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Lycée Pablo Picasso Classe d’Approfondissement en Arts Plastiques — 2010

Classe d’Approfondissement en Arts Plastiques — 2010caap.picasso.free.fr/2010/Catalogue 2010.pdf3 Julia Balboni Sérénité Voici une plage. Sur cette plage une dalle en béton

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Lycée Pablo Picasso

Classe d’Approfondissement en Arts Plastiques — 2010

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Charles Gallissot, professeur responsable de la C.A.A.P.

Pour cette année 2009-2010 ce catalogue en ligne vient remplacer celui que nous éditions les années précédentes. Il rassemble des travaux plastiques et des textes poétiques représentatifs des vingt et un étudiants qui composent aujourd’hui la C.A.A.P.

Ce catalogue a été conçu pour que les étudiants puissent repérer et mesurer ce qui peut s’approfondir et se développer au regard des questions et des notions que soulèvent les pièces choisies et présentées ici. Ces pièces sont significatives à cette heure de ce qui est profondément en jeu dans leur pratique naissante.

Nous nous trouvons à un moment où une mise à distance critique du travail est nécessaire avant le montage et la réalisation de l’exposition qui présentera au lycée Pablo Picasso, du 25 mars au 2 avril 2010, un ensemble de productions des étudiants.

L’exposition est un moment décisif d’approfondissement pour les étudiants.

Jusqu’à présent, dans un temps de formation très court, ils se sont livrés à des expérimentations pour repérer sur quoi pouvait s’appuyer leur pratique et à partir de quoi ils pouvaient témoigner individuellement et singulièrement de ce qui les intéressait. Ce premier temps de l’activité artistique a été nécessaire et fondamental pour soulever bon nombre de questions et d’interrogations très concrètes. C’est la part que je dirais plus ou moins aveugle mais qui sous-tend fortement le sens de ce qu’ils font et qu’il va falloir davantage reconnaître.

La réalisation de l’exposition permettra donc aux étudiants d’objectiver et de préciser plus consciemment les orientations de leur projet. De repérer, d’approfondir et de développer ce qui se travaille dans ce qu’ils produisent. De situer un peu mieux le lieu de leur travail. D’identifier ce qu’ils ont construit pour se présenter plus en confiance aux concours des écoles d’art qu’ils ont choisies, et de poursuivre ainsi plus solidement leur formation supérieure artistique.

Les étudiants de cette classe sont conscients d’être entrés dans une aventure extraordinaire et exigeante, qui permet malgré les doutes de se reconnaître et de se construire pour se situer dans la complexité du monde actuel.

En guise de conclusion, je livre à leur réflexion comme ouverture aux possibles cette « découverte » que transcrit en lettres de néon Jean-Luc Vilmouth dans Discover I en 1982-1984 :

ILS SE SONT MIS A MANGER DE LA VIANDE A MEME L’OS AUTOUR D’UN FEU, LES OS JETES DERRIERE EUX, S’ACCUMULANT PENDANT DES MOIS ENTIERS – UN JOUR L’UN D’EUX NE SENTIT PLUS LE VENT, IL REMARQUA QU’UN MUR S’ETAIT CONSTRUIT AUTOUR DU FEU, IL DECOUVRIT LA PREMIERE MAISON.

Philippe Longchamp, poète responsable de l‘atelier d’écriture

On peut se demander pourquoi, à des bacheliers tout frais, venus ici pour enfin consacrer le plus de temps possible à progresser dans la pratique de leur passion : les arts plastiques, pourquoi leur demander de consacrer trois heures chaque semaine à se confronter à l’écriture de la poésie.

Eux voient vite pourquoi, et s’y investissent fort. En poésie, les mots sont de la matière : du bruit, toute sortes de sons qu’on organise pour en obtenir des rythmes et musiques mélodieux, heurtés, grinçants.

