europe : (glace et poussière) 0.67 Wikipédia

Les parties sombres de la Lune représentent 32 % de la face visible, les parties claires 68 %. Si on

admet une correspondance entre albédo et composition, celle qui donne un résultat proche d’un

albédo de 0.11 est l’association basalte/granit clair : 0,05 x 0,32 + 0,2 x 0,68 = 0,15

Nous y reviendrons lors de la partie consacrée à la géologie de la Lune, pour constater que nous

avons raison pour un des composants.

1.2 Luminosité de la Lune

Entre la nouvelle et la pleine lune, du fait de l’augmentation continue de la distance angulaire de la

Lune par rapport au Soleil, la clarté de la Lune évolue en fonction de son âge. Le maximum de

Page 15: Clairs de Lune.pdf

11

luminosité est atteint à la pleine lune. Le fait que l’hémisphère ouest soit plus sombre influe sur la

luminosité après la pleine lune.

Age de la

Lune en j

3

5

7

1Q

9

11

13

PL

17

19

21

DQ

24

26

28

Elongation

en °

37

61

85

90

110

134

158

180

207

232

256

270

293

317

341

Clarté

relative

1

3

6

8

16

30

58

100

max

49

26

13

8

4

1

<1

Alan CHU

La pleine lune réfléchit 11 % de la lumière qu’elle reçoit du Soleil. A cet instant sa magnitude est de - 12,6

ce qui en fait un astre extrêmement lumineux, une vraie pollution lumineuse naturelle aux yeux des

amateurs de ciel profond. Seules quelques étoiles sont visibles dans un ciel laiteux.

Mais, pour un observateur de la Lune, certains objets présentent beaucoup d’intérêt sous un éclairage

maximum. L’emploi d’un filtre lunaire ou, encore mieux, d’un filtre polarisant, est indispensable car il

permet de réaliser des observations dans des conditions confortables. Ce dernier filtre, qui se fixe sur

l’oculaire, pourra également être utilisé avec profit lors de l’observation de certaines phases de Vénus. Par

contre son emploi n’est pas possible avec des jumelles.

Images satellite Suomi NPP NASA Earth Observatory - LPOD

Tous les observateurs savent combien la luminosité ambiante varie; parfois, il est possible de lire les

chiffres indiquant la focale des oculaires et, d'autres fois, on distingue à peine ces oculaires. Ces images de

la mer Rouge prises en orbite, illustrent parfaitement cette variation au cours d’une lunaison. Quand la

Lune est pleine (en haut à gauche), la luminosité est environ 10 000 fois supérieure à celle de la nouvelle

lune (en bas à droite). Dans les temps anciens, les chefs militaires réalisaient les attaques nocturnes à

proximité de la pleine lune afin qu'ils puissent voir où ils allaient et envoyaient des espions par nuit noir

pour des raisons inverses. Avant que l'éclairage électrique ne soit généralisé, voyager lors de nuits sombres

était déconseillé, à tel point qu'un groupe composé de commerçants, inventeurs et libres penseurs anglais

des années 1700 tenait ses réunions mensuelles à la pleine lune, afin que ses membres puissent mieux voir

et ainsi trouver plus facilement leur chemin de retour. Ils s'appelaient eux-mêmes la Lunar Society.

La Lune est-elle pour autant un objet brillant ? La réponse est non. Notre cerveau nous joue des tours. Si la

Lune est brillante, c’est par contraste avec le fond du ciel. En réalité la Lune est un corps plutôt sombre. Les

auvergnats connaissent bien le basalte. La cathédrale de Clermont est bâtie avec cette roche. Elle est

sombre, à telle point que certains touristes reprochent de ne pas l’avoir nettoyée comme cela se fait pour

les monuments de Paris. Or le basalte est la roche constituant les mers lunaires, lesquelles recouvrent 32 %

Page 16: Clairs de Lune.pdf

12

de la face visible. Quant aux continents, même s’ils sont constitués d’une roche à minéraux clairs

(feldspaths), leur couleur naturelle est plutôt le gris que le blanc. Globalement la Lune réfléchit de manière

équivalente à l’asphalte de nos routes.

2E REMARQUE : LA LUNE SE LEVE ET SE COUCHE

Qui n’a pas été sensible à la beauté du coucher d’un fin croissant de Lune associé à sa lumière cendrée ou

par le lever d’une pleine lune au soir d’une chaude journée d’été ? Tout le monde a également constaté

qu’en cours de nuit, la Lune se déplace de l’est vers l’ouest, là où le Soleil se couche. Les levers et couchers

de Lune résultent de la rotation de la Terre sur elle-même.

2.1 Mais pas toujours à la même heure

Chaque jour, lever et coucher de Lune se produisent avec retard par rapport à la veille. Ce décalage est lié à

la rotation de la Lune autour de la Terre. La Lune se déplace d'ouest en est sur son orbite (en sens contraire

du mouvement apparent de la voûte céleste) et sa distance angulaire au Soleil augmente chaque jour

d'environ 12° 11,4’. Cette valeur fait que la Lune se lève (ou se couche) chaque jour un peu plus tard. La

valeur moyenne de ce décalage, exprimé en temps, est de 52 minutes.

2.2 Un jour par mois, elle ne se lève pas

Cette valeur de 52 minutes n’est qu’une moyenne car la vitesse de déplacement de la Lune sur son orbite

dépend de sa distance à la Terre (3ème

loi de Kepler). Au périgée, elle est plus rapide qu’à l’apogée : 15° 24

contre 11° 48’ par jour. En conséquence, la durée entre deux levers consécutifs varie de 24 h 18 min à 25

h 12 min. Ainsi, chaque mois, il y a un jour sans lever et un jour sans coucher de Lune. Par exemple, une

Lune située à 406 720 km, qui se lève le jour n à 23 h 45 min, ne se lèvera pas pendant le jour n+1 mais se

lèvera le jour n+2 à 0 h 04 min.

3E REMARQUE : LA LUNE SE DEPLACE EN SENS INVERSE DU DEPLACEMENT DES

ETOILES

3.1 Les unes vers l’ouest, l’autre vers l’est

Nuit après nuit, le ciel change. Chaque soir de nouvelles étoiles montent au-dessus de l’horizon est.

Lorsque l’une d’entre elles apparaît à une heure précise, par exemple 22 h, elle sera présente un peu plus tôt

le lendemain, 3 minutes 56 secondes plus tôt, à 21 h 56 min 04 sec. Et ainsi de suite; en trente jours, elle

aura pratiquement gagné 2 heures, en 12 mois, 24 h. Elle se présentera alors dans les mêmes conditions

d’observation.

L’étoile, et par conséquence l’ensemble des étoiles, la « voûte céleste », se déplace d’est en ouest, dans le

sens des aiguilles d’une montre. Ce déplacement est dit « dans le sens indirect » ou « sens rétrograde ».

Dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, c’est le « sens direct ». C’est le cas de la Lune, qui se

déplace d’ouest en est.

En superposant les deux phénomènes on comprend pourquoi la Lune se déplace lentement en sens inverse

du sens de déplacement des étoiles. La valeur de ce déplacement est d’environ un diamètre lunaire, soit 31’,

en environ 55 minutes. Les montures « haut de gamme » sont d’ailleurs équipées d’une vitesse de suivi

dite « lunaire » alors que les montures de base n’ont que la vitesse sidérale.

Se déplaçant en sens opposé, Lune et étoiles ont donc toutes les chances de se rencontrer. La Lune défilant

alors devant les étoiles, les cache temporairement. Il arrive également qu’elle passe devant une planète ou

devant le Soleil ; dans les trois cas, c’est le phénomène d’occultation. Ainsi, parler d’une « éclipse de

Soleil » est astronomiquement incorrect ; il serait préférable de parler d’une « occultation de Soleil »,

l’occultation correspondant à un recouvrement d’un astre par un autre (la Lune passe devant le Soleil).

Page 17: Clairs de Lune.pdf

13

L’éclipse correspondant au passage dans une zone d’ombre d’un corps réfléchissant la lumière, l’éclipse de

Lune est donc une vraie éclipse, la Terre cachant le Soleil, source de la lumière qui éclaire la Lune.

3.2 Mouvement réel et mouvement apparent

La Terre tourne sur elle-même d’ouest en est (mouvement réel) en 23 h 56 min, ce qui provoque un

mouvement du Soleil (mouvement apparent, le Soleil étant fixe) d’est en ouest. Ce mouvement définit la

journée, temps écoulé entre le lever et le coucher du Soleil.

La Terre tourne autour du Soleil en 365,25 jours. Ce déplacement se fait dans le sens contraire des aiguilles

d’une montre (sens direct). Il provoque un autre mouvement apparent du Soleil, par rapport à la voûte

céleste. Ce mouvement apparent permet de définir l’année. La définition astronomique de l’année est un

peu plus complexe : temps séparant deux passages du Soleil au nœud ascendant, point de la voute céleste

appelé « point vernal ». C’est donc le temps écoulé entre deux équinoxes de printemps.

La localisation exacte du point vernal est difficile car la lumière du Soleil diffusée par l’atmosphère nous

empêche de voir le fond du ciel étoilé. Ceci ne sera possible que si une éclipse totale de Soleil se déroule

exactement à cet instant. C’est pourquoi les anciens utilisaient plutôt le temps écoulé entre deux levers de

Soleil exactement au même endroit sur l’horizon, à la même période de l’année. On pense que certains

alignements mégalithiques de la préhistoire, comme Stonehenge en Angleterre, permettaient de prévoir la

période de lever aux solstices et aux équinoxes, le plus facile à repérer étant celui des solstices.

3.3 Lune, écliptique et zodiaque

En reconstituant jour après jour le mouvement apparent du Soleil, on voit qu’il se déplace sur une ligne

imaginaire : l’écliptique (c’est sur cette ligne que se déroulent les éclipses, d’où son nom). Le plan commun

au Soleil et à la Terre, plan sur lequel se trouve l’orbite terrestre, est le plan de l’écliptique.

Au cours de ce déplacement, le Soleil défile devant certaines constellations. Ce sont les constellations du

zodiaque - le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion,

l'Ophiuchus (ou Serpentaire, qui n’existe pas dans le premier zodiaque des astrologues), le Sagittaire, le

Capricorne, le Verseau et les Poissons. Leur origine remonte au Ve siècle avant J.C. On retient une bande

de 8° de part et d'autre de l'écliptique comme limite conventionnelle du zodiaque.

Les planètes, quant à elles, se déplacent autour du Soleil, dans le sens direct. Ce déplacement se fait dans un

plan propre à chaque planète, plan dont l’inclinaison est faible par rapport au plan de l’écliptique.

Mercure : 7°

Vénus : 3° 23’

Terre : 0° par définition

Mars : 1°51’

Jupiter : 1°18’

Saturne : 2° 28’

Uranus : 0° 46’

Neptune : 1° 46’

Pluton : 17° 8’

On voit que deux planètes, Mercure et Pluton, s’écartent assez significativement du plan de l’écliptique.

Pour les autres planètes, l’inclinaison varie de 0° 46’ à 3° 23’. Elles se déplacent donc à l’intérieur de la

bande de +- 8° délimitant le zodiaque. Ainsi, Jupiter parcourt d’ouest en est en cinq ans les constellations

des Gémeaux, Cancer, Lion, Vierge, Balance… toutes constellations du zodiaque.

Et la Lune ?

La Terre orbite autour du Soleil sur le plan de l’écliptique. La Lune orbite autour de la Terre sur un plan qui

lui est propre. Ce plan est incliné de 5° 8’ 43’’ (variable entre 5° et 5° 17’ selon un cycle de 173 jours) par

rapport au plan de l’écliptique. La Lune navigant dans une bande maximum de +- 5°17’ à l’intérieur de la

bande ± 8°, il est donc logique de l’observer devant les constellations du zodiaque.

Page 18: Clairs de Lune.pdf

14

3.4 Les occultations et les rapprochements de planètes et étoiles brillantes

Si on considère que pour un observateur, la Lune et une étoile sont des points, les planètes, étoiles et objets

du ciel profond qui ont une latitude écliptique de ± 5° 17’ peuvent être occultés par la Lune – occultation

totale ou rasante. Mais comme l’observateur peut se déplacer de +90° à – 90° de latitude et que la Lune a

un diamètre apparent maximum de 33’, cette latitude écliptique est portée à 6°21’.

Parmi les étoiles occultables, quatre sont de première grandeur, Aldébaran, Regulus, Spica et Antarès. Les

amas des Pléiades, la Crèche, M 35… peuvent également être occultés.

Occultation de Jupiter (réapparition) Occultation de Saturne Photo Claude Champier

Les occultations rasantes ont, dans un premier temps, permis d’améliorer notre connaissance du relief

lunaire des pôles nord et sud. Des analyses photométriques d’occultations d’étoiles ont permis de découvrir

des étoiles doubles trop serrées pour être dédoublées optiquement. Le diamètre angulaire de certaines

étoiles a pu être calculé. L’occultation de radiosource a également permis de mesurer leur position avec une

grande précision. Cela a, entre autres, permis de déterminer que la radio source 3C 273 était aussi un quasar

optique de nature cosmologique. Quant aux rapprochements, beaucoup plus fréquents que les occultations

d’étoiles brillantes ou de planètes, ils sont également annoncés dans les éphémérides, ce qui permet de

réaliser des images intéressantes en les combinant avec un avant-plan.

3.41 Disparition, apparition Selon la période dans la lunaison, l’occultation présentera des différences. Si on se situe entre la nouvelle

lune et la pleine lune, l’étoile disparaîtra sur le bord obscur, ce qui produira une très belle image si le

phénomène est accompagné par la lumière cendrée. La réapparition se fera sur le bord éclairé ; il sera plus

difficile de noter l’heure exacte du phénomène. Inversement, entre la pleine lune et la nouvelle lune, les

disparitions se feront sur le bord éclairé et les réapparitions sur le bord sombre.

Aspect d’une occultation entre

la nouvelle lune et la pleine lune

Aspect d’une occultation entre

la pleine lune et la nouvelle lune.

Page 19: Clairs de Lune.pdf

15

3.42 Données techniques

Le C.A. (Cusp Angle), angle SCI, est l’angle

compris entre l’extrémité du terminateur la plus

proche et le point du limbe où a lieu le phénomène.

Celui-ci est compté de 0° (nord ou sud) à 90° le

milieu de ce bord. Le schéma illustre une

disparition à C.A. 55° sud. Lorsque le C.A. est

négatif cela signifie que le phénomène a lieu au

bord éclairé de la Lune.

L’angle de position (Polar Angle, angle au zénith) du point de contact, angle ACE, est mesuré du centre de

la Lune, à partir de son pôle nord céleste (PNC), dans le sens N-O-S-E (contraire aux aiguilles d’une

montre). Le schéma illustre une réapparition à P.A. 260°.

L’angle de Watt est identique à l’angle au pôle mais il est calculé à partir du pôle nord lunaire.

3.43 Les occultations rasantes Pendant longtemps les occultations rasantes ont été un excellent moyen de reproduire le relief du limbe

près des pôles. Une occultation rasante se produit lorsque l'un des deux bords nord ou sud de la Lune, en se

déplaçant, effleure tout juste les étoiles et les fait disparaître puis réapparaître, parfois plusieurs fois. Ceci

est dû au défilement des montagnes et vallées lunaires qui alternativement laissent voir puis occultent les

étoiles en arrière-plan. Un relevé des temps des apparitions et disparitions alternées permet d’établir un

profil des reliefs.

Le principe du relevé de données d’une occultation

rasante est simple. Une fois la date et le lieu

confirmés, il suffit de répartir uniformément des

observateurs à des distances si possible égales sur

une même longitude mais à des latitudes différentes

très proches (quelques centaines de mètres) les unes

des autres. Sur l’exemple ci-dessus, huit

observateurs ont été répartis. Ils ont tous calé leurs

chronomètres sur la même heure, même seconde

(horloge parlante par exemple).

Chacun dispose d’un magnétophone pour enregistrer les tops correspondants aux disparitions et

réapparitions. L’observateur 1 n’aura pas enregistré de disparition. Le 2 : une disparition, une réapparition ;

le 3 : deux disparitions et deux réapparitions, et ainsi de suite. La synthèse des observations permettra

d’établir un profil du type de celui en pointillés.

3.44 Quelques occultations célèbres La plus ancienne observation d'occultation connue date de -357. Occultation de Mars par la Lune rapportée

par Aristote. Kepler date cette occultation (Astronomia Nova chap.69 1609) au 4 avril -357 ; en réalité elle

aurait eu lieu, selon certains calculs, le 6 et elle était invisible depuis la Grèce… Ce qu’Aristote a observé

est un rapprochement très serré entre la Lune et Mars qui se serait déroulé le…8 avril – 357 à 5 heures du

matin selon Coelix. Mais le logiciel Stellarium calcule une occultation de Mars à 6 h 30 visible en Grèce

mais invisible sans instrument (fond de ciel trop clair). A nos latitudes et longitudes Mars serait réapparu à

7 h 36, invisible pour les mêmes raisons…

Vers 150 : Ptolémée. Almageste. Sept occultations de Spica, de Scorpion et des Pléiades, observées entre

294 avant J.-C. et 98 après J.-C.

720 : Nahongi, chronique japonaise. Série d’occultations.

1497: Copernic. Occultation d’Aldébaran.

Page 20: Clairs de Lune.pdf

16

1637: Jeremiah Horrocks. Occultation des Pléiades. Il en déduit que la dimension angulaire des étoiles doit

être très petite.

21 avril 1720 : Jacques Cassini. Occultation de l'étoile doubleVirginis.

6 avril 1749 : J.J.L. de Lalande. Occultation d’Antarès observée depuis Paris et Berlin.

7 mars 1794 vers 19 heures U.T à Dantzig. Aldébaran rase le limbe nord de la Lune, deux disparitions

successives.

4E REMARQUE : LA LUNE CHANGE DE FORME. CE PHENOMENE SEMBLE LIE A SA

POSITION PAR RAPPORT AU SOLEIL

4.1 Tout tourne

Les astronomes de l’Antiquité jusqu’à la fin du Moyen Age pensaient que l’orbite des planètes (astres

errants) était circulaire. La raison ? Le cercle est, selon Aristote, (-384, -322) une figure parfaite qui

convient à l’Univers. Ptolémée (90 ?,168 ?) a développé un modèle complexe de cercles afin d’expliquer

les variations de position, de vitesse apparente, d’éclat des planètes. Poussé à l’extrême, le système de

Ptolémée comportait des dizaines de cercles combinés. Il faut attendre les travaux de Copernic (1473-1543)

et la théorie héliocentrique confirmés par les observations de Galilée (1564-1642) pour placer les astres au

bon endroit : le Soleil au centre, la Terre tourne autour du Soleil, la Lune tourne autour de la Terre.

Kepler (1571-1630), à partir des observations de Tycho Brahe « l’homme au nez d’or » (1546-1601), a

donné une forme à cette orbite : l’ellipse.

Ceci étant, le système de Ptolémée rendait assez bien compte des phénomènes - phases de la Lune,

changement de luminosité et rétrogradation des planètes, variation des vitesses apparentes… mais au prix

d’une complexité croissante et de quelques imprécisions

Système de Ptolémée Système de Copernic

Sur l’illustration relative au système de Ptolémée (à gauche), on voit l’ingéniosité du concepteur qui permet

d’expliquer, en rendant solidaires les deux orbites de Vénus et du Soleil par rapport à la Terre (droite TS)

pourquoi Vénus est tantôt une étoile du soir (à gauche de la droite TS) tantôt une étoile du matin (à droite

de la droite TS). Le Soleil tourne sur une orbite centrée sur la Terre, ce qui explique que sa luminosité est

constante. Par contre, la position de Vénus est variable sur des cercles de centre C, afin d’expliquer ses

variations de luminosité. Un ensemble de cercles excentriques permet également de rendre compte des

variations de vitesse sur l’orbite.

La Lune tourne autour de la Terre, elle peut donc cacher le Soleil (éclipse totale de Soleil) ou ne plus être

éclairée par lui (éclipse totale de Lune). Elle peut se situer à droite de la ligne TCS (lune descendante) ou à

gauche (lune ascendante). Son comportement est donc semblable à celui de Vénus. Un astronome de

l’antiquité un peu imaginatif aurait donc très bien pu imaginer des phases de Vénus sur le même principe

que les phases de la Lune. Il faudra attendre Galilée pour constater cette équivalence, mais dans un autre

système, l’héliocentrisme.

Page 21: Clairs de Lune.pdf

17

4.2 Sur un rythme à trois temps : Kepler et les orbites des planètes et satellites

Des observations astronomiques d’une précision remarquable furent effectuées par Tycho Brahe entre 1576

et 1597, en particulier sur la planète Mars. Il disposait d’un observatoire à Uraniborg au Danemark doté du

meilleur matériel pour son époque. Johannes Kepler fut son assistant et eut ainsi accès aux données

recueillies par Tycho. C’est à partir de ces données qu’entre 1609 et 1619 il énonça trois lois qui permettent

de décrire les mouvements des planètes et de leurs satellites.

Fig.1 Fig.2

- Première loi (Fig.1) : les planètes se déplacent selon une orbite elliptique dont le Soleil occupe un des

deux foyers ; il en est de même pour l’orbite des satellites autour de leur planète et en particulier de la Lune

autour de la Terre. La particularité de l’orbite elliptique est que, contrairement à une orbite circulaire, la

distance d’un point au centre est variable ; de même pour la distance d’un point au foyer. En revanche, la

somme des distances d’un point aux deux foyers est constante.

- Deuxième loi : (Fig.2) : à droite F1M qui relie le foyer F1, occupé par la planète, au satellite situé en M,

est le rayon vecteur. Le rayon vecteur balaie des aires égales en des temps égaux.

- Troisième loi :

Le carré de la période de révolution est proportionnel au cube du demi-grand axe OA.

4.3 De quoi se faire des nœuds : Terre, Lune, écliptique, orbite

La Terre tourne autour du Soleil selon une orbite

elliptique située dans un plan fixe : le plan de

l’écliptique. Terre et Soleil sont par définition dans

ce plan.

Les points d’intersection entre l’orbite de la Lune et

le plan de l’écliptique s’appellent les « nœuds ». Le

nœud ascendant est celui par lequel la Lune franchit

l’écliptique du sud vers le nord. La ligne qui joint

les deux nœuds est la « ligne des nœuds ».

Quelques données concernant l’orbite lunaire

Inclinaison de l’orbite de la Lune sur l’écliptique :

5° 08’

Inclinaison de l’axe de rotation de la Lune sur son

orbite : 6° 41’. Varie de ± 5’ 25’’ par rapport à sur

une période de 173 jours.

Inclinaison de l’axe de rotation de la Lune sur

l’écliptique : 1° 33’. Les rayons solaires sont donc

pratiquement tangents aux pôles lunaires ce qui fait

que le fond de certains cratères près du pôle reste

dans une obscurité et un froid permanents.

Page 22: Clairs de Lune.pdf

18

4.4 Un centre qui n’est pas au centre

La Lune tourne autour de la Terre. Faux. Les deux astres tournent autour du centre de gravité du système

Terre-Lune. Celui-ci se situe à environ 4 680 km du centre de la Terre soit environ 1 600 km sous la

surface. C’est ce barycentre du système qui tourne autour du Soleil et non la Terre elle-même. Il en est de

même pour toutes les planètes et les corps qui orbitent autour du Soleil.

Le centre de gravité se déplace sur la « vraie » orbite de la Terre et le centre physique de celle-ci va osciller

de part et d’autre de cette orbite selon une sinusoïde de 9 500 km d’amplitude avec une période d’une

lunaison. Le centre physique de la Terre se trouve sur l’orbite approximativement au premier et au dernier

quartier. Il sera un peu plus proche du Soleil (4 680 km) à la pleine lune et éloigné de la même valeur à la

nouvelle lune.

4.5 Une courbe pas courbe

Si la Terre restait immobile, la Lune, en orbitant autour de celle-ci, dessinerait approximativement une

ellipse proche d’un cercle. Comme la Terre se déplace, on peut imaginer que la Lune va dessiner une

courbe tantôt convexe, tantôt concave. En réalité, il n’en est rien. « (…) Cette courbe est si allongée qu’elle

diffère à peine de celle que la Terre décrit annuellement autour du Soleil, (…) elle est toujours concave vers

le Soleil(…)» Camille Flammarion. Astronomie populaire – 1880 - Marpon et Flammarion Editeurs.

La distance Terre-Lune et le nombre de lunaisons dans l’année sont insuffisantes pour provoquer un

changement de concavité de la trajectoire lunaire.

4.6 Jamais la même : les phases

La séparation nette entre la partie sombre et la partie lumineuse est le

« terminateur ». Il se déplace chaque jour de 12°19’ - soit 0° 30’ 47’’

par heure - en longitude, à la vitesse de 15.5 km/h ce qui provoque le

phénomène des phases (changement de la forme de la partie éclairée).

Le bord brillant de la Lune qui se détache sur le fond de ciel noir est le

« limbe ». La partie brillante de la Lune est toujours dans la direction

du Soleil ; c’est donc lui qui l’éclaire.

Page 23: Clairs de Lune.pdf

19

Considérons que le Soleil est suffisamment loin de la Terre pour que ses rayons lumineux soient considérés

comme parallèles. Les phases de la Lune s’expliquent facilement selon le schéma suivant ; nous sommes à

la verticale du pôle Nord terrestre et les échelles ne sont pas respectées

4.61 Construction des phases

La phase 1

La Lune est entre le Soleil et la Terre. L’angle

Soleil Lune Terre (SLT) fait 180°. Le Soleil éclaire

la Lune par l’arrière. Elle est invisible pour deux

raisons : le Soleil nous éblouit mais surtout, comme

la partie qui fait face à la Terre ne reçoit aucune

lumière, elle ne donc peut pas en réfléchir. Elle est

invisible. C’est la nouvelle lune.

La phase 2

La Lune s’est déplacée sur son orbite. L’angle de

phase (SLT) est maintenant compris entre 180° et

90°.

C’est la phase croissant.

La phase 3

Nous sommes dans le cas particulier où l’angle est

de 90 ° ; c’est le premier quartier, le « p » observé à

l’œil nu.

Page 24: Clairs de Lune.pdf

20

La phase 4

La Lune poursuit son cheminement et l’angle est

maintenant compris entre 90° et 0°. C’est la phase

gibbeuse (du latin gibbosus = bossu).

La phase 5

Soleil Terre et Lune sont alignés dans cet ordre.

Nous sommes dans le cas particulier où l’angle

SLT est de 0°. C’est la pleine lune.

Un phénomène symétrique se poursuit lors de la

deuxième partie de la lunaison, en passant par

dernier quartier pour revenir à un angle SLT de

180° correspondant à la nouvelle lune.

4.62 Les différents éléments d’une phase

Une phase, à une date précise et une heure précise, se définit à partir de plusieurs éléments :

k = la fraction éclairée : c’est le rapport de l’aire éclairée à l’aire totale. Ce coefficient change en

permanence du fait de la révolution de la Lune autour de la Terre. k s’obtient à partir de l’angle de

phase = î

î = angle de phase. C’est l’angle Soleil, Lune, Terre. A la pleine lune, l’angle de phase est de 0° ;

il est de 180° à la nouvelle lune.

L’angle de phase permet de calculer k.

k= ½ (1 + cos i)

NL: cos 180° = -1 => k = ½ (1-1) = 0 => 0 % éclairé

1Q: cos 90° = 0 => k = ½ (1 + 0) = 0.5 => 50 % éclairé

PL: cos 0° = 1 => k = ½ (1+1) = 1 => 100 % éclairé

AOP = angle de position du milieu de la phase : cet angle mesure la position du point qui se

situe au milieu du bord éclairé de la Lune à partir du point le plus au nord sur la sphère céleste,

(différent du pôle nord de la Lune).

P = COP = angle de position de l’extrémité nord de l’axe de rotation de la Lune

Il est calculé à partir du point le plus au nord sur la sphère céleste.

S = ZOP = angle à l’astre. Il est formé par le méridien qui passe par l’astre et le vertical de l’astre

c'est-à-dire le plan passant par le zénith, l’astre et le nadir.

Page 25: Clairs de Lune.pdf

21

4.7 Une phase particulière : la pleine lune

Léonard de Vinci. Etude de la pleine lune Donatto Creti. vers 1715

Bibliothèque du Vatican

La pleine lune est la phase durant laquelle le Soleil, la Terre et la Lune sont alignés dans cet ordre. C’est le

moment où la Lune apparaît la plus brillante depuis la Terre, car lors de cette phase presque toute sa surface

est éclairée par le Soleil. Presque toute, mais pas toute, du fait que la pleine lune se trouve toujours un peu

au-dessus ou au-dessous de l'écliptique, il y a toujours une petite partie au nord ou au sud qui n'est pas

éclairée. Autrement dit la Lune n’est vraiment pleine que lors d’une éclipse totale maximum de Lune, mais

alors nous avons du mal à discerner les détails sur le bord du limbe. Par ailleurs, du fait que la Lune

progresse en permanence sur son orbite, la phase de pleine lune exacte (à la restriction ci-dessus près) ne

dure qu'un instant, et non toute la nuit.

4.71 La pleine lune est haute en hiver, basse en été Les pleines lunes d’hiver illuminent la neige. Pourquoi ? Si l’axe de rotation de la Terre n’était pas incliné

sur l’écliptique (son plan de rotation autour du Soleil, en pointillés sur le schéma), ce phénomène ne se

produirait pas.

Mais comme il est, en moyenne, inclinée de 23° 26’, les pleines lunes d’été seront basses sur l’horizon sud

et, inversement, les pleines lunes d’hiver seront hautes.

4.72 Quelques pleines lunes amérindiennes

Janvier : Lune du loup, froide, des neiges, d'hiver,

Février : Lune du trappeur, de la faim, de la tempête, de la mort, vivifiante,

Page 26: Clairs de Lune.pdf

22

Mars : Lune du poisson, du ver, chaste, des semences,

Avril : Lune du planteur, des semences, de l’œuf, de l’herbe, des vents,

Mai : Lune des fleurs, du lièvre, des plantations,

Juin : Lune des amoureux, des fraises (framboises), rose, de lait, venteuse,

Juillet : Lune des prés, de l’hydromel, des bénédictions, de la chance, du tonnerre, mâle,

Août : Lune des herbes, du maïs vert, rouge, de l’esturgeon, des femmes, du moût, de l'orge,

Septembre : Lune des moissons, du chasseur,

Octobre : Lune du sang, de la chute des feuilles,

Novembre : Lune du castor, des neiges, du deuil, des arbres,

Décembre : Lune froide, du chêne, des longueurs.

4.73 La Lune des moissonneurs

La Lune se déplace dans une bande proche de

l’écliptique. L’angle que fait l’écliptique avec

l’horizon varie tout au long de l’année ; il est

également fonction de la latitude.

En mars, lorsque cet angle est important, le

décalage entre deux levers de Lune successifs est le

plus long de l’année, une heure voire plus. Si on a

pu bénéficier d’un beau clair de lune pour travailler

aux champs lorsque celle-ci était en A, le

lendemain à la même heure, en B, la Lune n’est

pas levée ; encore moins le surlendemain, en C.

En septembre, l’angle écliptique / horizon est plus faible. D’un jour à l’autre le décalage entre deux levers

de Lune n’est plus que d’environ 30 minutes. Si on a bénéficié de sa clarté lorsqu’elle était en A, le

lendemain à la même heure, lorsqu’elle est en B, elle est encore au-dessus de l’horizon, de même le

troisième jour, en C. Le phénomène est encore plus perceptible pour des latitudes élevées, le décalage est

de 15 minutes. Ainsi les moissonneurs du nord, qui récoltaient plus tard dans la saison, pouvaient bénéficier

de la clarté de la Lune pendant trois jours et travailler plus longtemps.

Latitude 45° Septembre 2013

Date Coucher Soleil Lever

Lune

Différence

PL 19 sept 18h50 18h35 0

20 sept 18h48 19h06 31 min

21 sept 18h46 19h37 1h02min

Latitude 60°

Date Coucher Soleil Lever

Lune

Différence

PL 19 sept 18h 55 18h26 0

20 sept 18h52 18h42 16 min

21 sept 18h49 19 h 00 34 min

4.74 La treizième lune : la lune bleue Il y a deux phénomènes appelés « lune bleue » :

Le premier correspond à une pleine lune « supplémentaire » qui se produit lorsqu'une année

comporte treize pleines lunes, au lieu de douze habituellement. La « lune bleue » est donc une

deuxième pleine lune se produisant au cours d’un même mois. La durée de la lunaison étant de

29,5j et certains mois comportant 31 jours, il est en effet possible que deux pleines lunes se

produisent au cours d’un même mois. Cela arrive une fois tous les deux ans et demi. Cette rareté

du phénomène est à l’origine de l'expression anglaise « Once in a blue moon » qui signifie

« rarement ».

Page 27: Clairs de Lune.pdf

23

Par contre février ne comptant que 28 ou 29 jours, il est possible qu’aucune nouvelle ou pleine

lune ne se produise au cours de ce mois.

La seconde lune bleue, moins connue car plus rare, est aussi appelée « lune des glaces ». Le terme

« lune bleue », « lune de glace » est utilisé par l'auteur chinois Confucius : "cette nuit d'hiver un

phénomène extraordinaire est apparu dans le ciel, une lune d'un bleu profond, cette lune était

comme glacée ».

4.75 Super Moon C’est le nom de la pleine lune qui se produit au périgée, point où la Lune est la plus proche de la

Terre. Une pleine lune se produisant à moins d'une heure du périgée est un phénomène rare qui se

produit environ tous les 18 ans.

A cet instant le diamètre apparent est plus grand qu'à n'importe quelle autre période de l'année .

Selon la NASA, la « Super Moon » présente un diamètre apparent de 14 % supérieur et un éclat de

30 % supérieur qu’à son point le plus éloigné, l’apogée. Le nom Super Moon a été proposé en

1979 par l’astrologue américain Richard Nolle. Ce terme n'est pas utilisé dans la communauté

astronomique, qui utilise le terme « pleine lune au périgée » ou « syzygie au périgée » (syzygie :

situation où trois objets célestes ou plus sont alignés). Une « Super Moon » se produit en moyenne

une fois par an.

Effet sur les marées : les marées, effet combiné du Soleil et de la Lune sur les océans, sont plus

fortes lorsque la Lune est nouvelle ou pleine. Au périgée lunaire, la force des marées est

renforcée, d’autant plus si ce périgée se produit lors des équinoxes, période de fortes marées. Mais

même à son maximum, la différence entre la marée d’une pleine lune traditionnelle et d’une

« Super Moon » est relativement faible, quelques centimètres, imperceptible par le grand public.

Super Moon et catastrophes naturelles : certains ont suggéré un lien de causalité avec les

catastrophes naturelles spécifiques telles que le tremblement de terre et le tsunami de 2004 dans

l'océan Indien, le tremblement de terre de Tohoku et le tsunami de 2011. Cependant, dans les deux

cas, la Lune était plus loin de la Terre que la moyenne. Aucune corrélation avec les grands

tremblements de terre n'a été trouvée. On a également affirmé que la Super Moon du 19 mars

2011 était responsable de l’échouage de cinq navires dans le Solent au Royaume -Uni, mais là non

plus aucune preuve scientifique n’a pu être avancée.

4.76 Photographier une pleine lune. Observation « scientifique » : faire deux images d’une Super Moon et d’une pleine lune et faire un

montage pour comparer les deux diamètres apparents. Observation « esthétique » : placer la

pleine lune avec un avant-plan comme sur ces images d’Eric Royer et Varbak.

4.8 La pleine terre

Plaçons-nous en tout début de la lunaison (ou tout à la fin, cela n’a pas d’importance), au moment

de la nouvelle lune. Pour un observateur situé sur la Lune, c’est la pleine terre. Notre planète est

éclairée pleine face par le Soleil et présente un diamètre apparent de 2°. Elle réfléchit 30 % de la

lumière reçue vers l’espace. On peut estimer que la luminosité de la « pleine terre » est de 40 à 65

fois supérieure à celle de la pleine lune que nous pouvons tous observer .

Page 28: Clairs de Lune.pdf

24

4.9 Deux phénomènes très esthétiques liés aux phases : la lumière cendrée, les fins croissants

4.91 La lumière cendrée Quelques jours avant la nouvelle lune (le matin) ou après (le soir), la Lune présente un étrange

aspect. Le croissant est lumineux mais la partie restée dans l’ombre est faiblement visible, d’un

gris bleuté. On peut distinguer des nuances au sein de ce gris, nuances qui apparaissent

immédiatement avec de simples jumelles. Certains reliefs ou cratères importants sont

identifiables. Si, bien que situés dans l’ombre, ces paysages apparaissent, c’est qu’ils sont

faiblement éclairés. Les astronomes appellent ce phénomène, très esthétique, la « lumière

cendrée ».

Mais quelle est la source de lumière ?

De nombreuses hypothèses ont été avancées : phosphorescence naturelle de la Lune, lumière de

Vénus (Kepler), lumière des étoiles. Le premier à donner une explication correcte fut Léonard de

Vinci (1452 –1518).

« … Cette lueur est alors dérivée de nos océans et mers intérieurs - qui sont à ce moment éclairés

par le Soleil qui est sur le point de se coucher, c’est comme si la mer jouait le même rôle pour la

partie non éclairée de la Lune que la pleine lune le fait pour nous lorsque le Soleil est couché… »

La lumière cendrée est la portion de lumière du Soleil réfléchie par la Terre et que nous renvoie la

Lune. Un ménage à trois.

Schéma 1 : un rayon lumineux (1) provenant du Soleil est réfléchi par la Terre en direction de la

Lune (2) puis revient vers la Terre (3).

Schéma 2 : début de lunaison. Les rayons solaires se réfléchissent sur la surface de la Terre en

direction de la Lune selon les lois de la réflexion. La portion réfléchie forme un cône relativement

étroit. Une quantité importante de lumière réfléchie par la Terre atteint la Lune qui lui en renvoie

une partie.

Schéma 3 : un peu plus tard dans la lunaison, la lumière réfléchie vers la Lune forme un cône plus

ouvert. La quantité de lumière réfléchie est plus dispersée ; une plus faible quantité de lumière

atteint la Lune par rapport au cas précédent, quatre fois moins. Une quantité plus faible sera

réfléchie par la Lune vers la Terre. Au-delà du premier quartier et avant le dernier quartier, la

lumière cendrée est invisible.

Page 29: Clairs de Lune.pdf

25

4.92 Rechercher les fins croissants Ce phénomène est observable au tout début ou en toute fin de lunaison, lorsque la Lune est seulement âgée

de quelques heures à une journée. La détection des fins croissants est l’enjeu de records mondiaux lors de

grands rassemblements, en particulier dans les déserts nord - américains. Au-delà de 24 heures, les

croissants sont fins mais assez facilement observables ; ils deviennent alors des évènements esthétiques.

L'observation de très « jeunes » ou très « vieux »

croissants, visibles au crépuscule juste après la

nouvelle lune ou à l’aube juste avant, est souvent

délicate, parfois même impossible. Les croissants

lunaires les plus fins et les plus facilement détectables

aux latitudes moyennes de l'hémisphère nord ont lieu

lorsque plusieurs facteurs sont réunis :

- proximité du passage de la Lune au périgée qui

implique une Lune plus grosse, plus lumineuse et

s’écartant rapidement du Soleil, sa vitesse orbitale

étant alors plus grande (loi des aires)

- séparation angulaire avec le Soleil supérieure à 7°

- forte latitude de la Lune au nord de l'écliptique

(latitude maximum 5°17’).

- inclinaison maximale de l'écliptique par rapport à

l'horizon. Cette inclinaison dépend de la période et de

la latitude. Au pôle, l’angle peut atteindre environ 24°,

sous nos latitudes 70° et 90° à l’équateur.

Elle peut être calculée avec la formule suivante :

Cos (i) = Cos (e) Sin (lat) – Sin (e) Cos (lat) Sin (t)

avec i = inclinaison sur l’horizon,

e = 23°27, t = temps sidéral, lat = latitude

Le schéma montre qu’à la même distance angulaire du Soleil et la même position sur l’écliptique, la Lune

en A se couchera plus tôt que la même Lune en B. Ce phénomène sera amplifié si la Lune, dans

l’hémisphère nord, se trouve au nord de l’écliptique, en C. Les meilleures périodes pour observer les fins

croissants sont le printemps pour les croissants du matin et l’automne pour les croissants du soir.

Mais même lorsque ces conditions sont remplies, la partie n'est pas gagnée ! L'observateur doit aussi

bénéficier d'un horizon bien dégagé, d'un ciel clair et d'une atmosphère transparente pour espérer voir la

minuscule virgule lunaire se détacher du fond lumineux du ciel, sans oublier d’être à la bonne longitude par

rapport à l’instant de l’évènement.

Admettons en effet (cas d’école) que la nouvelle lune soit à 7 h, au moment exact du lever du Soleil et que

le Soleil se couche à 19 h. Entre-temps, la Lune a parcouru 6° 30’ vers l’est, le croissant aura 12 heures ; il

sera théoriquement visible aux instruments (record du monde 11 h 40 min), juste avant le coucher de la

Lune. Mais si la nouvelle lune a eu lieu à 8 h, le Soleil se couche à 19 h ; la Lune n’aura que 11 heures. Elle

sera invisible. En revanche, le fin croissant sera visible pour un observateur situé 13° plus à l’ouest. Pour

cet observateur la Lune aura 12 heures au moment où il l’observera.

A l'œil nu, le record est détenu par Stephen James O’Meara qui a observé un jeune croissant âgé de

seulement 15 heures et 32 minutes le 24 mai 1990 à 11 h 47 min UTC, après un repérage aux jumelles. Le

record de la plus jeune Lune jamais observée avec un instrument appartient à Mohsen G. Mirsaeed, avec un

croissant de 11 heures et 40 minutes le 7 Septembre 2002. Le record précédent était de 11 heures et 56

minutes par J. Stamm le 21 janvier 1996. On pensait que, selon l'astronome français André Danjon, il était

impossible d’observer un croissant de Lune lorsque l'élongation (la distance apparente entre le Soleil et la

Lune) était inférieure à 7 degrés, la luminosité du croissant étant inférieure à celle du ciel (d’un facteur

1000 en lumière visible). Mais en avril 2010 Thierry Legault, grâce à un montage ingénieux, a

photographié la Lune exactement à l’instant de la nouvelle lune, la Lune se situant à 4° 33’ au nord du

Soleil; un minuscule croissant est visible dans l’infrarouge représentant 2/1000 du disque. On ne peut plus

faire ni plus jeune, ni plus vieux !

Page 30: Clairs de Lune.pdf

26

5E REMARQUE : IL FAUT ENVIRON TRENTE JOURS A LA LUNE POUR PRESENTER LA

MEME FORME

5.1 Un astre révolutionnaire

Avant d’être synonyme de changement, de bouleversement important et brusque dans la vie d'une nation, le

mot révolution était plus pacifique, plus routinier. Il vient du latin " revolutio " qui signifie "action de

revenir en arrière, de recommencer". Et c’est bien ce que nous remarquons avec la Lune, un

recommencement régulier, plus ou moins évident en fonction du type de révolution observé.

Dans ce qui va suivre, les durées sont des durées moyennes.

5.11 Révolution sidérale

La Lune tourne autour de la Terre et se retrouve

dans la même position par rapport à un astre fixe

comme une étoile en 27 j 7 h 43 min 11s soit

27,3216 jours. C’est la définition de la « révolution

sidérale ». Si on se réfère à cette révolution, la

pleine lune (ou la nouvelle et les deux quartiers)

devrait se produire à un intervalle régulier de 27j 7h

43 min 11 s.

Pourquoi alors faut-il attendre 29j 12h 44min 3s soit 29,5306 jours entre deux nouvelles lunes

consécutives? Faisons d’abord une constatation.

La Lune présente toujours la même face Faisons une petite expérience :

Placez une chaise au centre d’une pièce. Regardez la chaise. Déplacez-vous circulairement de la gauche

vers la droite afin de faire le tour de la chaise sans jamais la quitter des yeux. Lorsque vous aurez fait un

tour complet, vous aurez fait un tour sur vous-même sans jamais la perdre de vue. Le phénomène à

l’origine de cette constatation s’appelle l’orbite synchrone.

La Lune met exactement le même temps pour faire

un tour sur elle-même et pour faire le tour de la

Terre : 27 jours 12 h 43 min 11s. Et c’est la raison

pour laquelle elle nous présente toujours la même

face.

On estime qu’à l’origine, la vitesse de rotation de la Terre sur elle-même était de quatre heures (certains

modèles s’appuie sur 2h 30) et que la Lune se situait légèrement au-delà de la limite de Roche. Cette limite

correspond à la distance théorique en dessous de laquelle un satellite commencerait à se disloquer sous

l'action des forces de marée causées par le corps autour duquel il orbite. Sa valeur varie de 18 400 km à 36

000 km selon les modèles de formation.

L’effet des marées produit sur une Lune plus proche de la Terre qu’aujourd’hui, était très important. Elle

s’en trouvait déformée, étirée en direction de la Terre et dans la direction opposée. Cette forme allongée

présente deux protubérances formant un bourrelet. La vitesse de rotation de la Terre et de la Lune étant

différentes, il en résulte une instabilité des protubérances, chacune d’entre elles ayant tendance à vouloir

venir sur une position stable. Cela entraînait un déplacement permanent du bourrelet et engendrait des

frottements. Ces frottements ont ralenti progressivement la vitesse de rotation de la Lune jusqu’à l’amener à

Page 31: Clairs de Lune.pdf

27

une position d'équilibre. Les frottements ont disparu lorsque le déplacement du bourrelet est devenu nul,

c'est-à-dire lorsque la période de rotation de la Lune sur elle-même s’est ajustée avec celle de sa révolution

autour de la Terre.

De la même façon, les marées soulevées par la Lune sur la Terre vont chercher à synchroniser la rotation de

la Terre avec la révolution de la Lune. Ces interactions entrainent un ralentissement de la vitesse de rotation

de la Terre sur elle-même de 1,64 milliseconde par siècle et un éloignement de la Lune dont la valeur

actuelle est de 3,8 cm par an. Lors de l’apparition des poissons, il y a 475 millions d’années, la Terre

tournait en 21 h 30 min ; il y a 65 millions d’années, lorsque les dinosaures ont disparu, cette valeur était de

23 h 40 min.

5.12 Révolution synodique, de synodus : qui revient en même temps

Revenons à nos 29j 12h 44min 3s soit 29,5306

jours entre deux nouvelles lunes consécutives.

Pourquoi 2,2089 j de plus que la révolution

sidérale ?

Tout simplement parce que pendant les 27,3216

jours de la révolution sidérale, la Terre s’est

déplacée autour du Soleil et celui-ci (mouvement

apparent) se sera déplacé par rapport aux étoiles.

Considérons le Soleil et la Lune parfaitement

alignés par rapport aux étoiles, références fixes.

Afin de faciliter les calculs, les données sont en

unités et décimales

Par rapport aux étoiles, le Soleil se déplace (mouvement apparent) de 360° / 365,25j = 0,99° par jour

La Lune se déplace (mouvement réel) de 360° / 27,3216j = 13,1763° par jour.

En 27,3216 j le Soleil aura parcouru 0°.99 x 27,3216j = 27,0483°

Pour revenir à la même position initiale par rapport au Soleil, la Lune devra parcourir ces 27,0483° et

mettra 27,0483° / 13,1763° = 2,05 jours

Pendant ces 2,05 j, le Soleil se sera déplacé de 0,99° x 2,05 jours = 2,02° = 2° 1,2’

La Lune mettra 0,1533 jour pour combler le retard. Il lui restera alors à parcourir 9 minutes d’angle, à la

vitesse de 0,99° par jour, pour rejoindre exactement le Soleil.

L’addition de ces éléments donne 29,53059 j soit 29 j 12 h 44 min 3s.

L’orbite de la Lune étant soumise à un nombre très important de perturbations, ces valeurs sont des valeurs

moyennes de référence.

Mais ce n’est pas tout. Dans le chapitre « révolution », il existe aussi les révolutions draconitique et

anomalistique.

5.13 La révolution draconitique

La révolution draconitique correspond à l’orbite

parcourue par la Lune entre deux passages au

même nœud (intersection de l’orbite et de

l’écliptique). Le nœud ascendant correspond au

point où la Lune traverse le plan de l’écliptique du

sud vers le nord et inversement pour le nœud

descendant. La révolution draconitique a une

durée différente de celle de la révolution sidérale,

temps mis pour faire un tour complet de la Terre.

La ligne des nœuds, qui joint les nœuds ascendant et descendant, se déplace en sens contraire au

mouvement de révolution de la Lune autour de la Terre (mouvement rétrograde). Elle effectue une rotation

complète de 360° en 18 ans et 224 jours soit 19° 20’ 8’’ par an. La révolution draconitique sera donc plus

courte que la révolution sidérale de 2 h 37 min 35,7 s. Sa valeur est de 27 j 5h 5 min 36,0s soit 27,55464 j.

Draconitique vient de « dragon ». La croyance populaire imaginait que les éclipses, qui se produisent aux

Page 32: Clairs de Lune.pdf

28

nœuds, étaient l’œuvre d’un dragon qui dévorait la Lune (éclipse de Lune) ou le Soleil (éclipse de

Soleil). Pour expliquer la réapparition des astres, on imaginait des combats sans pitié à l’issue

desquels le dragon était décapité, ce qui permettait à la Lune ou au Soleil de s’échapper.

5.14 La révolution anomalistique

C’est l’orbite parcourue entre deux passages au

périgée (point le plus proche de la Terre). La

ligne qui joint périgée et apogée est la ligne des

apsides. Elle tourne sur elle-même dans la

même direction (sens direct) que la Lune en

3 232,6 jours soit +40,6901°par an; ceci fait que

la révolution anomalistique est plus longue que

la révolution sidérale et est égale en moyenne à

27j 13 h 18 min 33,0s soit 27,21220 j. Entre

périgée et apogée, la distance de la Lune varie

de 14 % ; son diamètre apparent varie donc

entre 29’23’’ et 33’29, alors que celui du Soleil

reste à peu près constant : maximum le 2 janvier

(32’30’’) et minimum le 2 juillet (31’27’’).

Remarquons que, dans l’hémisphère nord il fait chaud alors que le Soleil est au plus loin…

5.15 Il faut 19 ans + 1h30 pour que la même phase se produise aux mêmes dates de

l’année : le cycle de Méton Bien qu’il semble que les Mésopotamiens l’aient déjà constaté, on attribue à Méton de Leuconée, un

astronome grec, la découverte en 432 av. J-C que les phases de la Lune se reproduisaient aux mêmes

dates de l’année après une période de 235 lunaisons soit 19 ans (6 940 jours). Cette durée

correspond également à 255 mois draconitiques, mois intimement liés aux éclipses. La reproduction

des phases après 19 ans se faisant avec un décalage de 1h30, l’imprécision évolue lentement : 1 jour

après 17 cycles soit un peu plus de 320 ans. Le cycle de Méton peut donc être utilisé comme moyen

de prévoir les éclipses. Mais, étant donnée la variabilité de la durée d’une lunaison, comprise entre

29 j 6 h et 29 j 20 h et la discontinuité qu’apportent les années bissextiles au sein du cycle, il n’est

utilisable qu’à court terme comme le faisaient les mésopotamiens. A long terme on utilise le cycle

du Saros.

Le rang d'une année dans ce cycle de 19 ans est connu sous le nom de nombre d'or, peut-être parce

que ce numéro, de 1 à 19, était gravé chaque année en lettres d'or sur les piliers d'un temple à

Athènes. Ce nombre d’or intervient également dans la détermination de la date de Pâques.

5.16 Un autre retour périodique lié aux phases : le Saros Il faut 18 ans 11 jours 8 heures pour qu’une éclipse se reproduise dans les mêmes conditions… mais

pas au même endroit à cause des 8 heures. Ce cycle est le Saros.

Les conditions d’une éclipse

1ère

condition : une éclipse de Lune se produit à la pleine lune (L2) et une « éclipse » de Soleil à la

nouvelle lune (L1). Ces données dépendent de la révolution synodique : 29,53059 j.

Page 33: Clairs de Lune.pdf

29

2ème

condition : la Lune doit se trouver sur l’écliptique. Le point d’intersection entre l’orbite de la Lune et

l’écliptique est le nœud. La Lune doit donc se trouver au nœud. Cette donnée dépend de la révolution

draconitique : 27, 21220 j.

Condition annexe : le diamètre apparent de la Lune varie en fonction de la distance à la Terre, ce qui

conduit soit à une éclipse totale ou à une éclipse annulaire. Cette donnée dépend de la révolution

anomalistique: 27,55464 j.

Après un Saros, la Lune a accompli un nombre entier de mois synodiques (223), draconitiques

(242) et anomalistiques (239), soit 18 ans 11 jours 8 heures soit 6585,32 jours.

Au terme d’un saros, la géométrie Terre-Soleil-Lune est pratiquement identique. La Lune

présente la même phase, se situe au même nœud et à la même distance de la Terre. De plus,

comme le saros est très proche de 18 années, la Terre est à peu près à la même distance du

Soleil et est inclinée de manière pratiquement identique.

En connaissant la date d'une éclipse, il devient alors possible de prévoir la date d'une prochaine

éclipse associée au même saros. La position sera décalée de la valeur d’une rotation terrestre

d’une durée de 8 heures (soit 120° plus à l’ouest)

Un exemple

10 Décembre 2011 à 14h 31 (Eclipse totale)

Convertissons la date en jours juliens pour faciliter le calcul.

10/12/ 2011 à 14h 31 = 2455906,104861111 JJ

10/12/2011 + 1 saros = 6585,32 + 2455906,104861111 = 2462491,4248611107 JJ

L’éclipse totale correspondante se déroulera le jour julien 2462491,4248611107 JJ soit le

20/12/2029 à 22h 11

La première référence à la prédiction d’une éclipse solaire est Thalès en 585 av. J.-C. Les

moyens lui ayant permis de réaliser cette prédiction restent cependant inconnus : peut-être a-t-il

réalisé des calculs sur le mouvement des astres. Une autre hypothèse serait qu’il ait eu la

connaissance ou bien l’intuition du Saros. L’historien Hérodote racontera plus tard que cette

éclipse aurait interrompu un combat entre le roi de Babylone Nabuchodonosor et les Lydiens.

5.2 Une lunaison et tout recommence. La Lune, premier calendrier.

Les anciens observaient de manière très précise la course des étoiles, des planètes et de la Lune

pour de multiples raisons : astrologie, divination, calendrier, saisons, météo, agriculture. La

progression de la Lune dans le ciel ne leur avait pas échappé. La régularité de ses retours à la

même phase et la relative brièveté d’une lunaison, leur ont permis de concevoir un calendri er

lunaire simple mais efficace, ancêtre du mois. Les Sioux ne se donnaient -ils pas rendez-vous à

la prochaine pleine lune…

5.21 Les calendes grecques Le mot calendrier tire son origine de « Calendes » désignant chez les Romains le premier jour

du mois. Ce jour-là, les pontifes convoquaient (ils appelaient : calare) le peuple afin de préciser

quels jours seraient fériés au cours du mois à venir. Les intérêts des emprunts se payant aux

calendes, le livre de compte les recensant s’appelait le « calendarium ». Comme les grecs

n’avaient pas de calendes, on renvoie donc certaines décisions aux « calendes grecques », c'est-

à-dire « à rien ».

Un autre mot, « almanach », est très lié au calendrier ; il a pour origine le mot hébreu « manah »

c'est-à-dire « compter » et « manah » viendrait de « man » mot oriental pour désigner la Lune

Dans le choix des unités de mesure d’un calendrier, la Lune et le Soleil imposent leurs

contraintes. Les textes sacrés interviennent d’ailleurs pour préciser l’importance des astres da ns

la mesure du temps.

La Bible : Psaumes CIV 19

« L’Eternel a fait la Lune pour marquer les temps, ainsi que le Soleil qui connaît l’heure de son

déclin ».

Le Coran : Le Soleil et la Lune (évoluent) selon un calcul (minutieux)." (Sourate 55, le Très

Miséricordieux", v.5)

Page 34: Clairs de Lune.pdf

30

« Le Soleil ne peut rattraper la Lune, ni la nuit devancer le jour; et chacun vogue dans une orbite."

(Sourate 36, "Ya-sîn", v. 40)

"Et c'est Lui qui a créé la nuit et le jour, le Soleil et la Lune, chacun voguant dans une orbite."

