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La parentalité un processus développemental Relations entre compétences parentales et conceptions de la parentalité Thèse Sonia Bélanger Doctorat en psychologie - Orientation clinique Philosophiæ doctor (Ph.D.) Québec, Canada © Sonia Bélanger, 2017

La parentalité un processus développemental

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Page 1: La parentalité un processus développemental

La parentalité un processus développemental Relations entre compétences parentales et conceptions de la

parentalité

Thèse

Sonia Bélanger

Doctorat en psychologie - Orientation clinique Philosophiæ doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Sonia Bélanger, 2017

Page 2: La parentalité un processus développemental

La parentalité un processus développemental Relations entre compétences parentales et conception de la

parentalité

Thèse

Sonia Bélanger

Sous la direction de :

Marguerite Lavallée, directrice de recherche

Page 3: La parentalité un processus développemental

III

Résumé Cette thèse porte sur le développement de l’adulte parent. Le fait de devenir parent a

un impact important sur la vie de toute personne et peut même affecter sa manière de se

définir. En effet, la parentalité implique l’apprentissage de plusieurs nouveaux rôles et

l’acceptation des nouvelles responsabilités y étant rattachées. S’inscrivant dans une

perspective qui conçoit que l’adulte se développe tout au long de sa vie (Baltes, 1987) à

travers les différentes expériences vécues, la présente thèse tente de comprendre le sens

qu’il donne à la parentalité et d’en discuter les manifestations concrètes. Plus

spécifiquement, elle vise à établir un lien entre le développement du parent adulte et les

compétences parentales les plus fréquemment étudiées dans les écrits pertinents

(attachement, empathie, fonctionnement réflexif et style d’éducation parentale). Les

participants, des parents ayant au moins un enfant âgé de 6 à 12 ans (n=100), ont répondu à

des questionnaires; certains d’entre eux ont également accepté d’être vus en entrevue

(n=49). Après avoir élaboré une grille d’analyse portant sur le développement de l’adulte

dans un contexte de parentalité, en s’appuyant sur le modèle du développement intellectuel

et éthique de (Perry, 1970, 1981), un lien a été effectué entre ce développement et les

compétences parentales retenues.

Les résultats permettent de constater une variabilité des degrés de compétences

parentales selon le niveau de développement de la parentalité observé. Considérant ces

résultats de façon dynamique et interactive, quatre dimensions interreliées se dégagent : à

une perception marquée de la responsabilité qui incombe au parent, vient se greffer une

préoccupation à savoir comment gérer le rôle d’autorité qui s’y rattache et un souci d’y

arriver à travers le type de communication à privilégier avec son enfant pour aboutir à

perception de contrôle qu’il détient en tant que parent sur la situation; ces quatre

dimensions varient selon le niveau de développement du parent. En conclusion, considérant

l’influence possible du développement de la parentalité en interaction avec les compétences

parentales sur le développement de l’enfant, une réflexion est émise quant aux éléments

susceptibles d’aider les professionnels en leur offrant des pistes d’intervention intéressantes

auprès de parents qui en exprimeraient la nécessité.

Page 4: La parentalité un processus développemental

IV

Mots clés : Développement adulte, Perry, parent, Fonctionnement réflexif, Style

d’éducation parentale, Empathie.

Page 5: La parentalité un processus développemental

V

Table des matières Résumé _________________________________________________________________ III

Table des matières ________________________________________________________ V

Liste des tableaux _______________________________________________________ VIII

Liste des figures __________________________________________________________ IX

Remerciements ___________________________________________________________ X

Introduction _____________________________________________________________ 1

Cadre théorique __________________________________________________________ 4

La parentalité ________________________________________________________________ 4 Impact de la parentalité _______________________________________________________________ 4 Rôles dans la parentalité ______________________________________________________________ 5

Le parent compétent __________________________________________________________ 7 Définition _________________________________________________________________________ 7

Diverses approches de la compétence parentale __________________________________________ 8 Déterminants de la compétence parentale _________________________________________________ 9

Déterminants individuels __________________________________________________________ 10 Déterminants environnementaux ____________________________________________________ 10

Les compétences parentales ____________________________________________________ 11 Compétences cognitives (savoir) ______________________________________________________ 11

Le fonctionnement réflexif _________________________________________________________ 12 Lien entre le fonctionnement réflexif et le développement de l’enfant. _____________________ 14

Compétences affectives (savoir-être) ___________________________________________________ 14 L’attachement ___________________________________________________________________ 15

Lien entre l’attachement et le développement de l’enfant. _______________________________ 16 L’empathie _____________________________________________________________________ 18

Lien entre l’empathie et le développement de l’enfant. _________________________________ 19 Compétences sociales – éducatives (savoir-faire)__________________________________________ 20

Les styles d’éducation parentale _____________________________________________________ 20 Lien entre le style d’éducation parentale et le développement de l’enfant. __________________ 24

Le développement de l’adulte parent ____________________________________________ 24 Le modèle développemental de Perry ___________________________________________________ 26

Lien entre le développement de l’adulte et les compétences parentales _______________________ 33 Lien entre le développement et l’attachement. ________________________________________ 34 Lien entre le développement et l’empathie. __________________________________________ 34 Lien entre le développement et le fonctionnement réflexif. ______________________________ 35 Lien entre le développement et le style d’éducation parentale. ___________________________ 36

Objectifs _______________________________________________________________ 37

Page 6: La parentalité un processus développemental

VI

Méthodologie ___________________________________________________________ 39

Devis de recherche ___________________________________________________________ 39

Description de l’échantillon ____________________________________________________ 39

Instruments _________________________________________________________________ 42 Questionnaire sociodémographique ____________________________________________________ 42 Les compétences parentales __________________________________________________________ 42

Le fonctionnement réflexif _________________________________________________________ 43 L’attachement ___________________________________________________________________ 44 L’empathie _____________________________________________________________________ 46 Le style d’éducation parentale ______________________________________________________ 47

Développement de l’adulte ___________________________________________________________ 48 Description des composantes de la grille ______________________________________________ 50

Procédure __________________________________________________________________ 52 Procédure de cueillette des données ____________________________________________________ 52 Procédure d’analyse ________________________________________________________________ 54

Résultats _______________________________________________________________ 55

Résultats des questionnaires ___________________________________________________ 55 Données descriptives _______________________________________________________________ 55 Effets des variables sociodémographiques _______________________________________________ 58 Corrélations entre les compétences parentales ____________________________________________ 59

Résultats des entrevues _______________________________________________________ 61 Entrevue sur le fonctionnement réflexif (FR) _____________________________________________ 61

Description des niveaux de fonctionnement réflexif _____________________________________ 65 Répartition des parents selon le niveau de fonctionnement réflexif __________________________ 69

Entrevue sur le style d’éducation parentale (SÉP) _________________________________________ 70 Description des styles d’éducation parentale ___________________________________________ 72

Le parent démocratique – accommodant.____________________________________________ 72 Le parent autoritaire – contrôlant. _________________________________________________ 73 Le parent permissif – indulgent. ___________________________________________________ 75

Répartition des parents selon leur style d’éducation parentale ______________________________ 76 Entrevue sur la parentalité ___________________________________________________________ 77

Description des niveaux de développement de la parentalité _______________________________ 77 Comparaison entre les niveaux pré-relativistes et relativistes ______________________________ 93 Répartition des parents selon le niveau de développement de la parentalité ___________________ 96

Effets des variables sociodémographiques _______________________________________________ 97 Comparaison des résultats aux questionnaires et à l’entrevue ________________________________ 99

Comparaison entre les compétences parentales _________________________________________ 99 Comparaison des compétences parentales et le développement de la parentalité ______________ 100

Description des compétences parentales selon le niveau de développement ____________________ 103

Discussion et conclusion _________________________________________________ 110

Le développement de la parentalité ____________________________________________ 110

Page 7: La parentalité un processus développemental

VII

Le développement de la parentalité et les compétences parentales ___________________ 113 Fonctionnement réflexif et développement de la parentalité ________________________________ 113 Empathie et développement de la parentalité ____________________________________________ 114 Style d’éducation parentale et développement de la parentalité ______________________________ 115

