9
S i ces délais s’expliquent par les vifs débats initiaux qui entouraient la question - fallait-il miser sur des réductions nettes des pays industrialisés ou sur la captation de car- bone dans les pays en développement ; quels devaient être les rôles respectifs des pouvoirs publics et des acteurs économi- ques privés, etc. –, ils sont aussi le résultat (faut-il le rappeler) de l’obstruction mise en œuvre d’emblée par certains des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, au premier rang desquels les Etats-Unis. Climat : de Rio à Bali Dix ans plus tard, l’Assemblée générale des Nations Unies conve- nait que son prochain Sommet s’intitulerait “Sommet mondial pour le développement durable”, ce qui consacrait définitivement la formule. Ce sommet s’est tenu du 26 août au 4 septembre 2002 en Afrique du Sud, à Johannesburg, et il avait pour but de réaffirmer, au plus haut niveau politique, l’engagement mondial envers le partenariat Nord/Sud, en vue d’accélérer la mise en œuvre de l’ Agenda 21 afin que les principes du développement durable soient respectés et se traduisent par des résultats concrets. En souscrivant au Plan d’application du Sommet mondial pour le développement durable, les nations du monde se sont ainsi déclarées “résolues à donner suite à tous les objectifs socio-économiques et environnementaux qui y sont formulés, dans le respect des délais convenus”. Entre Rio et Johannesburg, et toujours sous les auspices des Nations Unies, les nations du monde se sont réunies à l’occasion de plusieurs autres grandes conférences, comme la Conférence internationale sur le financement du développement, qui ont contri- bué peu ou prou à définir une vision d’ensemble pour l’avenir de la planète. Enfin, autour des concepts nouveaux désignés comme “Les principes de Rio”, d’autres sommets et forums mondiaux les ont encore suivis, tel le forum mondial sur le développement durable, “Développement et changement climatique”, qui s’est tenu en novem- bre 2004 à l’OCDE. A Montréal, en décembre 2005, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, s’est voulue plus ambitieuse que le Protocole de Kyoto, qui pèche en effet par la modestie de ses objec- tifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi par les marges de manœuvre trop lâches laissées aux principaux pays pollueurs, qui leur permet de tirer avantage du marché du carbone... C’est que, d’une part, la hausse des émissions enregis- trées d’année en année dans le monde - en Inde et en Chine en 1. Parmi les deux autres conventions-cadres majeures de Rio : celle sur la biodiversité et celle sur la désertification. En 1992, avec la notion alors novatrice de “développement durable”, le Sommet de la terre de Rio de Janeiro et la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui en a résulté 1 , ont marqué un tournant dans la perception des interactions entre développement et environnement. En proclamant la Déclaration de Rio, les principaux dirigeants de la planète ont en effet convenu que “La protection de l’environnement et le développement social et économique étaient fondamentaux pour le développement durable”, sur la base des nouveaux concepts et principes de Rio. En outre, en adoptant l’Agenda 21, un vaste programme visant à atteindre ce “développement durable” au 21ème siècle, ils jetaient les bases d’un régime international concernant les changements climatiques. Les objectifs chiffrés de réduction d’émission des gaz à effet de serre, négociés durant les années suivantes, n’ont cependant été adoptés qu’en 1997 avec le Protocole de Kyoto, et ne sont entrés en vigueur qu’en 2005. © sevencolors.org 3 DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE 1/2008 Changements climatiques et développement durable, les jalons d’une prise de conscience mondiale

Climat : de Rio à Bali Changements climatiques et ... · Pour l’illustrer, le rapport avait encore cité le propos prêté à Antoine de Saint-Exupéry : “Nous n’héritons

Embed Size (px)

Citation preview

Si ces délais s’expliquent par les vifs débats initiaux qui entouraient la question - fallait-il miser sur des réductions nettes des pays industrialisés ou sur la captation de car-bone dans les pays en développement ; quels devaient être

les rôles respectifs des pouvoirs publics et des acteurs économi-ques privés, etc. –, ils sont aussi le résultat (faut-il le rappeler) de l’obstruction mise en œuvre d’emblée par certains des principaux émetteurs de gaz à effet de serre, au premier rang desquels les Etats-Unis.

Climat : de Rio à Bali

Dix ans plus tard, l’Assemblée générale des Nations Unies conve-nait que son prochain Sommet s’intitulerait “Sommet mondial pour le développement durable”, ce qui consacrait définitivement la formule. Ce sommet s’est tenu du 26 août au 4 septembre 2002 en Afrique du Sud, à Johannesburg, et il avait pour but de réaffirmer, au plus haut niveau politique, l’engagement mondial envers le partenariat Nord/Sud, en vue d’accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 21 afin que les principes du développement durable soient respectés et se traduisent par des résultats concrets. En souscrivant au Plan d’application du Sommet mondial pour le développement durable, les nations du monde se sont ainsi déclarées “résolues à donner suite à tous les objectifs socio-économiques et environnementaux qui y sont formulés, dans le respect des délais convenus”.

Entre Rio et Johannesburg, et toujours sous les auspices des Nations Unies, les nations du monde se sont réunies à l’occasion de plusieurs autres grandes conférences, comme la Conférence internationale sur le f inancement du développement, qui ont contri-bué peu ou prou à définir une vision d’ensemble pour l’avenir de la planète. Enfin, autour des concepts nouveaux désignés comme “Les principes de Rio”, d’autres sommets et forums mondiaux les ont encore suivis, tel le forum mondial sur le développement durable, “Développement et changement climatique”, qui s’est tenu en novem-bre 2004 à l’OCDE.