(Sourate 21, "les prophètes", v. 33)

« C'est Lui qui a fait du Soleil une clarté et de la Lune une lumière, et Il en a déterminé les phases

afin que vous sachiez le nombre des années et le calcul [du temps] ». (Sourate 10, ‘’Yonus’’, v. 5)

5.22 Le calendrier s’occupe des temps longs, le jour est son unité de base.

Le jour. Le « jour » mesure le temps entre deux passages du Soleil à un point défini, le méridien du lieu ; la

journée définit le temps entre le lever et le coucher du Soleil voire entre l’aube et le crépuscule.

« Jour » vient de « jorn » et est dérivé de « diurne » lui-même venant de « di » du latin « dies ».

Cette racine se retrouve dans « lun-di ». En patois du sud-est du Puy-de-Dôme, proche de l’occitan,

« dji » se place avant : djiliu – lundi, djimar, djimecr, djidzu, djivendr, djisat, djimentse.

Le jour est une unité relativement facile à dénombrer ; même en présence de nuages, on sait s’il fait

jour ou nuit. Par contre au-delà d’un certain nombre - 10 correspondant aux dix doigts ou 12

correspondant au nombre que l’on peut compter sur une seule main en opposant le pouce à chacun

des trois segments des phalanges des quatre autres doigts - le décompte des jours devient

malcommode. La semaine puis le mois prennent le relais.

Et c’est là qu’intervient la Lune.

La semaine

La semaine a pour origine une division grossière d’une lunaison en quatre parties correspondant aux

périodes des différentes phases : nouvelle lune au premier quartier, premier quartier à la pleine lune,

pleine lune au dernier quartier, dernier quartier à la nouvelle lune. Mais avec 4 semaines de 7 jours,

il demeure une différence de 1,5 jour par rapport à une lunaison! Sur le court terme le calendrier

lunaire ne colle pas avec la Lune. En dix mois la nouvelle lune est à la pleine lune… Toutefois il

correspond assez bien à une année solaire de 13 mois de 28 jours. C’est pourquoi il avait été adopté

sous cette forme par les Gaulois.

L’ordonnancement des jours de la semaine provient d’une interférence, comme ce fut le cas pendant

longtemps, entre astronomie et astrologie.

Astronomiquement, la Lune et les planètes sont

placées sur un cercle en fonction de leur

distance à la Terre, selon l’astronomie des

Chaldéens : Lune, Mercure, Vénus, Soleil,

Mars, Jupiter, Saturne.

Astrologiquement, chaque planète ainsi

disposées est reliée à la planète qui lui est

opposée et forme un « heptagramme » qui

définit l’ordre des jours de la semaine.

Le mois, basé sur une lunaison

Les phases de la Lune sont facilement

repérables.

Un os gravé de l’abri Blanchard dans le

Périgord, datés à environ 32 000 ans

(aurignacien), semblent être un relevé réalisé au

cours d’une lunaison. L'ensemble des marques

de la partie recto correspondrait à une période

lunaire de 2 mois 1/2. L'os fait aussi apparaître

63 marques sur la tranche et 40 au verso.

L'ensemble des marques de l'os couvrirait une

période de 6 mois lunaires.

Page 35: Clairs de Lune.pdf

31

L’alternance de mois de 29 et 30 jours est assez précise, la lunaison moyenne étant de 29 j 12 h 44 min. La

lunaison est à la base de nombreux calendriers. Les Egyptiens utilisaient un calendrier lunaire moyennant

quelques rectifications dues aux 44 minutes. Le calendrier lunaire le plus connu est le calendrier musulman.

L'année musulmane est essentiellement lunaire : 12 mois alternés de 29 et 30 jours totalisent 354 jours.

L'écart avec 12 lunaisons (12 x 29,5306 jours = 354,3672 jours) est compensé par l'addition de onze jours

sur un cycle de 30 ans. 11 années de 355 jours sont dites "abondantes" et 19 de 354 jours sont "communes".

Il n’est donc pas étonnant de retrouver la Lune dans l’étymologie du mot mois. « Mêné » en grec, « moon »

la Lune en anglais, « month » le mois en anglais, « der Mond » « le » Lune en allemand, « der Monat » le

mois en allemand. Il existe un mot dérivé bien difficile à caser dans la conversation mais ayant pour origine

le mot grec « mené »: la néoménie, la nouvelle lune.

Le disque de Nebra.

Ce disque en bronze de 2 kg pour 32 cm de diamètre,

pourrait être un calendrier lunaire. Il a été mis au jour

illégalement, par des fouilleurs clandestins, en juillet 1999 à

Nebra-sur-Unstrut, Saxe-Anhalt (Allemagne), avec d'autres

objets.

Il daterait d'environ 1 600 avant notre ère, transition le

Bronze ancien et Bronze moyen. Il est conservé au Musée

régional de Préhistoire de Halle, en Allemagne.

L’année Pour en finir avec le calendrier, l’année (« annus » à rapprocher de « annulus », l’anneau, une forme ronde

et bouclée) n’a pas de relation avec la Lune mais avec le Soleil. Elle sert à mesurer les temps très longs.

L’année civile.

L’année civile est l'intervalle de temps entre deux dates successives identiques.

L’année sidérale.

L’année sidérale est l'intervalle de temps dans lequel la Terre effectue une révolution complète de son

orbite. Elle est mesurée par rapport à une référence fixe, les étoiles. Une année sidérale dure en moyenne

365 j 6 h 9 min 9 s soit 365,2563 jours

L’année tropique.

L’année tropique (ou équinoxiale) marque le retour du Soleil à un point défini de son orbite apparente :

solstice d’hiver ou d’été, les équinoxes étant plus difficiles à observer de manière précise.

Astronomiquement, elle correspond au temps écoulé entre deux passages du Soleil au point « gamma ». Le

point « gamma » ou « point du Bélier » ou « point vernal » correspond à l’équinoxe de printemps. Sa durée

est de 365 j 5 h 48 min 45,26 s soit 365,24219 jours.

Elle diminue actuellement d'environ 0,53 seconde par siècle du fait de l’influence des planètes.

Ces 0,242 19 jours ont causé bien des soucis à Jules César, qui a fait reprendre le calendrier de type

Egyptien utilisé à Rome par … un Egyptien, Sosigenes, pour en faire un calendrier julien et au pape

Grégoire XIII pour en faire un calendrier grégorien. Tout cela pour rattraper ce décalage. Et, comme en

réalité la valeur exacte est 0,242 190 517, il faut sans cesse rattraper les décalages pour maintenir la

précision.

Il existe également des années draconitiques, anomalistiques, gaussiennes, besseliennes, grandes, héliaques,

sothiaques. Mais c’est une autre histoire.

On voit bien que la non-concordance entre jour, mois et année est à l’origine de difficultés pour mesurer

d’une manière précise l’écoulement du temps. Le superbe petit livre intitulé Le calendrier Paul Couderc

« Que sais-je ? » PUF nous livre l’origine de ce décalage « …qu’avant le Déluge le mois valait 30 jours,

l’année 360 et 12 mois entiers, le Soleil se déplaçant strictement d’un degré par jour dans le zodiaque. Une

comète, cause d’un grand cataclysme nommé « déluge » aurait altéré ces rapports simples. En

conséquence il faudrait classer les difficultés de calendrier au nombre des punitions infligées à l’espèce

humaine… ».

Page 36: Clairs de Lune.pdf

32

5.3 Pâques et la Lune, intiment liés

L'importance de la date de la fête de Pâques dans la vie civile tient au fait que certaines fêtes chrétiennes

mobiles sont l'occasion de jours fériés : Vendredi Saint (vendredi avant Pâques), lundi de Pâques, jeudi de

l'Ascension (40 jours après Pâques), lundi de Pentecôte (50 jours après Pâques).

Cette date fait l'objet d'une définition de nature astronomique depuis le concile de Nicée en 325: Pâques est

célébré le dimanche qui suit le quatorzième jour de la Lune qui atteint cet âge au 21 mars ou

immédiatement après. Dit autrement, Pâques se situe le dimanche qui suit immédiatement la pleine lune qui

suit l’équinoxe de printemps. Jusque-là tout va bien. Sauf que le texte précise « 21 mars » et

non « équinoxe ». D’autre part, l’âge de la Lune n’est pas compté à partir de 0 mais de 1; une lune de 15

heures est astronomiquement une lune de 0,625 jour et, dans le « comput », une lune de 1 jour. De plus, la

nouvelle lune, qui va servir de base à la détermination de la lune pascale, n’est pas la lune vraie. Elle est

prise dans un calendrier lunaire établi une fois pour toutes, la suite des nouvelles lunes y a été fixée en

fonction de la théorie de la Lune de l’époque. Tout ceci peut entraîner un écart d’un ou deux jours par

rapport à la lune astronomique. Il serait astronomiquement possible que Pâques se situe le 21 mars si

l’équinoxe puis la pleine lune étaient dans la journée du samedi 20 mars. Mais comme le texte précise le

21, Pâques ne peut jamais être avant le 22 mars, ni après le 25 avril. Mais cela ne suffit pas car la date de

Pâques de tradition romaine n’est pas la même que la Pâques de tradition orthodoxe. Certaines années, elles

peuvent correspondre et d’autres années être très éloignées l’une de l’autre. Le plus simple est de se référer

à ce tableau de correspondance, en calendrier grégorien.

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Romaine

8

avril

31

mars

20

avril

5

avril

27

mars

16

avril

1er

avril

21

avril

12

avril

Orthodoxe

15

Avril

5

mai

12

avril

1er

mai

8

avril

28

avril

19

avril

6E REMARQUE : A L’HORIZON, LA PLEINE LUNE PARAIT ENORME.

La pleine lune est impressionnante. Surtout les lunes d’été et d’automne car la météo généralement

favorable nous conduit à rester dehors pour apprécier la fraîcheur et quelques brochettes. Elle est tout aussi

belle en hiver mais seuls quelques astronomes, les « moon addicts » sont de sortie.

La pleine lune de septembre est la lune des moissonneurs ; elle est surtout célèbre dans les pays nordiques

car la combinaison phase et latitude fait qu’elle brille assez tôt et assez fort pour permettre de rentrer les

dernières moissons. Par contre, elle n’est pas plus grosse que d’habitude. C’est une illusion.

6.1 Le diamètre apparent de la pleine lune

Le diamètre apparent moyen de la pleine lune est de 33' 29" au périgée et de 29' 23" à l’apogée.

Atlas Virtuel de la Lune

Patrick Chevalley et Christian Legrand

Page 37: Clairs de Lune.pdf

33

6.2 Notre cerveau nous ment

En observant la Lune se lever à l’horizon, un

observateur constate qu’elle lui paraît bien plus

grosse que lorsqu’elle passe au méridien. Et

pourtant, c’est l’inverse qui se produit : elle est plus

petite à l’horizon.

Cette différence peut parfaitement se mesurer. A

quoi est-elle due ? Lorsque l’on observe la Lune à

l’horizon B de l’observateur O, elle se situe (en

moyenne) à 6 378 kilomètres plus loin de O que

lorsqu’elle passe au méridien de O en A.

Ces 6 378 km représentent le rayon de la Terre. Si on calcule la distance « O - Lune » à l’horizon de O, la

distance sera de X et au méridien de O (X – 6 378 km).

Alors pourquoi cette illusion?

L’atmosphère n’entre pas en jeu dans ce phénomène. Par contre, l’atmosphère modifie la forme

(elle ovalise) et la couleur (elle rougit) de la Lune à l’horizon.

C’est notre cerveau qui, en voulant en faire trop, se trompe et nous trompe. C’est l’illusion de Ponzo. Il

voit la Lune à l’horizon et la compare à des références proches, arbre, montagne, clocher, maison…

Comme il a en mémoire la taille de ces objets familiers, il lui associe la taille de la Lune et il en déduit que

la Lune doit être énorme, grosse comme une maison, un arbre, un clocher. Six heures plus tard, la Lune est

haute dans le ciel, il n’y a rien pour la comparer. Le cerveau la voit telle qu’elle est. Une autre fausse

interprétation intervient. Nous percevons la voûte céleste comme un plan et nous pensons que les objets au

zénith sont plus proches de nous que ceux à l’horizon. Notre cerveau croit devoir compenser cette

distorsion en rapprochant illusoirement les objets situés à l’horizon (ou en éloignant ceux situés au zénith).

Le phénomène est tellement extrême que, lorsque la constellation de la Lyre est couchée sur l’horizon

ouest, on pense pouvoir discerner M 57 à l’œil nu alors que c’est impossible. Il suffit de l’observer aux

jumelles pour que tout redevienne « normal ».

Si notre cerveau nous ment, le calcul, lui, est objectif. Quelle est la distance de la Terre à la Lune ?

6.3 La distance Terre – Lune

L’orbite lunaire est une ellipse ; la distance Terre - Lune n’est donc pas constante. La distance la

plus grande (apogée) est de 406 720 km et la plus courte (périgée) de 356 375 km. Du fait de ce que

l’on appelle « irrégularité de l’orbite », la distance Terre-Lune au périgée (ou à l’apogée) n’a pas

toujours la même valeur.

La distance moyenne séparant la Terre de la Lune est de 384 400 km soit un peu plus de 1 seconde-

lumière et environ 30 fois le diamètre terrestre.

Apogée et périgée ne sont pas liés aux phases ; ils peuvent se produire à n’importe quel moment de

la lunaison. On appelle « ligne des absides », la ligne qui joint périgée et apogée. Cette ligne

effectue une sur elle-même en 8 ans et 310 jours, ce qui fait que la Lune passe par l’un des deux

points (apogée ou périgée) tous les 27,554 jours (révolution anomalistique).

6.31 Il faut bien qu’il y en ait un qui commence : Aristarque de Samos Aristarque de Samos (-310, -230). Il a travaillé à Alexandrie en Egypte,

Il eut l'intuition du mouvement de la Terre sur elle-même et autour du Soleil.

Il a calculé la distance Terre-Lune exprimée en rayons terrestres car il ne connaissait pas le rayon de

la Terre, déterminé plus tard par Eratosthène. Il a essayé en vain de déterminer la distance Terre-

Soleil.

Pour calculer la distance de la Terre à la Lune, il a utilisé les données fournies par les éclipses de

lune :

1 - le diamètre du cône d’ombre de la Terre équivaut à 3 diamètres de Lune (dl). Le diamètre de la

Terre (dt) est donc trois fois plus grand que celui de la Lune. dt = 3 dl

Page 38: Clairs de Lune.pdf

34

2 - il mesure ensuite l’angle sous lequel on voit la Lune de la Terre (diamètre apparent) et trouve 2°.

Cette mesure est faite car « …la Lune occupe dans le ciel un angle égal au 1/15 d’un signe du

zodiaque ».

Zodiaque = 360°

Composé de 12 signes. 1 signe = 360° / 12 = 30°

1/15 = 2°

L’orbite de la Lune autour de la Terre = 360°

Portion d’arc de l’orbite occupé par la Lune (correspondant à son diamètre apparent) = 2°

Portion d’arc équivalente qui serait occupée par la Terre : 2° x 3 = 6° = 1 dt

Nombre de portions d’arc de la Terre sur l’orbite : 360° / 6° = 60 dt = 60 dt = 120 rt

120 = 2x R

R = 120 / 2 = 19.1

La distance Terre - Lune est de 19 rayons terrestres. En réalité 60,2

Les principales erreurs d’Aristarque viennent :

1 – du fait qu’il considère que la zone d’ombre de la Terre est cylindrique, or, elle est conique. Il n’y

a pas 3 dl mais 3,7 dl dans 1 dt.

2 – que le diamètre apparent de la Lune n’est pas de 2° mais de 0°30’ (0,5°).

En appliquant cette valeur de 0°30’ (Aristarque ne pouvait pas appliquer le coefficient 3,7) il aurait

trouvé 76 rt, ce qui serait plus proche de la valeur de 60,2

Or, selon Archimède, Aristarque connaissait cette valeur. Pourquoi ne l’a-t-il pas appliquée ?

Mystère.

6.32 Chapeau bas Monsieur Hipparque

Hipparque (-190 -120) est une des grandes figures

de l’astronomie antique.

Il connaît bien le système en 360° car c’est lui qui

l’a mis au point à partir du système sexagésimal des

Babyloniens.

Il a également défini les bases de la trigonométrie

(trigonos : triangle et metron : mesure) en utilisant

les mesures par les cordes (en usage chez les

Egyptiens). On lui doit aussi la détermination de la

précession des équinoxes (mouvement décrit par

l'axe de rotation de la Terre en 25 800 ans) et de

l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre sur

l’écliptique.

Il a, plus tard, donné une explication aux phénomènes des éclipses, défini les parallèles et les méridiens et

mis au point l’astrolabe pour mesurer la hauteur des astres au-dessus de l’horizon.

Il a également constitué un catalogue contenant 1 025 étoiles.

Calcul de la distance Terre-Lune.

Page 39: Clairs de Lune.pdf

35

TB = TA cos

Avec

TB = distance de la Terre à la Lune

TA = rayon de la Terre

diamètre apparent du Soleil

diamètre apparent de l'ombre de la Terre

Remarques :

+ ATC = 180°

- ATC

Hipparque connaît

TA, le rayon de la Terre (connu depuis Eratosthène)

= diamètre apparent angulaire du Soleil = 0°30’ (0,5°).

/2 = 0° 15’ (0,25°)

Pour mesurer Hipparque emprunte la méthode à Aristarque : la durée maximale d’une éclipse est

de 2 h 30 (peu importe de compter en heure, il suffit d’utiliser une même unité de mesure du temps). La

Lune parcourt son orbite en 29 j 12 h soit 708 heures.

D'où : = 360° x 2,5 h / 708 h = 1°16’ (1,27°)

b/2 = 0°37’ (0,63°)

Le Soleil étant très loin, Hipparque considère que l’angle ATC = 90°. En réalité, il est de 89°7’ (89,12°)

180° - ATC = 90°

D’où on déduit

= 90° - 0°15’ - 0°37’ soit (90° - 0,25° - 0,63°) = 89°7’ (89,12°)

Dans le triangle ABT on a :

TA / TB = cos = cos 89°7’= 0,015 = R / d = Rayon de la Terre / distance de la Lune

Donc

d = R / 0,015

Si R = 1 alors d = 66

Soit le rapport distance de la Lune / rayon de la Terre = 66

A priori, Hipparque n’a pas fourni une valeur précise de cette distance. S’il l’avait fait, il l’aurait calculée

en « stades ». Qu’aurait-il trouvé ? :

Il connait la circonférence terrestre, 250 000 stades selon Eratosthène.

Le rayon est donc de 39 500 stades. En réalité la valeur exacte est de 39 800 mais celle de n’est pas

encore très précise et la vitesse des dromadaires entre Alexandrie et Syène (Assouan) n’était pas calculée

avec un chronomètre (5 000 stades en 10 jours selon les caravaniers).

La distance de la Lune est de 66 x 39 500 = 2 607 000 stades.

Mais la valeur du stade est multiple : 148 m - 157,50 m ou 192 m. Selon que l’on prend le petit stade, le

stade itinéraire ou le grand stade, la distance de la Lune est de 385 836 km, 409 299 km ou 500 544 km.

Le stade itinéraire étant la valeur la plus utilisée, c’est probablement celle-ci qu’Hipparque aurait utilisée.

Elle donne une valeur de 409 299 km ce qui, compte tenu des imprécisions sur , l’angle ATC et le

rayon terrestre, est plus que remarquable. D’autant que la valeur de la distance Terre – Lune varie

considérablement, de 405396 km à 356 104 km. Chapeau bas Monsieur Hipparque.

6.33 Joseph Jérôme et Monsieur l’Abbé

Une mesure extrêmement précise de la

distance Terre-Lune a été réalisée en

1751 par Joseph Jérôme Lefrançais de

Lalande et l’abbé Nicolas Louis de La

Caille à partir d’observations faites à

Berlin et au cap de Bonne Espérance.

Page 40: Clairs de Lune.pdf

36

C’est une évaluation faite à partir des mesures simultanées des angles au zénith lors du passage de la Lune

au méridien, depuis deux points d’observation de même longitude. L’angle Z ou distance zénithale est

l’angle astre / zénith du lieu : ce sont les angles z1 et z2 du schéma. l1 et l2 sont les latitudes des lieux

d’observation. Dans cette expérience, l1 pour Berlin = 52° 31’ 12’’ nord et pour l2 pour Le Cap = 34° 21’

25’’ sud. La différence en longitude, de l’ordre de 5°, n’a pas été prise en compte.

On montre que

p = (z1 + z2) – (l1 + l2)

BC est connu

BC = R (sin l1 + sin l2)

Rt = rayon terrestre = 6378 km

TL = 6 378 x [sin l1 x sin l2) / (z1 + z2) – (l1 +l2)]

Huit observations se dérouleront entre le 3 décembre 1751 et le 26 février 1752, avec une interruption entre

le 28 décembre et le 30 janvier pour cause de mauvais temps. Du fait de la non-rotondité de la Terre, une

des grandes difficultés (exposée dans le mémoire de Lalande en 1752) a été de mesurer la distance Berlin -

Le Cap afin de déterminer la parallaxe de cette portion de méridien depuis la Lune. Finalement les relevés

donneront une distance de 85 464 lieues communes de 2 283 toises équivalant à 384 352 km soit une

précision de 0,03%

6.34 Sisyphe ou Ravaillac Aujourd’hui, à l’aide de signaux radar, il est possible de connaître cette distance avec une précision

de quelques centimètres Mais, tout comme Sisyphe, il faut sans cesse recommencer la mesure car la

Lune s’éloigne en permanence de la Terre de 3,8 cm chaque année soit 78 m depuis Astérix et 1 216

km depuis Lucy, notre ancêtre vieille de 3,2 millions d’années (soit 3 % de la distance actuelle).

Nous en avons vu l’origine lorsque nous avons cherché à comprendre pourquoi la Lune présentait

toujours la même face et parlé de l’orbite synchrone.

Tout comme Ravaillac était écartelé, le système Terre-Lune s’étire dans l’espace. Mais là pas de

rupture : dans 5 milliards d’années, les deux astres seront totalement synchrones sur une période

estimée à 50 jours. Mais le Soleil sera alors devenu une géante rouge et aura certainement perturbé

le petit jeu sauf si, entre temps, une étoile de passage, un astéroïde, une supernova n’ont pas tout

envoyé promener…

6.35 Et pour finir dans la joie et la bonne humeur : la distance de la Terre à la Lune

dans une feuille de papier. Si on pouvait plier 42 fois de suite une feuille de papier ayant 1/10

ème de millimètre d’épaisseur, on

aurait au final une épaisseur supérieure à la distance Terre-Lune (384 403 km).

A chaque opération on double l’épaisseur mais on diminue la largeur par deux ce qui ne facilite pas

le pliage ! Au finale une feuille 21 x 29.7 cm ferait alors 0.1 x 242

mm soit 439 804 km de haut et 6 -

11 mm de large. En pratique, c'est impossible car on ne peut plier une feuille plus de sept fois, neuf

fois étant le record.

Le même résultat serait obtenu après avoir coupé une feuille en deux, empilé ces deux morceaux et

répété l'opération de découpe et empilage 42 fois. A vos ciseaux!

Page 41: Clairs de Lune.pdf

37

7E REMARQUE : ZONES CLAIRES ET ZONES SOMBRES. AVEC UN PEU

D’IMAGINATION, ON VOIT DES PERSONNAGES.

Pareidolies : du grec para, « à coté de », et eidôlon, diminutif d’eidos, « apparence, forme » consiste à

associer un stimulus visuel informe à un élément identifiable, souvent une forme humaine ou animale.

7.1 Pierrot, The Lady in the Moon, le Lièvre de jade Yutu

L’image de l’homme de la Lune à la face toute ronde, souillée par la boue ou la poussière a

certainement pour origine une ancienne légende selon laquelle le Soleil, jaloux de l’éclat de la Lune,

sa femme, lui aurait jeté de la boue au visage.

Le Pierrot naïf, amoureux et rêveur que nous associons aujourd’hui à la Lune n’est apparu qu’au

XIXème siècle. Le Pedrolino de la commedia dell’arte est, à l’origine, un valet naïf mais honnête,

drôle, poltron, distrait (il est dans la Lune), joueur. Plus il pleure, plus il mange.

« The Lady in the moon » est une simple association de formes (chevelure, visage et collier). Par contre en

Chine la femme et déesse de la Lune est Chang’é. Selon la légende son mari, l’archer Houyi, ayant sauvé

l’humanité devait recevoir l’élixir d’immortalité en récompense de ses exploits. En son absence son ennemi

Fengmeng chercha à s’approprier l’élixir. Chang’é l’en empêcha en le buvant. Dès lors elle ne put plus

vivre sur Terre et choisit de s’installer sur la Lune pour être au plus près de Houyi. Le lapin de Jade, Yutu,

est à ses côtés et continue à préparer cet élixir ou, en Corée et au Japon, confectionne un gâteau de riz.

Yutu est le nom donné au rover de la mission lunaire chinoise Chang’é 3.

7.2 Les Sélénites ou Séléniens

Les habitants de la Lune sont évoqués au IIe siècle par Lucien de Samosate dans les Histoires vraies

: « Une alliance est faite entre les Héliotes et leurs alliés, les Sélénites et leurs alliés, à condition

que les Héliotes raseront la muraille d'interception et ne feront plus d’irruption dans la Lune ».

On les retrouve dans plusieurs légendes, œuvres littéraires et cinématographiques.

Quelques œuvres littéraires

1532 Orlando furioso - Roland furieux Ludovico Ariosto

1608 Somnium, Johannes Kepler

1638 The Man in the Moone, A Discourse of a Voyage Thither the Speedy Messenger: Francis

Godwin sous le pseudo de Domingo Gonsales

1650 Histoire comique des États et Empires de la Lune, Cyrano de Bergerac

1684 Arlequin, Empereur dans la Lune, Nolant de Fatouville

1756 Voyages de Milord Céton dans les sept planètes, Marie-Anne Robert

1888 Aventures extraordinaires d'un savant russe, I. La lune, Georges Le Faure et Henry de

Graffigny,

1901 Les Premiers Hommes dans la Lune, H.G.Wells

1936 Paradis perdu, C. L. Moore

2003 La Lune seule le sait, Johan Heliot

Page 42: Clairs de Lune.pdf

38

Quelques œuvres cinématographiques

1902 Le Voyage dans la Lune, Georges Méliès

1950 Destination... Lune !, d’Irving Pichel

1961 Le Baron de Crac, Karel Zeman

1964 Les Premiers Hommes dans la Lune (First

Men in the Moon), Nathan Juran d'après le roman

de H.G.Wells.

1988 Les Aventures du baron de Münchhausen

Terry Gilliam. Le roi de la lune est joué par Robin

Williams.

Le Voyage dans la Lune de Georges Méliès

Les Sélénites ont même une ville.

L'astronome allemand Franz von Gruithuisen

publie à partir de 1824 des découvertes selon

lesquelles une cité lunaire de 25 kilomètres du nord

au sud, serait située au nord du cratère Schröter sur

les rives du Sinus Medii.

7.3 Une symétrie trompeuse

En première approche, la face de la Lune visible depuis la Terre présente une symétrie droite gauche. A

droite des zones à dominante claire, à gauche des zones à dominante foncée. Mais ceci n’est qu’une

question de point de vue. Une vue de la face cachée, image de droite, montre essentiellement des zones

claires avec par-ci par-là de petites taches sombres.

Par analogie avec ce qui existait sur Terre, les premiers astronomes ont dénommé les zones claires

« continents » ou « hautes terres » et les zones sombres « mers ».

Globalement la Lune est plus continentale (83 %) que marine (17 %)

Superficie globale des mers lunaires : 16,9 % de la surface lunaire

Superficie globale des mers lunaires sur la face visible : 31,2 %

Superficie globale des mers lunaires sur la face cachée : 2,6 %

Page 43: Clairs de Lune.pdf

39

8E REMARQUE : LES ANCIENS N’AVAIENT QUE LEURS YEUX

8.1 White Mesa, la tombe de Knowth, le disque de Nebra

Selon le Dr Philip Stooke, de l’University of Western Ontario - Canada, ce qui pourrait être la première

représentation non schématique de la Lune aurait été gravée il y a 5 000 ans dans une tombe irlandaise du

mésolithique à Knowth, Meath County.

Des peintures rupestres de White Mesa et Navajo

Canyon représentent la Lune associée à un autre

astre. Elle a été interprétée, sans confirmation,

comme la super nova de 1054.

8.2 Où on retrouve Léonard

Le premier dessin connu qui soit plutôt fidèle à la vision que nous avons de la surface de la Lune est de

Léonard De Vinci (codex de Leicester vers 1508). Le codex regroupe des écrits essentiellement

scientifiques de Léonard de Vinci. Il tient son nom du premier Comte de Leicester, Thomas Coke, qui

l'acheta en 1717. Il a été acquis en 1994 par Bill Gates, le fondateur de Microsoft et est exposé chaque

année dans un lieu différent. Il se présente sous la forme de 18 feuilles doubles, soit 72 pages.

8.3 William Gilbert, premier sélénologue

Le premier dessin lunaire « scientifique » connu a

été réalisé par William Gilbert, médecin et

physicien anglais (1544 - 1603) plus connu pour

ses travaux sur le magnétisme. Ce dessin aurait

été réalisé en 1603 mais publié seulement en 1651

dans « De Mondo Nostro Sublimari ». Il s’agit de

la Lune à l’œil nu.

Page 44: Clairs de Lune.pdf

40

9E REMARQUE : LES JUMELLES, CE N’EST PAS L’IDEAL, MAIS…

Des jumelles classiques présentent un diamètre équivalent aux plus grosses lunettes utilisées par les

premiers observateurs au début du 17e siècle. Elles permettent de s’initier à la géographie lunaire, de

repérer les mers et les continents ainsi que les principaux cratères. Elles sont également un instrument

parfait pour observer la lumière cendrée, les fins croissants, les rapprochements ou occultations de planètes

et de certaines étoiles brillantes.

9.1 Les jumelles donnent une vue d’ensemble de la surface de la Lune

Les continents apparaissent comme très accidentés, criblés de cratères circulaires dont seuls les plus

importants sont visibles mais non détaillés.

Les mers semblent plates, lisses et pratiquement dépourvues de cratères. Les plus importantes sont

parfaitement identifiables. Certaines mers irrégulières sont plus difficilement visibles.

Des raies brillantes centrées sur certains cratères laissent, par contraste, leurs empreintes à la surface claire

des continents et des mers.

Des chaînes de montagnes se développent autour des mers.

Les cratères recouvrant les continents et étant pratiquement absents des mers, cela nous donne une première

indication : en vertu de l’application du principe de superposition, les continents sont apparus en premier,

puis les cratères se sont formés à leur surface, les mers sont apparues par la suite ; l’activité qui a modelé le

paysage lunaire a alors pratiquement cessé.

9.2 Quelques formations intéressantes accessibles avec de bonnes jumelles (10 x 50)

1Mare Frigoris (du froid) 2 Mare Humboldtianum (de Humboldt)

3 Sinus Roris (de la rosée)

4 Sinus Iridum (des iris/ des arcs-en ciel) 5 Lacus Mortis (de la mort)

6 Lacus Temporis (du temps)

7 Imbrium (des pluies) 8 Palus Putredinis (de la putréfaction)

9 Serenitatis (de la sérénité)

10 Oceanus Procellarum (des tempêtes) 11 Mare Insularum (des iles)

12 Sinus Aestum (torride)

13 Mare Vaporum (des vapeurs) 14 Zone Sinus Fidei (de la foi) Lacus Felicitatis

(de la félicité), Odii (de la haine), Doloris (de la

douleur), Godii (de l’allégresse), Lenitatis (de la tendresse), Hiamalis (de l’hiver), sinus

Honoris (de l’honneur)

15 Tranquillitatis (de la tranquillité) 16 Sinus Amoris (des amours)

17 Palus Somni (du sommeil)

18 Sinus Concordiae (de la concorde) 19 Mare Crisium (des crises)

20 Mare Marginis (marginale)

21 Sinus Medii (du milieu) 22 Sinus Asperitatis (des aspérités)

23 Fecunditatis (de la fécondité)

24 Mare Undarum (des vapeurs) 25 Mare Spumans (écumante)

26 Mare Smithii (de Smith) 27 Mare Cognitum (de la connaissance)

28 Mare Nectaris (du nectar)

29 Mare Orientale (orientale) 30 Mare Humorum (des humeurs)

31 Mare Nubium (des nuages)

32 Palus Epidemiarium (des épidémies) 33 Mare Australe (australe)

Page 45: Clairs de Lune.pdf

41

1 Montes Alpes

2 Aristoteles

3 Eudoxus 4 Hercules Atlas

5 Montes Caucasus

6 Aristillus Autolycus 7 Archimedes

8 Montes Taurus

9 Cleomedes 10 Montes Apenninus

11 Menelaus

12 Proclus 13 Manilius

14 Ptolemaeus

15 Alphonsus 16 Arzachel

17 Hipparcus

18 Albategnius

19 Theophilus

20 Cyrillus

21 Catharina 22 Fracastorius

23 Langrenus

24 Deslandres 25 Walter

26 Piccolomini

27 Petavius 28 Stöfler Faraday

29 Maurolycus

30 Furnerius 31Tycho

32 Maginus

33 Clavius 34 Janssen

35 Moretus

1 Pythagoras

2 Anaxagoras Goldschmidt 3 Sinus Iridum

4 Plato

5 Herodotus Aristarchus 6 Archimedes

7 Kepler

8 Copernicus 9 Eratosthenes

10 Hevelius

11Reinold 12 Grimaldi

13 Letronne

14 Gassendi 15 Mersenius

16 Bullialdus

17 Pitatus

18 Schickard

19 Tycho 20 Schiller

21 Longomontanus

22 Clavius 23 Blancanus

Le pouvoir séparateur d’un instrument dépend de son diamètre ; il est donné par le formule R = 120/D. A

une distance moyenne de la Lune, une paire de jumelle de 50 mm a un pouvoir séparateur de 2.4’’ et

permet de distinguer deux objets distants de tan (2,40/3 600) x 384 000 soit 4 km

Cette valeur reste théorique car elle dépend des conditions d’observation. On préfèrera le double. Ainsi, au

centre du disque, la perspective ne raccourcissant pas la distance apparente entre les objets, il est possible

Page 46: Clairs de Lune.pdf

42

de séparer deux formations distantes de 8 kilomètres. Un grand nombre de cratères importants sont visibles

sans pour autant pouvoir distinguer les détails.

9.3 Thomas Harriot versus Galileo Galilei

Thomas Harriot Galilée

26 juillet 1609 (AVL) 18 décembre 1609 1 h du matin(AVL)

Qui connaît Thomas Harriot ? C’est pourtant à ce mathématicien, astronome, cartographe et

explorateur anglais que l’on doit les premiers dessins de la Lune réalisés à l’aide d’une lunette

astronomique le 26 juillet 1609 (croquis de gauche). Ses travaux en optique ont porté sur la théorie

de la réfraction. Il n’est pas passé à la postérité bien que sa carte de la Lune soit bien meilleure que

celle de Galilée, réalisée quatre mois plus tard (croquis de droite).

Sur la carte dressée par Thomas Harriot, les mers sont bien représentées, en particulier Mare

Frigoris (en haut) qui n’est pourtant pas une zone particulièrement spectaculaire ; seule la zone de

Mare Nubium dans le quart inférieur gauche, très complexe, manque de précision.

Les principaux cratères visibles avec un modeste instrument sont identifiables : Plato, Aristarchus,

Grimaldi, Kepler, Copernicus. Par contre, le point très noir au centre en haut est plus délicat à

interpréter. Il semble se situer sur l’emplacement de Palus Putredinis, les deux promontoires à

gauche sont peut-être Montes Archimedes et la zone d’Aristillus, Sinus Lunicus, Autolycus. Dans le

quart inférieur droit, une des raies brillantes de Tycho est également représentée, ce qui permet de

penser que le dessin a été fait à la pleine lune. Il est difficile d’aller au-delà dans l’interprétation.

Mais reconnaissons la qualité du travail d’Harriot par rapport au relevé de Galilée, sur lequel seules

les mers et quelques reliefs sont bien identifiables.

Pourtant, bien qu’imprécis, le relevé de Galilée est très important car il fait nettement apparaître des

reliefs, ce que ne fait pas vraiment ressortir la carte d’Harriot. En haut de l’image, Montes Carpatus,

Apenninus, Haemus, Caucasus, Alpes et Jura sont parfaitement visibles. Le gros cratère au centre

est peut-être Albategnius. Mais ce qui est le plus important est que Galilée a dessiné sous

Albategnius une multitude de reliefs aux formes arrondies, venant à l’encontre de l’affirmation

d’Aristote, admise par tous, selon laquelle la Lune était parfaitement lisse. Ces relevés permettent de

dater ce croquis au 18 décembre 1609 vers une heure du matin.

Page 47: Clairs de Lune.pdf

43

Dans « Le messager céleste » édité en 1610, Galilée commente ainsi ses observations : « La surface de la

Lune n'est nullement unie, uniforme et exactement sphérique, comme grand nombre de penseurs l'ont cru,

mais elle est inégale, accidentée, remplie de nombreuses cavités et éminences, tout comme la surface de la

Terre est elle-même surmontée de chaînes de montagnes et entrecoupée de vallées profondes... ».

Le dogme de la perfection céleste, dont la Lune lisse d’Aristote est l’une des conséquences et qui était la

référence depuis près de 1800 ans et surtout lors du Moyen-âge, ne correspondait pas à la réalité de

l’observation. Le dogme n’est pas encore balayé mais il se lézarde. Nous sommes à un tournant de

l’histoire des sciences.

9.4 Quelques cartes contemporaines de Galilée

Scheiner 1614 Malapert 1619 Biancani 1620

Fontana 1629 Mellan 1636

9.5 Riccioli and Co : la nomenclature des mers et continents

A l'époque des premières observations lunaires, sous l’influence de Kepler, on pensait généralement que

les régions sombres de la Lune étaient des mers et les zones claires des continents. Cette idée va être à

l'origine des grandes divisions de la nomenclature lunaire encore en usage de nos jours : mare, oceanus,

terra, mons…

Les premières nomenclatures connues (1645) sont celles de Michel Florent van Lagren - Langrenus - qui

nomma certains sites lunaires à partir de personnages historiques célèbres en commençant par celui de son

commanditaire - Philippe IV d’Espagne. Il donnera son nom, Oceanus Phillipicus, à l’actuel océan des

Tempêtes (Oceanus Procellarum).

La première description systématique de la surface

de la Lune date de 1647. Elle est l’œuvre

d’Hevelius dans Sélénographie.

Elle tient compte du phénomène des librations et

mentionne des mers (Mare), marais (Palus), golfe

(Sinus) et des terres (Terra). Hevelius associe à ces

éléments des noms tirés de la géographie terrestre :

mer Méditerranée au nord de Copernic, mer

Adriatique pour la zone Ptolémée Alphonse et

Arzachel, Propontide pour Sinus Medii, Pont-

Euxin pour Tranquillité et Sérénité, Caspienne,

Page 48: Clairs de Lune.pdf

44

à l’est de Nectaris, Sicile autour de Copernic, Roumanie (monts Apennins), Mont Etna (Copernic), le

Grand lac Noir (Plato)… Cette nomenclature sera reprise en 1651 par Riccioli dans Almagestum novum,

ouvrage dans lequel il s’emploie à réfuter les thèses de Copernic.

La nomenclature de Riccioli est reliée à la perception de l’influence de la Lune sur le comportement. Sa carte

comporte huit octants centrés sur Sinus Medii. L’octant 1 commence avec le nœud oriental (Nodus orientalis)

situé près de Vasco de Gama. Ce nœud est défini par la plus faible libration en longitude est pour Riccioli,

ouest depuis 1961. Il passe par le Limes Boreus correspondant à la plus grande libration en latitude nord.

L’octant 4 s’achève au nœud occidental. Puis les octants 5, 6, 7 et 8 dans la même logique, le 8 s’achevant au

nœud oriental.

Les octants 3 - 4 - 5 et 6 correspondent au premier quartier ; les terres y sont riches : Terre de la Fertilité

(Fecunditatis), de la Vivacité (Vitae), de la Vigueur (Vigoris), de la Santé (Sanitatis), de la Manne (Manna).

Les mers sont accueillantes : Nectar (Nectaris), Fécondité (Fecunditatis), Sérénité (Serenitatis), Tranquillité

(Tranquillitatis) bien qu’on y trouve les Crises (Crisium), les Songes (Somniorum), le Sommeil (Somni)

tempéré dans une moindre mesure par le lac de la Persévérance (Perseverantiae) et les mers des Ondes

(Undarum), Ecumante (Spumans).

Les octants 7 - 8 - 1 et 2 apparaissent entre le premier quartier et la pleine lune ; les terres sont pauvres : Terre

de la Stérilité (Sterilitatis), des Chaleurs (Caloris), de la Sécheresse (Siccitatis), Péninsule du Délire

(Delirium), de la Foudre (Fulgurum), des Eclairs (Fulminum), Ile des Vents (Ventorum). Les mers sont

dangereuses : Océan des Tempêtes (Procellarum), Mer des Humeurs (Humorum), des Nuages (Nubium), des

Pluies (Imbrium), Marais des Epidémies (Epidemiarum), Putride (Putredinis)…

A l’opposé de l’octant 7 - Terre des Chaleurs (Caloris) - on trouve l’octant 2 qui regroupe les terres froides -

Terre des Frimas (Pruine), de la Grêle (Gradinis), Mer du Froid (Frigoris), Sinus de la Rosée (Roris), lac de la

Mort (Mortis), et une zone de glace permanente « Stagnum glaciei »

La nomenclature actuellement en vigueur est celle établie à partir de 1935 par l'Union Astronomique

Internationale (UAI) qui s'est principalement basée sur les dénominations de Giovanni Riccioli et de Johann

Heinrich von Mädler. Seules des mers non répertoriées car se situant près du limbe, peu visibles et déformées

par la perspective, ont reçu par la suite un nom de scientifiques (Humboldt - Humboldtianum et Smith -

Smythii) ou une appellation liée à la science, Mare Cognitum.

9.6 Nomenclature officielle des mers et formations associées

L’Union astronomique internationale a retenu 1 Oceanus (océan), 22 Mare (mer), 20 Lacus (lac), 11 Sinus

(golfe) et 3 Palus (marais).

- Océan, oceanus

Procellarum

- Mers lunaires, maria, (Mare au singulier)

Anguis, Australe, Cognitum, Crisium, Fecunditatis, Frigoris, Humboldtianum, Humorum, Imbrium, Ingenii,

Insularum, Marginis, Moscoviense, Nectaris, Nubium, Orientale, Serenitatis, Smythii, Spumans,

Tranquillitatis, Undarum, Vaporum

Page 49: Clairs de Lune.pdf

45

- Lacs, Lacus

Aestatis, Autumni, Bonitatis, Doloris, Excellentiae, Felicitatis, Gaudii, Hiemalis, Lenitatis, Luxuriae, Mortis,

Oblivionis, Odii, Perseverantiae, Solitudinis, Somniorum, Spei, Temporis, Timoris, Veris

- Baies, golfes, Sinus

Aestuum, Amoris, Asperitatis, Concordiae, Fidei, Honoris, Iridum, Lunicus, Medii, Roris, Successus

- Marais, paludes (Palus au singulier)

Epidemiarum, Putredinis, Somni

Les mers qui ne datent pas

d’Hévelius

Mare Humboldtianum

Madler en 1837

Hévelius : palus Amadoca

Mare Anguis

Franz en 1913

Mare Undarum

Franz en 1913

Hévelius : paludes Amarae

Mare Spumans

Franz en 1913

Hévelius : paludes Amarae

Mare Smithii

Birt et Lee en 1865

Mare Australe

Madler en 1837

Mare Cognitum :

UAI en 1964

Mare Orientale : Franz en 1913

9.7 Mare Cognitum, Planitia Descensus, Sinus Successus : des cas à part

Le 31 juillet 1964, Ranger 7 s'écrase sur la Lune mais envoie vers la Terre plus de 4300 clichés pris à 1500 m

d'altitude de la Mer des Nuées. Cette région fut rebaptisée à cette occasion Mer de la Connaissance - Mare

Cognitum.

Planitia Descensus : rien n’attire le regard sur cette zone plate de la rive ouest d’Oceanus Procellarum. Elle

doit simplement son nom au premier alunissage en douceur de Luna 9 le 3 février 1966. Cette mission a

permis d’avoir un premier panoramique du paysage lunaire et de constater la fermeté du sol. Planitia

Descensus est au nord - est de Cavalerius (7° N, 64° O).

Sinus Successus (le golfe du Succès) est situé le long de la rive orientale de Mare Fecunditatis, près des

cratères Apollonius et Langrenus. C’est dans cette zone que s’est posée Luna 20, le 21 février 1972 et que le

premier prélèvement et retour automatique d’échantillons (55 g) a été réalisé.

9.8 Terra : une nomenclature disparue

Les appellations proposées par Riccioli pour les terres ont disparu où sont très peu utilisées :

Insula Ventorum,

Peninsula Fulminum entre Mare Humorum et Oceanus Procellarum,

Terra Caloris au sud - ouest de la face visible,

Terra Fertilitatis au sud - ouest de la face visible,

Terra Grandinis au nord - est de Mare Imbrium,

Terra Manna entre Mare Tranquillitatis, Mare Fecunditatis et Mare Nectaris,

Terra Nivium au sud - est de Mare Imbrium,

Terra Pruinæ au nord - ouest de Mare Imbrium,

Terra Sanitatis entre Mare Nubium et Mare Tranquillitatis,

Page 50: Clairs de Lune.pdf

46

Terra Siccitatis au nord - ouest de la face visible,

Terra Sterilitati,

Terra Vigoris au sud - est de Mare Crisium,

Terra Vitæ au nord - est de la face visible.

En 1961, l’US Geological Survey a identifié 79 régions et sous-régions réparties entre « highlands »

et « lowlands » et leurs subdivisions. Par exemple : les Mid Lunar Lowlands pour la zone Mare

Tranquillitatis, Fecunditatis et Serenitatis et la Carpathian Province pour la région de Copernic à

Kepler.

10E REMARQUE : MERS ET CONTINENTS. LA LUNE, COMME LA TERRE, DOIT

AVOIR UNE HISTOIRE GEOLOGIQUE.

10.1 Mythes et réalités

Ce n’est qu’à partir de 1609 que l’on a pu discerner autre chose que des taches à la surface de la

Lune. Elles ont fait l’objet de nombreuses interprétations physiques et métaphysiques.

Physiques :

- le reflet des mers et montagnes terrestres, ou de mers et montagnes propres à la Lune

- des dépressions profondes que ne pouvait atteindre la lumière du Soleil, les taches n'étant rien

d'autre que les ombres des rivières ou de profondes gorges

- des vapeurs situées quelque part entre la Terre et le Soleil

- des variations de densité qui lui donnaient cet aspect irrégulier mais permanent

- les zones grises sont de vastes espaces couverts de végétaux analogues à nos gazons, ou à nos

forêts peuplées d'arbres et d'arbrisseaux. Les montagnes sont stériles

Métaphysiques :

- le Soleil, par jalousie, lance de la boue (ou envoie de la poussière) au visage de la Lune dans le but

d’atténuer son éclat (Légende inca)

- traces des coups que lui donne le Soleil lors de violentes disputes

- un paysan qui a trouvé la Lune tombée sur Terre, salie par le Soleil. Après l’avoir nettoyée il l’a

renvoyée dans le ciel et vit maintenant avec elle

- un porteur de fagots, condamné à porter son fardeau sur la Lune en guise de châtiment

- une femme qui s’y est réfugiée avec un lièvre qui l’avait défendue contre les colères de son mari.

Afin d’expliquer l’origine des différents objets observables par un astronome amateur, il convient de

remonter très loin dans l’histoire du système solaire. Ce voyage dans le temps va nous permettre de

comprendre comment hautes terres, continents, hauts plateaux et mers se sont mis en place une fois

la Lune présente au sein du système solaire naissant.

10.2 Des lunes, il y en a beaucoup, mais une seule comme la Lune

La Lune est le satellite naturel de la Terre. Satellite : du latin satelles, satellitis - escorte, garde.

Corps en orbite autour d'un corps plus massif. Il peut s'agir d'un astre ou encore d'un nombre

important de corps comme une galaxie satellite, les nuages de Magellan par exemple.

Diamètre Satellites Diamètre Rapport

Terre : 12756 km 1 Lune : 3 500 km Lune / Terre : 0,27

Mars : 6792 2 Phobos : 27x 21 x 19, Deimos : 15 x 14 x 12 Phobos / Mars : 0,004

Jupiter : 142984 Au moins 63 De 5 268 (Ganymède) à 1 (SZ2003 J9) Ganymède / Jupiter : 0,037

Saturne : 120536 Au moins 60 De 5105 (Titan) à 0,5 (Egéon) Titan / Saturne : 0,042

Uranus : 51118 Au moins 27 De 1 580 (Titania) à 18 (Cupid) Titania / Uranus 0,031

Neptune : 49528 Au moins 13 De 2 706 (Triton) à 19 (S/2004 N 1) Triton / Neptune : 0,05

Pluton : 2600 4 Charon : 1200 à P4 D : 10 à 40 ? Charon / Pluton : 0.46

Page 51: Clairs de Lune.pdf

47

La lecture de ce tableau met en évidence que :

- excepté Mercure et Vénus, de nombreuses planètes ont des satellites

- les satellites sont plutôt présents autour des grandes planètes gazeuses

- le rapport des diamètres équatoriaux Lune / Terre = 0,27 est beaucoup plus élevé que celui de

satellites de taille comparable par rapport à leur planète = 0,03 à 0,05.

Nous ne disposons pas d’information concernant l’existence de satellites autour de planètes naines

transneptuniennes hormis Pluton. Une comète, Ida, a un compagnon, Dactyl.

10.3 Lune, d’où viens-tu ?

La masse volumique des planètes telluriques (3 900 à 5 500 kg/m

3) correspond à une moyenne

entre les corps silicatés et les métaux plus denses. La masse volumique de la Lune n’est que de

3346,4 kg/m3. Par rapport aux autres corps telluriques, Terre comprise, elle contient peu de fer ; la

Terre et la Lune n’auraient pas la même origine. Mais si on compare les isotopes de l’oxygène et

du titane, ils sont en quantités identiques : la Terre et la Lune auraient la même origine. Alors,

Lune d’où viens-tu ?

De nombreuses théories ont été proposées pour expliquer la formation de la Lune. Certaines

peuvent nous paraître étranges mais n’oublions pas qu’elles ont été élaborées à partir des

connaissances d’alors en géologie et planétologie, connaissances liées entre autre à la

performance des instruments utilisés. Nous retiendrons ici quatre théories principales : la capture,

la fission, la formation simultanée, la collision.

10.31 Théorie de la capture

La Lune aurait été à l’origine une petite planète

comme il en existait beaucoup dans les

premiers âges du système solaire. Lors de son

périple autour du Soleil, elle serait entrée dans

le champ de gravité de la Terre, qui l’aurait

capturée. Cette capture n’aurait pas été sans

effet sur la petite planète qui se serait

disloquée. Les fragments seraient pour certains

tombés sur Terre et, pour d’autres, se seraient

réagrégés en orbite autour de la Terre. Deux

éléments rendent cette hypothèse peu

probable :

- la similitude entre les composants lunaires et terrestres (isotopes de l’oxygène) sous -entend que

le nuage protoplanétaire ait eu une composition homogène, ce qui est peu vraisemblable ou alors

que la planète et la Terre se soient formées à égale distance du Soleil. Mais dans ce cas pourquoi

aurait-elle quittée sa position ?

- la capture puis, et surtout, la stabilisation de l’orbite d’un corps aussi massi f que la Lune est

difficilement concevable.

10.32 Théorie de la fission

George Darwin (1845 - 1912), un des fils de

Charles Darwin proposa que la Lune soit un

morceau de la Terre, laquelle était à l’origine en

rotation rapide. Il y a 500 millions d’années (date

estimée à l’époque), la rotation était de l’ordre de

20 heures. La force centrifuge provoque

l’aplatissement aux pôles de 21,385 km par rapport

au rayon équatorial et forme un renflement

équatorial qui finit par rompre et créer une Lune en

orbite proche. La trace visible de cette rupture est

l’océan Pacifique. Cette théorie

Page 52: Clairs de Lune.pdf

48

avait encore cours dans les années 1960. Par la suite, la Lune s’éloigne, ce qui provoque le ralentissement

de la durée de rotation de la Terre ; petit à petit la Lune rejoint sa position actuelle, position transitoire,

l’éloignement se poursuivant à la vitesse de 3,8 cm par an.

Mais cette théorie implique que la rotation s’effectue en 2 h 30 min, données non conformes aux modèles

généralement admis. Enfin la Lune devrait se situer dans le plan équatorial de la Terre, ce qui n’est pas le

cas.

10.33 Théorie de la formation simultanée Le géniteur de la Terre est un disque composé des gaz et de poussières en orbite autour du Soleil. Les

planètes se sont formées à partir de l’accrétion de ces différents composants. La Terre et la Lune seraient

issues de l’un de ces agrégats, les deux astres orbitant autour de leur centre de gravité commun. Mais, les

deux corps étant nés dans la même zone, ils devraient avoir la même masse volumique, la même proportion

de fer et la même proportion d’éléments volatils (éléments qui s’évaporent en premier lorsque la

température augmente). Or ce n’est pas le cas. La solution sera fournie par l’analyse des échantillons des

missions Apollo.

10.34 Théorie de la collision. Hartmann et Davis 1975 Cette théorie a été proposée pour la première fois en 1946 par Reginald Aldworth Daly, professeur de

l'université Harvard. Passée par pertes et profits, il a fallu attendre 1975 pour qu’elle soit réactualisée

(William Hartmann et Ronald Davis) et, pour l’instant, acceptée par la majorité des planétologues.

Il y a 4,568 milliards d’années, dans les tous premiers instants du système solaire, de multiples corps

gravitent autour du Soleil. L’un d’entre eux baptisé Théia - fille d'Ouranos et Gaïa, mère d'Hélios (le

Soleil), de Séléné (la Lune) et d’Éos (l’Aurore) - se serait formé alors aux points 4 ou 5 de Lagrange,

position de l'espace où les champs de gravité de la Terre et du Soleil se combinent de manière à fournir un

point d'équilibre à un troisième corps, les positions relatives des trois astres étant alors fixes.

Environ 40 millions d’années après la formation de la Terre soit vers 4,528 milliards d’années, alors qu’il

avait atteint 1/10 de la masse terrestre (masse de Mars), Theïa aurait été déstabilisée et aurait quitté son

orbite pour percuter la Terre sous un angle de 45° et à la vitesse de 4 km/s. Cet évènement a récemment été

daté à 4,517 milliards d’années. Lors de l’impact, une grande partie du noyau de fer (l’impacteur était un

corps déjà différencié) aurait fusionné avec celui de la Terre. A l’issue de cet épisode, la Terre aurait

augmenté sa masse de 10 % et se serait inclinée sur son orbite de 23°.

Au même instant une partie du manteau terrestre et une partie de celui de l’impacteur aurait été éjectée.

Certains éléments resteront en orbite, d’autres seront capturés par la Terre, d’autre enfin partiront dans

l’espace. Les éléments en orbite, composés ou non en majorité par les débris de Théia selon les modèles, se

seraient condensés pour former la Lune.

1 - Un astéroïde différencié de la taille de

Mars heurte la Terre.

2 - Le noyau de fer de l’objet pénètre le

manteau terrestre.

3 - Une très importante projection de

matériaux silicatés a lieu vers l’espace.

4 - Une fraction de ces matériaux est

capturée en orbite terrestre.

Un disque d’accrétion se forme les fragments

voisins s’agrègent et forment la Lune.

D’après A. Delsemme.

10.4 Sur quelles bases s’appuyer pour défendre la théorie de la collision ?

Avant de discuter du bien-fondé de cette hypothèse et de décrire les différentes structures qui

composent la Lune, il est intéressant d’en connaitre la composition générale. Elle est beaucoup

plus simple que celle de la Terre.