Comme tel ou telle, dans l’atelier d’arts plastiques, rassemble des draps blancs usés, les met en pièces, en charpie, les noue, les troue, les plâtre, les peint, les encolle, les embroche et quoi d’autre en cherchant sans cesse de quelle façon il va produire avec ces draps agencés du sens, de la sensation, des émotions, de quoi peut-être faire bouger quelqu’un dans sa vie, pareillement dans l’atelier de poésie on va travailler, manipuler, déplacer, changer, détourner, si besoin casser ou inventer les mots jusqu’à ce que le bruit qu’ils font parvienne pas trop loin de ce qu’on cherche à dire, et qu’en partie on ignore ou du moins qu’on discerne encore confusément ; quelque chose qui n’a encore jamais été dit, de l’inouï, qu’on cherche en cherchant comment le dire.

Ainsi, cette poésie — même les textes en prose, ici, sont de la poésie ; si ça ne se voit pas quand il n’y a pas de vers, ça s’entend, c’est écrit à l’oreille —, ce bruit des mots donc est toujours une approche de quelque chose qui va se dire, un objet avec des obscurités et des clartés pour tenter de dire, de créer du sens, de la sensation, des émotions.

Des arts plastiques à la poésie, les procédures sont très semblables, les objectifs très proches : on est bien ici dans le même chemin d’apprentissage. Un seul texte pour chacun, c’est sans doute peu pour saisir le chemin fait.

Mais lisez-les, vous verrez que c’est déjà beaucoup.

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Julia Balboni

Sérénité Voici une plage. Sur cette plage une dalle en béton brut masque en partie la vue sur l'océan. Sur cette dalle, un homme se tient debout, droit. Voici un homme. Sur sa tête il porte un chapeau de paille et sur son dos une chemise ouverte. Cette chemise vole au vent et sa couleur se fond dans le bleu du ciel. Voici une vue. L'homme contemple la plage ensoleillée, les vagues scintillent. Sur ses hanches se posent ses mains. La dalle surplombe la plage, il est seul. Sur son visage un léger sourire apparaît. Voici son ombre. Elle n'a pas bougé de la dalle de béton, et n'a plus de chapeau sur sa tête. Il dévale la hauteur de la dune jusqu'à la plage, et tourbillonne sur le sable. Sur son ombre la chemise remue comme un drapeau. Elle crée un étrange motif sur le béton grisé. Voici un homme. Il a les yeux fermés. Le sable blanc qui vole au vent l'apaise. Ses cheveux en bataille s'agitent comme le fracas des vagues sur la plage. Ce bruit le transporte. L'océan l'appelle.

Sans titre — Épices, terres naturelles et vernis sur toile, 30 × 30 cm Sans titre — Épices, terres naturelles et vernis sur toile, 30 × 30 cm

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Inès Ben Salha

Loin de la foule des gens qui se bousculent, se marchent dessus, s’entretuent, je suis là ! Dans un lieu où règne une atmosphère de plénitude, un lieu propice aux rêves les plus fous. Roulant à pleine vitesse, je caresse le lac

salé de l’île de Djerba. J’entends les grains de sel se froisser, crisser, se broyer sous les roues. Je m’extasie face à ce spectacle grandiose, un endroit magique qui me fait pousser des ailes… L’horizon me guette, il me cherche,

m’attire par son vide intense, égal à celui de la mer. Rien aux alentours, je fais des tours et des

tours, la liberté qui monte à la tête, j’oublie tout, absolument tout, même la poussière étouffante qui me colle aux yeux et m’empêche de respirer à pleins poumons. Mes mains posées sur l’engin à quatre

roues ne le quittent plus. Ce fauve me donne du fil à retordre. Je tente de retarder le moment où je devrais rejoindre les autres qui sont aussi aux abonnés absents. Malheur, il est l’heure ! Elles ont brûlé et

compressé le temps, ces vingt minutes de bonheur. Je n’oublierai pas ce moment où j’ai eu peur. De mourir, non ! De m’enfuir bien sûr. Mais je garde un souffle, celui de la liberté.

