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Bernard Gaillard Université Rennes 2 Université Nice 2005 - page 1 Bernard Gaillard Université Rennes 2 2005 [email protected] Clinique de l’inceste, clinique mimétique Bernard Gaillard 1 Lessituationsincestueusesviennent àlafoisdireledésir àl’œuvrechezl’humain, et leur inscriptiondansl’histoiredel’humanitéet sescréationssociales. La relation sexuelle incestueuse est aujourd’hui comprise comme infraction pénale. Elle est à considérer comme abus sexuel, ou plutôt comme agression sexuelle commise sur une personne proche familialement et plus jeune. On estime à environ 5% de la population française victime d’un abus sexuel avant l’âge de 18 ans. Les enfants sont victimes très jeunes puisque70% des incestes commencent avant l’âgededixans. L’agresseur poursuivi est leplus souvent le père, le beau-père, un grand frère ou un oncle. Les mères et grand-mères sont beaucoup plus rarement poursuivies. Lacliniquemontrelecaractèredestructeurdel’incestechezlavictime, et le traumatisme qui se construit jusqu’à l’âge adulte. La relation incestueuse met en doute la structuration et les qualités des relations familiales. Pour ce qui concerne la relation père-enfant, R.Coutanceau 2 utilise l’expression « trahison incestueuse » au sens où le père a trahi sa fonction parentale, a trahi la confiance de celui qu’il devait protéger. Le rapport de la mission parlementaire « Faut-il ériger l’inceste en infraction spécifique? » dejuillet 2005rappellel’originedecettenotiond’inceste Notiond’essencemorale, sociologique ouethnologique, l’inceste recouvre des situations multiples, allant ducomplexe d’Oedipe à des transgressions pénalement sanctionnées, en passant par des attitudes sexuellement équivoques mais non répréhensibles. Apparu, semble-t-il, dans des écrits religieux vers 1350, ce mot vient du latin " incestus ", qui se traduit par non chaste, impur, souillé. Son antonyme, " castus ", peut également prendre le sens d’instruit, d’éduqué, de bien dressé, de conforme aux règles et aux rites ». La relation sexuelle incestueuse met en difficulté la construction identitaire de la victime. A.Thomas 3 relate que « se confronter à cette destructionde l’identité réclame uncourage, une énergie ». Deuxthéoriesanthropologiquestentent d’expliquer letaboudel'inceste. Lapremière, finaliste 4 , met l’accent sur les conséquences de cet acte et les risques auprès des structures sociales et familiales, tandis que la seconde, déterministe 5 utilisant les schèmes éthologistes, s’interroge sur les mécanismes à l’origine de l’exogamie.Dépassant l’approche de Lévi -Strauss sur la fonction sociale de la prohibition de l’inceste, F.Héritier 6 athéorisél’incesteen proposant«l’incestedu deuxièmetype » qui, dans sa forme paradigmatique, apparaît comme « la forme pure d’excès d’identique ». Elle affirme que « la prohibition de l’inceste n’est rien d’autre qu’une séparation du même, de l’identique… la recherche de l’inceste ne serait possible que dans une culture où ce cumul d’identique est recherché comme quelque chose de faste » 7 .La relation sexuelle incestueuse vient s’opérer dans un contexte d’indifférenciation de l’univers familial. M.Xanthakou 8 montrecombienl’histoired’Œdipeest prototypiqued’undoubleincestede deuxième type, « l’un à travers un même partenaire féminin, l’autre à travers un même partenaire masculin, et cela entre deux hommes ». Elle vient renforcer cette hypothèse de la relation sexuelle incestueuse comme troubledel’indifférenciation. R.Girard avance que « l’incesteest violence, violenceextrêmeet par conséquent destructionextrême de la différence, destructionde l’autre différence majeure auseinde la famille, la différence avec la mère 9 ». Il ajoute que « leparricideet l’incesteachèvent leprocessus d’indifférenciationviolente » 10 . Leparricidecommel’incestecorrespondent àlatransgressiondela différence. Nous pouvons reprendre alors l’expression de R.Girard comme quoi ils sont « l’assassin de la différence » 11 . L’hypothèse du passage à l’acte criminel s’élabore alors dans la caractéristique fondamentale du milieu de vie : celle de l’indifférenciation. Mais comment en arrive -t-on là ? Comment peut-on prévenir ou empêcher cette situation ? LeparadigmeexplicatifportéparR.Girards’appuiesur lathéoriedu 1 Bernard Gaillard, Maître de Conférences en psychologie clinique, psychocriminologie, Université Rennes 2. 2 Coutanceau R. (2004) Vivre après l’inceste, Paris : Desclée de Brouwer. 3 Thomas E. (2004) Le sang des mots, les victimes, l’inceste et la loi, Paris : Desclée de Brouwer. 4 Avec notamment Emile DURKHEIM et Claude LEVI-STRAUSS. 5 Avec Edward WESTERMARK, Sigmund FREUD. 6 Héritier F., Cyrulnik B., Naouri A. (1994) De l’inceste, Paris : Odile Jacob. 7 Héritier F., Cyrulnik B., Naouri A. (1994) De l’inceste, Paris : Odile Jacob. 8 In Héritier F., Cyrulnik B., Naouri A. (1994) De l’inceste, Paris : Odile Jacob. 9 Girard R. (1972) La violence et le sacré, Paris : Grasset. 10 Girard R. ibid. 11 Girard R. ibid.

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Les situations incestueuses viennent à la fois dire le désir à l’œuvre chez l’humain, et leur inscription dans l’histoire de l’humanité et ses créations sociales.La relation sexuelle incestueuse estaujourd’hui comprise comme infraction pénale. Elle est à considérer comme abus sexuel, ou plutôt comme agression sexuelle commise sur une personne proche familialement et plus jeune. On estime à environ 5%de la population française victime d’un abus sexuel avant l’âge de 18 ans.Les enfants sont victimes trèsjeunes puisque 70% des incestes commencent avant l’âge de dix ans. L’agresseur poursuivi est le plus souvent le père, le beau-père, un grand frère ou un oncle. Les mères et grand-mères sont beaucoup plusrarement poursuivies. La clinique montre le caractère destructeur de l’inceste chez la victime, et le traumatisme qui se construit jusqu’à l’âge adulte. La relation incestueuse met en doute la structuration et les qualités des relations familiales. Pour ce qui concerne la relation père-enfant, R.Coutanceau2 utilisel’expression «trahison incestueuse » au sens où le père a trahi sa fonction parentale, a trahi la confiance decelui qu’il devait protéger.Le rapport de la mission parlementaire « Faut-il ériger l’inceste en infraction spécifique? » de juillet 2005 rappelle l’origine de cette notion d’inceste: «Notion d’essence morale, sociologique ou ethnologique, l’inceste recouvre des situations multiples, allant du complexe d’Oedipe à des transgressions pénalement sanctionnées, en passant par des attitudes sexuellement équivoques maisnon répréhensibles. Apparu, semble-t-il, dans des écrits religieux vers 1350, ce mot vient du latin " incestus", qui se traduit par non chaste, impur, souillé. Son antonyme, " castus ", peut également prendre le sensd’instruit, d’éduqué, de bien dressé, de conforme aux règles et aux rites».

La relation sexuelle incestueuse met en difficulté la construction identitaire de la victime.A.Thomas3 relate que « se confronter à cette destruction de l’identité réclame un courage, une énergie».Deux théories anthropologiques tentent d’expliquer le tabou de l'inceste. La première, finaliste4, metl’accent sur les conséquences de cet acte et les risques auprès des structures sociales et familiales, tandisque la seconde, déterministe5 utilisant les schèmes éthologistes, s’interroge sur les mécanismes à l’origine de l’exogamie.Dépassant l’approche de Lévi-Strauss sur la fonction sociale de la prohibition de l’inceste, F.Héritier6 a théorisé l’inceste en proposant «l’inceste du deuxième type» qui, dans sa formeparadigmatique, apparaît comme «la forme pure d’excès d’identique». Elle affirme que « la prohibition del’inceste n’est rien d’autre qu’une séparation du même, de l’identique… la recherche de l’inceste ne serait possible que dans une culture où ce cumul d’identiqueest recherché comme quelque chose de faste »7.Larelation sexuelle incestueuse vient s’opérer dans un contexte d’indifférenciation de l’univers familial.

