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revue neurologique 168 (2012) A1–A55 A25 N15 « Retour vers le passé » : hypermnésie d’une amnésie rétrograde Evangéline Bliaux a , Dorothée Pouliquen a , Dominique Parain b , Didier Hannequin a , Gaël Nicolas a , Olivier Martinaud a a Service de neurologie, CHU Charles-Nicolle, 76000 Rouen, France b Service de neurophysiologie, CHU Charles-Nicolle, 76000 Rouen, France Mots clés : Amnésie rétrograde ; Hypermnésie ; Mémoire autobiographique Introduction.– L’amnésie dissociative se caractérise principale- ment par un trouble mnésique rétrograde pur. Des troubles somatoformes peuvent être observés, mais généralement pas d’hypermnésie des souvenirs autobiographiques anciens. Observation.– MS, jeune femme de 31 ans, a présenté un tableau insolite d’amnésie rétrograde pure au réveil d’un malaise fonc- tionnel. Elle pensait avoir 15 ans et être en 1996. Elle s’étonnait de l’apparence de ses proches et des nouveautés technolo- giques. Sa soeur était surprise de la précision des souvenirs d’enfance rapportés. MS évoquait le brevet des collèges qu’elle devait passer la semaine suivante. Ces troubles ont disparu en 36 heures, en dehors d’une amnésie complète de l’épisode. Une semaine après, MS présentait la même symptomatolo- gie régressive. Sur le plan temporel, une semaine s’était aussi écoulée puisque MS pensait avoir passé son brevet. Dans ses antécédents médicaux étaient retrouvés un syndrome dépressif, des malaises somatoformes fréquents avec perte de connaissance, et des calcifications bipallidales à l’imagerie. Un bilan neuropsychologique a été réalisé à T1 (15 ans) et à T2 (retour à la normale). Au TEMPAu, les scores d’épisodicité pour la période enfance/adolescence étaient meilleurs à T1 qu’à T2. À la batterie EVE10, aucun événement après 1996 n’était connu. L’évocation de certains faits (“World Trade Center”) générait une profonde angoisse. La fluence autobiographique (élèves et professeurs de l’année en cours) était meilleure à T1 qu’à T2. Discussion.– Le modèle de la mémoire du « self » de Conway postule l’existence de 3 niveaux de connaissance autobiogra- phique (les périodes de vie, puis les évènements généraux avant d’accéder aux détails spécifiques), un souvenir peu rap- pelé étant plus difficilement accessible. L’accès direct aux détails spécifiques anciens resterait possible, ce qu’illustre bien l’excellente évocation épisodique de MS, vérifiée à chacun de ses évènements lacunaires. Conclusion.– Le stockage à long terme en mémoire autobiogra- phique permettrait, en plus des souvenirs sémantiques, de conserver certains souvenirs épisodiques anciens mais dont l’évocation serait en temps normal difficilement accessible. doi:10.1016/j.neurol.2012.01.063 N16 Comment une symptomatologie d’allure schizophrénique devient un syndrome développemental de Gerstmann : cas d’une jeune femme de 27 ans Alice Rampazzo a , Charlotte Alexandre a , Arnaud Cachia b , Dominique Willard a , Raphaël Gaillard c , Isabelle Amado a , Marie-Odile Krebs c a Inserm U894, centre référent remédiation et réhabilitation psychosociale, service-hospitalo-universitaire de santé mentale et thérapeutique, centre hospitalier Sainte-Anne, 75014 Paris, France b Groupe d’imagerie neurofonctionnelle du développement, UMR CNRS 6232, UFR de psychologie, Sorbonne, université Paris Descartes, 75006 Paris, France c Inserm U894, service-hospitalo-universitaire de santé mentale et thérapeutique, centre hospitalier Sainte-Anne, 75014 Paris, France Mots clés : Développement ; Syndrome de Gerstmann ; Psychiatrie Introduction.