Analyse d’ensemble de l’évolution des paramètres étudiés _________________________ 120 Le sentiment de responsabilité parentale _____________________________________________ 120 La gestion de l’autorité ___________________________________________________________ 121 Le style de communication ________________________________________________________ 125 La perception de contrôle (sur la situation) ___________________________________________ 126

Implication dans l’intervention auprès du parent __________________________________ 127

Forces et limites de la présente étude ___________________________________________ 131

Recherches futures __________________________________________________________ 134

Bibliographie __________________________________________________________ 136

Annexes ______________________________________________________________ 141

Annexe A : Échelle de développement intellectuel et éthique _______________________ 142

Annexe B : Lettre d’invitation à participer à l’étude ______________________________ 143

Annexe C : Tableau des participants ___________________________________________ 144

Annexe D : Guide d’entrevue _________________________________________________ 146

Annexe E : Tableau récapitulatif des instruments évaluant les compétences parentales _ 148

Annexe F : Questionnaire d’attachement _______________________________________ 149

Annexe G : Questionnaire empathie ____________________________________________ 151

Annexe H : Questionnaire du style d’éducation parentale __________________________ 153

Annexe I : Grille d’analyse du développement de la parentalité _____________________ 155

Annexe J : Formulaire de consentement ________________________________________ 158

Annexe K : Citations ________________________________________________________ 161

Annexe L : Schéma des relations entre le développement de la parentalité et les compétences parentales ______________________________________________________ 170

Annexe M : Grille d’analyse d’ensemble des résultats _____________________________ 171

Page 8: La parentalité un processus développemental

VIII

Liste des tableaux Tableau 1 : Style d’éducation ................................................................................................................................... 21 Tableau 2 : Répartition des caractéristiques sociodémographiques des participants selon leur participation à l’étape 1 (n=100) et à l’étape 2 (n=49) .................................................................................................................... 40 Tableau 3 : Répartition du niveau de scolarité des participants (n=100) selon le sexe ....................................... 42 Tableau 4 : Données descriptives des sous-échelles des trois questionnaires (n=100). .................................... 56 Tableau 5 : Répartition des participants (n=100) selon les styles d’éducation parentale .................................... 57 Tableau 6 : Répartition des participants (n=100) selon le niveau d’empathie ...................................................... 57 Tableau 7 : Corrélation entre les compétentes parentales (n=100) ...................................................................... 60 Tableau 8 : Représentation des participants selon le style d’éducation parentale ............................................... 98

Page 9: La parentalité un processus développemental

IX

Liste des figures Figure 1 : Répartition des participants selon leur niveau de fonctionnement réflexif ........................................... 70 Figure 2 : Répartition des participants selon le niveau de développement de la parentalité ............................... 96 Figure 3 : Répartition des participants selon le niveau de fonctionnement réflexif et le style d’éducation parentale. ................................................................................................................................................................100 Figure 4 : Répartition des participants selon leur niveau de développement de parentalité et de fonctionnement réflexif ......................................................................................................................................................................101 Figure 5 : Répartition des participants selon leur niveau de développement de la parentalité et le style d’éducation parentale .............................................................................................................................................102 Figure 6 : Schéma des résultats obtenus en comparant le développement de la parentalité et les compétences parentales................................................................................................................................................................103

Page 10: La parentalité un processus développemental

X

Remerciements J'aimerais remercier les personnes qui ont rendu possible la réalisation de cette thèse

et qui ont contribué de près ou de loin à en faire une source de fierté et un bel

accomplissement. Mes premiers remerciements vont à Mme Marguerite Lavallée, ma

superviseure de thèse, qui a cru en mon projet d’étude dès le départ et qui m’a acceptée

comme dernière étudiante. Merci énormément pour tout ce que vous avez fait. Votre

patience, votre soutien, le partage de vos expériences et vos questionnements m’ont permis

de développer mes compétences comme chercheure, mais également de développer une

compréhension plus articulée et nuancée de la réalité, une perspective réfléchie sur la nature

humaine. J’exprime aussi tous mes remerciements aux membres de mon comité de thèse,

les professeurs Réjean Tessier et Karin Ensink, de même qu’aux membres du jury de thèse,

les professeurs Stéphane Sabourin et M. Carl Lacharité, pour leurs commentaires

enrichissants et constructifs. Je ne peux passer sous silence l’aide et le support que m’ont

accordés mes collègues du laboratoire de recherche, Mesdames Isabelle Boivin, Camille

Brisset, Séverine de Billy Garnier, Marie-Ève Perron-Bouchard, Taìs Araújo, Karine

Laforest et Monsieur Thomas Michaud-Labonté qui ont tous collaboré de près ou de loin,

lors de nos discussions enrichissantes, à me faire mieux percevoir la problématique de ma

thèse et ses diverses composantes. Grâce à leurs commentaires et critiques, j’ai pu aller plus

loin dans ma réflexion sur la parentalité.

Un merci très particulier est adressé à tous les parents qui se sont montrés intéressés

par l’étude et qui ont généreusement accepté de donner de leur temps pour dévoiler, avec

une grande ouverture, leurs perceptions et défis liés à leur rôle de parent. Mes

remerciements s’adressent aussi aux directions d’écoles qui ont permis de faciliter leur

recrutement.

Enfin, je tiens à souligner et remercier Maxime, mon conjoint, qui grâce à son

support, ses encouragements et son intérêt pour mon sujet de thèse m’a permis de

persévérer et de me rendre là où je suis aujourd’hui.

À tous, votre présence a été plus qu'importante et a contribué à la réalisation d'un

objectif de vie important pour moi. Je vous remercie pour l'appui et le soutien continu.

Page 11: La parentalité un processus développemental

1

Introduction Le fait de devenir parent est un événement marquant dans la vie des adultes et a un

impact important sur eux. Ce changement peut même affecter leur manière de se définir en tant

que personne. En effet, la parentalité - l’exercice du rôle parental - constitue une tâche qui est

vécue en elle-même comme étant complexe, impliquant l’apprentissage de plusieurs nouveaux

rôles et l’acceptation des nouvelles exigences qui y sont rattachées, dont celle d’être responsable

de la vie d’un être humain (Lacharité, Calille, Pierce, & Baker, 2016). Parmi ces nombreux rôles,

il faut citer, entre autres, celui d’assurer la sécurité et la subsistance de l’enfant (lui fournir

nourriture, toit et vêtements, favoriser son accès aux soins de santé et assurer sa protection), celui

de lui apporter tout le support socio affectif dont il a besoin (l’aimer, le réconforter, établir une

discipline, lui fournir des modèles), celui de le stimuler et de l’éduquer (à l’aide de matériel

approprié, en l’encadrant et en l’encourageant dans ses réalisations), celui de lui garantir une

surveillance constante (l’observer, prendre note de ses comportements, communiquer avec lui),

celui de structurer son univers (environnement, activités journalières, routine) et enfin, celui de

favoriser la mise en place de liens sociaux stables (famille, pairs et institutions) (Holden, 2010).

Mais les rôles parentaux ne se limitent pas à une liste d’aspects considérés nécessaires à l’enfant.

Ils sont aussi tributaires de la relation qui s’établit entre l’enfant et le parent, relation qui est elle-

même marquée de plusieurs caractéristiques du parent, de l’enfant et de son développement, de

diverses expériences parentales vécues, et de divers facteurs contextuels ou socioculturels.

Les différents rôles parentaux vont se mettre en place progressivement à travers les

expériences qui s’offrent au parent dans sa relation avec son enfant. Il n’y a effectivement pas de

formation ni de diplôme pour devenir un parent compétent. C’est en agissant que le parent

s’apprivoise à ses nouvelles fonctions. D’ailleurs, la compétence parentale ne peut jamais être

considérée comme définitivement acquise, elle se développe au fil des jours (Duclos, Laporte, &

Ross, 1994), en interaction avec l’enfant. Dans ce sens, la parentalité est source de plusieurs

questionnements et interrogations pour le parent concernant son rôle et les ajustements qu’il

nécessite afin de favoriser le développement de son enfant. Selon une enquête de l’institut de la

statistique du Québec en 2015 auprès de parents d’enfants entre 0 et 5 ans, un peu plus de la

moitié (54%) des participants sont en désaccord avec l’énoncé qu’il est difficile pour eux de

savoir si j’agis correctement avec mon enfant (Québec, 2016). Bien qu’avant la naissance de leur

Page 12: La parentalité un processus développemental

2

enfant 44% des parents se sentent prêts à bien l’accueillir, seulement 18% d’entre eux se

montrent confiants en leur compétence parentale après sa naissance (Duclos, 2009). De plus,

20% des parents d’enfant entre 0 et 5 ans mentionnent s’être mis beaucoup de pression au cours

de la dernière année concernant la façon dont ils s’occupent de leurs enfants. Les femmes ayant

davantage tendance à se mettre de la pression à ce niveau (Québec, 2016).