A Montréal, en décembre 2005, la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, s’est voulue plus ambitieuse que le Protocole de Kyoto, qui pèche en effet par la modestie de ses objec-tifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi par les marges de manœuvre trop lâches laissées aux principaux pays pollueurs, qui leur permet de tirer avantage du marché du carbone... C’est que, d’une part, la hausse des émissions enregis-trées d’année en année dans le monde - en Inde et en Chine en 1. Parmi les deux autres conventions-cadres majeures de Rio : celle sur la biodiversité

et celle sur la désertification.

En 1992, avec la notion alors novatrice de “développement durable”, le Sommet de la terre de Rio de Janeiro et la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qui en a résulté1, ont marqué un tournant dans la perception des interactions entre développement et environnement. En proclamant la Déclaration de Rio, les principaux dirigeants de la planète ont en effet convenu que “La protection de l’environnement et le développement social et économique étaient fondamentaux pour le développement durable”, sur la base des nouveaux concepts et principes de Rio.En outre, en adoptant l’Agenda 21, un vaste programme visant à atteindre ce “développement durable” au 21ème siècle, ils jetaient les bases d’un régime international concernant les changements climatiques. Les objectifs chiffrés de réduction d’émission des gaz à effet de serre, négociés durant les années suivantes, n’ont cependant été adoptés qu’en 1997 avec le Protocole de Kyoto, et ne sont entrés en vigueur qu’en 2005.

© s

even

colo

rs.o

rg

3DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

Changements climatiques et développement durable, les jalons d’une prise de conscience mondiale

Climat : de Rio à Bali

2. A Bali, le GIEC a ainsi informé les délégués des conclusions de son Quatrième rapport d’évaluation, dont le Résumé à l’intention des décideurs avait été publié en novembre 2007. Cette synthèse des dernières analyses scientifiques et économiques des causes, de l’atténuation et de l’adaptation aux changements climatiques, en constitue l’évaluation scientifique la plus complète à ce jour. Elle souligne la possibilité d’impacts irréversibles et de grande ampleur dûs à ces changements, et affirme la nécessité de prendre des mesures immédiates. (www.ipcc.ch)

4 DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

Un développement économique et social respectueux de l’environnementLe développement durable (ou développement soutenable), selon la définition le plus souvent citée, est “un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.” Bien qu’étonnamment le terme environnement n’apparaisse pas dans cette définition, il s’agit bien d’un processus socio-écologique qui vise la satisfaction des besoins humains tout en préservant simultanément les milieux naturels. Cette relation entre environnement et développement a été reconnue en 1980, quand l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature a publié sa Stratégie pour la Conservation Mondiale, et utilisé pour la première fois le terme “sustainable development” (développement soutenable, ou durable). Ensuite, le concept est entré dans l’usage courant en 1987 à la faveur de la publication du Rapport de la Commission Brundtland, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement.

Pour l’illustrer, le rapport avait encore cité le propos prêté à Antoine de Saint-Exupéry : “Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants”. On sait ainsi que l’empreinte écologique mondiale a déjà dépassé la capacité “biologique” de la Terre à se reconstituer vers le milieu des années 1970. Pour bon nombre d’analystes et scientifiques, le modèle de développement industriel n’est donc pas soutenable - donc insoutenable sur le plan environnemental - car ne permettant pas un “développement” qui puisse durer.

Le développement - qu’il soit industriel, agricole, ou encore urbain - génère en particulier des pollutions massives, aux conséquences immédiates ou différées (exemples les mieux connus : les retombées de pluies acides, les émissions de gaz CFC et à effet de serre), qui contribuent aux changements climatiques et au tarissement des ressources naturelles vitales (comme la déforestation des forêts équatoriales). Il s’accompagne d’une perte inestimable en termes de biodiversité par l’extinction accélérée - et irréversible - d’espèces végétales ou animales. Enfin, il conduit dans le même temps à une raréfaction des énergies fossiles et des matières premières, qui rend déjà imminent le “pic pétrolier” et nous rapproche du tarissement d’autres ressources naturelles plus essentielles encore, au premier rang desquelles l’eau potable, absolument vitale.

schéma du développement durable : à la confluence des trois préoccupations, dites “les trois piliers du développement durable”.

© Wikipédia / Johann Dréo

particulier – devenait tout à fait sans précédent. Et d’autre part, grâce essentiellement aux rapports successifs du GIEC (le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat mis en place en 1988), leurs effets sur le climat devenaient patents, s’annonçant désormais dévastateurs partout : cyclones, inondations, sécheres-ses… A contrario, la Conférence de Nairobi, 12ème conférence des Nations Unies sur le changement climatique, qui s’est tenue du 6 au 17 novembre 2006, ne débouchait à nouveau que sur de timides mesures, mais au moins elle actait le principe d’ouvrir la révision du Protocole de Kyoto en 2008.

La Conférence de BaliFinalement, la 13ème Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la 3ème Réunion des Parties au Protocole de Kyoto se sont donc tenues à Bali, en Indonésie, du 3 au 15 décembre 2007. Au diapason de la sensibi-lisation mondiale devenue très vive2, et après les piètres résultats de Nairobi, ces réunions étaient attendues comme essentielles, les négociateurs devant discuter, cette fois, de ce qui succéderait au Protocole de Kyoto, dont la première période d’engagements prend fin en 2012. Elles allaient déterminer rien moins que l’orientation de la politique mondiale sur les changements climatiques pour les années à venir.

Les discussions s’annonçaient complexes : elles devaient se dérou-ler au sein de plusieurs forums et mettre en présence un certain nombre de groupes de négociation qui rassemblent les pays en fonction d’intérêts communs. Les questions prioritaires inscrites à

l’ordre du jour incluaient notamment l’établissement du Calendrier de Bali et d’un processus pour parvenir à un accord mondial fondé sur le Protocole de Kyoto, la concrétisation de la mise en oeuvre du Fonds d’adaptation, ainsi que des mesures visant à réduire la déforestation dans les pays en développement afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre (lire en p. 10 et 11).