Page 53: Clairs de Lune.pdf

49

10.41 La composition de la Lune

La Lune est uniquement composée de roches ignées. Sur Terre ce sont les roches plutoniques dont

la plus connue est le granite et les roches volcaniques comme le basalte. Comme l’eau est absente,

les roches ignées ne peuvent s’altérer. Il n’y a donc pas de roches sédimentaires comme le grès,

l’argile… et pas de charbon, pétrole, calcaire, craie car il n’y a pas d’animaux et végétaux pouvant

concourir à leur formation. Comme la tectonique n’existe pas, les roches restent en place et il n’y

a pas de roches métamorphiques (schistes, gneiss, marbre…). Par contre la surface de la Lune est

recouverte d’un type de roche que l’on trouve sur Terre mais de manière moins omniprésente, les

brèches. Enfin les minéralogistes seront déçus car l’eau ne circulant pas dans des fissures, le

quartz, la calcite, la fluorine pour ne citer que ces trois cristaux, ne peuvent pas se former.

10.42 Les principaux minéraux lunaires

Les roches lunaires se sont constituées à partir des principaux éléments suivants :

Oxygène Silicium Aluminium Calcium Fer Magnésium Titane Sodium

45% 21 13/5* 10/8 6/15 5.5 ≈ 0 /1à5 0.5/2.5 * Continent/Mer

On trouve également du manganèse, chrome, cuivre, zinc, nickel, souffre, des traces d’uranium,

thorium, des Terres Rares dont le néodyme utilisé pour des datations et l’europium dont l’absence

est un marqueur de l’océan magmatique primordial. Au total plus de 70 minéraux ont été

répertoriés.

La première série de huit éléments laisse préjuger du type de roches qui forment la Lune.

L’association Al, Fe, Mg, Si, et O est à la base de la formation des minéraux silicatés.

- Pyroxène (Ca, Fe, Mg) Si, O : deux fois plus important dans les mers que sur les continents.

- Feldspaths plagioclases (Ca, Na) Al, Si, O : pôle calcique, trois fois plus importants sur les

continents.

- Olivine (Mg, Fe) Si, O : même importance.

- Silice (Si) O : sur les continents.

- Ilménite (Fe, Ti) O et Spinel (Fe, Cr, Ti, Al, Mg) O : essentiellement dans les mers.

Parmi les minéraux accessoires deux sont importants pour deux raisons différentes :

L’apatite Ca, P, O, F, Cl (pas de radical OH comme sur Terre) qui sert de marqueur de la présence

d’eau.

Trois minéraux, l’armalcolite (Fe, Mg, Ti, O), la pyroxferroite (Ca, Fe, Si, O) et la tranquillityite

(Fe Zr, Y, Ti, Si, O) étaient inconnus avant 1969 et les missions Apollo. Ils ont été depuis

identifiés sur Terre. Il n’existe pas de minéraux contenant de l’eau : micas, amphibole…

10.43 Ces différents minéraux ont formé des roches bien connues sur Terre

Sur les continents

- Anorthosite

- Troctolite

- Norite

- Gabbronorite

- Dunite

En profondeur

Les KREEP (potassium, Terres Rares, phosphore)

Dans les mers

- Basalte plus ou moins riche en titane

- Roches pyroclastiques

Brèches

- Brèches dans une matrice de roches fondues

- Brèches dans une matrice de roches fondues cristallisées

- Brèches proche d’un verre.

Page 54: Clairs de Lune.pdf

50

10.44 Les contraintes imposées par le modèle de l’impact géant

Modélisation et analyse géochimique des isotopes ont imposé des contraintes fortes qui

constituent une série de tests à valider pour confirmer ou non le modèle de formation lunaire

généralement admis de l’impact géant.

La Lune résultant des modèles de formation doit :

(1) Avoir une densité inférieure à celle de la Terre.

(2) Un ratio diamètre Lune / diamètre Terre ou masse Lune / masse Terre plus grand que tous

celui des autres satellites par rapport à leur planète.

(3) S’éloigner de la Terre et doit donc avoir été créée très près d’elle.

(4) Se former une fois les embryons planétaires de sa taille déjà formés soit au moins 30 millions

d’années après la formation du système solaire.

(5) Etre, dans un premier temps recouverte d’un océan magmatique primordial suivi d’une

différenciation croute – manteau – noyau.

(6) Présenter une similitude de composition.

(7) Etre appauvrie en éléments modérément volatils par rapport à la Terre.

(8).Etre enrichie en éléments réfractaires lesquels doivent avoir une composition isotopique

presque identique à celle de la Terre et différentes de celle des météorites du système solaire.

10.45 Les arguments en faveur de la théorie de la collision ?

(1) La masse volumique de la Lune

La Lune est plus légère que la Terre et que les autres planètes telluriques : masse volumique de la

Terre : 5 500 kg/m3 ; masse volumique de la Lune : 3 464 kg/ m3.

Cette valeur correspond à celle d’un mélange de feldspath associé à une faible teneur en fer. Ces

deux éléments sont présents sur la Lune, le feldspath plagioclase forme l’essentiel de l’anorthosite

des continents.

Lors de l’impact les éléments légers à forte teneur en feldspath, sont éjectés et les noyaux ferreux

fusionnent; très peu de fer est éjecté. Le noyau ferreux de la Lune ne représente que 1% du

volume contre 17% pour la Terre.

Conclusion possible: forte teneur en feldspath et faible teneur en fer résultent d’un impact.

(2) Une lune différente des autres satellites

Nous avons vu que le rapport diamètre Lune / diamètre Terre est de 0.27 alors que le rapport le

plus élevé d’un satellite par rapport à sa planète est de 0,042 pour Titan Saturne

(3) S’éloigner de la Terre

La Terre ralentissant sous l’effet entre autre des marées, la conservation du moment angulaire du

système Terre Lune impose à la lune de s’éloigner de la Terre ; ce qu’elle fait à la vitesse de 3,8

cm/an. Un calcul rétroactif permet de situer la Lune à 20 000 ou 40 000 kilomètres de la Terre lors

de sa formation.

(4) Se former au moins 30 millions d’années après la formation du système solaire

Que ce soit le modèle classique ou celui de 2011, la Lune s’est formée 51 millions ou 168

millions d’années après le système solaire.

(5) Etre recouverte par un océan magmatique

La structure interne de la Lune – croute – noyau - manteau montre qu’il y a eu une différentiation

au sein d’un corps en fusion.

(6) Présenter une similitude de composition

Pour les dix éléments les plus abondants répertoriés 7 sont également présents.

SiO2 MgO FeO Al2O3 CaO Cr2O3 TiO MnO Na2O KO

Lune 46,1 38,3 7,6 3,9 3,2 0,5 0,17 0,13 0,05 0,01

TP 46 37,8 7,5 4,1 3,2 0,38 0,11 0,13 0,33 0,03 TP : Terre primitive

Une composition identique en isotopes de l’oxygène et du titane

La Terre et la Lune présentent des niveaux isotopiques de l’oxygène très proches. On pourrait en

conclure que la Lune et la Terre sont co-orbitales ; qu’elles se sont formées à la même distance

du Soleil puis que la Terre a capturé la Lune, qui est devenue son satellite. Mais les arguments

présentés pour écarter la théorie de la capture excluent cette solution.

Page 55: Clairs de Lune.pdf

51

Ou alors Théia s’est formée à un point d’équilibre sur l’orbite terrestre puis a été déstabilisée et a

percuté la Terre. La Lune s’est formée à partir de fragments du manteau terrestre éjectés lors de

l’impact et des fragments de Théia hormis le noyau ferreux. Ces fragments ont une composition

isotopique de l’oxygène identique puisque formés à la même distance du Soleil. Ce n’est pas

impossible, ce modèle connait un regain d’intérêt.

Depuis une quinzaine d’année de nombreux modèles ont été dérivés de celui de 1975.

En 2001, Robin Canup propose un impacteur de la taille de Mars et une Lune composée de 70%

de Théia et 30% de proto Terre.

En 2012, Canup propose que les deux astres aient une taille identique ; la Lune serait composée

pour moitié de débris de la Terre et l’autre de Théia. Le hasard fait bien les choses…

En 2012, pour Matija Cuk, Théia est un petit corps qui entre en collision avec une Terre tournant

très vite sur elle-même (2h 20 min). Sous l’impact Théia aurait été absorbée et une partie du

manteau terrestre éjecté, formant la Lune. La similarité isotopique Lune – manteau terrestre

s’expliquerait ainsi.

(7) Etre appauvrie en éléments modérément volatils et enrichie en réfractaires par rapport à

la Terre.

Le potassium, moyennement volatil est trois fois moins présent que sur Terre ; le sodium, volatile,

est largement déficitaire : 0,05 sur la Lune contre 0,33 sur Terre.

Le titane, réfractaire, est en excédent (0,17) sur la Lune par rapport à la Terre (0,11).

Globalement les silicates lunaires présentent un déficit important en éléments ou composés

relativement volatils et sont enrichis en éléments réfractaires, à haute température de vaporisation.

10.5 Les empêcheurs de collisionner en rond

La théorie de la collision est généralement admise pour expliquer l’origine de la Lune. Toutefois

certaines études récentes semblent montrer soit qu’elle ne s’est pas produite à la période

précédemment calculée, ou que l’impacteur avait une taille différente, ou que l’angle d’impact

était différent et même… qu’il n’y a pas eu de collision.

Et si Théia avait pris du poids ? Perdu du poids ?

Le scénario généralement admis (objet de la taille de Mars et impact sous un angle de 45°)

présente quelques points faibles dont un qui prévoit que 40 % de la Lune proviendraient de

l’impacteur. Ceci devrait se retrouver dans une différence de composition ; ce qui n’est pas le cas.

En faisant varier les paramètres de l’impact - Théia deux fois plus massive que Mars, vitesse

d’impact plus importante et angle d’impact très faible (impact rasant) - de nouveaux modèles

expliquent mieux la similitude de composition (modèles de Reufeur et Zhang).

Et si l’angle de l’impact était plus important

Faire varier l’angle fait varier la proportion de matériaux provenant de la Terre et de Théia dans

l’astre résultant, la Lune. Un impacteur plus massif, comme dans les modèles de Reufer et Zhang,

mais un angle d’impact plus important (Cuk et Stewart, Canup) couplé à un phénomène de

résonance orbitale entre le trio Terre-Lune-Soleil, permet d’expliquer le moment angulaire

résultant de l’impact et répond aux contraintes isotopiques.

Et si la Lune était vraiment un morceau de Terre ? Et Théia un bloc de glace ?

D’autres questions se posent lorsqu’on procède à une analyse comparative des isotopes du titane.

La proportion est identique entre la Terre et la Lune. Or, certains modèles estiment que 40 % de

la Lune sont composés d’éléments venant de Théia. Cela supposerait que Théia et la Terre aient la

même composition, ou que Théia soit uniquement composée de glace d’eau, ce qui n’aurait eu

aucune influence sur la suite des évènements et que les roches de la Lune soient composées de

minéraux d’origine terrestres.

Chaque nouvelle recherche portant sur quelques grammes d’échantillons lunaires soulève de

nouvelles interrogations.

Et s’il y avait deux impacteurs

La Lune présente une asymétrie de la croûte, plus épaisse de 50 km sur la face cachée. Des effets de

marée de la gravité terrestre sur les forces convectives dans le manteau de la Lune en cours de

refroidissement peuvent expliquer cette différence d’épaisseur entre les deux faces.

Un autre modèle (Jutzi et Asphaug) prévoit l’intervention d’un deuxième impacteur.

Page 56: Clairs de Lune.pdf

52

Dans un lointain passé, la Terre primordiale aurait possédé deux lunes, toutes les deux créées lors de la

collision de Théia avec la Terre. La première se serait stabilisée en orbite. La deuxième, beaucoup plus

petite (1 200 km), donc se refroidissant plus vite, se serait stabilisée sur un point de Lagrange du système

Terre – Lune - Soleil. Les deux points les plus stables se situent 60° en avant ou en arrière de l’orbite de

la Lune. Déstabilisées lors de leur éloignement naturel de la Terre, les deux lunes seraient parties à la

dérive tout en restant sur une même orbite, ce qui aurait entraîné une collision « douce » à 2 km/s, il y a

4,4 milliards d’années. Elle n’aurait pas entraîné une destruction cataclysmique ni la formation d’un

cratère, mais la lune sœur se serait aplatie comme une crêpe et enroulée autour d’une face de notre Lune.

Cela aurait épaissi la croûte sur cette face impactée, aujourd’hui la face cachée. Les auteurs font

l’hypothèse que durant les cent millions d’années entre la formation de notre Lune et le moment de

l’impact, l’océan de magma qui couvrait la Lune aurait formé une croûte solide et qu’il restait alors une

couche fondue à 20 km de profondeur.

L’impact en douceur aurait repoussé ce résidu d’océan magmatique à l’opposé, aujourd’hui la face

visible, où il se serait concentré. La présence d’éléments radioactifs comme l’uranium et le thorium, a

entrainé une hausse de température qui aurait généré sur la face visible et pendant un milliard d’années

une activité volcanique intense à l’origine des mers.

Et s’il n’y avait pas eu de collision ?

Harison Schmitt, membre de l’équipage d’Apollo 17 et seul géologue à avoir posé le pied sur la Lune en

décembre 1972, ne croit pas au scénario de la collision mais plutôt à celui de la fission. Un nouvel

examen des échantillons rapportés de la vallée de Taurus Littrow par cette mission montrent que la Lune

aurait renfermé une quantité d’eau bien supérieure à celle évaluée jusqu’ici, cent fois plus. C'est en

examinant les échantillons du sol orange prélevés près du cratère Shorty que les chercheurs ont identifié

des molécules d'eau, ainsi que d'autres éléments volatils (fluor, chlore, soufre) dans ce magma vieux de

3,7 milliards d’années. Ces éléments seraient en proportions identiques à celles des roches des dorsales

marines terrestres constituées à partir du manteau supérieur. Cette mesure ne cadre pas avec l’hypothèse

de la collision car, en raison de la température élevée engendrée par le choc, la plupart des éléments

volatils devraient avoir disparu.

Autre hypothèse remise en cause, celle de l'origine de l'eau présente à la surface de la Lune, en

particulier dans les cratères situés près des pôles. On supposait qu'elle venait de comètes ou de

météorites ; elle pourrait provenir des éruptions de magma contenant cette eau. A moins qu’elle soit

présente dans le manteau comme pourrait le montrer des analyses réalisées sur les roches anorthositiques

du pic central de Bullialdus portées en surface lors de la phase de rebond. Dans les deux cas cela

contraindrait à revoir le modèle de formation par collision.

Il serait donc intéressant de retourner sur la Lune pour échantillonner des roches, en particulier sur les

continents, car les échantillons proviennent des basaltes marins, plus faciles d’accès ou de brèches dont

les minéraux peuvent présenter des modifications suite aux impacts qui les ont créées. Mais ce n’est pas

pour l’instant d’actualité, du moins en ce qui concerne les Etats Unis. Reste la Chine…

10.6 La formation d’une planète tellurique

Dans un premier temps le futur système solaire se présente comme une condensation centrale (le

futur Soleil) entourée par un nuage opaque de poussières de 10 à 30 UA de diamètre. Les grains de

poussière tombent sur le plan de révolution et forme un disque de quelques kilomètres d’épaisseur

composé de grains centimétriques: les flocules. Leur attraction se fait sentir dans un périmètre

légèrement supérieur à leur diamètre. Par capture d’autres corps, ils peuvent atteindre de 5 à 10

kilomètres et former des planétésimaux. A ce stade le gaz est soit capturé par les planètes géantes

gazeuses, dispersé dans l'espace sous l'intense rayonnement de la jeune étoile. Par la suite,

l’évolution se fera en fonction de la quantité de matériaux disponibles et de l’environnement pour

former les comètes, les astéroïdes, les planètes mineures (Vesta 530 km, Cérès 950 km) et les

planètes stricto sensu de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre. On estime à 10 millions

d’années le temps nécessaire à Mars pour atteindre sa taille définitive et à 60 millions pour la Terre

10.61 La différenciation planétaire : un phénomène universel Dès lors qu’elle est formée, la planète refroidit. Au cours de ce processus commun à toutes les

planètes et objets telluriques, dès lors que leur diamètre dépasse 800 kilomètres, un phénomène se

déroule en profondeur : la différenciation. C’est un processus qui conduit les différents composants

Page 57: Clairs de Lune.pdf

53

à se distribuer à l’intérieur de la planète en fonction de leur densité. Cela aboutit généralement à la

constitution d'un noyau riche en fer et nickel, entouré d'un manteau riche en silice et magnésium et

d'une croûte riche en silice et aluminium.

10.62 Un océan magmatique originel Selon l’hypothèse de l’impact géant, une énorme quantité d’énergie a été libérée lors de la formation

de la Lune, ce qui aurait entrainé sa fusion jusqu’à 200 kilomètres de profondeur voire selon certains

modèles dans sa totalité, formant un océan magmatique. La composition anorthositique de la croûte

des continents (hauts plateaux ou hautes terres) ainsi que la présence de roche contenant des

composants proches des KREEP vont dans le sens de l’existence d’un océan magmatique.

L’hypothèse de l’océan magmatique primordial permet également d’expliquer l’excédent

d’europium (une Terre Rare) dans la croute d’anorthosite et son déficit dans les roches marines.

Dans le magma originel l’europium et l’anorthite sont dissociés. Lors du refroidissement l’europium

s’associe en priorité à l’anorthite et se retrouver dans l’anorthosite qui constituera majoritairement

les continent. Le magma résiduel situé sous la croute se retrouve déficitaire en europium. C’est ce

magma qui, plus tard constituera les roches marines.

10.7 La structure interne de la Lune

La structure interne de la Lune est celle d’un

corps tellurique différentiée : croute,

manteau, noyau. Les limites de ces

différentes zones ont été déterminées à

partir des variations des vitesses des ondes

sismiques par les sismographes installés lors

des missions Apollo.

10.71 La croûte lunaire

La croûte n’a pas la même épaisseur partout. Elle n’a pas non plus la même structure ni la même

composition. Croûte marine et croûte continentale sont différentes.

L’épaisseur de la croûte lunaire est proportionnellement très importante par rapport au rayon de la

Lune, en moyenne 4%, contre 0,1% pour la croûte terrestre la plus épaisse (35 km). Et elle n’est pas

répartie uniformément : l’épaisseur maximum de la croûte continentale varie de 60 kilomètres pour

la face visible à 100 kilomètres pour la face cachée. Sur les hauts plateaux de la face cachée,

certaines couches sont dues à des empilements d'éjectas provenant du bassin Pôle Sud Aïtken

(SPA). C’est d’ailleurs dans cette zone que se trouve le point le plus élevé de la surface de la Lune

Le tandem de la sonde Grail (Ebb et Flow) a fourni les mesures précises de la gravité lunaire. La

combinaison de ces données avec les données topographiques obtenues par LRO a permis d’estimer

Page 58: Clairs de Lune.pdf

54

l'épaisseur de la croûte, comme on peut le voir sur la carte réalisée par les scientifiques de la mission

Grail. En gris clair, les épaisseurs les plus importantes jusqu'à soixante kilomètres, les plus fines

étant colorées en gris foncé. Parmi elles la croûte de la Mare Crisium et de Mare Moscoviense ne

fait tout au plus qu'un kilomètre d'épaisseur contre dix kilomètres pour le plancher océanique

terrestre.

La composition de la croute diffère entre continent et mer, résultat de la plus ou moins grande

attirance des éléments pour les milieux lithophile (préférence pour la pierre) et sidérophile

(préférence pour le fer). L’aluminium, lithophile se retrouve dans l’anorthosite des continents. Le

titane, le fer, sidérophiles dans le basalte marin.

. SiO2 Al2O3 CaO FeO MgO TiO2 Na2

Continent 45,5 24 15,9 5,9 7,5 0,6 0,6

Mer 45,4 14,9 11,8 14,1 9,2 3,9 0,6

En surface, le régolithe et les brèches.

Apollo 16, en clair le plagioclase, gris le verre.

L’ensemble de la surface lunaire est recouvert d’une couche de régolithe (ou régolite), de rhegos

(couverture) et lithos (roche), composée de roches broyées. On peut distinguer deux types de

régolithe (Wood) :

- un régolithe dont l’origine est l’incessant bombardement du sol par des corps célestes de petite

voire très petite taille, bêchant systématiquement la surface. Ce régolithe a formé une couche de

roches broyées d’une épaisseur variable : de 2 à 10 mètres sur les mers et de 15 à 20 mètres sur les

continents. Le régolithe est renouvelé sur 50 cm à 1 m tous les 20 millions d’années.

- un mégarégolithe formé lors d’un bombardement intense survenu au cours des 600 premiers

millions d’années. La présence d’une couche présentant une épaisseur d’environ 1,5 km, composée

de roches brisées et de poussière, a été confirmée par les relevés sismographiques.

Cette surface est peu réfléchissante car granuleuse, de texture intermédiaire entre le sable et la

farine. Le régolithe est, contrairement à la poussière terrestre, fortement chargé électriquement par

le rayonnement solaire. De fait, cette poussière lunaire colle énormément aux combinaisons

spatiales, et les astronautes des missions Apollo eurent bien du mal à s'en débarrasser. De plus elle

peut aussi pénétrer les voies aériennes.

Les brèches

Lors de l’impact l’onde de choc fracture le sol. Elle peut provoquer la formation de brèches qui ont

été classées (Stöffler et al. 1980) en trois catégories : monolithique, dilithique et polylithique fondue

(la texture est variée allant d’une texture holocristalline entièrement constituée de cristaux

individualisés à une structure vitreuse), métamorphique (texture recristallisée).

L’existence de ce dernier type de brèche montre que des éléments provenant de différents sites

(mers - continents) et de différentes profondeurs se sont retrouvés associés après plusieurs épisodes

d’impacts. La présence de clastes composés de brèches conforte cette constatation, une brèche à

l’intérieur d’une brèche.

Page 59: Clairs de Lune.pdf

55

La croûte marine.

En utilisant les sismomètres laissés par les

missions Apollo, les scientifiques ont mesuré

l’importance des séismes en différents points de

la surface et ont ainsi pu ausculter en profondeur

la structure interne de la Lune. Les variations de

la vitesse de propagation des ondes en fonction

de la profondeur montrent que la croûte marine

présente plusieurs zones.

D’abord une fine couche de quelques mètres de

régolithe puis jusqu’à 2 km des éjectas, mélange

de roches broyées et de roches fondues par

impact.

Suivent de 2 à 10 km de brèches d’impact de grande taille qui peuvent être associées à des couches

de basalte. Sous cette zone, la vitesse des ondes reste faible mais augmente jusqu’à 25 km de

profondeur, ce qui correspond au passage d’une zone de roches fracturées vers une zone plus

profonde et moins fracturée. Au-delà, entre 25 et 60 km la vitesse de propagation est semblable à

celle des zones non fracturées. Elle correspond à la remontée du manteau – dans certains cas jusqu’à

10 km ou moins ou à la présence de la croute originelle. La sonde Kaguya a montré que l’olivine,

minéral associé au manteau, est très peu présente à la périphérie des mers donc des bassins qui les

contiennent. Sauf pour Mare Crisium, Mare Moscoviense et quelques points autour de Mare

Imbrium où la croute est peu épaisse, environ un kilomètre sur ces deux premiers sites et où les

matériaux du manteau ont été atteints.

La croûte continentale.

Anorthosite Norite

La composition de la croûte est celle d’une anorthosite, roche magmatique formée à la suite du

refroidissement lent d’un magma en profondeur, ce qui la classe parmi les roches plutoniques. Les

géologues parlent d’une roche hololeucocrate c'est-à-dire plutôt claire, à texture grenue, composée

de 80 à 90 % de feldspaths plagioclases (andésine, labrador, bytownite) et d'un peu de minéraux

sombres, pyroxène (augite, hypersthène), hornblende, biotite, parfois grenat, spinelle et corindon.

La croute d’anorthosite résulte de la cristallisation de l’océan magmatique primordial. L’anorthosite

cristallise au cours de 60 premiers millions d’années et la croute est totalement cristallisée après 100

millions d’années soit 4,417 milliards d’années (Nemdin et col).

Une autre roche est très présente, la norite, composée de feldspaths plagioclases clairs et

d’hypersthène (groupe des pyroxènes) et d’olivine plutôt foncés. L’apparence de la norite est celle

d’un gabbro avec lequel il est difficile de la distinguer à l’œil. La norite aurait été enrichie par des

éléments dits « incompatibles » formant un magma riche en KREEP.

Enfin on trouve la troctolite dont l’abondance est forte dans les deux premiers kilomètres.

Une croute plus récente ? Selon une étude réalisée en 2011 (Borg, Connelly, Boyet et Carlson) portant sur l’analyse de

échantillon n° 60025, collecté au cours de la mission Apollo 16 en avril 1972, une nouvelle

Page 60: Clairs de Lune.pdf

56

chronologie, plus fiable car portant sur un échantillon plus important (2 grammes) permettant des

échantillons d’analyse de 159 à 227 nanogrammes et réalisée avec des instruments de dernière

génération, donne :

Formation du système solaire : 4,568

Modèle classique 2011 Modèle 2011 Différence

Collision 4,517 4,400 117 millions d’années

Océan magmatique

Différenciation

Croûte

4,417

4,363

54 millions d’années

La présence d’un océan magmatique primordial est posée comme condition de formation des

minéraux analysés lors de cette expérience. Cette condition est communément admise mais une

question se pose toutefois : l’échantillon prélevé dans une brèche est-il représentatif de l’ensemble

de la croûte ?

Deux datations portant sur une météorite lunaire et un zircon provenant d’un autre échantillon

donnent un âge plus ancien :

Météorite lunaire : 4,450 à 4,400 milliards d’années.

Zircon : 4,435 milliards d’années mais avec une possibilité d’un âge inférieur à 4,350 milliards

d’années et supérieur à 4,440 milliards d’années.

On comprend pourquoi les scientifiques souhaiteraient des échantillons pris en profondeur de la

croûte plutôt qu’à l’intérieur de brèches ou de produits d’éjectas.

10.72 Sous la croute, les KREEP

C’est dans l’évolution de l’océan magmatique

originel dont nous venons d’évoquer

l’existence qu’il faut chercher l’origine des

KREEP. Lorsque cet océan refroidit, les

minéraux cristallisent. Les plus denses –

olivine, pyroxène – précipitent et constituent

le manteau lunaire. Les moins denses –

plagioclases – flottent et forment la croûte

lunaire. Un peu avant la fin de la

cristallisation il persiste un liquide résiduel

entre la croute et le manteau. Sa composition

fait apparaitre une concentration accrue en

éléments dits « incompatibles » qui se

concentrent en phase liquide.

Parmi eux le potassium (K), les Terres Rares (REE = Rares Earth Elements) et le phosphore (P)

d’où leur nom de KREEP, ainsi que d’autres éléments produisant de la chaleur comme l'uranium, le

thorium.

Avant la mission Lunar Prospector, on pensait que les matériaux riches en KREEP formaient une

couche occupant, sous la croûte, la totalité de la surface lunaire. Toutefois, les données obtenues au

cours de cette mission montrent que les roches contenant du KREEP sont principalement

concentrées dans les régions d'Oceanus Procellarum et de Mare Imbrium, dénommée le Procellarum

KREEP Terrane (PKT). Dans la région des PKT la chaleur produite par cette concentration entre la

croûte et le manteau est très certainement responsable de la longévité et l'intensité du volcanisme sur

la face visible de la Lune.

Les éjectas des bassins éloignés de ces régions, Mare Crisium, Mare Orientale contiennent des

matériaux de couche profonde voire éventuellement du manteau, mais ne contiennent pas de

concentrations notables de KREEP.

10.73 Le manteau A une profondeur de 60 à 100 km, une brusque augmentation de la vitesse des ondes marque le passage de

la croûte au manteau. Le manteau est probablement riche en olivine, pyroxène, fer et magnésium, c'est-à-

dire une péridotite.

Page 61: Clairs de Lune.pdf

57

Manteau et croûte forment la lithosphère lunaire, beaucoup plus épaisse (1 000 kilomètres) que la

lithosphère terrestre (100 kilomètres) et beaucoup plus rigide. Cette lithosphère rend impossible l’ascension

de magma et empêche tout mouvement latéral qui sur Terre permet la dérive des continents. La plupart des

séismes se produisent vers 800 à 1000 kilomètres de profondeur et semblent en relation avec les très fortes

marées provoquées par la Terre. Un manteau profond, en partie fondu, existe sous la zone des séismes. Il

serait composé de deux couches de 250 et 200 kilomètres d’épaisseur.

10.74 Le noyau Les études géochimiques des échantillons lunaires, l’analyse des microséismes, les variations d’altitude des

sondes en orbite, suggèrent que la Lune possède un petit noyau métallique solide de 160 kilomètres, à une

température de l’ordre de 1600 / 1700 ° kelvin. Il ne représente que 20 % du volume de la Lune, alors qu’il

peut atteindre 50 % pour certaines planètes telluriques. Il est beaucoup moins dense que celui de la Terre et

serait pauvre en fer ce qui est cohérent avec le modèle de l’impact.

D’autres modèles prévoient un manteau inférieur partiellement fondu de 150 kilomètres, un noyau fluide de

90 kilomètres, un noyau solide de 240 kilomètres de diamètre (Nasa 2010).

Il existe une forte aimantation rémanente datée entre 3,9 et 3,1 milliards d'années. Ceci suggère qu'un

champ magnétique peut avoir été produit à peu près au même moment que les émissions de basaltes

marins. Le champ magnétique lunaire peut avoir pour origine la chaleur libérée par le noyau. Par la suite, le

noyau s’est refroidi et s’est cristallisé, l'effet dynamo s’est ralenti ce qui a diminué l’intensité du champ

magnétique.

10.8 L’atmosphère

Les planètes gazeuses sont, par définition, pourvues d’une atmosphère très importante. Trois des quatre

planètes telluriques possèdent également une atmosphère ainsi que Titan, un des satellites de Saturne. Dans

le cas de Vénus, cette atmosphère est composée de gaz carbonique et parcourue par des nuages d’acide

sulfurique. La forte activité volcanique de la planète est à l’origine de la composition de cette atmosphère.

La Terre a vu son atmosphère évoluer au cours du temps. Entre -4 et -2,5 milliards d’années elle était

composée de gaz carbonique, méthane, hydrogène sulfuré, vapeur d’eau issus des éruptions volcaniques

originelles. L'oxygène atmosphérique produit par l'action du rayonnement ultra-violet sur la vapeur d'eau et

le dioxyde de carbone, présentait un niveau extrêmement faible, entre 0,005 et 0,01% du niveau actuel

(21%).

La présence d’oxygène devient évidente vers 2,5 milliards d’années sous la forme des premiers oxydes de

fer dans les roches (début du Protérozoïque). Ce fer était en solution dans les océans et, lorsque l’oxygène a

été produit par les premières cyanobactéries, il s’est associé au fer qui a précipité sous forme de fer rubanés.

Lorsque tout le fer mobilisable a été utilisé, l’oxygène produit s’est alors échappé dans l’atmosphère pour

atteindre vers 750 millions d’années une proportion proche de la proportion actuelle. Puis entre 750 et 600

millions d’années le taux a chuté suite à deux glaciations généralisées : la « Terre boule de neige », la

photosynthèse ayant pratiquement cessée au cours de cette période puis raugmenté il y a 600 millions

d’années. Une hypothèse a été avancée pour expliquer cette subite augmentation : au cours de deux

glaciations qui ont recouvert l’ensemble de la Terre, des nutriments et du CO2 sont stockés au fonds des

océans ; des bactéries survivent près des sources chaudes qui rejettent ces nutriments. A la fonte des glaces

ces éléments sont portés à la surface par de gigantesques tempêtes résultant du bouleversement climatique

et sont transformés par les bactéries survivantes. Celles-ci peuvent alors se multiplier et produire l’oxygène

en quantité considérable. La composition de l’atmosphère terrestre en est totalement modifiée. L’oxygène

présent dans les hautes couches de l’atmosphère est transformé en ozone sous l’action des rayons solaires

ultraviolets sur des molécules de dioxygène. Cette couche protectrice participera au développement de la

vie sur Terre en absorbant la totalité des UVc et la majorité des UVb les plus énergétiques donc les

plus nocifs pour les êtres vivants

Mars possède une atmosphère ténue de gaz carbonique issue, comme la Terre, d’une activité

volcanique primordiale. Mais sa faible masse n’a pu s’opposer à une fuite de celle–ci dans l’espace.

L’atmosphère de Titan est composée de méthane, éthane, acétylène et d'autres composés

d'hydrocarbures. Sur le sol la présence d’ammoniac, eau, azote, a été détectée.

Page 62: Clairs de Lune.pdf

58

Les autres corps du système solaire sont, soit trop proches du Soleil, soit trop peu massifs pour

retenir une atmosphère. La Lune entre dans cette catégorie.

L’atmosphère lunaire

Pourtant des observations réalisées par les

équipes d’Apollo, des lueurs diffuses lors des

levers de Soleil, semblent témoigner de la

présence d’une atmosphère tenue de gaz (?) et de

poussières (?).

Nasa

L’origine des gaz pourrait être des manifestations volcaniques sporadiques dont les Phénomènes

Lunaires Transitoires (PLT) seraient les témoins ; mais l’existence même des PLT est fortement

remise en question. Une expérience réalisée par Apollo 17 a permis de détecter la présence d’argon

et d’hélium d’origine inconnue.

La multiplication des missions lunaires dans les années 1970 et leur reprise dans les années 2000

risque de modifier la composition de l’exosphère lunaire en augmentant artificiellement, entre autre,

la densité de poussières lors des alunissages. C’est pourquoi, au premier trimestre 2014, la NASA a

utilisé la sonde LADEE afin de mesurer entre 1 et 60 kilomètres d’altitude la composition et la

densité de l’exosphère. La présence de poussière est faible (1 impact par minute) mais non nulle.

Elle augmente au fur et à mesure que l’on se rapproche de la surface. L’impact sur la composition

de l’atmosphère des épisodes météoritiques, les Géminides dans le cas de Ladee, a été mesuré :

augmentation du sodium et de la diffusion de lumière par les poussières soulevées. De l'oxygène

atomique, du fer et du titane provenant du régolithe ont été décelés.

La présence d’eau, de monoxyde et dioxyde de carbone, d’azote est confirmée.

11E REMARQUE : MA VOISINE A UN COMPORTEMENT BIZARRE. ET IL N’Y A PAS

QU’ELLE.

Tantôt sœur ou frère du Soleil, tantôt dieu ou déesse, associée une fois à la fertilité, l’autre à la

stérilité, passant au cours d’une lunaison par tous les états du chaud au froid, du sec à l’humide, s’il

y a une notion intiment liée à la Lune, c’est celle du changement.

L’imaginaire collectif lui a également conféré une infinité de pouvoirs régissant les comportements,

les rythmes et les cycles de la vie et la cohorte de croyances qui leur sont associées. Si de nos jours

elles ne conduisent plus au bûcher ou sous les crocs des loups-garous, ces croyances restent fortes,

portant alternativement sur la croissance des plantes, la pousse des cheveux et des ongles, les

naissances, les agressions, le sommeil, les suicides, etc.

Certaines études montrent le bien fondé de certaines constatations liées directement ou

indirectement à la Lune, d’autres sont contradictoires, d’autres enfin démentent le bien-fondé de

certaines croyances. Car nous sommes bien à la limite entre science et croyance, d’où la difficulté à

faire évoluer les mentalités.

11.1 La Lune lave plus blanc et ronge le verre

Avant d’avoir mis au point les lessives, on utilisait la potasse contenue dans la cendre de bois pour blanchir

le linge. Mais pour achever le travail, rien de tel que d’étendre le linge sur l’herbe par une belle nuit de

pleine lune. La Lune réfléchissant la lumière solaire, celle-ci doit donc être à l’origine du phénomène

constaté. Mais la Lune ne nous renvoie qu’une quantité très faible de lumière solaire 1/1 500 000e. Il faut

Page 63: Clairs de Lune.pdf

59

chercher ailleurs, du côté de la chimie. Dans l’atmosphère, entre 8 et 15 km, se déroulent des réactions

photochimiques qui forment, à partir de l'ozone, du peroxyde d'hydrogène (aussi connu sous le nom d'eau

oxygénée). Or on connaît bien l'action de l'eau oxygénée sur la couleur... Mais comment se retrouve-t-elle

sur le linge ? En fait, l'eau oxygénée se retrouve mêlée aux gouttelettes d'eau de l'atmosphère. La nuit, la

température baisse et la rosée, qui contient jusqu’à 0.04% d’eau oxygénée, se dépose sur l’herbe et le linge.

Ce phénomène n’est pas lié à la présence de la Lune, il se produit quelle que soit la phase à condition que le

ciel soit dégagé, facilitant ainsi le refroidissement de l’atmosphère et la formation de rosée. Et c'est par ciel

clair que l'on voit la Lune. L’association des deux phénomènes fera que l’on prendra l’habitude d’étendre le

linge lors d’une belle nuit de pleine lune et l’association Lune / blanchiment sera durablement installée.

Une autre constatation datant du Moyen –Age : la lumière de la Lune ronge le verre. En réalité les maitres

verriers introduisait de la soude contenue dans de la cendre dans la silice afin de faire baisser le point de

fusion du verre. La soude contenue dans le vitrail facilitait l’action négative de l’eau.

11.2 La Lune rend les fous plus fous…

La prétendue influence de la Lune sur les comportements a donné naissance à des expressions bien

connues : être dans la lune, c. comme la lune, mal luné, demander la lune, lunatique… Cette dernière

expression prend une valeur différente selon les langues. Son origine fait référence à une situation de « ce

qui dure un mois » (latin), ce qui change. Pour les Grecs, c’est le changement d’état des fous, des

maniaques, des épileptiques. Cela dure jusqu’au Moyen Age, le lunatique est rendu périodiquement

instable par la Lune. L’anglais conserve ce sens : «Lunatic » signifie dément. En français le mot est

aujourd’hui moins fort. Il caractérise ceux qui sont inconstants dans leur comportement.

Dans un environnement où la science prend le dessus sur la croyance, il est étonnant de constater que

certaines de ces superstitions ou croyances sont confortées par les dires des spécialistes, sans pour autant

que des études sérieuses ne viennent les confirmer.

En voici deux exemples :

Un sondage réalisé en 1995 aux USA montre que 81 % des professionnels liés au secteur psychiatrique

croyaient à l’influence de la pleine lune sur le comportement de leurs patients. Ce taux est à rapprocher de

celui du grand public qui est seulement de 43 %. Une nouvelle étude statistique sur échantillon significatif

réalisée en 2001 en milieu psychiatrique (Laurent Puech) montre en fait que la Lune n’a aucune influence

sur les changements des comportements des malades étudiés.

Une étude de 1984 portant sur 3324 naissances, faisant suite à plusieurs études réalisées en 1967 sur les

naissances de treize années, ne confirment rien. Une étude de 1968 montre même que les naissances

seraient plutôt au premier quartier… Alors qu’une étude française de 1970 à 1975 privilégie la nouvelle

lune et une autre de 1968 à 1974 n’apporte aucune réponse.

11.3 A la pleine lune, le pêcheur de truite reste chez lui

Un éclairage plus fort rend poissons et insectes plus visibles et donc plus vulnérables. Les pêcheurs de

truites et de saumons savent bien que la pleine lune n’est pas propice à une pêche miraculeuse. Expérience

acquise, il est préférable d’être discret à la pleine lune.

11.4 Les coraux sont des poètes

Les coraux vivent fixés. Aussi, afin de faciliter la rencontre entre les mâles et les femelles, les

gamètes sont largués en une seule fois dans l’année, au cours d’un processus nocturne qui ne dure

que quelques heures. La synchronisation est parfaite entre tous les coraux d’une même espèce et on

ne sait pas bien pourquoi ce phénomène a lieu quelques jours après la pleine lune.

Le signal de l’émission des gamètes pourrait avoir plusieurs origines : biologique, chimique ou

physique. Toutefois, les synchronisations observées ayant lieu quelques jours après la pleine lune,

les phases lunaires ont depuis longtemps été supposées comme déterminantes. Il semblerait qu’une

évolution du spectre lumineux, perçu par les coraux sous le niveau de l’eau trois à quatre jours après

la pleine lune, soit le facteur déclenchant. Lorsque que le Soleil se couche, la dominante de couleur

du ciel est bleue, d’où le nom d’ « heure bleue ». Le spectre de la pleine lune est plus rouge et,

Page 64: Clairs de Lune.pdf

60

lorsque celle-ci se lève alors que le Soleil se couche (c’est le cas lors de la période de la pleine

lune), le spectre global du ciel est modifié. De bleu il passe au rouge, ce qui pourrait être le signal

d’émission des gamètes.

11.5 Temps pourri. Mon pauvre Monsieur c’est normal, c’est l’année des treize lunes

S’agit-il de nouvelles ou de pleines lunes ? Et bien tout le monde n’est pas d’accord. Il y a les

« nouvellistes » et les « pleinistes » pour les prévisionnistes météo. Or, certaines années, il y a 12

nouvelles lunes et 13 pleines lunes. D’autres années c’est l’inverse, 12 pleines et 13 nouvelles.

Encore faut-il savoir quand l’année commence et prévenir la météo.

L’année commence le 1er

janvier par convention, mais cela n’a pas toujours été.

Avant 46 av. J-C, le calendrier était lunaire ; il n’y avait donc aucune référence à l’année de 365 j.

Donc il faisait toujours beau. De -46 à 532, elle commence le 1er

mars et à partir de 532, le 1er

janvier. La météo va devoir se recaler pour respecter les 13 lunes ; sauf que cela ne marche pas

partout. Dans certaines régions, le premier janvier est le jour de Pâques. Mais comme le jour de

Pâques varie d’une année sur l’autre, comment voulez-vous que la météo s’y retrouve. Il fait donc

beau pour ceux dont l’année compte 12 lunes et mauvais pour ceux de la ville d’à côté dont le

calendrier en comporte 13. On ne retrouve pas d’archives permettant de vérifier si les

déménagements se sont multipliés au cours de ces périodes. Et c’est sans compter la pagaille entre le

4 et le 15 octobre 1582 où l’année ne fait que 355 jours (mais la météo le sait). Pour corser l’affaire,

le 24 octobre 1793 les révolutionnaires fixent le début de la nouvelle ère au 22 septembre 1792 qui

devient ainsi le 1er vendémiaire an I. Chaque année commence le jour de l'équinoxe d'automne,

moment où la durée du jour est égale à celle de la nuit, ce qui, selon les années, peut correspondre

au 22, 23 ou 24 septembre. En conséquence l’année peut faire 364, 365 ou 366 jours. En cas

d’incertitude, le réveillon peut durer trois jours (dur dur pour le foie…). Et ceci jusqu’au 1er janvier

1806 (11 nivôse an XIV) qui marque l'abandon du calendrier révolutionnaire pour le calendrier

grégorien. La météo en est informée et peut se déchaîner à nouveau l’année des treize lunes. La

solution ? Revenir au calendrier lunaire.

11.6 Beu d’épina, liuna fina, beu dé feilla liuna veilla.

Bois d’épine, lune fine, bois de feuilles lune vieille. En ce qui concerne les jardins, la multiplicité

des almanachs et ouvrages spécialisés montre que « jardiner avec la Lune » est bien installé dans le

milieu. Et comme on ne veut prendre aucun risque, on se plie à la tradition : « semer en lune

montante les plantes aériennes et en lune descendante les légumes racines ; couper les résineux en

lune montante (lune fine), couper les arbres à feuille caduque en deuxième partie de lunaison (lune

vieille) ».

11.7 La Lune soulève l’eau et la Terre.

La Lune, le Soleil, la Terre s’influence mutuellement via leur masse. La Lune et le Soleil sont à

l’origine des marées océaniques et terrestres. Ce phénomène sert d’ailleurs souvent à justifier l’effet

de la Lune sur les plantes, puisqu’elles sont constituées essentiellement d’eau. Mais les marées

n’agissent que sur les grandes masses d’eau qui ne sont pas entourées de terres. Si l’influence

gravitationnelle de la Lune existe bel et bien, elle ne représente que 1/300 000 de celle de la Terre.

11.8 Dites-le avec la Lune

« Tomber de la Lune ». : être décontenancé par un événement inopiné, « Tomber des nues ». Au XVIIe :

arriver à l'improviste, survenir inopinément.

« Faire voir la Lune en plein midi » : faire croire à des choses invraisemblables. « Faire prendre des vessies

pour des lanternes », « Prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages »

« Promettre la Lune » XVe : promettre une chose impossible

« Demander la Lune » : demander quelque chose d’irréalisable, d’impossible, demander beaucoup trop.

Page 65: Clairs de Lune.pdf

61

« Pêcher la Lune » : chercher à réaliser l’impossible.

« Décrocher la Lune « (XVIe), « Prendre la Lune avec les dents » (XVII e): réaliser une chose impossible

« Aboyer à la Lune » : multiplier les protestations inutiles

« La Lune de miel » : les premiers temps du mariage. Consommation de miel par les époux dans l’ancienne

Égypte. Miel offert par le jeune marié à son beau-père pendant les premières semaines du mariage en

Mésopotamie

« Etre dans la Lune » : être distrait

« Etre bête (con) comme la Lune » : ne pas être très malin. Dans ce cas la Lune n’a rien à voir ; la lune en

question, ce sont les fesses et les fesses sont à l’opposé du cerveau, siège de l’intelligence. Par contre « Etre

aussi con que la Lune est vieille » la remet en jeu.

« Etre mal luné » : être de mauvaise humeur

« Voir des lunes » : être sujet à des fantaisies, à des caprices.

« Avoir une face de Lune » : avoir un visage rond et joufflu

« Faire un trou à la Lune » : faire une faillite frauduleuse en disparaissant sans payer ses créanciers.

« Avoir ses lunes » : pour une femme avoir ses règles, concordance de temps entre une période entre deux

règles et une lunaison.

« Compter en Lune » : compter en mois lunaires

« Vieilles lunes » : idées démodées, passées de mode.

11.9 Il est temps d’aller dormir

Et pour clore le débat : la pleine lune favorisant, selon la tradition, les insomnies, cela devrait entraîner une

baisse significative des nuits blanches en dehors de cette période. A vérifier auprès des insomniaques.

Et bien, c’est fait. Une étude répartie sur deux lunaisons, menée par l’université de Bâle (Suisse) sur 30

volontaires d’âge différent, montre qu’ils dormaient en moyenne 19 minutes de moins à la pleine lune. Cela

peut avoir comme origine un cycle biologique basé sur la lunaison ; une autre hypothèse est qu’à la

préhistoire les Hommes devaient rester plus vigilants à cette période pendant laquelle leurs prédateurs

pouvaient plus facilement les repérer.

Page 66: Clairs de Lune.pdf

62

DEUXIEME CLAIR DE LUNE

LA LUNE AU 115 MM

Voilà maintenant plus d’un an que je pratique l’astronomie au sein d’une association d’amateurs. Je ne

regrette pas ce choix car c’est la meilleure façon de progresser. Certains s’intéressent au ciel profond et

font de très belles images, d’autres aux planètes et à la Lune, aux étoiles variables, aux étoiles doubles, au

Soleil. Certains observent, d’autres dessinent, mesurent, photographient, filment ou se passionnent pour

l’histoire, l’art, les logiciels… Une vraie tribu qui partage, rencontre d’autres tribus au cours de « star

parties », RAP, Nuits étoilées et autres soirées.

J’ai très vite troqué mes jumelles contre un premier télescope acheté d’occasion sur un site d’échanges

bien connu. J’ai également pu poser des questions, obtenir beaucoup de réponses, de conseils. Mon

télescope est un Newton de 115 mm à F/D 10 que j’utilise pour observer la Lune, les planètes principales

et le Soleil avec un filtre spécial. Il n’est pas très bien adapté pour le ciel profond, les nébuleuses, les

galaxies, les amas mais j’ai tout de même pu observer la superbe nébuleuse d’Orion et quelques très beaux

amas globulaires comme celui d’Hercule, également appelé M13. Mon petit télescope est monté sur une

monture dite allemande fabriquée en Chine.

Comme la Lune est très régulière dans ses visites, je m’intéresse tout particulièrement à elle. Je me suis

muni d’une carte plastifiée qui me permet d’identifier facilement les formations que j’observe. Et j’ai

décelé beaucoup des détails à sa surface. Nous sommes mi-mars et le premier quartier est haut dans le ciel.

La turbulence atmosphérique étant plus faible, les images sont plus stables et les observations plus

précises.

J’ai pris quelques photos très esthétiques lorsque la Lune se couche derrière des montagnes, des

monuments. Je peux transposer la situation sur la Lune. La Terre doit elle aussi se lever et se coucher tout

comme le Soleil selon deux points cardinaux, l’est et l’ouest.

Avec mon télescope j’ai d’abord remarqué un phénomène bizarre ; la mer des Crises, que je connais bien

maintenant, semble tantôt se rapprocher tantôt s’éloigner du bord de la Lune, comme si elle se balançait

de droite à gauche et inversement. A y regarder de plus près le même phénomène existe dans le sens nord-

sud. Il est très bien décelable en suivant le cirque Plato, une petite tache sombre près du bord inférieur de

l’image que me donne mon télescope.

Puis j’ai pu observer les cratères. Les plus importants comme Clavius, Copernicus, Tycho, Gassendi, et

bien d’autres omniprésents sur les continents. Ils n’ont pas tous la même forme, ni la même structure. Ils

peuvent être parfaitement circulaires ou pas, avoir un fond plat ou tourmenté. Certains ont des reliefs frais,

d’autres semblent comme ruinés. Les détails des reliefs varient en fonction du moment de l’observation ; ils

sont bien visibles lorsque le Soleil commence à les éclairer et que les ombres sont importantes. Plus tard ce

sont d’autres détails qui apparaissent sous un éclairage haut. J’ai aussi remarqué qu’il était intéressant

d’observer en deuxième partie de lunaison car des détails non vus en Lune montante le sont en Lune

descendante. Partant de certains cratères brillants des raies également brillantes rayonnent depuis le

centre. Elles sont le plus souvent bien réparties mais d’autres se développent dans une direction

privilégiée.

Page 67: Clairs de Lune.pdf

63

Ensuite les mers. L’une d’entre elles, Mare Crisium est isolée ; les autres communiquent. Deux ont

clairement une forme circulaire (Crisium et Imbrium), d’autre s’en rapprochent (Humorum, Nectaris,

Serenitatis). Leur teinte n’est pas uniforme ; si les gris dominent, leur intensité varie. Chose remarquable :

très peu de cratères sont visibles à leur surface. Ceux que l’on peut observer ont des formes bien dessinées.

Par contre il semblerait que certains autres aient été envahis par la mer, ne laissant apercevoir qu’une

petite partie de leurs remparts.

Enfin les reliefs. Contrairement à ce qui se passe sur Terre il n’y a pas de reliefs accentués sur les

continents. Pas d’Oural ou d’Himalaya sur la Lune. Par contre les reliefs présents en bordure des mers

sont importants avec, en plu, une asymétrie. Ils sont plutôt abrupts du côté de la mer et en pente douce à

l’extérieur.

Continents couverts de cratères, mers lisses et peu cratérisées, cratères à relief vif ou totalement délabrés,

l’application du principe de superposition permet d’envisager une chronologie.

Ce que j’ai remarqué

Certaines périodes semblent plus propices à l’observation

Le Soleil se lève et se couche, il doit y avoir des points cardinaux

Les formations bien visibles proches du limbe semblent tantôt s’en rapprocher tantôt s’en

éloigner

On observe des dépressions ressemblant à des cratères de volcans.

Les cratères n’ont pas tous la même forme ni la même structure.

Certains cratères sont très brillants ; des raies également brillantes rayonnent depuis le

centre.

Certaines mers sont globalement circulaires

Les mers sont grises mais ce n’est pas d’un gris uniforme

En bordure des mers les reliefs sont très accentués et asymétriques

Existe-t-il comme sur Terre des ères géologiques?

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SOMMAIRE

LA LUNE AU 115 MM

1ERE

REMARQUE – Pages 67 68. CERTAINES PERIODES SEMBLENT PLUS PROPICES A

L’OBSERVATION. 1.1 La période de l’année et l’épaisseur de la couche d’atmosphère à traverser

1.2 La stabilité de l’atmosphère

1.3 Le terminateur

2ME

REMARQUE – Pages 68 à 72. LE SOLEIL SE LEVE ET SE COUCHE. IL DOIT Y

AVOIR DES POINTS CARDINAUX 2.1 Les points cardinaux

2.2 Equateur lunaire et méridien d’origine. Latitude, longitude

2.3 Sinus Medii et le point 0°

2.4 La colongitude

2.5 La boussole me serait-elle utile ?

2.6 Y a-t-il une étoile polaire ?

3E REMARQUE – Pages 72 à 75. DES FORMATIONS BIEN VISIBLES PROCHES DU

LIMBE SEMBLENT TANTOT S’EN RAPPROCHER TANTOT S’EN ELOIGNER 3.1 Les librations

3.2 Librations en longitude

3.3 Librations en latitude

3.4 Librations diurnes

3.5 Librations gravitationnelles

3.6 Signe et zone découverte

3.7 L’intérêt des librations

4E REMARQUE- Pages 75 à 80. ON OBSERVE DES DEPRESSIONS RESSEMBLANT A

DES CRATERES DE VOLCANS. 4.1 La nomenclature des cratères lunaires. Les octants de Riccioli

4.2 1596 cratères ont un nom. Il existe 7103 cratères satellites.

4.3 Origine des cratères : volcanique ou autre origine ?

4.4 Un phénomène général

4.5 Le processus de formation des cratères

4.51 Diamètre et profondeur des cratères

4.52 La formation d’un cratère simple

4.53 La formation d’un cratère complexe

Page 69: Clairs de Lune.pdf

65

5E REMARQUE – Pages 80 à 87. LES CRATERES N’ONT PAS TOUS LA MEME FORME

NI LA MEME STRUCTURE. 5.1 Forme des cratères d'impact

5.2 La classification des cratères

5.21 Classification liée à la taille

5.22 Classification liée à la morphologie

5.23 Classification liée à la structure

5.3 Classer les cratères : la Séquence Principale

6E REMARQUE- PAGES 87 A 92. CERTAINS CRATERES SONT TRES BRILLANTS. DES

RAIES EGALEMENT BRILLANTES RAYONNENT DEPUIS LEUR CENTRE. 6.1 Les cratères brillants à auréole

6.2 Les raies brillantes

6.21 Localisation des cratères à raies

6.22 Les raies sont plus brillantes sur les continents que sur les mers

6.23 Origine et datation des raies brillantes

6.3 La forme des éjectas

6.4 Certaines raies ont une origine difficile à définir.

6.5 Les roches fondues par l’impact.

7E REMARQUE : - Pages 92 à 99. CERTAINES MERS SONT GLOBALEMENT RONDES

7.1 La première carte commentée

7.2 On dirait des cratères géants

7.3 Le nouveau système solaire est né à Nice

7.4 Le Grand Bombardement Tardif et la création des grands bassins d’impact.

7.41 Les bassins lunaires

7.42 Oceanus Procellarum, la boite à questions

7.5 Les mascons : la remontée du manteau sous les bassins d’impact. L’exemple d’Imbrium.

7.51 Des mini-mascons

7.6 Et s’il n’y avait pas eu de GBT ?

8E REMARQUE : - Pages 100 à 122. LES MERS SONT GRISES MAIS CE N’EST PAS UN

GRIS UNIFORME 8.1 L’eau sur la Lune

8.11 Origine de l’eau de surface

8.12 De la glace d’eau aux pôles.

8.13 Sèche ou humide ? Des réponses qui posent des questions sans réponse.

8.14 Business is business

8.2 Si ce n’est pas de l’eau, qu’est-ce que c’est ?

8.3 Le volcanisme lunaire

8.31 Manifestation du volcanisme lunaire

8.32 La formation des mers : les épanchements de lave à grande échelle

8.33 Chronologie du volcanisme marin

8.34 Pourquoi les mers sont-elles concentrées sur la face visible ?

8.35 Le gris des basaltes n’est pas uniforme.

8.36 Les basaltes sont-ils les seules roches volcaniques ?

8.4 Autres structures volcaniques : dômes, mégadômes, méga-mégadômes.

8.41 Les dômes

8.42 Les mégadômes : des dômes volcaniques importants

8.43 Les méga-mégadôme

Page 70: Clairs de Lune.pdf

66

8.5 Localisation des boucliers et reliefs associés

8.6 Les dépôts pyroclastiques

8.61 Localisation des RDMD

8.62 Dépôts pyroclastiques et cratères à fond fracturé : le cas Alphonsus

8.63 Et si l’éruption se poursuit ?

8.7 La Lune est-elle toujours active ?

8.71 Les Phénomènes Lunaires Transitoires – PLT

8.72 Origine des PLT

8.73 Ina Caldeira et les TMI: peut-être un ancien PLT

8.8 Les séismes

8.9 Tectonique ou pas ?

8.10 La Lune rétrécit-elle ?

9 E REMARQUE- Pages 122 à 126. EN BORDURE DES MERS LES RELIEFS SONT TRES

ACCENTUES ET ASYMETRIQUES. 9.1 Les zones montagneuses des hautes terres

9.2 Les chaînes de montagnes

9.21 Une asymétrie révélatrice

9.22 L’origine des chaines de montagnes lunaires

9.3 Le vrai relief de la Lune n’est pas celui que l’on croyait.

9.4 Le point le plus haut sur la Lune

10 E REMARQUE : Pages 126 à 131. EXISTE-T-IL COMME SUR TERRE DES ERES

GEOLOGIQUES? 10.1 Superposition et densité

10.11 La détermination de l’âge absolu d’une l'unité géologique

10.12 Dix cratères = dix évènements indépendants.

10.2 Chronologie de la formation des cratères

10.3 Les ères géologiques lunaires

10.31 Correspondance terrestre

10.32 Pré-Nectarien

10.33 Nectarien

10.34 Imbrien inférieur

10.35 Imbrien supérieur

10.36 Eratosthénien

10.37 Copernicienne

10.4 Petite chronologie lunaire sur une image d’amateur

Page 71: Clairs de Lune.pdf

67

1ERE

REMARQUE : CERTAINES PERIODES SEMBLENT PLUS PROPICES A

L’OBSERVATION.

