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CNAM Conservatoire National des arts et métiers Chaire de travail social et Intervention Sociale Master de recherche Travail social, action sociale et société De la réinsertion à la prévention de la récidive : quel processus de professionnalisation pour les Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation ? Année : 2011 Yann COUZIGOU Sous la direction de M. Guillaume MALOCHET

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  • CNAM

    Conservatoire National des arts et métiers

    Chaire de travail social

    et Intervention Sociale

    Master de recherche

    Travail social, action sociale et société

    De la réinsertion à la prévention de la récidive : quel

    processus de professionnalisation pour les Conseillers

    Pénitentiaires d’Insertion et de Probation ?

    Année :

    2011

    Yann COUZIGOU

    Sous la direction de M. Guillaume MALOCHET

  • 2

  • 3

    Remerciements

    Je tiens à remercier chaleureusement Monsieur MALOCHET pour sa disponibilité, son

    attention exigeante et ses précieux conseils méthodologiques sans lesquels ce travail n’aurait

    pas vu le jour.

    Je tiens à saluer mes collègues qui ont accepté de répondre à mes questions ainsi que les

    organisations rencontrées qui ont éclairé mon propos.

    Je remercie particulièrement Jean-Claude pour son infinie patience, son soutien, sa

    compréhension et ses précieuses corrections.

    Enfin je tiens à saluer mes amis qui m’ont soutenu et compris dans cette aventure humaine et

    intellectuelle malgré mon manque de disponibilité pendant deux ans.

  • 4

    Sigles et abréviations

    AP Administration Pénitentiaire

    ARSE Assignation à Résidence sous Surveillance Electronique

    ARSEM Assignation à Résidence sous Surveillance Electronique Mobile

    AFC Association Française de Criminologie

    CFDT-Interco Confédération Française Démocratique du Travail-Interco

    CIP Conseiller d’Insertion et de Probation

    CPIP Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation

    DAP Direction de l’Administration Pénitentiaire

    ÉNAP École Nationale d’Administration Pénitentiaire

    JAP Juge de l’Application des Peines

    PPSMJ Personnes Placées Sous Main de Justice

    PPR Programme de Prévention de la Récidive

    PSE Placement sous Surveillance Electronique

    PSEM Placement sous Surveillance Electronique Mobile

    SEFIP Surveillance Electronique Fin de Peine

    SNEPAP FSU Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration

    Pénitentiaire- Fédération Syndicale Unitaire

    SPIP Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation

    UGSP-CGT Union Générale des Services Pénitentiaires- Confédérations Générale

    du Travail

  • 5

    Sommaire

    Remerciements ........................................................................................................................................ 3

    Sigles et abréviations ............................................................................................................................... 4

    Sommaire ................................................................................................................................................ 5

    Introduction générale ............................................................................................................................... 7

    Première partie : Les CPIP dans un contexte d’évolutions politiques, législatives et institutionnelles

    constantes .............................................................................................................................................. 24

    Introduction de la première partie ..................................................................................................... 26

    Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de remise en cause du travail social................. 27

    Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales en profondes mutations ....................... 32

    Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation ..................... 38

    Chapitre 4 : Genèse d’un changement de nom .................................................................................. 46

    Conclusion de la première partie ....................................................................................................... 53

    Deuxième partie : Les traductions structurelles de ces évolutions ........................................................ 55

    Introduction de la deuxième partie .................................................................................................... 57

    Chapitre 5 : Une organisation des services profondément modifiée ................................................. 58

    Chapitre 6 : Un discours de légitimation de ces évolutions porté par l’Administration Pénitentiaire

    ........................................................................................................................................................... 65

    Conclusion de la deuxième partie...................................................................................................... 75

    Troisième partie : Des pratiques professionnelles en mutation ............................................................. 77

    Introduction de la troisième partie ..................................................................................................... 79

    Chapitre 7 : Savoirs d’action et autonomie professionnelle .............................................................. 80

    Chapitre 8 : Des professionnalités et des savoirs émergeants ........................................................... 87

    Conclusion de la troisième partie ...................................................................................................... 98

    Quatrième Partie : Un groupe professionnel invisible ? ...................................................................... 100

    Introduction de la quatrième partie .................................................................................................. 102

    Chapitre 9 : Une non adhésion au nom de CPIP ............................................................................. 103

    Chapitre10 : Une socialisation professionnelle problématique ....................................................... 110

  • 6

    Conclusion de la quatrième partie ................................................................................................... 125

    Conclusion générale ............................................................................................................................ 128

    Tables des matières ............................................................................................................................. 136

    Bibliographie ....................................................................................................................................... 139

    Annexe 1 : L’échantillon ..................................................................................................................... 150

    Annexe 2 : La grille d’entretien........................................................................................................... 154

    Annexe 3 : Le mouvement de 2008 dans la presse écrite .................................................................... 160

    Annexe 4 : Le statut des CPIP ............................................................................................................. 165

    Annexe 5 : Le Code de déontologie pénitentiaire ............................................................................... 169

    Annexe 6 : Les programmes de prévention de la récidive .................................................................. 178

    Annexe 7 : Le projet de nouvelle organisation des SPIP .................................................................... 184

  • 7

    Introduction générale

  • 8

  • 9

    La question de départ

    Les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (SPIP) prennent en charge l’ensemble

    des mesures de justice en milieu fermé, c'est-à-dire en détention, comme en milieu ouvert : les

    peines alternatives à l’incarcération, les aménagements de peine, les contrôles judiciaires et

    depuis peu, les mesures de sûreté. Ces services, dépendant de l’Administration Pénitentiaire,

    ont été récemment médiatisés lors de l’affaire dite « de Pornic»1, en janvier 2011 : une jeune

    femme y a été sauvagement assassinée par une personne, placée sous main de justice et

    récemment sortie de détention sans suivi effectif par le SPIP à l’extérieur. Les médias

    nationaux ont largement relayé les difficultés rencontrées par ces services face à la surcharge

    de mesures engendrées par les différentes politiques pénales passées et présentes. La mise en

    cause publique par le Gouvernement de l’action des Juges d’Application des Peines de la

    juridiction nantaise et des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (CPIP) a créé

    un mouvement2, unique à ce jour, de l’ensemble des personnels de justice, des magistrats aux

    agents administratifs, mouvement qui s’est poursuivi dans les SPIP une partie de l’année

    2011. Ce fait divers a surtout, à notre sens, confirmé de manière criante le manque de

    visibilité de l’action des SPIP aux yeux du grand public, malgré leur rôle charnière au sein de

    la Justice Pénale, rôle réaffirmé par la loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009.

    1 « Tony Meilhon, avait été condamné à 6 mois de prison ferme et à 18 mois de « sursis avec mise à l'épreuve

    » pour « outrage à magistrat » à l'audience. Ce multirécidiviste de 31 ans avait déjà accumulé 13 condamnations, dont

    une pour le viol d'un codétenu. Mais le SPIP de Nantes n’a pas affecté cette mesure de mise à l’épreuve non prioritaire

    pour ses services. Sorti de prison en février 2010, il n'avait jamais été convoqué. Le suivi médical, que lui avait imposé

    le juge, n'a donc jamais été mis en place non plus. Côté policier, l'homme, sans adresse fixe, n'avait pas répondu aux

    convocations pour son identification au fichier des délinquants sexuels, et il avait été simplement inscrit au fichier des

    personnes recherchées ». Source Le Figaro consultable http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/01/27/01016-

    20110127ARTFIG00723-pornic-le-recidiviste-n-etait-plus-suivi-par-la-justice.php

    2 « C'est de Nantes qu'est partie la révolte, après des propos de Nicolas Sarkozy, le 3 février à Orléans, promettant

    des sanctions à l'encontre des responsables de "dysfonctionnements graves" des services de police et de justice dans le suivi

    du meurtrier présumé de Laëtitia Perrais à Pornic (Loire-Atlantique). Les magistrats n'ont pas supporté cette mise en cause

    avant même que soient connus les résultats des inspections en cours et alors qu'ils tirent, depuis des années, la sonnette

    d'alarme quant au manque de moyens de la justice ». Source Le Point consultable au http://www.lepoint.fr/societe/les-

    magistrats-battent-le-pave-10-02-2011-1293763_23.php

    http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/01/27/01016-20110127ARTFIG00723-pornic-le-recidiviste-n-etait-plus-suivi-par-la-justice.phphttp://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/01/27/01016-20110127ARTFIG00723-pornic-le-recidiviste-n-etait-plus-suivi-par-la-justice.phphttp://www.lepoint.fr/societe/les-magistrats-battent-le-pave-10-02-2011-1293763_23.phphttp://www.lepoint.fr/societe/les-magistrats-battent-le-pave-10-02-2011-1293763_23.php

  • 10

    Cette Loi, intégrant en partie les recommandations édictées par les Règles Pénitentiaires

    Européennes3, consacre le principe du caractère exceptionnel de l’emprisonnement, le

    déploiement massif de la surveillance électronique, et des aménagements de peine et la

    généralisation des programmes de prévention de la récidive. Elle s’inscrit dans la continuité

    de réformes d’envergure comme la juridictionnalisation de l’Application des Peines en 2004,

    la mise en œuvre des peines planchers en 2007 et la création de nouvelles mesures de sûreté

    en 2008. Les missions d'accompagnement social des CPIP sont amenées à être confiées à

    d’autres professionnels et leurs missions recentrées sur la prévention de la récidive, sur la base

    d’un diagnostic à visée criminologique et de méthodologies d’interventions nouvelles : les

    programmes de prévention de la récidive. En 2008, un mouvement social4 avait cristallisé un

    malaise latent des CIP, face aux prémisses de ces évolutions majeures, et entraîné une

    revalorisation indiciaire accompagnée d’un changement de nom.