– À l’âge adulte, la distinction entre troubles d’apprentissage et symptomatologie psychiatrique est diffi- cile. Observation.– Melle J., 27 ans, est suivie depuis l’enfance pour des difficultés d’apprentissage. À 19 ans, elle est hospitali- sée pour un épisode psychotique d’allure schizophrénique. On retrouve dans l’enfance des troubles du caractère, et à l’adolescence des troubles du comportement alimentaire. Dans les suites de l’hospitalisation, les symptômes psycho- tiques régressent et prédominent des symptômes anxieux sévères. Il existe aussi des troubles de l’attention invalidants, bien améliorés par le methylphénidate 54mg. Traitement actuel en plus : chlorpromazine 300 mg, valproate de sodium 500 mg, amisulpride 600 mg, clonazépam 3 mg. Une évaluation neuropsychologique est effectuée six mois après introduc- tion du méthylphénidate afin d’évaluer les progrès cognitifs et d’étayer les difficultés d’apprentissage. À l’examen, le fonctionnement intellectuel est hétérogène (ICV > IOP). Sont retrouvées : une dyscalculie, des difficultés praxiques motrices et visuo-constructives, une agnosie digitale, une dysgra- phie et une confusion droite-gauche. Il existe des difficultés attentionnelles, une impulsivité, influant sur les capacités mnésiques et exécutives, en plus d’une dyslexie et d’une dys- orthographie. Discussion.– La cooccurrence d’une agnosie digitale, d’une confusion droite-gauche, d’une dyscalculie, et d’une dysgra- phie évoque la présence d’un syndrome développemental de Gerstmann (SDG). Plus fréquemment rencontré chez l’adulte suite à des lésions du gyrus angulaire de l’hémisphère domi- nant, le SDG est décrit dans la littérature associé à une dyspraxie constructive, une dyslexie, des difficultés attention- nelles, et des troubles du comportement. Conclusion.– Cette observation met en avant la nécessité en psychiatrie d’une évaluation neuropsychologique chez des patients présentant un tableau développemental atypique, afin d’en améliorer la compréhension et la prise en charge. doi:10.1016/j.neurol.2012.01.064 N17 Déficit sélectif de la reconnaissance des expressions faciales de peur chez les patients MCI Aurélie Richard-Mornas a , Céline Borg a , Yanica Klein-Koerkamp b , Adeline Paignon b , Pascal Hot b , Catherine Thomas-Antérion a a Unité de neuropsychologie, service de neurologie, CHU de Saint-Étienne, 42055 Saint-Étienne 2, France b CNRS UMR-5105, laboratoire de psychologie et neurocognition, 38000 Grenoble, France Mots clés : MCI Amnésique ; Émotion ; Expressions faciales Introduction.– Le traitement des expressions faciales émotion- nelles dans le trouble cognitif léger amnésique (MCI-a) a été peu étudié. Ce traitement complexe implique particulière- ment l’observation de la zone du regard des visages. Objectifs.– Démontrer qu’il existe des difficultés de reconnais- sance des expressions faciales au stade MCI-a. Et utiliser le regard comme indice pour orienter l’attention des sujets afin de compenser ces difficultés. Méthodes.– Douze sujets MCI-a et 17 témoins devaient identi- fier explicitement une émotion sur des visages exprimant la peur, la colère, la joie ou le neutre. Ces visages étaient pré-

