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A N N A L E S D E L’ I N S T I T U T F O U R I E R ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE Cohomologie de dolbeault le long des feuilles de certains feuilletages complexes Tome 60, n o 2 (2010), p. 727-757. <http://aif.cedram.org/item?id=AIF_2010__60_2_727_0> © Association des Annales de l’institut Fourier, 2010, tous droits réservés. L’accès aux articles de la revue « Annales de l’institut Fourier » (http://aif.cedram.org/), implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://aif.cedram.org/legal/). Toute re- production en tout ou partie cet article sous quelque forme que ce soit pour tout usage autre que l’utilisation à fin strictement per- sonnelle du copiste est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright. cedram Article mis en ligne dans le cadre du Centre de diffusion des revues académiques de mathématiques http://www.cedram.org/

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L’INSTITUT FOURIER

Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

Cohomologie de dolbeault le long des feuilles de certains feuilletagescomplexesTome 60, no 2 (2010), p. 727-757.

<http://aif.cedram.org/item?id=AIF_2010__60_2_727_0>

© Association des Annales de l’institut Fourier, 2010, tous droitsréservés.

L’accès aux articles de la revue « Annales de l’institut Fourier »(http://aif.cedram.org/), implique l’accord avec les conditionsgénérales d’utilisation (http://aif.cedram.org/legal/). Toute re-production en tout ou partie cet article sous quelque forme que cesoit pour tout usage autre que l’utilisation à fin strictement per-sonnelle du copiste est constitutive d’une infraction pénale. Toutecopie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mentionde copyright.

cedramArticle mis en ligne dans le cadre du

Centre de diffusion des revues académiques de mathématiqueshttp://www.cedram.org/

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Ann. Inst. Fourier, Grenoble60, 2 (2010) 727-757

COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT LE LONGDES FEUILLES DE CERTAINS FEUILLETAGES

COMPLEXES

par Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

Résumé. — La cohomologie de Dolbeault feuilletée mesure l’obstruction à ré-soudre le problème de Cauchy-Riemann le long des feuilles d’un feuilletage com-plexe. En utilisant des méthodes de cohomologie des groupes, nous calculons cettecohomologie pour deux classes de feuilletages : i) le feuilletage complexe affine deReeb de dimension (complexe) 2 sur la variété de Hopf de dimension 5 ; ii) lesfeuilletages complexes sur le tore hyperbolique (fibration en tores de dimensionn au-dessus d’un cercle et de monodromie une matrice hyperbolique à coefficientsentiers diagonalisable et de valeurs propres réelles positives) donnés par des actionslocalement libres du groupe des transformations affines de la droite réelle.

Abstract. — Leafwise Dolbeault cohomology measures the obstruction tosolve the Cauchy-Riemann problem along the leaves of a complex foliation. Us-ing essentially methods of cohomology of groups, we compute this cohomologyfor two classes of complex foliations: i) the two dimensional complex affine Reebfoliations on the Hopf 5-manifold; ii) complex foliations on the hyperbolic torus(fibration over the circle whose fibre is the n-dimensional torus and its monodromyis a hyperbolic and diagonalizable matrix all of whose eigenvalues are real andpositive) obtained by locally free actions of the real affine Lie group.

Introduction

Soit M une variété différentiable munie d’un feuilletage de dimensionréelle 2m. On dira que F est complexe si ses feuilles sont munies d’unestructure complexe de telle sorte que les changements de coordonnées soientholomorphes (en restriction aux feuilles). On peut donc transposer tout pro-blème de l’analyse complexe classique en son analogue le long des feuilles,en particulier le problème du ∂F (ou ∂ feuilleté). Il peut être interprété

Mots-clés : feuilletage complexe, F-holomorphie, cohomologie de Dolbeault feuilletée.Classification math. : 32W05, 32G05, 32Q58, 58A30.

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728 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

comme une version paramétrée (par l’espace des feuilles M/F) du pro-blème du ∂ usuel. De façon similaire au cas classique, la cohomologie deDolbeault feuilletée H0,∗

F (M) apparaît comme obstruction à la résolutionde ce problème. Dans les diverses tentatives pour résoudre le ∂F ou, demanière équivalente, pour calculer les espaces vectoriels H0,∗

F (M), une dif-ficulté majeure apparaît souvent : la régularité des solutions (quand ellesexistent) n’est pas a priori acquise ; ceci est dû au fait que l’opérateur ∂Fn’est pas elliptique (il l’est seulement le long des feuilles) contrairementau cas classique. On peut toutefois citer des avancées dans cette directionqu’on peut trouver dans [3], [4], [7] et [12]. Dans ce travail, nous nous pro-posons de résoudre ce problème pour les feuilletages complexes qui suivent.

1 - On note M la variété (C2 × R) \ 0 munie du feuilletage complexeF de dimension 2 défini par l’équation dt = 0 ((z1, z2, t) désignent lescoordonnées sur M). Ce feuilletage est invariant par le difféomorphismeγ : (z1, z2, t) ∈ M 7−→ (λz1, λz2, λt) ∈ M (où λ ∈]0, 1[) et induit donc unfeuilletage complexe F de dimension 2 sur la variété quotient M = M/Γoù Γ est le groupe des automorphismes de F engendré par γ.

2 - Soit A ∈ SL(n,Z) une matrice diagonalisable ayant toutes ses valeurspropres λ1, · · · , λn réelles positives et différentes de 1 (on dit que A esthyperbolique). On a une action du groupe R sur Rn : (t, x) ∈ R × Rn 7−→Atx ∈ Rn qui permet de construire un groupe de Lie résoluble G = RnoARayant Γ = Zn oA Z comme réseau cocompact. Le quotient G/Γ est unevariété compacte notée Tn+1

A et appelée tore hyperbolique de dimensionn+ 1. Soit v un vecteur propre de A associé à une valeur propre λ ∈]0, 1[.Les champs de vecteurs X = λtv et Y = ∂

∂t sont linéairement indépendantset induisent des champs sur la variété Tn+1

A sur laquelle ils définissent unfeuilletage F de dimension 2 réelle. Ce feuilletage est muni d’une structurecomplexe définie à l’aide de la structure presque complexe intégrable donnéepar JF (X) = Y et JF (Y ) = −X.

Ces exemples sont extrêmement riches et leurs structures sont assez di-versifiées. Le premier a une structure conforme tangentiellement et trans-versalement et n’est pas riemannien. Le deuxième a une dynamique com-pliquée et la croissance de ses feuilles (il y a des cylindres et des plans)est exponentielle. Il est aussi C∞-stable (cf. [5]). (Toutefois la structurecomplexe de long des feuilles peut a priori se déformer !) Nous en avonsaussi décrit beaucoup d’objets géométriques qui lui sont rattachés tels queles 1-formes F-holomorphes ou encore les fonctionnelles F-analytiques in-variantes etc. Nos démonstrations utilisent des méthodes d’analyse réelle

ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 729

et complexe mais aussi des outils de cohomologie des groupes discrets etdes techniques de suites spectrales (la référence qu’on utilise est [1]).

Sauf mention expresse du contraire ou précision, tous les objets que l’onconsidérera (variétés, applications, feuilletages...) seront supposés de classeC∞.

1. Feuilletages complexes

Soit M une variété différentiable munie d’un feuilletage F de dimensionréelle 2m. On notera TF le fibré tangent à F .

Définition 1.1. — On dira que F est complexe s’il peut être définipar un recouvrement ouvert Ui de M et des difféomorphismes

φi : Ωi ×Oi −→ Ui

(où Ωi est un ouvert de Cm et Oi un ouvert de Rn) tels que les changementsde coordonnées :

φij = φ−1j φi : (z, t) ∈ φ−1

i (Ui ∩ Uj) −→ (z′, t′) ∈ φ−1j (Ui ∩ Uj)

soient de la forme (z′, t′) =(φ1ij(z, t), φ2

ij(t))

avec φ1ij(z, t) holomorphe en

z pour t fixé.

Il est facile de voir que tout feuilletage orientable par surfaces possèdeune structure complexe. Mais qu’en est-il en dimension (paire) supérieureou égale à 4 ? Le premier auteur a posé la question de l’existence de cesfeuilletages (en codimension 1) sur les sphères impaires S2n+1. Pour le mo-ment seule sur S5 une réponse positive a été donnée (cf. [11]).

Soient (M,F) et (M ′,F ′) deux feuilletages complexes. On appelle mor-phisme de (M,F) vers (M ′,F ′) toute application f : M −→ M ′ de classeC∞ et telle que l’image de toute feuille F de F est contenue dans unefeuille F ′ de F ′ et l’application f : F −→ F ′ est holomorphe. On diraqu’un morphisme f : (M,F) −→ (M ′,F ′) est un isomorphisme de feuille-tages complexes si c’est un difféomorphisme qui est un biholomorphisme surles feuilles. Lorsque M = M ′ et F = F ′ on parlera simplement d’automor-phisme de (M,F). On notera Aut(M,F) le groupe des automorphismes de(M,F).

Dans toute la suite, on se donne une variété M munie d’un feuilletagecomplexe F de dimension m. Lorsqu’on travaillera en coordonnées locales,on les notera (z, t) = (z1, · · · , zm, t1, · · · , tn) où n est la codimension réellede F . Pour chaque j = 1, · · · ,m, zj = xj + iyj . Ainsi, pour j = 1, · · · ,m,dzj = dxj+idyj et dzj = dxj−idyj . Pour tous multi-indices I = (i1, . . . , ip)

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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730 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

et J = (j1, . . . , jq) dans 1, . . . ,m, on adoptera les notations suivantesdzI = dzi1 ∧ . . .∧ dzip et dzJ = dzj1 ∧ . . .∧ dzjq . Une forme différentielle αde degré r = p+ q est dite feuilletée de type (p, q) si elle s’écrit localementα =

∑|I|=p,|J|=q

αIJ(z, t) dzI ∧ dzJ où les αIJ(z, t) sont des fonctions C∞.