M.Xanthakou8 montre combien l’histoire d’Œdipe est prototypique d’un double inceste de deuxième type, «l’un à travers un même partenaire féminin, l’autre à travers un même partenaire masculin, et cela entre deux hommes ». Elle vient renforcer cette hypothèse de la relation sexuelle incestueuse commetrouble de l’indifférenciation.R.Girard avance que «l’inceste est violence, violence extrême et par conséquent destruction extrême de la différence, destruction de l’autre différence majeure au sein de la famille, la différence avec la mère9 ». Il ajoute que «le parricide et l’inceste achèvent le processus d’indifférenciation violente»10. Le parricide comme l’inceste correspondent à la transgression de la différence. Nous pouvons reprendre alors l’expression de R.Girard comme quoi ils sont «l’assassin de la différence »11. L’hypothèse du passage à l’acte criminel s’élabore alors dans la caractéristique fondamentale du milieu de vie: celle de l’indifférenciation. Mais comment en arrive-t-on là ? Comment peut-on prévenirou empêcher cette situation ? Le paradigme explicatif porté par R.Girard s’appuie sur la théorie du

1 Bernard Gaillard, Maître de Conférences en psychologie clinique, psychocriminologie, Université Rennes 2.2 Coutanceau R. (2004) Vivre après l’inceste, Paris: Desclée de Brouwer.3 Thomas E. (2004) Le sang des mots, les victimes, l’inceste et la loi, Paris: Desclée de Brouwer.4 Avec notamment Emile DURKHEIM et Claude LEVI-STRAUSS.5 Avec Edward WESTERMARK, Sigmund FREUD.6 Héritier F., Cyrulnik B., Naouri A. (1994) De l’inceste, Paris: Odile Jacob.7 Héritier F., Cyrulnik B., Naouri A. (1994) De l’inceste, Paris: Odile Jacob.8 In Héritier F., Cyrulnik B., Naouri A. (1994) De l’inceste, Paris: Odile Jacob.9 Girard R. (1972) La violence et le sacré, Paris : Grasset.10 Girard R. ibid.11 Girard R. ibid.

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mimétisme humain. En plus de ses potentialités d’apprentissage fondées sur l’imitation, cette dernière structure et développe les dimensions affectives. L’imitation capte le désir même de l’autre, et ceci dès lanaissance du petit enfant. Celui-ci voit et ressent bien cette relation désirante qu’un sujet peut avoir envers un objet. Par mimétisme, l’enfant va se sentir concerné par l’objet du désir de l’autre, et va se mettre à le désirer. Cette relation de désir mimétique (telle à l’égard du maître, des parents, de l‘aîné, des modèles classiques, etc.) est positive, dynamique car productrice d’apprentissages. Cette relation mimétique n’est pas conflictuelle si chacun garde ses positions inégalitaires, comme elles doivent l’être dans toute relation d’apprentissage.Mais si le membre de la famille, l’ami, l’éducateur, etc. sont une promiscuité confondantles positions ordinairement différentes, une rivalitépeut s’installer en violence réciproque. Lorsquel’adulte donne à penser qu’il fait partie du même monde, avec les mêmes désirs et les mêmes positions existentiellesque l’enfant, les relations sont violentes et abusives. Le psychologue parle d’immaturité ou de régressionchez l’adulte. Les psychanalystes JP Bigeault et D.Agostini remarquent que «l’infantilisme des enfants violentés n’a d’égal que l’infantilisme de leurs parents»12. Dans ce cas d’indifférenciation, deux désirsconcurrents, contaminés se font obstacle et s’affrontent. Confondus dans leurs imaginaires et leurs positionssubjectives, la rivalité mimétique de la lutte pour l’objet fait des protagonistes de la relation des jumeaux dela violence, dans lequel l’un est une copie de l’autre au moins dans cette rivalité là. Dans ce rapport à ladifférenciation, Razon nous rappelle que « dans les familles incestueuses chacun lutterait « férocementcontre tout ce qui sépare… L’aménagement incestueux viserait à lutter contre l’angoisse de séparation et àentretenir l’illusion du paradis prématurément perdu ou auquel on n’a pas suffisamment goûté»13.

R.Girard a dégagé les étapes du schème processuel mimétique dans la phase du mécanisme dubouc émissaire : a- la crise mimétique surgit avec l’indifférenciation ; b- le rassemblement de tous se faitcontre une victime choisie selon certains traits particuliers ; c- l'imaginaire persécuteur invente desaccusations, pour l'éviction de la victime ; d- de la victime jaillissent les règles culturelles, du désordrejaillit l'ordre ; e- la victime qui était chargée de tous les maux est alors positivée voire sanctifiée. Pourdépasser la violence généralisée impliquant l’ensemble de la communauté, violence potentiellement destructrice de cette même communauté, un processus particulier amène chaque personne à focaliser sesaccès de violences et de haine envers une seule et même personne que nous pouvons appeler la victimeémissaire14. Ce mécanisme joue le rôle de réconciliateur du groupe. Cette violence sacrificielle permetd’éradiquer la violence indifférenciatrice, intra-subjective aux dépens de la victime émissaire. Cet ordresacrificiel instaure de la différenciation entre les personnes grâce aux interdits qui séparent et protègent dela rivalité et aux rites qui rassemblent en commémorant l’éviction victimaire. R.Girard estime qu’il fautadmettre que «l’endiguement des forces mimétiques par les interdits, leur canalisation dans les directionsrituelles, peut seul étendre et perpétuer l’effet réconciliateur de la victime émissaire15». La violencerivalitaire et chaotique de la crise indifférenciée est alors endiguée par une autre forme de violence, sacraleet institutionnelle qui opère par des interdits et des rites. Selon ML Martinez (2005), la baisse des interditset des rites alimente «l’indifférenciation avec le cycle : la violence sacrale en tant que résolution violente à la crise succède à la violence anomique comme l’indifférenciation parvenue à son paroxysme mènera à un retour de la violence institutionnelle d’un ordre trop différencié. Tant qu’une sortie véritable et radicale du processus mimético sacrificiel de la violence n’est pas trouvée, on ne peut que basculer d’une phase à l’autre du processus. On encourage tantôt un ordre sécuritaire et répressif, tantôt un désordreindifférenciateur, sans voir que ces deux fausses alternatives s’engendrent et s’amplifient réciproquement».

L’étude de la logique en œuvredes événements, à travers le schème processuel du mimétisme,permet de comprendre les différents aspects de la violence dans les situations institutionnelles,relationnelles ou subjectives, et de renouveler notre clinique. La clinique de l’inceste va se fonder sur les hypothèses suivantes :

- l’inceste correspond à un état d’indifférenciation des personnes et de leurs positionsau sein d’ungroupe de vie : ces personnes sont indifférenciées dans l’ordre de la filiation, dans l’ordre de la génération, dans l’ordre des liens hiérarchiques et éducatifs, confondant fille-femme,fille-amante, mère-grand-mère, père-ami… ;

12 Bigeault JP. Et Agostini D. (1996) Violence et savoir, Paris: L’Harmattan.13 Razon L. (1996) Enigme de l’inceste, Paris: Denoël.14 René GIRARD, (1972), La Violence et le sacré, Paris : Grasset .15 René GIRARD ; (1978), Des choses cachées depuis la fondation du monde, Paris : Grasset, pp. 40-41.

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- la violence incestueuse est une violence permanente prenant différentes formes(sexuelle, économique, physique, …) qui concerne l’ensemble des membres d’un groupe famille,amenant chacun à être violent contre n’importe quel autre membre du groupe, ne serait-ce quepar le silence sur la violence des autres, ou le silence devant la plainte de quelqu’un du groupe;- la violence incestueuse est destructrice de la personne : elle vise la destruction de lapersonne soit par humiliation, soit par négation de la position subjective de l’autre. Dans un cas elle procède par une altération violente prenant jouissance de l’expression d’une souffrance; dansl’autre cas, elle réitère régulièrement l’annulation de l’autre en tant que personne, c'est-à-dire lamort ; les liens incestueux sont nécessairement violents ;- les liens incestueux rendent forclos la dimension symbolique, en expulsant toutindividu de la mise en rapport symbolique, laissant chacun aux prises angoissantes avec unrabattement du fantasmatique sur le réel ;- la violence incestueuse est obstacle à la construction identitaire de chacun desmembres du groupe famille ;- l’objet du désir mimétique est un objet confus, mal défini, portant sur une forme de sexualité, et un intérêt permanent sur cette forme comme lien entre les personnes indifférenciées ;- La violence incestueuse, pour perdurer, installe une représentation positive del’ensemble du groupe famille devant l’extérieur familial; la plainte en justice s’appuie sur l’extérieur du groupe famille, devenant alors destructrice de cette famille et culpabilisatrice dechacun de ses membres. La parole de la victime est difficile à porter à l’extérieur de la famille car elle suppose la position subjective de la victime et implique la parole différenciatrice, c'est-à-diresortir d’un enfermement incestueux;- La plainte en justice joue le rôle de facilitateur de réintroduction de la positionsubjective de la personne victime expulsée par la mise en œuvredu processus incestueux : lavictime tente d’advenir au statut social et affectif de personne, comme élément identifié etdésirant dans un jeu relationnel institutionnalisé de personnes différentes. La plainte peut êtreconsidérée comme renaissance, ou plutôt tentative de naissance pour sortir de ce monde familialindifférencié et mortifère. La plainte entre dans la dynamique de crise du groupe familial, crise del’indifférenciation.