    Depuis le 1er

    janvier 2011, les Conseillers d’Insertion et de Probation s’appellent désormais

    Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation.

    De surcroît, les SPIP n’ont jamais été confrontés à un nombre aussi conséquent de

    personnes à suivre. Au 1er

    juillet 2011, la France comptait 73 320 personnes sous écrou,

    dont 64 726 détenus, contre 49 718 et 49 342 dix ans plus tôt (soit + 47,5 % et + 31,2 %).

    Au 1er

    juin 2011, il n'y a jamais eu autant de détenus dans les prisons françaises (64 971).

    Au total, les CPIP sont au contact, au 1er

    janvier 2011, de 239 997 personnes condamnées à

    des mesures de justice.

    Les mesures, en milieu ouvert, sont en constante augmentation depuis 1999. Au 1er janvier

    2011, 173 022 personnes étaient suivies en milieu ouvert contre 123 492 en 2005, soit une

    augmentation de 28,6%.5

    3 « Adoptées pour la première fois en 1973, révisées en 1987, puis en 2006, les règles pénitentiaires européennes

    visent à harmoniser les politiques pénitentiaires des États membres du Conseil de l'Europe et à faire adopter des pratiques et

    des normes communes. Ces 108 règles portent à la fois sur les droits fondamentaux des personnes détenues, le régime de

    détention, la santé, l'ordre et la sécurité des établissements pénitentiaires, le personnel de l'administration pénitentiaire,

    l'inspection et le contrôle des prisons ». Source Site du Ministère de la Justice http://www.justice.gouv.fr/europe-et-

    international-10045/les-regles-penitentiaires-europeennes-10283/

    4 Voir Annexe 4 p 165

    5 Chiffres clés de l’Administration Pénitentiaire, site du Ministère de la Justice -

    http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/

    http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/les-regles-penitentiaires-europeennes-10283/http://www.justice.gouv.fr/europe-et-international-10045/les-regles-penitentiaires-europeennes-10283/http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/

  • 11

    Ce sont ces fonctionnaires du Ministère de la Justice que nous avons choisis d’étudier, du fait

    de notre accès privilégié aux SPIP en tant que Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de

    Probation, en poste au Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation de la Seine-Saint

    Denis. Nous nous proposons, ici, de mettre en perspective les évolutions des missions des

    CPIP en regard avec les évolutions institutionnelles concernant les SPIP. Comment

    documenter les tensions et paradoxes traversant la filière Insertion et Probation de

    l’Administration Pénitentiaire ? Comment analyser ce passage, en une dizaine d’années, d’un

    travail social pénitentiaire datant de la création des Juges de l’Application des Peines en 1958,

    à un traitement pénal d’inspiration criminologique ? Qu’est-ce qu’être Conseiller Pénitentiaire

    d’Insertion et de Probation aujourd’hui dans un contexte d’évolutions institutionnelles

    constantes depuis la création des SPIP en 1999 ?

    Revue de littérature

    L'Administration Pénitentiaire a principalement été étudiée par le prisme emblématique de la

    prison, sous l’angle de la place qu’elle occupe dans la société, mais aussi de l’influence sur les

    trajectoires des détenus qu’elle exerce, ou bien les stratégies développées par ceux-ci pour

    s’adapter à l’univers carcéral.

    Les concepts fondamentaux d’institution totale, « un lieu de résidence et de travail où un

    grand nombre d'individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour

    une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont

    explicitement et minutieusement réglées». [GOFFMAN, 1961] et de « gouvernementalité »

    [FOUCAULT, 1975] consistant, pour l'État, à « exercer par rapport aux habitants, aux

    richesses, aux comportements de tous et de chacun, une forme de surveillance, de contrôle

    tout aussi attentive que celle du père de famille sur la maison et sur les biens » [DIMIER,

    2010] ont irrigué des générations de travaux sociologiques en France.

    Ils concernent notamment des récits de « carrières » de délinquants incarcérés en maison

    d’arrêt [CHANTRAINE, 2004] ou bien les interactions entre la prison et l'extérieur, dans une

    perspective d'écologie sociale [MARCHETTI, COMBESSIE, 1996], [FAUGERON,

    CHAUVENET, COMBESSIE, 1996], [COMBESSIE, 2001].

    La généralisation de la surveillance électronique est, toutefois, venue peu à peu brouiller les

    frontières entre milieu ouvert et milieu fermé et élargir les études au champ de la probation.

  • 12

    Qu’elle soit fixe ou mobile, la surveillance électronique initie un mouvement de privatisation

    de l’espace public et de publicisation de l’espace privé qui interpelle les chercheurs. Cette

    délimitation plus floue entre le milieu ouvert et le milieu fermé, les a conduits à porter leur

    attention sur les personnels mettant en œuvre ces mesures de surveillance électronique, de

    manière périphérique [FENECH, 2005] [CARDET, 2004] [RAZAC, 2010]. De même,

    lorsque des études abordent l’action des personnels pénitentiaires (Surveillants, Conseillers

    Pénitentiaires d’Insertion et de Probation, administratifs, fonctions d’encadrements), elles

    concernent en premier lieu des thématiques transversales comme la santé [FERNANDEZ,

    2010], le travail [MARCHETTI, 1997] ou bien les liens familiaux [RICORDEAU, 2005]

    entre autres nombreux travaux.

    Il existait toutefois une littérature concernant les surveillants pénitentiaires en France

    antérieure à la surveillance électronique. L’activité des surveillants est ainsi analysée dans sa

    double situation de soumission vis-à-vis de la hiérarchie et de domination vis-à-vis de la

    population pénale [CASADAMONT, 1984].

    Suite à des mouvements sociaux importants dans les années 1990, les contradictions

    multiples des missions des surveillants pénitentiaires entre sécurité interne, sécurité externe,

    obligation légale de moyen et obligation pratique de résultats, logique bureaucratique et

    logique du maintien de l’ordre, sont analysées [CHAUVENET, ORLIC, BENGUIGUI, 1994].

    La construction d’une identité professionnelle spécifique [LHUILIER, AYMARD, 1997] et la

    constitution d’une conscience collective paradoxale [MONTANDON, CRETTAZ, 1981] sont

    traitées. L’étude de la socialisation professionnelle des surveillants, et notamment du décalage

    entre une politique institutionnelle qui érige leur professionnalisation en « objectif indiscuté »

    et une organisation dont le fonctionnement promeut un « professionnalisme déviant »

    [MALOCHET, 2007, p33] est abordée. Dans cette étude, la question de la formation initiale

    des surveillants à l'École Nationale d’Administration Pénitentiaire est centrale.

  • 13

    Il est abondamment décrit « l’ambiguïté de la « professionnalisation » revendiquée dans le

    discours institutionnel. Il ne s’agit pas tant de promouvoir les surveillants comme groupe

    professionnel autonome, mais plutôt de mobiliser les professionnels et de normaliser leur

    activité pour satisfaire à un impératif de sécurité. Dans ce cas, la « professionnalisation » ne

    doit donc pas s’analyser comme un processus menant à la constitution d’un monopole

    professionnel. Loin d’être le prélude à une autonomie accrue, le discours institutionnel sur la

    professionnalisation masque, au contraire, la volonté de renforcer le contrôle sur les

    professionnels » [MALOCHET, 2007 p108].

    Les travaux concernant uniquement les Conseillers d’Insertion et de Probation sont nettement

    plus rares et tous issus de commandes institutionnelles. L’identité professionnelle des CIP est

    ainsi analysée en référence à une circulaire6 définissant les modalités d’un travail social

    pénitentiaire aujourd’hui caduques [LHUILLIER, 2006]. Dans cette étude, inscrite dans une

    approche théorique psychosociale, il apparaît que 60% des personnes ayant répondu au

    questionnaire dans le rapport, n’utilisent pas le terme de CIP mais majoritairement celui de

    travailleur social. Mais certains « souhaitent affirmer une identité spécifique de CIP, et

    prennent le temps d’expliquer, militant pour une visibilité du métier en externe … certains

    vont expliquer inlassablement ce qu’est un CIP, ce qu’il fait ». [LHUILLIER, 2006, p81].

    Une autre commande institutionnelle emprunte aux travaux sur la socialisation

    professionnelle des surveillants pour analyser celle de la douzième promotion des Conseillers

    d’Insertion et de Probation.

    On observe, chez ces Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation en formation

    initiale, « une tendance à se replier vers le cadre juridique de leur intervention, l’exécution de

    la peine (58%). En supposant que ce constat résulte d’un recrutement massif d’élèves issus de

    la filière juridique, on peut également penser que c’est parce que la réinsertion est

    difficilement mesurable pour des élèves en attente de repères, qu’elle n’est pas, dans le cadre

    d’une initiation professionnelle, un pilier auquel ils peuvent se raccrocher pour asseoir leur

    construction identitaire » [GRAS, 2008, p39].

    6 Voir infra p43

  • 14

    Problématique et hypothèse

    Nous proposons, dans notre étude, de mettre en dialogue la volonté de professionnalisation

    des personnels affichée par l’Administration pénitentiaire, avec les évolutions institutionnelles

    et structurelles des SPIP, et les représentations des CPIP sur leurs pratiques. Dans quelle

    mesure les évolutions des missions des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation

    depuis 1999 ont-elles fait émerger chez les CPIP de nouvelles professionnalités inscrites dans

    un processus de professionnalisation cohérent ?