On notera Ωp,qF (M) l’espace des formes différentielles feuilletées de type(p, q) sur (M,F). On définit un opérateur de Cauchy-Riemann le long desfeuilles ∂F : Ωp,qF (M) −→ Ωp,q+1

F (M) localement par :

(1) ∂Fα =∑I,J

m∑k=1

∂αIJ∂zk

(z, t)dzk ∧ dzI ∧ dzJ .

Il vérifie ∂F ∂F = 0 ; pour tout p fixé dans 0, . . . ,m, on obtient doncun complexe différentiel :(2)

0 −→ Ωp,0F (M) ∂F−→ Ωp,1F (M) ∂F−→ · · · ∂F−→ Ωp,m−1F (M) ∂F−→ Ωp,mF (M) −→ 0

appelé complexe de Dolbeault feuilleté (ou complexe du ∂F ) de F . On fixep et on pose :

Zp,qF (M) = noyauΩp,qF (M) ∂F−→ Ωp,q+1F (M)

etBp,qF (M) = imageΩp,q−1

F (M) ∂F−→ Ωp,qF (M).Le quotient Hp,∗F (M) = Zp,∗F (M)/Bp,∗F (M) est appelé ∂F -cohomologie oucohomologie de Dolbeault feuilletée. L’espace vectoriel topologique Hp,qF (M)(les espaces de formes feuilletées de type (p, q) sont munis de la topologieC∞) peut ne pas être séparé ! On appelle alors cohomologie de Dolbeaultfeuilletée réduite le quotient Hp,qF (M) = Zp,qF (M)/Bp,qF (M) où Bp,qF (M) estl’adhérence de Bp,qF (M).

On a une version feuilletée du Lemme de Dolbeault-Grothendieck. Lo-calement, la cohomologie de Dolbeault feuilletée est donc triviale. On peutainsi décrire Hp,∗F (M) à l’aide d’un faisceau qui joue un rôle analogue aufaisceau des germes de formes holomorphes sur une variété analytique com-plexe. Une p-forme α est dite F-holomorphe si elle est feuilletée de type(p, 0) et vérifie ∂Fα = 0. Localement, une p-forme F-holomorphe s’écritα =

∑αj1···jp(z, t)dzj1 ∧ · · · ∧ dzjp avec αj1···jp holomorphe en z.

Soient HpF (plus simplement HF lorsque p = 0) le faisceau des p-formesF-holomorphes sur M et Ωp,qF celui des germes de formes différentiellesde type (p, q) sur F ; ce dernier est un faisceau fin sur M . Le lemme deDolbeault-Grothendieck feuilleté implique la :

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 731

Proposition 1.2. — La suite 0 −→ HpF → Ωp,0F∂F−→ · · · ∂F−→ Ωp,mF −→ 0

est une résolution fine de HpF . On a alors Hq(M,HpF ) = Hp,qF (M), pourtous p, q = 0, 1, . . .m.

Si n > 1, cette résolution n’est pas elliptique ; elle l’est seulement lelong des feuilles. La cohomologie H∗(M,HpF ) n’est donc pas toujours dedimension finie même si M est compacte.

1.1. Fonctionnelles F-analytiques invariantes

L’espace HF (M) des fonctions F-holomorphes est un sous-espace de l’es-pace C∞(M) ; il y est fermé pour la topologie C∞. La topologie induite surHF (M) est celle de la convergence uniforme sur les compacts des dérivéespar rapport au paramètre transverse (il n’est pas nécessaire de dériver lelong des feuilles). Une fonctionnelle F-analytique sur (M,F) est une formelinéaire continue ζ : h ∈ HF (M) 7−→ 〈ζ, h〉 ∈ C. Elle généralise la notionclassique de fonctionnelle analytique de Martineau [10].

Soit Γ un groupe d’automorphismes du feuilletage complexe (M,F). Ona une action continue (γ, h) ∈ Γ × HF (M) −→ h γ−1 ∈ HF (M). Partransposition, elle induit une action continue sur l’espace H′F (M) des fonc-tionnelles F-analytiques (dual topologique de HF (M)). Un point fixe ζ decette action est appelé fonctionnelle F-analytique Γ-invariante.

Supposons Γ isomorphe à Z engendré par un élément γ ∈ Aut(M,F).Dans cette situation on a un opérateur δ : h ∈ HF (M) 7−→ (h − h γ) ∈HF (M). Son conoyau est fondamental dans la détermination de l’espaceH′F,Γ(M) des fonctionnelles F-analytiques Γ-invariantes. En effet, une fonc-tionnelle F-analytique Γ-invariante est nulle sur l’image de δ qui n’est riend’autre que l’espace C engendré par les éléments de la forme h− h γ avech variant dans HF (M) ; elle induit donc une forme linéaire continue sur lequotient HF (M)/C qui est exactement le premier groupe de cohomologieH1(Z,HF (M)) à valeurs dans le Z-module HF (M). Son calcul se ramèmeà la résolution du problème qui se formule comme suit : Étant donnéeg ∈ HF (M), existe-t-il h ∈ HF (M) telle que h − h γ = g ? Pour cetteraison, cette équation sera appelée équation cohomologique F-analytique.Pour g donnée dans HF (M), une condition nécessaire pour que l’équationh− h γ = g admette une solution h dans HF (M) est que 〈ζ, g〉 = 0 pourtoute fonctionnelle F-analytique γ-invariante sur (M,F).

Terminons cette section par la proposition qui suit et dont la démons-tration est une simple conséquence du principe du maximum.

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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732 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

Proposition 1.3. — Supposons M compacte et que toutes les feuillessont denses. Alors toute fonction M −→ C continue et F-holomorphe estconstante.

La condition « M compacte » est substantielle : nous verrons un exemple(cf. 3.6) de feuilletage complexe F dont toutes les feuilles sont denses surune variété non compacte pour lequel l’espace des fonctions C∞ et F-holomorphes est de dimension infinie. On pourrait penser qu’une fonctioncontinue et F-holomorphe sur (M,F) avec M compacte est basique (i.e.constante sur les feuilles). Il n’en est rien : dans [6] R. Feres et A. Zeghibont construit un contre exemple à cet effet.

Tout le reste de ce papier sera consacré au calcul de la cohomologiede Dolbeault feuilletée pour les deux exemples de feuilletages complexesmentionnés dans l’introduction.

2. Feuilletage complexe de Reeb sur S4 × S1

C’est un feuilletage complexe de dimension 2 sur la variété de Hopf S4×S1. Du point de vue réel, c’est le feuilletage affine de Reeb. Ses feuillessont toutes holomorphiquement équivalentes à C2 sauf celle qui provientde C2 \ 0 qui est équivalente à la surface de Hopf S3 × S1 ; le feuilletageF n’est donc pas kählérien.

2.1. Les espaces H0,∗F

(M)

En degré ∗ = 0• Un élément de H0,0

F(M) est une fonction f(z1, z2, t) qui est C∞ et ho-

lomorphe en (z1, z2) pour tout (z1, z2) tel que (z1, z2, t) 6= (0, 0, 0). D’aprèsle théorème de Hartogs (voir [9] par exemple) et un raisonnement élémen-taire utilisant la formule de Cauchy, f se prolonge à C2 × R en une fonc-tion C∞ et F-holomorphe. Donc H0,0

F(M) = HF (C2 × R). Une fonction

f ∈ HF (C2 × R) s’écrit : f(z1, z2, t) =∑m1∈Nm2∈N

am1m2(t)zm11 zm2

2 où les am1m2

sont des fonctions C∞ telles que, pour tout compact K × C ⊂ C2 × R ettout entier naturel s la série

∑m1∈Nm2∈N

∂sam1m2

∂ts(t)zm1

1 zm22 converge uniformé-

ment sur le compact K × C.

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 733

• On pose U0 = C× C× R∗ et, pour i = 1, 2, on note Ui l’ouvert de Mtel que zi 6= 0 ; U = U0, U1, U2 est un recouvrement ouvert de M . Lesouverts U1 et U2 sont respectivement égaux à C∗ × C× R et C× C∗ × R.On a : U01 = U0 ∩ U1 = C∗ × C × R∗, U02 = U0 ∩ U2 = C × C∗ × R∗,U12 = U1 ∩ U2 = C∗ × C∗ × R et U012 = U0 ∩ U1 ∩ U2 = C∗ × C∗ × R∗.Les feuilletages F0, F1, F2, F01, F02, F12 et F012 induits respectivementsur les ouverts U0, U1, U2, U01 U02, U12 et U012 sont des produits de va-riétés de Stein par R ou par R∗. On a donc, pour ∗ > 1 : H0,∗

F0(U0) = 0,

H0,∗F1

(U1) = 0, H0,∗F2

(U2) = 0, H0,∗F01

(U01) = 0, H0,∗F02

(U02) = 0, H0,∗F12

(U12) =

0 et H0,∗F012

(U012) = 0. Le recouvrement U = U0, U1, U2 est alors de Le-

ray ; il permet donc de calculer la cohomologie H0,∗F

(M). Pour ∗ = 0, leséléments des espaces H0,0

F0(U0), H0,0

F1(U1), H0,0

F2(U2), H0,0

F01(U01), H0,0

F02(U02),

H0,0F12

(U12) et H0,0F012

(U012) s’écrivent respectivement sous les formes sui-vantes :

(3.1) :∑m1∈Nm2∈N

am1m2(t)zm11 zm2

2 (3.2) :∑m1∈Zm2∈N

bm1m2(t)zm11 zm2

2

(3.3) :∑m1∈Nm2∈Z

cm1m2(t)zm11 zm2

2 (3.4) :∑m1∈Zm2∈N

αm1m2(t)zm11 zm2

2

(3.5) :∑m1∈Nm2∈Z

βm1m2(t)zm11 zm2

2 (3.6) :∑m1∈Zm2∈Z

γm1m2(t)zm11 zm2

2

(3.7) :∑m1∈Zm2∈Z

dm1m2(t)zm11 zm2

2

où am1m2 , αm1m2 , βm1m2 et dm1m2 sont des fonctions C∞ sur R∗ et bm1m2 ,cm1m2 et γm1m2 sont des fonctions C∞ sur R et les séries en question doiventconverger uniformément sur tout compact ainsi que toutes leurs dérivéespar rapport à t. Comme le recouvrement U = U0, U1, U2 est constitué detrois ouverts, on a Ui1 ∩ · · · ∩ Uiq = ∅ pour q > 4. Pour k > 3, tous lesk-cocycles sont donc nuls ; ce qui donne H0,k

F(M) = 0 pour k > 3.