Cette insécurité face aux exigences de la parentalité est bien connue des spécialistes; elle

se révèle aussi à travers la prolifération de livres et d’articles qui s’adressent aux parents

concernant le développement de l’enfant et l’importance de leur rôle dans ce développement. À

cet égard, les conseils d’experts en la matière s’avèrent une source importante d’informations et

de directives dans la vie familiale pour orienter les parents sur ce qu’ils doivent faire ou ne pas

faire avec leur enfant pour lui assurer un développement le plus harmonieux possible.

L’importance qu’accorde la société au développement de l’enfant se manifeste, pour sa part,

dans la création de règlements explicites, telle par exemple, la loi sur la protection de la jeunesse

qui vise à favoriser le développement de l’enfant et à intervenir lorsqu’il y a un risque que ce

développement soit compromis.

En fait, le développement de l’enfant n’est pas si simple; il comporte plusieurs

apprentissages de natures différentes: affective, cognitive, comportementale et sociale. Ces

apprentissages, surtout ceux des premières années de vie, s’effectuent d’abord dans le contexte

familial; les parents jouent un rôle clé dans ce processus. D’où leur intérêt à connaître l’impact

de l’influence des composantes parentales sur le développement de leur enfant.

De toutes les recherches ayant tenté d’étudier les principaux facteurs influençant le

développement de l’enfant, celles concernant les parents sont très nombreuses. Ces études

cherchent le plus fréquemment à évaluer l’effet direct des conduites parentales sur le

développement de l’enfant ou à évaluer les déterminants de la conduite parentale pour

comprendre leur lien indirect sur le développement de l’enfant (Lacharité, et al., 2016). Mais très

peu se préoccupent de l’art de devenir parent ou l’expérience parentale dans une perspective

développementale, c’est-à-dire de la manière dont se développent les compétences parentales

chez les individus, des aspects jugés nécessaires pour l’acquérir et des rôles parentaux qu’on y

associe. Pourtant, depuis quelques décennies, on admet que l’individu poursuit son

Page 13: La parentalité un processus développemental

3

développement tout au long de sa vie; il ne s’arrête pas après l’adolescence; l’entrée dans le

monde adulte, les exigences et rôles à y jouer, les défis à surmonter, autant d’occasions de

transformation chez la personne.

Nombreux sont les travaux qui montrent que plusieurs étapes sont à réaliser par l’adulte

pour atteindre un niveau de développement plus complet, plus intégré. Les livres de Commons,

Richards et Armon (1984) Beyond formal operations et de Houde (1999) Les temps de la vie et

le développement psychosocial de l’adulte regroupent les travaux de nombreux auteurs qui en

font foi. Suivant les travaux de Havighurst (1972), certains de ces auteurs ont tenté d’étudier ce

développement en le mettant en relation avec les tâches qu’il incombe à l’individu de développer

au cours de sa vie.

C’est dans cette perspective que s’inscrit le présent travail. Le fait de devenir parent est

ici envisagé comme une étape développementale dans la vie d’un adulte. Cette étape implique

l’acquisition de nouvelles compétences, souvent sans modèles, pour aider l’adulte à accomplir

les rôles qui lui incombent comme parent. La présente étude vise à examiner comment l’individu

qui a déjà vécu plusieurs expériences en tant qu’adulte, et plus spécifiquement comme parent, a

évolué dans sa façon de voir la parentalité et d’organiser sa vie, entre autres familiale,

l’importance qu’il accorde aux différents rôles qu’il doit y jouer et les visées qu’il entrevoit pour

son futur et celui de son/ses enfant/s. Plus concrètement, ce travail vise à répondre aux questions

suivantes : jusqu’à quel point le parent maîtrise-t-il les compétences attendues de lui, après

quelques années d’expérience parentales nombreuses et variées? En quoi ces compétences sont-

elles associées à son niveau de développement concernant la parentalité? Quel impact ce niveau

de développement a-t-il sur la manière de jouer son rôle de parent?

Pour mener à bien ce projet, la perspective du développement tout au long de la vie

(Baltes, 1987) servira de toile de fond en rendant compte de la multi-directionnalité et de la

multi-dimensionnalité du développement adulte et par extension, du parent. Le cadre théorique

de Perry (1970, 1981) sur le développement intellectuel et éthique, par sa perspective générale,

permettra d’en décrire les grandes étapes. Dans ces étapes, seront mises en évidence diverses

caractéristiques susceptibles de favoriser l’acquisition des compétences requises pour bien

remplir les responsabilités parentales, l’étape ultime menant au plus près du « parent

Page 14: La parentalité un processus développemental

4

compétent ». La description de ces étapes tiendra compte des particularités plus directement

associées à la parentalité, telles les notions d’attachement, d’empathie, de soutien, d’autorité,

d’éducation, de responsabilité, de prise de décision. En conclusion, il sera possible de dresser un

tableau illustrant l’évolution des compétences parentales selon les différents niveaux de

développement de la parentalité qui leur sont associés et d’inférer leur influence sur le

développement de l’enfant.

Cadre théorique

La parentalité La parentalité représente l’ensemble des processus permettant au parent d’exercer son

rôle parental (C. Parent & Brousseau, 2008). Plus spécifiquement, la parentalité fait référence

aux comportements associés à l’exercice du rôle parental (Cardinal, 2010). Il faut mentionner

que, dans le présent travail, le terme parent représente la ou les personnes qui répondent aux

besoins de l’enfant sur les plans physique et psychologique et cela au-delà du fait que la

personne soit le parent biologique ou non.

Impact de la parentalité

Lorsqu’un couple prend la décision d’avoir un enfant, cette décision va entrainer

plusieurs changements dans leur vie et dans leur relation (Belsky & Rovine, 1990). L’arrivée

d’une troisième personne complètement dépendante du couple va nécessiter une grande

adaptation et une transition dans la vie à deux. Belsky et Rovine (1990) ont suivi des couples

durant les trois premières années de vie de leur enfant. Ils ont constaté que, pour de nombreux

couples, il y a une détérioration dans leur relation qui se manifeste par davantage de disputes,

moins de communication et une plus grande ambivalence vis-à-vis de leur propre relation. Par

contre, certains couples vivent plutôt une amélioration dans leur relation. Parmi les facteurs

pouvant influencer négativement la qualité de la relation conjugale, il faut noter : le fait d’être

plus jeunes, d’être en couple depuis moins longtemps et que l’un ou les deux partenaires aient

une mauvaise estime de soi (Belsky & Rovine, 1990). Mais la parentalité crée aussi de nouveaux

défis dans la vie du couple qui peuvent constituer des conditions favorables à leur

épanouissement personnel et au développement de nouvelles habiletés, comme celle de découvrir

et d’assumer le rôle de parent (Belsky & Rovine, 1990). C’est dans cette optique que la

Page 15: La parentalité un processus développemental

5

parentalité peut être envisagée comme un processus développemental où la compétence parentale

serait perçue comme la capacité de s’adapter à des situations complexes et sans cesse en

changement en fonction des différentes étapes du développement de l’enfant (Miron, 1998).

Cette vision dynamique a d’ailleurs été soulignée par certains auteurs sous le couvert de niche

développementale, une conceptualisation à l’interface de l’interaction enfant et culture (Super &

Harkness, 1986).