    En effet, les études suscitées, portant sur les personnels pénitentiaires, sont fréquemment

    construites autour des notions d’identité professionnelle et de socialisation professionnelle,

    notions connexes au concept de professionnalisation. La professionnalisation désigne ce

    mouvement par lequel un groupe professionnel exprime un désir de reconnaissance dont le

    sens est donné par le modèle professionnel en tant « qu'ensemble de représentations sociales

    des rôles et de l'organisation des professions (…) qui justifient le monopole des professions

    établies sur une sphère d'activité comme condition de la compétence technique et du respect

    de règles morales dans l'exercice des activités présentées comme au service de l'intérêt

    général » [CHAPOULIE, 1973, p86-114]. Dans cette quête de reconnaissance sociale, les

    travailleurs vont donc construire progressivement une argumentation tendant à démontrer que

    la production du service, à laquelle ils contribuent, requiert la mobilisation de véritables

    professionnels.

    Les notions de profession et de professionnalisation s’inscrivent difficilement dans la réalité

    socio-politique française alors qu’elles renvoient à une réalité historique apparue au XVIIème

    siècle dans les pays de tradition protestante et à un type particulier de stratification sociale qui

    situe les professions, et plus largement les activités intellectuelles, au sommet de la hiérarchie

    sociale. En effet, il existe en France une polysémie du terme profession qui peut être une «

    déclaration comme vocation professionnelle, une fonction et une position professionnelles, un

    métier et une spécialisation professionnelle et un emploi au sein d’une classification

    professionnelle » [DUBAR, TRIPIER, 2005, p6].

    Deux principaux courants se sont longtemps opposés dans le champ théorique de la sociologie

    des professions.

  • 15

    Ainsi, le courant fonctionnaliste [PARSONS, 1939] [PARSONS, 1955] [GOODE, 1957]

    [WILENSKY, 1964], qui prend ses sources aux États-Unis dans les années 40-50, « a

    longtemps entretenu cette mystique des professions nourrissant l’idée d’une autorité et d’une

    légitimité données d’avance, indépendamment de leur mise à l’épreuve dans des situations de

    travail concrètes.» [DEMAZIERE, GADEA, 2009, p21]. En effet, selon ce courant, il existe

    des caractéristiques propres aux professions, que d’autres activités rémunérées ou non, réunies

    sous le vocable « occupations », ne possèdent pas.

    Avec quelques nuances, selon les auteurs, la référence à « un savoir spécialisé et appliqué,

    acquis au terme d’une longue formation supérieure » [LE BIANIC, 2005, p57] est le cœur de

    cette sociologie des professions américaines. Ainsi, les professions sont naturalisées,

    essentialisées et leurs activités prennent un certain nombre de traits spécifiques.

    Cette approche naturaliste des professions, qui les fige dans une fonction sociale déterminée,

    va être, très vite, remise en question et critiquée par la sociologie interactionniste des

    professions qui démontre le caractère construit et constamment négocié des savoirs mobilisés

    par les groupes professionnels. Pour les auteurs interactionnistes, [HUGHES, 1952] [ABBOT,

    1988] [BUCHER, STRAUSS, 1992] « les groupes professionnels ne sont pas des professions

    séparées, unifiées, établies et objectives, ce sont des processus historiques, de segmentation

    incessante, de compétition entre segments, de professionnalisation de certains segments et de

    déprofessionnalisation d’autres segments, de restructuration périodiques sous l’effet des

    mouvements du capital, des politiques des états ou bien des actions collectives de ses

    membres» [DUBAR, 2003, p 58].

    Ainsi, « tout collectif exerçant une activité, un métier, un emploi est conduit à stabiliser son

    domaine, son territoire, sa définition, en obtenant des partenaires une autorisation spécifique.

    Lorsqu’un groupe y parvient, il devient, au moins pour un temps, une profession » [DUBAR,

    TRIPIER, 2005, p101].

    Analyser un processus de professionnalisation en France, c’est donc surmonter cette

    opposition initiale en empruntant à la fois à la sociologie du travail, à la sociologie des

    professions et à la sociologie des organisations [FREIDSON, 2001] [EVETTS, 2003]

    [CHAMPY, 2011].

  • 16

    Hughes, dès 1952, en réponse aux émules fonctionnalistes de Parsons, avait ainsi critiqué

    radicalement l’approche fonctionnaliste. Selon son point de vue, analyser toutes les activités

    de travail selon le double point de vue de l’interaction et de la biographie implique que celles-

    ci ont toutes une égale dignité et un égal intérêt sociologique: on parle alors de «groupes

    professionnels» et non de professions. Nous emploierons donc ce terme dans l’ensemble de

    notre étude.

    Nous émettons l’hypothèse qu’il existe des professionnalités propres au CPIP entre savoirs

    d’actions bureaucratisés et savoirs experts pouvant leur permettre de co-construire le contenu

    de leurs missions avec l’Administration Pénitentiaire en tant que groupe professionnel

    homogène. L’exploration dynamique d’un éventuel processus de professionnalisation des

    CPIP en cours s’appuiera sur la description des évolutions institutionnelles impactant le

    groupe professionnel des CPIP, les traductions structurelles des ces évolutions dans la

    pratique professionnelle des CPIP au sens large, la place dans la division de travail des CPIP

    entre exécution et expertise et enfin la capacité de ce groupe professionnel à argumenter sur

    leur savoir-faire avec leur Administration.

    L’enquête

    Pour tenter de saisir les nouvelles dynamiques au sein du groupe professionnel des CPIP, il

    nous a fallu lever différents obstacles méthodologiques. Ce groupe professionnel est

    caractérisé par une grande diversité de lieux de pratique - milieu ouvert et milieu fermé - avec

    des modalités d’intervention très spécifiques selon la taille des services et les régions

    d’exercice (disparités entre la Province et la région parisienne sur le nombre de dossiers

    affectés notamment) et ce, dans le cadre du milieu fermé : Établissements pour Peine ou bien

    Maison d’Arrêt, Centres pour Peines Aménagées, Centre de Semi Liberté, quartiers de Semi

    Liberté, Centre National d’Observation de Fresnes. De plus, certains services sont organisés

    en pôles dédiés à des types de mesures : pôle aménagement de peine, pôle TIG, pôle PPR,

    pôles suivi renforcés, pôles suivi espacés, pôle Palais pour les permanences d’orientation

    pénales avant la condamnation des personnes.

    Pour des raisons de moyens, il ne nous a pas été possible d’analyser chacune de ces

    organisations spécifiques pour chacune des mesures suivies par le SPIP.

  • 17

    La démarche ethnographique d’immersion dans un contexte spécifique de travail et

    l’observation systématique des interactions entre acteurs de l’exécution des peines - JAP,

    Parquet, greffiers, agents administratifs, surveillants PSE ou en détention et personnes placées

    sous main de justice -, n’a donc pas été utilisée dans notre recherche.

    De nombreuses mesures restant quasiment inchangées dans les textes depuis 1999, comme le

    travail d’intérêt général ou bien le sursis avec mise à l’épreuve, nous les avons exclues de

    notre propos.

    Si des changements dans les pratiques les concernant sont certains, ils nécessitent une analyse

    systématique beaucoup plus fine que l’approche adoptée. Ils constituent de fait un sujet de

    recherche en soit pouvant mobiliser d’autres corpus théoriques.

    Nous avons ainsi décidé d’observer plus particulièrement les mesures mises en avant par

    l’Administration Centrale et pouvant concerner à la fois le milieu ouvert, et à la fois le milieu

    fermé, afin de saisir au mieux la dynamique interne au sein du groupe professionnel des CPIP.

    Le placement sous surveillance électronique est au cœur de l’action des SPIP depuis 2005,

    avec des évolutions législatives importantes et notables, entre 2005 et 2010, tant dans le

    champ post-sentenciel que dans le cadre de l’exécution d’une fin de peine, ou bien encore

    comme peine complémentaire, comme nous le verrons ultérieurement. Les Programmes de

    Prévention de la Récidive sont mis en avant depuis 2008 avec une mise en place très récente

    dans les services.

    Ce sont ces deux mesures qui sont au cœur du mandat décerné par le législateur aux CPIP

    avec la loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009. Ce sont donc ces deux types de mesures qui

    seront ici analysées, car cristallisant au mieux les évolutions des missions des CPIP depuis

    1999. Cette approche nous a conduits à interroger, sur la base d’entretiens semi-directifs, les

    agents du SPIP 93 impliqués dans la pratique de ces mesures. Il nous a semblé, en

    complément, nécessaire d’interroger des personnes ayant connu des socialisations

    professionnelles différentes, pour percevoir ce qui a changé dans leurs pratiques et leurs

    représentations du métier par rapport à la mise en œuvre de nouvelles mesures souhaitées par

    l’Administration Pénitentiaire et le législateur.

  • 18

    La confrontation avec de jeunes professionnels et celle avec des personnes ayant connu les

    Comités de Probation et d’Assistance aux Libérés, permettra de repérer les différences et les

    concordances en terme de pratiques professionnelles et de représentations sur celles-ci.

    Qu’est-ce qui a changé, qu’est-ce qui demeure en termes de pratiques et de représentations du

    métier, dans les évolutions des missions des CPIP ?

    L’échantillon7 constitué

    Nous avons interrogé, sur la base d’entretiens semi-directifs, 15 agents du SPIP 93 impliqués

    dans la pratique des PSE et du PPR, avec des anciennetés dans l’Administration Pénitentiaire

    très diverses. Deux entretiens de contrôle ont été réalisés en dehors du SPIP 93 afin de vérifier

    que les convergences et divergences de points de vue ne relèvent pas d’organisations de

    services propres au SPIP 93.