En degré ∗ = 1Un 1-cocycle sur le recouvrement U à valeurs dans le faisceau HF est la

donnée d’un triplet (f12, f02, f01) avec f12 ∈ HF12(U12), f02 ∈ HF02

(U02)et f01 ∈ HF01

(U01) tel que f12 − f02 + f01 = 0 sur U012 ; il sera un cobords’il existe un triplet (f0, f1, f2) avec f0 ∈ HF0

(U0), f1 ∈ HF1(U1) et f2 ∈

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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734 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

HF2(U2) tel que

f2 − f1 = f12

f2 − f0 = f02

f1 − f0 = f01

. En remplaçant chacune de ces fonctions

par son développement en série entière, ce système se transforme en lesuivant :(S)

∑m1∈Nm2∈Z

cm1m2(t)zm11 zm2

2 −∑m1∈Zm2∈N

bm1m2(t)zm11 zm2

2 =∑m1∈Zm2∈Z

γm1m2(t)zm11 zm2

2

∑m1∈Nm2∈Z

cm1m2(t)zm11 zm2

2 −∑m1∈Nm2∈N

am1m2(t)zm11 zm2

2 =∑m1∈Nm2∈Z

βm1m2(t)zm11 zm2

2

∑m1∈Zm2∈N

bm1m2(t)zm11 zm2

2 −∑m1∈Nm2∈N

am1m2(t)zm11 zm2

2 =∑m1∈Zm2∈N

αm1m2(t)zm11 zm2

2

Les fonctions αm1m2 , βm1m2 et γm1m2 vérifient (là où elles sont définies) larelation suivante qui vient du fait que (f12, f02, f01) est un cocycle :

γm1m2 − βm1m2 + αm1m2 = 0 pour tous m1,m2 ∈ Z.

Cette relation se simplifie suivant la position du couple (m1,m2) dans leréseau Z× Z. Plus précisément, on aura ce qui suit :

i) Si m1 > 0 et m2 > 0, on a γm1m2 − βm1m2 + αm1m2 = 0. Lesystème a une solution particulière am1m2 = −αm1m2 , bm1m2 = 0et cm1m2 = γm1m2 .

ii) Si m1 > 0 et m2 < 0 alors αm1m2 = 0, am1m2 = 0 et bm1m2 = 0et l’équation se réduit à γm1m2 − βm1m2 = 0. Ceci force alors lafonction βm1m2 à être C∞ sur R tout entier (a priori elle ne l’étaitque sur R∗). Le système a une solution (am1m2 , bm1m2 , cm1m2) avecbm1m2 = am1m2 = 0 et cm1m2 = γm1m2 = βm1m2 .

iii) Si m1 < 0 et m2 > 0 alors βm1m2 = 0, am1m2 = 0 et cm1m2 = 0et l’équation se réduit à γm1m2 + αm1m2 = 0. Ceci force alors lafonction αm1m2 à être C∞ sur R tout entier (a priori elle ne l’étaitque sur R∗). Le système a une solution (am1m2 , bm1m2 , cm1m2) enposant bm1m2 = αm1m2 = −γm1m2 .

iv) Si m1 < 0 et m2 < 0, αm1m2 = 0 et βm1m2 = 0 ; le système se réduità l’équation γm1m2 = 0. C’est la condition nécessaire et suffisantepour que le système admette une solution (am1m2 , bm1m2 , cm1m2).

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 735

ConclusionLe 1-cocycle (f12, f02, f01) où

f12 =∑m1∈Zm2∈Z

γm1m2(t)zm11 zm2

2 , f02 =∑m1∈Nm2∈Z

βm1m2(t)zm11 zm2

2

etf01 =

∑m1∈Zm2∈N

αm1m2(t)zm11 zm2

2

est un cobord si et seulement si∑m1<0m2<0

γm1m2(t)zm11 zm2

2 = 0. On en déduit

alors que H0,1F

(M) =

∑m1∈N∗m2∈N∗

γm1m2(t)zm1

1 zm22

où les fonctions γm1m2 sont de

classe C∞ sur R et telles que la série∑m1∈N∗m2∈N∗

γm1m2(t)zm1

1 zm22

converge uniformé-

ment sur tout compact ainsi que toutes les dérivées par rapport à t.

En degré ∗ = 2On se donne une 2-cochaîne f012 ; c’est une fonction F-holomorphe sur

l’ouvert U012 = C∗×C∗×R∗ et qui s’écrit donc sous forme de la série (3.7)avec les coefficients vérifiant les conditions de convergence susmentionnées.Comme le recouvrement ne contient que trois ouverts, toute 4-intersectionest vide et donc f012 est un cocycle. C’est un cobord s’il existe une 1-cochaîne (f12, f02, f01) avec f12 ∈ HF12

(U12), f02 ∈ HF02(U02) et f01 ∈

HF01(U01) telle que f12 − f02 + f01 = f012 sur U012. Rappelons que f01

est donné par la série (3.4), f02 par la série (3.5) et f12 par la série (3.6).L’équation à résoudre f12 − f02 + f01 = f012 donne alors le système :

γm1m2 − βm1m2 + αm1m2 = dm1m2 pour m1,m2 ∈ Z.

Comme précédemment, nous allons examiner ce qui se passe suivant laposition du point (m1,m2) dans le réseau Z×Z. Cela va permettre de diredans quelles conditions on peut résoudre ce système.

i) Si m1 > 0 et m2 > 0, l’équation reste la même γm1m2 − βm1m2 +αm1m2 = dm1m2 . Elle a une solution : βm1m2 quelconque, γm1m2 =βm1m2 et αm1m2 = dm1m2 .

ii) Si m1 > 0 et m2 < 0, αm1m2 = 0 et l’équation devient γm1m2 −βm1m2 = dm1m2 . Elle a une solution γm1m2 = 0, βm1m2 = −dm1m2 .

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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736 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

iii) Si m1 < 0 et m2 > 0, βm1m2 = 0 et l’équation devient γm1m2 +αm1m2 = dm1m2 . Elle a une solution γm1m2 = 0, αm1m2 = dm1m2 .

iv) Si m1 < 0 et m2 < 0, αm1m2 = 0 et βm1m2 = 0 et l’équationse réduit à l’égalité γm1m2 = dm1m2 . Comme γm1m2 ∈ C∞(R) etdm1m2 ∈ C∞(R∗), l’équation n’a de solution que si, et seulement si,la fonction dm1m2 s’étend en un élément de C∞(R) i.e. dm1m2 estdans l’image de l’application restriction ρ : C∞(R) −→ C∞(R∗).

Considérons les espaces de Fréchet C∞(R) et C∞(R∗) des fonctions com-plexes de classe C∞ respectivement sur R et son ouvert R∗. L’applicationrestriction ρ : f ∈ C∞(R) 7−→ f|R∗ ∈ C∞(R∗) est injective et permetd’identifier C∞(R) à un sous-espace non fermé de C∞(R∗). Le difféomor-phisme σ : t ∈ R 7−→ λt ∈ R préserve l’ouvert R∗. Il permet de définir desactions de Z sur les espaces C∞(R) et C∞(R∗) :

(k, f) ∈ Z× C∞(R) 7−→ f σk ∈ C∞(R)

et(k, f) ∈ Z× C∞(R∗) 7−→ f σk ∈ C∞(R∗)

qui deviennent donc des Z-modules. On note W quotient C∞(R∗)/ C∞(R)(qui est non séparé) et π : C∞(R∗) −→W la projection canonique. CommeC∞(R) n’est pas un idéal de l’anneau C∞(R∗), W n’est malheureusementqu’un espace vectoriel et ne possède pas de structure d’anneau induite parcelle de C∞(R∗). Comme l’action de Z sur C∞(R∗) laisse stable C∞(R),elle induit une action sur W qui devient aussi un Z-module. On a une suiteexacte de Z-modules :

0 −→ C∞(R)j→ C∞(R∗) π−→W −→ 0.

On prend la cohomologie du groupe discret Z à valeurs dans chacun de cesZ-modules et on obtient une suite exacte longue de cohomologie :

0 −→ H0(Z, C∞(R)) j0∗−→ H0(Z, C∞(R∗)) π0∗−→ H0(Z,W ) c−→ · · ·

· · · c−→ H1(Z, C∞(R)) j1∗−→ H1(Z, C∞(R∗)) π1∗−→ H1(Z,W ) −→ 0

où c est l’homomorphisme de connexion habituel. Cette suite s’arrête auxtermes du premier degré car la cohomologie de Z (à valeurs dans n’importequel module) est toujours nulle en degré supérieur ou égal à 2. Nous allonscalculer explicitement les différents espaces qui y interviennent.• L’espace H0(Z, C∞(R)) est constitué des fonctions f ∈ C∞(R) inva-

riantes par σ i.e. telles que f(λt) = f(t) pour tout t ∈ R ; ce sont donc lesconstantes. Par suite H0(Z, C∞(R)) = C.

ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 737

• L’espace H0(Z, C∞(R∗)) est constitué des fonctions f ∈ C∞(R∗) in-variantes par σ i.e. telles que f(λt) = f(t) pour tout t ∈ R∗. Comme lesactions de Z sur R∗+ et R∗− engendrées respectivement par t ∈ R∗+ 7−→λt ∈ R∗+ et t ∈ R∗− 7−→ λt ∈ R∗− sont conjuguées (via la fonction loga-rithme) à l’action de Z sur R engendrée par la translation t 7−→ t + 1,l’espace des fonctions σ-invariantes sur R∗ s’identifie à la somme directede deux copies de l’espace des fonctions complexes C∞ et 1-périodiquessur R donc à la somme directe de deux copies de l’espace C∞(S1) desfonctions complexes C∞ sur le cercle S1 = R/Z. On le notera V ; ona ainsi V = C∞(S1) ⊕ C∞(S1). On a une application linéaire continueI : f ∈ V 7−→

∫ 1λf(t)dt ∈ C. On notera V0 son noyau. D’où une décompo-

sition en somme directe V = V0 ⊕ (C ⊗ 1) où 1 est la fonction constanteégale à 1 sur R∗.• On rappelle que, pour tout espace vectoriel E muni d’une action de Z

engendrée par un automorphisme σ : E −→ E, H1(Z, E) = E/〈f − σf〉 où〈f−σf〉 est le sous-espace de E engendré par les éléments de la forme f−σfavec f parcourant E. Dans notre situation H1(Z, C∞(R)) est le quotientde C∞(R) par le sous-espace engendré par les fonctions g ∈ C∞(R) dela forme g = f − f σ. Nous sommes donc amenés à résoudre l’équationfonctionnelle : étant donnée g ∈ C∞(R), existe-t-il f ∈ C∞(R) telle queg(t) = f(t)− f(λt) pour tout t ∈ R. Une condition nécessaire est g(0) = 0.En fait, elle est suffisante ; la solution est donnée par la série (convergente

pour la topologie C∞) f(t) =∞∑n=0

g(λnt). Par suite le sous-espace 〈f − σf〉

est exactement le noyau de la forme linéaire continue g ∈ C∞(R) 7−→g(0) ∈ C et donc H1(Z, C∞(R)) est isomorphe à C et est représenté parles fonctions constantes.• L’action de Z sur R∗ via σ est libre et propre ; le quotient est la somme

disjointe de deux copies du cercle S1. Comme R∗ est acyclique (en coho-mologie réelle), on a :

H1(Z, C∞(R∗)) = H1(Z,H0(R∗, C∞(R∗))) = H1(R∗/Z,C) = C⊕ C

où C∞(R∗) est le faisceau des germes de fonctions complexes C∞ sur R∗.(La première égalité découle de la dégénérescence au deuxième terme de lasuite spectrale associée au revêtement de groupe Z : R∗ −→ R∗/Z.)

Dans la suite exacte en cohomologie, les applications j0∗ et j1

∗ sont donnéesrespectivement par j0

∗(a) = a (fonction constante égale à a) et j1∗(b) =

(b, b). L’application j1∗ est donc injective ; par suite l’homomorphisme de

connexion c est l’application nulle. La suite exacte se partage donc en deux

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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738 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

sous-suites exactes courtes :

0 −→ Cj0∗−→ V

π0∗−→W σ −→ 0

et

0 −→ Cj1∗−→ C⊕ C

π1∗−→ H1(Z,W ) −→ 0

(Ici W σ est l’espace H0(Z,W ) qui est constitué des invariants de W parl’action de Z induite par σ.) De ces deux suites exactes on déduit queW σ = V/C ' V0 et H1(Z,W ) ' C.• Soit Θ∗ l’espace des fonctions C∞ et F-holomorphes sur l’ouvert

U012 = C∗ × C∗ × R∗ et qui s’écrivent

f(z1, z2, t) =∑

m1,m2∈N∗

γm1m2(t)zm1

1 zm22

où γm1m2 ∈ C∞(R∗) avec les conditions de convergence C∞ habituelles.Il contient l’espace Θ des fonctions C∞ et F-holomorphes sur l’ouvertU012 = C∗ × C∗ × R et qui s’écrivent sous la même forme mais cettefois-ci γm1m2 ∈ C∞(R) (avec aussi les conditions de convergence C∞ habi-tuelles). On a donc une injection Θ → Θ∗ et le quotient Θ∗/Θ s’identifie àl’espace vectoriel de cohomologie H2(M,HF ). Ses éléments peuvent s’inter-

préter comme des séries∑

m1,m2∈N∗

γm1m2(t)zm1

1 zm22

dont les coefficients sont dans

le groupe W .Reprenons maintenant le difféomorphisme σ : t 7−→ λt ∈ R qui défi-

nit comme nous l’avons vu une action de Z sur l’espace de Fréchet C∞(R).Celle-ci induit une action (qu’on notera encore σ) de Z sur l’espace

H0,1F

(M) =

∑m1∈N∗m2∈N∗

γm1m2(t)zm1

1 zm22

donnée par

σ(f)(z1, z2, t) =∑m1∈N∗m2∈N∗

γm1m2(λt)λm1+m2zm1

1 zm22

et qui fait donc de l’espace H0,1F

(M) un Z-module qu’on notera L (poursimplifier les notations dans les calculs qui vont suivre).

Posons ∆ = H2(M,HF ) = Θ∗/Θ. On a une action de Z sur ∆ induite parl’automorphisme du feuilletage F : γ : (z1, z2, t) ∈ M 7−→ (λz1, λz2, λt) ∈

ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 739

M et ses restrictions aux divers ouverts invariants :

[f ] =

∑m1,m2∈N∗

γm1m2(t)zm1

1 zm22

7−→ γ[f ] =

∑m1,m2∈N∗

γm1m2(λt)λm1+m2zm1

1 zm22

où, pour f ∈ Θ∗, [f ] désigne sa classe d’équivalence dans ∆. On notera∆γ le sous-espace de ∆ dont les éléments sont les γ-invariants. Bien en-tendu, un élément de ∆γ est représenté par une fonction f(z1, z2, t) =∑m1,m2∈N∗

γm1m2(t)zm1

1 zm22

avec γm1m2 ∈ C∞(R∗) telle que γf − f représente la

classe nulle dans ∆ i.e., pour tout (m1,m2) ∈ N∗2, la fonction γm1m2(t) =γm1m2(t)λm1+m2

− γm1m2(t) est dans l’image de la restriction ρ : C∞(R∗) −→C∞(R). On a finalement le :

Théorème 2.1. — On a :

(4) H0,∗F (M) =

C si ∗ = 0

C⊕

∑m1∈N∗m2∈N∗

cm1m2

tm1+m2

zm11 zm2

2

si ∗ = 1

H1(Z, L)⊕∆γ si ∗ = 20 si ∗ > 3

où, pour tout (m1,m2) ∈ N∗ × N∗, les cm1m2 sont des constantes com-

plexes telles que la série∑m1∈N∗m2∈N∗

cm1m2

tm1+m2

zm11 zm2

2converge uniformément sur

tout compact de C∗ × C∗ × R.

Démonstration. — Pour des raisons évidentes de degré, Hq(M,HF ) = 0pour q > 3. Reste à calculer seulement Hq(M,HF ) = 0 pour 0 6 q 6 2.

On a un revêtement feuilleté π : M −→M de groupe Γ ' Z engendré parl’automorphisme γ du feuilletage F . Le faisceauHF des germes de fonctionsF-holomorphes sur M est le relevé par π du faisceau HF des germes defonctions F-holomorphes sur M . On a alors une suite spectrale de termeEp,q2 = Hp(Γ,Hq(M,HF )) et convergeant vers H0,∗

F (M). Comme Γ = Z, ladifférentielle d2 : Epq2 −→ Ep+2,q−1

2 est nulle et donc la suite stationne déjàau terme E2. Ce qui nous donne, pour tout ` ∈ N H0,`

F (M) =⊕p+q=`

Epq2 .

De façon plus précise :

H0,0F (M) = E00

2 = H0(Γ,H0(M,HF )) = Eσ

= éléments de HF (M) invariants par γ

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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740 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

H0,1F (M) = E01

2 ⊕ E102 = H0(Γ,H1(M,HF ))⊕H1(Γ,H0(M,HF ))

c’est-à-dire H0,1F (M) = éléments de L invariants par σ⊕H1(Γ,HF (M)).

De même :

H0,2F (M) = E02

2 ⊕ E112 ⊕ E20

2 = H0(Γ,H2(M,HF ))⊕H1(Γ,H0(M,HF ))

Ici on a utilisé le fait que E202 = H2(Γ,H0(M,HF )) = 0 car Γ ' Z.

Mais H0(Γ,H2(M,HF )) n’est rien d’autre que l’espace des invariants deH2(M,HF ) par l’automorphisme induit par le difféomorphisme

γ : (z1, z2, t) ∈ C∗ × C∗ × R∗ 7−→ (λz1, λz2, λt) ∈ C∗ × C∗ × R∗

que nous allons calculer de façon précise.

En degré ∗ = 0Rappelons qu’on a l’égalité HF (M) = HF (C2 × R). Il est alors clair

que toute fonction f ∈ HF (C2 × R) invariante par γ est constante ; d’oùH0,0F (M) = C engendré par la fonction constante égale à 1.

En degré ∗ = 1Donner explicitement l’espace H0,1

F (M), revient à calculer l’espace

H1(Z,HF (C2× R)) et les éléments de H0,1F

(M) =

∑m1∈N∗m2∈N∗

γm1m2(t)zm1

1 zm22

in-

variants par σ.