Sans titre — Assemblage de matériaux divers, 26 × 14 × 9 cm

Tentation — Assemblage de matériaux divers, 90 × 70 × 30 cm

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Marion Berlit

Un couple dans un fast food. Sur leur table, rien ne gît. Table rase, point de mets. Elle lui fait front radieuse. Lui n'offre que son dos voûté. Elle l'écoute ailleurs, distante, le regard perdu au large. Ses joues sont toutes rosées, Son teint est laiteux et pâlit, pendant que ses mots a lui sortent de sa bouche. Soudain il se tait laissant la cacophonie ambiante prendre le dessus sur eux. Sur sa main ses doigts se crispent : « Il est temps de s'en aller ». Soudain, il lâche sa main. Elle s'en échappe et alors regarde un dernier instant le large au loin qui n'est plus.

Souder l’entre — Acrylique sur toile, 115 × 117 cm

Impénétrable couleur, construite est ma maison — Acrylique sur toile, 115 × 117 cm

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Ely Bessis

Je n'y vois que du feu. Devant moi, sur la scène, l'homme aux

gants blancs, souliers cirés, et chapeau haut, fait apparaître par magie toutes sortes de fleurs et d'artifices. Il claque des doigts par ici, une fleur

s'épanouit par là. Il souffle sur un tas de paillettes, et une douzaine de pâquerettes volent en fête. Le derrière cloué à mon strapontin, je regarde ébahi la magie qui s'opère devant moi. Le prestidigitateur impressionne son public, éclabousse la scène de fleurs tel un arc-en-ciel zigzaguant dans un labyrinthe de sons et de lumières. Habillé tout de noir dans cet univers merveilleux, il virevolte et tournoie sur les planches du théâtre. Ses mouvements furtifs laissent l'assistance bouche bée, les yeux rivés sur l'invisible, éblouie par la danse magique, par les fleurs jaillissant de nulle part, et les éclats de joie dans les airs. Tout est parfait, quand soudain, en coulisse, un technicien passe avec un miroir à l'instant même où le rideau se soulevait. Ce fut assez pour moi, en une fraction de

seconde j'ai pu apercevoir l'invisible. Rien de magique, en fait. J'ai tout vu.

Pylône — Sculpture : bûche, isolateur, mortier, 45 × 22 × 24 cm État poétique — Sculpture : glace, eau, 110 × 35 × 35 cm

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Claire Emond

Ville d’aube Lumière poussiéreuse, Éventrée par une ombre, Sur ce mur s’étale. D’une lueur singulière, Les matins obscènes rouillés, L’impacte lune de métal En un trouble fut bue.

Visages envisagés — acrylique sur toile,

110 × 60 cm Visages envisagés 3 — acrylique sur toile,

110 × 60 cm Visages envisagés 2 — acrylique sur toile,

110 × 60 cm

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Mélanie Fortès

Le Cap-Vert Les îles du Cap-Vert portent bien leur

nom, ce nom si parlant qui donne envie d'y aller. Pour ma part, j'y suis déjà allée, même plusieurs fois ; mais ce n'est que lors de mon dernier voyage, sur l'île de Saõ Antaõ, que j'ai ressenti une intense plénitude. Il y a là-bas une végétation si

verdoyante et si diversifiée que des bananes, des mangues, de la papaye et bien d'autres encore y poussent. Une fois, chez ma tante, sur la terrasse, je contemplais d'un côté la montagne verdoyante, de l'autre la mer couleurazur, tout en savourant une mangue cueillie quelque heures avant, en écoutant le bruit des vagues que faisait la mer agitée, et en m'enivrant de l'odeur qui provenait de la droguerie d'en bas. Il se dégageait de ces drogueries une forte odeur sucrée qui venait des cannes à sucre qu'on utilise pour en extraire le miel et en faire de la liqueur. C'est presque magique, comme dans

un rêve ou un paradis sur terre. Tout est si calme et si paisible là bas, j'aurais voulu ne jamais partir de cet endroit.