    Ces entretiens ont été réalisés au SPIP de Paris et au SPIP des Hauts de Seine, suite à une

    sollicitation par mail à l’ensemble des CPIP de l’Île-de-France, sollicitation qui n’a abouti

    qu’à ces deux réponses.

    Trois des entretiens ont dû être interrompus pour des contingences professionnelles et ont

    donc eu lieu en deux parties. Ils ont été partiellement retranscrits en raison de diversions sur

    l’organisation interne du SPIP 93 principalement. Ce biais méthodologique a eu un impact

    sur les entretiens effectués sur le pôle aménagement de peine où nous exerçons actuellement.

    En effet, nous pratiquons le placement sous surveillance électronique nous-mêmes. Dans

    certains entretiens, les questions pratiques, concernant cette mesure, ont parfois été

    remplacées par des diversions sur l’organisation du service appauvrissant notre recueil de

    données. Notre position de collègue a donc influé sur la passation des entretiens sur ces

    questions d’organisation de service exclusivement. Les questions posées sont restées les

    mêmes concernant les PPR et le PSE à l’exception des entretiens abordant la criminologie, de

    nature plus exploratoire autour d’un même sujet, l’apparition de la criminologie dans les

    missions des CPIP. Le thème principal d’investigation était alors l’apparition de la

    criminologie dans les missions des CPIP.

    7 Voir Annexe 1 p 150

  • 19

    Nous avons tenté d’identifier les représentations, sur les évolutions des missions d’une part et

    les modifications dans l’exercice quotidien du métier d’autre part : quelles pratiques

    professionnelles sont stabilisées, quelles figures émergent et quelles pratiques disparaissent ?

    La confrontation avec les représentations des acteurs sur les mesures de PSE et de PPR nous

    permettra d’évaluer les tensions, consensus et facteurs structurants du groupe professionnel

    étudié dans la pratique de ces mesures récentes.

    Les questions posées sont restées les mêmes, incluses dans un guide d’entretien8 afin de lisser

    les réponses et de repérer les éléments redondants dans les discours et les éléments singuliers

    illustrant de manière plus forte les mouvements internes à ce groupe professionnel. Tous ont

    été retranscrits de manière ciblée sur des thèmes sélectionnés.

    Pour appréhender les modes de relais avec l’Administration Centrale, nous avons interrogé en

    parallèle les représentants syndicaux des deux organisations les plus représentatives du groupe

    professionnel des CPIP : le SNEPAP -FSU 9

    et l’UGSP-CGT10

    , et un ancien Président de

    l’Association Française de Criminologie11

    .

    8 Voir Annexe 2 p 154

    9 Le SNEPAP-FSU (Syndicat de L'Ensemble des personnels de l’Administration Pénitentiaire)

    revendique une spécificité pénitentiaire de ces missions et la distinction d’avec les travailleurs sociaux Parmi les

    CIP, le SNEPAP représente 36,6% des suffrages. Parmi les personnels de direction, le SNEPAP recueille 62,5

    % des suffrages. Ces chiffres sont extraits du bilan social 2009 de l’Administration Pénitentiaire consultable au

    http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.php?rubrique=2084&ssrubrique=7696

    10 L’ UGSP-CGT (Union Générale des Services Pénitentiaires) défend le caractère social des missions des

    CIP et un rapprochement avec les travailleurs sociaux diplômés d’Etat. Chez les CIP la CGT a recueilli lors du

    scrutin du 27 mars 2007 46,7 % des suffrages. Parmi les personnels de direction, la CGT représente 13,1%. Ces

    chiffres sont extraits du bilan social 2009 de l’Administration Pénitentiaire consultable au :

    http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.phprubrique=2084&ssrubrique=7696

    11 « L'Association Française de Criminologie a pour objectif de rapprocher les chercheurs et enseignants

    de toutes disciplines, les praticiens de toutes professions - mais aussi les personnes morales - dont les activités

    ont à voir, de près ou de loin, avec le « phénomène criminel », la manière dont il est défini et contrôlé. Elle a été

    créée le 9 octobre 1965. Se rattachant à la tradition des sociétés savantes, l'association cherche à innover en

    intégrant dans ses rangs des étudiants, des professionnels de tous âges, mais aussi des citoyens qui veulent

    participer au débat démocratique sur ces questions. Association indépendante, l'AFC vit principalement des

    cotisations de ses adhérents. » Source : Site de l’Association consultable au http://www.afc-

    assoc.org/?q=node/9

    http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.php?rubrique=2084&ssrubrique=7696http://intranet.justice.gouv.fr/site/apnet/index.php?rubrique=2084&ssrubrique=7696http://www.afc-assoc.org/?q=node/9http://www.afc-assoc.org/?q=node/9

  • 20

    Malgré nos multiples sollicitations, nous n’avons pas pu interroger de responsable de la

    CFDT-Interco, troisième organisation syndicale siégeant en Comité Technique Paritaire

    Central.

    Ces entretiens des représentants syndicaux ont permis, en parallèle, de repérer ce qui fait

    consensus et ce qui diverge dans l’analyse des différentes évolutions des missions des CPIP.

    Ils ont été réalisés au siège de la centrale syndicale pour l’UGSP-CGT à Montreuil sous bois, au

    SPIP 75 pour le SNEPAP-FSU et au domicile de l’interviewé concernant l’AFC.

    Ainsi la dimension dialectique et rhétorique du processus de professionnalisation sera

    également abordée dans notre étude.

    Ces entretiens ont été réalisés entre janvier 2009 et juillet 2010 et ont duré entre 35 minutes et

    1 heure et 33 minutes concernant les CPIP, et entre 1 heure et 1 heure et 21 minutes pour les

    organisations syndicales. Ils ont eu lieu, pour les 15 CPIP du SPIP93, dans les locaux du

    SPIP, soit dans notre bureau, soit dans celui de la personne interrogée, soit en salle de

    réunion. Ils ont été enregistrés systématiquement avec l’accord des personnes.

    Nous avons complété ces entretiens par l’analyse de données secondaires « grises », issues de

    différents documents internes à l’Administration Pénitentiaire et des principaux textes

    juridiques : Lois Pénitentiaires, Décrets statutaires, Circulaires, Rapports de la Cour des

    Comptes, encadrant l’activité des SPIP. La confrontation de ces textes avec les

    représentations des acteurs nous permettra de nous situer dans une perspective historique.

    L’échantillon ainsi constitué se présente comme suit :

    Lieu Sexe - Statut - Age Date de l’entretien Ancienneté dans

    l’AP

    Durée de l’entretien

    SPIP93 H CPIP 55 ans 12/01/2009, 27 ans 35 min

    SPIP93 F CPIP 29 ans 01/02/2009 2 ans 45 min

    Domicile personnel

    H 57 ans Ancien

    Président AFC

    29/04/2009 1h

    CGT3

    H CPIP Secrétaire

    National 31 ans

    12/04/2010

    4 ans

    1h

  • 21

    SPIP93 F CPIP 52 ans 16/04/2010 19 ans comme As 10

    ans comme CPIP

    35 min

    SPIP93 F 29 ans CPIP 19/04/2010 3 ans 45 min

    SPIP 93 H 27 ans CPIP 27/04/2010 2 ans 35 min

    SNEPAP SPIP75

    F CPIP 34ans

    Secrétaire Nationale

    29/04/2010

    8 ans

    1h19 min

    SPIP93 H 35 ans CPIP 30/04/2010 3 ans 45 min

    SPIP93 F 32 ans AS 05/05/2010 5 ans 57 min

    SPIP93 F 40 ans CPIP 07/05/2010 9 ans 1h

    SPIP93 F 29 ans CPIP 18/05/2010 3 ans 51 min

    SPIP93 F 39 ans 18/05/2010 12 ans 1h18 min

    SPIP93

    F 54 ans CPIP

    26/05/2010

    20 ans comme AS 12

    ans comme CPIP

    1h13 min

    SPIP93 H 30 ans CPIP 28/05/2010 3 ans 1h17 min

    SPIP93 F 33 ans CPIP 29/05/2010 3 ans 36 min

    SPIP93 F 46 ans AS 07/06/2010 22 ans 1h21 min

    SPIP93 F 42 ans CPIP 11/06/2010 2 ans 57 min

    SPIP75 F 49 ans 01/07/2010 28 ans 1h04 min

    SPIP92 H 51 ans 01/07/2010 25 ans 1h11 min

    Le plan

    Notre propos s’articulera en quatre parties et 10 chapitres. La Loi pénitentiaire du 25

    novembre 2009 consacre les aménagements de peine et les programmes de prévention de la

    récidive comme principaux outils de la lutte contre la récidive sur fond de critique générale du

    travail social et de changement latent de logique pénale. Ce sont les CPIP, un groupe

    professionnel majoritairement féminin et diplômé en Droit, qui mettent en œuvre ces

    orientations de l’Administration Pénitentiaire. Ce groupe professionnel a changé de nom et de

    grille indiciaire suite à un mouvement social inédit en 2008 (Première Partie).

  • 22

    Ces évolutions ont des traductions structurelles à l’échelle des SPIP entre 1999 et 2011. Le

    discours institutionnel, tenu par l’Administration Pénitentiaire, s’appuie sur les notions

    d’expertise, d’autonomie fonctionnelle des services et sur une revalorisation indiciaire.

    Nombre de propos indiquent pourtant que le métier de CPIP s’est considérablement

    bureaucratisé alors qu’un premier clivage générationnel sur la pérennité de la hiérarchie et

    l’utilisation de l’informatique s’est créé (Deuxième partie).

    Il existe un mouvement concomitant entre l’acquisition de nouvelles connaissances théoriques

    avec la pratique des programmes de prévention de la récidive et une systématisation du PSE.