Quels résultats à Bali ?Les pessimistes craignaient que les pays n’adoptent une approche à court terme et continuent d’attendre que les autres fassent le premier pas. Les optimistes espéraient eux que les délégués se mettraient d’accord sur les éléments devant être négociés pour doter le Protocole de Kyoto d’un successeur, les objectifs de réduc-tion et de limitation des émissions de celui-ci ne s’étendant pas au-delà de 2012. Le Calendrier de Bali qui a finalement été adopté (lire en p. 5) établit en effet un calendrier de négociation de ce régime post-2012, idéalement d’ici à 2009, date de la 15ème Conférence des Parties à Copenhague, au Danemark.

Il aura fallu deux ans pour négocier le Protocole de Kyoto, de 1995 à 1997, lequel n’est entré en vigueur qu’en 2005. Les deux années de négociations à venir seront donc déterminantes, car deux résultats sont possibles à Copenhague... Soit, un accord équitable, responsa-ble et maintenant adéquat, face à l’immense défi qui nous attend ! Soit, un accord incomplet et inadéquat qui ne préservera toujours pas le système climatique mondial, ni les régions et les populations les plus vulnérables à ses changements, au Sud comme au Nord...

Jean-michel Corhay

Ecologique

Social

DurableVivable Viable

équitable économique

Climat : Conférence de Bali

© ii

sd.c

a Soulagement après l’obtention du consensus. De gauche à droite : Yvo De Boer : Secrétaire UNFCCC (Convention Changements Climatiques); Rachmat Witoelar, Ministre indonésien de l’environnement ; Richard Kinley, Vice-secrétaire UNFCCC.

5DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

La feuille de route de BaliDepuis l’approbation, en 1992, de la convention des Nations Unies sur les changements climatiques, la relation Nord-Sud est une question épineuse dans le débat climatique multilatéral. Ceci s’explique entre autres par le constat du Groupe intergouverne-mental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) selon lequel, si les causes du changement climatique émanent essentiellement du Nord industrialisé, ses conséquences touchent en premier lieu les communautés vulnérables du Sud. Le principe dérivé des responsa-bilités communes mais différenciées constitue désormais une donnée incontournable dans les négociations climatiques.

C’est aussi la raison pour laquelle, dans le cadre du Protocole de Kyoto, seuls les pays industrialisés se sont vu décerner des objectifs contrai-gnants en termes de réduction des gaz à effet de serre et que la coopération internationale a été appelée à soutenir les pays en déve-loppement dans leurs propres efforts de réduction des émissions et d’adaptation aux effets du changement climatique.

Mais le monde a changé depuis 1992. Le développement économique de pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil s’est caractérisé par une considérable hausse des émissions de gaz à effet de serre. De récentes études scientifiques démontrent en effet que la réduction

La Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui s’est tenue à Bali du 3 au 15 décembre 2007 a donné le coup d’envoi à deux années de négociations intensives et délicates. Selon ce qu’il est désormais convenu d’appeler “La feuille de route de Bali”, les pays industrialisés devront en premier lieu jeter les bases de nouvelles réductions des émissions. Mais le point le plus délicat sera surtout de trouver un équilibre entre les efforts que les pays en développement auront eux aussi à fournir à l’avenir, et l’aide qui leur sera accordée à cette fin par les pays industrialisés.La délégation belge à Bali a joué un rôle décisif dans le cadre des négociations sur le fonds d’adaptation, les transferts de technologie et la déforestation. Pour contribuer à la mise en pratique concrète de la feuille de route de Bali, la coopération au développement belge doit maintenant relever le défi d’une meilleure intégration de la dimension climatique aussi bien dans sa propre politique que sur le terrain.

La coopération belge parmi les négociateurs du climat à Bali

Climat : Conférence de Bali

© b

irdl

ife.o

rg

6 DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

des émissions dans les pays industrialisés est à elle seule insuffisante pour éviter le dangereux changement climatique. Les pays émergents devront donc contribuer aux efforts visant à prévenir l’impact désas-treux pour les pays les plus vulnérables. Leur contribution constituait, avec la participation des Etats-Unis au futur régime climatique, le principal défi pour la Conférence de Bali.

La bonne issue des négociations n’a d’ailleurs tenu qu’à un fil et la conférence, qui devait normalement se clôturer le vendredi soir à 18h00, a dû être prolongée d’un jour, comme il n’y avait toujours pas d’accord sur ce point crucial. Alors que des dissensions au premier abord insurmontables et un déchaînement d’émotions semblaient l’emporter lors de cette ultime journée, les Etats-Unis ont fini par lever leurs objections à un projet de texte présenté à la dernière minute par l’Inde, donnant ainsi le coup d’envoi à deux années de négociations intensives et délicates, dénommées la “feuille de route de Bali”. Cette dernière doit déboucher, d’ici fin 2009, sur un régime climatique global très complet. La feuille de route de Bali se décline en 4 axes: réduction des émissions de gaz à effet de serre, adaptation aux effets du changement climatique, transferts de technologie et mécanismes de financement.