• L’espace H1(Z,HF (C2 × R))On sait qu’il s’identifie canoniquement au conoyau de l’opérateur linéaire

(et continu) δ : HF (C2 × R) −→ HF (C2 × R) défini par δ(f) = f − f γ.Cela revient à se donner g ∈ HF (C2 × R) et à chercher f ∈ HF (C2 × R)telle que, pour tout (z1, z2, t) ∈ C2 × R, on ait :

f(z1, z2, t)− f(λz1, λz2, λt) = g(z1, z2, t).

Une condition nécessaire pour que cette équation cohomologique ait unesolution est g(0, 0, 0) = 0. On va la supposer remplie. On a alors une solu-

tion formelle f(z1, z2, t) =∞∑k=0

g(λkz1, λkz2, λ

kt). La « dérivée » (formelle)

d’ordre s ∈ N∗ en t s’écrit

∂sf

∂ts(z1, z2, t) =

∞∑k=0

λks∂sg

∂ts(λkz1, λ

kz2, λkt).

ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 741

Soient R > 0 et K la boule fermée de C2 × R de centre l’origine etde rayon R ; alors, comme λks tend vers 0 quand k → +∞, la famille∂sg∂ts (λkz1, λ

kz2, λkt) y est bornée par une constante C > 0 indépendante

de k. Ceci permet de montrer que toutes les séries dérivées en questionconvergent uniformément sur tout compact. Comme la série elle-mêmeconverge au point 0, elle converge finalement (au sens de ce qu’il faut)vers une fonction f ∈ HF (C2 × R) solution de l’équation f − f γ = g.L’image de l’opérateur δ est donc le noyau de la fonctionnelle F-analytiqueg ∈ HF (C2 × R) 7−→ g(0) ∈ C. Ceci montre que l’espace vectorielH1(Z,HF (C2 × R)) est isomorphe à C et est engendré par la fonctionconstante égale à 1.• Les invariants de H0,1

F(M)

On doit chercher les éléments de H01F

(M) =

∑m1∈N∗m2∈N∗

φm1m2(t)zm1

1 zm22

qui sont

invariants par l’action de σ donnée par

(σ · f)(z1, z2, t) =∑m1∈N∗m2∈N∗

φm1m2(λt)λm1+m2zm1

1 zm22

.

De tels éléments doivent satisfaire la condition d’invariance φm1m2(λt) =λm1+m2φm1m2(t) pour tout couple (m1,m2) ∈ N∗×N∗. Posons k = m1+m2et cherchons les fonctions complexes φ ∈ C∞(R) qui vérifient φ(λt) =λkφ(t). La fonction b(t) = tk vérifie la condition b(λt) = λkb(t). Soit φ ∈C∞(R) une autre fonction vérifiant la même condition ; alors, pour t 6= 0,la fonction ψ(t) = φ(t)

tkvérifie ψ(λt) = ψ(t). On doit avoir φ(t) = ψ(t)tk

avec ψ définie sur R∗ et telle que ψ(λt) = ψ(t). Soit ε > 0 assez petitet développons φ en série de Taylor sur l’ouvert U =] − ε,+ε[ : φ(t) =φ(0) + φ′(0)t+ · · ·+ φ(k)(0)

k! tk + · · · Comme la fonction φ(t)tk

est bornée surU∗ =]−ε,+ε[\0 (car coïncide sur ]0, ε[ avec ψ qui est invariante par l’ho-mothétie t ∈]0,+∞[ 7−→ λt ∈]0,+∞[), on a forcément φ(i)(0) = 0 pour i =0, 1, · · · , k−1. Par suite φ(t) = tkψ(t) sur U . La fonction ψ est donc en faitdéfinie sur U ; comme elle vérifie ψ(λt) = ψ(t), elle est constante. Par suiteφ est un multiple par une constante de la fonction b(t) = tk. On en déduit

que le sous-espace des invariants de H0,1F

(M) est

∑m1∈N∗m2∈N∗

cm1m2

tm1+m2

zm11 zm2

2

.

Ce qui donne H0,1F (M) = C ⊕

∑m1∈N∗m2∈N∗

cm1m2

tm1+m2

zm11 zm2

2

où les coefficients

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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742 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

cm1m2 sont des constantes telles que la série∑m1∈N∗m2∈N∗

cm1m2

tm1+m2

zm11 zm2

2converge

uniformément sur tout compact.

En degré ∗ = 2Comme précédemment, E11

2 est l’espace H1(Z, L) et qu’on ne sait pas dé-terminer explicitement pour l’instant ! L’espace E02

2 = H0(Z,H2(M,HF ))n’est rien d’autre que ∆γ i.e. celui des éléments de ∆ = H2(M,HF ) =Θ∗/Θ invariants par γ et qu’on a déjà décrit.

Ceci termine la démonstration du théorème et donc le calcul de la coho-mologie de Dolbeault feuilletée pour le feuilletage complexe affine de Reebsur la variété de Hopf S4 × S1.

3. Un feuilletage complexe sur le tore hyperbolique Tn+1A

On va d’abord introduire les ingrédients et les divers espaces fonction-nels qui serviront dans les calculs et à l’investigation de la cohomologie deDolbeault feuilletée H0,∗

F (Tn+1A ) ainsi que d’autres invariants rattachés à ce

feuilletage complexe.

3.1. Quelques préliminaires

On note v1, · · · , vn des vecteurs propres unitaires associés respective-ment aux valeurs propres λ1, · · · , λn de la matrice A. (Les composantesde vi seront notées (κi1, · · · , κin).) On vérifie facilement que les champsde vecteurs Y = ∂

∂t et Xi = λtivi = λti

(κi1∂∂x1

+ · · ·+ κin∂∂xn

)avec i =

1, · · · , n induisent des champs sur Tn+1A . Ils vérifient les relations de cro-

chet

[Xi, Xj ] = 0[Y,Xi] = (lnλi)Xi.

Soit X l’un des champs X1, · · · , Xn (X1 par

exemple) de coordonnées (κ1, · · · , κn) associé à λ ∈ λ1, · · · , λn ; on sup-pose λ < 1 et donc ν = lnλ < 0. Les champs X,Y engendrent un sous-fibréintégrable du fibré tangent à Tn+1

A et définissent donc un feuilletage F . Enfait, F est aussi défini par le sous-groupe H de G, produit semi-directde la direction propre Eλ = RX par R agissant (sur Eλ bien sûr) parmultiplication par λt ; H est isomorphe au groupe affine GA (groupe destransformations affines préservant l’orientation de la droite réelle).

ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 743

On rappelle que la structure complexe sur les feuilles est donnée par lastructure presque complexe intégrable JF (X) = Y et JF (Y ) = −X. Lesfibrés T 10F et T 01F respectivement F-holomorphe et F-anti-holomorphesont respectivement engendrés par les champs Z = 1

2 (X − iY ) et Z =12 (X + iY ) qui sont donnés exactement par les formules :

Z = 12

[λt(κ1

∂x1+ · · ·+ κn

∂xn

)− i ∂

∂t

],

Z = 12

[λt(κ1

∂x1+ · · ·+ κn

∂xn

)+ i

∂t

]Ces champs forment une base (Z,Z) du complexifié TF⊗C du fibré tangentau feuilletage ; (Z,Z) admet pour base duale (ω, ω) où ω et ω sont les 1-formes feuilletées respectivement de type (1, 0) et de type (0, 1) donnéesexplicitement par :

ω = λ−t(κ1dx1+· · ·+κndxn)+idt et ω = λ−t(κ1dx1+· · ·+κndxn)−idt.

La (1, 0)-forme ω vérifie ∂Fω = νω∧ dt et n’est donc pas F-holomorphe. Iln’y a en fait aucune 1-forme F-holomorphe sur (Tn+1

A ,F) comme nous leverrons plus loin. Le complexe de Dolbeault feuilleté s’écrit

0 −→ Ω0,0F (Tn+1

A ) ∂F−→ Ω0,1F (Tn+1

A ) −→ 0.

On a, de façon plus précise :

Ω0,∗F (Tn+1

A ) =

C∞(Tn+1

A ) si ∗ = 0

C∞(Tn+1A )⊗ ω si ∗ = 1

et l’opérateur ∂F est défini par :

(5) ∂Ff = 12

[λt(κ1

∂f

∂x1+ · · ·+ κn

∂f

∂xn

)+ i

∂f

∂t

]⊗ ω.

3.2. Une description hiérarchique de F

Pour simplifier, on pose G = Rn oA R, M = Tn × R et M = Tn+1A .

Le groupe Γ (qui est Zn oA Z) est une extension scindée 0 −→ Γ0 =Zn −→ Γ −→ Σ = Z −→ 0. La variété M est le quotient de G parl’action du sous-groupe Γ0 (distingué dans Γ) à l’aide des difféomorphismesτi : (x1, · · · , xn, t) ∈ G 7−→ (x1, · · · , xi−1, xi + 1, xi+1, · · · , xn, t) ∈ G pouri = 1, · · · , n. La variété M est obtenue comme quotient de M par l’actionde Σ = Z engendrée par le difféomorphisme σ : (x, t) ∈ Tn × R −→(Ax, t+ 1) ∈ Tn × R.

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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744 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

Le feuilletage F sur G est un produit complexe : chaque feuille F de Fest holomorphiquement équivalente au groupe affine muni de la structurecomplexe invariante donnée par l’automorphisme JF qu’on a défini précé-demment. Les flots des champs X2, · · · , Xn engendrent un sous-groupe Tisomorphe à Rn−1 et on a G = F ×T . Les difféomorphismes τ1, · · · , τn sonten fait des éléments de Aut(G, F) et σ est un élément de Aut(M, F). Pourchaque i = 1, · · · , n, on pose :

Ci = R× · · · × R︸ ︷︷ ︸(i− 1) fois

×S1 × R× · · · × R︸ ︷︷ ︸(n− i) fois

.