Acquérir les compétences requises pour bien assumer son rôle de parent est une tâche

exigeante et progressive puisqu’elle nécessite des ajustements constants en fonction du

développement de l’enfant. Ceci nécessite de la part du parent qu’il devienne moins dépendant,

plus proactif, qu’il assume davantage de responsabilités et qu’il clarifie sans cesse ses valeurs.

Dans de telles conditions, il semble possible de présager que le fait de devenir parent constitue

une expérience personnelle de développement.

Rôles dans la parentalité

Comme nous l’avons vu dans l’introduction de ce travail, le fait d’être parent implique

différents rôles. Ces rôles sont inclus dans le Code civil du Québec sous le vocable d’autorité

parentale. Selon le code,

L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité (code civil article 371-1 modifié par Loi nº 2002-305).

Selon cet article de loi, il est permis de conclure que, de façon générale, l’autorité parentale vise

à favoriser le développement de l’enfant. Il en ressort que, dans ce rôle, deux aspects inter reliés

doivent être favorisés : la socialisation et l’éducation de l’enfant.

La socialisation représente le processus par lequel l’enfant apprend les manières de

fonctionner en société ou dans les groupes sociaux afin de s’y insérer et de pouvoir fonctionner

en conformité avec les règles et normes qui y sont instituées (Rice, 1998). Tout enfant est soumis

à ce processus qui va l’amener progressivement, par ses interactions avec différents acteurs

sociaux, à développer les habiletés sociales nécessaires pour faire sa place et vivre en harmonie

Page 16: La parentalité un processus développemental

6

avec son entourage. En d’autres termes, pour le jeune enfant, les habiletés sociales représentent

l’ensemble des comportements qui vont favoriser son acceptation au sein de son groupe, en tant

que partenaire ou ami (Bee & Boyd, 2003).

Le premier groupe qui va contribuer à sa socialisation est, de toute évidence, sa famille.

En effet, grâce à ses interactions avec ses parents, l’enfant va apprendre à se situer dans le monde

social qui l’entoure en respectant les normes et usages qui y existent, dans un climat de respect et

de réciprocité. Ceci est bien conceptualisé dans le modèle écologique de Bronfenbrenner (1979)

qui montre que les microsystèmes, constitués de l’entourage immédiat de l’enfant, à savoir la

famille, l’école, la garderie et le quartier, sont ceux qui ont le plus d’impact sur l’enfant. En effet,

la majorité de ses interactions prennent place dans son milieu familial et lui permettent

d’acquérir les habiletés sociales de base. Un deuxième niveau, celui du mésosystème, qui

correspond aux interrelations (les influences réciproques) qui existent entre les microsystèmes

que fréquente l’individu, peut aussi intervenir, mais plus indirectement, dans la socialisation de

l’enfant. Par exemple, le mésosystème tient compte, entre autres, de la communication entre les

parents et l’école : un manque de communication risque d’influencer négativement les réactions

de l’enfant envers l’école. Le mésosystème peut aussi représenter une absence de cohérence

entre divers microsystèmes tels, par exemple, un comportement qui serait accepté dans un milieu

et rejeté dans un autre (Drapeau, 2008). Pour que la socialisation soit bien réussie, elle doit

passer avant tout par la relation d’attachement qui se crée entre les parents et l’enfant et qui va

influencer sa manière d’entrer en relation avec d’autres. Cette notion sera discutée plus loin.

Le processus d’éducation représente, pour sa part, la manière dont le parent s’y prend

pour réussir la socialisation de son enfant. Il vise à encourager l’enfant à intérioriser

progressivement les normes et règles imposées par le milieu social. De manière très générale,

pour arriver à cet objectif, le parent doit jouer son rôle d’autorité parentale en établissant des

règles et exigences qui permettent d’orienter la conduite, les réussites et les acquis de l’enfant

(Cloutier & Renaud, 1990). Un parent compétent au niveau de sa fonction éducative sera celui

qui connaît les besoins intellectuels et d’apprentissage associés à l’âge de son enfant. Il saura

stimuler l’enfant en créant et suggérant des occasions d’apprentissage. Pour ce faire, il fournira

du matériel et encouragera son enfant à faire des activités qui favorisent le développement

d’habiletés particulières. Le parent aura également une réaction positive face aux découvertes de

Page 17: La parentalité un processus développemental

7

son enfant en encourageant son désir d’exploration de son environnement (De Rancourt, et al.,

2004 dans (S. Parent & Dufour, 2012). Toutes ces caractéristiques soumettent le parent à une

lourde tâche qui nécessite une compétence parentale multiforme. Plusieurs auteurs s’y sont

intéressés et ont mené diverses études visant à en expliciter la nature et à en évaluer les effets.

Le parent compétent

Définition

Avant de présenter les travaux menés sur ce thème, il y a lieu de définir ce qu’on entend

par compétence parentale. Selon certains auteurs (Pouliot, Turcotte, Bouchard, & Monette,

2008), la difficulté d’en établir une définition explicite amène à l’aborder par l’étude de ses

déterminants (Pouliot, et al., 2008). De prime abord, Cardinal (2010) suggère de distinguer

capacité et compétence. Alors que la capacité parentale fait référence à l’habileté ou l’aptitude à

effectuer un ou des éléments en rapport avec le rôle parental, la compétence parentale est plus

englobante en ce qu’elle contient une composante sociale par le jugement qu’émet la société sur

cette compétence en fonction des normes et attentes qui y sont véhiculées. En ce sens, le

jugement de la compétence parentale est un construit socioculturel illustrant l’influence de la

société sur cette définition (Cardinal, 2010).

Certains auteurs ont étudié la compétence parentale en tentant d’obtenir le point de vue

des personnes directement touchées ou impliquées, soit les enfants et/ou les parents. Ainsi,

Vandenplas-Holper (1987) mentionne quelques travaux sur la définition que donnent les enfants

de la compétence parentale. Elle les résume en deux indicateurs principaux : le support (affectif)

et l’encadrement (social). Une étude québécoise a pour sa part interrogé 127 pères et mères

d'enfants de moins de cinq ans sur ce qu’ils entendent par « être un parent compétent » (Massé,

1991). De leurs réponses se dégagent trois catégories de qualités, classées selon leur importance

relative. La première catégorie, qu’on pourrait qualifier d’affective, réfère à des qualités

humaines telles que la disponibilité, la présence, l’attention, la capacité à donner de l’amour, à

démontrer son affection et à respecter son enfant. La deuxième catégorie, plus cognitive, réfère à

la capacité du parent à répondre aux divers besoins de son enfant. La troisième catégorie, qu’on

pourrait qualifier de sociale, se rapporte à la capacité du parent d’organiser l’environnement

social de l’enfant de façon à le placer dans des conditions favorables à son développement

(Massé, 1991).

Page 18: La parentalité un processus développemental

8

S’ajoute également le sentiment de compétence parentale défini comme la perception

qu’a le parent de ses propres capacités, connaissances et facilités à assumer son rôle, de même

que par la valeur qu’il lui accorde (Léonard et Paul, 1995 dans Cardinal, 2010). Ce sentiment a

un effet direct sur la compétence réelle. Si le parent n’a pas confiance en ses capacités, il se

montrera effectivement moins habile que s’il se faisait confiance (Bergeron & Laflamme, 1997;

Duclos, 2009). Selon Mash et Johnson (1983), ce sentiment de compétence parentale représente

la combinaison du sentiment d’efficacité et celui de satisfaction parentale (Sinclair & Naud,

2005). Pour Bandura (2003), le sentiment d’efficacité parentale n’est pas le résultat d’une mesure

des aptitudes du parent, mais découle plutôt de sa croyance en son pouvoir de faire face à

diverses situations. Ceci laisse supposer que tout parent qui conçoit agir correctement dans

l’exercice de son rôle aura aussi tendance à se juger efficace.

Diverses approches de la compétence parentale La compétence parentale étant influencée par certaines caractéristiques personnelles du

parent et de l’enfant, par la dynamique dyadique changeante qui s’instaure dans leur relation,

mais aussi par les attentes et normes du milieu social, il est difficile d’en établir la véritable

nature. Selon certains auteurs (Cardinal, 2010; Pouliot, et al., 2008), quatre approches permettent

d’en cerner les contours et de choisir, parmi elles, celle qui semble le mieux convenir au

chercheur. Ces quatre approches sont: 1) l’approche clinique, 2) l’approche juridique, 3)

l’approche développementale et 4) l’approche écologique.