Réduction des émissions de gaz à effet de serreLes pays industrialisés ayant ratifié le Protocole de Kyoto continueront dans cette voie, tandis que les Etats-Unis s’engagent - pour la première fois depuis le refus du Président Bush d’approuver Kyoto - à discu-ter de réductions équivalentes de leurs émissions. Mais les pays en

développement se sont maintenant aussi engagés à “ mettre en place des actions nationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre appropriées, mesurables et vérifiables, pour lesquelles ils bénéficieront d’un soutien sous forme de transferts de tech-nologie et de nouvelles mesures de finance-ment et de développement des capacités ”. Il convient dès lors de dégager des moyens suffisants pour orienter la croissance éco-nomique des pays en développement dans une perspective de “sobriété en carbone”. Or, il est clair que la majorité de ces moyens devra émaner d’investisseurs pri-vés et que le “marché du carbone” créé par le Protocole de Kyoto sera un élément-clé à cet égard. Les pays industrialisés et les entreprises de ces pays y sont incités à investir dans les pays en développement via le Mécanisme de développement propre (MDP). Ce marché n’étant toutefois pas en mesure de tout résoudre, les gouver-nements auront certainement eux aussi un rôle important à jouer. L’intégration du changement climatique dans la coopéra-

tion au développement est une condition sine qua non pour mettre les pays en développement sur la voie d’un avenir sobre en carbone : elle autorisera une augmentation de l’appui financier accordé aux pays en développement, ainsi que la mise en place d’un climat d’investissement

plus favorable et d’un cadre approprié au transfert de technologies durables.

La déforestation joue elle aussi un rôle impor-tant dans les émissions de carbone. Un accord s’est dégagé à Bali à ce sujet (voir p. 10). Les négociateurs belges ont en effet oeuvré avec succès pour l’intégration dans cet accord non seulement du thème de la déforestation - comme entre autres au Brésil et en Indonésie -, mais aussi des problématiques de la dégra-dation et de la gestion durable des forêts, particulièrement pertinentes pour les zones forestières du bassin du Congo.

Adaptation aux effets du changement climatiqueUn deuxième axe particulièrement important

pour les pays en développement est l’adaptation aux effets du chan-gement climatique. Ce sont en fin de compte en effet eux qui sont touchés le plus directement par le changement climatique et qui ont le moins les capacités de faire face à ses effets. C’est dès lors à la demande des pays en développement que “l’adaptation” se verra accorder une plus grande priorité dans le régime climatique post-2012, et qu’une attention spéciale y sera portée “aux pays les moins avancés et aux petit Etats insulaires ainsi qu’aux besoins spécifiques des pays africains touchés par la sécheresse, la désertification et les inondations”. Cette adaptation doit être rendue possible par l’intégration du changement climatique dans les plans de développement nationaux, entre autres. Mais comme

La déforestation joue elle aussi un rôle important dans les émissions de CO2

Le Fonds d’adaptation a été rendu opérationnel le 10 décembre à Bali. Pour l’Union européenne les pourparlers ont été menés

par notre concitoyen et membre de la DGCD, Jos Buys. Ce

dernier a obtenu cette année le “Montreal Protocol Implementers Award” en récompense de son

apport constructif dans les négociations pour la signature il y a vingt ans du Protocole de montréal sur les substances qui détruisent la couche d’ozone.

Climat : Conférence de Bali

Ce séminaire aura lieu le 7 mars 2008 à Bruxelles. Il y sera d’abord question de l’impact des changements climatiques dans la coopération au développement actuelle. Sur cette base seront for-mulées des options politiques pour le futur. Le séminaire est une initiative du Ministre de la coopération au développement, Charles Michel, et sera organisé en collaboration avec le Conseil Fédéral du Développement Durable.

Séminaire international sur l’impact des changements climatiques dans les politiques de développement.

7DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

Que fait la coopération belge ?La DGCD joue un rôle actif aux Conférences des parties (COP) de la Convention sur les changements climatiques et de son Protocole de Kyoto. En effet, si la délégation belge relève du SPF Environnement, c’est la DGCD qui se charge de toutes les tâches relatives à la coopération au développement.

Une première de ces tâches comprend les matières financières en relation avec le Fonds pour l’environnement mondial GEF (Global Environmental Facility), le programme de co-financement de la Banque mondiale, qui a pour responsabilité de réunir de nouveaux fonds supplémentaires pour l’environnement mondial. Quatre thèmes centraux ont été retenus à l’origine : la diminution des risques du chan-gement climatique, la préservation de la biodiversité, la lutte contre la pollution des eaux internationales et la protection de la couche d’ozone. A ceux-ci se sont ajoutés, en 2002, la lutte contre la dégradation des sols par la désertification et/ou la déforestation, et l’éli-mination des polluants organiques persistants (POP). La Belgique participe à ce fonds multilatéral avec une contribution annuelle de 12,5 millions EUR, dont environ un troisième est consacré au changement climatique.

Plusieurs fonds ont de plus été spécialement mis en place pour les pays en développement dans le cadre de la Convention sur les changements climatiques : le Fonds pour les pays les moins avancés LDCF (Least Developed Countries Fund), qui soutient les PMA dans la réalisation de leur Programme d’action national d’adaptation (NAPA, National Adaptation Programme of Action) et le Fonds spécial pour les changements climatiques (SCCF, Special Climate Change Fund) pour l’exécution de ces programmes d’adaptation. Lors de la COP 13 à Bali, un accord a aussi été atteint sur le fonctionnement du Fonds d’adaptation sous le Protocole de Kyoto, grâce entre autres aux négociations intenses dirigées par le représentant belge de la DGCD.

Les services multilatéraux de la DGCD suivent d’autre part aussi le fonctionnement et le budget du secrétariat de la Convention sur les changements climatiques. Des thèmes tels que le développement des capacités et le transfert de technologie devraient y occuper une place plus importante. Une percée a toutefois été réalisée en ce qui concerne l’attention à accorder à la “déforestation évitée”, en premier lieu en RD Congo, par les canaux bilatéraux et multilatéraux. Ce domaine d’action sera encore étendu à l’avenir.