1.1 La période de l’année et l’épaisseur de la couche d’atmosphère à traverser

La hauteur de la Lune varie en fonction de la période de l’année. Comme il est préférable

d’observer un astre lorsqu’il est à une hauteur maximum, les meilleurs périodes sont sous nos

latitudes :

Equinoxe de

printemps

Solstice

d’été

Equinoxe

d’automne

Solstice

d’hiver

Premier quartier Haute + Equateur Basse - Equateur

Pleine lune Equateur Basse - Equateur Haute +

Dernier Quartier Basse - Equateur Haute + Equateur

Nouvelle lune Equateur Haute + Equateur Basse -

Plus l’épaisseur de la couche d’atmosphère à traverser est importante plus la turbulence atmosphérique peut

dégrader les images. Le point où celle-ci est minimum est le zénith de l’observateur. Le point où elle est

optimum est le passage au méridien.

1.2 La stabilité de l’atmosphère

En début de lunaison la Lune est très basse sur l’horizon ouest. Les rayons lumineux ont à

traverser une tranche d’atmosphère importante, agitées par les mouvements des masses d’air.

Mare Crisium sera visible mais agitée par ces turbulences et se couchera rapidement. Il sera donc

préférable d’attendre un ou deux jours après la pleine lune que le terminateur parcoure à nouveau

cette zone. Il sera possible d’observer la zone de Mare Crisium avec un minimum de turbulences,

Page 72: Clairs de Lune.pdf

68

les deuxièmes parties de nuit sont en effet plus stables, la chaleur rayonnée par le Terre étant

moins forte. Enfin la présence d’un très léger voile d’altitude est souvent gage d’images très

stables permettant des grossissements importants ou des prises de vue de qualité.

1.3 Le terminateur

Le terminateur est la zone qui sépare la partie éclairée

de la Lune et la partie restée dans l’ombre. C'est tout au

long de cette frontière ombre/lumière que l’éclairage

rasant renforce les détails. Le terminateur se déplace de

0° 30’ 28’’ par heure. A l’équateur lunaire cela

représente une vitesse de 15,4 km/h. Un cratère comme

Copernicus est parcouru en 6 heures. En observant de

15 minutes en 15 minutes on peut observer les

variations du paysage, les zones les plus élevées

surgissent de l’ombre en premier avant celles de

moindre altitude ; les reliefs minuscules projettent des

ombres qui les rendent ainsi plus facilement détectables.

Au lever du Soleil

un dénivelé de 15 m projettera une ombre de 700 m visible avec un télescope de 200 mm. Il n’existe donc

pas à priori de période faste pour l’observation mais des périodes plus propices que d’autres selon la

longitude des objets recherchés ; dès lors que le terminateur renforce les ombres on peut détecter des

éléments du paysage.

Un même paysage sous trois éclairages

Archimedes (à gauche), Autolycus et Aristillus, Montes Apenninus, Promontorium Fresnel, Montes Caucasus

Le seul moment vraiment défavorable à l'observation du relief lunaire est la pleine lune car le Soleil haut ne

projette plus les ombres. Par contre il est alors possible de distinguer les différences de coloration

permettant de détecter les flux de laves marines d’âge et de composition différents qui ont formés les mers ;

les zones brillantes révèlent les cratères jeunes et leurs éjectas.

2ME

REMARQUE : LE SOLEIL SE LEVE ET SE COUCHE. IL DOIT Y AVOIR DES POINTS

CARDINAUX

2.1 Les points cardinaux

A l’origine, le nord et le sud lunaires ont été fixés par rapport à une observation à l’œil nu de la Lune depuis

la Terre. Le nord est en haut, le sud en bas, l’ouest en direction de l’ouest de la Terre ; c’est cette partie de

la Lune qui se « couche » en premier sur l’horizon ouest terrestre. A l’opposé, l’est.

Page 73: Clairs de Lune.pdf

69

Ainsi Mare Crisium est à l’ouest, Plato est au nord, Tycho au sud et Grimaldi à l’est. En toute logique,

Mare Orientale, un immense bassin d’impact dont seulement une fraction est visible depuis la Terre, est à

l’est. Ceci signifie également que, si on est sur la Lune, le Soleil se lève à l’ouest. C’est en effet Mare

Crisium qui est éclairée en premier. Cette orientation est l’orientation astronomique. Mais en 1961, l’Union

Astronomique Internationale a décidé de modifier les coordonnées est/ouest afin que, comme pour la Terre,

la rotation de la Lune sur elle-même s’effectue d’ouest en est. Crisium est donc passée à l’est sans changer

de place, le Soleil se lève désormais à l’est mais Mare Orientale est passée à l’ouest sans changer de nom.

Par contre le nord et le sud étant restés à leur place,

Mare Australe, au sud, porte bien son nom.

Vision à l’œil nu Vision dans un télescope

nord

Plato

sud

Tycho

sud

Tycho

nord

Plato

2.2 Equateur lunaire et méridien d’origine. Latitude, longitude

La position d’un point sur la Lune est définie, comme sur Terre, par ses coordonnées en latitude et

longitude sélénographiques.

Ces coordonnées sont exprimées à partir :

- des quatre points cardinaux traditionnels : nord, est, sud, ouest,

- de l’équateur lunaire

- du méridien d’origine (équivalent du méridien de Greenwich sur Terre).

La surface de la Lune est ainsi divisée en parallèles et méridiens.

L’équateur lunaire est perpendiculaire à l’axe de rotation de la Lune et le méridien d’origine passe par le

centre du disque lunaire visible pour des librations en longitude nulles. La Lune est en effet soumise à deux

balancements principaux appelés les librations. Ces deux balancements se font dans le sens nord-sud ou

sud-nord et est ouest ou ouest est dévoilant tantôt un peu plus de la zone nord ou de la zone sud et un peu

plus de la zone ouest ou de la zone est. Nous reviendrons en détail sur ce phénomène.

Par convention la latitude est désignée par Elle correspond en ° ´ et ´´ à la distance entre le parallèle du

point concerné et l’équateur lunaire. Elle est positive au nord de l’équateur et négative au sud.

La longitude est désignée parElle correspond à la distance en ° ´ et ´´ entre le méridien du point

concerné et le méridien central. Elle est positive à l’est du méridien et négative à l’ouest.

Page 74: Clairs de Lune.pdf

70

L’intersection entre le méridien central et l’équateur lunaire ne correspond à aucun point particulier à la

surface de la Lune. Ce point se trouve au centre du disque lorsque les librations sont nulles; il se situe dans

Sinus Medii, entre le cratère Bruce +1°6’ (Nord) et + 0°24’ (Est) et le cratère fantôme Opole -+ 1°30’ (Sud)

et – 0°30’ (Ouest). Depuis 1961 c’est le point à partir duquel toutes les positions sont calculées.

2.3 Sinus Medii et le point 0°N 0°S 0°E 0°W

Le petit cratère de 13 km, Mösting A, indiqué par une flèche et situé sur le rempart de Flammarion, avait

été choisi à l’origine comme point de référence. Le calcul exact de sa position par rapport au nouveau point

de référence a permis d’affiner celle de tous les objets cartographiés. Sa position est 3° 12′ 43,2″ N et 5°

12′ 39, 6″ O (+3,212° N, -5,211° O)

2.4 La colongitude

Associée aux notions de latitude et de longitude, il existe une autre notion importante sur la Lune : la

colongitude. Elle est utile pour déterminer l’altitude d’une montagne ou renseigner scientifiquement une

prise de vue.

La colongitude est la longitude du terminateur ascendant, c'est-à-dire la longitude de la ligne séparant la

partie éclairée par le Soleil de celle qui ne l'est pas et sur laquelle le Soleil semble se lever. En tout point

situé sur le terminateur ascendant la hauteur du Soleil sur l’horizon est de 0°. La colongitude est mesurée à

partir du premier méridien ; lorsque le terminateur se trouve sur le premier méridien sa colongitude est

égale à 0°.

La colongitude du terminateur est l’angle APB sur la vue polaire à droite. Dans le cas de la figure il sera de

l’ordre de 25°. La colongitude augmente d'environ 12° 6’ par jour, soit 0° 30’ par heure, ce qui correspond

à la vitesse de déplacement du terminateur.

Au cours d'une lunaison, la valeur de la colongitude sélénographique passe donc de

Premier quartier Pleine lune Dernier quartier Nouvelle lune

0° 90° 180° 270°

Ces données doivent être corrigées de la libration.

Page 75: Clairs de Lune.pdf

71

2.5 La boussole me serait-elle utile ?

Le champ magnétique lunaire représente 1/ 1 000 000 du champ magnétique terrestre.

Un champ magnétique stable a, semble-t-il, existé il y a 4,16 ou 3,96 milliards années (selon les modèles

d’âge de la Lune). Ce champ avait son origine dans le noyau convectif. Mais la Lune étant trop petite, ses

réserves d’énergie produites par les éléments radioactifs et l’énergie d’accrétion n’ont pas été suffisantes

pour maintenir ce noyau actif. Le champ magnétique a alors progressivement disparu.

Cette approche faisait l’unanimité jusqu’à ce qu’une analyse d’un basalte prélevé dans Mare Tranquillitatis

par les astronautes d’Apollo 11 et daté de 3,7 milliards années, présente un champ magnétique résiduel.

Des données récoltées en orbite montrent également qu’un champ fossile existe en liaison étroite avec les

grands bassins lunaires.

L’origine de cette rémanence posait donc problème : champ magnétique propre à la Lune ou ayant une

origine extérieure ?

Champ magnétique propre à la Lune : si, selon les modèles, ce champ s’était « éteint » après 4,16 ou 3,96

milliards années, comment peut-il encore exister à 3,7 ? Une hypothèse s’appuie sur la diminution de la

vitesse de rotation de la Lune lorsque celle-ci s’est éloignée de la Terre. Le noyau et le manteau, solidaires

jusqu’alors, se sont alors trouvés découplés, avec des vitesses de rotation différentes. Le phénomène

dynamo a pu reprendre, générant un nouveau champ magnétique. Après 1,5 milliard d’années, il y a donc

2,7 milliards d’années, le phénomène s’est interrompu et le champ a disparu. Les basaltes des mers s’étant

répandus au cours de cette période, ils ont, en refroidissant, fossilisé ce champ.

Origine externe : l’impact de très grosses météorites aurait modifié la vitesse de rotation du manteau par

rapport au noyau, générant un champ magnétique. Ce champ aurait duré 10 000 ans puis aurait disparu.

Mais pour que la roche enregistre ce champ il faut qu’elle soit en fusion. Cette fusion est obtenue suite à

l’impact, la température atteinte dépassant le point de Curie (point qui efface toute trace de magnétisme

antérieur) le champ initial disparait et seul le champ créé suite à l’impact est fossilisé lors du

refroidissement des roches.

Autre hypothèse externe : un effet de marées dû à la Terre (comparable à la relation entre Jupiter et Io)

aurait maintenu pendant 800 millions d’années une température interne suffisante pour que la dynamique

noyau – manteau puisse se poursuivre et générer un champ magnétique.

Dans la première hypothèse, une boussole aurait été utile à un visiteur il y a 2,7 milliards d’années;

aujourd’hui elle ne l’est plus.

S’il n’y pas de champs magnétiques générés par un effet dynamo comparable au champ magnétique

terrestre, il existe des champs localisés dont l’origine est incertaine et semble être différente selon les

régions.

Plusieurs hypothèses ont été émises :

- une aimantation résiduelle issue d’une dynamo

lunaire originelle. Cette aimantation ancienne a été

mesurée dans les échantillons d’Apollo.

- l’existence de paléo-pôles magnétiques au sein de

formations à albédo élevé, les « swirls ».

- une relation entre des anomalies magnétiques et

des bassins d’impacts.

Relief : les zones sombres sont les plus basses.

Noter la correspondance entre le champ magnétique

de l’image de droite (face cachée) et le bassin South

pole Aïtken.

Page 76: Clairs de Lune.pdf

72

2.6 Y a-t-il une étoile polaire ?

En combinant l’inclinaison de l’axe de rotation de la

Terre sur l’écliptique qui indique actuellement

l’étoile polaire (23° 26’), l’inclinaison de l’orbite de

la Lune sur l’écliptique (5° 08’), l’inclinaison de

l’axe de rotation de la Lune sur son orbite (6°41’) on

obtient une inclinaison de 1° 33 de l’axe de rotation

de la Lune sur l’écliptique. Cette orientation pointe à

Draco.

La faible inclinaison de 1°33 aura un rôle important

à jouer pour expliquer la conservation de glace d’eau

au pôle.

3E REMARQUE : DES FORMATIONS BIEN VISIBLES PROCHES DU LIMBE SEMBLENT

TANTOT S’EN RAPPROCHER TANTOT S’EN ELOIGNER

3.1 Les librations

Du latin libra (la balance) c’est une lente oscillation, réelle ou apparente, d'un satellite vue depuis le corps

céleste autour duquel il orbite.

La Lune tourne sur elle-même dans le même temps qu’elle effectue une révolution complète autour de la

Terre : 27j 7h 43min 11s soit 27,322 j. Sa révolution est synchrone avec sa rotation, ce qui est le cas pour la

majorité des satellites des planètes.

L’orbite lunaire est elliptique, ce qui entraine une variation de sa vitesse orbitale et l’axe de rotation de la

Lune n’est pas perpendiculaire à son plan orbital. Si on ne voit au cours d’une observation ponctuelle

toujours que 50% de la surface totale de la Lune, des observations cumulées permettent d’en observer

jusqu’à 59%. 41% nous sont définitivement cachés et 18% sont alternativement visibles ou cachés.

Il existe quatre formes de libration dont deux sont très importantes pour l’observateur.

3.2 Librations en longitude

Si la Lune tournait autour de la Terre sur une orbite parfaitement circulaire sa vitesse serait constante. Elle

tournerait sur elle-même exactement dans le même temps qu’elle mettrait à parcourir une orbite entière. Il

n’y aurait pas de libration en longitude. Mais comme l’orbite est elliptique (excentricité de l’ordre de 0,05)

la loi des aires s’applique : le rayon vecteur parcourt des aires égales en des temps égaux. La Lune parcourt

donc son orbite avec une vitesse variable, plus rapide au périgée, plus lente à l’apogée. Dans le premier cas

Page 77: Clairs de Lune.pdf

73

elle met moins de temps pour parcourir 90° de son orbite que pour pivoter de 90° sur elle-même. Une

mince portion du bord oriental est visible (la même portion du bord ouest est invisible). Le phénomène

inverse se produit à l’apogée, une partie supplémentaire du bord ouest est visible, l’équivalent à l’est est

invisible.

La valeur maximum de la libration en longitude se situe autour de 7° 54’.

3.3 Librations en latitude

La libration en latitude résulte du fait que l’axe de

rotation de la Lune n’est pas perpendiculaire au

plan de son orbite. La Lune conserve cette

orientation. L’observateur peut donc observer

alternativement les zones polaires nord et sud, la

Lune s’inclinant alternativement vers l’avant et

l’arrière.

La valeur maximum de la libration en latitude est

de 5° 5’.

3.4 Librations diurnes

D’une valeur de 1°12’, elles ne présentent que peu

d’intérêt en termes d’observation. Il s’agit d’un

phénomène purement optique, dû aux positions

respectives de la Lune et de l’observateur en cours

de nuit. En début de nuit un observateur voit une

partie du bord ouest. Six heures après il voit une

partie du bord est, la partie du bord ouest visible six

heures auparavant n’est plus accessible. Est et ouest

sont définis selon les normes de l’UAI.

3.5 Librations gravitationnelles

Leur valeur est de quelques minutes d’arc ; elles sont dues à des variations dans l’attraction qu’exerce la

Terre sur la Lune.

3.6 Signe et zone découverte

Les éphémérides donnent l’importance de la libration en associant le nombre de degrés à un signe

arithmétique + ou –. Cette donnée informe de la partie dont la visibilité est renforcée et quelle zone est

concernée.

Librations en latitude Librations en longitude

Page 78: Clairs de Lune.pdf

74

Une libration en latitude positive indique que la partie nord de la Lune est découverte ; elle est négative si le

pôle sud est découvert.

Une libration en longitude positive indique que l’est se découvre ; elle est négative si c’est l’ouest qui se

découvre.

Exemple au dernier

quartier :

- libration en latitude :

+ 00°08’

- libration en longitude :

+ 06°14’

- colongitude réelle 173° 4’,

Atlas Virtuel de la Lune

3.7 L’intérêt des librations

Lorsque les librations sont maximales, des zones importantes situées sur le limbe deviennent alors visibles.

Ainsi certaines structures des mers marginales,

Humboldtianum, Marginis, Smithii, Australe, et

Orientale peuvent être observées : Montes

Cordillera et Montes Rook, les deux anneaux de

Mare Orientale en sont un très bon exemple.

Photo Jocelyn Sérot

Luna Incognita Nous avons vu que les librations en latitude permettent d’observer des zones très cratérisées se trouvant aux

pôles nord et sud. Malgré cela une zone proche du pôle sud est restée longtemps invisible depuis la Terre.

Cette zone, appelée «Luna Incognita » par John Westfall en 1972, regroupait un enchevêtrement complexe

de cratères et de collines placés sous l’appellation de « Monts Doerfell et Leibnitz ».

Elle avait été subdivisée en 3 zones :

A : zone du pôle sud Cabeus, Malapert ;

B : zone sud-ouest de Drygalski à Hausen ;

C : de Hausen à Mendel.

Sur les cartes, Luna Incognita était représentée par une zone blanche semblable aux Terrae Incognita des

anciennes cartes terrestres. Entre 1970/1990 cette zone a été petit à petit complétée grâce aux observations

Page 79: Clairs de Lune.pdf

75

des amateurs réalisées lorsque les conditions de librations étaient favorables. Ce programme était

coordonné par John Wesfall.

Luna Incognita Dessin d’Ewen Whitaker

Cette zone comprend le pôle sud de la Lune et les cirques Ashbrook, un cratère de 156 km de diamètre, le

plus important de cette région, Drygalski, Hausen et Petzval. Les autres principaux cratères sont Bartlett

devenu Mendel J, Cabeus B, Chappe, Faustini, Pilâtre, Hédervári, Pingré S, Nobile , Palus Solitatis (non

officiel) relatif à une zone marine au centre du bassin Mendel-Rydberg près d’Andersson, Shackleton. La

plupart des noms ont été attribués en 1994 par l’UAI.

Une des meilleures cartes jamais réalisées de cette

zone est l’œuvre d’Ewen Whitaker en1954. Il a

clarifié la nomenclature confuse existante et ajouté

six nouveaux pics (M1 à M6) dont le plus important

est Leibnitz Beta, à l’ouest de Malapert.

Luna Incognita et son romantisme ont disparu en

1994 lorsque les données obtenues par Clementine

ont permis de réaliser la première imagerie complète

de cette région.

4E REMARQUE : ON OBSERVE DES DEPRESSIONS CIRCULAIRES RESSEMBLANT A

DES CRATERES DE VOLCANS.

Premiers éléments du relief lunaire sautant aux

yeux de l’observateur débutant, les cratères

recouvrent les continents. Leur forme suggère une

origine volcanique, leur apparence est proche de

celle des volcans terrestres.

La Lune semble avoir été soumise à un phénomène

intense qui a recouvert sa surface de cratères.

L’origine de ce mot est grecque " Krater", signifiant

cuvette, ou gobelet évasé.

Que pouvons-nous constater ?

- Les cratères sont situés à la surface des continents et sont donc postérieurs à leur formation.

- Leur répartition est uniforme, preuve que le phénomène dont ils sont issus est un phénomène général.

Page 80: Clairs de Lune.pdf

76

- Certains sont imposants, d’autres à peine discernables, preuve soit d’une origine différente ou d’une

intensité différente du phénomène qui les a formés.

- Il y en a très peu à la surface des mers, preuve qu’ils ont été massivement formés avant celles-ci ou

qu’elles les aient engloutis.

4.1 La nomenclature des cratères lunaires. Les octants de Riccioli

En 1651, Riccioli a donné aux

cratères le nom de savants,

philosophes ou écrivains,

contemporains ou de l’antiquité. Il

existe le plus souvent une relation

entre un octant et les personnages

qui lui sont associés. Les plus

anciens personnages sont au nord et

les plus récents au sud. Maitres et

élèves ont été placés à proximité les

uns des autres.

Les octants 1, 2 et 3 sont occupés par des savants, philosophes, dieux, titans de la Grèce antique, tels que

Plato, Atlas, Archimède…

Dans les octants 4, 5 et 6 on trouve des personnages de l'ancien empire romain, comme Jules César, Tacite,

Taruntius…

Dans la moitié inférieure de la carte ont été placés savants, écrivains et philosophes médiévaux européens

et arabes : Clavius, Tycho, Gassendi, Albulfeda, Almanon, Arzachel, Maginus, Sacrobosco…

Les parties extérieures des octants 5, 6 et 7 sont consacrées aux contemporains de Riccioli. L’octant 8 est

celui des exilés ; Copernicus, Kepler et Galilée y ont été repoussés pour des raisons politico-religieuses.

Riccioli a la rancœur tenace puisqu’il attribue, dans cet octant, un magnifique cratère (Marius 41 km) à

Simon Mayer (Simon Marius en latin), qui a donné un nom aux quatre satellites galiléens, alors qu’il

réserve à Galilée un tout petit cirque (Galilaei : 15,5 km) perdu dans l’immensité ouest de Procellarum ;

chose étonnante, sur sa carte il ne conserve pas l’échelle de ce cirque et lui donne un diamètre plus

important que celui de Mayer. Ce qui est manifestement erroné. Il l’exile et le déforme. Cherchez le psy !

Quant à Copernicus, opposant à la vision de l’univers de Riccioli, il décide « de le perdre dans l’immensité

de l’océan » (des Tempêtes).

Des saints de l'Eglise catholique (Théophile, Cyrille, Catherine, Bède le Vénérable, Isidore, Denis

l’aréopagite…) ont donné leur nom à des cratères proches de Mare Nectaris. Peut-être se désaltéraient-ils

avec la boisson des dieux. Tous avaient un rapport avec l’astronomie ou la science, des rapports étranges

puisque Cyrille a volontairement fait incendier la bibliothèque d’Alexandrie. Ce n’est que plus tard que le

terme de « saint » disparaitra.

Certains cratères ont disparu de la nomenclature de Riccioli comme dans la région du Mur Droit : Prolatifs

devient Wolf et Minois devient Birt ou Nicollet, la carte est imprécise et les diamètres exagérés ce qui ne

permet pas de définir lequel des deux cratères est représenté.

Depuis le travail fondamental de Riccioli, d’autres ont été publiés, qui ont enrichi la nomenclature : Cassini,

La Hire, Tobias Mayer, Schröter, Lohrmann, Schmidt, et plus près de nous Loewy et Puiseux.

4.2 1596 cratères ont un nom. Il existe 7103 cratères satellites.

La nomenclature lunaire, comme toutes les autres, dépend de l’Union Astronomique Internationale. Le

système de nomenclature de Riccioli fut désigné comme standard par un vote de l'UAI en 1935, donnant

formellement un nom à 600cratères. Des savants, explorateurs des XIXe et XX

e siècles, ont été ajoutés près

du limbe, Scott et Amundsen au pôle sud, Peary, Nansen et Byrd pour le pôle nord (bien que Byrd ait plutôt

exploré l’Antarctique). Le système fut étendu et mis à jour entre 1960 et 70. Aujourd’hui, les nouvelles

désignations sont limitées aux noms de scientifiques décédés ainsi qu’à ceux des héros et victimes de la

Page 81: Clairs de Lune.pdf

77

conquête spatiale. Mais pour eux il ne reste que des petits cirques insignifiants le plus souvent sur la face

cachée. Des cratères très modestes et sans intérêt ont reçu non pas de noms mais des prénoms.

D’autres, importants comme Gassendi A, qui auraient largement mérité d’honorer des personnages

illustres, sont restés dans l’anonymat de la lettre de l’alphabet.

Un même personnage a pu donner son nom à deux formation (Mare Humboldtianum et cratère Humboldt,

Vallis Schroteri et cratère Schröter) ; des couples ont été rapprochés (Pierre et Marie Curie / Curie –

Skłodowska) sur la face cachée.

La nomenclature des cratères satellites.

Un cratère satellite est un cratère associé par sa proximité à un cratère principal.

Le principe de nomenclature permettant d’identifier les cratères satellites a été proposé par Johann Madler.

Les cratères associés à un cratère majeur ont été identifiés au moyen d'une lettre de A à Z, à l’exception de

la lettre I. L'affectation des lettres aux cratères satellites s’est d’abord faite un peu au hasard, le plus souvent

selon l’importance plutôt que selon la position. En 1919, l’UAI a adopté une convention obligeant à utiliser

des majuscules latines pour identifier les cratères satellites. En 1966, Ewen Whitaker a attribué les noms en

se basant sur l'angle de position par rapport au cratère principal. A partir du nord, le cratère est découpé en

24 secteurs de 15° dans le sens des aiguilles d’une montre. A chaque secteur est attribuée une lettre, en

commençant au nord par A. Les lettres I et O ont été omises. Ainsi, un cratère au sud du cratère principal a

reçoit la lettre M et les cratères le plus au nord les lettres A et Z.

4.3 Origine des cratères : volcanique ou autre origine ?

Jusqu’au début de la deuxième moitié du 20

ème siècle les scientifiques pensaient que les cratères lunaires

avaient une origine volcanique. C’était, tous comptes faits, logique car ce type de cratère existait bel et bien

sur Terre. A cette époque les connaissances des processus de formation des cratères d’impacts en étaient à

leurs balbutiements. Le plus fervent défenseur de la thèse volcanique était William H. Pickering (il a donné

son nom à un cratère d’une quinzaine de kilomètres sur le bord nord-est d’Hipparcus). Ces arguments

étaient cohérents avec les connaissances de l’époque (1920) :

- Pourquoi n’y a-t-il pas autant de cratères sur Terre que sur la Lune ?

- Le seul cratère météoritique connu sur Terre - Meteor Crater – n’a pas de pic central et il est minuscule.

- D’autres, plus importants, étaient indécelables à partir du sol.

Les cratères lunaires sont ronds. Or les projectiles arrivent sous tous les angles et devraient former des

cratères elliptiques.

A la fin du 19ème

siècle, le géologue américain Grove C. Gilbert avait pourtant développé une théorie non

volcanique basée sur les constatations suivantes :

- les cratères lunaires ne ressemblent pas aux volcans terrestres

- leur plancher est plus bas que les sols environnants

- leurs pics centraux sont moins élevés que leur enceinte

- leur diamètre est beaucoup plus grand que le plus grand des volcans terrestres.

Trois noms se rattachent à la défense de la théorie météoritique :

- Gerard Kuiper qui a « imposé » l’étude de la Lune à la NASA alors qu’elle était délaissée au profit de

l’astrophysique ; il est à l’origine des plus importantes recherches photographiques : Photographic Lunar

Atlas, Orthographic L.A., Rectified L.A. et Consolidated L.A.

- Bill Hartmann, assistant de Kuiper – découvreur en 1961 du bassin Orientalis en travaillant sur le

Rectified L.A. Il a développé les techniques de traitement des images afin de redresser les perspectives.

- Joy Melosh qui a formalisé la formation des bassins d’impact.

- Baldwin, qui avait initié les débats en 1949 en publiant une étude complète sur l’origine météoritique des

cratères lunaires « The face of the Moon ». Il avait remarqué, pendant la guerre, que les bombes créaient des

cratères d’impact dont les ratios diamètre / profondeur correspondaient à ceux des cratères lunaires. En

1963 il développe de manière très approfondie sa théorie dans « the Measure of the Moon ». En 1960

l’origine volcanique était non pas remise en cause mais vivement discutée.

Si, aujourd’hui, la théorie météoritique est communément admise pour expliquer la formation des cratères,

il n’en reste pas moins que des phénomènes volcaniques à grande échelle ou à un niveau très local ont été

très présents à la surface de la Lune.

Page 82: Clairs de Lune.pdf

78

4.4 Un phénomène général

La surface de la Lune est criblée de milliards de cratères, dont la taille va d’impacts microscopiques

comme ceux présents à la surface des échantillons rapportés par les missions Apollo, à celle

d'énormes bassins circulaires de centaines de kilomètres de diamètre. On retrouve le même

phénomène à la surface de Mercure, Mars, des astéroïdes et la plupart des satellites des planètes

extérieures.

Dans les premiers 50 millions d’années, la Terre et la Lune ont suivi une évolution parallèle. Puis, il

y a 4,5 milliards d’année, l’atmosphère primitive de la Terre s’est formée, la protégeant des impacts.

Seuls les corps de masse et de vitesse importantes ont pu laisser leurs empreintes, rapidement

érodées. La Lune ne possédant ni eau, ni atmosphère, aucune érosion importante n’a pu entraîner la

disparition des indices de surface. La seule érosion existante est d’origine externe, sous la forme

d’un bêchage de la surface par des météorites de taille variable. La Lune conserve donc les

cicatrices laissées par tous les impacts qu’elle a reçus depuis que sa croûte s’est figée il y a 4 ,490 ou

4,363 milliards d’années selon les modèles.

4.5 Le processus de formation des cratères

Bien qu'il soit difficile d'imaginer l'ampleur des impacts qui ont créé les grands cratères lunaires, les

missions lunaires ainsi que les expériences en laboratoires ont permis de mieux comprendre ce qui

se passe lorsque une météorite frappe une planète.

Le processus de formation du cratère peut être considéré comme un transfert d'énergie ; dans ce cas,

l'énergie cinétique de la météorite. La quantité d'énergie produite dépend de la masse de l'objet

incident, de la vitesse lors de l’impact, des propriétés du projectile et du sol.

4.51 Diamètre et profondeur des cratères

Le premier graphique établi par Dike Pike à partir

de la mesure de 212 cratères lunaires montre que la

profondeur des cratères s'accroît constamment en

relation avec le diamètre jusqu'à des diamètres

d'environ 19 km. Le ratio est de l’ordre de 0,1

(profondeur 1 diamètre 10).

Les cratères plus grands s'accroissent toujours en

profondeur, mais à un rythme plus faible que ce qui

serait prédit à partir des petits cratères. Le ratio

devient 0,5 (profondeur 1, diamètre 20). . Par

exemple, si un cratère récent de 100 km de

diamètre avait sa profondeur extrapolée à partir de

la relation diamètre / profondeur des petits cratères,

il devrait avoir 10 km de profondeur Mais ce

cratère n'a généralement que 5 km de profondeur

Pourquoi cela ? La réponse est dans le processus de

formation des cratères simples et complexes.

Le deuxième graphique montre la relation entre la

masse, le diamètre de l’impacteur et le diamètre du

cratère résultant. Ainsi un météorite de 1 km,

impactant à 10 km/s forme un cratère de 10 km. Le

même météorite lancé à 100 km/s produira un

cratère d’environ 40 km.

Page 83: Clairs de Lune.pdf

79

4.52 La formation d’un cratère simple

David A. Kring, NASA Univ. of Arizona Space Imagery Center

La formation d'un cratère est généralement divisée en trois étapes: la compression, l'excavation et la

modification.

- La phase de compression

Au cours de cette phase, l'énergie cinétique de l’impacteur est presque instantanément transférée au sol par

une onde de choc sphérique qui se déplace vers l’avant, comprimant les roches. La pression est telle que les

matériaux comprimés se comportent comme des fluides. Au point d'impact, la roche est intensément

fracturée, fondue et partiellement vaporisée. Une petite partie du sol est éjectée le long des parois de

l’impacteur, le plus grand volume de matériaux reste encore à excaver.

- La phase d’excavation

L’onde de choc qui parcourt le sol impacté devient une onde longitudinale qui se propage parallèlement au

déplacement du milieu. Elle est formée de zones de compression suivies de zones de raréfaction. Après le

passage de celle-ci, les roches reviennent à la pression normale et explosent violemment sous l’effet d’une

onde de raréfaction. Cette explosion éjecte de grandes quantités de roches, ce qui augmente

considérablement le volume de l’excavation initiale. C’est un peu comme si l’explosion se produisait dans

le sol à une profondeur correspondant à plusieurs fois le diamètre de la météorite. Après quelques secondes,

le cratère atteint sa taille maximale, c'est le cratère transitoire.

La phase d’excavation est concomitante à la fracturation du sol. Cette fracturation peut atteindre une

profondeur égale à environ trois fois la profondeur du cratère.

- La phase d’évolution

A la fin de la phase d’excavation le sol reprend sa place, c'est le rebond, un réajustement du fond du cratère.

Les matériaux éjectés verticalement retombent à l’intérieur du cratère et comblent une partie du fond de

l’arène.

Nous avons vu qu’en théorie le rapport taille de l’objet / diamètre du cratère est en moyenne de 0,1 Les

mesures réalisées sur les cratères simples lunaires donnent un ratio variant de 0.14 à 0.2, c’est-à-dire que le

diamètre est de 5 à 7 fois supérieur à la profondeur.

4.53 La formation d’un cratère complexe

On estime le passage de cratère simple

à cratère complexe dès lors que le

diamètre dépasse 19 km.

Les premières phases sont identiques à

celles de la formation d’un cratère

simple. C’est au cours de la phase

d’évolution que la morphologie du

cratère complexe se précise.

Au cours de cette dernière étape, des matériaux voire les parois du cratère peuvent glisser vers

l’intérieur pour former des terrasses plus ou moins abruptes. Les cratères les plus grands peuvent

également présenter un rebond du sol qui peut conduire à la création d’un pic central simple ou

multiple.

La phase d’évolution peut se prolonger sur une longue période jusqu’à ce que la croûte ait

retrouvé une stabilité. Le volume de croute excavé par l’impact n’exerçant plus son poids sur le

Page 84: Clairs de Lune.pdf

80

manteau supérieur, celui-ci peut alors se rapprocher de la surface entrainant une diminution de la

profondeur du cratère et l’apparition de phénomènes éruptifs ultérieurs non directement liés à

l’impact.

Pour les cratères complexes, le ratio profondeur / diamètre varie de 0,1 à 0,05. Le diamètre est

donc de 10 à 20 fois la profondeur. Pour les bassins la profondeur peut théoriquement varier de 20

à 40 kilomètres ?

5E REMARQUE : LES CRATERES N’ONT PAS TOUS LA MEME FORME NI LA

MEME STRUCTURE. 5.1 Forme des cratères d'impact

La forme du cratère dépend du volume de sous-sol vaporisé et éjecté, de la compression résiduelle

dans les roches, de la puissance du rebond et des glissements de terrains et éboulements des parois

et des retombées :

- forme en bol avec un petit rempart

- forme en bol avec présence d’un sol plat formé par les éjectas retombant à l’intérieur de

l’enceinte

- fond plat avec remparts, pic central, remparts en terrasses

- fond plat avec remparts, le ou les pics centraux sont remplacés par un ou plusieurs anneaux.

L’angle avec lequel la météorite percute le sol influe également sur la forme du cratère. Un impact

compris entre 90 et 45 ° donne un cratère circulaire. Cette forme résulte du fait que les ondes de

choc se répartissent avec une vitesse égale dans toutes les directions à partir du point d'impact et

que les ondes de raréfaction reviennent vers ce point. L’allongement du cratère sera perceptible si

l’angle d’impact est inférieur à 45°. Le cratère sera asymétrique pour un angle inférieur à 15°.

Certains cratères lunaires ayant une origine

météoritique ne sont pas circulaires. Leur

enceinte parait comme segmentée, comme le

cratère Encke, ci-contre. Cela provient

probablement de la présence de failles dans le

sous-sol, failles qui n’ont pas permis à

l’énergie de se dissiper concentriquement mais

le long de ces failles. De nombreux cratères

volcaniques terrestres ont souvent des formes

asymétriques ou allongées car ils sont reliés

aux fissures par lesquelles le magma atteint la

surface.

Comme nous l’avons vu il a fallu attendre la deuxième partie du XXe siècle pour comprendre

l’origine des cratères lunaires. Du tout volcanique, nous sommes passés au tout météoritique.

Puis, la qualité des appareils de mesure et de prise de vue progressant, l’origine des paysage

lunaires est apparue dans toute sa complexité, mêlant intimement le météoritique et le volcanique.

La diversité des cirques nécessitait donc une classification mais elle ne pouvait reposer sur un seul

type de critères.

5.2 La classification des cratères

Trois critères ont été retenus : la taille, la structure, la morphologie. Charles Wood, Senior Scientist

au Planetary Science Institute à Tucson, a établi une classification prenant comme référence certains

cratères bien identifiés. Cet(te classification a donné naissance à une « Séquence Principale » à

laquelle peuvent être associés tous les cratères observés.

Page 85: Clairs de Lune.pdf

81

5.21 Classification liée à la taille

Les craterlets

Moins de 5 km

Région de Letronne

Oceanus Procellarum

Les cratères

De 5 à 60 km

Aristarchus (40 km) un cratère récent aux parois

très fraiches.

Oceanus Procellarum

Les cirques

De 60 à 100 km

Aristoteles (87 km) et Eudoxus (67 km), deux

cirques aux parois en gradins de Montes Caucasus

Les plaines closes

De 100 à 300 km

Clavius, plaine close près du pôle sud.

Diamètre 225 km

Page 86: Clairs de Lune.pdf

82

Les bassins

Plus de 300 km

Le bassin Schiller Zucchius, près du limbe sud-

ouest.

Diamètre 350 km.

5.22 Classification liée à la morphologie

Cratère simple

Contours arrondis. Fond en forme de bol ou

légèrement plat. Diamètre de quelques mètres à

quinze kilomètres. Rapport profondeur diamètre

1/10.

Elicon, Le Verrier (Mare Imbrium)

Cratère complexe

De 15 à 50 km le rapport profondeur diamètre varie

de 1/10 à 1/30. Contours irréguliers, glissement de

terrain vers l’intérieur de l’enceinte. Le sol est

hétérogène : présence de débris et de roches

fondues provenant de l’impact ainsi que d’un pic

central.

Bürg (Lacus Mortis), Manilius (Mare Vaporum),

Godin (sud de Rima Ariadaeus)

Grand cratère complexe

Taille importante, présence de terrasses

concentriques, pics centraux parfois multiples, fond

relativement plat,

Moretus, Tycho (hautes terres du sud), Copernicus

(Mare Insularum), Moretus, Eratosthène (Sinus

Aestuum)

Page 87: Clairs de Lune.pdf

83

Des cratères complexes et de bassins à anneaux

existent sur Terre.

Au Canada, près de la rive est de la Baie d’Hudson,

les "East and West Clearwater Lakes" occupent des

dépressions formées par un impact simultané sur le

bouclier québécois très ancien. Le lac de l'Est, à

droite, fait 26 km de diamètre et, à gauche, celui de

l'ouest fait 35 km. Cette différence de diamètre

semble correspondre au passage d'un cratère

complexe à un bassin à anneau.

Google Hearth

Sur la Lune, ce passage se fait à un diamètre bien supérieur, le diamètre correspondant à la transition étant

proportionnel à la gravité. Sur Terre, les bassins apparaissent à partir de 30 km, sur la Lune vers 300 km. Le

grand cratère présente un anneau interne visible ici sous la forme d'îles, lesquelles sont recouvertes de

roches fondues par l'impact. Le petit cratère ne ressemble pas à un cratère complexe, mais si on pouvait

vider le lac, on verrait un piton central pas assez élevé pour percer la surface de l'eau. Ces cratères ont peut-

être été formés par un astéroïde ou une comète détruite juste avant l'impact, il y a 290 millions d’années.

Sur la Lune Aristarchus venait de se former et Tycho n’existait pas encore. Ces cratères seraient visibles

depuis la Lune.

5.23 Classification liée à la structure Cette classification est plus complexe mais aussi plus riche. Les cratères sont répartis en fonction de leur

structure apparente : classique, à pic central, à fond fracturé, à fond plat, asymétriques, fantômes, trous,

composés, secondaires, chaines de cratères, cratères à auréole.

Cratère classique

Cratère circulaire pouvant présenter selon son

importance, un fond plat, voire une terrasse, comme

la plupart des cratères de petite taille, de 25 à 30 km

de diamètre.

Exemples : Schmidt, Dyonisius, Manners,

Ariadaeus, Cayley, Morgan, Whewel, Silberschalg

regroupés au sud de Rima Ariadaeus

Cratère à pic central

La présence d’un pic central est reliée au diamètre

du cratère. Il semble apparaitre à partir de 25 km de

diamètre avec une hauteur de 200 mètres. Pour un

cratère de 60 km, elle est de l’ordre de 1000 m,

2000m pour 100 km, 3 000 m pour 130 km.

(Charles Wood).

Exemples : Aristote, Eudoxe, Eratosthenes,

Copernicus, Moretus… Des centaines de cratères

entrent dans cette catégorie

Page 88: Clairs de Lune.pdf

84

Cratère à fond fracturé La plupart des petits cratères lunaires

appartiennent à la catégorie des cratères

classiques. Mais au-delà de 30 km la

morphologie résultant de l’impact peut être

modifiée par une activité d’origine volcanique.

Les cratères qui regroupent les caractéristiques

suivantes : faible profondeur, présence de lave

marine dans l’enceinte, présence des rainures

radiales et concentriques, proximité d’une mer

appartiennent à la catégorie des Cratères à Fond

Fracturé (CFF). Posidonius en est un exemple.

Ils ont été classés en 6 catégories par Peter Schultz qui en a décrit le processus de

formation (schéma ci-dessus).

1 - Le magma présent en profondeur s’élève à l’intérieur des fractures et s’accumule sous le

plancher.

2 - La pression du magma entraine une élévation du sol qui a pour conséquence de produire des

fractures à la surface de l’arène du cratère et de diminuer le ratio profondeur / diamètre.

3 - Dans un certain nombre de cas, la lave parvient en surface et crée des lacs de lave, des rainures

sinueuses et des zones sombres pyroclastiques.

Cratère composé

Nés d’un impact simultané de deux

corps de masses très proches.

Exemples : Schiller près du limbe

sud-ouest, Struve Russel près du

limbe nord-ouest d’Oceanus

Procellarum.

Page 89: Clairs de Lune.pdf

85

Cratère asymétrique

Les cratères asymétriques semblent avoir pour origine un impact oblique et ont une forme en queue de

poisson ou pointe de flèche.

Des expériences d'impact réalisées (P. Schultz) à l'aide d’un canon à projectiles vertical de la NASA ont

montré comment le projectile peut se scinder en deux. Le deuxième morceau ainsi créé est à l’origine d’un

impact secondaire qui modifie le rempart amont du cratère créé par le premier impact.

Exemples : Petavius B, Toricelli,

Mare Moscoviense, Mare

Crisium

LRO et AVL

Cratère à fond plat

Cratère dont le fond a été envahi par le magma,

recouvert par des éjectas ou les deux. Pas de relief

notable. Exemples : Plato – Ptolémée, Archimedes,

Meton. Certains ajoutent à ce type de cratère celui

de « cratère à fond clair ». Cette distinction apparait

sous un éclairage élevé rendant impossible la

distinction entre le fond du cratère et ses remparts.

Cratère fantôme

Ce sont d’anciens cratères recouverts par des

coulées de lave ultérieures.

Exemples : Stadius (Sinus Aestuum), Yerkes

(Mare Crisium), Puiseux (Mare Humorum), Kies

(Mare Nubium).

Cratère fantôme au nord de Flamsted, Oceanus

Procellarum.

Page 90: Clairs de Lune.pdf

86

Cratère puits

Ils ont certainement une origine volcanique,

effondrement fractionné d’un tunnel de lave,

caldeira. Exemple : Hyginus (dans Rima Hyginus

au nord de Sinus Medii).

Sur la face cachée, la sonde LRO a détecté des

« gouffres » de quelques dizaines de mètres de

diamètre et de profondeur dont l’origine est

l’effondrement d’un doit de tunnel de lave.

5.3 Classer les cratères : la Séquence Principale

Albategnius C Biot Sosigenes

Triesnecker Tycho Bassin Schrödinger

Mare Orientale

Tout comme il existe une Séquence Principale pour les étoiles positionnées sur le diagramme d’Hertzsprung-

Russel, il existe une “Séquence Principale” pour les cratères lunaires, mise au point par Charles Wood. Elle

correspond aux changements de morphologie des cratères résultant de l’augmentation des niveaux d’énergie

des impacteurs, fonction de leur taille, densité et vitesse.

Les impacteurs de petite taille, peu denses et lents ont peu d’énergie et produisent de petits cratères en forme

de bol. Le niveau d’énergie plus élevé d’impacteurs plus importants, plus denses et plus rapides génèrent des

Page 91: Clairs de Lune.pdf

87

rebonds de la surface impactée, entrainant un soulèvement central voire un pic central. La séquence principale

s’achève avec les bassins à anneaux

ALC - Prototype : Albategnius C. Cratère en forme de bol avec des remparts en pente douce dont le diamètre

atteint 20 km.

BIO – Prototype : Biot. Cratère à fond plat dont la morphologie et le diamètre sont de l’ordre de ceux des

ALC mais dont le sol plat présente une rupture de pente au contact des murs des remparts.

SOS – Prototype : Sosigenes. Cratère relativement peu profond avec un sol plat important, des murs sans

terrasses. Diamètre de 5 à 35 km.

TRI – Prototype : Triesnecker. Cratère à remparts festonnés de 15 à 50 km de diamètre présentant

fréquemment des glissements de terrains avec un sol plat partiellement ou totalement recouverts par ces

glissements.

TYC – Prototype Tycho. Cratère présentant plusieurs étages de terrasses, sommet des remparts crénelé, vaste

plancher plat. Diamètre de 30 - 175 km

Transition vers les CPR (Central Peak Ring basin)

Prototypes : Compton (162 km), Antonialdi (140 km)

CPR - Prototype : Bassin Schrödinger. Bassin à pic central – bassin présentant au centre un anneau simple

constitué de pics. Le pic central, quant à lui, a disparu ou est à peine visible. Diamètre 175 - 450km

MCPR - Prototype : Bassin Orientale. Bassin à anneaux multiples présentant au moins deux anneaux internes.

Diamètre > 400km;

6E REMARQUE : CERTAINS CRATERES SONT TRES BRILLANTS. DES RAIES

EGALEMENT BRILLANTES RAYONNENT DEPUIS LEUR CENTRE.

6.1 Les cratères brillants à auréole

Ce n’est pas à la pleine lune que l’on distingue le mieux les cratères brillants, mais c’est à cette période que

l’on en voit le plus. Au cours d’une lunaison, ce type de cratère apparait progressivement lorsque le Soleil se

rapproche de leur verticale. Parmi les cratères les plus brillants à la surface de la Lune on peut citer

Aristarchus, Tycho, Kepler, Proclus et des dizaines d’autres.

6.2 Les raies brillantes

Dès les premières cartes et en particulier celle de

Cassini, des filaments brillants, ou raies, dont

certains dépassent plusieurs centaines de

kilomètres, sont mentionnés car parfaitement

visibles dans de modestes instruments. Lorsqu’on

prolonge ces filaments ils semblent converger vers

certains cirques, eux-mêmes brillants.

Page 92: Clairs de Lune.pdf

88

Sur la Lune les raies brillantes s'étendent en moyenne à huit fois la valeur du diamètre du cratère d’où elles

sont issues et jamais à moins de quatre fois. Pour un cratère de 50 km de diamètre, les raies brillantes

devraient mesurer environ 400 km.

Deux cratères lunaires ont des raies brillantes beaucoup plus longues que les autres : Byrgius A a des raies

mesurant 15 fois le diamètre du cratère et celles de Giordano Bruno s'étendent à 20 fois son diamètre. Les

raies brillantes provenant de ces deux cratères récents n'ont pas été assombries par la « météo spatiale ». La

présence de système rayonnant dépend de l’âge du cratère. Plus il est âgé moins les raies sont visibles. Au-

delà d’un milliard d’années le système rayonnant disparait ce qui en fait un marqueur chronologique.

6.21 Localisation des cratères à raies Les cratères à raies brillantes sont représentés sur la photo avec une échelle cinq fois supérieure. Entre 70°

de latitude N et 70° de latitude S, on recense 1707 cratères de ce type, avec un diamètre minimal de 500 m.

Leur détection est trop difficile aux abords des pôles. Les plus petits sont invisibles sur cette carte. Ils

semblent assez régulièrement répartis sur l’ensemble de la Lune.

6.22 Les raies sont plus brillantes sur les continents que sur les mers

Les cratères à système rayonnant sont assez bien

répartis mais il y a moins de cratères importants de

ce type à la surface des mers que sur les continents.

Cela est dû au fait que, sur les continents, l’impact

excave immédiatement l’anorthosite claire alors

que sur une mer il doit d’abord pénétrer la couche

de basalte sombre avant de trouver l’anorthosite.

Les raies semblent plus brillantes à la surface des

continents. Cela est parfaitement visible pour les

raies de Tycho lorsqu’elles passent du continent à

Mare Nubium. L’érosion par les micrométéorites et

les vents solaires est peut-être plus efficace sur un

sol marin plus fragile.

6.23 Origine et datation des raies brillantes Dans un premier temps et logiquement les raies brillantes ont été considérées comme des

projections volcaniques. L’observation montre que les cratères sont entourés par ce qui semble

être des retombées de à proximité d’une bouche éruptive. Les raies témoignaient quant à elles de

phénomènes éruptifs plus violents dont la direction résultait de brèches dans la paroi des volcans.

Page 93: Clairs de Lune.pdf

89

De tels phénomènes sont courants parmi les volcans terrestres, certaines coulées pyroclastiques

empruntant ces directions privilégiées dictées par les reliefs.

En 1960, Shoemaker a remis en cause cette hypothèse. Aujourd’hui il est admis que ces raies sont

des éjectas résultant d’un impact météoritique. Elles sont composées d’anorthosite de la croûte

lunaire excavée. L’anorthosite est une roche claire, ce qui explique la brillance des raies.

Pris globalement, l'ensemble des cratères à raies brillantes est âgé de moins de 1 milliard

d’années, période correspondant à la limite entre les ères copernicienne et ératosthénienne. Des

estimations plus récentes, mais à confirmer, date cette limite à 750 millions d‘années. La valeur

1 milliard d’années était déduite d'un ensemble incluant à la fois des raies formées de dépôts

d'anorthosite claire sur du basalte marin foncé et des raies plus sombres formées d'éjectas de

roches mixtes, marines et continentales, pulvérisées. Le calcul était basé sur les raies sombres,

censées avoir vieillies plus vite. A l’origine tous les cratères avaient probablement des raies

brillantes mesurant 15 à 20 fois leur diamètre. Si nous appliquons le ratio longueur des raies /

diamètre aux bassins d’impact, les systèmes rayonnant se seraient étendus au-delà du rayon de la

Lune. Leur vitesse d’éjection ayant pu être supérieure à la vitesse de libération, il y a 4 mill iards

d'années la Terre a été touchée par ces éjectas. Et réciproquement, un jour, peut-être, trouvera-t-on

sur la Lune un morceau de continent terrestre datant de 4 milliards d’années.

6.3 La forme des éjectas

Il en existe trois catégories : éjectas symétriques, éjecta asymétriques, formes particulières.

Quand un impacteur percute une surface solide d’une planète, une onde de choc se propage tout autour du

site d’impact. Cette onde de choc fracture les roches environnantes. Des études en laboratoire permettent de

dégager certaines constantes :

- le choc crée une cavité qui peut représenter 20 fois le diamètre de l’objet impacteur.

- le cratère a une forme circulaire tant que l’angle d’impact reste supérieur à 45°. Sous ce seuil le cratère

s’ovalise et le ratio longueur/largeur passe très vite de 1 à 3 lorsque l’angle est de 15° et moins.

- l’impact éjecte des fragments de sols broyés ou fondus – éjectas – dans toutes les directions.

Copernic Proclus Messier

Dans certains cas les éjectas ne sont pas répartis symétriquement. Cette forme particulière peut avoir pour

origine le lieu de l’impact (bordure de cratère, zone située entre deux obstacles jouant le rôle de déflecteur)

ou l’angle sous lequel l’impact a eu lieu.

Page 94: Clairs de Lune.pdf

90

La forme asymétrique, éventail ou cœur, présente une zone d’évitement où les raies brillantes sont

absentes. La position de la zone d’évitement permet de définir la direction d’où provenait

l’impacteur. Sur l’image de Petavius B la zone d’évitement indique la direction de l’impact du

nord-est vers le sud-ouest sous un angle de 60 à 45°.

Selon l’importance de l’impacteur, les éjectas peuvent combler une partie des cratères proches et,

s’ils ont une masse importante et une vitesse suffisante, créer, comme c’est le cas pour

Copernicus, des chaines de cratères secondaires.

Les éjectas de Copernicus

Cratère récent (800 Ma), Copernicus présente

des éjectas répartis uniformément autour des

remparts. Le sol plan est recouvert de fragments

de roches retombés après l’impact. L’image

montre que la répartition des retombées à

l’intérieur du cratère n’est pas homogène :

roches fondues dans le quart nord-ouest (en haut

à gauche), roches et rochers pulvérisés ailleurs.

Une analyse plus fine montre que les éjectas

sont un peu plus dense au nord-ouest, preuve

d’un impact pas tout à fait vertical. Des cratères

secondaires sont visibles en haut à droite.

Les éjectas d’Aristillus

Le cratère Aristillus, en haut, présente des

éjectas bien marqués. Ils semblent symétriques

mais une analyse plus fine montre qu’ils sont

moins développés au nord-est (en haut à droite)

et au sud-ouest (en bas à gauche)

Aristillus aurait été formé par un impact

oblique, avec un projectile provenant du SO où

du NE ? Une vue prise à la pleine lune montre

des raies marquées au NO, au N et à l'E mais

pas au SO. L’absence de raies dans cette

direction semble indiquer que le projectile

venait du SO.

Le fait que les raies et éjectas ne soient pas distribués selon un motif en ailes de papillon suggère

un angle d'impact plutôt compris entre 45 et 60°.

Les éjectas de Kepler

Une vue d’ensemble de Kepler montre que les

raies brillantes sont plutôt asymétriques. Elles

s’étendent jusqu’à 450 km vers le nord-ouest et

à 275 km vers le sud-est. Ceci peut être

interprété comme résultant d’un impact oblique

SE vers NO. Mais la répartition des éjectas

fondus, en gris montre une disposition inverse.

Il y a encore beaucoup d’énigmes à résoudre

sur la Lune.

Page 95: Clairs de Lune.pdf

91

6.4 Certaines raies ont une origine difficile à définir.

Les éjectas, qu’ils soient régulièrement répartis ou en « aile de papillon », sont centrés sur leur cratère

d’origine. Mais, dans certains cas, cette disposition n’est pas respectée et le cratère d’origine est difficile à

identifier. Les raies peuvent également avoir des orientations inattendues.

Bessel : la raie brillante de Mare

Serenitatis, d’une longueur de 150 km

semble centrée sur Menelaus et

chevauche Bessel. Le problème est

qu’elle n’est visible qu’à partir de 130

km de ce qui serait son cratère

d’origine.

