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Les Classiques du Management et de l’Organisation Ronald H.Coase (né en 1910). Hubert Gabrié est maître de conférence à l’Université de Paris IX-Dauphine. Il est notamment l’auteur de l’ouvrage:  La théorie moderne de l’entreprise: l’approche institutionnelle (avec J.L. Jacquier; Economica, 1994; préface de Herbert Simon). Il prépare actuellement un autre ouvrage: Coopération, conflit et démocratisation (à paraître chez Economica en 1999). 1: Ronald Coase. Economiste d’origine britannique, Ronald Coase a notamment enseigné à l’Université de Chicago. Son ouvrage  La firme, le marché et le Droit (Diderot Editeur, 1998) réunit ses principales contributions théoriques dont les deux articles qui lui ont valu, en 1991, l’attribution du Prix Nobel de sciences économiques: «La nature de la firme» (1937) et «Le problème du coût social» (1960). 2: La nature de la firme. Si les marchés concurrentiels sont si efficaces que cela pour organiser l’activité économique, et donc  pour déterminer l’utilisation des ressources à travers le mécanisme des prix: comment expliquer l’existence de firmes, demande Coase, alors que celles-ci sont des organisations productives «hors marché» où les dirigeants décident autoritairement de l’allocation des ressources? Coase pose ainsi l’idée aujourd’hui très classique qu’il existe deux formes d’organisation économique: celle, décentralisée, du marché et celle, autoritaire, des firmes. Il affirme que l’entreprise est plus efficace que le marché mais jusqu’à un certain point seulement, sinon «toute la production serait réalisée par une seule immense firme.» 3: Les coûts de transaction. Il s’agit des coûts d’organisation de la production par le mécanisme des prix. Il peut être onéreux à des échangistes de se mettre d’accord sur le prix et les caractéristiques précises du bien ou service en travail échangé; ils signent alors un contrat. S’ils opèrent fréquemment des transactions entre eux, les coûts liés à chaque contrat s’accumulent sur le long terme. D’où la possibilité que les échangistes veuillent économiser sur les coûts de transactions en signant un contrat salarial à long terme.. 4: Le problème du coût social . Dans la perspective d’Arthur Pigou, précurseur de l’économie mixte, la fonction de l’Etat consiste à corriger, par le biais de taxes ou de subventions, les conséquences liées aux externalités - cas de la  pollution, par exemple. Au contraire, Coase tente de démontrer qu’il est possible d’éviter cette solution traditionnelle, les bénéficiaires et les victimes pouvant toujours parvenir à des accords mutuellement avantageux qui permettent d’obtenir une allocation optimale des ressources, du moins en l’absence de coûts de transactions. Dans ce cas là, l’Etat se limite à la seule attribution de «droits de  propriétés» pour les ressources concernés par les externalités. 1/ Contexte. La théorie néoclassique de l’équilibre économique qui analyse les fonctions de consommation et de production, laisse peu de place à l’entreprise. R.Coase, en écrivant son article  La nature de la firme, dévoilait une difficulté conceptuelle majeure de la théorie économique: l’existence de la firme comme réalité organisationnelle. Et il soulevait un problème théorique fondamental auquel l’économie néo-classique ne parvenait pas à répondre de manière convaincante: «pour quelle(s) raison(s) est-il économiquement rationnel de substituer au

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Les Classiques du Management et de l’Organisation

Ronald H.Coase (né en 1910). 

Hubert Gabrié est maître de conférence à l’Université de Paris IX-Dauphine. Il est notamment

l’auteur de l’ouvrage:  La théorie moderne de l’entreprise: l’approche institutionnelle (avec

J.L. Jacquier; Economica, 1994; préface de Herbert Simon). Il prépare actuellement un autre

ouvrage: Coopération, conflit et démocratisation (à paraître chez Economica en 1999).

1: Ronald Coase.

Economiste d’origine britannique, Ronald Coase a notamment enseigné à l’Université de Chicago.

Son ouvrage  La firme, le marché et le Droit  (Diderot Editeur, 1998) réunit ses principales

contributions théoriques dont les deux articles qui lui ont valu, en 1991, l’attribution du Prix Nobel de

sciences économiques: «La nature de la firme» (1937) et «Le problème du coût social» (1960).

2: La nature de la firme.

