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Lettre d’un poilu Le 3 août 1914, l'Allemagne déclare la guerre à la France. Tous espèrent que les ost!l!tés seront de courte durée ma!s le con"l!t se prolonge. #ette guerre moderne, pour laquelle on met au po!nt de nou$elles armes redouta%les, durera quatre ans et la!ssera derr!ère elle des m!ll!ons de morts et d'!n$al!des, soldats et c!$!ls. Les Archives  départementales conser$ent des témo!gnages de cette som%re pér!ode. Au& archives  adm!n!strat!$es $!ennent notamment s'aouter deu& "onds pr!$és dans lesquels on trou$e des lettres de po!lus ( le "onds de l'A%%é )esroce, curé d'*guerande +13 - et le "onds de la "am!lle )éléage +3 -. Portrait de l'auteur de la lettre. /n 1914, Jean Déléage est mar!é, a 30 ans, est père de deu& en"ants et e&erce la pro"ess!on d'!nspecteur de l'école pr!ma!re. )epu!s le "ront, !l en$o!e de nom%reuses lettres à sa "am!lle et, en retour, reo!t de leurs nou$elles. #es lettres, conser$ées au&  Archives départementales,  portent en elles toutes les sou""rances que la guerre "a!t endurer au& soldats et nous donnent également une !dée des préoccupat!ons quot!d!ennes de ceu& qu! sont à l'arr!ère. #ette lettre présente un panorama très complet et réel de la guerre, a$ec le souc! du déta!l. 2ont é$oqués ( les cond!t!ons de $!e des soldats +le temps, l'g!ène, l'équ!pement m!l!ta!re, le repos, la nourr!ture- et leur état moral, le camp de %ata!lle +la con"!gurat!on des trancées, le pasage %oule$ersé, les cada$res-, les armes... L'auteur a pu m!n!m!ser la gra$!té des "a!ts pour ne pas e""raer ses proces ma!s auss! a"!n d'écapper à la censure. Transcription conforme à l'original Mercredi 29 septembre 1915 Ma chère Louisette,  Je t'ai promis, presque solennellement, de te dire la vérité ; je vais m'exécuter, mais en revanche tu m'as donné l'assurance que tu aurais les nerfs solides et le coeur ferme.  Je suis depuis ce matin dans des tranchées conquises depuis 2 jours, l'ensemble de ces tranchées et boyaux forme un véritable labyrinthe, o! j'ai erré " heures cette nuit, absolument perdu. #es traces de la lutte ardente y sont nombreuses et saisissantes ; et d'abord elles sont plus qu'$ moitié détruites par l'oura%an de mitraille que notre artillerie y a lancé, aussi sont&elles incommodes et horriblement sales mal%ré les réparations ur%entes que nous y avons faites ; tout y manque l'eau (propre ou sale), les boyaux, les latrines ; elles sont $ moins de 2** m+tres de la +re  li%ne ennemie, avec laquelle elles communiquent par des boyaux obturés ; elles sont parsemées de cadavres fran-ais et allemands ; sans presque me déran%er j'en compte bien 2* fi%és dans les attitudes les plus macabres. e voisina%e n'est pas encore nauséabond, mais il fait tout de m/me mal aux yeux ; ce matin, $ 0 heures, nous arrivons mouillés et harassés, et j'entre dans le premier abri venu pour me détendre, j'avise une bonne planche, m'y étends, la trouve moelleuse, mais 0 minutes apr+s je m'aper-ois qu'elle fait sommier sur 2 cadavres allemands ; et bien, crois& moi, -a fait tout de m/me quelque chose, au moins la +re  fois. 1n marmite fort tout autour de nous et vraiment c'est  parfois un vacarme ; déj$ je ne salue presque plus.  #e mal n'est pas l$ ; il est surtout dans le temps qui est affreux ; depuis " jours au moins, les rafales de pluie  succ+dent aux averses ; les boyaux sont des fondri+res innommables, o! l'on %lisse, o! l'on se crotte affreusement ;

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Lettre dun poilu

Lettre dun poiluLe 3 aot 1914, l'Allemagne dclare la guerre la France.Tous esprent que les hostilits seront de courte dure maisle conflitse prolonge. Cette guerre moderne, pour laquelle on met au point de nouvelles armes redoutables, durera quatre ans et laissera derrire elle des millions de morts et d'invalides, soldats et civils.Les Archives dpartementales conservent des tmoignages de cette sombre priode. Aux archives administratives viennent notamment s'ajouter deux fonds privsdans lesquels on trouvedes lettres de poilus : le fonds de l'Abb Desroche, cur d'Iguerande (13 J) et le fonds de la famille Dlage (53 J). Portrait de l'auteur de la lettre.