L’approche clinique vise à identifier les habiletés que doit posséder un parent compétent

ou, au contraire, à identifier les incompétences parentales (pathologies ou incapacités parentales).

Bien que dans cette perspective, l’accent soit surtout mis sur la relation parent-enfant, les

incompétences sont davantage attribuées à des caractéristiques individuelles du parent. Dans

l’approche juridique, les parents sont présumés compétents jusqu’à ce qu’il y ait une contestation

de cette compétence auprès du tribunal. La décision appartient au juge d'établir la compétence

parentale selon la Loi sur la protection de la jeunesse. Dans ce dernier cas, les incapacités des

parents sont identifiées à partir des éléments suivants : 1) l’incapacité de répondre aux besoins

physiques, émotifs et d’apprentissage de l’enfant, 2) la présence de syndrome d’aliénation

parentale et 3) l’inadéquation des styles parentaux (Desjardins, 1999) dans (Pouliot, et al., 2008).

Page 19: La parentalité un processus développemental

9

L’approche développementale voit dans le fait de devenir parent un événement important

pour un individu puisqu’il signifie un engagement qui se poursuit tout au long de la vie. On y

considère la nature interactive des relations parent-enfant et la nature évolutive des rôles

parentaux selon le développement de l’enfant. En fait, on observerait sept stades d’évolution du

rôle de parent allant de la simple formation d’image (s’imaginer être parent) au stade final de

grands-parents, en passant par les stades de pourvoyeur de soins (0-2ans), d’autorité (2-5 ans),

d’interprétation (5-12 ans), d’interdépendance (adolescence) et du départ du jeune. Enfin,

l’approche écologique implique tout autant les caractéristiques du parent, de l’enfant et de

l’évolution de leurs interactions que les conditions environnementales et sociales à l’intérieur

desquelles elles prennent place. Cette approche s’inspire du modèle écologique de

Bronfenbrenner (1979).

Dans le contexte de la présente étude, la combinaison des approches clinique,

développementale et écologique semble intéressante en ce qu’elle permet une saisie plus globale

du phénomène. L’approche clinique est importante en ce qu’elle tente de distinguer les parents

compétents de ceux qui présentent des lacunes à ce niveau. Ayant choisi d’étudier un échantillon

de parents ayant des enfants se situant dans une même tranche d’âge, l’approche

développementale permet d'explorer les compétences parentales à la fois au stade particulier qui

leur correspond, soit le stade de l’interprétation (enfants ayant entre 5 et 12 ans), mais aussi

rétrospectivement en questionnant les parents sur leurs expériences passées, lorsque leur enfant

était plus jeune, et de façon prospective, en discutant avec eux de leurs appréhensions concernant

le futur de leur enfant. Lorsque les parents ont d’autres enfants plus jeunes ou plus vieux, il est

également possible de comparer leur pratique selon l’enfant mis en cause. Enfin, l’approche

environnementale permet d’englober différents aspects du contexte du parent pouvant ressortir

de leur propos lors de l’entrevue, tels sa participation dans le marché du travail, son statut socio-

économique ou encore son origine culturelle. Des éléments relatifs à l’âge de l’enfant sont

également possibles dans le contexte écologique, telle la relation avec l’école.

Déterminants de la compétence parentale

Selon Allès-Jardel (1995), les facteurs déterminants de la compétence parentale

dépendent des caractéristiques personnelles des parents et des résultats obtenus avec leur enfant.

Page 20: La parentalité un processus développemental

10

Ils peuvent être classés en deux grandes catégories : les déterminants individuels et

environnementaux.

Déterminants individuels Les déterminants individuels sont davantage abordés par les approches clinique et

développementale qui supposent que les compétences parentales ne sont pas innées et doivent

donc être développées (Cardinal, 2010). Mais ce développement implique des préalables qui sont

de trois ordres : une maturité affective, un bon fonctionnement intellectuel et des attentes

réalistes par rapport au rôle parental (Duclos, 2009). D’autres caractéristiques permettent

également de favoriser le développement de la compétence parentale telles que l’organisation, la

capacité d’introspection, l’efficacité à résoudre des problèmes et des habiletés de communication

(Belsky, 1984; Cardinal, 2010).

Habituellement, les caractéristiques personnelles du parent sont considérées comme étant

celles qui ont le plus d’impact sur sa compétence parentale. Ceci s’avère le cas tant du point de

vue des parents que par l’importance consacrée dans la littérature à l’approche clinique

promouvant davantage cet aspect (Cardinal, 2010). Mais ces déterminants individuels ne sont pas

les seuls en jeu, des déterminants environnementaux peuvent également affecter la compétence

parentale.

Déterminants environnementaux Les déterminants environnementaux caractérisent la qualité du soutien contextuel dont le

parent dispose pour mener à bien son rôle parental. Globalement, ceci se résume au soutien reçu

du milieu (conjoint, réseau familial, amis, communauté…) (Cardinal, 2010). D’autres

déterminants peuvent indirectement influencer la compétence parentale en agissant sur le bien-

être psychologique du parent. Les principaux déterminants de cet ordre sont la qualité de la

relation conjugale, le rapport à l’emploi et la présence d’un réseau social. L’impact du soutien

social se répercute positivement sur les parents en ce qu’il les aide à s’adapter aux pressions

économiques et sociales et favorise ainsi leur bien-être psychologique et leur santé mentale

(Cardinal, 2010). Plus spécifiquement, trois modes d’action du réseau social sont possibles : un

soutien émotionnel qui se montre affectueux et respectueux à l’égard du parent ; un soutien

instrumental qui offre des conseils et des informations pertinentes et un soutien social qui, par

l’intermédiaire de réseaux sociaux, permet de véhiculer les attentes sociales et fournit un guide

Page 21: La parentalité un processus développemental

11

des comportements appropriés. Ce dernier type de soutien est plus bénéfique quand les parents

choisissent un réseau social qui est conforme à leurs valeurs concernant l’éducation des enfants

(Cardinal, 2010).

Plusieurs événements stressants, tels que le chômage, le statut socio-économique précaire

ou encore les maladies physiques de l’enfant ou du parent, les conflits conjugaux, la

monoparentalité, le deuil, la séparation, ont été identifiés comme pouvant altérer la compétence

parentale, par le fait qu’ils exigent beaucoup d’énergie, particulièrement lorsque le parent a

l’impression de ne pas avoir de contrôle sur la situation (Cardinal, 2010). En ce sens, il est

important que le parent ait le sentiment d’être en maîtrise de son rôle parental.

Les compétences parentales Ayant recensé à partir de quelle définition et selon quels déterminants est normalement

examinée la compétence parentale dans une perspective générale, il sera question, dans cette

section, de ses différentes dimensions, le plus souvent identifiées en termes de compétences.

Pour la présente étude, sont retenues celles qui répondent au critère d’être les plus fréquemment

étudiées par les chercheurs. Elles sont regroupées en trois catégories selon les processus

impliqués, à savoir : les processus reliés aux pensées (savoir), aux affects (savoir-être), et à la

composante sociale (savoir-faire). Même si, aux fins d’analyse, chaque catégorie est traitée

séparément, il faut se rappeler que les compétences se manifestent le plus souvent comme une

combinaison de caractéristiques issues de plus d’une catégorie.

Dans la catégorie des compétences reliées au processus de la pensée se regroupent la

mentalisation et le fonctionnement réflexif. Dans la catégorie des compétences affectives sont

retenues la relation d’attachement et l’empathie qui toutes deux contribuent au sentiment de

capacité et de compétence parentale (Duclos, 2009); enfin, la catégorie des compétences sociales

retient le style d’éducation parentale.