Notre démarche d’analyse clinique s’appuie sur les différents écrits concernant les acteurs d’une situation incestueuse révélée sur la scène judiciaire : des procès-verbaux de police et des rapportsd’expertise psychologiqueauxquels nous avons pu accéder.

Joseph MarieInceste surCécileAmélie

Hervé Marcel Michel Cécile Fabrice Amélie EricCondamné Inceste surPour agression fille d’Améliesexuelle

Sophie

Dans le procès-verbal de dépôt de plainte, Cécile victime de relations sexuelles avec son père et sonfrère aîné, explique la visée de sa plainte, et présente sa famille.« Je me nomme Cécile âgée de 32 ans. Je suis fille de Joseph. Je viens déposer aujourd'hui pour protéger ma fille et

pour pouvoir fonder une famille avec mon ami actuel Je suis mère d'une petite fille de 12 ans prénommée Sophie. Jefais partie d'une fratrie de sept enfants, je suis la quatrième et la première des filles, j'ai cinq frères et unesœur. Mon

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frère Hervé est âgé de 35 ans, mon frère Marcel qui est handicapé mental et qui a 34 ans, mon frère Michel a 33 ansc'est un type bien, ensuite il y a moi, puis mon frère Fabrice âgé de 31 ans, ma soeur Amélie âgée de 29 ans, mon frèreEric qui vit actuellement avec Hervé et qui a 23 ans. Nous sommes tous issus des mêmes père et mère, enfin à maconnaissance. »La question de la famille et de son mode de constitution est posée. Elle pose même la différence entre legroupe qui constitue factuellement la famille et les relations sexuelles entre adultes fondant une famille.Elle exprime un doute sur d’autres éventuels géniteurs de la fratrie, correspondant au fantasme d’un autre père sans doute plus merveilleux pour l’un de la fratrie. Elle interroge la différenciation au sein même de la fratrie. Elle revendique de pouvoir fonder une unité familiale différenciée d’une autre unité, sans doute de l’unité avec ses parents. Elle revendique une différenciation. La plainte est une sollicitation pour unedifférenciation de groupe familial. La plainte pose une frontière entre sa première famille dont elle est issueet une famille en projet. Elle pointe le risque d’une non-différenciation. C’est l’intervention d’un tiers extérieur, l’ami extérieur au premier système, qui rend possible cette revendication.C’est son intervention qui permet de sortir d’un enfermement incestueux.

Cécile décrit ensuite les agressions sexuelles commises par son frère aîné. « Alors que j'avais 14 ans et demi,mon frère Hervé a abusé de moi sexuellement, c'était dans sa chambre entre les deux portes d'une armoire, cettearmoire se trouve d'ailleurs actuellement dans la chambre de ma fille, il avait alors dit "il ne faut pas le dire, ni àMaman ni à Papa". Cette armoire a trois portes. Je l'ai menacé de le dire et il m'a dit "si tu le dis ce sera pire laprochaine fois", j'ai eu peur, je n'ai rien, dit. Il a abusé de moi une seconde fois c'était trois semaines avant mespremières règles et j'ai été réglée à quinze ans. Cette seconde fois c'était au même endroit. Il a tenté de me violer unetroisième fois mais là je lui ai dit que j'étais réglée et que si je me trouvais enceinte, se serait lui père et que ça allaitmal aller, il n'a pu essayé ensuite, j'ai été tranquille ; je me suis même dit que j'aurai dû être réglée plus vite. »

Les agressions sexuelles commencent très tôt ; celles du frère aîné après celles du père. C’est l’impositionpar l’aîné de jeux sexuels entre des éléments d’une même fratrie, comme s’il n’existait pas de règles anthropologiques fondant les rapports sexuels dans l’articulation des axes des générations et de la filiation.Razon remarque que l’inceste est «comme un attentat contre l’ordre de la filiation»16.Le frère impose uneviolence au sein du groupe fraternel, comme si tout était possible à l’intérieur de ce groupe fermé.L’enfermement incestueux fait fi des codes extérieurs.Le frère est ici un substitut du père. Il y aindifférenciation entre l’intra et l’extra-familial, au sens où l’extra-familial ne peut pas interférer dans cegroupe. Cette indifférenciation supporte la violence et les fantasmes de violence, les menaces de violence.Le frère maintient une relation d’emprise par la menace d’une intensification de la violence.Là où lesviolences s’arrêtent, c’est l’évocation d’une référence au père, comme figure concurrente de leur pèrerisquant de provoquer une autre violence destructrice. A son insu, l’armoire, témoin de ses viols fraternels,fait témoignage auprès dans sa fille puisqu’elle l’a mise dans sa chambre actuelle.

Elle poursuit son récit en insistant sur les violences imposées. « Il profitait que ma mère ne soit pas là, qu'elleaille faire une course ou autre, et qu'il n'y avait personne d'autre dans la maison. En plus il avait une force de tigre,La première fois il m'a coincée entre les deux portes de l'armoire, pour ainsi dire ça se passait dans l'armoire etpersonne ne pouvait voir, il m'a coincée en me tenant par les poignets et m'a baissé ma culotte, je me souviens j'étaisen robe ou un jupe. Il me mettait un truc dans la bouche genre bandeau, un foulard qu'il attachait derrière avec unnœud. Je ne pouvais pas crier ni rien, ça faisait mal son truc en travers de la bouche. Il me pénétrait avec son sexealors que j'étais debout, quand il avait fini "son bordel", parce que c'est comme ça que j'appelle ça, il me disait "vaaux toilettes", c'est plus tard en grandissant que j'ai compris pourquoi il m'obligeait à y aller. Je me suis exécutéeparce que je ne pouvais rien faire pas bouger pas crier. Pendant qu'il me violait, il ne disait pas un mot »

La relation sexuelle incestueuse exploite la « confiance immédiate» de l’enfant envers son parent ou son frère, de sa tendance naturelle à lui faire confiance. La recherche de l’absence de la mère pour commettre les relations sexuelles incestueuses signe l’importance de cet élément de la filiation, élément qui rappelle lacommunauté de caractéristiques de la fratrie: celle d’être issue de manière indifférenciée de cette mêmematrice. Les faits se déroulent alors que le lieu familial a été déserté par tous les autres membres. La mèrealléguée fait ici figure de protection pour Cécile. L’absence de la mère rabat la sexualité dans uneindifférenciation du groupe, comme si tout était permis dans un groupe de même génération. Les relationssexuelles sont associées à d’autres violences de type sadique visant l’humiliation de Cécile, sa réduction à

16 Razon L (1996) Enigme de l’inceste, Paris : Denoël.

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un objet sexuel partiel, à nier Cécile en tant que personne. L’enfermement incestueux est redoubléen notantque ces faits se déroulaient dans l’armoire, à l’abri de tout regard. Ces faits insistent sur l’empêchement à voir et à dire. La victime est prise sous l’emprise de l’autre identique violent. L’indifférenciation s’étaie sur une absence de discours, de parole.

Elle poursuit. « Je n'ai pas compris ce qui m'est arrivé. J'ai eu très mal la première fois. Je ne me suis plainte derien, c'était la consigne que j'avais reçue. La seconde fois, il a procédé de la même façon, mais au moment où il abaissé ma culotte je lui ai mis un coup de genou où il ne fallait pas. Il m'a même dit "t'es pas bien". Je lui ai réponduqu'il n'avait pas à me faire ça, que c'était déjà heureux que je n'avais rien dit aux parents, même qu'il serait devenustérile pourla vie c’était légitime défense.Il ne s'est jamais plaint auprès de mes parents que je lui ai mis ce coup là.Ensuite j'ai été tranquille puisque la troisième fois j'étais réglée. J'avais peur de mon frère. »L’indifférenciation,c'est-à-dire l’appartenance à la même fratrie,obère ici la compréhension, le fonctionnementintellectuel, la mise en lien entre les différents éléments de la scène. Cette incompréhension estégalement due à la surprise devant l’avènement de l’acte. Ce qu’elle connaissait de son père devient événement également avec un élément de sa fratrie. Il s’agit là d’une autre caractéristique de l’indifférenciation.Du tout permis dans une filiation écrasée, nous passons au tout permis dansune fratrie dissolue, au sens où les principes de filiation et fratrie ne permettent plus de maintenirdes différences entre les personnes qui resteraient désirantes pour elles-mêmes. La gêne de Cécileréside dans la douleur vécue. Ce n’est que plus tard qu’elle accède à l’élément-problème, élémentqui provoque une certaine compréhension en faisant le lien avec ses règles, et le risqued’enfantement d’un enfant de son frère.