Enfin, la DGCD a l’intention de recourir à un “Toolkit pour l’environnement” pour rendre un grand nombre de ses projets “sobres en carbone” et intégrer les principes de la Convention de Rio (sur le climat, la biodiversité et la désertification) dans ses actions.

Patrick Hollebosch DGCD, Fonds et programmes sectoriels environnement

elle varie selon le secteur et la région, il ne saurait toutefois être ques-tion d’une approche généralisée.

Une lueur d’espoir a été apportée à Bali par la conclusion réussie des négociations relatives au fonctionnement du Fonds d’adaptation. Ce fonds sera financé à partir de 2008 par la taxation des crédits MDP et doit permettre de financer dans les années à venir des projets d’adap-tation concrets, dans l’attente d’un cadre pour le long terme.

Technologie et financementLa technologie et le financement sont deux leviers importants pour la réalisation, dans les pays en développement, des objectifs en matière de réduction des émissions et d’adaptation. Les pays en développe-ment de leur côté insistent sur les transferts de technologie et sur les barrières financières qui en empêchent la réalisation, tandis que les pays industrialisés appellent l’attention sur les conditions annexes locales appropriées (“l’environnement porteur”) nécessaires à l’apport d’investissements et au développement de technologies existantes et nouvelles. La déclinaison concrète - aussi à plus long terme - sera basée sur l’expertise accumulée ces six dernières années au sein du Groupe d’experts sur les transferts de technologie, un organe de la Convention sur les changements climatiques spécialement institué à cet effet.

Le financement est le dernier pilier de l’ensemble. La réduction des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation aux effets du change-ment climatique requièrent un financement important, et en tout cas supérieur à celui octroyé actuellement dans le contexte de la politique climatique. Si on le compare toutefois aux projections du PNB mondial (0,3-0,5 %) ou aux dommages évités (de 5% à 20 % du PNB mondial

selon le rapport Stern), le montant requis est encore assez limité. Comme convenu explicitement à Bali, il est essentiel de réaffecter les flux d’investissement existants et de rechercher de nouvelles pistes de financement.

Tels sont les axes prioritaires de la feuille de route de Bali. Deux ans de négociations intensives doivent déboucher, en 2009, sur un régime climatique équilibré et juste pour l’après-2012. Et si les difficultés qui ont ponctué l’adoption de la “feuille de route de Bali” ne sont probable-ment qu’un avant-goût de ce qui nous attend pendant ces deux années, le sentiment dominant est malgré tout qu’elles orienteront la commu-nauté internationale dans la bonne voie. n

Geert Fremout, sPF Environnement, service Changement climatique

Climat : Interview

© F

rédé

riqu

e D

eleu

ze /

UC

L

8 DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

J-P. van Ypersele est professeur de climatologie et de sciences de l’environnement à l’UCL. Il représente les services fédéraux de la politique scientifique lors de nombreuses conférences internationales sur les changements climatiques, notamment celles du GIEC et de la Convention climat. Nous l’avons rencontré...

La dette climatique des pays industrialisés envers le Sud,Interview avec Jean-Pascal van Ypersele

Les changements climatiques pourraient-ils avoir un impact significatif sur la production alimentaire et les réserves de nourriture ? Et toucheraient au premier chef les pays du sud ?C’est vrai. C’est le paradoxe des changements climatiques : les pays les moins responsables vont être les “premières” victimes. J’hésite entre les termes “premières” ou “principales” victimes qui pourraient donner l’impression qu’il n’y aura pas de victimes dans les pays développés. Le dernier rapport du GIEC souligne que les changements climatiques entraveront la réalisation des Objectifs du Millénaire à moyen et à long terme. Outre l’augmentation du prix de l’énergie, les difficultés liées aux changements climatiques dans l’approvisionnement en eau d’une part et dans l’agriculture d’autre part, vont contribuer à faire monter le prix de la nourriture, précariser l’agriculture dans certaines régions, et donc fragiliser la sécurité alimentaire.

On n’a pas idée de ce que va représenter dans certaines régions spécifi-ques la fonte des glaciers. Sur les contreforts de l’Himalaya, les glaciers sont les réservoirs d’eau. Les glaciers fondent pendant la période sèche et alimentent des cours d’eau importants comme le Gange, essentiel à la vie de centaines de millions d’Indiens. Si ces glaciers disparaissent suite au réchauffement, il n’y aura plus d’eau que lors des pluies, ce sera une catastrophe !

Et cela pourrait mener à des conflits, des immigrations massives ?Difficile de faire des prévisions d’autant plus que ces phénomènes sont causés par un ensemble de facteurs. Mais les changements climatiques vont probablement aggraver les raisons d’émigrer. Prenons la partie fertile du delta du Nil, à moins d’un mètre au dessus du niveau de la Méditerranée, où vivent 10 millions de personnes. Si le niveau de la mer monte ne fut-ce que de 50 cm, chiffre tout à fait raisonnable d’ici

la fin du siècle, on peut estimer que 5 millions d’individus vont devoir se déplacer. Pour aller où ? Pas dans le désert…

vous êtes de ceux qui estimez que les pays industrialisés ont contracté une “dette climatique” envers les pays du sud. Que voulez-vous dire par là ? On entend parfois dire : “Bientôt les pays en développement vont émettre plus que les pays développés et la responsabilité va basculer”. C’est une analyse erronée parce que le CO2 reste une centaine d’années dans l’atmosphère. Un grande part du CO2 que nous avons dégagé depuis la révolution industrielle, donc depuis environ 200 ans, est toujours là. Le total accumulé, le supplément de CO2 actuel dans l’atmosphère, est grosso modo à 80 % originaire des pays industrialisés. Même si, demain, les pays en développement émettent autant, le rapport 80%-20% (qui mesure la responsabilité historique des pays développés) ne variera que très légèrement au cours des 40 ans à venir. D’où la “dette climatique”… Et il faut également tenir compte des différences de populations et noter que ces 80 % du CO2 accumulé viennent des pays développés qui ne représentent que 1/5è ou 1/6è de la population mondiale ! Même si le Sud émettait autant que le Nord, les émissions seraient 5 fois plus importantes per capita dans les pays développés ! Les Etats-Unis disent : “On réduira nos émissions quand la Chine les réduira”. C’est insensé ! Les Chinois émettent par habitant 6-7 fois moins qu’un Américain…