En 1914, Jean Dlage estmari, a 38 ans, est pre de deuxenfantset exerce la profession d'inspecteur de l'cole primaire.Depuis le front, il envoie de nombreuses lettres sa famille et, en retour, reoit de leurs nouvelles. Ces lettres, conserves aux Archives dpartementales, portent en elles toutes les souffrancesque la guerre fait endurer aux soldats et nous donnent galement uneide desproccupations quotidiennes de ceux qui sont l'arrire.Cette lettre prsente un panorama trs complet et rel de la guerre, avec lesouci du dtail. Sont voqus :les conditions de vie des soldats (le temps, l'hygine, l'quipement militaire, le repos, la nourriture) et leur tat moral, lechamp de bataille(la configuration des tranches, le paysage boulevers, les cadavres), les armes... L'auteur a pu minimiser la gravit des faitspour ne pas effrayersesprochesmais aussiafin d'chapper la censure.Transcription conforme l'originalMercredi 29 septembre 1915

Ma chre Louisette,

Je t'ai promis, presque solennellement, de te dire la vrit ; je vais m'excuter, mais en revanche tu m'as donn l'assurance que tu aurais les nerfs solides et le coeur ferme.Je suis depuis ce matin dans des tranches conquises depuis 2 jours, l'ensemble de ces tranches et boyaux forme un vritable "labyrinthe", o j'ai err 3 heures cette nuit, absolument perdu. Les traces de la lutte ardente y sont nombreuses et saisissantes ; et d'abord elles sont plus qu' moiti dtruites par l'ouragan de mitraille que notre artillerie y a lanc, aussi sont-elles incommodes et horriblement sales malgr les rparations urgentes que nous y avons faites ; tout y manque : l'eau (propre ou sale), les boyaux, les latrines ; elles sont moins de 200 mtres de la 1re ligne ennemie, avec laquelle elles communiquent par des boyaux obturs ; elles sont parsemes de cadavres franais et allemands ; sans presque me dranger j'en compte bien 20 figs dans les attitudes les plus macabres. Ce voisinage n'est pas encore nausabond, mais il fait tout de mme mal aux yeux ; ce matin, 5 heures, nous arrivonsmouills et harasss, et j'entre dans le premier abri venu pour me dtendre, j'avise une bonne planche, m'y tends, la trouve moelleuse, mais 5 minutes aprs je m'aperois qu'elle fait sommier sur 2 cadavres allemands ; et bien, crois-moi, a fait tout de mmequelque chose, au moins la 1re fois.On marmite fort tout autour de nous et vraiment c'est parfois un vacarme ; dj je ne salue presque plus.Le mal n'est pas l ; il est surtout dans le temps qui est affreux ; depuis 3 jours au moins, les rafales de pluie succdent aux averses ; les boyaux sont des fondrires innommables, o l'on glisse, o l'on se crotte affreusement ; aussi suis-je sale au superlatif, au moins jusqu' la ceinture ; mes mains sont boueuses et les resteront jusqu'au dpart ; mes souliers sont pleins d'eau ; heureusement le corps est sec, car l'air est presque froid et le ciel livide. Autour de moi les gens font une tte ! Il nous faudra beaucoup de patience et de moral.Nous sommes coiffs du nouveau casque en tle d'acier ; c'est lourd et incommode, mais cela donne une srieuse protection contre les clats de fusants et contre les ricochets, aussi le porte-t-on sans maugrer. Nous avons aussi tout un attirail contre les gaz asphyxiants. Mais nous serons mal ravitaills : un seul repas, de nuit, qui arrivera froid le plus souvent ; et cela s'explique la fois par la longueur des boyaux et par la difficult de parcourir une large zone dcouverte.A ce tableau un peu sombre mais vridique il convient d'ajouter deux correctifs ; d'abord nous aurons un rle dfensif, nous sommes chargs de mettre en tat le secteur trs boulevers ; ensuite les Allemands contre-attaquent peu, par suite du manque d'effectifs et de l'tat de leurs affaires en Champagne. Pour ces 2 raisons, il se pourrait trs bien que nous n'ayons pas les regarder dans les yeux ; c'est d'ailleurs le voeu unanime ici.Ma lettre va t'arriver en pleine priode de rinstallation et de soucis ; j'essayerai d'en prendre ma part de loin ; cela me distraira et me fondra un peu plus avec vous. Je te souhaite du calme et du courage pour triompher de ces petites difficults.Tu sais combien je t'aime et quels tendres baisers je t'envoie, partage avec nos chers petits. (sign) Dlage

P.S. J'approuve absolument ta dcision relative la gentille offre de Catherine.Source: Archives dpartementales de Sane et Loire1/ Qui a crit cette lettre, quelle date?2/ Qui est le destinataire de cette lettre?3/ O se trouve lauteur de la lettre lorsquil lcrit?

4/ Que raconte-il dans cette lettre?

5/ Souligne dans cette lettre les lments relatifs aux conditions de vie des poilus dans les tranches (le temps, l'hygine, l'quipement militaire, le repos, la nourriture)

6/ Que peux-tu conclure des ralits de la premire guerre mondiale?