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Colloque de liège 1995 || Archéologie et linguistique indo-européennes

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Page 1: Colloque de liège 1995 || Archéologie et linguistique indo-européennes

Archéologie et linguistique indo-européennesAuthor(s): André MartinetSource: La Linguistique, Vol. 32, Fasc. 1, Colloque de liège 1995 (1996), pp. 11-16Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/30248745 .

Accessed: 14/06/2014 10:58

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ARCHEOLOGIE

ET LINGUISTIQUE INDO-EUROPEENNES

par Andre MARTINET

In contrast with a talk presenting traditional views concerning the early existence of Indo-

European in western Europe, this paper, in the wake of Marija Gimbutas' ideas, suggests a recent expansion of Indo-European languages in this part of the world.

La collaboration entre archeologues et linguistes a toujours pos6 des problkmes. Le rapprochement des hypotheses et des conclusions des deux disciplines aboutit rarement ta des coinci- dences. En ce qui concerne la reconstruction d'un indo-europeen pr6historique, ce sont les recherches de Marija Gimbutas qui, pour la premiere fois ont fourni un cadre acceptable pour les linguistes: elles permettent d'imaginer une dynamique de l'indo- europeen et d'apercevoir - au moins sur le plan phonologique - comment les tendances g6ndrales du systeme vont pouvoir aboutir, au hasard des mouvements de population, des contacts et des separations, aux vari&tes dialectales qu'on peut relever dans les documents acceAibles.

Ce dont je traiterai ci-apres visera, en fait, a dater et 'a localiser LES PROGRES DE LA DIALECTISATION aux alentours du deuxieme millenaire avant notre 're. On cherchera, en parti- culier, 'a illustrer la fagon dont de nouveaux contacts peuvent aboutir a diff6rencier des varite6s qu'on avait, au depart, reunies sous une meme d6nomination. Le titre de cet expose pourrait etre: L'INDO-EUROPEEN AU COURS DU DEUXIEME MILLENAIRE AVANT

NOTRE ERE : LE CAS DU VENETE.

La Linguistique, Vol. 32, fasc. 1/1996

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LES CONDITIONS DE L'EXPANSION INDO-EUROPEENNE

L'histoire et les periodes plus ou moins acceAibles de la pre- histoire suggerent que la diffusion de la langue ou des langues indo-europeennes ne coincide pas avec l'expansion des techniques agricoles que l'on recouvre du terme de neolithique. Il y a eu constamment conquete de nouveaux territoires et soumiAion, sinon extermination, de populations locales. L'instrument de cette

conqu te parait &tre le cheval qui, par sa viteAe, permet aux

pr'dateurs d'6chapper aux poursuites. Pour des raisons 'videntes, les cavaliers 6vitent les reliefs escarp6s, ce qui explique, par exemple, l'occupation relativement tardive de la Grace et de 1'Albanie.

Dans le proceAus de diffusion de la langue des conquerants aux nouvelles generations, il faut un deuxirme temps oiu la pre- sence de femmes chez les nouveaux arrivants aAure cette trans- miAion: les Normands, seuls sur leurs drakkars, n'ont pas impos6 leur langue a la Normandie.

Nous retenons donc ici les hypotheses de Marija Gimbutas. Elles impliquent qu'au d6but du troisieme millenaire, la pouAde vers l'ouest s'est faite eAentiellement vers l'Europe centrale et

septentrionale, depuis le BaAin du Danube jusqu'a la mer Bal-

tique et au-dela. Vers l'ouest, la zone occupee atteint a peine la mer du Nord et ne d6paAe guere le sillon rh6nan. Pour l'eAen- tiel, cette situation va se prolonger jusqu'au debut du millinaire suivant. Ceci semble impliquer qu'on se heurte, dans cette direc- tion, 'a des r6sistances que l'archeologie pourrait s'efforcer d'iden- tifier: on pense au peuple des m6galithes dont on trouve des traces dans les zones maritimes, de l'Espagne jusqu'au Danemark. Mais faut-il, a l'interieur des terres, peut- tre le long du sillon rhodanien et jusqu'en Boheme, faire intervenir les archers por- teurs de gobelets campaniformesA

L'espace ainsi ddlimite va longtemps comporter des zones

occupies par les restes de populations de langues non-indo-

europeennes. Mais ces domaines, linguistiquement hteirogenes, doivent etre en voie de resorption. II faut d'autre part envi-

sager, vers le sud, au-deli des Alpes, des residus d'anciennes

expansions indo-europeennes datant du quatrirme millUnaire, avec ou sans transmiAion, aux nouvelles generations, de la langue des conquerants.

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En reservant le cas de l'Anatolie et en concentrant notre atten- tion sur l'Europe du centre-nord et de l'est, nous pouvons tenter

d'esquiAer les tendances qui vont aboutir ' une dialectisation du domaine.