Alors le quotient de G par le sous-groupe engendré par τi est une variétéMi difféomorphe à Ci × R. Le feuilletage F est invariant par l’action deτi et induit un feuilletage Fi sur Mi qui est aussi un produit complexe :ses feuilles sont obtenues en multipliant par le facteur R∗+ le flot linéaire endroites fermées de direction le champ Xi et sont toutes holomorphiquementéquivalentes à GA. Aussi bien pour (G, F) que pour les feuilletages (Mi, Fi)on a :

H0,∗F

(G) =

0 si ∗ > 1HF (G) si ∗ = 0 et H0,∗

F(Mi) =

0 si ∗ > 1HFi(Mi) si ∗ = 0.

3.3. Fonctions sur Tn+1A

La forme volume µ = dx∧ dt = dx1 ∧ · · · ∧ dxn ∧ dt sur G = RnoAR estinvariante par l’action de Γ = Zn oA Z et induit donc une forme volumesur Tn+1

A .Une fonction sur Tn+1

A est une fonction sur G = Rn oA R invariantepar Γ = Zn o Z. D’après ce qui précède, une telle fonction est identi-fiée à une fonction n-périodique, de période 1 en x1, · · · , xn et invariantepar σ : (x, t) ∈ Tn × R 7−→ (Ax, t + 1) ∈ Tn × R i.e. f(Ax, t + 1) =f(x, t) pour tout (x, t) ∈ Tn × R. Si une telle fonction f est intégrable(ou L1), elle admet un développement de Fourier

∑m∈Zn

fm(t)e2iπ〈m,x〉 où

les fm sont ses coefficients de Fourier donnés par les formules intégralesfm(t) =

∫Tn f(x, t)e−2iπ〈m,x〉dx. La condition d’invariance sur la fonction

f se traduit au niveau des fm par la relation :

(CI) fm(t+ 1) = fBm(t)

où B est la matrice transposée de A. En particulier f0 est une fonctionpériodique de période 1 en t. Toute fonction L1 sur Tn+1

A est donc une

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 745

fonction f : (m, t) ∈ Zn×R 7−→ fm(t) ∈ C où les valeurs fm(t) vérifient lacondition (CI). Nous travaillerons de cette façon tout le long de ce papier.

Pour chaque R ∈ N∗, notons CR le compact [−R,R]. La suite (CR)R∈N∗

est croissante et recouvre R. Il est bien connu que, pour tout (r, s) ∈ N2,tout R ∈ N∗ et toute fonction f ∈ C∞(Tn × R), les quantités suivantesexistent :

|fm|Rs,∞ = supt∈CR

∣∣∣∣dsfm

dts(t)∣∣∣∣ et ||f ||Rr,s = |f0|Rs,∞ +

∑m∈Zn\0

|m|r|fm|Rs,∞.

Alors || ||Rr,s est une semi-norme sur C∞(Tn × R) et la famille (|| ||Rr,s)(indexée par r, s et R) y définit la topologie C∞. Pour tout ` ∈ N, || ||R` =∑r+s6`

|| ||Rr,s est une semi-norme sur C∞(Tn × R).

Sur l’espace C∞(Tn+1A ), considéré comme le sous-espace des fonctions de

C∞(Tn × R) vérifiant la condition (CI), il suffit de considérer les normes :

(6) ||f ||r,s = |f0|s,∞ +∑

m∈Zn\0

|m|r|fm|s,∞ et || ||` =∑r+s6`

|| ||r,s

où |fm|s,∞ = supt∈[0,1]

∣∣∣∣dsfm

dts(t)∣∣∣∣ . Pour chaque ` ∈ N, on note W ` le complété

de (C∞(Tn+1A ), || ||`). On a

⋂`∈N

W ` = C∞(Tn+1A ). Cela signifie qu’une fonc-

tion f : Tn+1A −→ C est C∞ si, et seulement si, pour tout (r, s) ∈ N2 on a∑

m∈Zn|m|r|fm|s,∞ < +∞.

La matrice B agit linéairement sur le réseau Zn. Soit Λ une partie deZn contenant un et un seul représentant de chaque orbite de cette ac-tion. L’orbite de 0 est réduite à 0. Il est clair qu’on a une partitionZn =

⋃m∈Λ

Bjm : j ∈ Z.

Pour tout m ∈ Λ, soit Vm le sous-espace de C∞(Tn+1A ) engendré par la

famille de fonctions eBjm : j ∈ Z i.e. toutes les fonctions f ∈ C∞(Tn+1A )

qui s’écrivent f =∑j∈Z

fBjmeBjm. L’espace V0 est constitué des fonctions

qui ne dépendent que de la variable t et périodiques de période 1. Nousavons une décomposition en somme directe C∞(Tn+1

A ) =⊕m∈Λ

Vm.

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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746 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

3.4. Formulation du problème du ∂F

Dans notre situation précise, nous allons nous intéresser au complexedifférentiel de Dolbeault feuilleté pour p = 0 i.e. 0 −→ Ω0,0

F (Tn+1A ) ∂F−→

Ω0,1F (Tn+1

A ) −→ 0 où l’opérateur ∂F est donné de façon exacte par la for-mule

∂Ff = 12

[λt(κ1

∂f

∂x1+ · · ·+ κn

∂f

∂xn

)+ i

∂f

∂t

]⊗ ω.

Le feuilletage F étant de dimension (complexe) 1, les espaces H0,qF (Tn+1

A )sont triviaux pour q > 2. D’après la proposition 1.4, l’espace H0,0

F (Tn+1A )

est isomorphe à C. Le problème se réduit uniquement à la déterminationde H0,1

F (Tn+1A ) et de son séparé associé H0,1

F (Tn+1A ). Il consiste à se donner

α = g⊗ω ∈ Ω0,1F (Tn+1

A ) et à trouver f ∈ Ω0,0F (Tn+1

A ) = C∞(Tn+1A ) telle que

∂Ff = α, ce qui revient à résoudre l’équation :

(7) 12

[λt(κ1

∂f

∂x1+ · · ·+ κn

∂f

∂xn

)+ i

∂f

∂t

]= g

dans l’espace C∞(Tn+1A ).

Comme nous l’avons déjà fait remarquer, les fonctions L1 sur Tn+1A

peuvent être regardées comme des fonctions φ : (m, t) ∈ Zn×R 7−→ φm(t)telles que φBm(t) = φm(t + 1) (c’est la condition (CI)). Par exemple lafonction suivante ∆(m, t) = ∆m(t) = e−

2πν 〈m,v〉λ

t qui s’introduira naturel-lement par la suite, vérifie la condition (CI).

3.5. La quantité ∆(Bjm, t)

Son comportement sur l’orbite Bjm : j ∈ Z d’un élément m ∈ Zn \0 nous sera essentiel. Explicitons-le. Rappelons que 0 < λ < 1 et que〈Bjm, v〉 = 〈m, Ajv〉 = 〈m, λjv〉 = λj〈m, v〉.

i) Cas 〈m, v〉 > 0La quantité 〈Bjm, v〉 reste positive pour tout j ∈ Z. On a ainsi

limj→−∞

∆(Bjm, t) = +∞ et limj→+∞

∆(Bjm, t) = 1.

ii) Cas 〈m, v〉 < 0La quantité 〈Bjm, v〉 reste négative pour tout j ∈ Z. On a ainsi

limj→−∞

∆(Bjm, t) = 0 et limj→+∞

∆(Bjm, t) = 1.

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 747

3.6. Les fonctions F-holomorphes sur (M, F)

Rappelons que, via sa décomposition en série de Fourier, une fonctionC∞ : f =

∑m∈Zn

fmem sur M = Tn × R est une fonction f : (m, t) ∈

Zn × R 7−→ fm(t) ∈ C telle que, pour tout R ∈ N∗ et tout ` ∈ N on ait||f ||R` < +∞ où :

|fm|Rs,∞ = supt∈CR

∣∣∣∣dsfm

dts(t)∣∣∣∣

et

||f ||R` =∑r+s6`

|f0|Rs,∞ +∑

m∈Zn\0

|m|r|fm|Rs,∞

.

On a alors, par continuité de l’opérateur ∂F pour la topologie C∞ :

∂Ff(x, t) = 12∑

m∈Zn

(2iπ〈m, v〉λtfm(t) + if ′m(t)

)em(x).

Donc f est F-holomorphe si, et seulement si, on a 2iπ〈m, v〉λtfm(t) +if ′m(t) = 0 pour tout m ∈ Zn et tout t ∈ R. Si m = 0, f ′0(t) = 0pour tout t ∈ R et donc f0 est une constante. Si m 6= 0 alors fm(t) =Cme

− 2πν 〈m,v〉λ

t avec Cm constante pour tout m ∈ Zn. Nous allons exa-miner les conditions que doivent satisfaire les constantes Cm. Soit s ∈N et posons βm(t) = e−

2πν 〈m,v〉λ

t . Un calcul facile mais lourd à mener

donne dsβm

dts(t) = Ps(〈m, v〉, λt)e− 2π

ν 〈m,v〉λt

où Ps est un polynôme de

degré 2s s’écrivant Ps(U, V ) =s∑

d,`=0ad`U

dV ` où ad` sont des constantes

réelles. La condition qu’on doit avoir est que, pour tous R, d, ` ∈ N on ait∑m∈Zn

|Cm| · |〈m, v〉|dρm(`, R) < +∞ où :

ρm(`, R) = supt∈CR

λ`te−

2πν 〈m,v〉λ

t

=

λ−`Re−

2πν 〈m,v〉λ

R si 〈m, v〉 est négatif

λ−`Re−2πν 〈m,v〉λ

−R si 〈m, v〉 est positif.Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on a |〈m, v〉| 6 |m| · |v| = |m| (v étantde norme 1) ; on doit donc avoir finalement

∑m∈Zn

|Cm|·|m|dρm(`, R) < +∞.

Ainsi :

HF (M) =

f(x, t) =

∑m∈Zn

fme− 2πν 〈m,v〉λ

t

em(x)

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748 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

où les fm sont des constantes complexes telles que∑

m∈Zn|fm|·|m|dρm(`, R)<

+∞ pour tous `, d ∈ N et tout R ∈ N∗.