Décomposition colorée — Photographie Tourbillon — Photographie

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Julia Gault

Midi, déjeuner mondain d'un duo de familles, Paris. La malpropre, « la fille de », est ordinairement là, docilement, physiquement présente. Tenue, sourires, merci, je vous en prie. Dans un coin, assise sur le sombre fauteuil d'un style dépassé, proche tapisserie, potiche, problème de sociabilité. Effacée, ignorée, torturée, trucidée. Morte. Féroce dérapage. Elle est étouffée par l'odeur nauséabonde qui envahit cette salle. Immuable essence. Ils sont là, docilement, physiquement présents. Tenue, sourires, merci, je vous en prie. Observatrice écœurée par l'exubérance des politesses, histoires de fesses ; par la violence des sympathies mutuelles, hypocrisie. Maîtresse, elle semble diriger ce théâtre médiocre, tirades populaires, plagiats foirés. Pantins, catins !

Silence — Installation : branches d’arbre, tissu extensible, terre, ampoules

Sans titre — Installation : branches d’arbre, tissu extensible, terre, ampoules

Sans titre — Installation Débris, charbon de bois, branches

d'arbres, bandes plâtrées, ampoules, bande sonore, superposition de quatre voix étranges.

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Estelle Glinel

Quinze heures et demi, envie de sucré, j'entre, commande une glace. Sol, plafond, tout est beige. Au centre, un mur en imitation bois. La lampe grande et ronde éclaire une tache orange vif. Ce sont les cheveux frisés d'une femme à la peau mate. Ils sont mi-longs étirés en arrière. Des sourcils fins, des yeux en amande, son nez légèrement épaté, sa bouche foncée, rosée, brillante. Ses vêtements sont noirs, tout noirs. Elle parle à son amie, se lève et part.

Sandwich — Sculpture : mousse textile et textiles divers, glycero et acrylique,

40 × 96 × 96 cm

C’est bientôt près — Installation, dont deux toiles de 30 × 30 cm, sucre cuit et acrylique sur toile

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Aurélie Goldblat

Il est encore tôt. Il fait froid, gris et il a plu. Le sol est encore mouillé. Le ciel est à peine perceptible. Un épais brouillard est tombé et recouvre la ville, troublant la vision de tout un chacun, entravant toute tentative pour appréhender l’horizon. Là, entre les bâtiments à peine visibles, là où règnent l’ordre et le calme – voitures alignées, enseigne proprement déployée -, la bouche du métro Réaumur. Les deux réverbères se dressent fièrement, et surveillent l’entrée comme la sortie des voyageurs. Deux s’y sont déjà réfugiés. Ils discutent au bas de l’escalier. Ce qu’ils se disent ? Inaudible. Au loin une ombre qui se déplace, s’approche. Des pas qui résonnent, son régulier, aigu. Des talons fins battent le sol. C’est une femme qui avance. Elle quitte peu à peu du brouillard. Une élégante gabardine sur le dos, claire, proprement lissée, enfilée. Un petit sac bien garni au poignet. De l’autre côté, un parapluie coquet, quoiqu’un peu inutile, qui ne laisse entrevoir que le bas de son visage, et de jolies anglaises blondes reposant sur ses épaules. Elle avance. Elle marche. Toujours à la même allure, semble jeter des regards à l’intérieur des boutiques devant lesquelles elle passe. Elle continue. Observe. Elle ne prête cependant pas attention au salon de thé. Elle tourne les talons, se préparant à descendre entre les mâchoires du métro. Puis elle disparaît dans les souterrains.

Sans titre— Photographie

Ils nous ressemblent— Acrylique sur papier, 50 × 65 cm

Ils nous ressemblent— Acrylique sur papier, 50 × 65 cm

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Marie Grier

En retard. Dédale de l'aéroport, en retard. Course avec le temps, douane. Arrivée en retard ; trop tard. Stress, asthme, spasmes. Chacun à son poste, comme des soldats de la vie. 10 minutes. Elle ne respire plus. Il court, chercher les secours. Course avec le temps. Elle respire de nouveau. 20 minutes. Les couleurs reviennent sur ses joues, la couleur, maigre espoir de ne pas la voir repartir. Elle desserre ses mains crispées sur les miennes. Les secours arrivent. Hommes en blouse verte, les mains gantées d’inutilité. Repartent sans agir, sans réagir. 30 minutes, nouvelle crise. Toute mon énergie pour elle ; toutes les paroles s'entremêlent, se bousculent dans ma tête. Toute ma tête, toutes mes peurs. Aéroport dans la nuit. Elle, moi, lui. Touristes égarés dans la spirale du temps. 40 minutes. Elle se calme. Enfin, la crise est finie.