    Le monopole de l’instruction des placements sous surveillance électronique et les savoirs

    d’actions y afférant sont, de surcroît, partagés avec les surveillants pénitentiaires.

    Une analyse collégiale des situations entre pairs est induite par la pratique des programmes de

    prévention de la récidive confortant leur monopole dans cette pratique, malgré des savoirs

    théoriques non spécifiques (Troisième Partie).

    Nous monterons enfin que, du fait de leurs modes de socialisation professionnelle très divers

    et de leurs motivations différentes à entrer dans le groupe professionnel, les CPIP ne sont pas

    un groupe professionnel homogène. Un clivage générationnel s’est créé venant interférer et

    amplifier d’autres antagonismes sur la conception du métier. Des professionnalités stabilisées

    depuis plus de 50 ans, à savoir, l’aide à la décision judiciaire et le suivi de mesures de justice,

    ne sont pas pour autant relayés par les organisations syndicales. (Quatrième Partie)

  • 23

  • 24

    Première partie : Les CPIP dans un contexte d’évolutions

    politiques, législatives et institutionnelles constantes

  • 25

  • 26

    Introduction de la première partie

    Dans cette partie, nous décrirons dans quel contexte ont été créés les SPIP en 1999 afin de

    situer l’action singulière des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation dans leur

    environnement politique et institutionnel. Nous exposerons également les caractéristiques

    sociodémographiques de ce groupe professionnel.

    Les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation ont ainsi été créés en 1999 alors

    qu’était initiée une forte critique du travail social depuis les années 70 (Chapitre 1).

    En parallèle, la dangerosité est devenue progressivement un objet de débat public dans les

    pays occidentalisés au cours des années 90. De nombreuses lois ont été votées en France

    depuis 2002 pour lutter contre la récidive des infractions à caractère sexuel tandis que

    s’opérait, avec la nouvelle pénologie, un changement profond de rationalité pénale dans les

    pays anglo-saxons depuis les années 80 (Chapitre 2).

    Les Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation de l’Administration Pénitentiaire

    sont les acteurs de ces évolutions au quotidien et ont vu leur cœur de métier profondément

    modifié depuis 1999. Ainsi, la Loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 consacre l’utilisation

    massive du placement sous surveillance électronique, le développement des programmes de

    prévention de la récidive et la création de nouvelles méthodes de travail. (Chapitre3).

    C’est une circulaire de mars 2008 qui a posé les bases de ces évolutions, contestées

    partiellement lors d’un mouvement social inédit où les syndicats se sont réunis pour défendre

    une revalorisation indiciaire. En découleront un changement de nom associé à une nouvelle

    grille indiciaire et une nouvelle définition des missions des SPIP (Chapitre4).

  • 27

    Chapitre 1 : La création des SPIP dans un contexte de remise en

    cause du travail social

    Depuis une trentaine d’année, le travail social est remis en question sous la double contrainte

    du new public management et des politiques de décentralisation (1-1). C’est dans ce contexte

    de remise en cause du travail social qu’ont été créés les SPIP en 1999 (1-2).

    1-1 Un travail social contesté

    1-1-1 Le new public management

    Né dans les années 80 dans les pays anglo-saxons, le new public management concerne un

    certain nombre de logiques gestionnaires issues du secteur privé. Les anciennes formes de

    gestion des administrations sont considérées comme obsolètes. Dans une société post

    industrielle caractérisée par la globalisation et une économie des savoirs, il existe un décalage

    trop important entre la bureaucratie, ses règles et ses procédures, et la société actuelle

    [OSBORNE, GAEBLER, 1993]. Cette doctrine du new public management décompose le

    secteur public en unités stratégiques organisées par produit « manageable » [HOOD, 1995].

    Une compétition est introduite « entre organisations publiques mais aussi entre organisations

    publiques et privées » [GANGLOFF, 2009].

    La crise de l'État Providence, dans un grand nombre de pays, légitime ces nouvelles

    perspectives managériales, malgré des tensions fortes : « l’opposition entre l’utilitarisme de la

    stratégie et du marketing et un certain égalitarisme démocratique apparaît alors flagrante »

    [GILBERT, 2004]. Ce bouleversement idéologique s’est appliqué au cours des années 90 à

    l’hôpital puis à l’ensemble du secteur sanitaire et social en France.

    1-1-2 Un morcellement du secteur social initié par la culture du contrat

    En trois décennies, les travailleurs sociaux sont passés d’une pratique et d’une culture

    communes à un morcellement des acteurs du social dû à rationalisation des pratiques dans une

    logique gestionnaire qui contribue à les transformer en « intervenants du singulier » [ION,

    2006], face à un public fragilisé par la pauvreté de masse.

  • 28

    On observe un glissement terminologique avec l’émergence de termes comme « intervention

    sociale » ou « intervenants sociaux », la notion d’intervenant marquant une indétermination,

    une forme de fin du processus de professionnalisation car ce terme englobe les professionnels

    et les bénévoles ou bien des professions en contacts de publics spécifiques qui ont grandement

    évolués avec le chômage de masse.

    Le processus de reconnaissance du travail social est apparu dans le contexte des « trente

    glorieuses » où des modalités de rapports entre l’usager et le travailleur social se sont mises

    en place, ont été transmises par les IRTS et ont permis une professionnalisation des pratiques

    adaptées à des publics ciblés (toxicomanes, sans domiciles fixes par exemple). Ce lien entre

    usagers et travail social est grandement complexifié : aujourd’hui, architectes, urbanistes,

    économistes, géographes, sociologues apportent d’autres références et d’autres rapports au

    temps et au politique que les travailleurs sociaux « traditionnels ».

    Ainsi les formateurs du GRETA, ou bien de l’AFPA ou bien les agents du Pôle Emploi, mais

    également tous les acteurs de la Politique de la Ville et des politiques transversales de lutte

    contre l’exclusion, peuvent développer des aptitudes traditionnellement utilisées par les

    travailleurs sociaux. Le développement de la pauvreté de masse a, de surcroît, remis au goût

    du jour le bénévolat avec les militants des restos du cœur ou d’autres organisations caritatives,

    ou bien les semi-professionnels des fondations, par exemple. Il existe, ainsi, une mise en

    cause des Travailleurs Sociaux qui vient, dans un premier temps, de leur mise en concurrence

    avec les bénévoles ou les semi-professionnels mais, également, de la nécessité pour tous les

    métiers de contact, dans les zones difficiles notamment, d’utiliser des techniques d’entretien

    dans le face à face avec l’usager.

    Le pilotage des nouveaux dispositifs qui ont accompagné les lois de décentralisation a

    nécessité le recrutement de cadres qui viennent des sciences de l’administration et de la

    gestion.

    Une première scission s’est opérée entre les personnes en contact avec le public : « le front »

    et les personnes assurant la gestion des équipes de travailleurs sociaux : « l’arrière » [ION,

    2006] et ceux pilotant les dispositifs des politiques transversales. Il y a eu division du travail

    des travailleurs sociaux et apparition de nouveaux objectifs avec une nécessité de rendu

    compte et d’un suivi financier de chacune des actions collectives engagées par les services.

  • 29

    Le public a subi, lui aussi, des évolutions dues à la dégradation de la situation économique et

    les travailleurs pauvres constituent, par exemple, un public pour lequel les dispositifs

    classiques ne trouvent plus de réponses prédéterminées. C’est cette nouvelle singularité des

    publics qui a permis le développement en parallèle et la résurgence du bénévolat dans l’action

    sociale et du parcellement des professions d’aides à la personne et d’aide sociale dans les

    structures associatives, par exemple à visée caritatives [ION, 2006].

    Ces éléments contribuent à l’émiettement des métiers du social et à une perte de

    reconnaissance des travailleurs sociaux, notamment dans leur formation initiale.

    1-1-3 Le modèle libéral et la figure du manager et du médiateur : les emblèmes du travail

    social professionnalisé depuis 30 ans

    Le courant néo-libéral se défini comme l’apparition dans les politiques publiques locales, du

    développement d’une économie marchande des services jusqu’au sein du secteur social et

    médico-social. La loi du 2 janvier 2002, avec notamment la démarche qualité et les différents

    référentiels et labellisations y afférant, constitue les prémisses d’une nouvelle idéologie

    gestionnaire, une « gouvernance, extraordinaire maquillage à l’anglo-saxonne des nouveaux

    rapports de pouvoirs ». |CHAUVIERE, 2004, p130]. Un basculement s’est opéré des valeurs

    éthiques, non marchandes et républicaines, vers les valeurs marchandes telles que

    l’individualisation de la consommation de service, la concurrence, la flexibilité, la solvabilité.

    Le social est ainsi rattrapé par l’économique et devient, à son tour, marchandise et « les

    capacités analytiques et défensives du secteur social lui-même sont en recul ».

    [CHAUVIERE, 2004, p135].

    On passe de l’idéal de la solidarité nationale à l’idéal du social rentable (accès aux services à

    la personne, au bien-être). Le modèle entrepreneurial s’impose avec l'État comme partenaire,

    parmi d’autres, rendant « floues les limites entre l’Action Sociale et l’économie de service »

    [CHAUVIERE, 2004, p208]. C’est la fin du «champ unifié de l’Action Sociale »

    [CHAUVIERE, 2004, p212].

    La culture du contrat imprègne les services sociaux : management par objectif, contrats de

    plans, contrats de villes ou de pays, et pénètre les pratiques sociales de type « clinique ».

  • 30

    Cette logique ne « fonctionne pas avec les enfants, le fou, le malade ou le détenu notamment,

    tout comme les personnes tenues à l’écart de la société contractuelle » [CHAUVIERE, 2004,

    p212]. Ces populations tendant à être gérées par la puissance publique plus qu’à être

    « travaillées par le social » pour retrouver une place dans la société.