Compétences cognitives (savoir)

La perspective cognitive des compétences parentales s’intéresse à l’influence des

opérations mentales sur la vision du monde que se crée la personne (Strassen Berger, 2000). Par

exemple, l’influence des compétences cognitives du parent est mise en évidence par les

attributions qu’il donne au comportement de son enfant. Ces attributions sont tributaires de l’idée

Page 22: La parentalité un processus développemental

12

qu’il se fait du motif qui incite son enfant à agir de telle ou telle manière. En d’autres termes, un

même comportement de l’enfant peut susciter des réactions différentes du parent selon

l’interprétation qu’il lui en donne (Bukatko & Daehler, 2003). Par exemple, un verre de lait

renversé par l’enfant suscitera des réactions différentes selon que le parent l’interprète comme un

accident ou comme une intention délibérée de la part de l’enfant. Dans le premier cas, il

demandera à son enfant de faire attention alors que dans le deuxième cas, l’enfant risque d’être

puni. D’où la nécessité pour le parent d’être capable d’inférer judicieusement les raisons ou

intentions sous-jacentes au comportement de son enfant. Ce phénomène appelé mentalisation ou

fonctionnement réflexif (Fonagy, 2008) a été étudié de différentes façons par les chercheurs. À

l’aide de l’Adult Attachment Interview (AAI), Fonagy (Fonagy, Gergely, Jurist, & Target, 2002)

a tenté de mesurer ce processus chez l’adulte, qu’il nomme le fonctionnement réflexif, lorsqu’il

est évalué dans le contexte de la relation d’attachement parent-enfant. Cette capacité est vue

comme un mécanisme facilitant la compréhension du comportement de l’enfant et favorisant une

réaction plus appropriée de la part du parent (Slade, 2008).

Le fonctionnement réflexif La mentalisation est un mécanisme qui s’acquiert avec l’expérience et en interaction avec

le monde extérieur. Elle consiste en la capacité de concevoir les différents états mentaux

(émotions, représentations imaginaires, croyances, sensations, perceptions, désirs et volitions)

qui sous-tendent son propre comportement et celui des autres (Fonagy, 2008). Pour être efficace,

ce processus nécessite une bonne représentation de soi (Fonagy, et al., 2002) et une bonne

compréhension de ses propres états mentaux. L’auteur utilise le concept de fonctionnement

réflexif lorsque la capacité de mentalisation est mesurée dans le contexte de la relation parent –

enfant et le définit, chez la mère, comme « la capacité à réfléchir sur ses propres états mentaux et

sur ceux de son enfant » (Sharp & Fonagy, 2008).

En situation d’interaction parent-enfant, lorsque l’enfant manifeste par exemple de la

colère, si le parent lui exprime en mots l’émotion qu’il ressent en lui expliquant également

comment lui-même vit la situation, l’enfant comprendra mieux ce qu’il vit et comment son

parent perçoit la situation; ayant le sentiment d’être compris, l’enfant réalisera aussi la portée de

son comportement sur les réactions des autres. Si ce type d’échanges se fait de façon régulière

entre le parent et l’enfant, celui-ci en viendra graduellement à apprendre comment contenir

Page 23: La parentalité un processus développemental

13

(réguler) et exprimer de façon adéquate et variable telle ou telle émotion, selon les circonstances.

Le parent qui fait appel à ce type d’échanges avec son enfant, non seulement manifeste sa

capacité à mentaliser ses états mentaux en relation avec ceux des autres, mais permet aussi à son

enfant de développer cette même compétence.

Le fonctionnement réflexif est évalué à l’aide d’une échelle élaborée à cette fin (Fonagy,

Target, Steele, & Steele, 1998). Cette échelle comporte 11 positions, allant de -1 à 9. Pour en

simplifier la présentation, en conformité avec le manuel de cotation, seuls les niveaux

représentés par un chiffre impair sont présentés; les autres niveaux sont considérés comme des

niveaux intermédiaires.

Le premier niveau (-1) représente toute situation où le participant refuse de répondre aux

questions ou y répond de manière inappropriée ou bizarre. Au niveau 1, peu de progrès est

observé : le parent manifeste peu ou pas de fonctionnement réflexif, son attitude étant fortement

teintée d’égocentrisme. Au niveau 3, un début de fonctionnement réflexif se manifeste sous

forme naïve ou simpliste ou sous forme d’hyper analyse. Au niveau 5, les manifestations du

fonctionnement réflexif sont plus fréquentes, mais encore peu élaborées en ce sens que la

personne arrive difficilement à donner du sens aux expériences vécues, en termes d’idées ou

d’émotions, ou se montre inconstante dans ses réflexions. Au niveau 7, on parle d’un bon niveau

de fonctionnement réflexif attribuable aux tentatives explicites de la personne de démêler les

états mentaux qui sous-tendent les comportements. À ce niveau, la conscience de ses propres

états mentaux est claire tout au long de l’entrevue et la personne tente de comprendre ceux des

autres. Comparativement au niveau précédent, apparaissent maintenant certains des éléments

suivants : des propos plus sophistiqués, une perspective originale non usuelle, une description

plus complexe d’une situation en y incorporant plusieurs états mentaux attribués aux divers

individus concernés, une séquence causale bien définie des événements ou encore une

compréhension d’une situation particulièrement souffrante en invoquant des pensées et

sentiments appropriés à cette situation. Enfin, au niveau 9, le fonctionnement réflexif de la

personne est jugé exceptionnel par le fait que les états mentaux constituent la base même de ses

réflexions, dénotant ainsi une compréhension plus globale de la complexité des états mentaux

des uns et des autres.

Page 24: La parentalité un processus développemental

14

Lien entre le fonctionnement réflexif et le développement de l’enfant. Selon certains auteurs, l’habileté du parent à mentaliser est essentielle pour développer

chez l’enfant la capacité à prendre conscience de lui-même et à réfléchir sur ses propres pensées;

cette capacité lui permettra une meilleure adaptation à l’adversité et un meilleur ajustement

social (Fonagy, Steele, Higgit, & Target, 1994). Pour Nimroody (2008), les enfants des mères

qui affichent un bon niveau de fonctionnement réflexif ont une meilleure régulation émotionnelle

au MacArthur Story Stem Battery (MSSB). Plus à même de réguler leur frustration, ils sont

moins envahis par leurs émotions, en sont plus conscients et l’expriment de façon plus adéquate.

Le fonctionnement réflexif peut être encouragé chez les parents. Le programme

d’intervention « Minding the Baby », réalisé auprès d’un groupe de mères, s’est révélé efficace

(Miller, 2009 ; Ueng-McHale, 2009). En fait, cette intervention, axée sur le fonctionnement

réflexif, semble avoir favorisé une communication plus chaleureuse de la part de la mère.

De son côté, Bleiberg (2001) résume les éléments favorables au développement et à

l’adaptation de l’enfant: son intelligence et un tempérament facile (s’adapte facilement aux

nouvelles situations et a des réactions modérées face à celles-ci, tend à vivre les émotions de

façon positive, a des routines de sommeil régulières et est facile d’approche ou à consoler pour le

parent), un environnement social et un contexte de vie où les parents se montrent chaleureux, où

il y a un fonctionnement réflexif de la part de la mère et où les interactions sont bénéfiques à

l’établissement d’une relation d’attachement sécurisante.

En somme, le fonctionnement réflexif se montre très efficace pour le développement de

l’enfant. Dans les situations d’interaction parent-enfant, il l’est d’autant plus quand le parent se

montre capable d’établir une relation d’attachement sécurisante avec son enfant. C’est de cette

compétence affective qu’il est question dans la section suivante.

Compétences affectives (savoir-être)

Il y a lieu d’abord de se demander ce que recouvre la notion d’affect. Trois aspects,

répartis selon leur niveau de complexité (du plus simple au plus complexe) la caractérise, ce

sont : l’identification des affects (savoir les nommer et les distinguer); le traitement des affects

(savoir les moduler, les raffiner) et l’expression des affects tels que vécus ou communiqués

(Jurist, 2005). Il est possible qu’une personne éprouve des difficultés avec l’un ou l’autre de ces

Page 25: La parentalité un processus développemental

15

aspects. Ces difficultés seront variables selon l’aspect vu comme problématique. En effet, une

personne qui n’arrive pas à bien identifier ses affects ne sera pas capable de reconnaître les

émotions qu’elle ressent ou celles d’autrui. Il pourrait arriver, par exemple, qu’un parent croie

que son enfant est fâché parce qu’il est renfrogné alors que ce dernier est plutôt anxieux ou triste.