Cécile aborde ensuite les abus de son père. « J'ai aussi été abusée par mon père et ce dès l'âge de 13 ans et demijusqu'à l'année dernière encore. Au départ ce n'était que des attouchements, c'est à dire des caresses sur les cuisses etce pendant un an environ. Ensuite il est allé plus loin, il me violait dans le camion il me pénétrait avec son sexe : celase passait sur les deux sièges arrière qu'il avait mis dedans. » Les relations sexuelles intra-familiales ontcommencé d’abord avec son père, pour se poursuivre concomitamment avec lefrère aîné. Ses relationssexuelles n’étaient qu’intra-familiales procédant comme une indifférenciation entre les deux niveauxfiliation et génération. Cécile associe son père et son frère, dans une même scène indifférenciée. « Il ne disaitpas un mot non plus, comme mon frère. Après, il me disait "va pisser" en ouvrant la porte du camion. Pendantlongtemps je ne me suis même pas rendue compte si du liquide s'écoulait de mon sexe après les rapports. Après avoirfait cela il disait "il ne faut pas dire à maman". Je ne sais pas pourquoi je n’ai jamais rien dit.» L’état d’indifférenciation des scènes et l’inceste conduisent à de l’indicible et de l’invisible: cela ne peut ni sevoir ni se dire, obstacles majeurs à la compréhension. Cependant, il est fait référence à l’instance Maman, seule instance qui apparaît comme potentiellement à la fois recours et lieu de parole. Cette référence peut secomprendre comme menaçante pour la poursuite de ce type de relations incestueuses qui doivent se faire àl’insu de la mèrequi ne doit pas savoir. La Mère apparaît comme organisatrice de la loi symbolique et del’interdiction incestueuse. Les relations sexuelles incestueuses exploitent l’opportunité de l’existence du groupe créé par la mère génératrice.

Cécile décrit la violence généralisée et imprévisible de son père. « Mon père est un homme violent. Il frappaitma mère que j'ai vue avec des yeux au beurre noir. Il buvait le pastis, il a toujours beaucoup bu. Il nous frappait tous.Par exemple au domicile parental, alors ma fille avait huit moiset qu’il était saoul, il m'a frappée et a cassé la tabledu séjour à coup de poing. Il abusait de moi comme ça, "par l'attrappe", quand il avait une lubie. Pendant six moispar exemple je pouvais ne pas être inquiétée sexuellement, et tout d'un coup il disait "faut que je cause à la grande" etil m'emmenait dans le camion.La seule qu'il n'ait jamais frappée c'est ma sœur Amélie.» Cette violence généraliséedu père joue comme emprise du lien violent sur tous les éléments, sauf l’un d’entre eux.Cette violence estpermanente mais imprévisible. Elle passe de la colère et de son expression physique à la relation sexuelleincestueuse. Le vécu de Cécile est l’existence d’une relation privilégiée de sa sœur, exonérée de relationviolente, pointant par là une rivalité fraternelle envers leur le père, objet d’un même désir mimétique, l’une risquant d’être la copie de l’autre. Le conflit mimétique porte ici non sur l’objet mais sur les deux protagonistes. Dans son propre parcours judiciaire, sa sœur ne l’ayant pas suivie, Cécile la décrédibilise.Cécile remarque : « Je ne sais pas si mon frère Hervé s'en est pris à ma soeur cadette, mais ne cherchez pas, elle nietout de toute façon. J'ai parlé avec elle et elle ne veut rien savoir, prétend que non. Je pense qu'elle a été abusée aussipar mon père car quand il ne m'emmenait pas moi dans le camion, c'était elle qui y allait. On n'enfile pas des perles

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dans le camion. » Dans un argument de réassurance dans la relation mimétique, de sentiment de supérioritédans leur conflit mimétique, et de preuve de posséder l’objet du désir mimétique, Cécile donne saconviction. « A 20 ans je me suis trouvée enceinte de Sophie. Elle est la fille de mon père, je suis formelle car monpère était ma seule relation sexuelle, mis à part mon frère auparavant. Je n'avais que des flirts sans coucher. Monpère sait que c'est sa fille. Il ne l'a jamais dit ouvertement sauf une fois où en colère il a dit "c'est ma gamine. » Leprivilège de la relation avec le père ne se dit pas sauf dans les moments de violence généralisée dans lafamille.

L’existence de cet enfant de Cécile pose enigme de sa filiation dans la famille. C’est un enfant déclaré sans père. Cécile remarque qu’elle seule a reconnu l'enfant : « elle est née de père inconnu ». L’acte incestueux renvoie à l’anonymat de la personneet à la non différenciation de son nom. De fait, il y aexclusion du père, comme si le père de cette fille n’avait jamais existé, et était impossible à imaginer etsymboliser. L’enfant n’est de personne ni de nulle part. Portant cependant le nom familial et le nom de lamère, cette enfant est comme un clone. Le réel de sa naissance indique l’indifférenciation dans l’intérieur familial, et son expulsion hors du sujet. Cet enfant ne peut n’être qu’objet issu d’une indifférenciation liéeau désir mimétique. Elle présente le réel de l’indifférenciation père/grand-père, de l’indifférenciation mère-fille, et montre l’impossible du symbolique tel que Lacan a pu l’aborder. « Tandis que le Symbolique est unensemble d’éléments discrets et différenciés, le Réel est, en lui-même, indifférencié17 ». Cette exclusiond’un ordre filial et ce rabattement sur l’indifférenciation ressurgit régulièrement dans les tentatives de subjectivation de cette enfant. « Plusieurs fois, elle m’a demandé pourquoi elle n'avait pas de papa. Je lui avaisrépondu que son père était décédé. Elle ne m'a cru qu'un temps. » Ne pouvant échapper à la question du savoirsur ses origines, celui-ci n’est pas transmis par sa mère, mais transparaît à son insu.La relation incestueuseallant à l’enfantement tue par avance et d’emblée le père, car il ne peut être socialement que le grand-pèreou l’oncle. Le Réel de l’enfant signe les difficultés de construction identitaire et de construction singulière et différenciée de chacun des partenaires de la situation incestueuse, confrontés à leurs impossibles à dire deleurs positions réciproques. La relation incestueuse provoque un blocage de l’activité de symbolisation, blocage qui tend à «immobiliser l’activité de pensée et conduit à l’effacement temporaire ou durable de représentations relatives à l’acte subi»18. Cet impossible différenciateur dans la pensée et cet impossibleidentitaire rend difficile la séparation de Cécile du cadre familial. Elle signale que « les relations sexuellesdans le camion ont duré jusqu'à l'âge de 26 ans, âge auquel elle est partie de chez ses parents ». La différenciationdes lieux de vie n’a pas abouti d’emblée à la fin des relations sexuelles incestueuses. C’est ainsi qu’elle signale que « malgré tout mon père a continué à venir chez moi et à abuser de moi. La dernière fois j'avais 31 ans,c'était l'année dernière ». Son père, mécanicien, utilise son champ professionnel dans les stratagèmes demaintien des relations sexuelles incestueuses : « Il disait à ma mère qu'il partait voir un client. Maintenant il esten préretraite ». La modification de son statut professionnel lui a ôté un élément de son mode opératoire. Ilexploite le vécu antérieur de Cécile dans la relation d’emprise. « La première fois où il est revenu, il m'ademandé "ton lit est fait? ». Je lui ai répondu oui et il m'a dit "tu vas dans ta chambre". Il m'a suivie. En arrivant dansla chambre, il m'a dit « tu sais bien ce que je viens faire ». Les autres fois où il est venu, il disait bonjour, prenait unverre d'eau et immédiatement direction ma chambre ». Cécile explique ses craintes alimentant la relationd’intimidation: « Je lui ai toujours ouvert parce que je ne voulais pas qu'il m'interdise de voir ma mère. Je voulaisgarder de bonnes relations avec elle et je craignais qu'il ne la frappe ensuite. Je me suis laissée faire parce que mafille était là, sinon il frappe ». Cécile élabore un sentiment de culpabilité la conduisant à vouloir protéger samère, et l’existence d’une relation à celle-ci. Exclu du rapport au symbolique dans la relation, Cécile seconforte dans l’appartenance à ce groupe familial comme protection d’une identité illusoire. Pensant êtrel’objet d’attention de son père, elle n’était qu’un objet satisfaisant la sexualité de celui-ci. Le lienimaginaire à la mère est devenu élément permettant la perduration de la relation sexuelle incestueuseassociée avec une angoisse permanente de rupture des liens et de l’abandon. Malgré la séparation des lieuxde vie et l’existence de son enfant, Cécile accepte ces relations sexuelles répétées. Elle culpabilise parrapport à celle-ci, notamment en attribuant des effets néfastes sur le développement de l’enfant et sa scolarité. Elle avance que « quand elle est arrivée dans son appartement, sa fille Sophie était âgée de cinq ans etdemi. A l'âge de 8 ans, elle a compris ce qui se passait à l’appartement. C'est pour cela qu'elle a de terriblesdifficultés à l'école. Elle a dû lui dire de ne rien dire. Au téléphone Sophie aurait dit à la grand-mère que chaque foisque papy venait, c'était pour abuser de maman ». Au-delà de la parole, l’enfant a une certaine compréhension

17 Cléro JP. (2002) Le vocabulaire de Lacan, Paris : Ellipses.18Bernardi M. et Bénony H. (1997) Apport de la méthode projective à l’évaluation des attaques de l’inceste contre l’activité de symbolisation, in Roman P. (1997) Projection et symbolisation chez l’enfant, Lyon: PUL.