Comment pourrait-on s’acquitter équitablement de cette “dette climatique”?Je vois trois façons de payer cette dette. D’abord, en étant pénétré du principe de responsabilités communes mais différenciées qui est le prin-cipe de base de la Convention sur les changements climatiques. Tous ceux qui ont ratifié la Convention, y compris les Etats-Unis, reconnaissent avoir un rôle dans la perturbation du climat, mais à des degrés différents. Le

Climat : Interview

9DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

principal effort de réduction des gaz à effet de serre repose sur les pays développés, en termes de responsabilité morale. A partir de ce principe, les pollueurs peuvent décider d’utiliser volontairement des systèmes de compensation. Il existe des sociétés sérieuses en Belgique qui proposent à des entreprises ou des individus d’acheter des tonnes de CO2 pour compenser les émissions qu’ils n’ont pas réussi à réduire en finançant avec cet argent des projets dans les pays en développement.

Ensuite, il convient de participer à l’adaptation des pays en développe-ment. à la partie des dégâts qu’on ne pourra pas éviter par la prévention. Imaginons que les ressources en eau d’une ville du Sud fassent défaut à cause de la fonte des glaciers, il conviendra de participer aux frais du barrage ou du dessalement de l’eau de mer. Si l’une des causes de la nécessité de cet investissement provient de l’action des pays industriali-sés, il est logique que ce soient les responsables qui paient !

De tels programmes d’adaptation ont-ils déjà été discutés ? Pourraient-ils être mis en oeuvre par la coopération au développement ?Oui, on commence à en parler. Mais je pense qu’en termes de budget, cela dépasserait celui de la coopération. Il y a un programme de travail sur l’adaptation, “The Nairobi Work Programme on Adaptation”, qui n’en est qu’à ses balbutiements. Mais il n’existe pas d’obligations contraignantes qui obligeraient les pays industrialisés à appliquer à l’échelle de la planète un principe déjà utilisé chez nous : celui du “pollueur-payeur”. Ce principe est entré dans les habitudes et la législation au cours de ces 30 dernières années ; pourquoi ne serait-il pas appliqué au niveau international? Une des raisons est probablement l’ampleur des montants à considérer. Kyoto prévoit aussi le Mécanisme de développement propre. L’inconvénient, c’est qu’il permet aux pays développés de polluer d’avantage.

s’il est vrai que l’on veut “développer le monde”, mais qu’il est en même temps inconcevable que tout le monde consomme à la manière d’un occidental, exporter notre modèle de développement n’est pas viable pour la planète. Quelles sont les alternatives ? Effectivement. On se rend compte qu’on ne peut continuer de cette façon. Il faut prendre en compte les conséquences à long terme des choix d’aujourd’hui et agir de manière à satisfaire les besoins fonda-mentaux d’une grande partie de la population tout en préservant les ressources naturelles pour les générations futures. C’est la définition du développement durable. Et de plus en plus, dans les pays développés, on comprend qu’il est possible de découpler la croissance économique des émissions de CO2 ; d’avoir de la chaleur, de la lumière, de se dépla-cer sans continuer à promouvoir le gaspillage des moyens polluants. L’exemple du pétrole est clair : c’était insensé d’avoir le litre de mazout à 25 cents. On a basé notre modèle sur la consommation massive et le gaspillage des énergies, on a construit des bâtiments mal isolés… (Il se retourne vers la fenêtre du café de Louvain-la-Neuve dans lequel il est assis.) Regardez, ce n’est même pas du double vitrage! Il faut revoir la manière dont on construit, rénove, habite, se déplace. On n’aura pas le choix, notamment parce que le prix de l’énergie va être élevé. La meilleure chose qu’on puisse faire pour les pays en développement, c’est changer le plus vite possible chez nous. Il faut montrer que ces changements

sont bénéfiques, non seulement en termes de réduction de CO2, mais aussi de diminution de la demande d’énergie, d’amélioration de la qualité de l’air et de l’eau ; et donc, indirectement, qu’ils profitent à l’économie et la santé publique. Ce qui devrait intéresser les décideurs politiques des pays en développement.

Comment la coopération au développement doit-elle intégrer cette question dans ses programmes, à court et à long terme ?Il faudrait que des personnes spécialisées se posent la question en amont des projets de coopération. Je ne connais pas bien l’organisation de la coopération au développement, mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas encore eu assez d’analyse de la composante “changements climatiques” dans l’ensemble de ses activités. C’est sans doute en partie un problème de manque de moyens humains1 . Partout, il faudrait former et éduquer à la problématique du climat.

mais n’existe-t-il pas des domaines plus urgents pour la coopération?Oui, mais si le rapport du GIEC estime que la réalisation des Objectifs du Millénaire est mise à mal par les changements climatiques, il y a urgence à se poser des questions. Une analyse de la Banque mondiale2 a démon-tré que près du quart de ses projets était menacé par les changements climatiques, et une étude de l’OCDE a montré que cette part pouvait atteindre 65% dans certaines régions. Mais on en a peu conscience et on continue à faire ces investissements sans prendre en compte les change-ments climatiques. Imaginons un beau projet de reboisement qui est mis en œuvre avec des espèces d’arbres qui dans trente ans ne conviendront plus au climat, ou de l’adduction d’eau au Pérou à partir des fontes du glacier, sans tenir compte qu’il aura disparu dans 20 ans...