    Selon l’auteur, Il s’agit plutôt de préserver la gestion de la paix civile par tous les moyens

    classiques d’un côté et, de l’autre, de promouvoir une économie des services sociaux sans

    s’obliger nécessairement au bonheur de tous, c'est-à-dire « en renonçant à la conception de

    l’intérêt général et de l’intégration » [CHAUVIERE, 2004, p.237].

    Cette position est nuancée par d’autres auteurs pour lesquels c’est au dispositif de formation

    initial et continue des travailleurs sociaux de s’adapter à cette nouvelle donne. Il se dessine

    ainsi « une mutation dans les pratiques de formation : il ne s’agit plus de seulement traiter la

    formation des travailleurs sociaux du point de vue des pratiques pédagogiques… mais de

    repenser le mandat qui est confié aux professionnels de la formation » [JAEGER, 2007, p3].

    1-2 La création des SPIP en 1999

    Les SPIP ont été créés par le décret n°99-276 du 3 avril 1999. Leurs missions sont définies

    aux articles D.573 à D.575 du code de procédure pénale. Elles s’articulent autour de trois axes

    : l’insertion des personnes placées sous main de justice, l’aide à la décision judiciaire dans un

    souci d’individualisation de la peine, et le suivi, le contrôle des obligations des mesures

    alternatives à l’incarcération (sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, travail

    non rémunéré) et des aménagements de peine (libération conditionnelle, placement à

    l’extérieur, semi-liberté). Chaque département compte un Service Pénitentiaire d’Insertion et

    de Probation, ce qui représente 103 structures sur le Territoire National. Il existe parfois

    plusieurs antennes dans chaque département. Une antenne peut être mixte, c'est-à-dire dédiée

    à la fois au milieu ouvert et à la fois au milieu fermé. Il en existe 139 en France. Elles peuvent

    aussi être consacrées uniquement au milieu ouvert dans le ressort de juridiction où il n’y a pas

    de prisons soit 46 antennes. Il existe enfin 21 départements qui, à l’inverse, ont plusieurs

    établissements pénitentiaires sur leur juridiction de ressort.

    La taille des SPIP est très disparate : 10 ont moins de 10 agents, la moitié ont entre 10 et 30

    agents, et 5 ont plus de 90 agents (SPIP de Paris, du Pas de Calais, de l’Essonne, des

    Bouches-du-Rhône et du Nord).

  • 31

    Les SPIP occupent 8% des crédits consommés par le programme 107 « Administration

    Pénitentiaire» soit 190 M E sur 2,4 Mds E [COUR DES COMPTES, 2010, p106].

    Les SPIP sont issus de la fusion des deux services pénitentiaires qui étaient alors en charge de

    l’insertion. Il s’agit des comités de probation et d’aide aux libérés (CPAL) prenant en charge

    les condamnés libres, et des services socio-éducatifs des établissements pénitentiaires

    s’occupant, eux, des détenus.

    Cette réforme prend appui sur un rapport de l’Inspection Générale de 1983 qui soulignait

    l’aggravation de la situation économique et sociale des personnes concernées, l’augmentation

    de la population carcérale, l’augmentation et la diversification des mesures judiciaires.

    L’objectif était la « clarification des responsabilités administratives et judiciaires dans

    l’organisation et le fonctionnement des services » [ÉNAP, 2005, p1].

    La publication d’un rapport sur le fonctionnement du milieu ouvert en janvier 1981 (rapport

    de la commission sur la méthodologie de prise en charge des condamnés en milieu ouvert,

    DAP 1981) avait débouché sur un décret du 14 mars 1986 réformant les comités de probation

    et d’assistance aux libérés. Une note du 29 octobre 1992 demandait une évaluation du

    fonctionnement des CPAL à l’inspection des services judiciaires. Le rapport demandé sera

    rendu un an plus tard, le 9 novembre 1993. Plusieurs constats étaient posés, notamment sur la

    diversification des mesures en milieu ouvert et notamment « la création du TIG et celle des

    modes de saisine par les différents magistrats » [POUPONNOT, 2006, p23] et l’augmentation

    importante des interventions des CPAL (+460% depuis 1970) [POUPONNOT, 2006, idem].

  • 32

    Ce rapport montrait la nécessité de créer un interlocuteur unique vis-à-vis des partenaires dans

    le champ de l’insertion afin de mieux articuler la mission de réinsertion, alors dévolue aux

    SPIP avec les politiques publiques en matière d’action sociale et d’assurer ainsi une meilleure

    lisibilité de l’action de l’Administration Pénitentiaire auprès des partenaires institutionnels et

    associatifs.

    Ainsi, les SPIP ont vocation à s’inscrire dans la départementalisation de l’Action Sociale et de

    l’Action Publique. Ils répondent à une demande institutionnelle de clarification des missions

    des CPAL et des services éducatifs en détention. L’évaluation de l’activité des SPIP est un

    enjeu central pour l’Administration Pénitentiaire au moment de leur création.

    Chapitre 2 : Un contexte juridique et des logiques pénales en

    profondes mutations

    Alors que la départementalisation des SPIP est actée, des évolutions législatives majeures les

    affectent. Ces évolutions sont fondées sur la notion de dangerosité pénale, réactivée par des

    faits divers médiatiques (2-1). Conjointement, les droits des personnes placées sous main de

    justice sont renforcés par la juridictionnalisation de l’Application des Peines et le

    renforcement des aménagements de peine, comme le placement sous surveillance électronique

    (2-2).

    2-1 La construction politique de l’objet « dangerosité »

    2-1-1 Un changement de finalité des politiques pénales dans les pays anglo-saxons

    Au sein de l’OCDE, on assiste à un essoufflement des finalités sociales de la justice pénale.

    Dans les années 70, les politiques répressives néo-libérale du « law and order » dans les pays

    anglo-saxons ont engendré un recours massif à l’incarcération aux États-Unis avec une

    augmentation de 320% du nombre de détenus entre ces années 70 et les années 2000. En

    proportion, on incarcère 20 fois plus aux États-Unis que dans les autres pays de l’OCDE12

    .

    La traditionnelle recherche des causes sociales de la délinquance et le traitement correctif des

    délinquants sont concurrencés par de nouvelles finalités comme la régulation du risque de

    délinquance et la protection de la société par le contrôle des personnes dangereuses.

    12 Organisation de coopération et de développement économiques

  • 33

    Apparaît ici une notion de « gouvernance du crime » [CHANTRAINE, CAUCHIE, 2006, p

    13] où le but n’est pas de répondre à des déviances individuelles ou à des problèmes sociaux

    mais de réguler les niveaux de déviance et de rendre le crime tolérable par une gestion

    systémique et une efficacité procédurale et organisationnelle de la prévention et de la

    répression. La prison est destinée à contrôler les délinquants les plus dangereux sans objectif

    particulier de réinsertion.

    L’intervention des professionnels consiste à déterminer si la personne, placée sous main de

    justice, a un degré de risque lui permettant de bénéficier par exemple d’un aménagement de

    peine.

    Cette nouvelle pénologie [FEELEY, SIMON, 1992] désigne ainsi le « passage d’une

    pénologie axée sur l’individu, sa punition ou bien son traitement à une pénologie axée sur la

    gestion de groupes à risques, leur surveillance et leur contrôle afin de réguler les niveaux

    d’une délinquance considérée comme normale » [DELANNOY-BRABANT L., 2008].

    On passe d’un modèle réhabilitatif à une gestion stratégique et administrative de populations à

    risques : les discours et pratiques sont « outillés par le calcul du risque » et traduisent

    « l’avènement progressif d’une rationalité pénale, non plus orientée vers les individus et leur

    transformation, mais vers la gestion efficace de populations collectives » [CHANTRAINE,

    CAUCHIE, 2006, p13].

    2-1-2 En France, une succession de textes destinés à sanctionner plus sévèrement la récidive

    Suite à des faits divers fortement médiatisés en France, le pouvoir politique s’est saisi de la

    question de la récidive des infracteurs et a inscrit, à l’agenda parlementaire, le vote de lois à

    un rythme accru depuis 2005. Ainsi, avec la Loi du 12 décembre 2005 sur la récidive des

    infractions pénales, le législateur a introduit de façon explicite la notion de réitération

    d'infractions pénales « lorsqu'une personne a déjà été condamnée définitivement pour un

    crime ou un délit et commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la

    récidive légale.

    Les peines prononcées pour l'infraction commise en réitération se cumulent sans limitation de

    quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la

    condamnation précédente.»13

    .

    13

    Article 132- 16-7 du Code Pénal

  • 34

    Ainsi, la commission de nouvelles infractions pèse plus lourdement dans le prononcé de la

    peine pour une personne déjà condamnée. La loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la

    délinquance réforme l'ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante en alourdissant la justice

    des mineurs. L'article 8 de cette loi encourage le partage des informations entre les

    professionnels de l’action sociale et les maires et présidents de Conseils généraux La loi créé

    un «stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants». Il s'agit là d'une

    mesure alternative aux poursuites.

    Elle oblige les personnes inscrites au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions

    sexuelles et punies de crimes ou de délits pour lesquels au moins 10 ans d'emprisonnement

    ont été requis, de se présenter, non plus tous les six mois, mais tous les mois auprès de leur

    commissariat afin de justifier de leur domicile14

    . La loi renforçant la lutte contre la récidive

    des majeurs et des mineurs du 10 août 2007, crée des peines minimales en cas de récidive,

    dites peines-planchers ; l'exclusion possible de l'excuse de minorité pour les récidivistes de

    plus de 16 ans ; et l'injonction de soins notamment pour les auteurs d'agressions sexuelles. Les

    peines-planchers concernent toutes les personnes répondant d'une infraction passible de trois

    ans ou plus de réclusion de détention ou d'emprisonnement 15

    . Les juges ont la possibilité de

    déroger à ces seuils, mais dans des cas limités, sur la base d’une enquête de personnalité.