Si les marchés concurrentiels sont si efficaces que cela pour organiser l’activité économique, et donc

 pour déterminer l’utilisation des ressources à travers le mécanisme des prix: comment expliquer 

l’existence de firmes, demande Coase, alors que celles-ci sont des organisations productives «hors

marché» où les dirigeants décident autoritairement de l’allocation des ressources? Coase pose ainsi

l’idée aujourd’hui très classique qu’il existe deux formes d’organisation économique: celle,

décentralisée, du marché et celle, autoritaire, des firmes. Il affirme que l’entreprise est plus efficace

que le marché mais jusqu’à un certain point seulement, sinon «toute la production serait réalisée par 

une seule immense firme.»

3: Les coûts de transaction.

Il s’agit des coûts d’organisation de la production par le mécanisme des prix. Il peut être onéreux à des

échangistes de se mettre d’accord sur le prix et les caractéristiques précises du bien ou service en

travail échangé; ils signent alors un contrat. S’ils opèrent fréquemment des transactions entre eux, les

coûts liés à chaque contrat s’accumulent sur le long terme. D’où la possibilité que les échangistes

veuillent économiser sur les coûts de transactions en signant un contrat salarial à long terme..

4: Le problème du coût social .

Dans la perspective d’Arthur Pigou, précurseur de l’économie mixte, la fonction de l’Etat consiste à

corriger, par le biais de taxes ou de subventions, les conséquences liées aux externalités - cas de la

 pollution, par exemple. Au contraire, Coase tente de démontrer qu’il est possible d’éviter cette

solution traditionnelle, les bénéficiaires et les victimes pouvant toujours parvenir à des accords

mutuellement avantageux qui permettent d’obtenir une allocation optimale des ressources, du moins

en l’absence de coûts de transactions. Dans ce cas là, l’Etat se limite à la seule attribution de «droits de

 propriétés» pour les ressources concernés par les externalités.

1/ Contexte.

La théorie néoclassique de l’équilibre économique qui analyse les fonctions de

consommation et de production, laisse peu de place à l’entreprise. R.Coase, enécrivant son article  La nature de la firme, dévoilait une difficulté conceptuelle

majeure de la théorie économique: l’existence de la firme comme réalité

organisationnelle. Et il soulevait un problème théorique fondamental auquel

l’économie néo-classique ne parvenait pas à répondre de manière convaincante:«pour quelle(s) raison(s) est-il économiquement rationnel de substituer au

 

mécanisme des prix, une organisation centralisée et autoritaire, dont le type est

la firme, pour allouer des ressources rares?»

Coase répond à cette question, d’une part en faisant de la transaction l’unité de

 base sur laquelle repose sa théorie, et d’autre part en définissant l’entreprise

comme une «relation d’autorité», l’essence de ladite entreprise se caractérisant

comme une relation d’emploi - les offreurs et les demandeurs préféreront une

relation d’autorité à un contrat de vente sur le marché, s’il s’avère que cette

relation permet une économie sur les coûts de transaction.

2/ Actualité.

 La nature de la firme, aujourd’hui l’article le plus cité au monde, n’a été

redécouvert qu’au début des années 60. Il faut dire que la question qui y est

 posée est embarrassante pour la théorie économique car, en effet, si le marché

est aussi efficace que le prétendent ses défenseurs, il ne devrait pas y avoir 

d’entreprises!

La réponse que Coase donne à la question est notamment basée sur la relation

d’autorité comme résultat d’un choix volontaire. Parce qu’elle ignore l’existence

de rapports de force entre le capital et le travail, elle est bien moins pertinente

que la question elle-même. Il n’en reste cependant pas moins que Coase peut

être considéré comme le père de l’économie des organisations dont l’un des

représentants les plus en vue actuellement est Oliver Williamson, auteur de

 Market and Hierarchies (1975).

Le second célèbre article de Coase, relatif aux externalités (lire encadré 4). Les

économistes en ont retiré «le théorème de Coase», terme inventé par G.Stigler.

Ce théorème affirme que si les droits de propriété sont facilement transférables

et qu’il n’y a pas d’effets de richesse, les actifs finiront dans les mains des gens

qui peuvent en faire le meilleur usage et donc les valorisent au mieux. Les

économistes néo-libéraux utilisent ce théorème pour légitimer la forme

capitaliste des entreprises.