En ces matieres, on peut digager une dynamique qui couvre l'eAentiel des proceAus. La reconstruction traditionnelle pose, pour les radicaux indo-europeens, des succceAions consonne + voyelle, du type CV+CV+CV oi0 la voyelle est conserv6e comme e ou o, avec variantes contextuelles determinees notamment par la proxi- mit6 d'une <<laryngale A d'oui en latin, tego, toga. Les groupes consonantiques reguliers sont ceux qui r6sultent de la chute d'une voyelle A degr6 zero A comme, par exemple, le groupe /-kt-/ dans tectum <<toit A de teg- to-.

La plupart des consonnes r6sultent de la combinaison de deux ou plus de deux articulations concomitantes (exceptions proba- bles: /1/, /r/ oui la voix, facultative, n'est pas constitutive). Ces articulations sont concomitantes, mais souvent, succeAivement per- ceptibles, par exemple dans /kh/, /kw/, /kt/. Mais la coinci- dence articulatoire et auditive parait contribuer a la persistance du phenomine : on a pose une glottalisde /kA/, avec succeAivit6 de la perception, comme source de la sonore /g/ acoustique- ment homogene.

Le type de phenomene le plus instable est represente par /kth/ qu'on peut poser t l'initiale du mot qui disigne la terre, grec khthon, skrt. ksas. Dans les autres langues, cette unite appa- rait, dans ce meme mot ou dans les derives qui d6signent l'homme, A le terrestre A sous des formes r6duites ta h, dans lat. humus, homo, et sous la forme de d- en celtique et de g- en germanique : irl. duine, got. guma.

D'autres complexes consonantiques, comme -nt-, dans lat. dentis, grec oddntos, sont consid&res comme stabilises parce que finale- ment confondus avec les <<degres z6ro >> de succeAions -net-. Mais on a intirit a les identifier, au depart, comme des phonemes uniques prenasalisis.

Reste le cas des labio-vdlaires. Il s'agit bien de deux articula- tions concomitantes, l'une au niveau du velum, I'autre a celui des levres. Mais cette derniere se manifeste oralement apres le relachement de l'articulation velaire. On ne peut exclure la poAi- biliti que kw, par exemple, remonte a un complexe articul6 au meme instant, mais avec une perception acoustique nettement

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succeAive, du type kp analogue au kth qu'on peut poser comme l'antecedent du khth- du grec khthon. C'est eAentiellement le sort de ces labio-vdlaires dans les diffdrentes langues de la famille qui va permettre de les distinguer les unes des autres a partir de la fin du troisieme millinaire.

Le premier stade, en l'occurrence, est represent6 par l'tvolu- tion qui aboutit a palataliser les dorsales, d'oiA le s de l'iranien satam s'opposant au k du latin centum et du grec hekatdn. Ceci

permet la simplification de kw en k. Cette evolution va affecter les dialectes situes ~ l'est du domaine, au nord de la mer Noire, I'Anatolie n'&tant pas affectee. Elle va separer les proto-Hellenes des Aryens et de ceux qui, beaucoup plus tard, se singulariseront comme les Baltes et les Slaves.

A l'ouest, dans un premier temps, I'opposition de kw " k et

des paires analogues va tout d'abord se maintenir telle quelle. Des la fin du troisieme millenaire, les proto-Hellenes, a partir

de la zone danubienne, se risquent au-delk de l'Olympe et du Pinde et occupent la Grace. Ceux d'entre eux qu'on designe comme les Myceniens conservent dans leur syllabaire des signes qui indiquent qu'ils ne confondent pas les correspondants de kw et de p.

Leurs voisins a l'ouest partagent avec eux l'aAourdiAement des sonores aspirees, d'ou fero, phro, en face du b initial des equi- valents celtiques et germaniques. Ils vont, un peu plus tard, se

risquer vers le sud, au-dela des Alpes, occuper les terramare de la plaine du P6, d'oui le paAage du sens primitif de <<chemin>> du terme pont Ba celui de <<franchiAement des zones humides >>.

Ils conservent jusqu'au moment de leur installation dans le Latium et par la suite la forme quis de l'interrogatif.

Vers la meme 6poque, les Celtes vont se risquer en direc- tion de ce qui sera plus tard la Gaule pour s'6tablir en Espagne comme les Celtiberes. Il semble, qu'au depart, kw ne soit pas affecte et que les Goiddliques qui, ta cette 6poque, pouAent vers le nord-ouest et vont traverser la Manche, soient dans le meme cas.

Des Germains, situes plus au nord, on ne peut dire grand chose, sinon supposer qu'ils pr6servent alors le kw.