La forme en baïonnette de la raie de

Glushko, à l’ouest d’Oceanus

Procellarum pose problème : 130 km

avant Seleucus, la raie change de

direction ; de nord-est elle passe à nord

pour reprendre la direction nord-est sur

450 km

Les raies de Tycho, s’étendent sur

des centaines de kilomètres et sont

radiales. Une raie (en bas à

gauche) ne répond pas à ce

critère : elle est tangente au

cratère. Les raies sont

asymétriques, peu présentes au

sud-ouest, ce qui montre que

l’impact qui a créé le cratère était

oblique

6.5 Les roches fondues par l’impact.

Une auréole plus sombre entoure l’enceinte de Tycho. Elle est formée par des roches fondues par

la chaleur dégagée lors de l’impact.

Longueur de la coulée environ

30 km. Dénivelée : environ

950 m.

Pente moyenne : 4%

LRO

La deuxième partie du processus de formation d’un cratère correspond au dépôt de matériel hétérogène

formé au cours de l’impact. Sa granulométrie va de la poussière au rocher multimétrique et aux roches

fondues par la chaleur de l’impact. Les fragments les plus lourds se retrouvent près du cratère ainsi

formé, les plus légers peuvent être projetés à des distances considérables. Certains de ces fragments

peuvent même dépasser 2,38 km/s, échapper à l’attraction lunaire et se retrouver sur Terre sous forme de

météorites. On en a recensé un peu plus de 110 provenant d’une cinquantaine de chutes différentes. Elles

se présentent sous forme de brèches constituées par les fragments de roches brisées enrobés dans du

matériel fondu lors de l’impact.

Ces roches fondues retombent très rapidement dans l’enceinte du cratère. Encore fluides, elles peuvent

s’écouler sur de longues distances, semblables aux coulées de laves des volcans terrestres de type

strombolien ou hawaïen. Les images en gros plan à haute définition réalisées par la sonde LRO révèlent

l’aspect fondu de ces dépôts retombés au centre du cratère Tycho, nappant les roches broyées comme du

Page 96: Clairs de Lune.pdf

92

chocolat fondu. Mais une des images les plus spectaculaires est une véritable rivière de roche fondue

figée qui descend le long des pentes de Tycho.

Les dépôts de roches fondues

par impact ne prennent pas

tous la forme d’écoulements.

Lors de leur retombée ils

peuvent s’écouler le long des

pentes pour combler les

parties basses du relief et

former des petits étangs très

lisses. Ceux-ci sont visibles

dans de multiples zones

cratérisées et bien visibles au

nord de Theophilus.

7E REMARQUE : LES MERS SONT GLOBALEMENT RONDES

7.1 La première carte commentée

La première carte commentée réalisée par

Christophe Scheiner (1573-1650), jésuite,

physicien et astronome allemand, a été publiée en

1614 dans Disquisitiones mathematicae, un

ouvrage mettant en cause celui de Galilée.

L’illustration fait 9,5 cm de diamètre.

Les observations ont été réalisées les 1er octobre,

17 novembre, 29 décembre 1612 et le 23 avril 1613

puis tout au long de cette même année. Les

commentaires portent sur les taches sombres, leur

évolution au cours de la lunaison, leurs différences

de tons, les inégalités de la surface.

7.2 On dirait des cratères géants

Lorsqu’on observe la Lune au 115 mm avec un grossissement de 30 fois on a une vue d’ensemble. On

voit que certaines mers ont une forme circulaire. C’est flagrant pour Mare Imbrium et bien visible

malgré la perspective pour Mare Crisium et Mare Humorum.

Mare Crisium Mare Imbrium Mare Humorum

En fait on peut distinguer plusieurs grandes catégories de mers:

Page 97: Clairs de Lune.pdf

93

- les mers dont la forme circulaire apparait rapidement comme Mare Crisium, Imbrium, Nectaris

Serenitatis ou s’esquisse comme Humorum, Nectaris, Fecunditatis. Cette catégorie regroupe la plupart

des mers importantes.

- des mers de forme irrégulière comme Mare Frigoris ou Mare Nubium,

Certaines mers comme Mare Undarum, bordée par Lacus Perseverantiae, sont en fait une association de

Lacus, structures plus petites et de forme irrégulière.

Nous avons vu par ailleurs que les montagnes

bordant les mers avaient le même profil

dissymétrique que les remparts des cratères, abrupt

vers l’intérieur et en pente douce vers l’extérieur.

L’association des deux critères permet de penser

que les mers sont d’immenses cratères. Mais

quelle serait alors l’origine des corps faisant

plusieurs dizaines, voire centaines de kilomètres

de diamètre leur ayant donné naissance? Un

nouveau modèle d’évolution des planètes du

système solaire peut nous donner la clé de

l’énigme.

7.3 Le nouveau système solaire est né à Nice

Choisissons comme temps 0 celui communément admis pour la formation du système solaire :

4,568 milliards d’années,

Les planètes gazeuses et telluriques se sont formées très tôt, entre 4,560 et 4,520millards d’années,

par accrétion des corps rocheux et des gaz du nuage protoplanétaire.

A l’issue de cette accrétion les planètes telluriques étaient recouvertes d’un océan de magma en

fusion qui se refroidit lentement. Elles sont soumises à des collisions et, en permanence, à un

bombardement intense qui forme des cratères de taille variable de quelques kilomètres à 300

kilomètres. Le témoignage de ce phénomène est particulièrement visible sur Mercure, la Lune et les

astéroïdes comme Vesta.

Notre système solaire est un système parmi des centaines officiellement répertoriés, parmi des

milliards à découvrir. Mais c’est un système à part, qui ne correspond pas à ceux que l’on observe

par ailleurs, du moins pour l’instant.

Une constante des systèmes exoplanétaires est que les planètes géantes gazeuses sont très proches de

leur étoile d’origine, dix fois plus proche que Jupiter ne l’est du Soleil. Le « Jupiter chaud » de 51

Pégase est à 0,05 UA de l’étoile ; Jupiter est à 5,5 UA du Soleil. Pourquoi Jupiter est-il aussi

éloigné ? En quoi cela concerne-t-il la Lune ?

Le modèle qui va nous servir de référence est dit « de Nice » car mis au point en 2005 par quatre

chercheurs de l’observatoire de Nice, Rodney Gomes (Rio de Janeiro, Brésil), Hal Levison

(Boulder, Colorado), Alessandro Morbidelli (Nice, France) et Kleomenis Tsiganis (Thessaloniki,

Grèce)

Pour se former, Jupiter et Saturne ont exploité tous les éléments du disque qu’ils parcourent et ont

creusé ainsi un sillon dans ce disque protoplanétaire. Les gaz du disque externe cherchent à remplir

le sillon et entrainent Jupiter vers l’intérieur du système solaire. Saturne et les autres planètes

gazeuses le suivent, surtout Saturne qui se rapproche très près de Jupiter. A l’issue de cette

migration, qui dure 600 millions d’années, les quatre planètes gazeuses sont situées entre 5 UA pour

Jupiter et 15 UA pour Neptune, aujourd’hui respectivement à 15 et 30 UA.

Vers 3,9 milliards d’années, les orbites de Jupiter et Saturne vont entrer en résonance 2/1 : Jupiter

fait 3 révolutions pendant que Saturne en effectue 2. Dès lors la migration de Jupiter est bloquée ; il

ne se déplace plus vers l’intérieur du système, ce qui explique pourquoi il n’est pas aujourd’hui

aussi près de son étoile que ne le sont les « Jupiter chauds » des exoplanètes. Sous l’effet répété des

interactions entre Jupiter et Saturne, leurs orbites se modifient, prennent une forme d’ellipse

prononcé et les planètes s’éloignent alors du Soleil, repoussant Uranus et Neptune vers l’extérieur.

Page 98: Clairs de Lune.pdf

94

Cela aura pour conséquence de déstabiliser les planétésimaux transneptuniens qui seront soit éjectés

à l’extérieur du système soit injectés violemment vers l’intérieur ainsi que les astéroïdes situés entre

Mars et Jupiter qui, eux seront plutôt projetés vers le système solaire interne. Ce grand

chambardement entraine le Grand Bombardement Tardif (GBT), daté à 3,9 milliards d’années, qui

va fortement modifier la surface de la Lune et de la Terre. Mais en ce qui concerne cette dernière,

toute trace a disparu.

7.4 Le Grand Bombardement Tardif et la création des grands bassins d’impact.

Il est évident que les cratères continentaux et les mers ne sont pas contemporains. Le processus de

superposition s’applique parfaitement. Si nous pouvons dater la formation de la croûte, il est plus

difficile de dater la formation des bassins. Par contre, nous pouvons dater les mers avec les

échantillons ramenés par Apollo. Nous trouvons 3,9 à 3,2 milliards d’années.

Seuls quelques bassins ont été datés sur

échantillons. L’âge des autres bassins a été

évalué par comptage des cratères. (D’après

Wood – aout 2004). Il est difficile d’arrêter une

liste des mers avec un âge précis, des

différentes recherches donnent des âges

différents, parfois plusieurs comme pour

Orientale. Les données ci-dessous d’après

Wood (2004) et Whitten (2011) ont évolué et

vont évoluer.

Pôle Sud-Aïtken (90 % en face cachée) 4,36

Marginis

Mutus Vlacq

Insularum

Australe

Pingré-Hausen

Fecunditatis

Tranquillitatis 3,92

Smythii

Nubium

Schiller-Zucchius

Grimaldi 3,92

Nectaris 3,92

Grimaldi

Humboldtianum 3,91

Insularum

Humorum 3,90

Crisium 3,89

Serenitatis 3,87

Imbrium 3,85

Schrödinger (face cachée) 3,82

Orientale 3,72 (3,75 – 3,82 - 3,84)

7.41 Les bassins lunaires

Les bassins sont des cratères géants de 300 à 2 500 km; ils ont une morphologie différente des

cratères plus petits. Ils ont deux anneaux concentriques ou plus et pas de pics cent raux. Il en

existerait 60, 19 certains, 24 probables et 20 hypothétiques.

Page 99: Clairs de Lune.pdf

95

Pendant des centaines d’années, les observateurs lunaires n’ont pas identifié les bassins lunaires

car ils étaient difficiles à déceler, submergés par les laves marines. De plus leur s formes

circulaires ne sautaient pas aux yeux jusqu’à ce que Bill Hartmann, un étudiant de Gerard

Kuiper, projette des images sur une sphère et mette ainsi en évidence la structure circulaire de

Mare Orientale, un bassin de 930 km situé en grande partie sur la face cachée, comportant trois

anneaux concentriques bien visibles car non recouverts par les laves marines.

Paul Spudis

La structure la plus facile à observer sur la face visible est celle du bassin Nectaris dont la partie

centrale est occupée par Mare Nectaris. Le bassin n’a vraiment bien été identifié qu’à partir du

moment où on a également bien identifié Orientale.

Ouest Nectaris: rupes Altaï Est Nectaris : Montes Pyrenaeus,

Plusieurs indices permettent de le repérer : une partie de l’anneau interne de 400 km est constituée

par les Montes Pyrenaeus. Un autre anneau très fragmenté de 620 km est repérable car il traverse

les cratères Catharina et Columbo. Rupes Altaï est une partie importante d’un anneau externe de

860 km de diamètre.

Les bassins lunaires présentent en effet un ou plusieurs anneaux internes souvent recouverts par

des coulées de lave. Seuls apparaissent les parties les plus élevées de l’anneau. Le bassin

Imbrium, par exemple, présente un anneau dont les parties émergées sont Mons Pico, Piton,

Teneriffe, Montes Recti, deux pics à l’ouest de C.Herschel, Mons Delisle (The Baby), The Skrill,

un pic près de La Hire, un pic à l’ouest d’Archimedes, Montes Spitzbergen. Ce t anneau fait 670

km soit la moitié du bassin sous tendu par les Apennins. Le ratio 1 à 2 entre le diamètre du bassin

Page 100: Clairs de Lune.pdf

96

et celui du premier anneau interne se retrouve dans d’autres bassins. Par contre, en ce qui

concerne Imbrium, il est décentré en direction de Sinus Iridum.

De nombreux bassins ont ainsi été identifiés, 10 sur la face visible et 14 sur la face cachée. En fait

toutes les mers lunaires correspondent à des bassins bien que, il soit parfois difficile de les

identifier comme c’est le cas pour Fecunditatis, Tranquillitatis et Nubium. En plus des bassins

dont le nom est lié aux mers, d’autres portent le nom de grands cratères remplis par les laves

sombres comme Bailly, Grimaldi et Pingre. D’autres comme le basin Zucchius Schiller, Mendel

Rydberg portent les noms de cratères placés en bordure du bassin et diamétralement opposés. La

nomenclature a été définie par l’USGS - United States Geologic Survey.

7.42 Oceanus Procellarum, la boite à questions

Oceanus Procellarum, l’ «Océan des

Tempêtes», est de loin la plus grande

formation lunaire visible depuis la Terre. C’est

la plus grande mer lunaire d’où son nom

d’océan. Par son absence de forme circulaire

Oceanus Procellarum semble échapper à la

description générale des bassins. Son origine

reste difficile à déterminer. Est-ce le vestige

d’un très ancien bassin d’impact gigantesque,

le résultat de la coalescence d'un ensemble de

petits bassins d’impact ou celui d’un

phénomène géologique lié aux premiers

instants de la formation de la Lune ?

La première hypothèse fut pendant longtemps la seule admise.

Ce «Bassin Procellarum», appelé aussi « Bassin gargantuesque", a été évoqué pour expliquer

certaines constatations géologiques : la distribution des laves sombres des mers, la différence

d’apparence entre la face visible et la face cachée, la différence d’épaisseur de la croûte entre les

deux faces, la composition des roches des zones montagneuses et la variation des quantités de flux

de chaleur d’origine radioactive générée dans la Lune.

L'acceptation par les scientifiques lunaires de l’existence d'un bassin Procellarum a connu des

hauts et des bas. Initialement proposée par Peter Cadogan en 1974, la présence d'un ancien grand

bassin d'impact dans la partie ouest de la Lune a été avancée pour expliquer entre autre la

concentration exceptionnellement élevée en KREEP.

Par la suite, Ewen Whitaker, un grand cartographe, a relevé très soigneusement les reliefs (crêtes

marines, massifs montagneux) sur cette zone et tenté de montrer que ces éléments appartenaient à

un bassin d’impact à trois anneaux de 3 200 km de diamètre, centrée sur la partie ouest de la face

visible. Whitaker a appelé cette formation le "Bassin Procellarum", bassin rempli par la suite par

la plus grande extension de lave marine connue.

Le géologue lunaire Don Wilhelms a totalement souscrit à cette hypothèse dans son classique

« The Geologic History of the Moon », qui fait du bassin Procellarum la principale cause de la

distribution des unités géologiques sur la Lune.

Pourtant des doutes persistaient. En 1985, Peter Schultz et Paul Spudis ont suggéré que les

éléments quasi concentriques cartographiés par Whitaker étaient liés au bassin Imbrium et pas à

un élément antérieur, donc pas à un ancien méga-bassin comme le bassin Procellarum. Cette

hypothèse s’appuyait sur les formes courbes de ce bassin hypothétique.

D’autre part les relevés de composition de roches associées à Procellarum n’étaient pas partout

compatibles avec l’hypothèse de l’existence de ce bassin ou, pour le moins, jetaient un doute.

En 1994 la mission Clementine a permis d’obtenir la première carte topographique de la Lune.

Page 101: Clairs de Lune.pdf

97

Cette carte révèle de façon spectaculaire la présence d'un méga-bassin circulaire sur la face cachée -

l'énorme bassin Pôle Sud-Aïtken (PSA) de 2600 km de diamètre (image de droite). S’il est

essentiellement situé sur la face cachée, une partie de l'anneau extérieur appartient à la zone

montagneuse du pôle sud visible depuis la Terre. A gauche, les relevés montrent que la région de

Procellarum apparait certes comme une zone de basse altitude, mais qu’elle n'est pas circulaire mais

plutôt en forme de fer à cheval (pointillés). De plus, la structure avec anneaux suggérée par

Whitaker n’apparait pas clairement alors qu’elle est évidente pour PSA. L’hypothèse qu’Oceanus

Procellarum soit un ancien bassin d’impact a du plomb dans l’aile.

Mais certaines idées ont la vie dure ; plusieurs tentatives ont été faites pour ressusciter le bassin.

Une étude a été réalisée à partir des données de cartographie minéralogique obtenues par la sonde

japonaise Kaguya (SELENE). Elle a porté sur la distribution de l’orthopyroxène (un silicate de

magnésium) par rapport aux deux grands bassins Pôle Sud-Aïtken et Imbrium. La présence de ce

minéral a également été notée en affleurements sur les hautes terres adjacentes à Oceanus

Procellarum. Ces affleurements proviennent d’un lent refroidissement d’énormes emplâtres de

roches fondues lors de l’impact, emplâtres dont l’origine serait le bassin Procellarum qui refait donc

surface. Mais il y a un mais.

Il n'est pas établi que la seule et unique façon de former de l’orthopyroxène soit le lent

refroidissement de roche fondue par un impact. Quand ce minéral s’associe avec le plagioclase, le

minéral le plus abondant des régions montagneuses lunaires, il constitue un type de roche appelé

« norite ». La norite est très abondante sur la Lune. C'est le type de roche dominant sur les sites

Apollo 14, 15 et 17 et on la trouve ailleurs en grande quantité. Elle est particulièrement répandue sur

les bords du bassin Imbrium et on pourrait même dire que la norite caractérise ce bassin. Il n’est

plus besoin d’avoir recours à l’existence antérieure du bassin Procellarum pour expliquer la

présence d’orthopyroxène.

La preuve de l'existence du bassin Procellarum (s’il n’a jamais existé) doit donc être recherchée

ailleurs, dans sa topographie.

La préservation des reliefs du bassin Pôle Sud-Aïtken est surprenante. Cette formation est l'une des

plus anciennes sur la Lune ; son âge est estimé à 4,36 milliards d’années soit moins de 200 millions

d’années après la formation de la Terre et de la Lune. Mais elle présente toujours une excavation de

plus de 12 km de profondeur, ce qui caractérise plutôt une formation récente. Suite aux processus

d’érosion naturels en activité sur la Lune, on pourrait en effet s'attendre à trouver ici des reliefs

pratiquement inexistants, ce qui rend la découverte de reliefs importants par la mission Clementine

Page 102: Clairs de Lune.pdf

98

plutôt troublante. Dans le même temps, Procellarum apparait comme une vaste dépression

irrégulière d’une profondeur moyenne de 3,5 kilomètres; son absence de relief est plus en ligne avec

ce que l'on pourrait s'attendre pour l’un des plus vieux, si ce n’est le plus vieux bassin sur la Lune.

Un point pour Procellarum.

Cependant, contrairement à tous les autres bassins lunaires, Procellarum présente une importante

bosse topographique de 2 à 3 km près du centre (près du cratère Copernicus). Aucun autre bassin sur

la Lune ou sur une autre planète ne présente de reliefs intérieurs dont l’altitude soit supérieure à la

hauteur de son enceinte. La présence d'un renflement au sein de Procellarum n’est donc pas

compatible avec l'idée qu'il puisse s’agir d'un bassin d'impact. Un point contre Procellarum.

Dernières nouvelles

En octobre 2014 Andrews-Hanna et col.

analysent une carte de gravitation établie à

partir de données de GRAIL. Les

caractéristiques de la croûte sous la surface

indiquent que la zone est bordée par des

structures qui courent en ligne droite et se

coupent à angle droit, formant ainsi une

sorte de rectangle. Une telle forme est

difficilement conciliable avec une collision,

qui aurait plutôt produit une forme plus

circulaire. Elle résulterait d’une activité

géologique de la croûte.

Des concentrations élevées en éléments radioactifs de la région (KREEP) auraient rendu cette zone

plus fluide que son environnement, et plus rapide à refroidir. En se refroidissant, elle se contracte et

la croute située sur les bords se tend et se fractionne en formant des zones de faiblesse qui laisseront

remonter des matériaux plus denses. Le processus est similaire à la façon dont les fractures qui se

forment autour d'une flaque de boue en séchant. Il se retrouve également sur Encelade, une lune de

Saturne. Reste à éclaircir pourquoi il y a plus d’éléments radioactifs sous Procellarum que partout

ailleurs sur la Lune.

7.5 Les mascons : la remontée du manteau sous les bassins d’impact. L’exemple

d’Imbrium.

Une des premières découvertes géophysiques

concernant la Lune, et certainement parmi les plus

importantes, est la variation importante de son champ

gravitationnel. Les centres de certains bassins

d'impact ont fortement attiré les sondes qui passaient

à leur verticale. Cela signifie qu’il existe un excès de

masse associé à ces bassins. On a imaginé que ces

concentrations de masse, les « mascons », avaient

pour origine les coulées de lave denses qui

remplissaient certains bassins comme Imbrium mais

peut-être aussi une remontée du manteau lunaire sous

les bassins.

Parce que l’épaisseur des mers lunaires est généralement faible - des centaines de mètres sauf au

centre où la lave s’est accumulée sur une épaisseur de quelques kilomètres – on considère

généralement que la remontée du manteau est la principale origine des mascons. Mais ce n’est pas

aussi simple.

Sur l’image ci-dessus, l'excès de masse de Mare Imbrium indiqué en gris foncé, semble être

concentré à l’intérieur d’une zone délimitée par des crêtes marines qui correspondent à l’anneau

Page 103: Clairs de Lune.pdf

99

intérieur. Il s'agit de la zone où la mer est la plus épaisse. Cela conforterait l’idée que la masse de

lave marine joue ici un rôle plus important que la remontée de manteau.

Mare Serenitatis, à droite, est différente. Son mascon occupe le bassin tout entier, avec seulement

une berge étroite (gris clair) sur les côtés nord et est. Ici la remontée du manteau est privilégiée.

Il existe de petites anomalies près de Prinz et au sud du Plateau d’Aristarque. Celles-ci sont

probablement associées à un magma souterrain figé qui a préalablement soulevé ces deux

formations et généré une activité volcanique dont témoignent les rainures sinueuses.

Les collines de Marius correspondent à une autre anomalie, qui n’a pas pour origine la présence de

lave en surface mais celle d’une chambre magmatique sous-jacente qui a nourri les éruptions des

nombreux dômes de cette zone.

L’anomalie au sud d’Eratosthenes correspond à la zone pyroclastique de Sinus Aestuum.

Enfin l'anomalie sur Hyginus et ses rainures ne se retrouve pas sur Rima Ariadaeus toute proche.

Ceci est logique car Rima Hyginus associe une caldeira et des zones éruptives alors que Rima

Ariadaeus est une fracture purement tectonique, un graben.

7.51 Des mini-mascons

La sonde GRAIL a confirmé la présence des mascons correspondant aux bassins d’impact mais

aussi des structures beaucoup plus petites ne correspondant pas à des structures visibles en surface.

Elles semblent avoir pour origine des fractures profondes résultant des impacts survenus pendant le

premier milliard d’années d’existence de la Lune. Ces fractures auraient permis au magma originaire

du manteau de se frayer un passage vers la surface, sans l’atteindre, créant un surplus de gravité.

Dans certains cas cette roche a pu atteindre la surface et créer soit des grabens (Rima Hesiodus par

exemple) soit se répandre sur le sol.

A gauche les mascons à 10 km de

profondeur semblent suivre des directions

qui ne correspondent pas à des formations en

surface (image de droite)

Image GRAIL

7.6 Et s’il n’y avait pas eu de GBT ?

La plupart des scientifiques lunaires semblent accepter l'hypothèse d'un Grand Bombardement

Tardif mais d'autres chercheurs se posent des questions. Gerhard Neukum et col. ont examiné la

distribution des âges des échantillons choqués ramenés par Apollo et des météorites lunaires - des

morceaux de Lune éjectés par des impacts et tombés sur Terre. S'ils constatent bien un pic des âges

autour de 3,9 milliards d’années, ils trouvent également des preuves d'impacts antérieurs.

Les échantillons des missions Apollo 14 et 15 présentent une forte concentration à 3,9 milliards

d’années. Ces missions ont échantillonné des éjectas d'Imbrium.

Apollo 16 et 17 étaient loin d'Imbrium; leurs échantillons de roches choquées datent aussi de

3,9 milliards d’années mais ils ont également enregistré d'autres grands évènements datant de 4,1 et

4,2 milliards d’années.

Les météorites lunaires - qui présentent un échantillonnage plus large que les missions Apollo -

n'ont pas de pic à 3,9 milliards d’années mais montrent que de grands impacts - formation de grands

cratères - se sont produits bien avant et après cette époque.

Peut-être n'y a-t-il jamais au de Grand Bombardement Tardif mais deux épisodes, le premier entre

4.36 et 3.92 et un concentré entre 3.92 et 3.75 milliards d’années.

Page 104: Clairs de Lune.pdf

100

8E REMARQUE : LES MERS SONT GRISES MAIS CE N’EST PAS UN GRIS UNIFORME

Les mers lunaires sont d’un gris plutôt sombre. Leur albédo est en moyenne de 0,05 alors que celui des

continents est de 0,2.

Elles ont dès l’origine été interprétées comme des

étendues d’eau.

Mais ce qui semble acquis aujourd’hui, est que ces

mers n’ont jamais contenu le moindre cm3 d’eau.

Ou plutôt ce qui semblait acquis.

8.1 L’eau sur la Lune

Dans les années 1960 de nombreux articles étaient consacrés à la présence d’eau sur la Lune. Les traces

étaient évidentes, Rima Hadley ou Vallis Schroteri étaient alors considérées comme d’anciennes rivières

prenant leur source au pied des Montes Apenninus ou du cratère Aristarchus.

En prenant pour référence ce qui existe sur Terre. On peut comprendre pourquoi cette hypothèse.

Rivière fossile. Hoggar 7° 35’ 38’’ 99 E, 26°29’ 57’’ 33 Vallis Schroteri

Les analyses réalisées sur des échantillons ramenés par les missions Apollo ont montré qu’il n’en

était rien, au contraire. L’affirmation comme quoi la Lune est sèche a été élevée au rang de dogme

scientifique. Des raisons simples à cela : la Lune, dépourvue d’atmosphère, est directement au

contact du vide spatial et les températures extrêmes (+130°) rendent impossible la présence d’eau

en surface. D’autre part il n’y a pas d’eau au sein des minéraux qui composent les roches. Ils ont

cristallisé dans un environnement d’où l’eau était absente.

Le modèle de formation proposé alors - l’impact d’une mini planète sur la proto-Terre – résulte

entre autre de cette constatation. Elle s’explique par le fait que la chaleur dégagée lors de l’impact

a totalement dégradé l’eau, entrainant son absence dans les strates profondes de la future Lune.

Les choses semblaient acquises jusqu’à ce qu’à partir des années 1990 les sondes en orbite ou de

passage - Clementine, Lunar Prospector, Deep Impact, Chandrayaan-1 et l'instrument VIMS de la

sonde Cassini-Huygens - détectent la présence d’hydrogène et de radical OH en surface. Au début

les quantités ainsi mises en évidence étaient très faibles mais des mesures récentes montrent que

cette eau est présente à partir de 60° de latitude. C’est une zone de plus de 10 millions de

kilomètres carrés, soit environ un tiers de la surface totale de la Lune. Bien que l'eau ne semble

Page 105: Clairs de Lune.pdf

101

être présente que dans les quelques premiers millimètres de la surface, sa masse totale pourrait

être énorme, dépassant largement les plusieurs centaines de millions de tonnes estimées sous

forme de glace dans les zones sombres des pôles.

8.11 Origine de l’eau de surface

Lunar Prospector a démontré qu'il y a de l'hydrogène en

abondance aux pôles lunaires. Cette découverte a été

confortée par les relevés de Chandrayaan 1 montrant la

concentration d’hydroxyle et d’eau à partir de 60° de

latitude (zones claires). Mais les données recueillies ne

nous éclairent pas sur leur origine.

Elle pourrait être double :

- cométaire : une comète de 2 km de diamètre pouvant

contenir 40 millions de tonnes d’eau. Lors de l’impact,

cette eau est vaporisée et une partie peut se recondenser

sous forme de glace dans les parties froides situées près

des pôles.

- résulter de l’interaction entre les particules de vent

solaire, les protons (noyaux d'hydrogène), et les atomes

d’oxygène contenus dans les minéraux des roches

lunaires.

Bien qu'il soit très ténu - cinq atomes par centimètre cube - le vent solaire est très rapide, (500

km/s) et il impacte environ 40 grammes de matériau lunaire chaque seconde, ce qui, au fil du

temps, concerne des masses considérables. Quand le vent solaire frappe la surface, la plupart des

particules le constituant sont perdues dans l'espace. Mais certaines, l'hydrogène neutre ou de

l'hydrogène diatomique - s'enfouissent dans les grains de régolithe lunaire. Plus tard, les

micrométéorites frappant la surface font fondre des morceaux de régolithe et provoquent une

liaison entre l'hydrogène et les atomes d'oxygène présents dans divers minéraux, oxyde de fer par

exemple, présents en grande quantité. Les réactions libèrent OH, H2O et du fer métallique. Le fer

est la signature chimique de ce processus. Il a été détecté dans les roches ramenées par les

missions Apollo. Certaines des molécules d'eau créées de cette manière peuvent, à la longue,

atteindre les pièges polaires froids.

8.12 De la glace d’eau aux pôles.

Les cratères situés aux pôles sont constamment plongés dans l’ombre du fait de la très faible

inclinaison de la Lune sur l’écliptique (1°33)

Le pôle sud, où le nombre de cratère est plus important qu’au pôle nord, est une zone plus

favorable et de l’eau y a effectivement été détectée.

Comment est-elle parvenue jusque-là? Une fois libérée du régolithe, une particule suit une

trajectoire balistique et, parce qu'il n'y a pratiquement pas de l'atmosphère, elle n’entrera pas en

collision avec quoi que ce soit jusqu'à ce qu'elle atterrisse. La particule s’intègre alors à la surface

locale puis est libérée par un autre impact pour réaliser un autre saut.

Au fil de ce périple beaucoup d’eau est perdue par photodissociation – les particules de vent

solaire brisent la molécule. On estime que 0,04% des protons du vent solaire qui ont frappé la

Lune se retrouvent piégés aux pôles sous forme de glace d’eau.

Même si le processus est relativement peu efficace, il peut néanmoins conduire à la formation de

grandes quantités d'eau aux pôles lunaires, environ quatre tonnes par an. Si ce processus est

permanent il serait en mesure de mettre en place la quantité détectée par Lunar Prospector en

seulement 100 millions d'années.

L’accumulation permanente de molécules d’eau à l'ombre des cratères polaires se produirait

préférentiellement sur la face sud du cratère car le Soleil culmine un peu plus au sud qu’au nord et

éclaire un peu plus la face nord.

Page 106: Clairs de Lune.pdf

102

La détection de l’eau dans le permafrost, jusqu’à 2

m de profondeur, se fait à partir de la détection de

neutrons qui ont subi un ralentissement dans un

environnement modérateur. Ce milieu peut être de

la roche ou de l’eau, le permafrost étant un

assemblage des deux.

C’est d’ailleurs sur les parois du cratère Shackleton

situé près du pôle Sud de la Lune, que des mesures

radar ont confirmé la présence de 5 à 10% de glace

d’eau répartie inégalement.

Dans le cadre supérieur gauche (CPR) ont été

reportées les données radar indiquant la présence

de glace d’eau dans le cratère Shackleton. Elles

sont à comparer avec les valeurs calculées en

fonction du pourcentage de glace d’eau estimé dans

le cratère. L’image du cadre CPR est proche de

celle correspondant à 10% d’eau (en bas à droite)

La glace d’eau de Shackleton ; crédit image : NASA

8.13 Sèche ou humide ? Des réponses qui posent des questions sans réponse.

Les chercheurs savaient que lors d’un impact d'astéroïde

suffisamment puissant, une partie de la roche de la croute et

même du manteau, remonte pour former le pic central du

cratère. En étudiant un tel pic loin des pôles, on pouvait

espérer repérer une eau dont la provenance ne pourrait être

attribuée à des apports extérieurs à la Lune, comète ou

astéroïde. La sonde lunaire indienne Chandrayaan-1 a étudié

le pic central de Bullialdus, un cratère de 60 km situé près de

l’équateur. Elle a détecté indirectement la présence d'eau

issue du manteau lunaire sous la forme d’hydroxyles (radical

OH) qui se trouvaient à l’origine en profondeur sous la

surface lunaire.

S’il y a bien eu de l’eau dans les couches profondes de la Lune et si l’on se tient au modèle de

l’impact, son origine pose alors problème :

- l’analyse isotopique suggère que l'eau viendrait de météorites primitives, le rapport

deutérium/hydrogène dans l'eau sur Terre et dans les échantillons lunaires étant identique à celui

retrouvé dans des météorites situés dans les parties extérieures de la ceinture d'astéroïdes et

connues pour être riches en eau.

A partir de ces constatations, les scientifiques ont émis l’hypothèse que l’eau était présente sur

Terre avant la formation de la Lune et que cette dernière aurait récupéré une partie de cette eau

d’origine terrestre lors de sa formation.

Néanmoins, ce scénario ne résout pas le problème de la vaporisation de l’eau qu’aurait dû

entraîner la chaleur dégagée lors de la collision à l'origine de la formation de la Lune.

Comment une partie de l'eau a-t-elle donc pu "survivre" ?

Page 107: Clairs de Lune.pdf

103

- L’impact de Théia est peut-être rasant, ce qui provoque une simple éjection de manteau

terrestre ; cette éjection n’entraine pas de hausse de température et l’eau est préservée. Elle peut

alors se retrouver par la suite dans les couches profondes. - Théia pourrait être un corps essentiellement composé d’eau, une gigantesque comète ou un

astéroïde riche en eau.

Les choses se clarifient puis se compliquent : une analyse plus fine des basaltes marins originaires

du manteau indique la présence d’apatite, un minéral composé de calcium, phosphore, fluor,

chlore et d’un radical OH qui indiquerait la présence d’eau. Ceci n’a rien d’exceptionnel dans un

basalte terrestre mais certaines apatites lunaires présentent une très forte teneur en hydrogène ce

qui tendrait à prouver que le magma à partir duquel elles se sont formées devait être fortement

hydraté. Chandrayan + apatite = le modèle initial d’une Lune sèche est remis en cause et, par là

même, le modèle de formation incluant l’océan magmatique primordial résultant de l’impact par

un corps céleste important.

Mais une étude récente (2014, Boyce et col.) donne une autre origine possible pour H. La forte

teneur en hydrogène dans certaines apatites lunaires pourrait provenir du processus même de

cristallisation plutôt que d'un environnement riche en eau.

Dans le magma en fusion qui se refroidit, l'apatite peut se former en incorporant des atomes

d'hydrogène dans sa structure cristalline. Cependant l'hydrogène ne sera inclus dans le minéral

nouvellement cristallisé seulement si les apatites déjà formées ont épuisé le fluor et le chlore

présents dans le magma. En fin de processus de cristallisation l’apatite devient par défaut une

apatite riche en hydrogène. Le magma résultant en sera de fait fortement enrichi sans pour autant

que la présence d’eau soit avérée. C’est le paradoxe des apatites riches en hydrogène qui devaient

être des marqueurs de l’eau et qui n’ont peut-être aucune relation avec l’eau…Mais alors d’où

provient l’hydrogène qui aurait dû normalement disparaitre au tout début de la formation de la

Lune ?...

La seule chose que nous pouvons aujourd’hui affirmer est la présence d’eau en surface à partir de

60° de latitude.

8.14 Business is business Des sociétés comme Shackleton Energy Company et Moon Express veulent extraire la glace d’eau

et la transformer en carburant pour fusée afin de se servir de la Lune comme tremplin pour

explorer le reste du système solaire. L’eau, ce n’est pas que la vie, c’est aussi de l’énergie.

8.2 Si ce n’est pas de l’eau, qu’est-ce que c’est ?

Faute d’eau, le choix reste donc très large : nuages, champs cultivés, fumées, insectes migrateurs

sont des hypothèses envisagées par le passé.

Voici ce qu’écrit Pline l’Ancien dans Histoire naturelles livre II, un peu avant que le Vésuve ne

l’engloutisse : … les astres sont alimentés par les humidités terrestres, car à demi-pleine elle

paraît couverte de taches, n'ayant pas encore toutes les forces qu'il lui faut pour les faire

disparaître en les absorbant; or, ces taches ne sont que des souillures enlevées à la Terre en

même temps que les humidités…

Si le choix porte sur des roches, la couleur grise peut être associée à des schistes -cartons,

migmatites, gneiss, basaltes… Les sondes lunaires vont permettre de préciser la nature des roches

et donc l’origine des mers.

28 septembre 1966: Luna 9 est la neuvième sonde soviétique du programme Luna, programme qui

a connu de nombreux déboires. Elle restera dans l'Histoire comme le premier engin à réussir un

atterrissage en douceur sur un corps céleste et à transmettre des photographies prises in situ vers

la Terre. L'alunissage a eu lieu dans Oceanus Procellarum (l'Océan des tempêtes).

24 décembre 1966 : Luna 13 alunit dans Oceanus Procellarum. Elle transmet des photos et

procède à des analyses de la structure du sol.

8 septembre 1967 : Surveyor 5 effectue la première analyse chimique du sol lunaire.

La mission Apollo 17 (1972), dans la région Taurus-Littrow, marque un tournant dans la

compréhension de la formation des mers lunaires.

Page 108: Clairs de Lune.pdf

104

Cette image montre au premier plan à droite le sol

orange découvert par Harrison Schmitt sur les

pentes du cratère Shorty au cours de la mission

Apollo 17.

Le sol orange est composé de gouttelettes de verre,

de la taille d’une tête d’épingle. Sa composition est

basaltique et il contient du titane.

Ces gouttelettes se forment habituellement dans des

fontaines de lave caractéristiques d’un magma

basaltique très fluide.

Cette découverte exceptionnelle n’aurait pas dû

avoir lieu car l’échantillonnage de cette zone n’était

pas prévu dans le programme d’ Harrison Schmitt.

C’est lui, géologue et seul non militaire du

programme Apollo, qui a décidé du prélèvement

avec comme idée qu’il pouvait s’agir de lave

oxydée, ce qui aurait prouvé la présence d’eau dans

le magma primitif.

NASA

Apollo 17 confirme que les mers lunaires sont formées par du basalte, une roche magmatique éruptive. La

Lune a donc connu une activité volcanique intense.

8.3 Le volcanisme lunaire

Des échantillons ramenés par les missions Apollo ont permis de déterminer que les mers étaient constituées

de dépôts successifs de coulées de lave. Ce phénomène semble général pour les planètes telluriques. Vénus,

Mars et surtout Mercure en portent témoignage à tel point que rien ne distingue apriori un gros plan de

Mercure avec le même plan de la Lune. La Terre n’échappe pas à ce schéma puisque sa surface est

composée à 70% de matériaux d’origine volcanique. La différence avec les autres planètes est que la quasi-

totalité de ceux-ci est sous-océanique.

8.31 Manifestation du volcanisme lunaire

Vallis Schroteri Dômes de Gruituisen Collines de Marius

Le volcanisme terrestre est différent du volcanisme lunaire, il est plus complexe : volcanisme de collision,

de subduction dû à la tectonique des plaques (volcans de la ceinture de feu), volcanisme de point chaud

(Hawaï), volcanisme fissural (corne de l’Afrique). La présence d’eau dans les magmas ainsi que leur teneur

en silice modifient la forme d’une éruption : éruption explosive avec émission de nuées ardentes des

« volcans gris ». Un séjour de courte durée du magma dans la chambre magmatique va entrainer une

éruption de lave fluide ; un séjour de longue durée, concourant à l’augmentation du taux de silice, va

générer une lave visqueuse.

Page 109: Clairs de Lune.pdf

105

Avec l’absence, ou du moins la très faible teneur en eau dans le manteau, on s’attend donc à ne rencontrer

sur la Lune qu’un volcanisme effusif comme Vallis Schroteri. Il est vrai que celui-ci domine largement

mais il existe un volcanisme de moindre importance produisant des dômes et des protrusions.

Parmi d’autres, les dômes de Gruithuisen en bordure ouest de Mare Imbrium.

A l’exception de ces dômes trapus, il n’existe pas de volcans de taille importante sur la Lune. Le

volcanisme prend la forme de petits cônes généralement regroupés et généralement en pente douce. Les

collines de Marius en sont un exemple. Une étude portant sur 18 volcans ou supposés tels montrent que

leur diamètre varie de 635 à 2 700 m pour une hauteur de 15 à 145 mètres.

8.32 La formation des mers : les épanchements de lave à grande échelle

Le volcanisme lunaire se manifeste essentiellement sous la forme d’épanchement de coulées de lave à

grande échelle qui occupent les bassins d’impact. C’est le volcanisme marin. Ce phénomène peut être

comparé à des manifestations volcaniques terrestres comme les trapps, vastes dépôts de lave sur plusieurs

milliers de mètres d’épaisseurs en Inde (Deccan), en Sibérie, au Brésil, en Ethiopie, aux USA (Colombia

River) créés par une remontée de basalte mantellique au travers de fissures ou de bouches ponctuelles.

Comme sur la Lune la tectonique des plaques n’existe pas, le rôle joué par les fractures terrestres est repris

par les fractures radiales et concentriques des bassins d’impact. D’autre part les terrains sous les grands

bassins sont des terrains bréchiques qui, même compactés, facilite la remontée des laves.

A l’observation nous avons l’impression que l’activité volcanique a été très importante. Toutefois elle ne

représente de 17 % de la surface (70 % sur la terre) et 1% du volume de la croûte.

Les coulées s’étendent sur des distances

considérables, plusieurs centaines de kilomètres,

preuve de la grande fluidité de la lave. Elles sont

semblables aux coulées de type « pahoehoe » mot

hawaïen qui signifie "lisse et doux ». La texture de

la lave serait celle d’un sirop épais et cette fluidité

a empêché la formation de coulées épaisses.

Les coulées de lave marine ne sont pas de couleur

uniforme, ni de composition et d’âge identiques.

La carte d’Arizona State University montre les

différents épisodes éruptifs. A noter que le

volcanisme est essentiellement concentré sur les

mers mais on le retrouve également à la

périphérie : au sud-ouest d’Imbrium (cryptomer ?)

et au sud-ouest de Mare Humboldtianum.

Le bolide à l’origine du cratère Galilaei (ouest de

Procellarum) a pénétré la surface de la mer

mettant au jour les couches inférieures. Cette

image montre des couches parfaitement régulières

correspondant au modèle terrestre des trapps. Ces

observations faites également sur d’autres parties

de la Lune semblent confirmer l’hypothèse de

coulées de lave d’une épaisseur moyenne de neuf

mètres remplissant progressivement et

régulièrement les bassins d’impact.

Galilaei Image LRO

8.33 Chronologie du volcanisme marin

Il fut un temps où l'on pensait que le volcanisme lunaire pouvait représenter un simple élément

stratigraphique à âge unique, mais il est désormais acquis qu’il s’agit d’un processus continu.

Page 110: Clairs de Lune.pdf

106

Le début de l’activité volcanique est difficile à

dater, peut-être se situe-t-il vers 4,3 milliards

d’années, associé à la formation du bassin Pôle

Sud-Aïtken. Elle devient mieux identifiable à partir

de 3,92 milliards d’années et connait une forte

activité entre 3,8 et 3,2 milliards d’années. Elle se

poursuivra ensuite jusqu’à 1,1 milliard d’années et

peut-être même, sporadiquement, jusqu’à 100

millions d’années.

Dans certains bassins la mise en place ne dure que

500 millions d’années alors qu’ailleurs elle peut

s’étendre sur 1,5 milliard d’années.

Apollo 12 a permis de déterminer qu’au sud

d’Oceanus Procellarum le sol était localement

constitué de deux coulées différentes. La partie la

plus récente est datée à 2,7 milliards d’années, la

plus ancienne à 3,3 milliards d’années.

Le flot de Rima Hadley a été daté à 3,3 à 3,4

milliards d’années grâce à Apollo 15.

La sonde japonaise Kaguya a permis d’affiner

cette chronologie et de déterminer une dynamique.

Ici les laves de Mare Serenitatis ont été datées

entre 3.8 et 3 milliards d’années, le dernier

épisode s’étant produit au centre de la mer.

La différence de teinte provient de la plus ou

moins grande concentration en titane.

Les laves les plus anciennes se trouvent le plus souvent dans les mers de la partie orientale de la Lune; les

plus récentes dans les mers de la partie occidentale. Dans ces régions, les laves les plus récentes se trouvent

à l’intérieur des laves plus anciennes, comme si elles les avaient recouvertes.

Vers 2,5 milliards d’années quelques rares épanchements de lave se produisent dans Mare Marginis et

Mare Australe puis se déplacent vers l’ouest, en particulier dans Oceanus Procellarum et à l'ouest de Mare

Imbrium.

Les laves les plus jeunes se trouvent à l'intérieur du Procellarum KREEP Terrane (PKT), zone

anormalement riche en éléments radioactifs qui ont, ici, prolongé la fusion du manteau, fusion interrompue

ailleurs.

Les plus récents basaltes lunaires Aux limites nord-ouest d’Oceanus Procellarum, au nord-ouest d’Aristarque se nichent peut-être les plus

récents basaltes lunaires. Ils sont repérables comme une tache sombre située au sud-est d’un petit cratère à

auréole de 20 km de diamètre : Lichtenberg. Son auréole est visible, ce qui indique qu’il est tout au plus âgé

de 1 milliard d’années. Mais la partie sud-est de l’auréole est absente. Cela pourrait s’expliquer par un

impact oblique. Ce n’est pas le cas, la forme symétrique du cratère permet de déduire qu’il a été formé par

un impact proche de la verticale.

Page 111: Clairs de Lune.pdf

107

Lichtenberg en haut de l’image

Une solution parfaitement plausible est que l’éjecta a été recouvert. Or la partie manquante correspond à

une tache sombre de laves marines. Si les laves ont recouvert les éjectas, elles sont plus jeunes donc âgées

de moins de 1 milliard d’années (Hiesinger propose une datation à 1,680 milliard) ce qui en font les laves

les plus récentes présentes sur la Lune. Cette hypothèse est confirmée par le décompte des cratères entre les

zones claires plus anciennes (5 cratères >1000 m et 40<1000 m) et les zones plus sombres (1>1000m et

22<1000m). Les éjectas de Lichtenberg sont visibles en haut de l’image.

8.34 Pourquoi les mers sont – elles concentrées sur la face visible ?

Les mers résultent donc des épanchements de lave qui ont envahi les bassins d’impact. Ces bassins sont

présents sur les deux faces ; alors pourquoi n’y a-t-il pratiquement pas de mers sur la face cachée ? Ce mystère, dénommé « Problème des hautes terres de la face cachée de la Lune », remonte à 1959 quand

la sonde soviétique Luna 3 a transmis les premières images de la face cachée. Selon Wright l'absence de mers serait due à une différence d'épaisseur de la croûte entre les deux faces,

conséquence du processus de formation de la Lune. Peu de temps après l'impact, Terre et Lune étaient très chaudes et la Lune était 10 à 20 fois plus proche de

la Terre qu'elle ne l'est actuellement. Très rapidement une synchronisation s’est établie entre la rotation de

la Lune et sa période orbitale autour de la Terre. La Lune, plus petite que la Terre, refroidit plus rapidement. La Terre et Lune étant verrouillées par leurs

marées, la Terre, encore très chaude (plus de 2 500° C), rayonne sur la face proche de la Lune. Sa face

cachée, la plus éloignée de la Terre, refroidit lentement, tandis que la face visible est maintenue en fusion.

Ceci crée un gradient de température entre ses deux faces.

Ce gradient est important dans la formation de la croûte de la Lune. Celle-ci contient de l'aluminium et du

calcium qui sont les premiers éléments à se condenser lorsque la roche commence à refroidir. La première

zone de la Lune à se refroidir est la face opposée à la Terre ; aluminium et calcium s’y retrouvent donc en

Page 112: Clairs de Lune.pdf

108

abondance contrairement à la face visible trop chaude. Par la suite ces éléments se sont combinés avec des

silicates du manteau de la Lune, pour créer le feldspath plagioclase et finalement migrer vers la surface et

former la croûte anorthositique. Celle de la face cachée possédant plus de minéraux, est plus épaisse.

Lorsque les météorites ont frappé la face cachée, ils ont poinçonné une croûte plus épaisse que sur la face

visible. Le magma a donc eu plus de difficultés à atteindre la surface, ce qui expliquerait le déficit en mers

et la présence de grands bassins circulaires environnés de cratères, vallées, montagnes et hauts plateaux, le

visage de la Lune avant l’apparition des mers.

Une autre interprétation a été donnée suite à la mission GRAIL (Zuber – Wieckzorek). L’importance d’un

bassin d’impact est proportionnelle à la température de la roche impactée. Or la subsurface de la face

visible est riche en KREEP donc plus chaude que la face cachée, riche en calcium, fer et titane. Ceci

explique pourquoi les bassins de la face visible sont plus grands que ceux de la face cachée alors que les

impacteurs avaient sensiblement la même taille. Lors de la formation de bassins larges et profonds, un

volume important de croute est excavé et il n’en reste qu’une mince épaisseur, moins de dix kilomètres. Le

basalte du manteau peut ainsi parvenir plus facilement en surface et occuper un bassin d’autant plus large

qu’il a été créé sur une zone plus chaude.

8.35 Le gris des basaltes n’est pas uniforme

Il existe sur Terre quelques 2.000 minéraux différents, la Lune une centaine seulement. L’un d’entre eux,

l’armalcolite - Arm(strong), Al(drin) et Col(lins) – n’existe que sur la Lune. Il a été découvert dans un

échantillon d’Apollo. C’est un oxyde de titane avec du fer et de magnésium.

Le basalte est une roche volcanique issue d'un magma refroidi rapidement au contact de l'eau ou de l'air.

C'est le constituant principal de la couche supérieure de la croûte océanique terrestre. Le mot « basalte » est

emprunté du latin « basaltes » probablement dérivé d'un terme éthiopien signifiant «roche noire».

Le basalte est une roche mélanocrate à holomélanocrate (sombre à très sombre). Il a une structure

microlithique et il est composé essentiellement de plagioclases (50 %), de pyroxènes (25 à 40 %), d'olivine

(10 à 25 %) et de magnétite (2 à 3%). Les basaltes sont issus de la fusion partielle du manteau terrestre de

composition péridotitique (lherzolite). Les minéraux présents sont la silice, l’alumine, les alcalins, les

oxydes de calcium, de fer, de magnésium.

Une carte géologique de la Lune montre au moins 6 grandes familles de basaltes de 21 compositions

différentes proches des basaltes terrestres (50% de silice + fer, magnésium, calcium, aluminium) mais avec

un excédent de fer, magnésium et en titane par rapport aux basaltes terrestres

L’analyse pétrologique selon la teneur en titane - élevée, faible, très faible - permet de classer les

échantillons de basalte rapportés par les missions Apollo et Luna 16 et 24 en trois catégories. Chacun de

ces groupes peut ensuite être classé en fonction de leur teneur en aluminium et en potassium. Cela donne

douze combinaisons dont six ont été trouvées dans les échantillons.

Titane

Aluminium

Potassium

Site

Très faible

Faible Faible Ap 17 L 24

Elevé

Elevé Faible

Elevé

Faible

Faible Faible Ap 12 Ap 15

Elevé

Elevé Faible Ap 14 L 16

Elevé Ap 14

Elevé

Faible Faible Ap 11 Ap 17

Elevé Ap 11

Elevé Faible

Elevé

On remarque que les basaltes sont hétérogènes, une même mission pouvant collecter au moins

deux types de basalte sur un même site (Apollo 11, 14 et 17).

La différence de composition peut facilement être mise en évidence par la photographie amateur

en renforçant les contrastes.

Page 113: Clairs de Lune.pdf

109

Les variations de teinte à la surface des mers indiquent que les laves marines ont des

concentrations en titane très variables. Les coulées anciennes, (3,7/3,8 milliards d’années)

riches en titane, sont sombres. Les laves plus jeunes, (3,4/3,0) plus claires, en sont plus pauvres.

L’image de la zone de Plinius, est de

Serenitatis montrent que les bordures de Mare

Serenitatis comportent au moins trois teintes

différentes témoins de trois teneurs en titane

différentes.

Les laves claires sont plus récentes et

recouvrent les laves plus sombres. La

proximité de la limite entre Mare Serenitatis

et Mare Tranquillitatis, où un léger seuil a pu

être repéré sous un éclairage rasant, pourrait

expliquer cette structure locale.

Mare Serenitatis

Sinus Iridum Mare Imbrium

Au centre d’Imbrium aucun élément

morphologique ne permet d’expliquer le

brusque passage d’un type de lave à l’autre.

Une analyse plus précise de la surface des

limites entre les deux coulées montre que la

lave pauvre en titane présente plus de petits

cratères que la coulée riche; elle est donc plus

ancienne. L’analyse de profil montre les restes

d’un front de l’ordre de 10 m de dénivelé,

partiellement arasé par 2,5 milliards d’années

d’impacts météoritiques.

Il est également intéressant de noter, sans

pouvoir vraiment l’expliquer, que la

composition des basaltes est différente entre

l’intérieur et l’extérieur de Sinus Iridum. (en

bas à gauche). Là aussi une différence de

relief existe entre la partie proche des monts

Jura et l’extérieur de la baie.

Avec un télescope de 150 mm, on ne peut séparer deux détails distants de moins de 1000 m.

Pourtant, lorsqu’ils sont proches du terminateur, on peut distinguer des reliefs de seulement 20

m de hauteur car grâce à l’ombre qu’ils projettent sur 1 200 mètres. C’est ainsi que des coulées

très discrètes peuvent être observées par des amateurs.

Des analyses spectrales comparatives entre les échantillons et d’autres parties de la surface

lunaire montrent que les basaltes riches en titane sont très communs et largement répartis

(Oceanus Procellarum, Mare Tranquillitatis, Mare Imbrium, Mare Humorum). Ceux à faible

teneur sont plutôt concentrés au nord de Mare Imbrium, Mare Frigoris, ceux à très fai ble teneur

dans les mers de l’est (Mare Serenitatis et Mare Crisium).

Page 114: Clairs de Lune.pdf

110

8.36 Les basaltes sont-ils les seules roches volcaniques ? Il existe sur Terre des volcans de forme trapue, par opposition aux formes coniques des volcans formés par

les basaltes. Ils sont constitués le plus souvent par des laves acides (forte teneur en silice). Parmi elles, des

trachytes, laves claires bien connues dans le Massif central (dômite : trachyte du Puy de Dôme.). Très

compactes, ces laves ne s’écoulent pas et forment un bouchon à l’orifice de la fracture éruptive. Cette

morphologie semble exister sur la Lune sous la forme de dômes compacts par opposition aux dômes de

forme conique. Les plus connus sont les dômes de Gruithuisen près de Sinus Iridum et le dôme de Rümker,

une île dans la partie nord d’Oceanus Procellarum. La composition des premiers (laves acides) comme

celle des deuxièmes (basalte) restent au stade d’hypothèse, ni les Américains ni les Russes n’ont

échantillonné ces sites.

Mons Rümker est une formation volcanique au

nord-est d’Oceanus Procellarum de 70 km de

diamètre et d’une altitude de 1 100 m. Ils sont

formés par une concentration d’une trentaine de

dômes dont certains ont un cratère sommital. Le

volume de lave est estimé à 1 800 km3

Nous retrouverons Rümker dans les mégadômes

Les « Points rouges »

Ces petites formations volcaniques ont été

découvertes il y a quarante ans. Dans le visible elles

sont claires, elles absorbent dans l’ultraviolet et sont

très brillantes dans la partie rouge du spectre, d’où

leur nom. Certains sont des cônes, d’autres des

dômes, d’autres des reliefs entourés par des laves

marines présentant des bordures pentues qui

prouvent qu’elles sont formées à partir de

matériaux visqueux. Les analyses spectrales

semblent montrer que les Points rouges sont des

éruptions de magmas évolués plus riches en silice

que les laves marines.

Page 115: Clairs de Lune.pdf

111

Hansteen Alpha, « la Pointe de flèche »

Dans la partie sud-ouest d’Oceanus Procellarum, Hansteen Alpha (HA) est une forme triangulaire très

brillante qui rappelle celle d’une pointe de flèche. Elle est facilement repérable entre le cratère à fond

fracturé Hansteen et Billy, un cratère envahit par les laves marines. Bien qu’elle se situe entre ces deux

cratères, elle n’est pas recouverte par leurs éjectas riches en fer et titane, minéraux non présents sur HA.