Une personne qui aurait de la difficulté à gérer ses affects, se montrerait pour sa part,

incompétente à contenir ses émotions, et se laisserait emporter par elles. Enfin, des difficultés

pourraient apparaitre sur le plan de l’expression des affects, c’est-à-dire que la personne

n’arriverait pas à exprimer ses émotions de manière adaptée à la situation; cette difficulté est

souvent associée au fait que la personne ne sait pas bien identifier ses affects.

Selon Gordon (2007), la capacité à identifier correctement les émotions est importante

pour être un « parent efficace ». L’auteur explique que lorsque les parents veulent faire changer

un comportement gênant chez leur enfant, il est plus favorable qu’ils le fassent en exprimant les

sentiments désagréables qu’ils ressentent que de réprimander leur enfant (référer au « je » et non

au « tu »). Conscients des raisons qui les irritent dans le comportement de leur enfant, ils sont

aussi plus à même de lui expliquer. Dans toute communication, il y a des émotions qui

s’expriment. Savoir les identifier, les gérer et les exprimer contribue énormément au maintien de

bonnes relations, y compris celles du parent avec son enfant. Comme le décrit le point suivant,

parmi ces relations, celle qui unit le parent à son enfant, l’attachement, se révèle primordiale

pour assurer des échanges harmonieux avec lui et l’aider à se développer avec confiance et

sécurité.

L’attachement L’attachement se définit, dans le dictionnaire fondamental de la psychologie par le lien

affectif qui unit une personne à une autre (Bloch et al., 2002). Plus spécifiquement, dans le

domaine de la relation parent-enfant, ce lien affectif naît des interactions réciproques entre

l’enfant et l’adulte significatif qui lui prodigue des soins. Le fait de devenir parent est l’une des

situations qui suscitent le plus le système d’attachement chez l’adulte (Guédeney & Tereno,

2009).

Habituellement, le style d’attachement que manifeste un adulte découle du style

d’attachement qu’il a lui-même vécu durant son enfance. Les adultes ayant connu une relation

d’attachement sécurisée ont normalement une représentation positive d’eux-mêmes et des autres,

Page 26: La parentalité un processus développemental

16

sans pour autant manifester une naïveté excessive. Ils arrivent à développer des relations intimes

tout en conservant leur autonomie. Face à des difficultés, ils cherchent à maintenir un équilibre

entre l’utilisation de leurs compétences et l’appel à des ressources extérieures, révélant ainsi leur

capacité à se débrouiller seuls, tout comme à demander et recevoir de l’aide. Ils valorisent leur

travail, sans que cela interfère avec les autres sphères plus privées de leur vie (Guédeney &

Tereno, 2009).

Au travers de ces caractéristiques, il est facile d’entrevoir que l’attachement sécurisé est

bénéfique au développement de tout individu et favorable à l’acquisition des diverses

compétences que doit maîtriser l’individu au cours de sa vie, y compris celles se rapportant à son

rôle de parent.

Lien entre l’attachement et le développement de l’enfant. Le lien d’attachement parent - enfant est important pour le développement de ce dernier.

Cette première relation, par le sentiment de sécurité qu’elle procure, va progressivement se

généraliser à d’autres types de relation tout au long de son développement. Par exemple, au

moment où l’enfant entrera dans le processus de séparation-individuation, le niveau de sécurité

qu’il aura atteint, selon la qualité de son lien d’attachement à ses parents, va lui permettre de

vivre plus ou moins harmonieusement sa séparation d’eux et d’affirmer plus ou moins

adéquatement son individualité (Mahler, 2000).

En fait, trois éléments sont importants à considérer dans la théorie de l’attachement;

premièrement la prédisposition de l’enfant, dès la naissance, à interagir avec son parent,

deuxièmement, l’organisation cohérente et prévisible des interactions parent-enfant dans divers

contextes, troisièmement, la prédictibilité du développement social, émotionnel et cognitif de

l’enfant par la qualité de ses interactions avec son parent en milieu naturel et son niveau de

sécurité (Tarabulsy et al., 2008).

La fonction fondamentale de l’attachement (parent-enfant) en est une de sécurité qui va

permettre à l’enfant de développer la capacité d’autoréguler ses émotions dès le moment où il

devient apte à les reconnaître et à les exprimer adéquatement. Une régulation émotionnelle

appropriée, durant l’enfance, est associée à des compétences comportementales, des relations

prosociales avec les pairs et un niveau plus faible d’agressivité (Eisenberg et al., 1993). L’étude

Page 27: La parentalité un processus développemental

17

longitudinale de Meins, Fernyhough, Russel et Clark-Carter (1998) démontre que les enfants

ayant une relation d’attachement sécurisée sont plus à même d’incorporer les suggestions de

l’expérimentateur dans leur jeu symbolique autour de 31 mois et ont des habiletés supérieures de

mentalisation à l’âge de cinq ans.

Plusieurs études montrent le lien qui existe entre l’attachement sécurisé du parent et celui

que développe l’enfant; ce type d’attachement chez le parent aura un impact positif sur le

développement de son enfant. L’étude de Steele, Steele et Fonagy (1996), va dans ce sens en

révélant le lien entre la qualité d’attachement dont est capable le parent (plus fortement chez la

mère) et le type d’attachement que développe son enfant. Ceci permet aux auteurs d’envisager

l’existence d’une transmission intergénérationnelle de l’attachement qui pourrait s’expliquer,

selon eux, par la manière typique du parent d’interagir avec d’autres personnes. Le sentiment

général d’insécurité ou de sécurité du parent va non seulement déterminer les comportements

qu’il va transmettre à son enfant, mais également ceux qu’effectue son enfant. Deux

caractéristiques principales sont invoquées pour mieux comprendre ce processus : la sensibilité

maternelle et la mentalisation.

Le degré de sensibilité maternelle serait influencé par la sécurité ou l’insécurité de la

mère. Alors que la mère sécurisée percevrait plus facilement les signaux d’attachement de son

enfant et serait davantage en mesure d’y répondre rapidement et adéquatement, la mère

insécurisée aurait davantage tendance à rejeter son enfant ou à se sentir débordée, ce qui nuirait à

son rôle de régulation des besoins de sécurité de l’enfant (Leblanc, Mijikovitch, & Guédeney,

2009). Cependant, selon certains auteurs (Bernier & Dozier, 2003; Van Ijzendoorn, 1995), la

sensibilité maternelle n’explique qu’une faible proportion (moins de 25%) de son lien avec le

style d’attachement de l’enfant.

La mentalisation serait un autre mécanisme permettant d’expliquer la transmission

intergénérationnelle. Comme déjà mentionné, par mentalisation, on entend la conscience

réflexive de la mère, caractérisée par sa capacité à garder son enfant à l’esprit et à donner du sens

à ses états internes, ses émotions, ses pensées et ses intentions. Comprenant bien les intentions et

les émotions sous-jacentes aux comportements de son enfant, la mère serait ainsi plus apte à y

réagir (Leblanc, et al., 2009).

Page 28: La parentalité un processus développemental

18

Selon l’étude de Slade (2005), il existe une relation significative entre le type

d’attachement qu’a développé l’adulte d’abord avec ses parents, puis tout au long de sa vie et le

fonctionnement réflexif qu’il manifeste en tant que parent, tout comme il existe une relation

entre ce fonctionnement réflexif et le lien d’attachement qu’il établit avec son enfant. Les mères

ayant un attachement sécurisé ont un niveau de fonctionnement réflexif significativement plus

élevé que celles n’ayant pas un attachement sécurisé. Ceci laisse entendre que la conscience

réflexive peut expliquer le lien entre l’attachement maternel et celui de son enfant (Leblanc, et

al., 2009). Dans ses échanges avec sa mère, l’enfant sécurisé apprend à explorer ses états

mentaux et ceux d’autrui et à développer ainsi sa capacité d’y réfléchir. Sharp et Fonagy (2008)

appuient ces résultats en expliquant qu’un parent capable de bien interpréter les états mentaux de

son enfant favorisera chez ce dernier un meilleur sentiment de sécurité. Diamond (2008) va dans

le même sens en signalant que la mentalisation sera d’autant plus efficace qu’elle se réalise dans

un contexte de relation d’attachement sécurisé.