3.7. Les 1-formes (F ou F)-holomorphes

Rappelons qu’on a deux formes ω et ω respectivement de type (1, 0) etde type (0, 1) et qui forment un coparallélisme sur les feuilles de F . Ellessont données comme suit :

ω = λ−t(κ1dx1 + · · ·+ κndxn) + idt

etω = λ−t(κ1dx1 + · · ·+ κndxn)− idt.

Un calcul immédiat donne ∂Fω = ν4ω ∧ ω.

• Sur (M, F)Une 1-forme F-holomorphe sur M s’écrit α = hω avec ∂Fα = 0. Mais

∂Fα a pour expression ∂F (hω) = ∂Fh ∧ ω + h∂Fω, c’est-à-dire ∂Fα =(−∂0Fh+ ν

4h)ω ∧ ω où ∂0

F est l’opérateur sur l’espace C∞(Tn ×R) définipar :

∂0Fh = 1

2

[λt(κ1

∂h

∂x1+ · · ·+ κn

∂h

∂xn

)+ i

∂h

∂t

].

La 1-forme α est donc F-holomorphe si, et seulement si, la fonction h vérifie∂

0Fh = ν

4h. L’équation différentielle associée est donc :

12

[λt(κ1

∂h

∂x1+ · · ·+ κn

∂h

∂xn

)+ i

∂h

∂t

]= ν

4h.

Cette équation est équivalente au système :(2π〈m, v〉λt + iν

2

)hm(t) + h′m(t) = 0 pour tout m ∈ Zn.

Pour chaque m ∈ Zn, on a une solution hm(t) = hme− 2πν 〈m,v〉λ

t− iν2 t avechm constante pour tout m ∈ Zn. Ainsi l’espace H1

F(M) des 1-formes F-

holomorphes s’écrit :

H1F

(M) =

h(x, t) =

∑m∈Zn

hme− 2πν 〈m,v〉λ

t− iν2 tem(x)

où les hm sont des constantes complexes. Comme pour le cas des fonc-tions F-holomorphes les constantes fm sont assujeties à une condition de

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 749

convergence∑

m∈Zn\0

|hm| · |m|dρm(`, R) < +∞ pour tous `, d ∈ N et tout

R ∈ N∗. Ici :

ρm(`, R) = supt∈CR

∣∣∣λ`te− 2πν 〈m,v〉λ

t− iν2 t∣∣∣ = sup

t∈CR

λ`te−

2πν 〈m,v〉λ

t.

• Sur (Tn+1A ,F)

Une 1-forme F-holomorphe sur (Tn+1A ,F) est une 1-forme F-holomorphe

α = hω sur (M, F) invariante par l’automorphisme σ : (x, t) ∈ Tn ×R 7−→(Ax, t+1) ∈ Tn×R (du feuilletage F). Mais comme ω est déjà σ-invariante,h doit satisfaire la condition h σ = h. Si :

h(x, t) =∑

m∈Znhme

− 2πν 〈m,v〉λ

t− iν2 tem(x),

cette relation impose aux coefficients hm(t) = hme− 2πν 〈m,v〉λ

t− iν2 t de vé-rifier la condition (CI) i.e. hm(t + 1) = hBm(t) pour tout t ∈ R et toutm ∈ Zn. Un calcul simple montre alors que les constantes hm doivent satis-faire hBm = e−

iν2 hm pour tout m ∈ Zn. On a forcément h0 = 0. Si m 6= 0,

on a |hBjm| = |hm| pour tout j ∈ Z. Si hm 6= 0, la condition de convergenceest alors mise en défaut. Il n’y a donc aucune 1-forme F-holomorphe nonnulle sur (Tn+1

A ,F) i.e. l’espace vectoriel H1,0F (Tn+1

A ) est nul.

Rappelons qu’on a une partition Zn = 0 ∪⋃

m∈Λ∗

Bjm : j ∈ Z où

Λ∗ = Λ \ 0 qui est la partie de Zn \ 0 constituée par un et un seulélément de chaque orbite de B agissant sur Zn \ 0. Pour tout m ∈ Λ, onnote Hm le sous-espace de HF (M) :

Hm =

h(x, t) =∑j∈Z

hBjme− 2πν 〈B

jm,v〉λteBjm(x)

.

Le sous-espace H0 est réduit aux constantes, donc isomorphe à C. ChaqueHm est fermé et on a une décomposition en somme directe :

HF (M) = H0 ⊕⊕

m∈Λ∗

Hm.

L’opérateur δ : HF (M) −→ HF (M) défini par δh = h − h σ−1 res-pecte cette décomposition et son noyau est exactement H0. Sa restrictionà chaque Hm est une injection Hm −→ Hm. Enfin pour tout m ∈ Λ, soitH−m l’espace des fonctions h =

∑j∈Z

hBjme− 2πν 〈B

jm|v〉λteBjm(x) dans Hm

telles que hBjm = 0 pour j < j0 ou j0 ∈ Z ne dépend que de la fonction h.

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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750 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

Pour m ∈ Λ+ ∪ 0 (où Λ+ = m ∈ Zn : 〈m, v〉 > 0), on définit lesapplications linéaires Lm : HF (M) −→ C comme suit. Pour :

g(x, t) =∑

m∈Zngme

− 2πν 〈m,v〉λ

t

em(x)

on pose :

Lm(g) =∑j∈Z

gBjm et L0(g) =∫

Tn

∫ 1

0g(x, t)dxdt = g0.

On vérifie facilement que Lm et L0 ainsi définies sont des fonctionnellesF-analytiques non nulles et σ-invariantes sur (M, F). On note Nm l’inter-section de Hm avec le noyau de Lm.

Théorème 3.1. — i) On a H0,1F (Tn+1

A ) = H1(Σ,HF (M)).ii) Si g ∈ Hm avec m dans Λ+ ∪ 0, alors l’équation cohomologiqueF-analytique g = h− h σ−1 a une solution h ∈ Hm si, et seulementsi, g ∈ Nm ; ce qui implique que H1(Σ,Hm) est isomorphe à C. Ainsil’espace vectoriel H0,1

F (Tn+1A ) est de dimension infinie.

iii) Pour tout g ∈ H−m avec m ∈ Λ− = m ∈ Zn : 〈m, v〉 < 0, l’équationcohomologique g = h− h σ−1 a une solution unique h ∈ Hm.

iv) L’espace des fonctionnelles F-analytiques σ-invariantes sur (M, F)est engendré par les fonctionnelles Lm avec m ∈ Λ+ ∪ 0.

Démonstration. — i) On a une extension de groupes :

0 −→ Γ0 = Zn −→ Γ −→ Σ = Z −→ 0.

Les groupes Γ et Γ0 agissent sur H0,∗F

(G) qui se réduit à l’espace H0,0F

(G) =HF (G) d’après la sous-section 3.2 ; Σ agit sur H∗(Γ0,HF (G)). La suitespectrale de Hochschild-Lyndon-Serre associée à l’extension ci-dessus apour terme :

Epq2 = Hp(Σ,Hq(Γ0,HF (G)))

et converge vers H∗(Γ,HF (G)) = H0,∗F (Tn+1

A ). Il faut donc calculer tous lesespaces et morphismes qui interviennent dans cette suite spectrale. On peutdéjà remarquer que, comme Σ = Z, la différentielle d2 : Epq2 −→ Ep+2,q−1

2est nulle et donc la suite spectrale converge au terme E2 ; ce qui donne :

H0,1F (Tn+1

A ) = E012 ⊕ E10

2

= H0(Σ,H1(Γ0,HF (G)))⊕H1(Σ,H0(Γ0,HF (G))).

Mais :H1(Σ,H0(Γ0,HF (G))) = H1(Σ,HF (M)).

Nous allons montrer que l’espace vectoriel H1(Γ0,HF (G)) est trivial.

ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 751

• Le calcul de H1(Γ0,HF (G))

L’espaceHF (G) est un Γ0-module. Comme les espaces vectoriels H0,∗F

(G)sont triviaux pour ∗ > 1, la suite spectrale (Dr) associée au revêtementΓ0 −→ G −→ M dégénère au terme D2 et on a l’égalité :

D∗,02 = H0,∗F

(M) = H∗(Γ0,HF (G)).

On peut écrire Γ0 = Γ10 ⊕ · · · ⊕ Γn0 où, pour tout i = 1, · · · , n, Γi0 est

engendré par l’automorphisme τi ; on pose alors Γi0 = Γi0⊕· · ·⊕Γn0 . Bien sûrΓ1

0 = Γ0 et Γn0 = Γn0 . On a ainsi Γi0 = Γi0⊕Γi+10 pour tout i = 1, · · · , n− 1.

Chacun des Γi0 est une copie de Z et tous les groupes Γi0 et Γi0 (avec i =1, · · · , n) agissent sur l’espace vectoriel HF (G). La formule de Künneth encohomologie des groupes discrets donne alors, en l’appliquant à la sommedirecte Γ0 = Γ1

0 ⊕ Γ20 :

H1(Γ0,HF (G)) = H0(Γ20,HF (G))⊗H1(Γ1

0,HF (G))︸ ︷︷ ︸⊕H1(Γ2

0,HF (G))⊗H0(Γ10,HF (G))︸ ︷︷ ︸ .

Mais :H1(Γ1

0,HF (G)) = H01F1

(M1) = 0

et donc :

H1(Γ0,HF (G)) = H1(Γ20,HF (G))⊗H0(Γ1

0,HF (G)).

Le même raisonnement appliqué à la somme directe Γ20 = Γ2

0 ⊕ Γ30 donne :

H1(Γ0,HF (G)) = H1(Γ30,HF (G))⊗H0(Γ2

0,HF (G))⊗H0(Γ10,HF (G)).