Cette formation est donc plus récente et est interprétée comme un monticule formé par une intrusion

volcanique. Hansteen alpha présente des similitudes de forme, de morphologie et de structure avec les

couches de dacite ou rhyolite terrestres, des laves plutôt visqueuses. Tout comme ces laves, Hansteen alpha

contient plus de thorium que les laves marines lunaires mais moins que les roches continentales ; ce qui en

fait une roche intermédiaire entre les basaltes et les anorthosites.

Herigonius, « le Casque »

La région du « Casque », encore appelé

Herigonius Region est beaucoup plus complexe

que celle de la « Pointe de flèche ». Elle est

constituée d'au moins cinq unités géologiques :

des matériaux sombres d’origine marine, des

matériaux d’albédo intermédiaire dans la partie

orientale de la zone, une zone claire, une zone

bosselée et deux massifs (Herigonius m et p).

On a, dans un premier temps, pensé que le matériau clair qui constituait la majeure partie du « Casque »

était semblable à celui qui va de Stofler - Maurolycus à Boguslawsky - Rosenberg dans la partie sud-est de

la Lune, une zone claire et plate au beau milieu d’une zone très cratérisée. Cette structure était considérée

comme les vestiges de la croûte primordiale, miraculeusement épargnée par les impacts, datée à 4,5

milliards d’années. Puis on a pensé qu’il pouvait s’agir d’une émission de lave claire qui aurait précédé les

éruptions marines. En 1972 cette zone a été classée comme zone d’éjecta du bassin Mutus Vlacq, le plus

ancien bassin lunaire dont l’existence semble confirmée par les données altimétriques de Clementine. Mais

des analyses plus fines montrent des associations entre des zones claires et des zones bosselées pour

lesquelles une origine volcanique semble plutôt privilégiée.

Le « Casque » résulterait d’une activité volcanique plutôt acide datée à l’Imbrien. (3,85 à 3,20 milliards

d’années).

8.4 Autres structures volcaniques : dômes, mégadômes, méga-mégadômes.

8.41 Les dômes Petites structures d’origine volcanique de quelques kilomètres de diamètre et une ou deux centaines de

mètres d’altitude, ils sont très souvent en relation avec des super structures volcaniques, les boucliers.

Difficiles à observer avec un télescope de 115 mm, ils font l’objet d’une présentation détaillée dans le

« Troisième clair de Lune : la Lune au 200 mm », diamètre minimum pour les repérer sous un éclairage

rasant.

8.42 Les mégadômes : des dômes volcaniques importants

En 2004, Charles Wood a proposé que le relief important de forme conique situé au nord de Mare

Tranquillitatis, au sud du cratère Gardner, soit considéré comme un nouveau type de formation - un

mégadôme - une grande montagne volcanique avec, au sommet, une dépression qui pourrait-être une

caldeira. Une coupe en diagonale NO / SE passant par la caldeira sommitale montre que le relief environ

100 km de large et près de 1,4 km de haut. Il s'agit d'un dôme au relief très doux. La dépression centrale fait

environ 13 km de large et 150 m de profondeur

Page 116: Clairs de Lune.pdf

112

Il semble qu'il y ait au moins deux caldeiras, une au

centre mesurée et une autre au nord avec une

bordure orientale courbe bien définie. Si c'est

vraiment un relief volcanique, c'est probablement

un grand volcan bouclier, comparable par ses

dimensions à l'île d'Hawaii Le mégadôme de

Gardner est peut-être en relation avec les activités

volcaniques repérées près de Littrow et de Cauchy.

Mégadôme de Gardner. Image Jocelyn Sérot

Lamont-Gardner Megadome Alignment (LGMDA)

L’alignement des mégadômes Lamont - Gardner (LGMDA en anglais) s’étend sur 500 km en diagonal à

travers le bassin Tranquillitatis. Les principaux composants du LGMDA sont :

- le mégadôme de Gardner

- le complexe volcanique de Jansen composé d’une crête d’éléments de cratères fantômes et de traces de

cratères submergés

- la zone de Carrel, ex Jansen B

-Lamont composé de deux anneaux enfouis de cratères fantômes d’où partent des rides marines

concentriques. Le grand axe de Lamont est parallèle à l’orientation générale du LGMDA.

Le LGMDA peut être considéré comme une

structure unique Ses quatre composantes sont

associées à des basaltes à faible teneur en titane

(low Ti) 3,75 milliards d’années, entourés par des

basaltes riches en titane (hi Ti) 3,57 milliards

d’années. Si on considère que le LGMDA est un

ensemble cohérent, Lamont peut être interprété non

plus comme un bassin à double anneau enfoui mais

peut-être comme une structure volcanique associée

à un mascon ayant comme origine une importante

chambre magmatique située en profondeur.

Carte AVL

Mégadômes de Valentine et Rümker

Le mégadôme de Valentine est situé au pied de

Mons Caucasus

Latitude: 30°30’ N, Longitude: 10° 6’ E

Diamètre: 30 km.

Sa surface est parcourue par Rima Calippus.

Page 117: Clairs de Lune.pdf

113

Mons Rümker est une formation volcanique isolée

de 70 km de diamètre et d’une altitude moyenne

d’environ 1 100m, située au nord-ouest d’Oceanus

Procellarum 40°48’N, 58°6’ O. Ils sont constitués

d’un assemblage d’une trentaine de dômes lunaires

dont certains présentent des cratères sommitaux. 1

800 km3 de lave marine ont été émis par les dômes

et se sont refroidis lentement. L’ensemble est

incliné: 900 m à l’ouest, 1 100 m au sud et 650 m à

l’est. Mons Rümker ne peut pas être considéré

comme un véritable mégadôme issu d’une éruption

unique mais le nombre important de dômes

associés lui en donne l’apparence.

Rümker, plateau d’Aristarque, collines de Marius, un alignement particulier

Ces trois grands centres volcaniques se trouvent sur une ligne imaginaire située au milieu de la

partie nord-ouest d’Oceanus Procellarum. A l'extrémité nord (à droite) se trouve Mons Rümker, le

plus petit et le moins visible de ces centres. Mais Mons Rümker est, comme les deux autres

centres volcaniques, un type unique de relief; un amoncèlement de dômes volcaniques qui se

chevauchent. Les dômes pris individuellement sont de taille similaire à des dômes tels que ceux

situés près d’Hortensius, mais l'ensemble s'élève à environ 800 m au-dessus de la mer. En suivant

la ligne imaginaire, bien qu’il existe une très discrète dorsale marine, on trouve le plateau

d’Aristarque qui est probablement une structure soulevée, comme Montes Harbinger à proximité,

couverte par des laves marines et plaquée de dépôts pyroclastiques dont l'origine est l'évent de la

Tête de cobra de Vallis Schroteri. Enfin on trouve le complexe volcanique des collines de Marius

(à gauche), un autre regroupement de cheminées largement réparties plutôt que regroupées. Il y a

là plus de 200 cônes aux pentes raides dont certains semblent tout juste émerger d'une large zone

surélevée dont les limites est et nord sont situées bien au-delà de la zone des cônes. Sont

également présents des évents et des rainures sinueuses.

A la fin des années 1960, Hal Marsursky a émis l'hypothèse que ces trois centres volcaniques

anormalement importants se trouvaient le long de l'équivalent d'une dorsale médio-océanique

terrestre. Or, une crête rectiligne bien visible sous un éclairage rasant relie Rümker au plateau

Aristarchus ; une autre, moins prononcée va du plateau aux collines de Marius. Elles sont peut-

être la manifestation en surface d’une faille profonde, une des principales fractures de la croûte

lunaire. Les trois centres volcaniques pourraient être l'équivalent de l'Islande, une île volcanique

terrestre en formation sur une dorsale en expansion.

Sur Terre, les géologues ont réussi à comprendre en partie pourquoi un type de volcan est présent

dans une zone donnée et d'autres types dans d'autres zones. La tectonique des plaques est la

principale explication car elle influence fortement la composition du magma, la teneur en gaz, le

volume et la viscosité des laves. Sur la Lune, cette pierre angulaire de la compréhension du

volcanisme est depuis toujours absente. Pourtant les collines de Marius montrent que, sur un

même site, la composition du magma peut changer au fil du temps. Bien que la plupart des

collines soient des cônes, il y a aussi des dômes présentant des pentes douces, des évents sans bord

Page 118: Clairs de Lune.pdf

114

donnant naissance à des rainures (dont Rima Marius) et des coulées de lave massives au nord des

collines. Nous pouvons en déduire que la teneur en gaz a varié au cours du temps, ce qui a conduit à

ces différents types d'éruptions ; mais nous ne savons pas le pourquoi de cette variation. Ni pourquoi,

à plus grande échelle et bien qu’il s’agisse là de méga-mégadômes, ces trois complexes sont aussi

différents.

8.43 Les méga-mégadômes

Paul Spudis (Lunar and Planetary Institute à Houston) a proposé l’existence de dômes de très

grandes tailles associés à des terrains volcaniques, semblables à des volcans boucliers que l’on

retrouve sur Mars, Vénus et sur Terre. Le MMD de Mayer-Hortensius (image du milieu) fait 300 km

de large et 2 000m d’altitude. Des dômes classiques, o sur l’image de droite, sont associés à ce

MMD, répartis plutôt à la périphérie. On retrouve également des MMD centrés sur Cauchy, Kepler,

Marius, Aristarchus et Prinz Harbinger. Contrairement aux formations similaires situées sur les

autres planètes, les MMD lunaires ne présentent pas de caldeiras sommitales, de fissures radiales ni

d’importantes coulées. Par contre ils semblent avoir influencé l’activité volcanique locale (dômes, et

rainures).

8.5 Localisation des boucliers et reliefs associés

La position des grandes structures volcaniques montrent que le volcanisme est un phénomène

essentiellement marin. En plus de la possibilité d’accès vers la surface rendue facile par la présence

d’un sol fracturé lors de l’impact, les éruptions ne peuvent se produire que si du magma est présent

en profondeur. Cela dépend de la répartition spatiale des sources de chaleur dans la structure interne

de la Lune.

Or la plupart des grandes structures volcaniques

sont situées sur le PKT, Procellarum KREEP

Terrane. Seule la structure de Cauchy (est de

Mare Tranquillitatis) échappe à cette règle.

Personne ne sait pourquoi les KREEP sont

concentrées dans la partie centrale et nord-ouest

de la Lune, et en particulier dans trois secteurs

de Mare Imbrium et Oceanus Procellarum. Par

contre, la radioactivité importante du PKT et la

chaleur résultante ont certainement favorisé les

éruptions massives de lave dans cette partie de

la Lune.

A plus petite échelle, d’autres manifestations du

volcanisme sont perceptibles sous forme de

dépôts sombres : les dépôts pyroclastiques.

Page 119: Clairs de Lune.pdf

115

8.6 Les dépôts pyroclastiques

Il existe deux types de zones très sombres qu’il ne faut pas confondre: les cratères à halo sombre et

les dépôts pyroclastiques.

Les premiers ont pour origine des cratères d’impacts qui ont porté en surface un sous-sol sombre.

Les seconds sont une manifestation de l’activité volcanique lunaire.

Les matériaux pyroclastiques visibles sous forme de dépôts sombres sont plus lisses que la plupart

des autres matériaux lunaires. Ceci s’explique car ils ont pour origine des éruptions explosives qui

fragmentent les roches, de la taille du rocher à celle de la cendre. Ces éruptions sont comparables à

des « fontaines de lave » terrestres. Les zones les plus vastes de dépôts pyroclastiques sont appelées

Regional Dark Mantling Deposits (RDMD). Elles sont composées de dépôts volcaniques dont la

plupart sont « vitreux ». Ces verres représentent le matériau le plus primitif parmi les échantillons

prélevés par les missions Apollo et ont permis de mieux comprendre la composition interne de la

Lune.

8.61 Localisation des RDMD Soumises à une faible gravité, les éruptions à l’origine des RDMD peuvent recouvrir des surfaces

importantes, jusqu’à 50 000 km2. Leur épaisseur peut atteindre quelques dizaines de mètres. Ces

dépôts sont visibles sur sept zones bien définies de la face visible.

Le plus grand dépôt pyroclastique de la Lune est situé à l'est de Sinus Aestuum ; il est bien visible

comme une zone très sombre. Au nord et un peu à l'est se trouve une autre zone de dépôts

pyroclastiques bien connue, le long de Rima Bode. Enfin une troisième zone se trouve au nord

d’Hyginus, zone sombre autour de la formation autrefois connue sous le nom de Schneckenberg.

C'est le dépôt pyroclastique de Vaporum. Ce volcanisme est daté autour de 3,6 milliards d’années.

A plus petite échelle, une centaine de dépôts ont

été repérés à la surface de la Lune. La plupart

sont situés près des mers et les autres dans les

cratères à fond fracturés, eux-mêmes relativement

proches des mers, voire immédiatement sur la

côte. La localisation des dépôts pyroclastiques à

grande échelle confirme clairement qu’il s’agit

d’un phénomène lié au volcanisme marin.

Lisa Gaddi et col.

Page 120: Clairs de Lune.pdf

116

8.62 Dépôts pyroclastiques et cratères à fond fracturé : le cas Alphonsus

Le plancher d’Alphonsus, un

cratère de 118 km de diamètre

présente six taches sombres.

Quatre sont interconnectées par

une fissure et chacune possède un

petit cratère puits de 1 à 1,5 km

de diamètre et de 100 à 200 m de

profondeur. Les dépôts sombres

sont des cendres volcaniques. Le

relief des petits cratères n’a rien à

voir avec celui d’un volcan

strombolien.

La modélisation d’une éruption lunaire de puissance identique à une « fontaine de lave » terrestre, en

absence d’atmosphère (pas de résistance) et sous une gravité six fois plus faible (les cendres vont six fois

plus loin), donne un profil de cratère très bas, identique à celui des évents d’Alphonsus. Des analyses

spectroscopiques ont montré la présence d’olivine et de pyroxène, minéraux caractéristiques du basalte

lunaire marin. Celui-ci serait donc présent sous le plancher d’Alphonsus. Ce qui ne semble pas être le cas

sous le plancher d’Arzachel, également parcouru de rainures et situé juste au sud d’Alphonsus.

8.63 Et si l’éruption se poursuit ?

Si l’éruption fissurale se poursuit, la lave fluide va

envahir les parties les plus basses du cratère et

former des lacs de lave.

Sur Maurolycus, un cratère de 114 km daté de 3,92

à 3,85 milliards d’années, la surface lisse contraste

avec le sol d’origine recouvert de rochers concassés

retombés après l’impact.

Image LRO

8.7 La Lune est-elle toujours active ?

Il est communément admis que la Lune est un astre mort, qui n’a pas évolué de manière notable depuis 3

milliards d’années. Toutefois certains phénomènes observés depuis la Terre ou en orbite conduisent les

scientifiques à remettre en cause cette affirmation, du moins à toute petite échelle.

8.71 Les Phénomènes Lunaires Transitoires – PLT Les PLT correspondent à l’augmentation ou diminution de courte durée de la luminosité d’une

zone à la surface de la Lune.

Les premières observations datent de -577. Celle réalisée le 18 juin 1178 par les moines de

Cantorbery est bien connue et pourrait correspondre à l’observation en direct d’un impact. Plus de

2 200 observations de PLT ont été recensées par la NASA en particulier dans le NASA Technical

Report R277. Un tiers de celles-ci correspondait à la zone d’Aristarque. Les sites de Copernicus,

Tycho, Archimedes, Alphonsus ont également présenté des PLT.

Page 121: Clairs de Lune.pdf

117

Herschel, la NASA, Armstrong et Aldrin

Le cratère Aristarchus, l’un des cratères les

plus brillants, est à l’origine de l’hypothèse

d’une poursuite épisodique d’activité

volcanique. Herschel pensait qu’il s’agissait

d’un volcan actif et en a fait de nombreux

rapports d’observation de phénomènes brillants

ou d’obscurcissements, d’apparition de lueurs

rouge ou bleue.

Compte rendu sur Trois volcans sur la Lune par William Herschel, L.L.F.R.S ; communiqué par

Sir Joseph Banks, Bart. P.R.S.

Read, 26 avril 1787

Il est nécessaire de préciser un certain nombre de choses en guise d’introduction au compte rendu

que je vais faire sur des apparitions que j’ai observées sur la Lune les 19 et 20 de ce mois. Les

phénomènes de la nature, en particulier ceux qui relèvent de l’observation astronomique, doivent

être considérées non seulement avec l'attention que l’on doit porter habituellement aux faits tels

qu'ils se produisent, mais aussi avec l'œil de la raison et de l'expérience. En cela, nous ne sommes

pas autorisés à sortir des faits et leur origine et leur signification doivent être déduites de

l’observation. Ainsi, quand on voit, sur la surface de la Lune, un grand nombre d'altitudes allant

d’un demi mile à un mile et demi de hauteur, nous devons les appeler montagnes; mais, lorsque

nous décelons, parmi nombre d’entre elles, des formes particulières ressemblant à des cratères de

volcans, nous pouvons affirmer qu’elles ont toutes cette même origine, ceci aussi bien par

l’observation que par raisonnement. Or, dans le cas de déduction par pur raisonnement, il peut

parfois être pratique pour expliquer les phénomènes, de s’appuyer sur une analyse des faits eux-

mêmes ; ce sera donc plus sûr de procéder à une description précise et complète de ces faits, ce

qui permettra de justifier d’en avoir déduit de manière valide des conclusions par raisonnement.

Cela posé, je peux commencer, en toute sécurité, à exposer mes observations.

19 avril 1787, 10h, heure sidérale

Je vois trois volcans dans différents lieux de la partie sombre de la nouvelle lune. Deux d'entre

eux sont inactifs ou peut-être sur le point d’entrer en éruption lors de la prochaine lunaison. Le

troisième montre une éruption réelle de feu, ou de matière lumineuse. J'ai mesuré la distance du

cratère au limbe nord de la Lune et trouvé 3 '57 ", 3. Sa lumière est beaucoup plus intense que le

noyau de la comète que M. Méchain a découverte à Paris le 10 de ce mois.

20 avril 1787, 10h 2m, heure sidérale

Le volcan brûle avec plus de violence que la nuit dernière. Je crois que son diamètre ne peut pas

être inférieur à 3 ", si je le compare à celle de la planète géorgienne (NDT : Uranus, découverte

en 1781 par Herschel et baptisé ainsi en l’honneur du roi George III d’Angleterre, Uranus n’a

été adopté qu’en 1850) ; comme Jupiter était à portée de main, j’ai tourné le télescope vers son

troisième satellite, et estimé le diamètre de la partie brûlante du volcan à au moins deux fois celle

du satellite. Nous pouvons donc calculer que la zone brillante ou en feu doit faire plus de trois

miles de diamètre. Elle a une forme ronde irrégulière très nettement définie sur les bords.

Les deux autres volcans sont beaucoup plus loin, vers le centre de la Lune, semblables à une zone

nuageuse assez grande, plus lumineuse vers le centre; mais aucune tache lumineuse bien définie

ne peut être discernée dans ces deux zones. Ces trois points sont facilement visibles car la

réflexion des rayons du Soleil par la Terre est, dans la situation actuelle, suffisamment forte pour

qu’avec un réflecteur de dix pieds, on puisse voir les taches même les plus sombres à la surface

Page 122: Clairs de Lune.pdf

118

de la Lune. Et je n'ai perçu aucun phénomène similaire lors de la dernière lunaison alors que

j’observais les mêmes lieux avec le même instrument.

L'apparence de ce que j'ai appelé du feu ou une éruption volcanique est tout à fait semblable à

celle d’un petit morceau de charbon ardent couvert par une très fine couche de cendres blanches

qui adhèrent à sa surface lorsqu’il a brûlé un certain temps ; sa luminosité était à peu près aussi

forte que celle avec lequel un tel charbon brillerait dans la faible lumière du jour.

Toutes les parties voisines du volcan semblent faiblement éclairées par l’éruption et deviennent

de plus en plus sombres lorsqu’on s’éloigne du cratère.

Cette éruption ressemblait beaucoup à ce que j'ai vue le 4 mai de l'année 1783. J’en ferai

prochainement un compte rendu à votre Société, présentant en détail mes remarques concernant

de nombreuses particularités remarquables relatives aux montagnes volcaniques de la Lune. Elle

différait cependant considérablement en ampleur et en luminosité. Celle de 1783 était beaucoup

plus lumineuse que l’actuelle éruption mais n'était pas aussi étendue: vue dans le télescope elle

ressemblait à une étoile de quatrième magnitude telle qu'elle apparaît à l'œil nu ; celle-ci, au

contraire, montre un disque visible de la matière lumineuse très différent de la luminosité

étincelante d'une étoile.

Suit un compte-rendu de l’observation du 19 avril 1787, dans les Pléiades, de la comète

découverte par Méchain le 10.

En 1963 deux astronomes, James Greenacre et Edward Barr travaillant à la préparation des

missions Apollo, ont rendu compte de l’émission de trois lueurs colorées orangées, persistantes

pendant une vingtaine de minutes, associées à la Tête de Cobra sur le plateau d’Aristarque. On

remarque diverses zones ayant l'aspect de matériau sombre mais toutes contiennent de petits

cratères, ce qui prouve que les dépôts sont anciens. Si un phénomène physique a produit ce PLT,

il n'a engendré aucun dépôt détectable. Donc il est peu probable que ce soit dû à une coulée de

lave ou à des cendres éruptives, mais plutôt à une émanation de gaz.

Une équipe de l'observatoire Lowell a observé un autre PLT dans Aristarchus sous une phase à

peu près identique lors de la lunaison qui suivit. La distance importante entre les points

d’éruption, le fait qu’elles se produisent exactement après une lunaison, jette le doute sur l’origine

volcanique des phénomènes ; peut-être est-ce un artefact dû à l'illumination de la zone, un jeu de

lumière sur les parois, sur des éjectas…). Mais on pourrait dire aussi que la récurrence mensuelle

est possible si l'on pense qu'une émanation de gaz est susceptible de se produire lors des tensions

de marées maximales.

Mais le débat peut se poursuivre. Apollo 15 a en effet repéré près d’Aristarchus d’émissions de

radon, gaz lié à la radioactivité des roches (désintégration de l’uranium et du thorium). Une étude

générale montre que les phénomènes lunaires transitoires semblent se produire lorsque les marées

lunaires sont les plus fortes. L’émission de gaz pourrait résulter de la déformation de la croûte

engendrant la formation de fractures par lesquelles ces gaz pourraient s’échapper lors d’un

maximum de marée. Certaines observations ont été réalisées de visu par les astronautes en orbite

autour de la Lune :

Page 123: Clairs de Lune.pdf

119

Armstrong : Hé, Houston ! Je regarde au nord, vers Aristarchus, et, à cette distance, je ne suis pas

certain que ce soit bien Aristarchus, mais il y a là une zone considérablement plus lumineuse que

ce qui l'entoure. Elle est... on dirait qu'elle est légèrement fluorescente.

Houston (Mc Candless) : Roger, Onze. Nous notons.

Aldrin : Je regarde vers la même zone... il semble en tout cas qu'une des parois du cratère soit plus

claire que les autres... Je ne suis pas certain qu'il y ait fluorescence, mais c'est nettement plus

lumineux que ce qui l'entoure.

8.72 Origine des PLT Malgré des conditions excellentes, ces observations en orbite n’ont pas permis de donner une

explication convaincante quant à l’origine des PLT : le dégazage, les impacts, les phénomènes

électrostatiques et enfin les conditions d'observation défavorables.

Une petite partie des PLT s'explique sans trop de difficultés par l’énergie dégagée lors de l’impact

de météorite. Un PLT aurait d’ailleurs été observé lors des Perséides. Une autre explication serait

le déplacement de poussières lié à un phénomène magnétique, un déplacement sur des lignes de

champ le long du terminateur. La lumière du Soleil reflétant sur ces poussières provoquerait les

PLT.

Si un volcanisme actuel actif est à écarter, il pourrait persister çà et là des activités gazeuses

résiduelles. Des sondes ont enregistré en des lieux où avaient été observé des PLT, des traces

d'hydrogène, d'argon ou de radon qui pourraient provoquer des phénomènes de fluorescence

observées depuis la Terre.

L’Association of Lunar and Planetary Observers - ALPO - dépouille et analyse les comptes rendus

d'observation. Chacun reçoit une valeur de 1 (faible probabilité) à 5 (phénomène confirmé) puis

est publié dans son mensuel « The Lunar Observer ». Des alertes sont diffusées via

http://twitter.com/lunarnaut. Elle édite également des éphémérides adaptées à différentes

positions d’observateurs, afin de réaliser les observations à l’instant optimum correspondant à une

configuration de la Lune identique à celle qu’elle avait lors d’une ancienne observation d’un LPT

jugé crédible.

Exemple : observation de Theophilus à réaliser le 1/1/2013 entre 21h05 et 22h32 UT. Les

conditions sont identiques à celles de l’observation réalisée le 18/7/1965 à 8h52 par Cross à

Whittler, CA, USA, avec une lunette de 10 pouces à x450 « Points rouge rubis dans une zone rose

sur le pic central de Theophilus » estimée 5 (très bonne) par la Nasa Catalog ID #885.

8.73 Ina Caldeira et les TMI: peut-être un ancien PLT.

La formation Ina, ou D, a été observée pour la première fois par les astronautes du programme

Apollo. Elle se situe sur Lacus Felicitatis, sur le flanc est de Montes Apenninus. Cette formation

de 3 km est à peine accessible au télescope de 200 mm ; elle fait l’objet d’une présentation

détaillée dans le prochain chapitre. Très courant sur Mercure, ce type de formation présente des

bords nets, peu de cratères. Elles sont brillantes et lustrées et, pour Mercure, interprétées comme

des zones récentes de dégazage rapide.

Page 124: Clairs de Lune.pdf

120

Jusqu’en 2014 Ina caldeira était considérée comme une formation unique. Mais Lunar

Reconnaissance Orbiter a permis de déceler environ 70 formations identiques de petites tailles

(500 à 1000 m) dispersées à travers les mers. Tout comme Ina, elles se caractérisent par un

ensemble de terrains lisses, des formes arrondies, des monticules peu élevés à coté de blocs de

terrains accidentés ; d’où leur dénomination de « Taches Marines Irrégulières ». Elles ont été

définies comme des coulées volcaniques récentes.

Le décompte des cratères montre que ces zones sont très jeunes, d’âge inférieur à 100 millions

d'années. Les pentes abruptes menant des couches supérieures lisses à leur base correspondent

également à un âge jeune. En 2013, Ina a été datée par certains planétologues à 50 millions

d’années.

Mais s’agit-il de coulées volcaniques?

Quatre types de preuves sont avancés.

1) l'épaisseur moyenne de 8 m des terrains lisses est dans la norme des coulées de lave lunaires

mesurées précédemment.

2) les fronts de ces marges forment des lobes aux limites précises caractéristiques de matière

s'écoulant.

Mais ces marges lobées ne présentent pas les caractéristiques habituelles de celles observées sur

Vénus, la Terre, Mars, Io ni celles des coulées visibles ailleurs sur la Lune. Elles sont légèrement

arrondies et aucune structure d’écoulement (linéations parallèles) n’est visible à la surface des

zones lisses.

3) En analysant l’image de chacune des 70 zones sur lesquelles des TMI ont été identifiées, un

seul évent est vraiment évident, avec une colline et une dépression sommitale. Les autres peuvent

être interprétés différemment, des tunnels de lave par exemple.

4) Les données multi spectrales sont compatibles avec celles des laves lunaires connues.

Mais, le volcanisme étant la seule origine possible pour les roches lunaires marines, cela n’a rien

d’étonnant.

On pensait que toute activité volcanique significative avait cessé depuis au moins 1 milliard

d’années, Ina étant une activité sporadique localisée. Le nombre important de « Taches Marines

Irrégulières » identifiées semble montrer que le manteau lunaire est resté assez chaud pour fournir

du magma à des éruptions de petit volume à l’origine de ces formations très particulières. Mais le

type d’éruption n’étant pas clairement défini, cette affirmation concernant le manteau est difficile

à concilier avec le modèle de température de l'intérieur de la Lune habituellement admis. Seul des

prélèvements in situ permettraient de trancher.

En conclusion :

- ces formations sont récentes

- l’origine des dépressions à l’intérieur

desquelles se produises les TMI n’est pas

avérée (évent, tunnel).

- les marges des zones lisses ressemblent plus à

une surface fluide retenue par la tension de

surface qu’à une coulée et surtout il n'y a pas

de traces d’écoulement évidentes.

- le grand nombre de formations et leur large

distribution à la surface des mers suggèrent que

ce type d’activité volcanique n'est pas une

anomalie locale mais correspond à une activité

géologique importante dans l’histoire récente

de la Lune.

Image LRO. TMI près du cratère Maskelyne

Page 125: Clairs de Lune.pdf

121

8.8 Les séismes

Le 19 novembre 1969, lors de la mission Apollo 12,

le premier sismomètre extra-terrestre est installé sur

la Lune. Lors de chacune des trois missions

suivantes (Apollo 14, 15 et 16), un sismomètre est

également installé. Ces instruments ont formé le

premier (et unique pour le moment) réseau

sismologique extra-terrestre. L'expérience prit fin le

30 septembre 1977.

Les sources sismiques enregistrées sur la lune sont de cinq types différents : impacts de météorites, impacts

artificiels, tremblements de Lune « thermiques », conséquences de la dilatation et de la contraction suite

aux variations d’illumination de quinze jours au cours d’une lunaison, sources thermiques très superficielles

causées par la variation journalière de température en surface, séismes profonds - les vrais tremblements de

Lune - causés par la marée lunaire. Ils sont localisés entre 800 et 1 200 km de profondeur. La rigidité de

notre satellite fait que les tremblements du Lune sont exceptionnellement longs, jusqu’à 10 minutes à une

heure contre 30 secondes en moyenne sur Terre.

8.9 Tectonique ou pas ?

L'écorce terrestre est constituée de douze plaques de roches « légères » qui se déplacent à la surface du

manteau. L’énergie qui entraine ce déplacement est fournie par la chaleur de roches radioactives présentes

dans le manteau. L’une des constatations qui avait conduit Wegener à proposer l’hypothèse de la dérive des

continents est la symétrie entre la côte nord-est de l’Amérique du Sud et la côte de l’Afrique de l’Ouest. Sur

la Lune aucune observation de ce type ne permet de conclure que deux zones préalablement en contact se

soient par la suite séparées. Le moteur de la tectonique, la chaleur interne, a été évacuée très tôt du fait de la

petite taille de la Lune, l’effet des marées provoquées par la Terre étant insuffisant pour générer une chaleur

nécessaire.

Cela ne signifie pas pour autant que la Lune soit tectoniquement inactive ; des indices d’une contraction de

la sphère lunaire suite à son refroidissement aurait été perçus par les sondes récentes, en particulier les

images à haute résolution de LRO.

8.10 La Lune rétrécit-elle ?

On trouve sur toutes les planètes telluriques et les satellites silicatés des structures tectoniques dues à une

compression ou à une contraction. Ce dernier phénomène résulte du refroidissement global de la planète.

Une planète (ou un satellite) possède un volume

constant tant que l’intérieur ne refroidit pas. Par

contre, si l'intérieur refroidit, la planète diminue de

volume. La surface restant constante, elle va se

« plisser » comme la peau vieillissante.

Le refroidissement interne de la Lune serait

d'environ 10° en 500 millions d'années.

Le refroidissement du manteau terrestre est estimé à

environ 100° chaque milliard d’années, cinq fois

plus important que celui de la Lune.

Les effets du rétrécissement sont invisibles sur un

astre actif comme Vénus, la Terre et Mars. La Lune

étant « inactive », ces structures sont visibles, elles

ont été mises en évidence par les missions Lunar

Orbiter et Apollo ; ce sont les escarpements lobés.

Page 126: Clairs de Lune.pdf

122

La sonde LRO a permis de découvrir des escarpements lobés loin de toute mer et de nombreuses

petites structures compressives. Elles se développent le long de failles préexistantes, le

rétrécissement du volume entrainant le chevauchement et le glissement d’un bord de la faille sur

l’autre bord. L’ondulation du front doit avoir pour origine des contraintes de contraction non

uniformes. Les recoupements avec les cratères d'impact montrent que certaines de ces structures

sont géologiquement « jeunes » (moins de 1 milliard d'années). En généralisant et extrapolant des

observations locales à l'ensemble de la Lune, on peut estimer que le rayon de la Lune aurait

diminué d'une centaine de mètres pendant le dernier milliard d'années. Cette diminution se

poursuivrait de nos jours.

Une faille décrochante ?

Ce cratère de 100 m, situé à 29°48’S, 11°27’E sur

les « hautes terres » au nord de Poisson S n’a pas la

forme de bol d’un cratère classique de cette taille.

Sa partie supérieure a été décalée le long d’une

faille, désormais invisible sous le régolite. Cette

faille pourrait être associée à l’escarpement lobé de

Poisson tout proche. Ce cratère est relativement

brillant, ce qui lui donne un âge relativement jeune.

Ceci prouverait, qu’à petite échelle, une tectonique

ait été à l’œuvre relativement récemment et que la

Lune ne serait peut-être pas totalement

géologiquement morte.

Beaucoup de « relativement » et de « peut-être »,

des recherches in situ seraient les bienvenues.

9E REMARQUE : EN BORDURE DES MERS LES RELIEFS SONT TRES ACCENTUES

ET ASYMETRIQUES.

Il existe quatre types de reliefs lunaires:

- les zones montagneuses des hautes terres

- les chaines de montagnes (Montes) et leurs principaux sommets (Mons)

- les pics isolés (Mons)

- les pics centraux

9.1 Les zones montagneuses des hautes terres

Les « terras » ou « continents » sont les zones claires recouvertes de cratères, qui s’élèvent en

moyenne à 2 000 m au-dessus des mers. Avec un albédo moyen de 0,12 elles sont deux fois plus

brillantes que les mers. Contrairement à ce que l’on observe sur Terre - Himalaya, Andes, Alpes…

il n’existe pas de reliefs particuliers provenant d’une dynamique entre les plaques tectoniques

portant en altitude certaines zones.

La topographie de la Lune a été mesurée par altimétrie laser et images stéréo. L’altitude la plus

élevée mesurée sur les continents se trouve au nord-est, une zone proche du bassin géant Pôle Sud

Aïtken. On pense que l’altitude de cette zone a été renforcée par l’apport d’éjectas du bassin PSA,

situé sur la face cachée. La face cachée présente d’ailleurs un excédent d’altitude de 1,9 km par

rapport à la face visible, excédent pouvant avoir comme origine ces éjectas.

Page 127: Clairs de Lune.pdf

123

9.2 Les chaînes de montagnes

Les chaines de montagnes – « Montes » - sont des zones très élevées, étroites, souvent étendues

et formant presque exclusivement le bord extérieur des mers circulaires.

18 chaines ont reçu une dénomination : Montes Agricola, Alpes, Apenninus, Archimedes,

Carpatus, Caucasus, Cordillera, Haemus, Harbinger, Jura, Pyrenaeus, Recti, Riphaeus, Rook,

Secchi, Spitzbergen, Taurus, Teneriffe

Dans la plupart des cas leur nom est celui des chaînes de montagnes terrestres. Deux doivent leur

nom à un cratère proche (Archimedes et Secchi), deux sont associées à des personnages (Rook,

astronome anglais et Agricola, archéologue allemand). Harbinger vient du mot anglais signifiant

« avant-coureur » car lorsque les rayons du Soleil éclairent Montes Harbinger, ils vont bientôt

éclairer Aristarchus.

Quelques Montes parmi les plus élevés.

Montes Rooks 8 200m

Montes Leibnitz 7 900m

Montes Caucasus 6 000m

Montes Apenninus 5 400m

Lorsqu’on observe la Lune un jour après le premier

quartier une chaine de montagne, Montes

Apenninus, apparaissent nettement près du

terminateur. Ils se poursuivent au sud par une partie

des Montes Caucasus et au nord par Montes Alpes.

Sa forme en arc de cercle saute aux yeux.

L’asymétrie est également évidente. La pente est

forte vers l’ouest, partie qui domine Mare Imbrium

alors que la pente est douce vers l’est, où la chaine

se poursuit sur une centaine de kilomètres et parfois

plus.

Les montagnes peuvent être tronquées comme c’est

le cas de Montes Haemus, au sud-est de Mare

Serenitatis. Mais elles présentent elles aussi une

forme recourbée.

Page 128: Clairs de Lune.pdf

124

Les montagnes entourant Mare Crisium, qui n’ont

pas de nom dans la nomenclature, illustrent

également cet exemple. A l’est une partie de

l’enceinte est inexistante d’où sa forme en queue de

poisson. L’impact sous faible incidence n’a pas

permis son édification.

Les montagnes ne plongent pas toujours dans la

mer qu’elles bordent. C’est le cas de Rupes Altaï,

une montagne en forme de croissant de 400 km,

culminant à 3 400 m, qui se trouve à deux cents

kilomètres du centre de Mare Nectaris (en bas à

gauche).

9.21 Une asymétrie révélatrice D'ordinaire l'un des versants de la chaîne est assez escarpé (pentes entre 15° et 35°) alors que

l'autre versant est en pente plus douce. (moins de 15°)

Coupe transversale ouest - est des Montes Apenninus à la hauteur de Mons Ampere.

Longueur 953 km, largeur 100 km, hauteur jusqu'à 5 400 m au Mons Huygens

A gauche (ouest), la zone plate à la cote -2 000

correspond à Mare Imbrium. A droite la cote

-1000 est Mare Vaporum. Le profil

asymétrique est évident entre la partie escarpée

qui domine Mare Imbrium et celle qui descend

doucement vers Mare Vaporum.

9.22 L’origine des chaines de montagnes lunaires

Les chaines de montagnes se trouvent en bordure

des mers. Or nous avons vu que les mers

occupaient les grands bassins d’impact. Les

chaines sont donc les remparts de ces bassins.

Les grands bassins avaient certainement des

anneaux internes et externes, comme ceux, bien

visibles sur Mare Orientale. Ces anneaux ont été

pour la plupart submergés par les flots de lave.

Toutefois certains de leurs sommets les plus hauts

pointent comme des îles à la surface des mers. En

les reliant, on peut reconstituer le profil de

l’anneau dont ils sont les témoins.

Page 129: Clairs de Lune.pdf

125

Voici une hypothèse de reconstitution des anneaux

internes et externes de Bassin Imbrium

Le premier anneau interne laisse apparaitre Montes

Recti, Ténériffe, Mons Pico et Piton, Vinogradov,

Delisle. Le deuxième anneau a pour unique témoin

Montes Spitzbergen.

La partie la plus élevée de l’anneau externe est

constituée des Montes Apenninus, Carpatus,

Alpes, Jura.

Les laves ont comblé la base externe de l’enceinte

en formant Mare Frigoris.

9.3 Le vrai relief de la Lune n’est pas celui que l’on croyait.

Avant les observations d’Harriot et Galilée, afin d’expliquer les teintes observées on imaginait la Lune

habitée (Lucien, 150), réfléchissant le visage de la Terre, recouverte de prairies sombres, parcourue par des

criquets, des nuages. Mais tout cela portait sur l’explication des taches sombres, les mers. Peu de

commentateurs font allusion au relief. Plutarque (110, De la face qui paraît sur la Lune) croit qu’elle est

parcourue de rivières et de gorges profondes. Proclus (vers 450) : « il y a un grand nombre de montagnes,

de villes et d’habitations ». Gruithuisen y localisa en 1822 une ville près de Schröter. Cette absence de

commentaires vient certainement du fait qu’aucune montagne n’est visible à l’œil nu, ni aucun cratère.

Mais dès que l’on observe avec une lunette, les montagnes lunaires sont évidentes ; plus aucune question ne

se pose quant à leur réalité. Par contre l’interprétation des reliefs a été pendant très longtemps erronée

Tout le monde s’accordait pour dire que les

montagnes lunaires étaient très escarpées, leurs

sommets déchiquetés. Ceci se retrouve dans les

descriptions et les croquis de Camille Flammarion

L’astronomie populaire et les dessins d’Hergé,

illustrateurs très documenté lorsqu’il réalisait un

album de Tintin. Pourtant il suffisait d’observer

méticuleusement le limbe pour démontrer qu’il

n’en était rien. L’étude approfondie de cette zone

par Lucien Rudaux (1946) a permis de balayer

l’idée d’un relief de type alpin pour les montagnes

lunaires en le remplaçant par des croupes arrondies

plus proche de reliefs du Massif Central. Ici pas de

murs d’escalade, seulement quelques pentes à 30°.

Pôle sud et ses reliefs tout en douceur. Photo Jocelyn Sérot

Page 130: Clairs de Lune.pdf

126

9.4 Le point le plus haut sur la Lune

Pour calculer une altitude il faut un point de référence. Sur Terre c’est le niveau de la mer. Sur la Lune c’est

l’écart par rapport au rayon moyen de 1738 km.

Le point culminant sur Terre est le sommet de l'Everest, à 8 848 m d'altitude. Avec ses 10 786 m au-dessus

du rayon moyen, le point lunaire le plus élevé dépasse de 1 938 mètres l’Everest. Il se trouve sur la face

cachée, sur le bord du cratère Engelgardt. Cependant, il existe deux différences majeures entre les deux

sommets. L’Everest est un relief relativement récent sur la Terre. Il a été formé à la suite de la collision de

plaques tectoniques indiennes et asiatiques qui ont porté à très haute altitude, au cours d'environ 60 millions

d'années, ce qui était autrefois des fonds marins. Des fossiles ont été prélevés vers 7000 m.

Le point haut lunaire est beaucoup plus ancien que

l’Everest et a probablement été formé il y a 4,36

milliards d’années par l’entassement des éjectas

générés lors de l'énorme impact qui a créé le bassin

Pole Sud Aïtken.

Une autre différence clé entre les deux points est la

topographie. Les flancs du mont Everest sont très

raides, tandis que sur la Lune les pentes qui

conduisent à ce point haut (qui n’a pas de nom) sont

de seulement 3°.

… et le point le plus bas

Il se trouve également sur la face cachée très près

du pôle sud lunaire, près du centre du cratère

Antonialdi. Le point est situé au fond d’un petit

cratère sans nom de 12,8 km lui-même profond de

2.7 km. Le point le plus bas du cratère est à 6,7 km

du sommet des remparts.

Image LRO

10E REMARQUE : EXISTE-T-IL COMME SUR TERRE DES ERES GEOLOGIQUES?

10.1 Superposition et densité

Les scientifiques déterminent l'âge relatif des unités géologiques lunaire de manière assez simple. Ils

utilisent la loi de superposition; ce qui est au-dessus est plus jeune, ce qui est en dessous est plus ancien.

Mais dans certains cas les relations de superposition ne sont pas claires ; les scientifiques comparent alors la

densité de cratères, c'est-à-dire le nombre de cratères d'impact sur une surface constante donnée.

Les cratères d’impact se produisent de façon aléatoire à la fois dans le temps et sur la surface de la Lune ;

chaque unité de terrain a la même probabilité que les autres d’être impactée. Sur un secteur donné le

nombre de cratères augmente au fil du temps. En termes simples, plus une zone est ancienne plus elle

présente un nombre de cratères élevé.

Page 131: Clairs de Lune.pdf

127

A titre d’exemple sur cette image de la région de

Darney Chi, un kipukas, « zone entourée de lave »,

de Mare Cognitum, montre clairement la différence

de densité des impacts entre la surface marine et le

relief. A l’évidence le relief est plus ancien que la

mer.

image Apollo 16

10.11 La détermination de l’âge absolu d’une l'unité géologique

Les comptages de cratères doivent être ensuite reliés

aux datations absolues fournies par les échantillons

de roches ramenés par Apollo et Luna. Apollo 11 et

17 donnent 3,6 - 3,8 milliards d’années, Apollo 12

3,2 milliards d’années. Le comptage de cratères sur

ces zones permet d’extrapoler les résultats à d’autres

zones dont la densité de cratères est identique.

Mais le problème se pose pour des âges inférieurs à

3.2 milliards d’années car aucun basalte plus récent

n’a été échantillonné.

D’après Hiesinger et al, 2012

10.12 Dix cratères = dix évènements indépendants.

Pas si sûr… Des cratères secondaires, issus d’un

évènement unique peuvent venir perturber le

comptage. Ils sont regroupés par « nuages » c'est-à-

dire que leur densité locale est anormalement forte.

(secondaires près de Cassini, LRO). Cette densité

élevée n’est pas compatible avec l’aspect aléatoire

des impacts. Ils ont généralement une forme en V

dite « forme en chevron ». Une fois le repérage

réalisé il suffit de soustraire les cratères secondaires

du comptage. Cela ne donne pas un résultat

rigoureusement exact car des impacts primaires

sous faible incidence peuvent créer des formes en

chevron.

Les résultats obtenus pour la Lune permettent de

dater les planètes et satellites présentant une grande

quantité de cratères.

10.2 Chronologie de la formation des cratères

Les cratères sont à principalement situés à la surface des continents. Ils sont donc postérieurs à la formation

de la croûte lunaire, datée à 4,5 milliards d’années. Ils sont pratiquement absents des mers à partir de 3,9

milliards d’années. La formation des cratères s’est donc située entre 4,5 et 3,9 milliards d’années. Par la

suite le nombre des impacts importants diminue progressivement pour se stabiliser au voisinage du très

faible taux actuel. Sur la Lune aucun cratère de plus de 100 km ne semble s’être formé au cours du dernier

milliard d’années. Parmi les plus récents, seulement deux approchent les 100 kilomètres de diamètre -

Page 132: Clairs de Lune.pdf

128

Tycho (86), Copernicus (93) ; les autres cratères récents sont plus modestes - Kepler (31), Aristarchus (40),

Anaxagoras (51), Proclus (28). Quant au cratère Giordano Bruno, situé sur la face cachée, daté au 11 juin

1178 (mais cette date fait polémique) il ne fait que 20 km de diamètre. Il existe bien d’autres cratères

récents, repérables grâce à leurs auréoles très brillantes mais leur diamètre est de l’ordre de quelques

kilomètres ; comme Censorinus (3,8 km) et le point brillant de Cassini (4.1 x 3.4 km - impact oblique ?)

10.3 Les ères géologiques lunaires

L'échelle des temps géologiques lunaires est l'équivalent sur la Lune de l'échelle des temps géologiques

terrestres. Elle est divisée, depuis sa formation, en 5 périodes principales :

Pré-Nectarien, Nectarien, Imbrien inférieur et supérieur, Eratosthénien, Copernicien.

Les âges sont exprimés en milliard d’années et sont des valeurs moyennes.

10.31 Correspondance terrestre Hadéen : 4,54 à 3,80 milliards d’années. Il commence avec la formation de la Terre et se termine au

moment de l'apparition de la vie. Il recouvre le Pré-Nectarien et le Nectarien.

Archéen : 3,80 à 2,50 milliards d’années. Il correspond à l’Imbrien et une partie de l’Eratosthénien

Paléoprotérozoïque : 2,50 à 1,60 milliards d’années. Il se caractérise par la production d’oxygène par des

cyanobactéries. Il correspond à l’Eratosthénien.

Mésoprotérozoïque : 1,60 à 1 milliard d’années. Formation du premier supercontinent terrestre Rodinia.

Apparition de la reproduction sexuée. Apparition des premiers Acritarches (microfossiles) et des premiers

eucaryotes (cellules à noyau) modernes. Correspond à la deuxième partie de l’Eratosthénien

Néoprotérozoïque : 1 milliard à 542 millions d’années. Paléozoïque (Cambrien au Permien 542 à 252),

Mésozoïque (252 à 65) Cénozoïque (65 à nos jours). Il couvre l’ensemble du Copernicien.

Les cartes du Space Exploration Resources d’Arizona State University sont extrêmement instructives quant

à l’évolution de la formation de la surface lunaire telle que nous l’observons aujourd’hui. Les zones

sombres sont celles encore visibles de nos jours.

10.32 Pré-Nectarien 4,53 à 3,92

Datation d’après The Geologic Time Scale

2012.

Il commence vers 4,53 milliards d’années,

lorsque la croûte lunaire est définitivement

formée. (autre datation 4,55). Il s’achève avec

la formation du bassin Nectaris (3,92).

Quinze bassins sont formés au cours de cette

ère dont quatre importants : Pôle Sud-Aïtken,

le plus ancien mais sur la face cachée,

Fecunditatis, Tranquillitatis. Procellarum (si

toutefois il s’agit d’un bassin d’impact). Au

cours de cette période se produit un intense

bombardement par des météorites de

quelques mètres à plusieurs dizaines de

kilomètres. Les cratères formés alors sont

détruits au fur et à mesure. Seuls les plus

importants subsistent comme Hipparchus,

Maginus, Jansen, Deslandres, Ptolemaeus,

Grimaldi.

Un volcanisme est déjà présent, comme le

prouve des inclusions de basalte dans des

brèches.

Page 133: Clairs de Lune.pdf

129

10.33 Nectarien 3,92 à 3,85

Il débute avec la formation de Mare Nectaris

(3,92 milliards d’années) et s’achève avec

Mare Imbrium (3,85 milliards d’années).

C’est la période du Grand Bombardement

Tardif. Douze bassins à plusieurs anneaux

sont reconnus dans la période Nectarienne y

compris les bassins Serenitatis, Humorum et

Crisium. L’estimation de l’âge de Nectaris

varie actuellement entre 4.10 et 3,92

milliards d’années. Les cratères nectariens

ont des remparts bien visibles mais très

érodés : Bailly, Clavius, Gauss,

Longomontanus, Maurolycus, Fracastorius,

Cleomedes…

10.34 Imbrien inférieur 3,85 à 3,75

L'Imbrien inférieur commence lors de la

formation du bassin Imbrium, 3,85 milliards

d’années et s’achève avec les retombées du

bassin Orientale 3,75 milliards d’années. Il

correspond à la fin du Grand Bombardement

Tardif. Tous les grands bassins sont en place.

Les cratères imbriens sont bien visibles, avec

des remparts émoussés : Petavius, Arzachel,

Cassini, Plato, Posidonius, Sinus Iridum,

Atlas, Archimède…

Page 134: Clairs de Lune.pdf

130

10.35 Imbrien supérieur 3,75 à 3,20

L'Imbrien supérieur commence après la

formation de Mare Orientale (3, 75 ou

3,72 milliards d’années et s’achève à 3,20).

Les impacts survenus pendant l’Imbrien

inférieur ont rendu la croute lunaire moins

épaisse ce qui a permis au manteau supérieur

partiellement fondu de remonter du fait d’une

pression plus faible et de se répandre dans les

anciens bassins d’impact. C’est au cours de

cette période que le manteau a généré les

deux tiers des basaltes qui forment les mers

lunaires. Les cratères situés près du littoral

des mers sont soit envahis (Sinus Iridum),

soit remplis de lave marine par leur base

(Plato)

10.36 Eratosthénien 3,20 à 1,10

Il commence vers 3,20 milliards d’années

et s’achève il y a 1,10 milliard d’années.

La fin de cette période correspond à celle

où, sur les mers, les matériaux brillants

arrachés par les impacts deviennent foncés

sous l’influence de l’érosion spatiale. Ce

phénomène nécessite donc environ 1

milliard d’années. Cratères jeunes sans

système rayonnant : Langrenus,

Pythagoras, Theophilus…

Page 135: Clairs de Lune.pdf

131

10.37 Copernicien 3,10 à nos jours

C’est la période géologique la plus récente

de la Lune. Malgré son nom, le début du

Copernicien ne correspond pas à la

formation du cratère Copernicus. L'âge de

début de cette période n'est pas précis,

mais on retient généralement la date de

1,10 milliard d’années. La présence de

systèmes rayonnants brillants est la

caractéristique qui permet de dater un

cratère situé sur une mer comme

appartenant au copernicien. Une trentaine

de cratères de plus de 30 km datent de

cette période

Les cratères coperniciens sont jeunes, avec

système rayonnant : Copernicus, Tycho,

Kepler, Aristarchus, Proclus…

10.4 Petite chronologie lunaire sur une image d’amateur

Les formations sont classées par âge (milliards d’années), de la plus ancienne à la plus récente, de l'océan

magmatique qui a formé la croute d'anorthosite (1) à Tycho, âgé de « seulement » 85 millions d’années

(22). D’après Charles Wood sur une idée de Gonzalo Cao.

1 Croûte anorthositique 4.55/4.53 2 SPA - Montes Leibnitz 4.00 3 Nubium 4.55/3.92 4 Ptolemaeus 4.50/3.92 5 Alphonsus 3.92/3.85 6 Nectaris 3.92 / 3.85 7 Humorum 3.92/3.85 8 Humboldtianum 3.92 / 3.85 9 Serenitatis 3.85/3.80 10 Crisium 3.85/3.80 11 Piccolomini 3.85/3.20

12 Imbrium 3.85 13 Orientale 3.75 14 Laves de Tranquillitatis 3.50 15 Hausen 3.50 16 Theophilus 3.00 17 Aristoteles 2.70 18 Lave sombre est Rümker 1.50 19 Laves S et O plateau Aristarchus 1.20 20 Copernicus 800 millions 21 Aristarchus 174 22 Tycho 109 - 85

Page 136: Clairs de Lune.pdf

132

TROISIEME CLAIR DE LUNE

LA LUNE AU 200 MM

J’ai maintenant une bonne pratique de l’astronomie et en particulier de la Lune. En m’appuyant sur des

atlas de qualité comme le Rükl et le 21st Atlas of the Moon , je peux définir des programmes - recherche de

lacs et marais d’origine « marine » ou formés par des éjectas fondus, les petits reliefs des formations

d’origine volcanique ou tectonique, des zones à albédo particulier ou des formations très spécifiques

comme les cratères concentriques, les sculptures d’Imbrium ou des formations imaginaires comme la cité

de Gruithuisen. Dans de bonnes conditions d’observation une multitude d’objets très fins comme Rimae

Hyginus, Hadley, Hippalus, les dômes de Milichius, Rima Birt, Hesiodus A et bien d’autres sont

accessibles. La limite est fixée par le pouvoir séparateur de mon télescope donc à son diamètre.

Mais pour être efficace il faut préparer les observations.

De nombreux logiciels existent, qui s’avèrent très utiles. L’un parmi les plus connus – à juste titre – l’Atlas

Virtuel de la Lune de Christian Legrand et Patrice Chevalley. Cet atlas, très facile d’utilisation, permet de

connaitre la configuration de la Lune à une date précise, de savoir quels objets sont proches du

terminateur, de les classer en fonction de leur intérêt, de visualiser les librations, de connaitre à la seconde

près la valeur de données comme la position de la Lune, la colongitude…

Le Lunar 100, de Charles Wood, permet d’établir une progression parmi les objets observés, du plus facile

(la Lune dans son ensemble) au plus difficile (les swirls de Mare Marginis). On peut enfin établir un

programme en fonction de la lunaison et, pour chaque période, aller de la formation la plus évidente à la

plus discrète.

Fort de ces informations je peux, avec mon 200 mm, rechercher et observer des détails très fins, en théorie

deux reliefs distants de 1,12 km ou des cratères de ce diamètre ; en tous cas beaucoup plus fins qu’avec

mon 115 mm. L’utilisation d’une caméra associée à un logiciel approprié permet, lorsque la turbulence est

faible, de réaliser des images très nettes. Je peux alors « faire chanter » ces images et repérer des

structures très difficiles à observer derrière l’oculaire ou à figer dans une photo unique. Bien qu’il soit

utile dans certains cas, on peut dire que désormais, il est loin le temps du croquis scientifique ou celui de la

photo argentique ; on peut le regretter mais c’est comme ça.

Mais le danger est de rechercher en priorité l’exploit photographique (faire apparaitre nettement la

rainure au fond de Vallis Alpes par exemple) plutôt que de « faire un peu de science » à partir d’images

correctes sans pour autant être exceptionnelles. C’est un peu le même problème en ciel profond, l’image

pour l’image.

Mais que ce soit en visuel ou à partir d’une image il est indispensable de synthétiser l’observation dans un

CROA. Celui proposé en début de chapitre, a été rédigé lors d’une promenade dans la partie nord-ouest de

la Lune, promenade conclue par une image composée à partir de deux films.

Le dessin permet également de fixer l’évolution de détails au fur et à mesure de la progression de l’ombre.

Pour beaucoup d’entre nous, c’est une technique très difficile à maitriser mais elle est intéressante car

nous n’avons pas toujours sous la main une caméra et un ordinateur. Les cartes de l’université d’Arizona

peuvent faciliter les relevés.