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des événements. Cécile se souvient que « la gamine lui avait dit : j'ai entendu le lit grincer ». Cependant, Cécilesollicite le secret de la part de son enfant. Elle lui a demandé « de ne rien dire parce que son père lui disait "tufais la morale à la gamine". Cécile évoque cette censure également pour elle-même : « Je n'ai jamais osé enparler à ma mère parce que mon père ne le voulait pas, je ne voulais pas qu'il me tape dessus et qu'il tape sur mamère, je me protégeais ainsi que ma mère. Ma mère ne sait pas que Sophie est la fille de son mari, c'est à dire de monpère, je crois qu'elle s'en doute mais je n'ai jamais abordé clairement le sujet avec elle. A ma mère j'avais raconté quej'avais flirté avec un gars et que c'était pour ça que j'étais enceinte; je ne pourrais pas dire si elle m'a cru, mais ellesavait que je fréquentais. » Le silence est imposé à la victime et à ses partenaires. Le silence imposé est àcomprendre comme violence et attaque violente à l’identité, chacun étant expulsé du monde de la parole, du monde du dire, de l’expression subjective.Laupiès remarque que le silence apparaît pour les victimes« vital pour la survie familiale. Cette fonction homéostasiante peut également être endossée à travers labouc-émissairisation »19. Cécile est amenée à se construire une autre identité amoureuse et sexuelle, rendantpar là le réel de son existence comme faux, invalide, indicible. Elle n’est devenue que le porte-parole del’autre. Elle rappelle: « mon père m'avait dit une fois que, si je tombais enceinte, ce serait l’enfant de ce garçon.Cependant, je n'ai jamais couché avec ce garçon. Celui-ci est décédé dans un accident de voiture peu de temps aprèsnotre relation amoureuse. » La violence destructrice du groupe incestueux peut atteindre et exploiter leséléments extérieurs. Les éléments argumentatifs de la violence interne intègrent des éléments mortifèresexternes. Nous avons un évitement de tentative de preuve de violence en annulant l’externe, en s’auto-validant à l’interne. Le fonctionnement incestueux maintient une culpabilisation de chacun. Cécilerappelle : « On me dit que je suis une menteuse. Je voudrais bien faire un test de paternité. J'ai raconté à pas mald'amis mon histoire, beaucoup m'ont dit que j'aurais dû venir vous voir depuis longtemps. »

La plainte en justice fait crise de l’indifférenciation incestueuse. La crise est longue à émergercarelle doit correspondre à une menace majeure de destruction pérenne d’une identité individuelle, à un refus réitéré d’émergence de l’un à une différenciation et un élan désirant tourné vers l’externe du groupe incestueux, ainsi qu’à l’intervention d’untiers externe. Dans la crise, le désir mimétique ne porte plus sur lepère comme objet sexuel, mais amène un tiers externe à porter le désir sur l’un des éléments du groupe. C’est celui-ci qui devient victime. La difficulté à l’émergence de cette crise correspond à la difficulté de lavictime à se positionner ouvertement comme telle. Cécile l’explicite à sa manière: « Les choses ont pris finavec mon père parce que j'ai rencontré quelqu'un, mon père m'a traitée de tous les noms et notamment de putainparce que j'étais avec ce gars là. Je fréquente ce garçon depuis 14 mois, nous avons chacun notre chez soi, je ne suispas encore prête à vivre avec quelqu'un mais je suis en confiance avec lui. Ce monsieur a 47 ans, il est beaucoup plusâgé que moi. Il s'est rendu compte qu'il y avait un problème ; je lui ai raconté mon histoire. Il m'a dit de couper lesponts avec mes parents ». La plainte est la réponse à l’emprise menaçante et destructrice du lien incestueux. L’arrêt de ce lien est posé par la présence et le positionnement d’un Tiers différenciateur externe. Ici, letiers se pose aussi comme rival dans le désir mimétique focalisé sur la victime. Confronté à un conflit deloyauté, le tiers renforce la victime émissaire en l’expulsant de son groupe famille incestueuse. Cécileraconte : « Je ne revois plus personne depuis. Mon père n'a jamais remis les pieds chez moi depuis ce jour là. Je l'aimenacé de tout dire; au début il essayait d'appeler au téléphone mais je ne décrochais pas. Depuis j'ai changé denuméro de téléphone. Je ne revois plus mes parents, ni Hervé et Eric. Cela m'embête de ne plus revoir ma mère. » Laplainte et l’élaboration d’une position victimaire chez Cécile provoque rupture de ses liens familiaux, laséparation et différenciation complète de son milieu d’origine.Dans une ambivalence psychique, et dans unconflit de loyauté avec son milieu d’origine, culpabilisant sur la destruction éventuelle de tous les liens à l’intérieur de sa propre famille, Cécile termine son audition en affirmant qu’ellene désire pas déposerplainte contre son père « car il me laisse tranquille depuis ce temps là. En plus surtout, j'ai promis à mamère que s'il ne bougeait pas, je ne bougerai pas. Il n'a jamais tenté de revenir ». Cécile refusel’intervention d’une instance institutionnelle,et l’instauration d’un ordre symbolique. Elle tente fictivementde se sortir d’une position de victime émissaire pour la déplacer sur son frère aîné qui en a déjà porté les attributs, ayant déjà été condamné pour violences sexuelles. Elle argumente en disant : « Je fais cettedémarche surtout vis à vis de mon frère Hervé parce que c'est un violent aussi, et que je crains qu'il n'abuse de mafille. Mon frère est allé en prison pour avoir abusé d'autres jeunes filles dans les mêmes périodes que moi. On ne saitpas ce qui se passe dans la tête d'un fou. Pour moi c'est un fou. Tout le monde me dit qu'il a changé mais pour moi il ale vice dans le sang. J'ai peur pour ma fille. Je voudrais que vous lui disiez de ne pas approcher ma fille ni moi, oùque se soit, c'est tout ce que je demande. » L’attribution de caractéristiques dangereuse à son frère lui permet d’éviter de penser les violences généralisées de la famille.Ne pouvant accepter de penser le risque pour son

19Laupiès V (2000) Les quatre dimensions de l’inceste, Paris: L’Harmattan.

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concubin envers sa fille, elle pense celui de son frère. La démarche de Cécile cherche à protéger, de façonillusoire, la nouvelle famille qu’elle souhaite fonder, mais préoccupée par la présence de l’objet sexe.

Un enfermement incestueux, emprise avec réitération de tentatives d’y échapperCécile a fait plusieurs fugues pendant son enfance, fugues à comprendre comme tentatives de se sortir

d’un cadre. Avec sa grand-mère paternelle, elle avait échangé du problème de relations sexuelles avec sonpère et son frère. Celle-ci n’en a rien dit comme si elle lui indiquait qu’il n’avait rien à en dire, rien à en penser. Sa position de souffre-douleur des autres à l’école et au collège signe une mauvaise adaptation dans les groupes extérieurs à la famille. Elle se montre en difficulté, voire en conflit de loyauté à l’extérieur du réseau familial. Elle a suivi sa scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans, dont deux ans en CPPN. Elle est ensuite allée en Maison Familiale Rurale pendant trois ans pour préparer un diplôme d’auxiliaire puéricultrice. Ellese souvient du discours de ses parents sur leurs difficultés à payer la pension. Elle y a bien appréciél’organisation de la scolarité par alternance, bien apprécié les stages pour garder les enfants. Elle dit également avoir apprécié cette institution parce qu’elle était alors éloignée de sa famille.Ayant arrêtél’école à l’âge de dix neuf ans, elle n’a pas d’autre diplôme que le CEP.Cécile n’a fait aucune activité sportive ou culturelle en dehors du cadre familial. Les autres jeunes disaient d’elle qu’elle était timide, renfermée. Se décrivant ni menteuse, ni violente, et n’étant jamais été punie à l’école, elle sait subir les contraintes et s’y conformer en silence.Les opportunités d’extériorité familiale pendant son enfance sont de bons souvenirs. Il s’agit, par

exemple, de souvenirs de vacances, en colonie de vacances, de réunions et repas de famille pendantlesquelles cela se passait bien, sans violence, grâce à la présence d’autres personnes que leur groupe familial. Cécile a quitté le domicile parental et déménagé à l’âge de 26 ans, c'est-à-dire à l’âge cinq ans et demi de Sophie. Cinq ans après, Cécile s’est fâchée avec son père parce que celui-ci l’aurait insulté au téléphone et n’aurait pas accepté qu’elle puisse avoir un ami.Une hostilité et une haine entre des personnesde famille se met en place au lieu d’une simple rivalité différenciatrice entre un père et un gendre reconnaissant chacun leur place dans la famille. Cécile avance avoir connu peude flirts compte tenu qu’elle n’avait pas le droit de sortir.