En répétant ce processus, on arrive finalement à la formule :

H1(Γ0,HF (G)) = H1(Γn0 ,HF (G))⊗

n−1⊗j=1

H0(Γj0,HF (G))

.

Mais :H1(Γn0 ,HF (G)) = H1(Γn0 ,HF (G)) = H01

F(Mn) = 0

et par suite H1(Γ0,HF (G)) = 0. Ce qui donne

H01F (Tn+1

A ) = H1(Σ,HF (M)).

• L’action du groupe Σ sur l’espace Hm s’écrit σ : h ∈ Hm 7−→ hσ−1 ∈Hm. On note Cm le sous-espace deHm engendré par les éléments de la forme

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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752 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

h−hσ−1 avec h parcourant Hm. On sait alors que H1(Σ,Hm) = Hm/Cm.Le problème se ramène donc à résoudre l’équation cohomologique :

Étant donnée g ∈ Hm, existe-t-il h ∈ Hm telle que h− h σ−1 = g ?

Une condition nécessaire pour que cette équation ait une solution est que〈µ, g〉 = 0 pour toute fonctionnelle σ-invariante µ sur Hm. Écrivons h et gsous forme de séries :

h(x, t) =∑j∈Z

hBjme− 2πν 〈Bjm,v〉λteBjm(x)

etg(x, t) =

∑j∈Z

gBjme− 2πν 〈Bjm,v〉λteBjm(x)

où les hm et gm sont des constantes complexes devant satisfaire la conditionde convergence : ∑

j∈Z|hBjm| · |Bjm|dρBjm(`, R) < +∞

et ∑j∈Z|gBjm| · |Bjm|dρBjm(`, R) < +∞

pour tous `, d ∈ N et tout R ∈ R∗. On sait que les gm satisfont cettecondition de convergence (c’est la donnée du problème) et toute solutionformelle h qu’on trouvera doit aussi satisfaire cette condition pour être unevraie solution de l’équation cohomologique susmentionnée. Cette équationest équivalente au système :

(8) hp − hBp = gp pour p ∈ Bjm : j ∈ Z.

Si m = 0, g0 = 0 nécessairement ; ceci n’est rien d’autre que la conditionL0(g) = 0. Ce qui donne H1(Σ,H0) = ker δ : H0 −→ H0 = C.

Supposons m 6= 0. On a deux solutions formelles :

hp =∞∑j=0

gBjp et hp = −∞∑j=1

gB−jp.

ii) Comme δ est injectif, on doit avoir∑j∈Z

gBjp = 0 i.e. g doit véri-

fier Lm(g) = 0 c’est-à-dire g doit être un élément de l’espace Nm. Cettecondition est donc nécessaire et nous allons montrer qu’elle est suffisante.• Pour ce faire, nous aurons besoin de choisir l’ensemble Λ ⊂ Zn bien

adapté à notre problème. Il est donné par le :

ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 753

Lemme [2]. — On peut choisir l’ensemble Λ de telle sorte que pourm ∈ Λ \ 0, les suites (|Bjm|) et (|B−jm|) (indexées par j > 0) soientstrictement croissantes et que, pour tout j ∈ Z, on ait :

(9) |Bjm|2 > (|j|+ 1).

• Pour démontrer que les hp =∞∑j=0

gBjp ou hp = −−∞∑j=−1

gBjp ré-

pondent à ce que nous cherchons, il reste à vérifier la convergence de lasérie

∑j∈Z|hBjm| · |Bjm|dρBjm(`, R) pour tout R ∈ N∗ et tous `, d ∈ N.

On a :

S =∑j∈Z|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|

=∑j>0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|+

∑j<0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|.

PosonsS+ =

∑j>0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|

etS− =

∑j<0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|.

On a :

S+ 6∑j>0

(j∑k=0|Bkm|dρBkm(`, R)

)|gBjm|.

Rappelons que |m|d 6 |Bm|d6 · · ·6 |Bj−1m|d 6 |Bjm|d et que |Bjm|2 >j + 1. D’autre part :

ρBkm(`, R) = supt∈CR

∣∣∣λ`e− 2πν 〈B

km,v〉λt∣∣∣

= λ`e−2πν 〈B

km,v〉λ−R

= λ`e−2πν λ

k〈m,v〉λ−R

et donc ρm(`, R) > ρBm(`, R) > · · · > ρBjm(`, R). On obtient donc :

S+ 6 ρm(`, R)∑j>0

(j + 1)|Bjm|d · |gBjm|

6 ρm(`, R)∑j>0|Bjm|d+2 · |gBjp| (par l’inégalité (9))

< +∞.

TOME 60 (2010), FASCICULE 2

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754 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

La dernière inégalité vient du fait que la donnée g est dans HF (M). Nousavons donc montré que la série S+ converge.

Pour démontrer la convergence de la série

S− =∑j<0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|,

on remplace cette fois-ci le terme hBjm par l’expression

hBjm = −−∞∑k=−1

gBj+km

et on procède exactement par le même type de majorations que pour lasérie S+.

On vient donc de montrer que l’image de l’opérateur δ : h ∈ Hm −→(h − h σ) ∈ Hm est égale au noyau de la fonctionnelle Lm : Hm −→ Cdéfinie précédemment. On en déduit que l’espace H1(Σ,Hm) est isomorpheà C (car la fonctionnelle Lm est non nulle). Comme l’inclusion naturelleHm → HF (M) induit une injection de H1(Σ,Hm) dans H1(Σ,HF (M)) =H0,1F (Tn+1

A ), l’espace H0,1F (Tn+1

A ) « contient » tous les espaces H1(Σ,Hm)(avec m ∈ Λ+) qui sont transverses l’un à l’autre ; il est donc de dimensioninfinie.

iii) Soit g une fonction dans H−m ; il existe j0 ∈ Z tel que g soit de laforme :

g(x, t) =∑j>j0

gBjme− 2πν 〈B

jm,v〉λteBjm(x).

Les coefficients hBjm de la solution h =∑j∈Z

hBjme− 2πν 〈B

jm,v〉λtem(x) dans

Hm de l’équation cohomologique h−hσ−1 = g sont donnés par la formulehBjm =

∑k∈N

gBj+km. La quantité −∑k<0

gBj+km ne convient plus car la série

en question n’est plus toujours convergente (dû au comportement pourj → −∞ de la quantité ∆(Bjm, t) qui n’oblige plus les coefficients gBjmà avoir la décroissance qu’il faut). Comme ce qu’on a fait au point ii), ondoit montrer que cette solution formelle est en fait une vraie solution i.e.on doit établir la convergence de la série :∑

j∈Z|hBjm| · |Bjm|dρBjm(`, R)

ANNALES DE L’INSTITUT FOURIER

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 755

pour tout R ∈ N∗ et tous `, d ∈ N. On a :

S =∑j∈Z|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|

=∑j>0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|+

∑j<0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|.

PosonsS+ =

∑j>0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|

etS− =

∑j<0|Bjm|dρBjm(`, R)|hBjm|.

On a :

S+ =∑j>0|Bjm|dρBjm(`, R)

∣∣∣∣∣∞∑k=0

gB(j+k)m

∣∣∣∣∣6∑j>0

(j∑k=0|Bkm|dρBkm(`, R)

)|gBjm|

6∑j>0

(j∑k=0|Bkm|d

)ρBjm(`, R)|gBjm|

6∑j>0

(j + 1)|Bjm|dρBjm(`, R)|gBjm|

6∑j>0|Bjm|d+2ρBjm(`, R)|gBjm|

< +∞.

Occupons-nous maintenant de la somme S−. On supposera, pour la com-modité de l’écriture, que l’indice j0 est strictement négatif (ceci ne faitperdre aucune généralité). On a alors :

S− =∑j<0|Bjm|dρBjm(`, R)

∣∣∣∣∣∞∑k=0

gB(j+k)m

∣∣∣∣∣6

∑j06k6−1

∑j6k

|Bjm|dρBjm(`, R)

|gBkm|

+

∑j60|Bjm|dρBjm(`, R)

∑k>0|gBkm|

.

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756 Aziz EL KACIMI ALAOUI & Jihène SLIMÈNE

Pour des raisons similaires à celles qui ont été évoquées précédemment,toutes les séries du terme de droite convergent. Par suite la fonction h estbien dans Hm.

iv) Nous avons montré que l’espace Nm intersection de Hm avec lenoyau de la fonctionnelle analytique Lm (pour m ∈ Λ+ ∪ 0) ainsi quel’espace H−m (pour m ∈ Λ−) sont dans l’image de l’opérateur δ : h ∈HF (M) −→ (h − h σ−1) ∈ HF (M). Il n’est pas difficile de montrer quele sous-espace qu’ils engendrent (algébriquement) a pour adhérence E =⋂m∈Λ+∪0

noyau(Lm). Ceci montre clairement que l’espace des fonction-

nelles F-analytiques σ-invariantes sur (M, F) (qui est le dual deH

0,1F (Tn+1

A )) est engendré par les Lm avec m ∈ Λ+ ∪ 0. On a par consé-quent H0,1

F (Tn+1A ) = HF (M)/E . Ce qui termine la démonstration du théo-

rème énoncé.

Remerciements. Jean-Pierre Demailly nous a suggéré une correctiondans les calculs de la cohomologie du premier feuilletage. Nous l’en remer-cions.

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COHOMOLOGIE DE DOLBEAULT FEUILLETÉE 757

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Manuscrit reçu le 9 juin 2008,accepté le 2 février 2009.

Aziz EL KACIMI ALAOUIUniversité de ValenciennesLAMAV ISTV 2, Le Mont Houy59313 Valenciennes Cedex 9 (France)[email protected]ène SLIMÈNEFaculté des Sciences de MonastirDépartement de Mathématiques5919 Monastir (Tunisie)[email protected]

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