Reste-il une place pour les amateurs dans l’étude de la Lune ? Certains pensent que non. Peut-être ont-ils

raison. Les sondes en orbite nous apportent en permanence une multitude de données dont certaines ont

révolutionné la sélénologie et posé les jalons pour une meilleure connaissance des autres planètes et de

leurs satellites. Dans ce jeu, la place de l’amateur est certes limitée. Toutefois certains cherchent à tirer le

maximum des informations contenues dans les images de sondes comme celles de Lunar Reconnaissance

Page 137: Clairs de Lune.pdf

133

Orbiter. D’autres participent à l’observation de Phénomènes Lunaires Transitoires (PLT) en relation avec

The Association of Lunar and Planetary Observers.

Pour d’autres, beaucoup d’autres, c’est à la fois le recherche de la progression dans la connaissance, le

plaisir d’avoir pu mettre en valeur une formation que l’on recherche depuis longtemps, réaliser une belle

photo bien équilibrée et porteuse d’informations, le plaisir de partager.

Qu’ai-je remarqué ?

Il est nécessaire de conserver une trace écrite précise des observations, date, heure, lieu, objet,

conditions, instruments, points remarquables…

La finesse des détails dépend de mon instrument.

Les atlas papier ou numériques permettent d’observer des formations d’origine multiples

lacus, sinus et autres formations « aquatiques »

petits reliefs

anciens volcans ou des failles d’origine tectoniques

formations de quelques kilomètres soit très brillantes ou, au contraire, très sombres

mini cratères alignés

formations exotiques, lettres de l’alphabet, villes imaginaires…

Les photos permettent de rentrer dans le détail et surtout de mesurer des longueurs et des

altitudes.

Page 138: Clairs de Lune.pdf

134

SOMMAIRE

La Lune au 200 mm

1RE

REMARQUE – Pages 136 - 137. IL EST NECESSAIRE DE CONSERVER UNE TRACE

ECRITE PRECISE DES OBSERVATIONS 1.1 Le CROA

2E

REMARQUE – Pages 138 - 139. LA FINESSE DES DETAILS DEPEND DE MON

INSTRUMENT 2.1 Le pouvoir séparateur

2.2 L’échantillonnage

3E

REMARQUE – Pages 139 à 142. LES ATLAS PAPIER OU NUMERIQUES

PERMETTENT D’OBSERVER DES FORMATIONS D’ORIGINE MULTIPLES 3. 1 Les atlas, cartes et sites

3.2 Une progression parmi d’autres : le Lunar 100

4E

REMARQUE – Pages 142 à 171 DES OBSERVATIONS VISUELLES ET

PHOTOGRAPHIQUES PERMETTENT DE RENTRER DANS LE DETAIL 4.1 - Les zones « aquatiques »

4.11 Lacus : les lacs

4.12 Le « Lake District »

4.13 Les cryptomers

4.14 Palus : les marais

4.15 Sinus : les golfes ou baies

4.16 Les étangs

4.2 - Les petits reliefs

4.21 Promontorium, promontoria : les promontoires.

4.22 Mons : les monts

4.23 Dorsa : les crêtes et rides marines

4.3 Les formations d’origine tectonique

4.31 Les rimae : rainures

4.32 Les rainures concentriques

4.33 Les rainures rectilignes

4.34 Les rimae des cratères à fonds fracturés

4.35 Rupes : les murs

4.36 Valles : les vallées

Page 139: Clairs de Lune.pdf

135

4.4 - Les petites formations d’origine volcanique

4.41 Les rainures sinueuses

4.42 Domus : les dômes

4.43 Les évents et les dépôts pyroclastiques

4.44 Les cônes volcaniques

4.45 Ina. Unique sur la Lune ? Plus maintenant

4.5 Les formations à albédo particulier

4.51 Les points brillants

4.52 Les Dark Halo Craters (DHC) d’origine météoritique

4.53 Les swirls

4.6 Cratères associés

4.61 Les cratères secondaires

4.62 Les sculptures d’Imbrium, des secondaires qui ne sont ni des cratères ni des vallées

4.63 Chaines de cratères. Catena

4.7 Cratères et formations « exotiques »

4.71 Les cratères concentriques

4.72 Formations exotiques, lettres de l’alphabet, travaux publics et villes imaginaires…

5E

REMARQUE - Pages 172 à 177. LES PHOTOS PERMETTENT DE RENTRER DANS LE

DETAIL ET D’EFFECTUER DES MESURES : LONGUEURS ET ALTITUDES 5.1 Mesurer une distance, une longueur

5.2 Mesurer une altitude

5.3 Un peu plus de précision

5.31 Détermination de longueur et de hauteur sur la Lune

5.32 Correction pour la longueur de l’ombre

5.33 Calcul de la hauteur du Soleil

5.34 Calcul de la hauteur en fonction de la longueur de l’ombre

5.4 Exemple : Theophilus et Promontorium Laplace

QUELQUES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET AUTRES - Pages 178 à 179 Sites Internet

Sites généraux

Site d’astronomes amateurs

Exploration lunaire

Atlas, cartes, ouvrages

Géologie

Ouvrages consultés

180E ET DERNIERE PAGE

Page 140: Clairs de Lune.pdf

136

1

RE REMARQUE : IL EST NECESSAIRE DE CONSERVER UNE TRACE ECRITE PRECISE

DES OBSERVATIONS

1.1 Le CROA

COMPTE RENDU D’OBSERVATION ASTRONOMIQUE

Date : 25 janvier 2013

Heure UT : début 20 h 31, fin à 20 h 55

Age de la Lune : 14,03 à 14,05 jours

Colongitude : 78°1’ à 78°3’

Vent nul

Turbulence faible

Seeing : 4/5

Image : 2 avi de 3000 images avec DMK 31 AS filtre rouge W23 au foyer Takahashi 210 à f/d 11.5

Traitement Registax 6, Adobe Photoshop CS3, Photomerge

Page 141: Clairs de Lune.pdf

137

Rédaction : 26 janvier 2013

Nous sommes ici dans la partie occidentale d’Oceanus Procellarum - hypothétique bassin d'impact

-délimité au nord-ouest par les trois cratères très anciens (datés à plus de 3,92 milliards d’années)

noyés par les laves : Russell, Struve et Eddington.

Eddington est un cratère inondé très similaire à Fracastorius. Il est incliné comme s’il se situait

sur un hypothétique bassin aujourd’hui disparu, le bassin Procellarum ; des flots de laves l’ont par

la suite envahi, submergeant presque totalement ses remparts sud-est. Sur son arène une paire de

parenthèses représentent tout ce qui reste du petit cratère Eddington P. Sur la partie nord de

l'arène une ligne pâle est à peine visible. Est-ce une rainure ou une faille peu prononcée, une sorte

de Mur Droit à petite échelle, mais moins abrupte ?

A l’ouest d’Eddington se trouvent deux grands cratères qui se chevauchent, Struve et Russell,

respectivement 170 et 103 km de diamètre. Il est difficile de dire lequel des deux s’est formé en

premier car la lave qui a inondé Eddington les a également presque entièrement submergés. Il y a

toutefois quelques indices. Tout d'abord, les remparts de Struve semblent un peu plus dégradés.

La partie occidentale semble également plus basse, mais nous devons prendre en compte l'effet dû

à la perspective. Autre indice, l’arène de Russell est plus lisse, elle présente moins de cratères

d'impact. L’arène de Struve présente aussi quelques petites crêtes qui, soit dit en passant et pour

une raison inconnue, semblent toutes orientées nord-sud, alors que Russel semble plat comme un

miroir. Mais on peut aussi supposer que les laves qui ont rempli Russell sont plus jeunes.

Au nord-est de Russel un petit cratère récent, Lichtenberg, présente un système rayonnant

incomplet et se trouve à la limite de deux coulées de lave de teintes différentes. Certains

planétologues pensent que les laves de cette région sont parmi les plus récentes de la lune ; elles

auraient submergé une partie du système rayonnant de Lichtenberg, ce qui expliquerait l’absence

de raies au sud du cratère.

A l’est du grand trio, en plein océan, un raccourci saisissant de 3,5 milliards d'années conduit au

jeune cratère Aristarchus (174 millions d’années), avec son éclatant système de raies.

Au sud, Krafft et Cardanus, deux cratères de 50 km de diamètre datant de l'Imbrien Supérieur

(3.75 à 3.2 milliards d’années), sont reliés par une chaîne d'impacts secondaires appelée Catena

Krafft.

Issue de Glushko, une raie brillante passe au voisinage de Cardanus avant de bifurquer vers

Seleucus. Pourquoi ce changement de direction ?

Le site d'alunissage de la sonde Luna 9 (3 février 1966), Planitia Descensus, se situe juste au sud

de Krafft, à l'ouest du petit cratère Galilaei. Surprenant, au passage, qu'un tel génie ait hérité d'un

si petit cratère - Riccioli avait la rancœur tenace.

Au sud la forme claire dessinée par Reiner Gamma est un swirl associé à une forte anomalie

magnétique.

Les collines de Marius sont malheureusement invisibles sous cet éclairage qui, en revanche, fait

ressortir le brillant système de raies de Kepler.

Repartons maintenant vers le nord pour rejoindre le plateau d’Aristarque, Il présente ici une teinte

grise mais certains l’ont perçu faiblement coloré avec une délicate teinte vert moutarde. Outre les

cratères Herodotus et Aristarchus, un des plus brillants cratères de la Lune, le plateau permet de

repérer très facilement l’une des plus grandes Rima lunaires, Vallis Schroteri, qui entaille le

plateau situé au nord-ouest du cratère.

Au nord, Montes Agricola marquent la limite avec Oceanus Procellarum.

Page 142: Clairs de Lune.pdf

138

2E

REMARQUE : LA FINESSE DES DETAILS DEPEND DE MON INSTRUMENT

Un télescope de 200 mm permet d’observer des détails très fins, d’étudier des formations

difficiles à déceler comme les rimae, les dômes, les dorsa, les chaines de petits cratères… Il est

même possible d’en mesurer les dimensions, l’altitude ; autrefois grâce à des micromètres,

aujourd’hui sur des photos.

2.1 Le pouvoir séparateur

On peut déterminer la distance T entre deux formations que peut résoudre un instrument, c'est-à-dire

séparer deux points – deux montagnes par exemple - par la relation :

T = tan (R / 3 600) x D

D est la distance de l'objet observé, et R le pouvoir de résolution en seconde d'arc (R = 120/diamètre

de l’instrument), T et D conservent la même unité.

Par exemple, un télescope de 200 mm (R = 120/200 = 0,6"), pourra séparer sur la Lune située à une

distance moyenne D de 384 000 km, des détails distants de : tan (0,6 / 3 600) x 384 000 = 1,12 km

(T).

Diamètre

instrument

Résolution

en ’’

Distance Terre Lune (km)

D R=120/D 356 375 384 000 406 720

Résolution en km

115mm 1,0435 1,803 1,942 2,057

150 0,8 1,382 1,489 1,557

200 0,6 1,037 1,120 1,183

300 0,4 0,691 0,744 0,794

400 0,3 0,518 0,558 0,591

Un télescope de 1 m permettra de séparer deux formations distantes de : tan [(120 / 1000)] / 3600 x

384000.103 = 223 m !

Mais ces données sont théoriques et supposent des conditions parfaites d’observation.

2.2 L’échantillonnage

L'échantillonnage est la portion angulaire de ciel vue par un pixel et permet de calibrer les images,

Il est calculé à partir d’une formule simplifiée mais suffisamment précise :

E = 206 x P / f

E = échantillonnage est exprimé en secondes d’arc

avec

P = taille du pixel en micron

f = focale de l’instrument en mm

L’échantillonnage souhaitable = résolution théorique R de l’instrument / 2 ou 3

Résolution théorique = R = 120 / D

avec D = diamètre de l’instrument en mm.

Exemple :

Takahashi Mewlon 210

f = 2415mm.

Diamètre utile du miroir 210mm.

Pouvoir séparateur théorique R = 120/D = 0,6’’

Caméra DMK 31

Taille du pixel P = 4,65 microns

Echantillonnage résultant

E = 206 x 4.65/2415= 0,396’’

Page 143: Clairs de Lune.pdf

139

Si, au moment de l’observation, la Lune a un diamètre apparent de 31’10’’ soit 31 x 60 + 10 =

1870’’

pour un échantillonnage = 0,396’’, un pixel couvre (3 464 km/1 870’’) * 0.396 = 733 m

Echantillonnage souhaitable :

E = Résolution / 2 ou 3 soit 0,6’’ / 2 ou 3 = 0,2’’ à 0,3’’

L’échantillonnage à 0,396’’ (> 0,2’’) est un « sous-échantillonnage »

Pour obtenir E = 0,2’’ il faut une focale résultante f = (4,65 x 206) / 0,2 = 4 798 mm

Rapport 4 798/2415 = 1,9

Avec une Barlow x2, proche du rapport 1.9, on obtient E = 0,198’’ proche de 0,2’’

Dans cette configuration 0,198’’ couvre 679 m.

3E

REMARQUE : LES ATLAS PERMETTENT DE PREPARER LES OBSERVATIONS

3.1 Quelques atlas, cartes et sites

Atlas Rükl

The 21st atlas of the moon et The Modern Moon: Charles Wood

Atlas Virtuel de la Lune Christian Legrand, Patrick Chevalley

Les cartes d’Arizona State University accessibles par le site System of Lunar Craters

Site du Lunar Reconnaissance Orbiter et en particulier Act React Quick Map

Une liste des sites et ouvrages est données à la fin du livre.

3.2 Le LUNAR 100, une progression parmi d’autres

Le Lunar 100 est une liste établie par Charles Wood, publiée en avril 2004 dans la revue Sky and

Telescope. L 100 propose une sélection de 100 sites parmi les plus intéressants.

Les objets sont globalement présentés en fonction d’une difficulté croissante d’observation. Il n'est pas

possible de les observer tous sur une seule lunaison. Certains sites lunaires peuvent être observées avec

éclairage solaire rasant, tandis que d'autres doivent être observés lors de la pleine lune. D’autres situés à

proximité du limbe nécessitent une libration favorable.

Les premiers objets répertoriés peuvent être observé avec des jumelles. La plupart peuvent être vus avec

un télescope de 115 mm, mais quelques-uns nécessiteront un 200 voire plus.

Résumé de l'article de Charles Wood : Lunar 100 Sky and Telescope Avril 2004.

Le Lunar 100 permet de s’initier à l’évolution du paysage lunaire. Mosting (L61) est le prototype des

cratères simples en forme de bol. À mesure qu'ils grandissent en taille la paroi du cratère s'effondre en

terrasses et il y a souvent un pic central. Copernic (L5) présente le stade final de l’évolution d’un grand

cratère avec un massif central formé de plusieurs pics. Des débris de roches pulvérisées par l’impact

peuvent être projetés sous forme de raies brillantes - Tycho (L6), Proclus (L12) - ou parsemant la surface

lunaire d’un essaim ou d’une chaine de cratères secondaires comme ceux de Copernic près de Pythéas

(L69). La chaîne de cratères secondaires la plus connue est Vallis Rheita (L58).

De nombreux cratères recouvrent et détruisent d’anciens cratères, par exemple les cratères ruinés

Boscovich et Jules César (L63) ainsi que l’ensemble J. Herschel, Babbage et W. Bond (L76).

Les mers ont pour origine des bassins d'impact et les chaines de montagnes en forme d'arc qui les

bordent sont tout simplement les enceintes de ces bassins d'impact. Par exemple, les Apennins (L4),

Altaï (L7) et Leibniz (L96).

La formation des bassins d’impacts a créé des systèmes de faille ont permis au magma de s'échapper et

de remplir ces bassins. Certaines laves ont coulé sur une centaine de kilomètres comme dans mare

Imbrium (L98) Les laves expulsées au cours de centaines de millions d'années présentent les variations

de teintes correspondant à de variations de composition chimique, par exemple la lave sombre autour de

sud-est Serenitatis (L18).

Le poids des laves au centre du bassin a entrainé une inclinaison des bordures formant ainsi des rainures

concentriques comme celles de la région d’Hippalus (L54). Des forces ont comprimé certaines coulées

Page 144: Clairs de Lune.pdf

140

de lave produisant des crêtes marines, par exemple, la crête Serpentine (L33). Dans certains cas le sol

s’est affaissé : rupes Recta (L15) et rupes Cauchy (L48).

Des rainures sinueuses d’origine volcanique sont visibles sous la forme de canaux de faible largeur avec

des berges pentues : Vallis Schroteri (L17), rima Hadley (L66).

D’autres rainures, souvent associées en série, ont des fonds plats, des parois plus abruptes et parallèles.

Rima Ariadaeus (L29), rima Triesnecker (L35), Vallis Alpes (L19). Elles sont d’origine tectonique.

Lorsque le magma atteint la surface, il peut entrainer la fracturation de l’arène de certains cratères, par

exemple, Gassendi (L13), Posidonius (L20) et Taruntius (L31). D’autres cratères ont été complètement

remplis par laves marines, par exemple Archimède (L27). Dans certaines régions la lave s’est répandue

lentement sur la surface et à refroidi sans couler très loin, formant ainsi des monticules circulaires ou des

dômes. Ceux-ci semblent s’être concentrés dans certaines zones, par exemple près d’Hortensius (L65),

Arago (L32) et à l'ouest de Marius (L42).

Au final, L100 présente un large éventail de structures géologiques observées à la surface de la Lune.

Beaucoup ont des équivalents sur Terre, ce qui en fait un exercice intéressant et enrichissant.

Les sites Lunar 100

1 Lune Un gros satellite

2 Lumière cendrée Une double réflexion de la lumière solaire

3 Mer / continent Deux aspects, deux compositions

4 Montes Apenninus La bordure du bassin Imbrium

5 Copernicus L’archétype d’un cratère complexe

6 Tycho Grand cratère à système rayonnant avec des

roches fondues par l’impact

7 Rupes Altaï La bordure du bassin Nectaris

8 Theophilus, Cyrillus, Catharina Une séquence qui illustre des étapes de

dégradation

9 Clavius Ce n’est pas un bassin malgré sa taille

10 Mare Crisium Mer dans un large bassin circulaire

11 Aristarchus Cratère très brillant avec des bandes sombres sur

les remparts

12 Proclus Cratère à auréole issu d’un impact oblique

13 Gassendi Cratère à fond fracturé

14 Sinus Iridum Très grand cratère auquel il manque une partie de

l’enceinte.

15 Rupes Recta Le prototype d’une faille lunaire

16 Petavius Cratère à fond bombé et sol fracturé

17 Vallis Schroteri Très longue fissure sinueuse

18 Mare Serenitatis (bordure sombres) Zones marines de différentes compositions

19 Vallis Alpes Graben lunaire

20 Posidonius Cratère à fond fracture

21 Fracastorius Cratère à plancher surélevé et fracturé

22 Plateau d’Aristarque Région surélevée du manteau avec des zones

pyroclastiques. Mal expliquée

23 Pico Un fragment isolé du rempart du bassin Imbrium

24 Rima Hyginus Rainure composée de cratères en forme de puits

sans rebord

25 Messier et Messier A Double cratère issu d’un ricoché oblique

26 Mare Frigoris Mer en forme d’arc d’origine mal définie

27 Archimedes Grand cratère sans pic central

28 Hipparchus Le premier cratère à être dessiné.

29 Rima Ariadaeus Long graben linéaire

30 Schiller Possible impact oblique

31 Taruntius Jeune cratère à fond fracturé

32 Arago Alpha and Beta Dômes volcaniques

33 Crête Serpentine Eléments de l’anneau intérieur d’un bassin

Page 145: Clairs de Lune.pdf

141

34 Lacus Mortis Cratère particulier avec des rainures et des crêtes

marines

35 Rima Triesnecker Groupe de rainures et crêtes

36 Bassin Grimaldi Petit bassin avec deux anneaux

37 Bailly Bassin à peine visible

38 Sabine et Ritter Possible impact simultané

39 Schickard Cratère dont le sol présente des bandes d’éjectas

d’Orientale

40 Rima Janssen Exemple très rare d’une rainure continentale

41 Raie de Bessel Raie brillante d’origine incertaine

42 Collines de Marius Complexe de collines et dômes volcaniques

43 Wargentin Cratère totalement rempli de lave ou d’éjecta

44 Mersenius Plancher bombé parsemé de cratères secondaires

45 Maurolycus Région saturée de cratères

46 Pic central de Regiomontanus Pic pouvant être d’origine volcanique

47 Points sombres d’Alphonsus Zones sombres d’origine volcanique sur le

plancher

48 Zone de Cauchy Zone de failles, rainures et dômes.

49 Gruithuisen Delta et Gamma Dômes volcaniques formés par des laves

visqueuses

50 Plaine de Cayley Plaine plate et claire d’origine incertaine

51 Davy Chaine de cratères résultant de l’impact d’une

comète fracturée

52 Crüger Possible caldeira volcanique

53 Lamont Possible bassin recouvert par les laves

54 Rima Hippalus Rainures concentriques par rapport au bassin

Humorum

55 Baco Cratère à plancher lisse particulier

56 Mare Australe Ancien bassin d’impact partiellement comblé

57 Reiner Gamma Forme tourbillonnaire claire associée à une

anomalie magnétique

58 Vallis Rheita Chaine de cratères secondaires

59 Bassin Schiller-Zucchius Bassin fortement dégradé

60 Kies Pi Dôme volcanique

61 Mosting A Cratère simple proche du centre de la face visible

62 Mons Rümker Grand dôme volcanique

63 Sculpture d’Imbrium Découpes provoquées par les éjectas dans les

zones de Boscovich et Julius Caesar

64 Descartes Zone d’alunissage d’Apollo 16; possible zone de

volcanisme continental

65 Dômes d’Hortensius Zone de dômes au nord d’Hortensius

66 Rima Hadley Chenal de lave près de la zone d’alunissage

d’Apollo 15

67 Fra Mauro Zone d’alunissage d’Apollo 14 composée par les

éjectas d’Imbrium

68 Flamsteed P Considéré comme un cratère récent d’origine

volcanique. Zone d’alunissage de Surveyor 1

69 Secondaires de Copernicus Raies brillantes et craterlets près de Pythéas

70 Bassin Humboldtianum Bassin d’impact à anneaux multiples

71 Zone sombre de Sulpicius Gallus Eruption de cendres au nord-ouest du cratère

72 Cratères à halo sombre d’Atlas Puits éruptifs sur le plancher d’Atlas

73 Bassin Smythii Bordures et mer difficiles à observer

74 Copernicus H Cratère d’impact à halo sombre

75 Ptolemaeus B Dépression en forme de soucoupe sur le plancher

de Ptolemaeus

Page 146: Clairs de Lune.pdf

142

76 W. Bond Grand cratère dégradé par les éjectas d’Imbrium

77 Rima Sirsalis Rainures radiales au bassin

78 Lambert R Cratère fantôme recouvert

79 Sinus Aestuum Dépôt sombre d’origine volcanique

80 Orientale basin Le plus jeune des bassins d’impact

81 Hesiodus A Cratère concentrique

82 Linné Petit cratère que certains ont cru voir disparaitre

83 Craterlets de Plato craterlets à la limite de la perception

84 Pitatus Cratère à rainures concentriques

85 Raies de Langrenus Ancien système de raies

86 Rima Prinz Système de rainure proche de ce cratère

87 Humboldt Cratère avec pic central et zones sombres

88 Peary Cratère de la zone polaire difficile à voir

89 Dômes de Valentine Dômes Volcaniques

90 Armstrong, Aldrin and Collins Petits cratères proches du site d’Apollo 11

91 Rima De Gasparis Zone présentant de nombreuses rainures

92 Vallis Gylden Partie des sculptures radiales d’Imbrium

93 Dionysius Cratère à raies sombres inhabituelles

94 Drygalski Grand cratère du pôle sud

95 Bassin Procellarum Le plus grand bassin de la Lune mais hypothétique

96 Montes Leibnitz Bordure du bassin South Pole-Aïtken

97 Vallis Inghirami Vallée créée par les éjectas d’Orientale

98 Coulées de lave d’Imbrium Teintes différentes marquant les limites des

coulées

99 Ina Caldera récente en forme de D d’origine

volcanique

100 Swirls de Mare Marginis Possibles dépôts résultant d’un champ magnétique

4E

REMARQUE: OBSERVATIONS VISUELLES ET PHOTOGRAPHIQUES PERMETTENT

D’OBSERVER DES FORMATIONS AUX ORIGINES MULTIPLES

4.1 - Les zones « aquatiques »

C’est en comparant la Lune à la Terre que les premiers cartographes lunaires ont défini les termes dont la

plupart sont aujourd’hui toujours officiellement en vigueur. Ils avaient sous les yeux les montagnes, les

continents, les mers, les lacs, les marais et c’est donc tout naturellement qu’ils ont utilisé ces termes pour

désigner ce qui n’était pas vraiment continental.

4.11 Lacus : les lacs

Nom latin Nom français Diamètre Nom latin Nom français Diamètre

Lacus Aestatis Lac de l'Été Orientale Lacus Oblivionis Lac de l'Oubli face cachée

Lacus Autumni Lac de l'Automne Orientale Lacus Odii Lac de la Haine Nord Vaporum

Lacus Bonitatis Lac de la Bonté N O

Crisium Lacus Perseverantiae

Lac de la

Persévérance

Sud

Crisium

Lacus Doloris Lac des Tourments Nord Vaporum Lacus Solitudinis Lac de la Solitude face cachée

Lacus Excellentiae Lac de la Perfection S O

Humorun Lacus Somniorum Lac des Songes Nord Serenitatis

Lacus Felicitatis Lac de la Félicité Nord Vaporum Lacus Spei Lac de l'Espérance Limbe nord est

Lacus Gaudii Lac de l'Allégresse Nord Vaporum Lacus Temporis Lac du Temps Nord Est

Lacus Hiemalis Lac de l'Hiver Nord Vaporum Lacus Timoris Lac de l'Effroi S O

Nubium

Lacus Lenitatis Lac de la Tendresse Nord Vaporum Lacus Mortis Lac de la Mort Nord Serenitatis

Lacus Luxuriae Lac de la Luxuriance Face cachée Lacus Veris Lac du Printemps Orientale

Page 147: Clairs de Lune.pdf

143

De forme irrégulière, les Lacus se situent à l’intérieur des terres et sont repérables comme des zones

sombres formées de lave marine dans un environnement clair anorthosique. Leurs dimensions varient de 50

à près de 200 km ; deux approchent les 400 km.

Au nombre de 17 sur la face visible et 3 sur la face cachée, ils sont souvent regroupés: deux sont bien

visibles – Lacus Mortis et Somniorum au nord de Posidonius et à l’ouest d’Hercule. Les trois autres –

Veris (printemps), Aestatis (été) et Autumnae (automne) - sont très proches de Mare Orientale. Veris et

Aestatis sont au nord-ouest de Crüger et Autumnae longe Montes Cordillera. Deux sont isolés : Lacus

Temporis près d’Hercule et Atlas, Lacus Spei près du limbe nord-est.

4.12 Le « Lake District »

Tout comme l’Angleterre possède le « Lake

district », la Lune a également le sien, une zone

située entre Mare Serenitatis et Mare Vaporum. Elle

regroupe six lacus : Doloris, Felicitatis, Gaudii,

Hiemalis, Lenitatis et Odii.

Ils occupent des dépressions à l’intérieur des éjectas

de Serenitatis. Aucun grand cratère n’étant à

proximité, ils n’auraient pas pour origine des

retombées de roches fondues par impact mais peut-

être des remontées de basalte le long de fractures

créées lors de la formation de Mare Serenitatis.

4.13 Les cryptomers L’image associée aux lacus pose une question. Les lacs sont-ils indépendants les uns des autres, c'est-à-dire

que chacun a pour origine une manifestation éruptive qui lui est propre ou sont-ils la résultante d’un

processus plus large ?

La réponse peut être obtenue en comparant la couleur des laves de la zone étudiée à celle de la

lave marine. Si la couleur correspond, la présence d’une « cryptomer», c'est-à-dire d’une ancienne

mer enfouie sous les éjectas, peut être envisagée. Un autre indice peut être la présence sur des

éjectas clairs de Dark Halo Craters (DHC) qui trahissent celle de lave marine sombre sous la

couche d’éjecta.

Ci-dessus à gauche : zone de Lacus Perseverantiae, Mare

Spumans et Mare Undarum au sud de Mare Crisium. Au centre :

Mare Australe. A droite : au nord de Schickard, l’alignement en

forme d’une demi-ellipse peut être l’indice d’une « cryptomer »

recouverte par les éjectas de Mare Orientale. Ci-contre : au sud-

est de Schickard, possibilité de « cryptomer » recouverte par

des éjectas. Au nord-est Lacus Timoris pourrait marquer la

partie nord d’un ancien bassin d’impact Zucchius Schiller

envahi par la lave.

Page 148: Clairs de Lune.pdf

144

4.14 Palus : les marais On ne s’attend pas à une nomenclature réjouissante pour désigner les trois marais lunaires situés en bord de

mer : Epidemiarium (épidémie), Putredinis (putréfaction) et Somni (sommeil).

Nom latin Nom français Plus grande longueur (km)

Palus Epidemiarium

Nord-ouest de Mare Nubium

Marais des Epidémies

286

Palus Putredinis

Ouest de Montes Apenninus

Marais de la Putréfaction

161

Palus Somni

Ouest de Mare Crisium

Marais du Sommeil

143

Palus Epidemiarium Palus Putredinis Palus Somni

Palus Epidemiarium : outre la présence de rainures entrecroisées, du cratère double Marth et qu’il soit le

point de départ de Rima Hesiodus, il ne présente pas d’intérêt particulier, enclavé qu’il est dans les reliefs

de la bordure sud-ouest de Mare Nubium.

Palus Putredinis : à observer au premier quartier et juste après, cette zone est géologiquement complexe.

On y trouve d’anciens tubes de lave ou canaux d’écoulement (Rima Hadley), des rimae concentriques

(Bradley, Fresnel) et radiales (Bradley IV et VI). Mais c’est le sol qui retient l’attention. Il est

remarquablement lisse, faiblement cratérisé, preuve qu’il est récent. Toutefois la présence d’éjecta

provenant d’Autolycus montre qu’il est antérieur à 1,1 milliard d’années – compris entre 3,8 et 1,1.

Certains avancent que Palus Putredinis serait apparu à la suite d’un glissement de terrain vers l’ouest, qui

aurait affecté la bordure de Montes Apenninus.

Palus Somni : les deux paludes précédents sont définis par des caractéristiques physiques ; Somni se

distingue uniquement par sa teinte grise claire limitée à l’est par les éjectas brillants de Proclus et à l’ouest

par les laves sombres de Mare Tranquillitatis. Si les éjectas de Proclus n’avaient pas souligné cette zone,

Somni n’aurait certainement pas été défini comme une entité à part entière.

4.15 Sinus : les golfes ou baies

Page 149: Clairs de Lune.pdf

145

11 golfes sont répertoriés dans l’atlas de Rükl. Comme sur Terre, ils sont une partie de mer s’avançant dans

les terres mais seul Sinus Iridum, composé pour moitié par les remparts d’un cratère envahi par les laves,

est bien délimité. Les autres golfes ont des formes irrégulières. Sinus Lunicus n’est pas un golfe mais un

défilé entre Archimedes et Aristillus. C’est le site sur lequel le premier objet fabriqué par l’homme à

atteindre la Lune, la sonde soviétique Luna 2, s’est écrasé le 14 septembre 1959.

Nom latin

Localisation

Nom français Diamètre (km) Nom latin

Localisation

Nom français Diamètre (km)

Sinus Aestuum

Sud Montes

Apenninus

Golfe Torride

290

Sinus Honoris

Nord-ouest Mare

Tranquillitatis

Golfe de l'Honneur

109

Sinus Amoris

Ouest Mare

Crisium

Golfe de l'Amour

130

Sinus Iridum

Nord Mare

Imbrium

Golfe des Iris / des

arcs en ciel

236

Sinus Asperitatis

Sud-est Mare

Tranquillitatis

Golfe des

Aspérités

206

Sinus Lunicus

Nord Archimedes

Golfe Lunik

126

Sinus Concordiae

Ouest Mare

Crisium

Golfe de la

Concorde

142

Sinus Medii

Sud de Mare

Vaporum

Golfe Central

335

Sinus Fidei

Sud-est Montes

Apenninus

Golfe de la Foi

70

Sinus Roris

Nord d’Oceanus

Procellarum

Golfe de la Rosée

202

Sinus Successus

Sud Mare Crisium

Golfe du Succès

132

Le roi Iridum

Après deux appellations différentes - Langrenus 1645 : Sinus Geometricus, Hevelius 1647 : Sinus Apollinis

- Sinus Iridum est mentionné par Riccioli sur sa carte de 1647 sous l’appellation Sinus Iridu, sans m.

Iridium est parfois utilisé en même temps qu’Iridum. Les nomenclatures française et anglaise diffèrent :

Baie des Iris, Bay of Rainbows (Baie des arcs en ciel).

Un argument pour “arcs en ciel” serait une logique sud nord : Mare Imbrium (pluies) au sud, Sinus Iridum

(arc en ciel - assez logique avec la forme en demi-cercle) au centre et Sinus Roris (la rosée) au nord qui

borde Mare Frigoris (le froid). Entre les deux, terra Pruinae (carte de Riccioli) - la terre du gel et plus à

l’est terra Grandinis - terre de la grêle (ces nomenclatures ont aujourd’hui disparu). Reste à savoir pourquoi

les anglo-saxons utilisent le pluriel « rainbows / arcs en ciel » ; peut-être parce que deux arcs légèrement

décalés, visibles sous un éclairage rasant, se rejoignent à la hauteur du cratère Bianchini. Les levers et couchers de Soleil sur Sinus Iridum sont des spectacles appréciés par les astronomes amateurs.

Au nord-ouest, Montes Jura surplombent l’amphithéâtre envahi par des laves parcourues de rides marines.

Montes Jura sont ce qu’il reste de l’enceinte d’un cratère de la taille de Clavius, non officiellement appelé

« cratère Jura », qui s’est formé sur les berges du bassin Imbrium. Montes Jura ont une altitude constante à

l’approche de Mare Imbrium puis ils disparaissent brusquement, dans la mer, certainement à cause d’une

Page 150: Clairs de Lune.pdf

146

faille qui coupe le cratère Jura du sud-ouest au nord-est selon son diamètre. Lorsque les laves marines ont

rempli le Bassin Imbrium, la partie la plus basse du cratère a été entièrement recouverte. Dans la partie

nord, les laves de Mare Frigoris ont recouvert les éjectas du cratère Jura, comme elles l’ont fait pour Plato.

Autre particularité topographique, la partie la plus au nord de la baie, partie qui touche la base des Montes

Jura, a une altitude de 500 m inférieure à celle de l’ouverture de la baie. Ainsi l’enceinte est inclinée dans

un sens et le plancher dans l’autre. Les laves marines les plus récentes ont-elles manqué de fluidité ou

d’énergie pour pouvoir surmonter la pente et envahir la partie arrière d’Iridum ? Il existe un grand nombre

de rides marines à la surface de la baie. Elles sont étroites et courbes et s’enfoncent profondément dans la

baie. Elles suggèrent la présence d’un cratère interne submergé. Des rides courbes orientées à l’opposé sont

peut-être dues à la partie submergée des Montes Jura.

4.16 Les étangs L’UAI ne reconnait pas l’existence officielle de ces formations. Elles ne sont vraiment visibles qu’avec un

instrument de grand diamètre ou sur des images. Les plus accessibles sont au nord de Theophilus.

Les étangs (pounds en anglais) correspondent à des

dépressions qui ont été partiellement envahies par

des retombées de roches fondues par impact. Leur

surface est relativement lisse, peu cratérisée, preuve

qu’elles ont été créées récemment. En ce qui

concerne Theophilus, les étangs associés sont datés

à l’Eratosthénien, un âge compris à l’intérieur d’une

fourchette très large (1.1 à 3.2 milliards d’années),

une récente datation donne 3 milliards d’années.

Les étangs sont par contre bien visibles sur les

images de LRO à haute résolution.

4.2 - Les petits reliefs

4.21 Promontorium : les promontoires. 11 promontoires ou caps sont répertoriés dans le Rükl. Tout comme sur Terre, ils sont situés en bordure des

mers. A titre d’exemple Promontorium Laplace : est situé à l’est de Sinus Iridum, il domine Mare Imbrium

de 2600 m. Ce sont soit des rebords de cratères dont une partie de l’enceinte se trouve sous les basaltes

marins (Promontorium Laplace), soit l’extrémité de chaines de montagnes (Promontorium Fresnel à

l’extrémité nord de Montes Apenninus), ou des reliefs intégrés (Promontorium Lavinium et Olivium

formant un défilé dans l’enceinte de Mare Crisium).

Promontorium Laplace LRO

Page 151: Clairs de Lune.pdf

147

Lavinium et Olivium

L’appellation Mare Crisium Delta et Epsilon puis

l’appellation Promontorium Lavinium et

Olivium ne sont pas ou ne sont plus des

dénominations officielles reconnues par l’UAI. Il

faut dire que cette région est complexe ; où

s’arrêtent les cratères, où commencent les

promontoires ? Difficile à dire. Elle a une image

un peu sulfureuse ; c’est en effet là que O’Neil a

cru observer en 1953 une arche sur

Promontorium Olivium. Cette observation n’a

jamais été officiellement confirmée. Au large des

promontorium, sur les rives de Mare Crisium, se

trouve une formation constituée par deux

portions de remparts de deux cratères submergés.

Elle est, du fait de sa forme, connue comme

« L’albatros ». Nord à droite

4.22 Mons : les monts Ce sont soit les sommets de chaines de montagne (Mons Blanc, Mons Hadley), soit des reliefs isolés et

pentus correspondant aux points hauts d’un anneau interne de bassins d’impact non submergés par les laves

marines. Leur localisation permet de tracer le contour d'un ou plusieurs anneaux concentriques témoins de

la présence du bassin. Ces fragments d'anneaux sont les plus apparents dans Mare Imbrium; les plus connus

sont, d’ouest en est, Montes Recti, Montes Teneriffe, Mons Pico, Mons Piton, Montes Spitzbergen, Montes

Archimedes. Des structures identiques existent dans Mare Crisium et Mare Humorum. On trouve

également des pics isolés sans relation évidente avec des anneaux internes dans Mare Frigoris, Mare

Nectaris, Mare Nubium, Mare Serenitatis, Mare Tranquillitatis et Mare Fecunditatis.

Mons Huygens 5 500 m

Mons Hadley 4 800 m

Mons Blanc 3 617 m

Mons Ampère 3 000 m

Mons Pico 2 400 m

Mons Piton 2 200 m

Mons La Hire 1 900 m

De gauche à droite : Montes Recti, Montes Teneriffe, Mons Pico,

Mons Piton

4.23 Dorsa : les crêtes et rides marines

On trouve sur toutes les planètes et satellites silicatés des structures tectoniques dues à une compression et à

un raccourcissement. Ce sont principalement des plis et des chevauchements. Sur la Lune, les jeux de faille

ont pour origine un affaissement du centre du bassin qui entraine un glissement de strates de basalte vers le

centre de la mer. La strate amont chevauche la strate avale en formant un anticlinal, une crête marine.

D’autres interprétations sont fournies en particulier la présence d’anneaux internes qui font obstacle à

l’écoulement des laves marines.

Ces structures ont plusieurs milliards d’années, ce qui serait cohérent avec la période de formation des

mers.

Une douzaine de dorsa ou « crêtes marines » a reçu un nom. Ces dorsales peuvent avoir plusieurs centaines

de kilomètres de longueur, quelques dizaines de large et de 10 à 300 mètres de haut. Elles peuvent être

rectilignes ou tortueuses; elles présentent une section asymétrique, l'un des flancs présentant une pente plus

prononcée.

L’une des plus célèbres est la crête Serpentine, à l'est de la Mare Serenitatis. Ce joli nom date de Schröter

(1790), mais l'Union Astronomique Internationale (UAI) a donné aux différentes parties de cette formation,

pourtant homogène, deux noms: Dorsum Smirnov et Dorsum Lister. La partie large de la crête s'élève de

Page 152: Clairs de Lune.pdf

148

200 m sur une distance horizontale de 4-5 km (pente à 5%) et la partie la plus pentue atteint cette altitude en

un peu moins d'un kilomètre (pente à 20%). À l'extrémité sud de la crête, une forme arquée fortement

incurvée ressemble presque à un cratère. Contrairement au reste de la crête, cet arc a sa partie la plus élevée

orientée vers l'Est

Crete Serpentine Rides dans Sinus Iridum Rides à l’ouest de Rupes Recta

Profil asymétrique de dorsa Smirnov ; portion de la crête Serpentine.

Origine volcanique ? Sur Terre, des formations identiques existent lorsque des gaz ont cherché à s’échapper par le sommet d’une

coulée. Elles peuvent également se former lorsqu’une coulée vient buter sur un obstacle qui s’oppose à sa

progression. Sur la Lune, les crêtes apparaissent sur la quasi-totalité de la surface des mers. Elles sont très

souvent concentriques à la mer, en marge de celle-ci ; elles sont plus rarement radiales. Elles sont

semblables à une vague sont particulièrement bien visibles sous un éclairage rasant

Lamont, une formation « fantôme » sur Mare

Tranquillitatis semble combiner les deux

composantes. La partie centrale dessine deux zones

concentriques qui peuvent être d’anciens cratères

d’impact. Des crêtes radiales semblent provenir du

centre de la première zone circulaire. Deux dômes

volcaniques sont visibles au nord-ouest. Un

mascons est présent sous Lamont. On peut en

déduire le scenario suivant : formation du bassin

d’impact Tranquillitatis, création d’un ou deux

cratères d’impact, épanchement général du basalte

créant Mare Tranquillitatis, invasion des cratères

d’impact par la lave, poussée du magma à travers

des failles concentriques et apparition des crêtes

marines radiales.

Page 153: Clairs de Lune.pdf

149

Origine tectonique ? Une origine tectonique peut être soutenue par une série de données, en particulier l’âge relatif, les relations

stratigraphiques et des comparaisons avec des phénomènes similaires sur les autres planètes.

Certaines zones où se sont développées des crêtes correspondent à des changements dans l’épaisseur du

basalte, engendrant localement des contraintes pouvant générer des failles chevauchantes.

Sur Terre (Yakima River Basin état de Washington, Meckering, en Australie, El Asnam en Algérie et

Buena Vista Hill, en Californie) présentent une faille de chevauchement dans un sol latéritique de sable, de

roche sédimentaire ou de couches de sable argile et schiste et sont associées à un pli anticlinal. Les couches

sous-jacentes ont pu servir de lubrifiant facilitant le déplacement de la couche chevauchante. Sur la Lune le

régolithe a pu jouer ce même rôle.

Quatre modèles de formation de crêtes sont généralement proposés :

1- Les dorsa peuvent

avoir comme origine

l’intrusion d’une

lame volcanique

verticale, un dyke.

2- En remplissant le bassin

lors d’éruptions

successives le poids du

basalte entraine un

affaissement du centre. Un

réajustement provoque des

mouvements compressifs

en direction du centre du

bassin à l’origine de failles

chevauchantes qui

entrainent un glissement

pratiquement horizontal

d'une zone au-dessus d'une

autre. Ces glissements

peuvent conduire à

l’ouverture de grabens sur

les marges.

3 - Beaucoup de dorsales

concentriques se trouvent

associées à des formes

circulaires sur lesquelles

on trouve aussi les

sommets de pics témoins

des anneaux internes des

bassins. Ceci suggère que

le processus de formation

des dorsales par faille et

glissement a pu

également s'appuyer sur

ces anneaux.

4 – Une éruption de

magma visqueux tout

au long d’une faille

peut créer une crête

volcanique comme

c’est le cas entre

Montes Rümker et le

plateau d’Aristarque.

Cette crête semble se

poursuivre en

direction des collines

de Marius, une région

qui a connu une

intense activité

volcanique.

Certaines dorsales marines présentent un

profil « en échelon », leurs segments étant

orientés parallèlement les uns par rapport

aux autres mais de manière décalée. Ces

dorsales en échelon peuvent être

interprétées comme des glissements

d’éléments des dorsales le long de failles

décrochantes dans le substratum sous-

jacent. (H.D. Tjia)

Page 154: Clairs de Lune.pdf

150

La crête du dôme de Valentin : un gros échelon ?

Au milieu des années 60, Alika Herring a baptisé

cette formation pratiquement plate, le dôme de

Valentin. Elle est circulaire et est parcourue par

une étroite rainure diagonale. L'éclairage rasant

nous conduit à nous interroger sur les relations

entre le dôme et les crêtes marines voisines. La

crête en bas à gauche semble se poursuivre en

haut à droite du dôme mais elle a été décalée de

30 km, ce qui en ferait un échelon exceptionnel.

Jordi Ortega

On pourrait penser que les failles chevauchantes, à l’origine des crêtes, ont été portées en surface par du

magma sous-jacent, puis décalée sous la pression de ce magma. Mais c’est peu probable, car les crêtes

apparaissent une fois les laves refroidies et devenues cassantes. L’hypothèse du gros échelon semble peu

probable ; les deux crêtes seraient donc indépendantes l’une de l’autre. Par contre la présence de deux

autres dômes, le premier, très discret, au sud-est du dôme de Valentin et l’autre, un petit dôme de 85 m et

large de 6 à 7 km situé à l’opposé, témoigne de l’existence, en profondeur, d'une longue fissure à partir

de laquelle les dômes se sont formés.

4.3 Les formations d’origine tectonique

4.31 Les rimae : rainures Si seulement 18 rimae sont mentionnées dans l’atlas Rükl, l'UAI en a recensé plus de 2000.

L’appellation fossa, (fossae) a existé pour fossa Casals et fossa Gauchy, désormais appelés rupes et Rima

Gauchy.

Les rimae d’origine tectonique sont des dépressions longues, étroites et souvent rectilignes que l’on

retrouve essentiellement à la surface des mers, de certains massifs d’origine volcanique, dans le fond de

certains cratères. Ce sont des structures étroites, quelques centaines de mètres à un kilomètre et difficiles

à observer en dehors des levers de Soleil. Dans certains cas leur position dans l’axe des rayons du Soleil

les rend presque impossibles à déceler.

La présence de rainures sur les hautes terres est exceptionnelle. La plus connue est Rima Sirsalis, la plus

longue rainure lunaire, doublée d’une très forte anomalie magnétique dont l’origine est la présence sous

la rainure d’un dyke qui lui a donné naissance. Rima Sirsalis est radiale au bassin Procellarum, sans pour

autant que cela prouve que ce bassin soit un bassin d’impact. Il existe une autre Rima continentale très

longue, Rima Hase reliée à Petavius.

4.32 Les rainures concentriques

Rima Hippalus Rima Hippalus : profil des trois Rimae - LRO

Page 155: Clairs de Lune.pdf

151

Elles bordent les mers lunaires. Elles se sont formées à la suite du remplissage du bassin d’impact par les

laves marines. Au fur et à mesure des remplissages la lave s’est accumulée entrainant un surpoids au centre

du bassin, qui s’est alors enfoncé formant des fractures concentriques simples ou multiples. Les plus

connues sont concentriques à Mare Humorum; parmi elle Rima Hippalus.

Le dénivelé de la première (à gauche) varie entre 100 et 200 m pour une largeur de 2 à 3 km.

A l’intérieur de l’enceinte du cratère sa profondeur est d’environ 180 m pour une largeur de 3,5 km. La

pente est orientée est-ouest vers le centre du Bassin Humorum.

4.33 Les rainures rectilignes

Elles parcourent la surface en ligne pratiquement

droite et semblent être des grabens, terrain affaissé

entre deux failles. Elles se trouvent à la fois sur des

mers (Rima Cauchy) ou sur les hauts plateaux

(Rima Sirsalis, Rima Hase). Elles sont souvent

radiales aux mers, donc au bassin.

Rima Sirsalis

4.34 Les rimae des Cratères à Fonds Fracturés (CFF)

Gassendi Petavius Posidonius

Les Cratères à Fond Fracturé (CFF) sont parmi les objets les plus intéressants de la Lune. Ils présentent

deux types de rainures : des rainures d’origine tectonique et des rainures sinueuses d’origine volcanique.

Les premières, rectilignes, parfois nombreuses et se recoupant, ont pour origine des mouvements verticaux

du plancher qui, sous la poussée du magma sous-jacent, repoussent et disloquent le fond du cratère. Les

deuxièmes sont associées à une activité volcanique qui suit le mouvement du plancher

.

Gassendi, en bordure de Mare Humorum, est un

CFF qui présente les deux types de rainures, dans

les parties est et sud-ouest du cratère et se recoupent

de manière complexe ; un système forme une étoile

à six branches. Elles résultent de fractures

consécutives à un soulèvement du fond du cratère

sous l’effet de la poussée du magma situé sous le

plancher. A l’est le magma a formé des plaques

présentant des angles aigus. La projection des

ombres permet de voir que la partie orientale de

certaines plaques se sont redressées. Des rainures

sinueuses ont alimenté des épanchements de

basalte au nord-ouest. Au sud, le sol est plat suite

Page 156: Clairs de Lune.pdf

152

une intrusion de la lave ; il est difficile de savoir si celle-ci est arrivée par des failles situées dans l’enceinte

de Gassendi ou par des brèches dans les remparts sud.

4.35 Rupes : les murs

Rupes Liebig - LRO Rupes Recta LRO Rupes Altaï Rupes Cauchy

L’atlas Rükl recense quatre Rupes

- Altaï, en bordure éloignée de Mare Nectaris,

- Cauchy, en bordure de Mare Tranquillitatis,

- Liebig, en bordure de Mare Humorum

- Recta, en bordure de Mare Nubium

Luxorion ajoute :

- Kelvin, Mercator et Toscanelli.

Bien qu’ils soient tous situés près d’une mer, ils ont chacun une origine propre

Rupes Liebig est une faille qui épouse la bordure de Mare Humorum et résulte de l’enfoncement du centre

de celle-ci Rupes Recta est une faille, un décrochement. Rupes Cauchy serait l’extrémité d’un dyke. Rupes

Altaï est le vestige d’un anneau ou de l’enceinte externe du bassin d’impact qui a créé Mare Nectaris.

4.36 Valles : les vallées Le terme Vallis englobe des formations d’origine très différentes : origine volcanique pour Vallis Schroteri,

tectonique pour Vallis Alpes, chaine de cratères secondaires du Bassin Nectaris pour Vallis Rheita.

Vallis Schroteri Vallis Alpes Vallis. Rheita Sculptures Imbrium

Les Valles officiellement dénommées par l’UAI

Face visible : Vallis Alpes, Vallis Baade, Vallis Bohr, Vallis Bouvard, Vallis Capella, Vallis Christel,

Vallis Inghirami, Vallis Krishna, Vallis Rheita, Vallis Schroteri, Vallis Palitzsch, Vallis Snellius.

Face cachée : Vallis Planck, Vallis Schrödinger.

Il existe, par ailleurs, 41 valles dont la dénomination n’est pas officielle, révélées par les photographies

prises par Clémentine. Elles se situent dans nord-nord-ouest, sont repérables sur les Lunar Astronomical

Charts (LAC) 9 – 20 – 21. La sonde LRO révèle également un très grand nombre de dépressions qui

peuvent être assimilées à des valles.

Il existe des formations bien visibles près du centre du disque qui ne portent pas de nomenclature propre

mais une nomenclature générale : les sculptures Imbrium. Ce sont des entailles formées par des impacts

rasants de blocs éjectés lors de la formation du bassin du même nom.

Page 157: Clairs de Lune.pdf

153

4.4 - Les petites formations d’origine volcanique

4.41 Les rainures sinueuses Il existe deux types de rainures sur la Lune :

- les rainures d'origine tectonique (Rima Ariadaeus) formées par effondrement entre deux failles parallèles

- les rainures dites sinueuses d’origine volcanique (Rima Marius).

Rima Hyginus, Rima Hadley, Vallis Schroteri

Si la rainure sinueuse la plus connue est Vallis

Schroteri, située dans Oceanus Procellarum et qui

devrait normalement être appelée Rima Schroteri,

la plus célèbre est Rima Hadley (ci-contre) sur le

bord de laquelle s’est posé Apollo 15

Il existe 194 rainures sinueuses recensées à partir des images prises par la caméra grand angle de

la sonde LRO et la caméra rapprochée (6m de résolution) de la sonde Kaguya. Si elles sont aussi

nombreuses, c’est probablement parce que le phénomène qui leur donne naissance - l'épanchement

de laves - est très fréquent.

Les rainures sinueuses serpentent par gravité comme une rivière de plaine entre deux berges

parallèles. On sait depuis la fin des années 60 que les rainures sinueuses qui courent sur la Lune

sont des canaux ou des tunnels de lave. Deux phénomènes sont à l’origine des rainures : l’érosion

mécanique et l’érosion thermique.

L'érosion mécanique serait à l’origine de la formation des rainures parcourant des terrains formés

d'éjectas agglomérés, comme celles au voisinage de Plato. Du fait de la moindre gravité et des

pentes très douces, elle est moins efficace sur la Lune que sur la Terre.

L’érosion thermique entrainant la fusion du substrat serait le principal mécanisme expliquant la

formation des rainures à la surface des mers. Le processus de formation peut être simple - canal

d’écoulement, ou plus complexe - tunnel d’écoulement, voire très complexe - creusement d’un

canal suivi d’une érosion thermique produite par un deuxième écoulement de lave. La

composition chimique des laves affecte de manière significative l'efficacité de l'érosion

thermique ; plus la coulée de lave est chaude, plus elle peut faire fondre le matériau sous-jacent.

Les laves les plus chaudes connues dans l'histoire géologique de la Terre sont les komatiites

caractérisées par leur faible viscosité, d'où un écoulement rapide, facteur d’accroissement de

l'érosion thermique. Comme les komatiites ne semblent pas présentes sur la Lune, l’estimation de

la vitesse avec laquelle une rainure se forme dérive de modèles extrapolés à partir de données

terrestres. Si les laves étaient de type proche des komatiites, les rainures de Prinz, au nord-est

d’Aristarchus, se seraient formées en 5 mois. Si le magma était composé de basalte pauvre en

titane, la rainure pourrait avoir été active pendant un peu plus de 2 ans. Les rainures sinueuses se

Page 158: Clairs de Lune.pdf

154

situent principalement dans Oceanus Procellarum, où l'on trouve les indices de radioactivité les

plus élevés sur la Lune. Il est possible que les très grandes températures du magma associées au

Procellarum KREEP Terrane (PKT) produisent de telles rainures.

Les longueur, largeur et profondeur moyennes des rainures sont respectivement 33 km, 480 m et

49 m. La plus large et la plus profonde est Vallis Schroteri - 11 km et 1000 m - et la plus longue

Vallis Sharp (325 km). Sans surprise, l'âge des rainures est celui des laves qu'elles ont charriées,

soit entre 3,8 et 3 milliards d’années.

Certaines rimae de ce type présentent des structures plus complexes associant des rainures

rectilignes ou légèrement sinueuses et des craterlets. Elles sont considérées comme des tubes de

lave dont le plafond s’est effondré portion après portion. Rima Hyginus, entre Sinus Medii et

Mare Vaporum, est l’exemple type.

La répartition montre l’évidence la relation entre les rainures et les mers

4.42 Domus : les dômes Il existe 132 dômes ou assimilés dont 110 dômes effusifs, 15 dômes intrusifs, 4 dômes sur les

continents, 3 cônes.

Dômes d’Hortensius Dômes de Gruithuisen

La fluidité des magmas ainsi que la faible gravité à la surface de la Lune expliquent pourquoi les

dômes sont très peu élevés et que leurs pentes sont très douces.

Le magma ayant construit les dômes provient de plusieurs niveaux : croute supérieure, inférieure

et manteau.

Page 159: Clairs de Lune.pdf

155

Profil d’un dôme volcanique lunaire Lave fluide

Dôme de Milichius altitude 150 m

Lave « acide »

Dôme de Gruithuisen altitude2200 m

×

La classification des dômes Il n’existe pas de nomenclature officielle de l’UAI concernant les dômes. Certains portent le nom

de leur cratère associé suivi d’une lettre grecque, Gruithuisen par exemple. Le Consolidated

Lunar Dome Catalogue liste tous les dômes lunaires qui ont pu être mesurés de manière sûre par

le GLR group. Chaque dôme est labélisé M + un numéro et chacun est répertorié en fonction des

critères suivants :

- dénomination

- longitude, latitude

- albédo, réflectance (teneur du sol en dioxyde de titane - teneur du sol en oxyde de fer.)