La lutte contre le changement climatique va-t-elle dans le sens des Objectifs du millénaire pour le développement (OmD) ?Pas automatiquement. On peut par exemple imaginer réduire le changement climatique par la plantation de monocultures d’arbres qui poussent vite mais qui bénéficient peu aux populations locales. Mais je crois qu’il y a moyen - et qu’il faut le faire - d’allier la recherche de la réalisation des OMD à celle d’un développement durable et de la lutte contre les changements climatiques. C’est d’ailleurs le sujet du prochain rapport annuel de la Banque Mondiale. n

Propos recueillis par Elise Pirsoul

1. Effectivement, à la DGCD, seulement 2 personnes sont chargées d’intégrer la composante “changement climatique” dans l’ensemble des projets de développements, et elles ont également en charge la biodiversité, la désertification, l’ozone, le GEF… A titre de comparaison, pour la coopération hollandaise, 10 personnes travaillent uniquement sur les changements climatiques ; 20 personnes en Angleterre… 2. La Banque Mondiale (2006) estime que 25% de ses projets sont exposés à des risques climatiques sérieux. D’après une enquête conduite dans 6 pays, l’OCDE (2005) soutient que le réchauffement climatique pourrait affecter négativement de 12 % (en Tanzanie) jusqu’à 65 % (au Népal) de son aide au développement. http://www.inwent.org/ez/articles/061215/index.en.shtml

Pour en savoir plus :

• “Changements climatiques, impasses et perspectives – Points de vue du Sud”, Alternatives Sud, éd. Syllepse, (avec la collaboration de J-P. van Ypersele), 2006 Cetri (www.cetri.be)

• En avril 2008, devrait paraître une analyse de la Banque mondiale sur les changements climatiques : “Global Monitoring Report 2008: MDGs and Climate Change: Accelerating and Sustaining Development”

• La version intégrale de cet interview se trouvera bientôt sur le site www.dgcd.be

Climat et forêts

10 DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

Comment récompenser la conservation des forêts dans les pays en développement ?

La survie de millions de personnes des pays en développement dépend directement des forêts tropicales. Celles-ci sont aussi une source inestimable de biodiversité et elles contribuent à la stabilisation mondiale du climat. Les pays qui préservent leurs forêts tropicales fournissent donc un service important au monde qui mériterait compensation. Reste à trouver comment mettre un tel système en pratique. Un débat qu’a ouvert la coopération belge au développement…

Ce débat sur la “déforestation évitée” - la lutte consciente contre la déforestation en tant que service au monde - a été organisé dans le cadre des Journées européennes du développement (voir p.11) et s’est concentré sur la situation

en RD Congo. L’argumentation à la base de cette décision était la sui-vante : 1) les forêts équatoriales de la RD Congo représentent 60% de la totalité des forêts tropicales du bassin du Congo, le “deuxième poumon” de la planète ; 2) ces forêts contribuent à la subsistance de plus de 40 millions de Congolais ; 3) après des années de conflit, la reconstruction actuelle du pays est la clé d’une paix durable et d’une amélioration des conditions de vie des Congolais. En même temps, la multiplication du commerce et des transports comportent aussi des risques pour les forêts et la biodiversité, du fait de l’incitation à l’abattage et des nou-velles affectations des terres. Ci-dessous, un aperçu des grandes lignes définies par le panel, ainsi que des conclusions relatives à la conservation des forêts de la Conférence sur les changements climatiques de Bali, qui s’est tenue environ un mois plus tard.

Le Protocole de Kyoto La déforestation et la dégradation des forêts dans les pays en développement sont responsables d’environ 20% des émissions mondiales de CO2, soit plus que l’ensemble des émissions du trans-port routier de par le monde. Et pourtant, la conservation des forêts n’a pas été reprise dans le Protocole de Kyoto I. La raison en est, entre autres, que la conservation des forêts ne peut répondre

aux critères très stricts établis pour les projets Kyoto I. Ainsi, il y est exigé que la réduction des émissions de CO2 d’un projet déter-miné ne peut être neutralisée par une augmentation des émissions ailleurs (“leakage”). La réduction des émissions doit aussi être per-manente (“permanence”). Or, personne ne peut garantir que jamais un feu de forêt ne se déclarera.

De l’avis des membres du panel, le Protocole de Kyoto constitue toutefois de toute évidence l’outil idéal pour mettre en place un système de compensation pour la “déforestation évitée”. Dans le cadre de Kyoto I, les pays riches se sont en effet engagés à réduire leurs émissions de CO2. Et s’ils ne peuvent tenir leurs promesses dans leur propre pays, ils peuvent financer des projets de réduction des émissions de CO2 dans les pays en développement. Pour chaque tonne de CO2 non émise, le pays riche paie un montant déterminé, un “crédit de carbone”. Si la conservation des forêts était reprise dans Kyoto II, cela dégagerait donc des fonds consi-dérables. Heureusement, la conférence de Bali a réalisé une percée et la conservation des forêts figurera à l’agenda de l’accord post-Kyoto (à partir de 2012). Le système basé sur le fonctionnement du marché qui est en cours d’élaboration devrait en outre rendre la conservation des forêts économiquement plus intéressante que leur abattage.

Un besoin urgent de fonds Mais pendant les 4 années qui nous séparent encore de 2012, la déforestation peut continuer à occasionner des dégâts. Où donc trouver les fonds nécessaires dès aujourd’hui?