Eau — Sculpture : carton et colle, 34 × 22 × 13 cm Sans titre — Sculpture : carton, 25 × 20 × 18 cm

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Aurélia Jacquemart

Tout d’abord, il y a la musique du réveil-matin hystérique, suivi de près par les cris d’un bébé dans la pièce à côté, hystérique lui aussi. Des vapeurs d’encens flottent encore dans l’air, comme suspendues, en apesanteur. Mes paupières s’ouvrent sur la petite pièce révélant çà et là quelques formes monstrueuses et indiscernables. Je distingue à peine mes meubles, perdus sous l’amas des objets hétéroclites. Aucune couleur, tout juste un clair-obscur pâteux, brouillant mes sens engourdis. Je me relève doucement, frigorifiée. La fenêtre, mal isolée, est restée ouverte encore une fois. Mon regard se balade, totalement hagard, sur l’anarchie qui règne ici : vieux cahiers délaissés, pinceaux déplumés, livres jaunis, palettes défraîchies, chaussettes trouées, chaussures abandonnées, crayons, collants, casquettes, culottes, cauchemars couchés classés dans un carnet de croquis au cœur de la nuit. Tout tremble, rien ne s’effondre, caché dans l’ombre… de mon monde.

Végétale — Sculpture : feuilles d’arbre, lierre, grillage, fil de couture, 150 × 30 × 20 cm

Dévorée — Sculpture : neige, jus de fruits rouges,

15 × 18 × 15 cm

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Anaïs Jardin

Je me souviens de la flûte et de ses couinements, du professeur parlant doucement, et de mes soi-disant chutes toutes les deux semaines. Mon bandage au doigt sur l'une de mes deux mains esquivait le passage de flûte habituel. En sortant je le jetais déjà à la poubelle. J'avançais en essayant de me sortir de l'esprit des chansons comme « Belles, Belles, Belles ». Je m'écartais de ces chants et de ces grincements. Cette heure hebdomadaire me laissait un goût amer. La flûte devenue mon instrument de torture. Ce cours de musique, mon heure de supplice. Ce souvenir, une exagération d'enfant.

En face à face — Photographie De l’autre côté — Installation : photographies

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Alice Largilière-Bobbio

Souvenirs urbains La plume le connaissait bien auparavant. Maintenant, les feux doutent de la poussière sucrée. Transformez qui voudra comme le vert. Ainsi, tu approuveras la lune autonome.

Sans titre — Photographie Lien 2 — Sculpture modulable

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Maud Lucas

Nuit parisienne Ce soir, les métamorphoses s'allument, Par ici, le marchand d'oublies bleuit les rêves Où les froides roses meurent en silence. Soudain la lune de métal pleure dans le ciel : La nuit se farde de soucis.

L’Entre du monde — Sculpture : fil de fer, étain, papier, 53 × 60 × 60 cm

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Marie Ouazzani Hassani

Évolution de mon réfrigérateur — Série de photographies

Galerie marchande. Dans Venise Maroquinerie À Fontenay-sous-Bois où je ne vois jamais un seul arbre, Mais la sécurité veille très bien sur les magasins. Il est loin, derrière la caisse. Sûrement la vingtaine. Cheveux très noirs et courts coiffés ennuyeusement en brosse, Sûrement de type asiatique, avec une peau couleur miel et

Des sourcils épais. Un T-shirt bleu marine à manches longues, et logo. Il parle avec une cliente, le regard loin. Elle veut vite un paquet cadeau, il cligne des yeux, bouge, Ouvre la bouche quand il se demande où est le ruban. Le comptoir bleu est sa scène, et lui une marionnette Qui gigote, gigote, gigote, encore, encore, encore.

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Julie Renard

Square

L'ivrogne flotte au-dessus de l'horizon. Sous mes pieds, les cailloux s'éventrent. Au loin, le chant de l'herbe qui tremble me retient. L'écorce du chêne se dilate, des sourires y éclatent. Les gamins bleuissent de rire. Autour de moi, les métamorphoses crient.