    14 Art 42 et 760-53-5 du CPP

    15 Il s’agit de : cinq ans pour un crime punissable de quinze ans de réclusion ou de détention, sept ans pour un crime

    punissable de vingt ans de réclusion ou de détention, dix ans pour un crime punissable de trente ans de réclusion ou de

    détention, quinze ans pour un crime punissable de réclusion ou de détention à perpétuité. Pour les délits, les peines-planchers

    sont d’un an pour un délit punissable de trois ans d'emprisonnement, deux ans pour un délit punissable de cinq ans

    d'emprisonnement et trois ans pour un délit punissable de sept ans d'emprisonnement, et quatre ans pour un délit punissable

    de dix ans d'emprisonnement.

  • 35

    En parallèle, de nombreux rapports parlementaires16

    soulignent les difficultés d’application de

    ces lois sur le terrain par les Juges d’Application des Peines, les SPIP et les établissements

    pénitentiaires et la difficulté rencontrée dans la prise en charge médicale et socio-judiciaire de

    personnes condamnées souffrant de pathologies graves pouvant entraîner des passages à l’acte

    violents.

    Ces rapports n’ont pas été suivis d’effet et le Conseil Supérieur de la Magistrature remarque

    que « la lutte efficace contre la récidive nécessite une stabilité législative » et que

    « l’appropriation des réformes par les juridictions et leur partenaires suppose qu’elles

    s’inscrivent dans la longue durée, ce qui n’est plus le cas, avec la succession trop rapide de

    textes ».17

    2-2 La juridictionnalisation de l’application des peines et le développement massif

    des aménagements de peine.

    2-2-1 La juridictionnalisation de l’application des peines

    Avec la loi sur la présomption d'innocence du 15 juin 2000, la détention provisoire a été

    réformée et la libération conditionnelle et l’application des peines ont été modifiées en

    profondeur.

    16

    - 2003 Groupe de travail mandaté par les mêmes ministères sur la « santé mentale des personnes détenues : comment

    améliorer et articuler les dispositifs de prise en charge sanitaire et pénitentiaire ? »,

    - 2004 Mission d’information n°1718 de l’Assemblée Nationale sur le traitement de la récidive des

    infractions pénales »

    - 2005 Commission Santé Justice présidée par Jean François Burgelin, Procureur général près la Cour de Cassation

    - 2006 Mission sur la dangerosité et la prise en charge des individus dangereux confiés à Jean Paul Garraud député

    - 2006 Mission d’information sur les délinquants dangereux atteints de troubles mentaux conduite par Philippe Goujon, député

    - 2007 Commission d’analyse et de suivi de la récidive - 2008 Rapport de M LAMANDA remis au Président de la République le 30 mai 2008 « Amoindrir les

    risques de récidive criminelle des condamnés dangereux ».

    - 2010 rapport d’information n°1811 de l’Assemblée Nationale de M Étienne Blanc et M Jean-Luc Warsmann « Juger et soigner : lutter contre les pathologies et addictions à l’origine de la récidive »

    - 2011 Rapport n° 3177 de l’Assemblée Nationale de M Étienne Blanc et M Jean-Luc Warsmann sur les carences de l’exécution des peines et l’évaluation du logiciel Cassiopée.

    17 Avis de la commission plénière du Conseil Supérieure de la Magistrature remis le 21/03/2011 au Président de la

    République

  • 36

    Cette loi a fait des différentes modalités d'application des peines, qui n'étaient jusque-là que

    des mesures d'administration judiciaire non susceptibles d'appel, des véritables décisions

    juridictionnelles prises après un débat contradictoire, au cours duquel le détenu peut se faire

    assister d'un avocat, et susceptibles d'appel devant la Chambre des appels correctionnels.

    S'agissant plus particulièrement de la libération conditionnelle, le législateur a étendu la

    compétence du juge de l'application des peines qui peut désormais accorder cette mesure aux

    personnes condamnées à dix ans d'emprisonnement ou ayant une peine restant à subir

    inférieure à trois ans. Les demandes des autres détenus sont, elles, examinées par une

    juridiction régionale de la libération conditionnelle, présidée par un Président de Chambre ou

    un Conseiller de Cour d'appel et composée de deux juges de l'application des peines.

    L'intervention du Garde des Sceaux, compétent jusque-là à l'égard des détenus condamnés à

    plus de cinq ans d'emprisonnement, est supprimée. Les critères d'octroi de la libération

    conditionnelle ont été élargis.

    Le décret du 30 décembre 2000, relatif à l'application des peines, a précisé les modalités

    d'application de ces dispositions, créant notamment la tenue des débats contradictoires au sein

    des établissements pénitentiaires.

    La Loi Perben II du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la

    criminalité poursuit cette juridictionnalisation en introduisant dans le Code de procédure

    pénale un livre cinquième, intitulé « des procédures d'exécution », relatif à l’exécution des

    peines.

    L’article 712-13 du nouveau code de procédure pénale précise que l’appel des jugements

    concernant l’Application des Peines est porté devant la Chambre de l’application des peines

    de la Cour d’appel, composée d’un président, de deux conseillers assesseurs, d’un responsable

    d’une association de réinsertion des condamnés et d’un responsable d’une association d’aide

    aux victimes. Au niveau de chaque Cour d’Appel, est ainsi créée une Chambre spécialisée

    dans le domaine de l’Application des Peines.

  • 37

    Cette loi a créé l'article 131-5-1 du Code de procédure pénale qui définit la mesure de stage de

    citoyenneté comme peine alternative à la prison : «Lorsqu'un délit est puni d'une peine

    d'emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l'emprisonnement, prescrire que le

    condamné devra accomplir un stage de citoyenneté, dont les modalités, la durée et le contenu

    sont fixés par décret en Conseil d’état et qui a pour objet de lui rappeler les valeurs

    républicaines de tolérance et de respect de la dignité humaine sur lesquelles est fondée la

    société. La juridiction précise si ce stage, dont le coût ne peut excéder celui des amendes

    contraventionnelles de la troisième classe, doit être effectué aux frais du condamné».

    2-2-2 Le placement sous surveillance électronique, mesure phare des aménagements de peine

    depuis 2002

    Les aménagements de peine les plus anciens sont la libération conditionnelle, créée en 1885 et

    la semi-liberté. L’article 65 de la Loi Pénitentiaire du 24 novembre 2009 consacre les

    aménagements de peine comme clé de voûte de la politique pénale d’exécution des peines.

    Un rapport, remis le 23 avril 2003 au Ministère de la Justice par le Député Jean-Luc

    Warsmann, préconisait de redonner de la crédibilité et de l’effectivité aux sanctions non

    privatives de liberté considérant « qu’il est incontestable que les magistrats se détournent de

    ces mesures, n’ayant plus confiance dans leur application et préfèrent ainsi, en

    correctionnelle, recourir à la prison ferme plutôt qu’à un travail d’intérêt général ou un

    sursis avec mise à l’épreuve, dont l’application est défaillante»18.

    Depuis le 1er janvier 2002, les aménagements de peine ont progressé de 94,2%. Le nombre de

    placements sous surveillance électronique a quintuplé en 8 ans.

    L’aménagement de peine actuellement le plus utilisé est donc le placement sous surveillance

    électronique.

    18 Rapport « Les peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la

    préparation des détenus à la sortie de prison : rapport de la mission parlementaire » auprès de Dominique Perben,

    Garde des sceaux, Ministre de la justice, confiée à Jean-Luc Warsmann, Député des Ardennes qui part du constat

    selon lequel les décisions de justice, au vu du fonctionnement de la chaîne pénale, ne sont généralement pas

    exécutées en temps réel. Ces délais d'exécution s'expliquent notamment par le manque d'informatisation du

    système judiciaire et rendent souvent l'application des peines inefficace, voire impossible. Pour remédier à cette

    situation, l'auteur présente 87 propositions regroupées autour de trois priorités d'action. Il s'agit tout d'abord de

    redonner de la crédibilité et de l'effectivité aux sanctions non privatives de liberté. Les courtes peines de prison

    doivent, quant à elles, être exécutées de manière juste et adaptée. Enfin, la troisième priorité est de réduire le

    nombre de sorties sèches de prison pour lutter contre la récidive.

  • 38

    Il s’agit d’une modalité d’aménagement de peine qui s’effectue au domicile de la personne

    placée, avec interdiction pour elle de s’en absenter pendant des plages horaires précisées par

    une ordonnance du Juge de l’application des peines ou bien du Juge d’instruction. Un bracelet

    est posé, généralement à la cheville de la personne condamnée, au sein de l'Établissement

    Pénitentiaire du ressort de la juridiction : il vaut pour écrou.

    Un boîtier est installé au domicile de la personne qui envoie des informations au bracelet afin

    de le détecter à des horaires fixés par le Juge. La personne est ainsi tenue de rester à son

    domicile à des horaires précis. Toute violation de ces horaires peut entraîner une révocation

    de la mesure et une exécution de la peine en la forme ordinaire, c'est-à-dire en détention

    classique.

    Depuis 2006, le nombre de placements sous surveillance électronique a doublé, passant de

    5562 en 2006 à 11 259 en 2008.19 Le PSE représente 40% des aménagements de peine

    actuellement.