Comment une symptomatologie d’allure schizophrénique devient un syndrome développemental de Gerstmann : cas d’une jeune femme de 27ans

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Service de neurologie, CHU Charles-Nicolle, 76000 Rouen, FranceService de neurophysiologie, CHU Charles-Nicolle, 76000 Rouen,rance

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nsolite d’amnésie rétrograde pure au réveil d’un malaise fonc-ionnel. Elle pensait avoir 15 ans et être en 1996. Elle s’étonnaite l’apparence de ses proches et des nouveautés technolo-iques. Sa soeur était surprise de la précision des souvenirs’enfance rapportés. MS évoquait le brevet des collèges qu’elleevait passer la semaine suivante. Ces troubles ont disparun 36 heures, en dehors d’une amnésie complète de l’épisode.ne semaine après, MS présentait la même symptomatolo-ie régressive. Sur le plan temporel, une semaine s’était aussicoulée puisque MS pensait avoir passé son brevet. Danses antécédents médicaux étaient retrouvés un syndromeépressif, des malaises somatoformes fréquents avec perte deonnaissance, et des calcifications bipallidales à l’imagerie.n bilan neuropsychologique a été réalisé à T1 (15 ans) et à T2

retour à la normale). Au TEMPAu, les scores d’épisodicité poura période enfance/adolescence étaient meilleurs à T1 qu’à2. À la batterie EVE10, aucun événement après 1996 n’étaitonnu. L’évocation de certains faits (“World Trade Center”)énérait une profonde angoisse. La fluence autobiographiqueélèves et professeurs de l’année en cours) était meilleure à1 qu’à T2.iscussion.– Le modèle de la mémoire du « self » de Conwayostule l’existence de 3 niveaux de connaissance autobiogra-hique (les périodes de vie, puis les évènements générauxvant d’accéder aux détails spécifiques), un souvenir peu rap-elé étant plus difficilement accessible. L’accès direct auxétails spécifiques anciens resterait possible, ce qu’illustreien l’excellente évocation épisodique de MS, vérifiée à chacune ses évènements lacunaires.onclusion.– Le stockage à long terme en mémoire autobiogra-hique permettrait, en plus des souvenirs sémantiques, deonserver certains souvenirs épisodiques anciens mais dont’évocation serait en temps normal difficilement accessible.

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hérapeutique, centre hospitalier Sainte-Anne, 75014 Paris, FranceGroupe d’imagerie neurofonctionnelle du développement, UMRNRS 6232, UFR de psychologie, Sorbonne, université Parisescartes, 75006 Paris, France

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Mots clés : Développement ; Syndrome de Gerstmann ;PsychiatrieIntroduction.– À l’âge adulte, la distinction entre troublesd’apprentissage et symptomatologie psychiatrique est diffi-cile.Observation.– Melle J., 27 ans, est suivie depuis l’enfance pourdes difficultés d’apprentissage. À 19 ans, elle est hospitali-sée pour un épisode psychotique d’allure schizophrénique.On retrouve dans l’enfance des troubles du caractère, età l’adolescence des troubles du comportement alimentaire.Dans les suites de l’hospitalisation, les symptômes psycho-tiques régressent et prédominent des symptômes anxieuxsévères. Il existe aussi des troubles de l’attention invalidants,bien améliorés par le methylphénidate 54 mg. Traitementactuel en plus : chlorpromazine 300 mg, valproate de sodium500 mg, amisulpride 600 mg, clonazépam 3 mg. Une évaluationneuropsychologique est effectuée six mois après introduc-tion du méthylphénidate afin d’évaluer les progrès cognitifset d’étayer les difficultés d’apprentissage. À l’examen, lefonctionnement intellectuel est hétérogène (ICV > IOP). Sontretrouvées : une dyscalculie, des difficultés praxiques motriceset visuo-constructives, une agnosie digitale, une dysgra-phie et une confusion droite-gauche. Il existe des difficultésattentionnelles, une impulsivité, influant sur les capacitésmnésiques et exécutives, en plus d’une dyslexie et d’une dys-orthographie.Discussion.– La cooccurrence d’une agnosie digitale, d’uneconfusion droite-gauche, d’une dyscalculie, et d’une dysgra-phie évoque la présence d’un syndrome développemental deGerstmann (SDG). Plus fréquemment rencontré chez l’adultesuite à des lésions du gyrus angulaire de l’hémisphère domi-nant, le SDG est décrit dans la littérature associé à unedyspraxie constructive, une dyslexie, des difficultés attention-nelles, et des troubles du comportement.Conclusion.– Cette observation met en avant la nécessité enpsychiatrie d’une évaluation neuropsychologique chez despatients présentant un tableau développemental atypique,afin d’en améliorer la compréhension et la prise en charge.

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Déficit sélectif de la reconnaissance desexpressions faciales de peur chez les patientsMCIAurélie Richard-Mornas a, Céline Borg a,Yanica Klein-Koerkamp b, Adeline Paignon b, Pascal Hot b,Catherine Thomas-Antérion a

a Unité de neuropsychologie, service de neurologie, CHU deSaint-Étienne, 42055 Saint-Étienne 2, Franceb CNRS UMR-5105, laboratoire de psychologie et neurocognition,38000 Grenoble, France

Mots clés : MCI Amnésique ; Émotion ; Expressions facialesIntroduction.– Le traitement des expressions faciales émotion-nelles dans le trouble cognitif léger amnésique (MCI-a) a étépeu étudié. Ce traitement complexe implique particulière-ment l’observation de la zone du regard des visages.Objectifs.– Démontrer qu’il existe des difficultés de reconnais-sance des expressions faciales au stade MCI-a. Et utiliser leregard comme indice pour orienter l’attention des sujets afin

de compenser ces difficultés.Méthodes.– Douze sujets MCI-a et 17 témoins devaient identi-fier explicitement une émotion sur des visages exprimant lapeur, la colère, la joie ou le neutre. Ces visages étaient pré-