Densité — Mobiles : mousse expansive de polyuréthane, grillage, fil de nylon, 100 × 30 × 30 cm

Mousse — Photographie

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Alicia Renaudin

Du jour au lendemain. Les yeux au sol. Rien sans nouvelle. Regardant sans voir. Dispute. Tête contre vitre. Sans explication. Les mains posées sur les genoux.

Tu aurais dû me rappeler. Le bus s'arrête. Tu aurais pu la rappeler. C'est l'hiver. Elle risque de me voir. Écharpe et manteau noir. Tu devrais t'excuser.

Elle porte toujours le même jean, les mêmes chaussures, le même maquillage. Son écharpe est noire et son manteau aussi, ils ont changé.

Elle sourit. C'est de ma faute. Toujours au sol. On évite de fuir quand on a tort. Assise dans le vague. Elle ne devrait pas être là. Je me mets toujours au fond. Quand je suis là où je ne devrais être.

Toujours regard baissé.

Elle a ses yeux plissés, ses mains fermées, la bouche crispée. Elle donne l’impression d’avoir les yeux clos. A tenter d’oublier ce qu’elle devrait regarder.

On a tort. Il y a trop de monde. De causer du tort. On croise toujours du monde. On n’en a pas envie. Du monde qu'on ne connaît pas. Pas forcément. Du monde qui nous regarde. Du monde qui ne nous voit pas, qui ne veut pas, et. Surtout. Juliette qui s'en fout.

On a envie qu’elle nous regarde. On a envie qu’elle nous regarde. On a envie. Mais on ne le supporterait pas. On ne le supporterait pas. Si elle me voyait elle ne me supporterait pas. Elle s’en irait.

Lignes — Vidéo 1’38’’

Ombres bleues — Série photographique

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Félix Rodriguez-Sol

Le soir était tombé, et dans les lumières de la rue les flots de passants encombrants passaient et bousculaient. Dans l'assemblée amassée près de l'église, j'écoutais et je regardais, seul, tout ouvert, tout attentif aux discussions, aux visages, aux mouvements. Un homme se faufila maladroitement demandant si l'on n’avait pas un ticket en plus, accostant, brisant les conversations, et non, personne n'avait de ticket. On se dévisagea. Un visage crevassé aux joues mal rasées, à l'œil noir souriant. Il lança comme ça, d'une voix râpeuse et sonore, brusque, une remarque élogieuse sur Patti Smith, je répondis souriant. On parla tous les deux de l'artiste qui était là, dans cette église aux portes fermées. Puis il disparut en brisant à nouveau les conversations, englouti par la foule.

Sans titre — Sculpture : Terre, plâtre, bâche plastique, 30 × 200 × 300 cm

Sans titre — Modelages de plâtre

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Mégane Tortrat

La femme. Somnolente. Tête posée sur la vitre. Bercée par le roulis du train. Sur mes genoux : carnet de croquis. Dans mes mains : crayon gras et gomme. Son long nez, l'arc de ses sourcils, je les dessine de la pointe de la mine. Discrètement. Je lui vole son portrait. Ses yeux s'ouvrent et vagabondent. Je détourne les miens. Elle ne m'a pas vue. Ses mains bougent. Mon dessin devient faux. J'efface. Je recommence. D'un trait souple, soyeux, presque amoureux, apparaissent les cheveux. Elle est blonde... Elle s'endort de nouveau. J'en profite. Apparaissent sa bouche pincée aux lèvres fines, sa longue écharpe de laine et ses sourcils durs et noirs. Le train s'arrête. Les portes s'ouvrent. En sursaut, elle se réveille. Se précipite par cette crevasse dans le gouffre de la gare. Sur mes genoux repose son souvenir : mon dessin inachevé.