© W

WF

Climat et forêts

11DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 1/2008

Walter Kennes (CE) a annoncé que l’UE lance une alliance pour aider les pays en développement les plus touchés par le change-ment climatique. Celle-ci devrait aussi produire des fonds pour la conservation des forêts. A Bali, la Banque mondiale a d’autre part proposé la création d’un fonds de 300 millions USD en vue de sti-muler la conservation des forêts. Une trentaine de pays ont d’ores et déjà manifesté leur intérêt pour cette initiative.

Le secteur privé de son côté est aussi disposé à avancer des fonds. A l’étranger en particulier, des entreprises s’efforcent déjà volon-tairement - en dehors donc du Protocole de Kyoto - de réduire leurs émissions de CO2, et elles sont disposées à soutenir des projets étrangers à cet effet. Le représentant de CO2logic a souligné que le marché bénévole s’est déjà constitué une expérience en termes de projets forestiers bien avant le marché officiel. Avec son entrepri-se, il aide d’autres entreprises à réduire leurs émissions de CO2.

Le nœud du problèmeAvant de pouvoir intégrer la “déforestation évitée” dans Kyoto II, il convient toutefois d’abord de trouver une issue à la question des critères. Et cela est tout à fait possible. Ainsi, Christian Van Orshoven (SPF Environnement) estime que le contrôle ne doit pas s’effectuer au niveau des projets. Les pays doivent porter eux-mê-mes la responsabilité des mesures de leurs émissions de CO2, afin d’éviter que cela devienne l’occasion de polluer d’avantage ailleurs dans le pays. Une approche nationale offre aussi des garanties pour la permanence, puisque les pays sont alors évalués dans leur totalité. Enfin, cela permettrait aussi de prendre en compte les éventuels incendies de forêt.

Un autre point sensible est l’estimation correcte du nombre d’arbres épargnés et de la réduction des émissions de CO2 qui en résulte. Vincent Kasulu (point focal Kyoto, RD Congo) a trouvé inacceptable que cette estimation soit basée sur le taux de défo-restation atteint dans le passé, puisque cela signifierait que les mau-vais élèves - ceux qui ont le plus abattu de forêts - seraient les plus avantagés ! Ainsi, le taux de déforestation en Malaisie est si élevé que seules subsistent des forêts dans les hautes terres peu acces-sibles. Il n’est par conséquent pratiquement plus possible de conti-nuer à déforester dans ce pays. Or, si les compensations étaient calculées sur base du passé, la Malaisie serait en fait récompensée de n’avoir fourni aucun effort. Pour des pays comme la RD Congo où le taux de déforestation est resté faible, il serait plus juste de tenir compte de l’avenir : quel aurait été le taux de déforestation si le pays avait continué à se développer normalement - sans com-pensation ? M. Van Orshoven a proposé de calculer les émissions évitées de CO2 pour chaque pays individuellement, cette méthode permettant de tenir compte des circonstances locales.

Enfin, tous les participants ont estimé essentiel que les compen-sations profitent réellement à la population locale. La déforesta-tion est en grande partie le résultat des besoins de bois de feu ou de charbon de bois, et de la pratique agricole. Les fonds doivent donc permettre de mettre au point des alternatives à même de réduire la pression sur les forêts. Geert Lejeune (WWF) a ainsi proposé d’apprendre aux populations à ne pas abattre tous les arbres pour produire du bois de feu, mais à recourir à un système de rotation.

Les aspirations exprimées lors du débat ont heureusement été prises en compte assez favorablement à Bali. Il a ainsi été convenu de mettre en place, à partir d’aujourd’hui et jusqu’en 2009, des projets pilotes de lutte contre la déforestation. Une méthodologie sera d’autre part aussi élaborée pour calculer, entre autres, les émissions de CO2, et déterminer ainsi ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Les participants espèrent être prêts, d’ici 2012, à inclure la conservation des forêts comme partie intégrante de la politique climatique mondiale, en ce compris une réglementation financière pour la “déforestation évitée”. Mais les pays riches ne doivent pas se retrancher derrière leurs compensations de “défo-restation évitée” : bien au contraire, ils doivent continuer à s’engager pour réduire leurs émissions nationales de CO2 ! n

Chris simoens

Les journées européennes du développement: les forêts congolaises sous les projecteurs sur le stand belge

La présence de la coopération au développement belge aux Journées européennes du développement à Lisbonne (7-9 novem-bre 2007) n’est pas passée inaperçue: aussi bien le stand général que celui dédié aux forêts congolaises ont attiré beaucoup d’at-tention (voir photo).

Le thème de cette année était : “Climat et développement : quels changements?”. Une question à laquelle les participants ont tenté de répondre. Les pays les plus démunis étant les plus directement touchés par le changement climatique, il est urgent de réunir les fonds nécessaires si nous souhaitons atteindre les objectifs du Millénaire. De là la proposition de Louis Michel de constituer un “ emprunt mondial ”, qui serait progressivement remboursé par les pays les plus riches.

Les Journées européennes du développement sont une initiative de la Commission européenne. Elles ont pour but de réunir autant que possible de professionnels de la coopération au développe-ment, aussi bien au sein de l’UE que dans les pays partenaires, en vue de rendre la coopération au développement européenne plus efficace.

Pour plus d’informations: www.eudevdays.be

A l’avant-plan, de gauche à droite : Peter moors, Directeur général de la DGCD; Louis michel, Commissaire européen pour le développement et l’aide humanitaire; Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU et Président du “ Global Humanitarian Forum ”; et Eddy Nierynck, responsable DGCD pour la RD Congo.

© C

TB

/ J.

Ledu

c