    Ce sont donc les SPIP qui absorbent et appliquent ces évolutions majeures que sont la

    pression médiatique et institutionnelle concernant les faits de récidive criminels, d’une part, et

    l’instruction et le suivi de nouvelles mesures concernant la surveillance électronique, d’autre

    part.

    Chapitre 3 : Les CPIP au sein des Services Pénitentiaires

    d’Insertion et de Probation

    Après avoir dessiné les grandes lignes des évolutions législatives impactant les SPIP et le

    changement de rationalité pénale les fondant, nous décrirons le groupe professionnel des CPIP

    en le situant dans la filière insertion et probation de l’Administration Pénitentiaire (3-1).

    Nous décrirons plus en détails la formation initiale des CPIP (3-2) et les caractéristiques

    sociodémographiques de ce groupe professionnel (3-3), dont le cœur de métier a évolué

    profondément (3-4).

    19

    Chiffres clés de l’Administration Pénitentiaire consultables au http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-

    10036/les-chiffres-clefs-10041/

    http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-chiffres-clefs-10041/

  • 39

    3-1 Une filière insertion et probation en constante augmentation entre 2004 et

    2010

    Les personnels d’insertion et de probation sont au nombre de 3828 en 2009 [COUR DES

    COMPTES, 2010 p154]. Ils représentent 11,6% des personnels de l’Administration

    Pénitentiaire. Parmi eux, on compte 2639 Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de

    Probation, 287 assistantes de service social, 166 Chefs de services d’insertion et de probation

    et 207 Directeurs d’Insertion et de Probation. L’ensemble de ces personnels est fonctionnaire

    et formé à l’ÉNAP20

    . Les personnels d’insertion et de probation sont passés de 901 à 2514

    entre 1990 et 2007, soit une augmentation de +179%.

    Depuis la 7ème

    promotion, la courbe relative aux effectifs d’élèves recrutés indique une très

    nette croissance avec pour la 12ème promotion, un effectif quasiment triplé. «Cette

    massification du recrutement peut s’expliquer en premier lieu par l’importance donnée à la

    mission de réinsertion et à l’intérêt porté aux mesures d’aménagement de peine » [Direction

    de l’Administration Pénitentiaire, Bureau RH3, mars 2007, p6.]

    3-2 La formation initiale des Conseillers Pénitentiaire d’Insertion et de Probation

    L’entrée en formation de la première promotion de CIP date de 1995. Le concours de CIP est

    ouvert aux titulaires d’un BAC+2, aux mères possédant au moins 3 enfants et aux

    fonctionnaires justifiant d’au moins 4 ans d’ancienneté. Ils sont formés à l’ÉNAP située à

    Agen comme tous les autres corps de métiers de l’Administration Pénitentiaire.

    La durée de la formation initiale, préalable à la titularisation dans le corps des Conseillers

    Pénitentiaires d'Insertion et de Probation de l'Administration Pénitentiaire est fixée à deux ans.

    Elle comprend une première année passée en qualité d'élève Conseiller Pénitentiaire

    d'Insertion et de Probation et une seconde année en qualité de stagiaire.

    Toutefois, les candidats reçus au concours, titulaires du diplôme d'État d'éducateur spécialisé

    ou d'assistant du service social, nommés directement conseillers pénitentiaires d'insertion et

    de probation de 2e classe stagiaires, reçoivent une formation adaptée à leur profil

    professionnel au cours de leur année de stage.

    20

    École Nationale d’Administration Pénitentiaire

  • 40

    Les conditions de titularisation et d'obtention du Certificat d'aptitude aux fonctions de

    Conseiller Pénitentiaire d'Insertion et de Probation sont identiques pour tous les Conseillers

    Pénitentiaires d'Insertion et de Probation stagiaires.

    Depuis la parution en novembre 2006 de l’arrêté instituant la pré-affectation, la deuxième

    année de stage se déroule sur le lieu futur de la titularisation. Les CPIP stagiaires sont déjà

    affectés sur leur poste en milieu ouvert ou en milieu fermé. Cette réforme, contestée sera

    reconduite pour la seizième promotion en 2011.

    3-3 Les CPIP, un groupe professionnel majoritairement féminin, fortement

    diplômé, principalement en droit.

    3-3-1 Une proportion de femme importante et une moyenne d’âge constante

    Avant 1995, année d’entrée en formation de la première promotion de CIP, les hommes

    éducateurs étaient aussi nombreux, et même parfois plus, que les femmes.

    On constate un retournement très net de cette tendance avec une proportion de femmes en

    moyenne deux fois plus importante que celle des hommes, avec une accentuation de cet écart

    dans la 12ème promotion où elles sont 3 fois plus nombreuses et représentent 77% de

    l’effectif.21

    3-3-2 Un niveau de qualification élevé

    Le recrutement s’opère largement au dessus du niveau requis. Les données recensées depuis

    la première promotion indiquent en effet que la catégorie des BAC+2 est loin d’être la plus

    représentative, les CIP recrutés possédant le plus souvent au moins un BAC+4. De plus, cet

    écart entre le niveau requis et le niveau réel tend à s’accentuer pour les dernières promotions.

    La douzième promotion voit, par exemple, 95% des effectifs ayant un niveau d’étude

    supérieur ou égal à BAC+3 et 33% avec un BAC+5. Parmi ces élèves, 61% ont suivi des

    études de droit et 91% ont déjà eu une expérience professionnelle.

    21

    Informations consultables sur au http://www.enap.justice.fr/eleves/index.php

    http://www.enap.justice.fr/eleves/index.php

  • 41

    Pour la CIP 13, 70% des élèves ont un BAC+3 et 30% ont un BAC+5, 84%des élèves ont déjà

    travaillé, 63% ont suivi des études de droit, 14% des sciences sociales et 9% de l’économie et

    de la gestion. 73% ont déclaré avoir passé d’autres concours. Par rapport à la promotion

    précédente, on constate que la proportion d’internes à doublé (18% contre 8%).

    Concernant la quatorzième promotion, quasiment 40% des élèves sont titulaires d’un diplôme

    de niveau BAC+5. Ils n’étaient que 30% dans la 13ème promotion, proportion déjà

    considérable pour un concours ouvert aux titulaires d’un BAC+2.

    Les femmes sont toujours plus diplômées que les hommes. Elles sont 42% à avoir un BAC+5

    contre 32% des hommes. La très grande majorité des élèves est diplômée dans les domaines

    du droit et des sciences politiques (66%) et des sciences humaines (17%). Les 6% d’élèves

    bacheliers ont été recrutés par concours interne. La plupart d’entre eux étaient surveillants.

    La proportion d’élèves recrutés par concours interne augmente significativement. Ils sont 32%

    à avoir intégré la formation selon ce mode de sélection.

    3-3-3 Une majorité de juristes

    Depuis la 8ème promotion de CIP, deux-tiers des élèves recrutés ont suivi des études de droit.

    Pour la CIP 12, 61% ont suivi des études de droit et 91% ont déjà eu une expérience

    professionnelle. S’agissant de la CIP 13, 63% ont suivi des études de droit, 14% des sciences

    sociales et 9% de l’économie et de la gestion. 73% ont déclaré avoir passé d’autres concours.

    Cette tendance se poursuit avec la CIP 14 où la très grande majorité des élèves est diplômée

    dans les domaines du droit et des sciences politiques (66%) et des sciences humaines (17%).

    La tendance s’infléchit légèrement avec la CIP 15 avec 50% relevant du domaine du droit et

    de la science politique et 20%, des sciences humaines et sociales.

    On compte également, dans des proportions très inférieures, des élèves issus des filières «

    commerce, gestion » (8%), « sciences, mathématiques, informatique » (4%), « secrétariat »

    (4%) ou encore « enseignement » (3%) dans cette promotion plus hétéroclite.

    3-3-4 Une forte volatilité des promotions à 10 ans

    Entre 1995 et 2006, on constate 103 radiations des cadres dont 23% vers l'Éducation

    Nationale, 22% vers la Protection Judiciaire de la Jeunesse, 20% vers la Fonction Publique

    Territoriale ou un autre Ministère en qualité de rédacteur, secrétaire ou attaché, 8% vers les

    IRA, 6% vers l’ENM ou l'École des Greffes, 8% vers la Police ou les Douanes.

  • 42

    Les CPIP sont donc rarement radiés pour exercer leur métier de personnel socio-éducatif au

    sein d’une autre fonction publique ou une association.

    Parmi les mouvements de mobilité professionnelle des personnels des promotions entre 1995

    et 1999 et ce jusqu’au 1er

    janvier 2006, on constate que 14% des personnels sont partis dont

    1/3 pour passer des concours de Directeurs de Service, 19% sont à temps partiels et 7,5% sont

    partis provisoirement. Depuis la promotion 2001, la proportion des départs avant trois ans

    oscille entre 4% et 10%.

    Si ce rythme se maintient, on pourrait atteindre au bout de 10 ans un taux de départ de 20%

    alors que les générations de 1990-1994 avaient un taux de 5% en moyenne et de 12% pour les

    promotions 1995-2000 [Direction de l’Administration Pénitentiaire, Bureau RH3, 2007, p6].

    Parmi les 172 départs volontaires observés entre 1995 et 2007, on dénombre 56 démissions et

    116 radiations des cadres d’emploi des personnels d’insertion et de probation. Sur les

    fonctions exercées, connues pour 97 personnes, près d’un quart occupent les fonctions

    d’attachés d’administration, 17% sont devenus Directeurs au sein de la Direction de la

    Protection Judiciaire de la Jeunesse, 18% occupent des fonctions de professeurs ou de

    Conseillers principaux d'Éducation. Seuls 7% occupent des fonctions de travailleurs sociaux.

    3-4 De n