Enfant au bonnet — Triptyque, acrylique sur toile, 145 × 100 cm

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Gabrielle Vigier

Dix-huit heures, un dimanche, carrousel du Louvre. Cheveux fins, mi-longs, châtain-clair, yeux malicieux et bleu-vert, petit manteau vert kaki trop grand pour lui. C'est un petit bonhomme, heureux de vivre, qui court. Il essaie de toucher un néon rose fluo, projeté sur le pavé de l'allée. Excité, le bout de chou rit, sourit, s'amuse, il fonce, il glisse. Tête baissée, il se heurte à diverses personnes, il tombe. La petite tignasse virevolte. Il se relève, continue sa très grande quête, celle de la lumière, toujours gai et rieur. Adossé à un pilier, je l'observe et l'envie. A côté, un bel homme d'environ vingt-cinq ans. Il doit être son père, me regarde, me fixe. Ça y est, la jeune mère du petit arrive. Il part et... non, il revient, il court, il se retourne, il regarde une dernière fois ce néon rose. Dix-huit heures dix, un dimanche, je m'en vais vite.

Nature vivante — Série photographique

Sans titre — Photographie

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Anne Wohlgemut

Quatre horizons et une tache, quatre lignes et un point, quatre frontières et un obstacle ; le sable, la pierre, le sable, et la mer, une femme. Cet endroit me rappelle la Normandie. La pierre est taillée, usée par le temps et le vent, le vent a tracé sur le sable des vagues, et les vagues au loin se heurtent sur la plage. Sur la plage, la femme, assise, regarde l'horizon, la limite, la frontière. Elle est le point, la tache, l'obstacle. Le soleil crée des ombres et nous montre grâce à celles-ci ce qui semble être le reste d'une empreinte de pas. Peut-être la sienne, ou peut-être pas. Ce détail emporte mon imagination. Serait-ce l'unique souvenir laissé par un soldat disparu? Je regarde une dernière fois ces horizons, le calme et l'usure du paysage qui s'offre à moi accentuent la sensation que le temps est passé, emportant avec lui une époque ; celle d'un combat.

Autoportrait 2, Défiguration — Acrylique sur toile, 80 × 60 cm Contre-jour — Acrylique sur toile, 80 × 60 cm

Page 24: Classe d’Approfondissement en Arts Plastiques — 2010caap.picasso.free.fr/2010/Catalogue 2010.pdf3 Julia Balboni Sérénité Voici une plage. Sur cette plage une dalle en béton

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Table des matières

Le présent catalogue est édité à l’occasion de l’exposition des travaux des élèves de la Classe d’Approfondissement en

Arts Plastiques du Lycée Pablo Picasso de Fontenay-sous-Bois, Académie de Créteil. 25 mars – 2 avril 2010

Texte de Charles Gallissot, professeur responsable de la C.A.A.P. ...................................................................................................... 2

Texte de Philippe Longchamp, poète responsable de l’atelier d’écriture......................................................................................... 2

Julia Balboni .................................................................................................................................................................................................. 3

Inès Ben Salha .............................................................................................................................................................................................. 4

Marion Berlit .................................................................................................................................................................................................. 5

Ely Bessis ......................................................................................................................................................................................................... 6

Claire Emond ................................................................................................................................................................................................ 7

Mélanie Fortès .............................................................................................................................................................................................. 8

Julia Gault ..................................................................................................................................................................................................... 9

Estelle Glinel ................................................................................................................................................................................................. 10

Aurélie Goldblat ......................................................................................................................................................................................... 11

Marie Grier ................................................................................................................................................................................................... 12

Aurélia Jacquemart ................................................................................................................................................................................... 13

Anaïs Jardin ................................................................................................................................................................................................. 14

Alice Largilière-Bobbio ............................................................................................................................................................................... 15

Maud Lucas ................................................................................................................................................................................................. 16

Marie Ouazzani Hassani ............................................................................................................................................................................ 17

Julie Renard ................................................................................................................................................................................................. 18

Alicia Renaudin ........................................................................................................................................................................................... 19

Félix Rodriguez-Sol ...................................................................................................................................................................................... 20

Mégane Trotrat ........................................................................................................................................................................................... 21

Gabrielle Vigier ........................................................................................................................................................................................... 22

Anne Wohlgemut ....................................................................................................................................................................................... 23

Conception et réalisation du présent catalogue : Erwan Bout, Charles Gallissot