- morphologie : inclinaison moyenne de la pente en degrés, diamètre de la base du dôme en

kilomètres, hauteur du dôme par rapport au terrain environnant, indice de forme (1/3 pour une

forme conique, 1/2 pour une forme parabolique, 1 pour une forme cylindrique)

- volume du dôme en kilomètres cubes

- diamètre moyen en kilomètres de l’évent sommital, s’il existe

- classification selon Wöhler et col. (2006), Lena (2007).

- nom

Neuf classes ont été définies à partir de l’origine du magma, la durée d’émission , la vitesse

d’ascension, la température, la cristallisation, la présence de silice et de titane, le volume, la forme

générale du dôme.

Exemple du dôme de Cauchy Omega

Identification : C2 (Cauchy 2)

Longitude 38°49’E, Latitude: 7°14’N

Albédo à 750 nm : 0.0909

Réflectance 415/750 : 0.6377

Pente : 1,17°

Diamètre de la base : 12.2 kms

Hauteur : 125 m

Volume : 7,4 km3

Indice de forme : 0,5

Diamètre de l’évent sommital : 2,6 kms

Classification : C2 (magma provenant

de la croute supérieure ou inférieure,

éruption de durée et volume modéré,

ascension lente, magma froid, début de

cristallisation.

Nom : Cauchy Oméga

Page 160: Clairs de Lune.pdf

156

133 dômes répertoriés

Cauchy

Nord

Tranquillitatis

Arago

Hortensius

Milichius

Tobias Mayer

Dopelmayer

Mare

Undarum

9

8

7

7

14

2

4

Rümker

Birt

Collines de

Marius

Effusifs isolés

Intrusifs

Hautes terres

Cônes

6

2

30

22

15

4

3

Les dômes intrusifs Une classification spéciale pour les dômes intrusifs a été créée en 2008 par Lena et col.

Ils se répartissent en trois types (In 1 à In 3) en fonction de leur diamètre et de leur pente :

- In 1 fait généralement plus de 25 kms de diamètre avec des pentes supérieure à 0,2°

- In 2 a un diamètre de 3 à 25 kms et des pentes comprises entre 0,4 et 0,7°

- In 3 a un diamètre de 3 à 25 kms avec des pentes inférieures à 0,35°

La majorité des dômes se situe dans les mers, mais au moins sept dômes apparaissent dans les régions mixtes:

- Mons Gruithuisen Gamma et Mons Gruithuisen Delta, à extrémité sud-ouest de la chaîne Jura-Alpes-

Caucase,

- Mairan T et deux dômes de moindre importance situés à l'ouest de Mairan, au nord des formations

Gruithuisen,

- Mons Hansteen (également appelés « la pointe de flèche »), au sud-ouest d'Oceanus Procellarum entre

Hansteen et Billy

- Plateau de Darney dans Mare Cognitum; mais ce dernier exemple n’est pas avéré.

4.43 Les évents et les dépôts pyroclastiques Tout comme les dômes, les évents sont d’origine volcanique. Ils sont associés à une rainure sinueuse (Rima

Hadley, Vallis Schroteri…) ou isolés. Ils présentent souvent une auréole sombre liée à l’activité volcanique.

Toujours de très petite taille, ils sont difficiles à déceler. Ils ont surtout été mis en valeur par les images de

Lunar Reconnaissance Orbiter comme les deux évents proches de Grimaldi, près du limbe ouest. La zone

sombre entourant l’évent de gauche témoigne d’une activité pyroclastique. Le dénivelé est de l’ordre de

950 m.

Events de Grimaldi LRO

Events près de Grimaldi

Les évents de Grimaldi font partie des évents associés à des grabens d’origine tectonique, ici Rima Hevelius

et une rima parallèle sans nom, complexe, associant rupes, rima et évents sombres.

Page 161: Clairs de Lune.pdf

157

Béla, Carlos, Jomo et Tazio sont des prénoms qui,

normalement sont, selon l'UAI, uniquement

réservés aux petits cratères d'intérêt particulier,

Mais ici ce ne sont pas des cratères mais des évents

qui ont donné naissance à Rima Hadley. Sur Terre,

cette situation est courante. Les fractures se

propagent à travers la croûte sous l'effet de la

pression du magma et, lorsque celui-ci atteint la

surface, une longue coulée de lave se répand.

Généralement une, parfois deux zones de la fissure

prennent le dessus sur les autres, qui cessent alors

leur activité.

Parmi les évents en V de Hadley qui ont reçu un prénom, Jomo semble être l'évent principal, Bela serait un

élargissement de la fissure courbe originale. Carlos était probablement la fin de la fissure puis est ensuite

devenu une annexe abandonnée lorsque la rainure s'est développée et s'est brusquement orientée vers l'est.

Tazio est une fissure courbe parallèle qui ne pouvait pas rivaliser avec les autres et a également été

abandonnée par magma.

Profil transversal de l’évent qui donne naissance à

Rima Hadley

La profondeur est d’environ 500 m.

Si l’origine volcanique des évents est aujourd'hui avérée, une question serait de comprendre pourquoi ils

n’ont pas toujours le même profil.

Alphonsus Rimae Prinz LRO

Les dix évents d'Alphonsus sont associés à des rainures de type rectiligne d’origine tectonique ; fracture du

fond du cratère sous la poussée de basalte profond ; ils ont tous une forme en amande plus ou moins

prononcée. Ils sont entourés de scories formées lors d’éruptions plus explosives.

Les évents de la région de Prinz présentent des profils très divers, circulaires, chaotiques, emboités… ils sont

d’origine purement volcanique et ont produit des laves fluides et très chaudes. Les évents à l’origine de rima

Hadley sont courbes et donnent naissance à une rainure sinueuse. Ceux de Grimaldi sont rectilignes. La forme

finale de l’évent semble donc dépendre de la nature de l’éruption, elle-même liée à la tectonique locale, un

graben formant des évents sombres plutôt rectilignes ou allongés, une éruption fissurale formant des évents

multiformes.

Page 162: Clairs de Lune.pdf

158

4.44 Les cônes volcaniques

En 1981 Dick Pike a publié dans Catalog of Topographic une classification à partir de 16 volcans lunaires, ou

supposés tels. Trois types (LC = cône; LH = cratère à halo sombre; LD = cratère dôme) basée sur le diamètre

du cratère sommital, la hauteur au-dessus de la plaine environnante, le diamètre à la base, la circularité:

5 cônes LC : Aristarchus 1, Aristarchus 2, Lassell HJ, Serenitatis-1, Serenitatis 2

6 cônes LH : Alphonsus R, Alphonsus KC, Alphonsus CA, Alphonsus MD, Sud Alphonsus CA, Alphonsus

Ouest sur Rima Alphonsus II

5 cônes LD : D-Crater (Ina), Maraldi D 2NW, Cauchy Omega, Maraldi B 1SE, Rima Aristarchus 8

Les collines de Marius : un immense champ volcanique

Les collines de Marius présentent deux particularités:

une concentration de volcans et une présence de

zones pyroclastiques plus forte que partout ailleurs

sur la Lune. Les cônes des collines de Marius ont des

formes irrégulières. Pour certains, la partie inférieure

est en pente douce et la partie supérieure plus raide.

D'autres sont associés à une coulée vallonnée. Ces

observations suggèrent que les collines de Marius

ont des origines différentes de celles des dômes et

volcans classiques. Des analyses spectrométriques

prouvent la présence de cendres associées à de

nombreux cônes ; il est possible que des éruptions

explosives soient à l'origine de la formation de cônes

équivalents aux cônes de scories terrestres.

Des reliefs vallonnés entourant certains cônes sont probablement constitués de coulées de lave visqueuse.

Des pentes plus douces situées à la base d'autres collines peuvent être de la lave plus fluide, du type de celle à

l'origine des dômes classiques.

4.45 Ina. Unique sur la Lune ? Plus maintenant.

Localisation Image LRO Image de Mercure Messenger

Ina se trouve sur un plateau près de Lacus Felicitatis, au pied du versant sud des Montes Apenninus, à égale

distance de Conon et Manilius.

Découverte par Apollo 15 en 1971, Ina ou « D » mesure 2,5 x 1,8 km (données LRO). C’est une dépression

située au sommet d'un bouclier volcanique de faible altitude. Elle a une profondeur de 20 à 40 m. Aucun

rebord ne laisse présager de sa présence pour un promeneur alentour. L’absence de cratère sur le plancher et

des formes fraiches témoignent de la jeunesse de cette formation atypique. En 2013 son âge a été estimé à

« quelques dizaines de millions d’années ».

Trois unités principales sont observées sur le plancher : des monticules de forme irrégulière pouvant atteindre

20 m de haut, une unité inférieure de 1 à 5 m en relief qui entoure les monticules et des blocs fragmentés.

Les analyses des images du Lunar Reconnaissance Orbiter montrent que les caractéristiques d’Ina sont

morphologiquement semblables à des coulées de lave bombées, processus qui, sur Terre, se produit lorsque

une nouvelle coulée de lave s’introduit sous une croute solide.

Page 163: Clairs de Lune.pdf

159

Si la source de lave reste incertaine, le modèle suggère que les monticules de 20 m ont servi de source à des

écoulements qui ont créé à leur base l'unité morphologique inférieure. Au fil du temps, le mouvement des

deux unités morphologiques a révélé de nouvelles surfaces observées dans l'unité composée de blocs

fragmentés. Si Ina est différent des formations terrestres – aucun évent ni aucune fissure observés sur les

monticules - les processus de bombement par des flux de lave sous-jacents expliqueraient bien les données

morphologiques observées.

Une autre hypothèse de formation est proposée. Il existe des formations proches voire identiques sur Mercure.

Lors des survols de Mariner 10, les chercheurs les avaient remarquées dans l’enceinte de certains cratères

d’impacts sous forme de zones brillantes et bleutées. Ils n’avaient pu en définir l’origine.

Les nouvelles images de Messenger ont confirmé celles de Mariner. Grace à leur haute définition, les

planétologues ont pu constater que ces régions n’étaient pas uniformes mais constituées de toute une série de

petites dépressions rassemblées en amas, qu’ils ont baptisées des « creux » ou « hollows » en anglais. Elles

sont présentes un peu partout. Comme pour Ina, elles sont peu cratérisées, ce qui indique qu’elles sont

récentes.

Ces dépressions, qui ressemblent donc à Ina, sont interprétées comme provenant d’une perte récente de

matières volatiles par sublimation, dégazage ou même en raison d’un volcanisme pyroclastique.

Considérée jusque-là comme une formation

atypique et unique, Ina a perdu ce statut en 2014

suite à la découverte de 70 formations semblables,

mais beaucoup plus petites, associées à des

formations volcaniques. Elles sont réparties sur

l’ensemble des mers avec une concentration plus

forte à l’ouest de Tranquillitatis. Elles ont reçu la

dénomination non officielle d’IMP (Irregular Mare

Patch) ou TMI (Tache Marine Irrégulières). Les

images à haute résolution de LRO montrent ces

formations près de Maskelyne, Sosigenes, Hyginus

(dans la caldera) datées à 100 millions d’années. US Geological Survey.

4.5 Les formations à albédo particulier : points brillants, les Dark Halo Craters et les swirls

Ils se distinguent par une luminosité ou une teinte sombre anormale.

4.51 Les points brillants

Rükl répertorie 50 points d’albédo élevé, 224 sites

sont recensés par le Bright Lunar Rays Project de

William Dembowsky (Association of Lunar and

Planetary Observers). Cette liste comporte aussi

bien des cratères imposants comme Tycho, des

cratères de taille intermédiaire comme Manilius et

de petits cratères comme le point brillant de

Cassini, ou Censorinus dans une anse sud de Mare

Tranquillitatis près de Toricelli et Maskelyne. Si

on se réfère à l’érosion naturelle du sol lunaire

(météoritique, vents solaires…), ces points

brillants ont moins d’un milliard d’années, durée

nécessaire pour ternir la surface.

US Geological Survey.

Page 164: Clairs de Lune.pdf

160

Un exemple : le point brillant de Cassini, un cratère de 4 km Le point brillant de Cassini dans le cratère Deslandres, imagé sous deux éclairages différents, est un

cratère âgé de moins de 1 milliard d’années (présence de raies), moins de 80 / 100 millions d’années car il

se situe au-dessus des éjectas de Tycho. Sous un éclairage rasant il est pratiquement invisible du fait de

son diamètre alors qu’il brille à la pleine lune.

Mais c’est Censorinus, un craterlet de 3.8 km, situé en bordure de Mare Tranquillitatis, à proximité du

cratère Maskelyne, qui remporte la palme du cratère le plus brillant à la surface de la Lune.

Censorinus sous deux éclairages différents

4.52 Les Dark Halo Craters (DHC) d’origine météoritique Il ne faut pas confondre les DHC avec des formations résultant d’éruptions volcaniques très localisées et

qui sont visibles comme des taches sombres (exemple : Alphonsus). Les DHC sont des cratères d’impact

qui se produisent sur un sol particulier, celui de mers.

Ils permettent de mesurer indirectement l’épaisseur de basalte qui recouvre les brèches ou la croute

anorthosique ; un cratère de 5 km pénétrera le sol jusqu’à 10/15% du diamètre, soit 500/750 m. Si

l’épaisseur de basalte est inférieure à 750 m le cratère présentera un halo clair.

Deux cas peuvent se présenter :

- si l’objet impacteur est suffisamment

important ou que le sous-sol marin est de faible

épaisseur, deux types de roches sont excavés :

en premier lieu des roches sombres basaltiques

d’origine marine puis les sols clairs

anorthositiques d’origine continentale qui

viennent les recouvrir d’une couche claire.

C’est le cas de Dionysius situé en bordure de

Mare Tranquillitatis.

KC Pau

Page 165: Clairs de Lune.pdf

161

- si l’impacteur est plus modeste ou que le sol basaltique est très épais, seul le sol marin est excavé, formant

un halo sombre autour du cratère, comme pour Copernicus H.

Dyonisius Copernicus H

4.53 Les swirls

Les swirls sont des formes claires torsadées

semblables à un saupoudrage clair à la surface de la

Lune. Elles sont peu nombreuses, sans relation avec

leur environnement géologique immédiat. Certaines

sont situées à l'opposé de bassins d'impact, d'autres

non. Elles sont toutes associées à un champ

magnétique mais personne n'en connait vraiment

l'origine. Pour l’instant nous savons plutôt ce que ne

sont pas les swirls :

- des surfaces fraichement exposées

- des surfaces grumeleuses et surélevées

- des surfaces hétérogènes

- des anomalies thermiques Mare MarginisLRO

Reiner Gamma, qui se situe

près du bord ouest d’Oceanus

Procellarum, a une forme

ovale brillante de 35 km de

large sur 70 km de long. Elle

est prolongée par trois

épanchements linéaires de 20 à

30 km de long sur 2 à 5 km de

large.

Il existe également des swirls

sur Mare Ingenii, sur la face

cachée.

Mare Ingenii Reiner Gamma et son champ magnétique

Quelques hypothèses

Apollo et Lunar Prospector ont découvert d’intenses champs magnétiques directement associés aux swirls.

Hood et Williams (University of Arizona) ont suggéré que les champs magnétiques ont détourné les vents

solaires, ralentissant ainsi l’assombrissement de certaines zones et, en concentrant les vents solaires sur

d’autres zones, ils ont favorisé leur assombrissement. Schultz et Srnka, ont proposé que le dégazage de

Page 166: Clairs de Lune.pdf

162

comètes frôlant la Lune, a décapé la surface du sol et exposé des poussières plus claires, dessinant les

formes des swirls.

Une récente proposition - Garrick-Bethell, Head et Pieters - fait appel à un renouvellement d’une très fine

couche de poussières microscopiques en surface chargée électrostatiquement, en particulier le long du

terminateur. Ces particules peuvent être déplacées par les champs créés à l’intérieur de bulles magnétiques

locales. La couche de poussières peut avoir de 10 cm à 10 m d’épaisseur.

Une autre hypothèse - Wieczorek et coll. - proposent l’existence d’une relation entre des fragments de

débris fondus et la création du bassin Pole Sud-Aïtken. Ils ont remarqué qu'un nombre important

d'anomalies magnétiques se trouvaient près de ce bassin et pouvaient donc en être des éjectas.

Les matériaux lunaires en général, les éjectas en

particulier, contiennent peu de fer métallique ; ils ne

peuvent être que faiblement magnétisés. Par contre, si

l'impacteur qui frappe la Lune et forme un bassin géant,

est riche en fer, celui-ci peut se mélanger aux éjectas et

se magnétiser en refroidissant. Il suffit qu'il existe à cet

instant un champ magnétique global.

Le bassin SP-A est l’un des plus anciens de la Lune, et

il a pu se former au moment où il existait un champ

magnétique résiduel. Selon cette hypothèse, les

"magcons" (magnetic concentrations) se situent là où

des éjectas riches en fer du bassin SP-A ont été projetés

et magnétisés en cours de refroidissement.

Des simulations montrent qu'un impacteur de 200 km de diamètre, frappant la Lune à 15 km/s sous un

angle de 45°, pouvait expliquer la répartition des "magcons". Le projectile pouvait venir du sud, ce qui est

en accord avec l'élongation approximativement nord-sud de SP-A et la concentration de "magcons" vers le

nord. Toutefois l'un des "magcons" parmi les plus intenses de la face visible suit Rima Sirsalis. Cette

anomalie était interprétée comme la signature en surface d'un dyke (lame intrusive verticale de magma) à

l'origine de la rainure.

4.6 Cratères associés

Les cratères associés sont des formations ayant comme origine l’impact d’un corps fragmenté, une comète

par exemple ou les retombées de blocs arrachés du sol lunaire lors d’un impact.

4.61 Les cratères secondaires Les cratères secondaires ont été créés lors de la retombée d’éléments arrachés au sol lunaire par

un impact majeur. Souvent de petite taille, ils sont parfois alignés, parfois regroupés en amas. Ils

sont reconnaissables par :

- leur orientation : ils sont centrés sur un bassin d’impact ou un cratère

- leur forme : plus longs que larges, ils présentent une extrémité effilée qui pointe dans la

direction opposée du bassin d’origine. Ils ont été créés par un impact oblique d’éjectas sous un

angle compris entre 55 et 35°.

- leur profondeur : ils sont peu profonds, leur plancher se situant à moins de 1,5 km. L’enceinte

est étroite et, contrairement aux cratères asymétriques de la séquence principale, il y a peu de

glissements de terrains vers l’intérieur.

- leur érosion : elle correspond à l’ancienneté du bassin d’impact d’origine ; ils ne présentent donc

pas de formes vives. Les moins altérés correspondent aux Bassins Orientale, Imbrium ; altération

modérée pour ceux liés à Nectaris, Humorum, Serenitatis, Crisium ; altération forte pour Nubium,

Fecunditatis, Tranquillitatis.

Page 167: Clairs de Lune.pdf

163

Les essaims de secondaires

A gauche, près de Langrenus, au

nord-est, du trio Naonobu,

Bilharz, Atwood ou à droite, au

nord de Gruithuisen des essaims

de cratères secondaires. L’origine

du premier essaim est assez facile

à déterminer car les cratères sont

radiaux à Langrenus. Pour le

second essaim l’origine est plus

difficile à déterminer, peut-être

Aristarchus ?

Les chaines de secondaires

Les chaines de cratères secondaires les plus

connues sont associés au bassin Nectaris :

Vallis Rheita au sud et Vallis Snelius au sud-

est. Ces deux vallées ont une longueur d’au

moins 500 km.

Quelques secondaires associés à leur bassin :

Nectaris : Rheita, Abulfeda D, Endel E,

Isiduorius B et C, Goclenius UC.

Imbrium : Gambart, Encke, Reinhold B,

Kurnowsky

Orientale : Vallis Bouvard, Vallis Baade,

Vallis Inghirami

Humorum : centre sud de Heinzel, Cavendish

F, Zupus D, est de Drebbel, sud-ouest de Mee

Serenitatis : Marco Polo K et S.

Le bassin Orientale est le plus récent des bassins

d’impact ; il est daté entre 3,84 et 3,72 milliards

d’années. Ses cratères secondaires, alignés et

centrés sur le bassin n’ont pas subi une forte

érosion météoritique et sont donc bien visibles.

La chaine la plus longue s’étend jusqu’à 1810 km

du centre d’Orientale, près du cratère Bronk (face

cachée 25,90° sud 225,30° ouest).

Composée de plus de 40 craterlets, elle débute par

une « sculpture » de 230 km en direction de

Leuschner 1,6° sud 109,1 ouest).

L’étude de la répartition des cratères secondaires permet de localiser des bassins aujourd’hui

disparus ou hypothétiques

Page 168: Clairs de Lune.pdf

164

4.62 Les sculptures d’Imbrium, des secondaires qui ne sont ni des cratères ni des vallées

En 1893, Grove Karl Gilbert a été le premier à interpréter le bassin Imbrium et les marques radiales qui en

émanent, comme la trace d'un impact géant. Gilbert voyait dans les marques des fractures consécutives à

l'impact. Schultz et Papamarcos en ont étudié l’orientation et déterminé que les projectiles sont venus de

trois régions différentes : de la zone d’impact située au sud-est de Sinus Iridum, de l’avant et de l’arrière de

cette zone. Ceci permet de conclure à un impact oblique. Ils ont estimé la taille de l’impacteur à 275 km.

Les selfs secondaires

Ce sont des cratères créés par des retombées

pratiquement verticales. Ils sont donc situés à

proximité immédiate de leur cratère d’origine et

ont une forme circulaire. Un grand nombre sont

bien visibles autour de Copernic. Des DHC selfs

secondaires s’expliquent par une durée de vol

importante pendant laquelle les éjectas brillants

résultant de l’impact principal se déposent en

premier puis sont impactés par des fragments de

taille suffisante pour permettre la mise au jour du

sol marin situé en-dessous.

4.63 Chaines de cratères. Catena

Les catenas sont composées de cratères alignés.

Trois hypothèses de formation :

- chaînes de cratères volcaniques. Mais il existe

des catenas en dehors des zones volcaniques.

- chaînes de cratères secondaires. Mais les

catenas connues ne sont pas radiales à un

important cratère d’impact.

- chaines de cratères d’impact d’un corps

fractionné (comète de type Shoemaker Lévy).

Cette dernière hypothèse est privilégiée car

elle expliquerait l’aspect rectiligne et

homogène des cratères comme Catena Davy

entre Ptolémée et Davy, et Catena Abulfeda

entre Tacitus et Almanon).

Catena Davy

Page 169: Clairs de Lune.pdf

165

Les grands cirques formés récemment sont entourés par des centaines de dépressions alignées

radialement au cratère ou réparties selon des formes courbes ou par paquets. E Shoemaker a

modélisé la formation des cratères secondaires à partir de la répartition des impacts provoqués par

les explosions nucléaires. Rapportés à Copernic les cratères secondaires auraient été créés par des

impacts d’objets ayant entre 100 et 500 m de diamètre, frappant le sol à 400 m/s. On estime que

2% du volume excavé participe à la formation des cratères secondaires, les 98% restants sont soit

pulvérisés en éléments insuffisants pour créer des cratères secondaires, soit doter d’une vitesse

initiale supérieure à la vitesse de libération (2,38 km/s) et expédiés dans l’espace.

4.7 Cratères et formations « exotiques »

4.71 Les cratères concentriques

On les appelle également « cratère roulement à

billes »; parmi eux Lagrange T, Crozier H

Cavalerius E et Hesiodus A (image de gauche). Ce

petit cratère de 15 km a un rebord extérieur et un

anneau intérieur de 6 km en forme de donut, un

beignet américain, ainsi qu’un relief bosselé entre

les deux structures. Il existe 51 cratères

concentriques dont 70% sont semblables à

Hesiodus A. Un grand nombre sont localisés près

de dômes ou de rainures et se situent près de

rivages des mers. Cette localisation a conduit les

scientifiques à penser que ces cratères pouvaient

être d’origine volcanique, la couronne interne

résultant d’une remontée de magma. Hesodius A

Un glissement de terrain est à écarter, ceux-ci ne se produisant pas au sein de cratères de diamètre inférieur à

15 km. Il faut peut-être chercher dans la structure ou les propriétés de résistance des couches sous-jacentes

l’origine de ce phénomène. Rien n’est confirmé. Une analyse de la structure du cratère Esodius A montre que

les anneaux ne sont pas constitués de matériaux pulvérisés d’origine continentale contrairement au matériau

présent dans les fosses internes. Ce cratère est peut-être un mix impact puis volcanisme. Une des zones les

plus denses en concentriques s’étend de Firnicus, Dubyago, Nobili à l’est de Mare Undarum donc difficile à

observer. Son étude est par contre intéressante avec Quick Map.

Les cratères concentriques sont également présents sur la face cachée, dans l’arène de Humboldt.

4.72 Quelques formations exotiques, lettres de l’alphabet, travaux publics et villes

imaginaires… Commençons par la plus connue : le X

Le fameux X, formé par l'intersection des murailles des cratères Purbach, La Caille et Blanchinus n'est visible

que pendant quelques heures, lorsque les conditions d'éclairage favorables sont réunies. La figure elle-même

du X n'a pas de signification géologique mais elle attire inévitablement l'œil de l'observateur, notamment

quand celui-ci ne s'attend pas à la trouver.

Page 170: Clairs de Lune.pdf

166

Le U de Fabricius

Les cratères complexes présentent des terrasses

résultant de glissements de terrains. Dans le cas de

Fabricius d = 80 km, profondeur 3500 m, il semble que

seul le flanc ouest est resté en place.

Le flanc est s’est déplacé vers l’ouest, le flanc nord a

glissé sur la moitié de sa longueur pour venir tout contre

une partie du massif central, le sud s’est déplacé

partiellement sur les 2/3 de sa longueur.

Après le U, le V

Visible à l’ouest de Rima Hyginus au même âge de la

Lune que le X, le V est formé par la convergence de

deux arêtes de 50 km d’un massif sans nom qui avance

dans Mare Vaporum. Elles culminent à environ 1000 m

au-dessus de la plaine. Au sein du V se trouve le cratère

Ukert M, un cratère à fond plat totalement délabré. (20

km, 300 m de profondeur). L’arène de Ukert tangente le

bas de l’arête ouest. La forme de ce cratère est très

particulière, une de feuille de laurier de 21 x 24 km ; il a

été formé par un impact oblique provenant du NNE. Le

fond du cratère est très irrégulier à cause des glissements

de terrain des remparts.

L’épée de la Lune

Rupes Recta ou le mur Droit, ou la voie ferrée pour les

anglo-saxons, a été comparé à une épée par le

sélénographe du 17e siècle Christiaan Huygens. Le mur

compose la lame et le relief au sud, la poignée. Ce

massif est parfois appelé la « Corne de cerf ».

Page 171: Clairs de Lune.pdf

167

La plus longue ligne droite de la Lune ?

Cet alignement de dépressions long de 225 km, va

approximativement du nord au sud, de Lalande à

Ptolemaeus. Quelques buttes allongées et les bords

soulevés de certaines dépressions soulignent

l'alignement. Plusieurs chercheurs ont proposé que

les Sculptures d'Imbrium soient des arrachements,

comme des coups de gouges. Mais la ligne

d'Alphonsus, comme d'autres, n'est pas continue et,

par endroits, il semble que les dépressions linéaires

se combinent avec des cratères.

Le cœur percé

Au nord-est du trio Theophilus, Catharina,

Cyrillus, Capella est un cratère très ancien (pré-

Imbrien) très érodé et sans intérêt particulier si ce

n’est qu’il est tranché par Vallis Capella, une

vallée radiale à Mare Tranquillitatis. Cette vallée

est semblable à une flèche transperçant un cœur,

Capella.

Le casque et la pointe de flèche

Sur la rive sud-ouest d’Oceanus Procellarum, deux formations volcaniques composées de lave riche en

silice nommées ainsi, The Helmet et Arrow Head, par les sélénographes US.

Page 172: Clairs de Lune.pdf

168

Le sombrero ou l’œuf dans son nid

Alpetragius (4.5° ouest 16°sud)

Ce cratère du Nectarien de 39 km et 3850 m de

profondeur pâti de la proximité des trois géants

Ptolemaeus, Alphonsus et Arzachel.

Contrairement aux cratères de même diamètre et

même époque, Alpetragius ne comporte pas de pic

central mais un massif arrondi en forme de dôme de

15 km de diamètre et 1500 m d’altitude.

De dessus comme en coupe, Alpetragius est un

immense sombréro ou un œuf dans son nid.

Le souriant

Sous un éclairage rasant il sourit. Wurzelbauer est un

cratère Pré Nectarien de 88 km, très délabré. Les

remparts sont peu escarpés. La partie occidentale

semble recouverte de débris et la partie orientale est

plus lisse avec des rainures essentiellement

concentriques. Une structure lisse se retrouve également

à l’ouest, associée à une rainure. Ces deux zones

présentent un taux de cratérisation élevé, témoin que

l’activité volcanique qui a porté en surface le magma est

ancienne. Le centre est soulevé d’environ 400 m.

Le têtard

Reiner Gamma a été observé très tôt par les astronomes

de la Renaissance et a fait l’objet de multiples

hypothèses : éruption volcanique, impact d’une comète

qui a laissé son empreinte, vent solaire qui a balayé le

sol. Il semble que l’origine soit à rechercher autour de la

présence d’un champ magnétique très important qui

aurait préservé les basaltes marins de l’érosion due aux

micrométéorites et aux vents solaires.

Des formations similaires existent en grand nombre sur

et autour de Mare Marginis.

LRO

Page 173: Clairs de Lune.pdf

169

La patte d’oiseau

Au sud-ouest, près du grand

cratère Schickard, Wargentin est

un cratère daté du Nectarien

(3.92 à 3.85 milliards d’années).

Il est totalement envahi par la

lave. Sous un éclairage rasant, les

cinq rides de surface rayonnant

du centre dessinent un motif de

pate d’oiseau.

Damian Peach

L’origine est difficile à définir ; des failles de chevauchement résultant de mouvement horizontaux seraient

concentriques plutôt que radiales. Peut-être s’agit-il de remontées de magma le long de failles radiales, des

dikes naissants.

Le cobra va dévorer l’oiseau

Deux explications pour une même tête.

Pour certains, Herodotus et Aristarchus forment la

tête de cobra, les deux cratères symbolisant la

forme de lunettes sur la collerette du serpent et la

vallée, le corps. Pour d’autre c’est l’évent à

l’origine de Vallis Schroteri qui serait la tête. Nord

en bas.

Bague(s) avec diamant

Gassendi Taruntius et Cameron. LRO

Plusieurs cratères présentent cette association qui les fait ressembler à une bague sertie d’une pierre

précieuse. Deux sont bien visibles dans un petit instrument : Gassendi (111 km) et Gassendi A (32 km) au

nord de mare Humorum et Taruntius (57 km) - Cameron (17 km) au nord de Mare Fecunditatis. Ces deux

cratères sont situés en bord de mer ce qui a facilité l’invasion par la lave marine par l’intermédiaire des

Page 174: Clairs de Lune.pdf

170

fractures dans le plancher. A noter que Gassendi A ne s’est pas vu doter d’une nomenclature malgré son

diamètre alors que Cameron, deux fois plus petit, a été nommé ainsi en 1973 pour rendre hommage à

Robert Cameron, astronome américain du milieu du 20e siècle/.

La cacahuète

Toujours au sud-ouest, Hainzel est le sommet d’un

triangle dont la base est Schickard et Schiller. Cette

formation de forme allongée est datée au Nectarien

(3.92 - 3.85).

Elle est composée par trois éléments : Hainzel A et

C au nord, de taille et âge identique, et de Hainzel B

au sud, plus ancien. C’est une formation complexe

avec terrasses, arène accidentée ayant peut-être

pour origine un impact simultané de deux corps sur

un cratère plus ancien surmontant lui-même le

grand cratère Lee, Pré-Nectarien.

La paire de lunettes

Mercator et Campanus sont situés sur la rive sud

oust de Mare Nubium, dans le quart sud-ouest de la

Lune. Les deux cratères ont un diamètre équivalent

(48 km) et sont séparés par une vallée étroite.

Mercator est daté au Nectarien (3.92 -3.85) et

Campanus à l’Imbrien inférieur (3.85 - 3.80).

L’empreinte de chaussure

Probablement le cratère le moins circulaire sur la

Lune (179 x 71 km). Schiller est daté au Nectarien

(3.92 – 3.85). Sa forme allongée a longtemps

suscité la controverse : caldeira volcanique

semblable à Toba en Indonésie? Chevauchement de

deux ou trois cratères d'impact? C’est cette

deuxième hypothèse qui est aujourd’hui admise. Le

bolide à l’origine de Schiller s’est probablement

fracturé en au moins deux si ce n’est trois parties

lors de l’impact, ce qui a conduit à cette forme

générale de semelle de chaussure.

Page 175: Clairs de Lune.pdf

171

La cité de Gruithuisen

L'astronome allemand Franz von Gruithuisen publie à partir de 1824 des découvertes selon lesquelles une

cité lunaire de 25 kilomètres du nord au sud, située au nord du cratère Schröter (ne pas confondre avec

Vallis Schroteri), sur les rives du Sinus Medii (8N-4N / 6W-10W), serait le témoin d'une grande civilisation

sélène. En fait des chaînes de montagne se coupant à angle droit et des superpositions d'éjectas ont suggéré

au baron l’existence de « constructions colossales... et de rues ».

Le pont O’Neil

En juillet 1953 John O’Neill, directeur scientifique du New York Herald Tribune, affirma avoir observé

une « arche gigantesque de 18 km d’une culée à l’autre » en bordure de Mare Crisium (image de gauche).

Une lunaison plus tard, H.P. Wilkins directeur de la Lunar section de la British Astronomical Association

repéra une forme courbe de 3 km. Il s’avéra que ce n’était qu’un jeu d’ombre à travers une dépression du

promontoire Lavinium. Avec un modeste instrument ce type d’illusion est tout à fait possible comme le

montre l’image de Plato. Avec un faible grossissement le sommet d’une portion de rempart peut être

confondu avec une arche surbaissée.

Le pont de Bullialdus

Le pont de Bullialdus est un passage surélevé qui relie

une zone semi-marine à l’ouest de Bullialdus et au sud

de Lubiniezky en haut à droite. Sur l’image de gauche

le « pont » est visible contre le piton rocheux au centre.

Sa partie sud-est est plus brillante que le terrain

environnant.

La zone plate au nord-ouest est à – 2020m. Le plateau

est légèrement incliné en direction du sud-est (-1904 à

– 1970m). La zone plate au sud-est est à

- 2170 m.

Page 176: Clairs de Lune.pdf

172

5E

REMARQUE : LES PHOTOS PERMETTENT DE RENTRER DANS LE DETAIL ET

D’EFFECTUER DES MESURES : LONGUEURS ET ALTITUDES

Un télescope de 200 mm permet de réaliser des images de la Lune présentant de fins détails à partir

desquels on peut mener une analyse « géologique » ou procéder à des mesures. Parmi elles, les mesures

d’altitude.

Estimer une altitude sur la Lune ne présente pas en soit de difficultés majeures si on accepte une certaine

marge d’erreur. Il s’agit simplement de mesurer des distances et d’estimer la hauteur du Soleil au-dessus de

l’horizon.

5.1 Mesurer une distance, une longueur

Cette première mesure est relativement facile à réaliser sauf si l’objet est trop proche du limbe et que la

mesure doit se faire en privilégiant la longitude.

Le calcul est une simple règle de trois.

Exemple du Promontorium Laplace, extrémité nord-est de Sinus Iridum

Mesure de la longueur L de l’ombre :

- sur photo du 1/4/2012 à 19 h 22 min UT

longueur de l’ombre = 35 mm

- diamètre du cratère Helicon = 18 mm

Diamètre Hélicon donné par Rükl : 25 km

Diamètre Hélicon mesuré sur LRO Act-React Quickmap :

22 km

L = 22/18 x 35 = 42,7 km

L mesurée sur LRO = 40,6 km

La différence vient de la difficulté à bien estimer sur le cliché

le point de départ et d’arrivée de l’ombre.

5.2 Mesurer une altitude

5.21 La méthode de Galilée

… Je ne saurais oublier une observation que j'ai

regardée avec admiration : la partie presque centrale de

la Lune est occupée par une cavité plus grande que

toutes les autres et d'une forme parfaitement ronde. Je

l'ai observée aux environs des deux quadratures et je l'ai

reproduite du mieux possible dans les figures ci-dessus.

Elle présente le même aspect quant au jeu de l'ombre et

de la lumière, que sur Terre une région semblable à la

Bohème complètement enfermée à l'intérieur d'une

chaîne de très hautes montagnes formant un cercle

parfait : sur la Lune, cette zone est bordée de crêtes si

hautes que l'extrémité de la bordure proche de la zone

sombre de la Lune se voit éclairée par la lumière du

Soleil avant que la limite entre ombre et lumière atteigne

le diamètre qui partage en deux cette même figure. Mais

comme pour les autres taches, sa partie sombre regarde

le Soleil, tandis que la lumineuse se trouve vers la zone

obscure de la Lune…

Page 177: Clairs de Lune.pdf

173

Je considère que les observations exposées jusqu'ici, montrent de façon assez évidente que la surface la plus claire de

la Lune est partout couverte de protubérances et de dépressions. Il nous reste à parler de leurs dimensions, en

montrant que les inégalités sont sur Terre beaucoup plus faibles que sur la Lune, ceci de façon absolue et non relative

aux dimensions de leurs corps respectifs. Voici comment cela se démontre clairement : J'avais très souvent observé,

dans les différentes positions de la Lune par rapport au Soleil, que quelques sommets situés dans la partie non

éclairée de la Lune, même assez éloignés de la limite ombre-lumière, semblaient illuminés par la lumière solaire. En

comparant leur distance par rapport à cette limite au diamètre de la Lune, j'observai que cet intervalle dépassait

parfois un vingtième du diamètre. Ceci étant admis, supposons que le corps lunaire soit un grand cercle CAF, de

centre E. Le diamètre CF est par rapport à celui de la Terre comme deux à sept. Or le diamètre de la Terre est selon

les plus exactes observations de 7000 milles italiques. Donc CF mesurera 2000, CE 1000, et le vingtième de CF sera

100. Soit CF le diamètre du grand cercle qui sépare la partie lumineuse de la Lune de la partie.

En raison du très grand éloignement du Soleil par

rapport à la Lune, ce cercle ne diffère pas sensiblement

d'un grand cercle1. Soit un point A distant du point C du

vingtième de ce diamètre, prolongeons le rayon EA qui

rencontre la tangente GCD au point D (cette tangente

représente le rayon illuminant). L'arc CA, ou le segment

CD, vaudra donc 100 des unités dont CE vaut 1000, et la

somme des carrés de DC et CE vaudra 1 010 000,

quantité égale au carré de DE ; DE vaudra donc plus de

1004, et AD plus de 4 des unités dont CE contenait 1000.

Donc le segment AD, qui correspond sur la Lune à un sommet qui monte jusqu'au rayon solaire GCD et qui est séparé

de la limite C par la distance CD, a plus de 4 milles italiques de hauteur*, alors que sur Terre il n'existe pas de

montagnes qui atteignent une hauteur d'un seul mille à la verticale ; il est donc clair que les sommets sont plus élevés

sur la Lune que sur la Terre.

Le calcul de Galilée

A son époque le diamètre lunaire est estimé à 2/7e du diamètre terrestre et le diamètre de la Terre à 7000

milles italiques (1 mille italique = 1478 m).

Le diamètre lunaire pris en compte par Galilée est de 2000 milles italiques.

La distance DC, distance du terminateur à la pointe du sommet éclairé est estimée par Galilée à 1/20 du

diamètre apparent de la Lune. Soit 200 /20 = 100 milles italiques

En appliquant le théorème de Pythagore on déduit que

DE2 = (2000/2)

2 +100

2 = 1000

2 + 100

2 = 1010000

Donc DE = 1010000 ½

= 1004,98

Or DE = AE + AD, d'où AD = DE – AE = 1004,98 – 1000 = 4,98 milles italiques soit une altitude de

6000 m.

En mesurant sur le croquis du 17 décembre

1609, l’altitude déduite est plus grande

(8000 m) car le cirque représenté

(Albategnius ?) ne correspond pas un 1/20

mais 1/10 du diamètre et le diamètre lunaire,

sous-estimé dans la démonstration qui

précède, est ici pris à sa juste valeur. En

réalité la hauteur des remparts d’Albategnius

est de 3 650m.

5.22 Méthode photographique Cette mesure peut être effectuée sur une photographie ou à partir d’un croquis très précis. La date et l’heure

du début et de la fin sont reportées avec précision.

Page 178: Clairs de Lune.pdf

174

Méthode la plus simple (mais la moins précise). Il faut connaitre la colongitude du terminateur, la longitude de l’objet, la longueur de l’ombre projetée par

l’objet (cf. paragraphe précédent),

La colongitude est la longitude du terminateur du matin, mesurée vers l’ouest à partir du méridien central.

Elle peut être facilement calculée par extrapolation à partir de la date exacte du premier quartier

(colongitude 0°), le terminateur se déplaçant de 0°30’ (0,508°) par heure.

Les éphémérides donnent les colongitudes à 0 h et 12 h. Les logiciels comme l’Atlas Virtuel de la Lune

calculent à la demande cette position.

La latitude et la longitude de l’objet sont données par certains ouvrages (Rükl par exemple)

Sinon elles peuvent être déduites par des mesures « à plat » sur une photographie ou une carte précise.

a = latitude mesurée sur la carte ;y = a/r (r = rayon de la Lune mesurée sur la carte ou la photographie

b = longitude mesurée sur la carte ; x = b/r

y = sin

sin = y / √1 − 𝑥2

La longueur de l’ombre est déduite par mesure sur une photographie ou un dessin.

On peut également utiliser l’échantillonnage, ici 70 pixels de 714 m. L = 50 km

La différence entre la colongitude du terminateur et la longitude de l’objet donne la hauteur S du Soleil au-

dessus de l’objet. Plus elle sera faible, plus l’ombre sera longue.

La hauteur de la formation peut être estimée avec la formule

H = L tan S

Mesure de la hauteur Latitude : 46° nord

Longitude : 26° ouest

Colongitude à la date et heure de la prise de vue (1/4/2012 21 h 22mn HL) = 30°30’ (30,5°) (Atlas Virtuel

de la Lune)

Hauteur du Soleil : S = 30,5° – 26° = 4,5°

Tan S = 0,078

Longueur de l’ombre : L = 42,7 km

H = 42,7 x 0,078 = 3 360 m

Mesuré LRO = 2 734 m. La différence est non négligeable (626 m) car ce calcul simple ne tient pas compte

d’un grand nombre de critères, de la libration, de la position de la Terre, de celle de l’observateur… Mais

cela donne une estimation.

5.3 Un peu plus de précision

Il existe d’autres méthodes plus complexes à mettre en œuvre. Elles peuvent être retrouvées sur « Le Guide

de l’Observateur » de la SAP ou dans « The Moon » Appendix III de H.Percy Wilkins et Patrick Moore,

Editions Faber and Faber. Voici une méthode proposée par KC Pau :

Page 179: Clairs de Lune.pdf

175

5.31 Détermination de longueur et de hauteur sur la Lune Cette méthode permet de déterminer les longueurs et les hauteurs des formations lunaires à l'aide d'une

image numérique. L'incertitude de mesure est de l’ordre de 10 %.

5.32 Correction pour la longueur de l’ombre Sur la Lune, la lumière du Soleil est souvent orientée presque parallèlement à l'équateur. Très souvent,

l'ombre est inclinée par rapport à la ligne de visée observateur/objet et semble plus courte que sa longueur

réelle. Une correction sur la mesure doit être appliquée:

Correction sur la longueur de l’ombre = longueur mesurée / cos

où est l’angle dans la direction EO du méridien central de la Lune compte tenu de la libration en

longitude.

Exemple avec une libration en longitude de -3,4° et la longitude de l’extrémité de l'ombre à 27°24’ (27,4°)

lue sur une carte.

Si la mesure de la longueur de l’ombre est de 37 pixels dans la direction EO, la longueur corrigée sera

37 / cos [27,4° – (-3,4°)] = 43 pixels. Avec un échantillonnage de 0,396, ceci équivaut à 43 x 0,396=

17,02’’.

Supposons maintenant que la distance

entre l'ombre et l'observateur soit de 375

000 km (elle peut être estimée à partir

d'éphémérides lunaires et est toujours

inférieure à la distance Terre-Lune de

centre à centre). La longueur réelle de

l'ombre sera 375 000 km x sin (17,02’’) =

17,7 km.

5.33 Calcul de la hauteur du Soleil

Sin (S) = sin (b) sin (bo) + cos (b) cos (bo) sin (l + co)

b = latitude du pic (compris entre 90 0)

l = longitude du pic (compris entre 180 0)

bo = latitude du Soleil (compris entre 1,6 0)

bo est aussi appelé déclinaison du Soleil ou latitude du point subsolaire selon les éphémérides. Le point

subsolaire est le point de la surface lunaire qui a le Soleil à son zénith.

co est la colongitude du Soleil.

Les valeurs l et b d’un objet sur la Lune peut être trouvée à partir de l’atlas Rükl ou de l’Atlas Virtuel de la

Lune, de la page web de l’USGS/IAU, du site.edu/q3/ http://target.lroc.asu

Les valeurs bo et co du Soleil dépendent de l’instant d’observation et peuvent être trouvées sur les

éphémérides lunaires.

Page 180: Clairs de Lune.pdf

176

5.34 Calcul de la hauteur en fonction de la longueur de l’ombre H = L tan S, où L est la longueur réelle de l’ombre et S la hauteur du Soleil. Il est préférable que la hauteur du Soleil (S) lors de la mesure soit inférieure à 15° mais pas plus petite que

2°. Si S est supérieure à 15°, l'ombre visible de la Terre peut être trop courte pour être mesurée avec

précision.

5.4 Exemple : Theophilus et Promontorium Laplace

Déterminer le diamètre et la profondeur du cratère Theophilus, nord-ouest de Mare Nectaris

16/02/2013 à 18 h 22min UT

Distance: 394 776 Km

Diamètre apparent: 30’ 16’’ (30,27')

Taille du pixel

30,27’ = 1827’’ = 750 m

Colongitude: 344°12’ (344,2°)

Latitude subsolaire: 1°30’ (1,5°)

Libration en latitude: - 00°10'

Libration en longitude: + 03° 22'

Longitude du cratère : 26°24’ (26,4 °)

28°18’ (28,3°) au point a

24°48’ (24,8°) au point b

27°18’ (27,3°) au point c

Latitude du cratère :-11°24’ (-11,4°)

Diamètre de Theophilus

Données en degrés et décimales

E = 0,396’’ par pixel

Diamètre mesuré ab = 133 pixels

Diamètre corrigé = 133 / cos [24,80 – (+3,22

0)] = 143 pixels

143 pixel x 0,396’’ = 56,6’’

Distance du cratère à l’observateur :

diamètre de la Lune / sin (diamètre angulaire) – rayon de la Lune x cos (l) cos (b)

soit

3 474 / sin (30’27”) – 1 737 cos (26,40) cos (-11,4

0)

(3 474 / 0,008872) - 1 737 x 0,8957 x 0,98027 = 390 268 km

Diamètre de Theophilus = 390 268 sin (56.6 ‘’) = 105,9 km

(UAI 110 km, Rükl 100 km)

Longueur de l’ombre formée par le rempart de Theophilus

Longueur mesurée de l’ombre ac = 28 pixels

Longueur corrigée = 28 / cos [27,3° – (3,22°)] = 25 pixels = 10,0’’

Longueur de l’ombre (L) = 390 268 sin (10,0) = 18,9 km

Hauteur du Soleil (S) au point a

Sin (S) = sin (b) sin (bo) + cos (b) cos (bo) sin (l + co)

= sin (-11,83°) sin (1,5°) + cos (-11,830) cos (1,5°) sin (27,9° + 344,2°)

= (-0,205) (0,0261) + (0,9787) (0,9996) (0,2096)

= (-0,0053) + (0,2006) = 0,1953

S = 11,2°

Profondeur de Theophilus (h)

p = L tan (S) = 18,9 x tan (11,2°) = 3,742 km

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(LRO 3,890 km, Rükl: 4,4)

Déterminer l’altitude de Promontorium Laplace

Image le 1/4/2012 21 h 22 locales, 20 h 22 UT

Données astronomiques

Diamètre de la Lune : 3 474 km

Diamètre apparent de la Lune : 31,61’ = 1 921’’

l = longitude du Pr Laplace : -26,19°

Longitude pointe de l’ombre : -28,6°

b = latitude Pr Laplace : +46,60°

Libration en latitude : +6,11°

Libration en longitude : -07,48°

co = colongitude = 31,5°

bo = latitude du Soleil= 1.3°

Données techniques

Valeur du pixel : 0,396’’

0,396’’ couvre (3474 / 1921) x 0,396 = 716 m

s = longueur de l’ombre = 75 pixels

Distance de Promontorium

= diamètre de la Lune / sin (diamètre angulaire) – rayon de la Lune x cos (l) cos (b)

= 3 474 / sin (31’61) – 1 737 cos (-26,19°) cos (+46,6°)

(3 474 / 0,0091) -1 737 x 0,8973 x 0,6871 = 380 687 km

Longueur de l’ombre projetée par Pr Laplace

Mesure de la longueur de l’ombre = 75 pixels

Longueur corrigée de l’ombre = 75 / cos [28,6° – (-07,48°)] = 60 pixels

60 x 0,396’’ = 23,8’’

L = 380 687 x sin 23.8’’ = 43,9 km

Hauteur du Soleil (S) au Pr Laplace

sin(S) = sin(b) sin (bo) + cos(b)cos(bo)sin(l + co)

b = latitude du pic (compris entre 90°)

l = longitude du pic (compris entre 180°)

bo = latitude du Soleil (compris entre 1.6°)

bo = déclinaison du Soleil ou latitude du point subsolaire selon les éphémérides. Le point subsolaire est le

point de la surface lunaire qui a le Soleil à son zénith.

co est la colongitude du Soleil

sin (S) = sin (b) sin (bo) + cos (b) cos (bo) sin (l + co)

= sin (46.6°) sin (-0.3°) + cos (46.6°) cos (1,3°) sin (-26.19 + 31,5°)

= (0,7265) (-0,00523) + (0,6871) (0,9997) (0,0925) =

-0,00379 +0,06353 = 0,05974 = sin 3,4°

S = 3,4°

Hauteur de Pr Laplace

H = s tan (S) = 43,9 tan (3.4°) = 2 608 m

(LRO 2 734 m)

Toute la difficulté provient du décompte des pixels à l’extrémité de l’ombre. Il faut faire 5 estimations et

prendre la moyenne. 1 pixel de plus et c’est une erreur de 733 m sur la longueur de l’ombre.

La hauteur devient donc H = s tan (S) = (43,9 + 0.733) tan (3.4°) = 44 ,6 tan (3,4°) = 2649 m soit une

différence de 31 m.

Ne pas oublier que les mesures effectuées par LRO le sont par radar et qu’auparavant un résultat était

obtenu non pas après une seule mesure mais une série très longue donnant une moyenne avec marge

d’erreur.

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178

QUELQUES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET AUTRES

Sites généraux https://the-moon.wikispaces.com/Introduction

http://www.astrosurf.com/luxorion/menu-lune.htm

http://lpod.wikispaces.com/2014

http://iluj.wikispaces.com/2014

http://www.lpi.usra.edu/publications/books/lunar_sourcebook/http://themoon.wikispaces.com/System+of+

Lunar+Craters

Lunar and planetary Institute : http://www.lpi.usra.edu/lunar/

Chapitre de : http://media4.obspm.fr/public/AMC/pages_stlp/impression.html

NASA : http://moon.nasa.gov/home.cfm

http://target.lroc.asu.edu/q3/

http://wms.lroc.asu.edu/lroc_browse?page=1

Site d’astronomes amateurs Site de Jocelyn Sérot :

http://www.astrosurf.com/legalet/Astro/Bienvenue.html

Site de Damian Peach :

http://www.damianpeach.com/lunar.htm

Site de Nicolas Dupont Bloch

http://nicolas.dupontbloch.free.fr/index.htmSondes lunaires :

Site de Yuri Goryachko, Mikhail Abgarian, Konstantin Morozov

http://www.astronominsk.org/index_en.htm

Exploration lunaire http://system.solaire.free.fr/sondelune.htm

Atlas, cartes, ouvrages Vincent de Callatay (ouvrage de collection)

Atlas Virtuel de la Lune

Rükl

Cartes Arizona State University, 44 cartes

http://the-moon.wikispaces.com/System+of+Lunar+Craters

http://the-moon.wikispaces.com/Quad+Maps

Géologie http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/origine-Lune.xml#impact

http://jeromegrenier.free.fr/atlaspdf/geologie.pdf

http://digilander.libero.it/glrgroup/consolidatedlunardomecatalogue.htm

The Geologic History of the moon:

http://ser.sese.asu.edu/GHM/

Lunar Source Book: http://www.lpi.usra.edu/publications/books/lunar_sourcebook/pdf/Chapter04.pdf

Ouvrages consultés Il ne s’agit pas d’une sélection d’ouvrages mais de ceux qui ont été consultés pour ce livre.

Livres anciens

Atlas de la Lune – Vincent de Callataÿ – Gauthier-Villars

Notre nouveau monde, la Lune – Albert Ducrocq – Sciences et Avenir

Le guide de la Lune – Patrick Moore – 10/18

Astronomy p. 19 /43 - Patrick Moore – Guiness Book

Atlas guide photographique de la Lune – Georges Viscardy – AFMA et Masson

Page 183: Clairs de Lune.pdf

179

Autres livres et publications

Atlas de la Lune – Antonin Rukl – Gründ

The modern moon – Charles A. Wood – Sky and telescope

21st century atlas of the moon – Wood and Collins – West Virginia University

The Kaguya lunar atlas – Motomaro Shirao et Charles A.Wood

Craters of the near side Moon - John Moore - Amazon edit

Le grand atlas de la Lune – Thierry Legault et Serge Brunier – Larousse

Le monde de la Lune – Frederic Niel – Hachette

Découvrir la Lune – Jean Lacroux et Christian Legrand – Bordas

Observing the moon – Gerarld North – Cambridge University Press

The moon – Zdenek Kopal – Reidel Publishing

A portofolio of lunar drawings – Arold Hill - Cambridge

The moon book – Kim Long – Johnson Books

Jardiner avec la Lune – Xavier Florein – SAEP

Selenology today (revue) Raffaelo Lena et col.

Les mots du ciel – Daniel Kunth – CNRS Editions

On consultera avec profit la double page d’Astronomie Magazine de Raymond Sadin

E.books gratuits

Accessibles via le site de Maurice Collins (http://moonscience.yolasite.com)

Lunar source book – Heiken et col – Cambridge University Press

Geological History of the Moon – Don Wilhems – Arizona State university

Prochaine parrution de l’auteur : le “Lunar 100”, une sélection commentée de 100 sites lunaires parmi les

plus interessants d’après Charles A. Wood

Page 184: Clairs de Lune.pdf

180

180E ET DERNIERE PAGE.

Il est difficile de décider de mettre un terme à la rédaction d’un document comme celui-ci. La diffusion

rapide de l’information nous permet d’accéder en permanence à de nouvelles données. J’aurai pu prendre

comme échéance la fin de l’été 2014, la rédaction étant arrivée à son terme. Mais alors je n’aurais pas pu

compléter les commentaires sur Ina Caldeira par ceux concernant les Taches Marines Irrégulières ni

aborder le paradoxe posé par les apatites riches en hydrogène, ces deux ajouts ayant fait l’objet de

communications en octobre 2014.

Alors j’ai choisi très arbitrairement le 31 décembre 2014. Il est possible que de nouvelles découvertes aient

lieu au matin du 1er janvier 2015, que de nouvelles théories ou hypothèses voient le jour après cette date ; le

Workshop on Early Solar System Bombardment prévu les 4 et 5 février 2015 à Houston devrait apporter

son lot de nouvelles informations. Vous saurez pourquoi je n’y ai pas fait référence. C’est donc une bonne

raison pour se tenir informé de l’actualité lunaire. Mais la meilleure justification reste pour moi que la Lune

est facile à observer et que, pour peu que l’on s’intéresse à elle, elle nous raconte une multitude d’histoires

passionnantes.

Chateaugay

le 6 mars 2016

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