On peut penser que les Celtes ont, des cette epoque, com- mence a affaiblir leur p: leur grande for&t de chines, arbre pour

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lequel on reconstruit une forme *perkwus, va etre designde comme foret Hercynienne : le prefixe (s)uper va se reduire a ver et wer, d'oii le mot Verdun pour designer les collines fortifiees. Cet affai- bliAement de p doit tre en rapport avec l'opposition des occlu- sives sourdes ' des glottalisies 6nergiques qu'on pose volontiers aujourd'hui A l'origine des sonores traditionnelles. Dans des situa- tions de ce genre, on comprend que la labiale soit plus affectie

que les articulations qui font intervenir l'organe muscle qu'est la langue. Il resterait a determiner pourquoi le celtique a pre- serve plus longtemps que ses voisins cette faibleAe articulatoire des occlusives sourdes. On sait que c'est la quasi inexistence du b dans les reconstructions indo-europeennes qui est a la source de la theorie de la glottalisation. Apres l'affaibliAement du p, le cel-

tique de -1 500 ne doit plus comporter de p ni de b, ce qui incite les locuteurs a faire paAer kw et gw respectivement

' p

et a b. Ce sont ces innovateurs qui vont constituer une nouvelle vague qui va repouAer vers l'ouest les membres de la premisere. Au nord-ouest, les Bretons vont refouler les Goideliques vers le Pays de Galles, puis jusqu'en Irlande. En Gaule, I'eAentiel du territoire est affectS, meme si l'on relive des traces de maintien, dans certaines zones, des labio-vdlaires.

Ce remplacement des labio-v6laires par des labiales va affecter une seconde vague d'Italiques, ceux qui, a partir de l'Emilie, vont contourner les 6tabliAements 6trusques et gagner, par les hau- teurs, le sud de la peninsule.

De proche en proche vont etre affectis par cette elimination des labio-velaires ceux qui, catalogues comme Doriens, vont envahir la Grace et y remplacer les kw par des p ou des t.

Reste, dans cette Europe du centre-nord, entre ceux qui devien- dront les Germains et les Celtes, une population qui va s'imposer a l'attention non plus par des pouAees dans les memes sens et des caracteristiques phoniques ou grammaticales particulieres, mais par l'identite formelle des designations de groupes situis a grandes distances les uns des autres. Il s'agit des Venetes. Le latin Veneti designe auAi bien un peuple celtique, les Vannetais d'aujourd'hui, que les occupants de la V6netie actuelle. Par ailleurs, le Venetus Lacus 6tait le nom d'une partie du lac de Constance. Tacite pr6- sente une forme Venedi qui d&signerait un peuple germanique de la Vistule. A cette date, le -t- non precede de l'accent est regulik- rement paAi

' un -d- en germanique, comme on le constate

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egalement dans le vieil-anglais Winedas qui, 'a la desinence pres, s'identifie au pricedent. Les Venedi de Tacite sont sans doute la forme germanique servant a designer les voisins de l'est, ceux

qui seront constamment denommis les Wendes - d'ofi, en alle- mand, windisch qui s'oppose, dans l'onomastique, a deutsch - sans egard a leur identitt linguistique reelle, venete ou slave.

Un phenomene analogue se relive a l'ouest. A l'occident, les Venetes devaient separer les Germains, au nord, des Celtes au sud. Leur dipart vers l'ouest, en compagnie des Celtes, et vers le sud avec la premiere vague italique, a permis aux Germains de s'etendre pour 6tablir le contact avec les Celtes, d'ofi les

emprunts culturels qui ont donn6 en allemand Reich, Amt, Eise (r)n, Leder. La rencontre a pu se faire en Thuringe avec les Volcae celtes, d'ofi les formes ulterieures *walh-, *walh-isk-, aboutiAant a Welsch, anglais welsh et les emprunts balkaniques Vlah, Valaque, Valachie, designant indistinctement les Celtes ou les romanophones. Les Germains ont ete partiellement affectes par le paAage de *kw

ap comme l'atteste le f de Wolf ou de fiinfiAu d'un -p anterieur. Le cas des Venetes illustre la facilite, a ces dates, pour une

section des locuteurs indo-europdens, a s'integrer a une section voisine. Sur le plan phonique, des mutations qui nous paraiAent decisives ont pu longtemps correspondre 'a des variantes qui, a peine relevies par les usagers, n'empechaient pas la comprehen- sion mutuelle. Le Britannique Patricius, reduit a l'esclavage par les Goidels d'Irlande avant de revenir pour les 6vangdliser, a d^ se voir imm6diatement designi comme Quatricius, d'oui le Cothraige ulterieur, sans qu'aucune des personnes concerndes ne pergoive la diff6rence.

REFEARENCES

Sur les conditions de l'expansion indo-europeenne, on renvoie ' Andre Martinet,

Des steppes aux ocians, Paris, Payot, 2e ed., 1994, chap. I, II et III. Sur la reconstruction phonologique, voir Des steppes..., chap. IX, en particulier

le tableau de la page 174.

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