Mr Joseph ne donnait pas d’argent à Cécile en échange des relations sexuelles. Cécile se plaint aucontraire des prélèvements financiers qu’il obligeait. Le père a maintenu un fort lien d’emprise. Céciletravaillait dans la culture maraîchère, un emploi qu’elle avait obtenu malgré l’opposition de son père.Elleaurait perdu, selon elle, cet emploi à cause de la grossesse, et à cause de l’augmentation de salaire qu’elle a demandée pour augmenter ses revenus pour répondre aux besoins nouveaux dus à la naissance. Lestentatives de sortie de l’emprise incestueuse la conduisent à de la culpabilisation psychologique. Ce que lanaissance de sa fille Sophie a provoqué, c’est une culpabilisation importante, avec la peur de punition divine, la perte d’emploi et l’augmentation de l’emprise paternelle sur elle-même et l’enfant, un changement de comportement du père qui ne la protégeait plus, mais n’était plus que dans une violence envers elle, et une augmentation d’une pression psychologique.Le lien d’emprise amène l’adolescente à se soumettre et à intégrer des représentants psychiques de l’agresseur, identification à l’agresseur soulevée par Ferenczi : « cette peur quand elle atteint son point culminant, les obligent à se soumettre automatiquement àla volonté de leur agresseur, à deviner le moindre de ses désirs, à obéir, en s’oubliant et à s’identifier totalement à l’agresseur»20. L’après- naissance de Sophie a été difficile. Après 23 jours en couveuse, 13jours au domicile parental, Sophie a été transférée à l’hôpital pendant huit jours. Cécile X est restée vivreavec Sophie chez ses parents. Elle évoque ses difficultés à se placer comme la véritable mère de Sophie.Elle ne voulait pas que son père s’occupe de Sophiequand elle était présente. Elle dit que c’était à elle de prendre le rôle de mère. Une fois, confronté à ce refus de Cécile, son père l’a expulsé avec Sophie. Cettedernière a de nombreuses difficultés orthophoniques, psychologiques, scolaires, qui nécessitent des prisesen charges spécialisées.Avant de porter plainte, Cécile dit avoir pensé plusieurs fois, à des tentatives de suicide. Elle n’est pas alorspassé à l’acte, faisantréférence à sa fille Sophie. Elle se posait l’alternative d’une issue existentielle: sonauto-destruction ou une différenciation par une nouvelle filiation, la sienne propre. Cécile est prise dans lesouvenir d’une enfance sous emprise avec une mère et un père pouvant être violents et méprisants, avec un père tout puissant, pouvant l’empêcher d’avoir des relations avec l’extérieur familial. L’école, et surtout l’internat à la MFR sont alors des ressources pour entretenir des relations amicales autres, et sortir d’une

20 Ferenczi S (2004) Confusion des langues entre les adultes et l’enfant, Paris: Payot et Rivages.

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emprise familiale. Sous l’emprise du père, Cécile a continué à subir des relations sexuelles avec son pèresans pouvoir réagir, jusqu’à la consolidation d’un lien amoureux avec un homme autre.

La plainte comme crise de l’indifférenciation et de structuration, et ses effetsCécile fait actuellement vie commune avec son ami, rencontré chez une amie, sans enfant. Elle dit ne

pas avoir de plaisir dans ses relations sexuelles.C’est son désir de construire son propre espace familial qui l’amène à produire une plainte en justice pour éloigner son père. Mais cette plainte ne se fait pas sans souffrance. C’est àcause de cette affaire judiciairequ’elle dit avoir besoin de suivre un traitement médical,et avoir des troubles de la mémoire et du sommeil. A l’épreuve de la Figure de Rey, elle montre certaines difficultés de structuration spatiale et de mémorisation.

Ses relations intra-familiales se sont modifiées suite à la plainte en justice, ceci pour poser sadifférenciation. Cécile a repris contact avec sa mère. Récemment, elle s’est renduechez elle. Cécile dit quesa mère se laisse « commander » par son fils. Le père Joseph ne parlerait plus à son fils Michel. Elle aaujourd’hui rompu ses relations avec sa fratrie. Aucun de ses frères ne viennent chez Cécile depuis laplainte. Son frère Eric la harcèlerait : régulièrement il fait crisser les pneus quand il passe en voiture àproximité de sa résidence ; il la nargue, lui téléphone en la menaçant sur son portable. Cécile dit avoir faitune tentative de suicide deux mois après l’incarcération de son père. Cécile parle des effets positifs pourelle-même de la judiciarisation de l’affaire. Elle dit qu’elle «réalise grâce à son avocat ». Elle ajoute que samère ne réalise pas ce qui lui est arrivé. Cécile dit qu’elle ne voulait pas porter plainte pour ne pas détruire sa famille. Elle se dit aujourd’hui très heureuse de pouvoir rencontrer sa mère.

Actuellement, Cécile dit vivre dans la peur, peur de ses frères. Pendant les dernières vacances scolaires,elle n’est pas sortie à l’extérieur. Cécile se dit rassurée quand elle est enfermée chez elle. Sophie aurait peurdes frères de sa mère. Sophie ne voudrait pas rendre visite ni rester chez la grand-mère maternelle. Sophieaurait appris, en dehors de toute intervention de sa mère, le véritable nom de son père, c'est-à-dire songrand-père Joseph. Elle demande que ses frères ne puissent venir pas sur sa ville de résidence.Actuellement, Cécile a des maux de têtes, dit rêver en pleurant. Lors de ses rêves fréquents, apparaissent lesabus qu’elle a endurés. Elle dit revoir certaines images lieu des relations sexuelles avec son père, entendredes propos paternels du type « vas pisser », propos qui pouvaient lui paraître enigmatiques.Cécile se dit se sentir coupable au lieu de se sentir victime. Elle veut que Joseph « paie» et qu’il n’ait pas de remise de peine. Elle est inquiète sur les effets de cette affaire sur l’enfant qu’elle porterait. Cécilen’échange pas avec sa soeur Amélie, sur l’affaire. Cécile dit ne jamais passer une journée sans penser à cequ’elle a subi.Cécile souhaite une peine maximum, sans remise de peine. Elle ne souhaite n’avoir aucune entrevue avec son père, accepte seulement sa présence lors du procès. Elle estime normal d’avoir une pension alimentaire comme contribution à élever Sophie. Cette pension alimentaire devrait être versée parla famille,le père ou d’autres membres de la famille.

Cécile estextrêmement préoccupée par l’affaire de viol de son père sur elle. Elle est dans une position très culpabilisante, alternant encore entre responsable de la situation ou victime. Ses élaborations marquentson long travail psychologique la décalant d’une position de culpabilité pour accéder petit à petit à une plus grande autonomie par rapport à sa famille et à son père. Ce travail d’accès à l’autonomie se lit en particulier au travers de quelques indices : la scolarité avec internat, le premier exercice professionnel, la maternité, ledéménagement du domicile parental, une relation intime avec un ami et enfin la plainte. Elle souffre deseffets de la judiciarisation de son état de victime au sens où elle se vit comme exclue du cercle familial,n’ayant plus de relations avec la fratrie, et des relations difficiles avec sa mère. Elle souffre beaucoup de cette rupture actuelle d’avec sa famille. Cette rupture actuelle ne vient que renforcer ce qu’elle retient d’une enfance difficile dans laquelle elle souffrait d’une absence d’écoute de la part de la mère, de relations non gratifiantes à une mère qui pouvait la frapper ou la surnommer de mots désagréables, l’amenant à se sentir méprisée, mal aimée de sa mère. Elle souhaite actuellement fortement maintenir un lien avec sa mère, etsouffre de l’incompréhension qu’elle perçoit de la part des autres membres de la famille sur cette affaire.

Des violences réitérées imposant le silenceA l’interrogation de l’un des garçons sur les relations sexuelles incestueuses de leur père, se satisfaisant

des réponses négatives de ce dernier, Marie se tait, ne cherchant pas à investiguer. La mère procède parl’attribution de qualités négatives sur la personnalité de sa fille qui est alors maintenue comme mauvaisobjet de la famille. C’est aussi celle qui maintient une cohésion illusoire de la famille indifférenciée. Siavant le silence était de règle, la plainte permet l’émergence de la parole.

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« Après que son père lui ait répondu que non, Fabrice n'en a plus parlé, et personne d'autre n'en a parlé dansla famille. Maintenant que mon mari est enfermé, on en parle plus. Certains de mes enfants disent que s'il afait la chose il mérite la punition qu'il a. Moi la première je pense comme ça. Fabrice, Amélie et Marcelpensent et disent que cela ne se fait pas de coucher avec sa fille. Eric n'en a pas parlé et quant à Hervé je nelui parle plus depuis qu'il a fait la connerie justement ».

Le silence peut apparaître comme consentement. Alléguant d’une stabilité des violences de Joseph, Marie reproche le choix actuel de Cécile de porter plainte. Marie valide ainsi le maintien des violences. « Simon mari a fait cela, c'est qu'elle était consentante. Il ne l'a pas prise de force tout de même, ce n'est pas songenre. Pourquoi c'est au bout de tant d'années qu'elle fait ça. Si c'était vrai, elle aurait dû le faire beaucoupplus vite. Vous me dites que c'est entre autre par peur de la réaction de mon mari vis à vis d'elle et de moi etdonc aussi pour me protéger que Cécile n’a rien dit. A cela je réponds pourquoi elle l'a fait maintenantalors, ça revient au même. C'est vrai que par passages, mon mari était assez violent mais plus maintenant ».Les relations entretenues par Marie avec ses enfantssont sous l’effet de la terreur qu’elle a de ses fils, dont les risques de violence peuvent être associés à celle connue du père.

Marie revient sur sa concientisation des faits. Elle reconnaît avoir eu des doutes sur la nature desrelations avec sa fille aînée. Elle annonce qu’« En fait je ne vous ai pas dit la vérité. A un moment j'ai eudes doutes. Mon mari emmenait toujours la grande, Cécile l'aînée des filles. Il lui disait : "vient la grande, ilfaut que je te parle". Et ils partaient. Quand je demandais à mon mari ce qu'il avait à lui dire ou pourquoi ill'emmenait, il me répondait "ça ne te regarde pas". Quant à Cécile, quand je lui demandais où elle était alléeavec son père, elle ne me répondait rien du tout, elle ne répondait même pas. Je ne sais pas pourquoi je n'aipas insisté. Parfois j'avais peur de mon mari, parce qu'il était violent. J'avais peur de ses réactions ; j'avaispeur qu'il me frappe. Il ne m'a frappé que trois fois en tout. Quand il était violent il n'y allait pas de mainmorte, je me suis vue le portrait carrément abîmé. Je ne voulais pas qu'il recommence. Le fait d'avoiréventuellement à élever seule mes enfants n'a pas été une des raisons pour lesquelles je n'ai pas insisté etvoulu impérativement savoir la vérité, parce que je me serais débrouillée; c'est uniquement sa violence quim'a retenu, j’avais peur qu'il me tape dessus.Mon mari n'a jamais tellement bu ; je veux dire qu'il prenaitune cuite de temps en temps. Quand je l'ai connu, il ne pouvait pas boire car il faisait des crises d'épilepsie.Ses colères n'étaient pas toujours liées à l'alcool. Parfois il suffisait que je lui tienne tête pour qu'il se metteencore plus en colère. Je n'ai pas eu de doutes avant 1986, je dirais que j'en ai eu pendant deux ou trois ans.Après il était toujours à la maison et puis il découchait avec une femme mariée. Mon mari m'a beaucouptrompée. A cette époque là, il découchait la semaine et rentrait le week-end. Pendant la période où j'ai eudes doutes, le comportement de mon mari n'a pas changé dans nos relations intimes ; il n'était pas moinsdemandeur. D'une façon générale jusqu’à il y a deux ans et demi, nous avions des rapports sexuels trois ouquatre fois la semaine, C'était lui qui était demandeur, c'était toujours lui qui demandait. Je n'ai jamaisrefusé sauf quand j'étais indisposée. Je ne pourrais pas dire si mon refus le contrariait. Il m'est arrivéd'accepter les rapports afin d'éviter une colère de sa part. Il n'a jamais eu d'exigences particulières dans cedomaine ». Ces éléments de son discours insistent sur l’emprise violente exercée par Joseph sur son épouse.Marie tente de donner une image positive de son mari ; elle avance que son « mari avait de bons rapportsavec sa famille ». Cependant, les relations de Joseph sont très conflictuelles à l’intérieur de sa famille maritale. « Mis à part ce problème avec Cécile, mon mari s'est fâché avec Hervé pour les raisons que jevous ai expliqué plus haut mais aussi avec Michel pour une chose idiote, Michel ne voulait pas rendre unetable qu'on lui avait prêtée et mon mari a refusé de lui re-prêter un case congélateur que Michel prétendaitque son père lui avait donnée, Michel a traité son père de feignant et donc il lui a dit de rester chez lui;c'était juste avant qu'il ne tombe malade ».

Une indifférenciationau travers d’un refus de savoirLa découverte de la grossesse de Cécile a été fortuite. L’indifférenciation implique le choix d’un état de

non-savoir sur les relations à l’intérieur de la famille. Le discours de Marie fait apparaître l’absence de parole sur la sexualité entre Marie et Cécile, les inconnues de Marie sur la santé de Cécile, sur la viesexuelle de son mari, l’idée supposée de Joseph dans sa question sur l’état de grossesse de Cécile. « Je nesais pas pourquoi Cécile m'a caché qu'elle était enceinte. Je crois même qu'au début elle ne savait pas elle-même. Déjà quand elle eu ses règles la première fois, elle ne m'en a même pas parlé, mais a préféré enparler à sa grand-mère paternelle. Amélie, qui dormait dans la même chambre que sa sœur,à maconnaissance, n'a jamais rien vu. C'est pour ça que je dis que s'il a fait cela, mon mari a fait ça autrement,quand il partait avec elle. A la maison, il n'y avait rien d'anormal, je vous dis j'ai plutôt été trompée. » Ce

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refus de savoir induit une immobilisation de l’activité de pensée, et à une défaillance réelle et symbolique du parent avec confusion des rôles et des générations, et « escamotage de la loi de la parenté et deprohibition de l’inceste», la mère ne jouant pas « le rôle protecteur que l’enfant pourrait attendre d’elle»21.

« Je ne sais pas comment j'ai fait pour ne pas me rendre compte de quoi que se soit. Je me demandequand est-ce qu'il faisait ça et où. Alors c'est quand il allait la conduire au boulot. A seize ans, elle allait àl'école et faisait des stages ; il fallait la conduire. Quand j'ai su que Cécile était enceinte, elle l'était de huitmois, elle me disait qu'elle était indisposée et je voyais bien dans la poubelle qu'elle les avait. C'est là que jene comprends pas, elle les avait tous les deux mois. Sa grossesse ne se voyait pas du tout ; ceci dit quand lagamine est née elle ne pesait pas deux kilos. Un jour en chahutant, j'ai mis la main sur son ventre et je mesuis aperçue qu'elle avait un peu de ventre. Son père lui a demandé : tu ne serais pas enceinte ? Elle arépondu que non, je l'ai amenée quand même chez le médecin, c'est son mari qui nous a conduit car je neconduis pas et nous sommes allés voir le médecin qui a confirmé qu'elle était enceinte et il lui a demandé sielle voulait le faire partir, elle lui a dit que non et le médecin a pris tout de suite rendez-vous chez legynécologue. Je me trouvais avec Cécile dans le cabinet, Je lui ai demandé qui était le père en sortant ducabinet et elle m'a dit que c'était le jeune qui s'était tué dans un accident de voiture, Je ne vois pas pourquoije ne l'aurais pas cru. En fait elle ne m'a dit ça que quelques temps après, au début en fait elle ne voulait pasdire qui était le père de la gamine, je dirais que c'était un an après son accouchement seulement qu'elle m'adit que c'était ce garçon là le père, Elle appelle la famille de ce jeune homme ; elle leur a dit qu'elle avait étéla petite amie de leur fils et qu'elle avait une petite fille de lui, je n'entendais pas ce que la maman de cejeune homme disait; je n'ai posé aucune question à Cécile ». Cécile veut rien en savoir de la nature desrelations entre son mari et ses filles. « Avec Amélie, je n'ai jamais eu de doute parce qu'il demandaittoujours à la grande pas à la petite ; c'est comme ça qu'il appelait ses filles "la grande" et "la petite". Amélieme l'aurait dit surtout maintenant parce que Amélie est beaucoup plus franche que Cécile. Mes enfants sontatteints d'une maladie, l'oedème, qui vient du côté de mon mari, mais j'ignore comment elle se transmet.Vous me dites que mon mari aurait abusé de Cécile de son adolescence jusqu'à il y a quelques annéesseulement. Je réponds que je ne sais pas, il me disait qu'il allait je ne sais où».

La plainte comme crise de l’indifférenciation et de structuration, et ses effetsLe discours de Marie suite à la plainte confirme l’état d’indifférenciation dans lequel fonctionnait

Marie. Marie adoptait systématiquement le point de vue de sa fille Cécile et de son mari Joseph, notammentsur la paternité. Le lieu restreint de vie familial est affirmé comme un lieu normal. Marie intègre le discoursde Cécile sur ses liens allégués avec les parents du père supposé de Sophie : « Cécile les a appelés quandSophie avait quatre ans, peu avant qu'elle ne parte de la maison. Cécile m'a également dit qu’ils étaientvenus la voir dans son appartement. Je n'ai jamais eu de doute sur les déclarations de Cécile. J'ai toujourscru que c'était ce jeune homme qui était le père. En plus, Cécile m'avait dit que les parents de ce jeunehomme avaient dit que Sophie ressemblait à leur garçon. Je lui ai posé la question de savoir si ces gens làs'intéressaient à leur petite fille. Elle m'a répondu qu'ils étaient venus une seule fois et qu’ils viendraientquand ils voudront.

Marie ne tolère pas la plainte de Cécile, et son appel à une instance tierce. « Le jour où mon mari estvenu à la gendarmerie, Cécile a essayé de me contacter. Je lui ai raccroché au nez ; je ne veux pas lui parler.Aujourd’hui, je voudrais bien avoir des nouvelles de Cécile et de sa fille, mais j'ai peur à la réaction de sesfrères et sœurs.J'ai raccroché au nez de Cécile sans le vouloir, comme ça. Si elle me rappelait je ne luiraccrocherai plus au nez, je lui demanderai des explications, Je lui demanderai pourquoi elle a fait ça, c'est àdire dénoncer son père. » En appuyant sur le retard à porter plainte, Marie invalide les violences subies parMarie. Marie désigne sa fille comme bouc-émissaire, celle par qui le scandale arrive, celle qui a faitdécouvrir le fonctionnement incestueux de sa famille. « Je lui reproche de ne l'avoir pas fait plus vite. Vousme dites que j'ai dit à mon fils en sortant du commissariat "c'est la Cécile qui fout le bordel", je réponds quec'est vrai que je suis « dans la merde ». Moi, « j'aurais trouvé une solution, j'aurais fait enfermer monmari ». Au lieu de ce dire incestueux, Marie aurait trouvé une autre qualification à cette crise familiale.

La permanence d’un objet mimétique qui ne pouvait se dire : le sexe« Je me souviens maintenant que lorsque je lavais le linge de Cécile, sa petite culotte portait des

21 Bernardi M. et Bénony H. (1997) Apport dela méthode projective à l’évaluation des attaques de l’inceste contre l’activité de symbolisation, in Roman P. (1997) Projection et symbolisation chez l’enfant, Lyon: PUL.

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traces blanchâtres comme de la colle. Avec le recul je réalise qu'il s'agissait certainement de sperme, je luiposais des questions sur ces taches et elle ne me répondait pas, Cécile qui est à côté de moi vous confirmecela, elle avait peur de dire les choses. Je réalise maintenant que mon mari partait quelques fois en disant jevais voir un client, il devait en fait aller chez Cécile. Je réalise maintenant pour quelles raisons Cécile n'ajamais voulu que Sophie reste seule chez nous. J'ai toujours pensé qu'elle voulait venir avec elle c'est tout.S'il voulait téléphoner, il me demandait de faire le numéro et de lui passer le téléphone. »

La relation père-fille ne se faisait pas à l’insu des autres de la famille. La mère s’est empêchée de penser à la relation sexuelle incestueuse, et a laissé circuler cet objet sexuel. La plainte de sa fille Cécilepermet cette pensée et l’interdit. Godelier nous rappelle que «la prohibition de l’inceste est le signe d’un sacrifice de la sexualité pour sauver la société »22.

Sophie, fille de Cécile, et victime d’atteintes sexuelles de la part d’un ami de la famille,montre unegrande réticence à l’égard des garçons en général, les considérant comme dangereux. Elle va veiller àtoujours garder une distance envers eux. Elle ne parle pas aux garçons du collège, autres que ceux de saclasse. Elle ne parle pas aux garçons du collège, sauf à ceux de sa classe. Sophie pense qu’il y a des garçons qui abusent des filles au collège, vont dans les toilettes des filles. Certains garçons demandent aux filles del’argent. Sophie affirme n’avoir jamais été victime d’un garçon à l’école, ni à l’extérieur. Elle dit n’avoir jamais eu de copain ou d’amoureux parce que cela ne lui plaît pas. A la télévision, elle aime regarder des films d’amour comme les «Feux de l’amour». Sophie n’a jamais vu de sexe d’homme. Elle parle de lanécessité d’apprendre des noms de parties de l’organismehumain,et d’étudier les parties sexuellesen leçonde sciences au collège. Elle dit ne pas savoir ce qu’est la contraception, mais prend cependant la pilule.

Sébastien, ami invité de la famille, était resté regarder la télévision en compagnie de Sophie. Sophieavance que sa mère, restée à l’affût, se méfiait du comportement de Sébastien. Sophie raconte ce queSébastien a fait: il l’a prise par le bras, il lui a touché et caressé les fesses, il l’a embrassée en mettant la langue dans sa bouche. C’est alors que sa mère, cachée sous l’escalier et épiant Sébastien,est intervenue,criant à l’agression sexuelle de sa fille. Il n’y a pas eu d’autres faits sexualisés ni avant, ni après cet événement. Cet événement n’a fait que renforcer son appréhension de la figure masculine, tout en en faisantune enigme, quelque chose d’inconnu. Cette appréhension s’alimentedu discours maternel. Cécile instaureun espace familial rempli de sexualité. L’objet de désir est omniprésent et ne peut être compris que comme désir mimétique. L’objet-sexe est alors généralisé au sens où il est partout dans l’univers familial. Pour Cécile, il n’y a aucune raison que sa fille ne dirige pas son désir sur ce sexe-objet. La recherche del’événement conduit à la réalisation hystérique de ce dernier. Cécile était très énervée : « elle faisait les centpas dans sa chambre». Entre ce moment et le dépôt de plainte, il ne s’est rien passé d’autre. Sophie a, cettenuit-là, dormi avec la lumière et a réussi à s’endormir. Maintenant, cela lui arrive d’y repenser, et de rêver àce qui s’est passé avec Sébastien. Elle ne le trouve pas beau car il est vieux. Cet événement provoqueparfois chez elle des retours d’images culpabilisantes, l’amenant à regretter cette scène.

Depuis cette affaire, Sophie dit être constamment préoccupée par la sexualité et le sexe des garçons.Elle a une constante vigilance envers le comportement des garçons : «si un garçon s’approche trop de moi, j’essaierai d’en parler à maman». Elle dit s’asseoir toujours le plus loin possible des garçons. Elle dit seméfier des garçons parce que «c’est dangereux, à part mon papa». Elle ne trouve aucun garçon beau. Parmimétisme, Sophie retrouve cette attirance et vigilance envers le sexe des garçons chez sa mère. Lemimétisme conforte la dynamique de cette vigilance.

En conclusion de cette situation familiale incestueuse, compte tenu des documents mis à notredisposition, nous pouvons repérer quelques grands principes de cette violence incestueuse :

- la modalité violente des relations intra-familiales portant, de manière indifférenciée, sur lesenfants et la mère ; les violences exercées sur l’un peuvent être exercées sur l’autre;- les violences tendent à annihiler les positions subjectives des victimes, visent l’humiliation de certains, la suppression de toute vélléité d’individuation, d’autonomie, de valorisationindividuelle ; la Référence étant la famille et son maintien ;- les violences installent la peur, et la loi du silence: personne ne se plaint, ni personne n’en parle à l’extérieurde la famille ;- les violences conduisent à un empêchement à savoir : pour se protéger, chacun préfère ne

22 Godelier M. (1996) Meurtre du père ou sacrifice de la sexualité ?, in Meurtre du père, sacrifice de la sexualité ;approches psychanalytiques, Godelier M., Hassoun J., Paris.

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rien savoir plutôt que de connaître ce que l’autre subit;- les positions violentes peuvent être prises alternativement par l’un ou l’autre de la situation,tel les garçons à la place du père à l’encontre de la mère;- les violences passent du physique, au moral, à l’intimidation et au sexuelde manièreanalogique ; un lien perdure entre la violence physique et le désir ;- les violences incestueuses amènent à l’interdit de commettre des délits externes à la famille ;- les violences incestueuses supposent la non acceptation de prises de références externes,préférant le traitement interne des faits ;- la Mère apparaît comme Référence devant pouvoir jouer une fonction de régulation, évitantle recours à la loi externe ; elle fait alors obstacle à la dimension symbolique ;- la plainte émerge d’une tentative de rupture avec le milieu incestueux, d’une tentative de différenciation pour fuir les violences indifférenciées ;- la plainte provoque l’élaboration d’une victime émissaire qui, sacrifiée par la famille, va permettre une nouvelle cohésion de cette dernière.

Dans l’enfermement du lieu incestueux, rendant chacun indifférencié face à la domination, l’arbitraire et l’aléatoire du père ou de son substitut, la violence est sans fin comme le souligne le psychanalyste Perrone : « lorsque la force sans contrôle se met au service du désir, il y a violence.Celui qui domine satisfait son désir, celui qui résiste meurt, celui qui se soumet sauve sa vie et payela grâce avec la douleur subie »23. Bernard Gaillard

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23 Perrone R. (2000) La récréation violente, in Enfance de la violence, violences de l’enfance, Colpin MT (Dir.) Paris:L’Harmattan.

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