Cette dynamique parle également en faveur d’une transmission intergénérationnelle où la

capacité de mentalisation du parent, acquise durant son évolution en relation avec les personnes

significatives de sa vie, favorise l’apparition de cette même capacité chez l’enfant et ceci

d’autant plus si la relation d’attachement parent-enfant est sécurisante.

Une autre caractéristique de la personne qui se révèle liée à l’attachement et au

fonctionnement réflexif est l’empathie qui est abordée au point suivant.

L’empathie Certains auteurs notent la complexité du concept d’empathie (M. L. Hoffman, 1984) et

l’absence de consensus sur une définition scientifique claire de ce phénomène, sinon sur le fait

qu’il réfère aux émotions d’autrui (p. 103). Selon Hoffman (2008), l'empathie pour autrui

implique de manifester une réponse affective plus appropriée à la situation que vit une autre

personne qu'à la sienne (p.17). Ainsi, l’empathie représenterait la capacité à être

émotionnellement touché par la détresse des autres (Chlopan, McCain, Carbonell, & Hagen,

1985), ou encore, elle représenterait une contagion émotionnelle, le fait de réagir à la souffrance

d’autrui, une capacité d’écoute, une capacité cognitive de se représenter et de comprendre les

émotions des autres ou encore de se représenter l’ensemble des états mentaux de l’autre (Favre,

Joly, Reynaud, & Salvador, 2005).

Page 29: La parentalité un processus développemental

19

Pour Benack (1984), l’empathie comporte deux aspects : une composante affective reliée

à l’identification des émotions ressenties par l’autre et une composante cognitive liée à la

capacité de différencier ses propres émotions de celles de l’autre. Comme l’émotion ressentie par

deux individus devant une même situation peut être différente, compte tenu des points de

référence différents de chacun, dans l’empathie, il est essentiel de savoir percevoir ces

différences et de les accepter (Favre, et al., 2005). L’empathie parentale serait, dans cette

perspective, la capacité du parent à saisir et à comprendre les émotions que vit son enfant en

tâchant de les situer dans leur contexte d’apparition.

Il existe un lien entre empathie et attachement, lien principalement présent dans la

composante affective de l’empathie. Selon Britton (2010), l’attachement non sécurisé nuirait à

l’empathie alors que l’attachement sécurisé la favoriserait. Cependant, selon cette étude et

considérant le lien des concepts étudiés dans une perspective transgénérationnelle, l’attachement

romantique aurait davantage d’influence sur l’empathie que le souvenir du lien parental. Ainsi,

les expériences d’attachement (mesurées dans la relation conjugale) auraient plus d’impact sur

l’empathie que celles vécues antérieurement sans toutefois nier l’influence de ces dernières.

Lien entre l’empathie et le développement de l’enfant. Certains résultats de recherche montrent l’importance de l’empathie du parent pour un

développement positif de son enfant. Dans l’article de Lagacé-Séguin (2005), le style d’empathie

de la mère est mis en relation avec l’ajustement de l’enfant. Cent mères ont rempli les

questionnaires du Maternal Emotional Styles Questionnaire (MESQ) ainsi que celui du Child

Behavior Questionnaire (CBQ) permettant d’évaluer respectivement la présence ou non de

sensibilité maternelle concernant leur vécu émotif et celui de leur enfant ainsi que la régulation

émotionnelle de l’enfant. Les enseignants de leur enfant ont, pour leur part, rempli un

questionnaire sur le comportement de ce dernier (Child Behavior Scale) pour en évaluer

l’adaptation principalement sur les comportements pro-sociaux, anxieux ou agressifs. Les

résultats révèlent une association entre le style émotionnel maternel et la qualité de

l’autorégulation émotionnelle chez l’enfant, telle qu’évaluée par la mère. Les résultats révèlent

également que les interactions entre les éléments parentaux (sensibilité maternelle) et la

régulation émotionnelle de l’enfant permettent de prédire l’ajustement social de l’enfant évalué

par l’enseignante.

Page 30: La parentalité un processus développemental

20

L’étude de Psychogiou, Dalay, Thompson et Sonuga-Barke (2008) permet d’évaluer

certaines caractéristiques psychopathologiques de l’enfant ou du parent pouvant avoir une

influence sur l’empathie parentale. L’étude a été effectuée auprès de 268 mères ayant un enfant

d’âge scolaire provenant de 9 écoles différentes qui ont accepté de remplir plusieurs

questionnaires permettant d’évaluer certains symptômes de l’enfant (trouble déficitaire de

l’attention, problèmes émotionnels et de conduite) et de la mère (trouble déficitaire de

l’attention, symptômes dépressifs, symptômes agressifs et empathie). Les résultats de l’étude

révèlent que le trouble de conduites chez l’enfant est associé à une diminution de l’empathie de

la mère envers son enfant et une augmentation de la détresse vécue chez cette dernière. Les

caractéristiques agressives chez la mère de même que la présence de symptômes d’un trouble

déficitaire de l’attention / hyperactivité sont également associées à davantage de détresse

maternelle (Psychogiou, et al., 2008). Cependant, on n’a pas établi dans quel sens s’établit cette

association.

Compétences sociales – éducatives (savoir-faire)

Doté de compétences tant affectives que cognitives, le parent doit également savoir les

mettre en application pour favoriser le développement de son enfant, ce qui s’accomplit à travers

des compétences sociales. Cette exigence parentale se résume dans la notion d’autorité parentale

et va s’exprimer à travers le style d’éducation qu’adoptera le parent.

Comme déjà mentionnée, une fonction importante du parent est de fournir un cadre

sécurisant à son enfant. Ce cadre doit être à la fois stable et prévisible pour que l’enfant s’habitue

à fonctionner dans un univers familier et constant. Selon la pyramide des besoins de Maslow

(1943), le deuxième besoin de base à combler, après les besoins physiologiques, est celui

d’assurer la sécurité de l’enfant en délimitant bien le cadre familial et en y fixant certaines règles

et habitudes qui le guideront dans ses pensées et ses agissements. La manière dont ces règles et

habitudes seront appliquées varie selon le style d’éducation parentale.

Les styles d’éducation parentale Les différents styles d’éducation parentale permettent de catégoriser le comportement du

parent. Baumrind (1971) décrit trois styles d’éducation : permissif, autoritaire et démocratique.

Maccoby et Martin (1983), rapportés dans Bee et Boyd (2003), reprennent ces styles parentaux

en leur apportant une variante. Selon eux, les styles parentaux se définissent à partir de deux

Page 31: La parentalité un processus développemental

21

dimensions qui varient en intensité : le degré d’acceptation d’un comportement et le degré

d’exigence et de discipline adoptée. Dans une matrice à quatre cases, chaque case correspond à

un style d’autorité particulier selon l’intensité accordée à ces deux dimensions (voir tableau 1).

Tableau 1 : Style d’éducation

Degré d’acceptation ou de rejet

Degré d’exigence et de discipline Élevée (affectueux) Faible (rejet, insensibilité)

Élevé Démocratique - réciproque (fondé sur la réciprocité)

Autoritaire – autocratique (fondé sur le pouvoir)

Faible Permissif, indulgent Désengagé, indifférent, insouciant, négligent

Le style parental démocratique – réciproque représente un degré élevé sur les deux

dimensions : tout en posant des limites claires à son enfant, le parent lui prodigue de l’affection

et répond aux besoins qu’il manifeste. Il sait aussi faire en sorte que la responsabilité soit

partagée (en laisser une part à l’enfant). Se montrant capable de répondre aux demandes de son

enfant, le parent s’attend à ce que son enfant fasse de même à son égard, sans toutefois trop

exiger de lui.

Le style autoritaire est caractérisé par un degré élevé de discipline et d’exigence et un

faible degré d’acceptation et de dialogue. Maccoby et Martin (1983) décrivent ce style comme

étant autoritaire – autocratique en ce sens qu’il s’observe chez un parent qui exige beaucoup de

ses enfants sans toutefois manifester un intérêt, voire une acceptation des demandes de l’enfant.

Le parent exerce un contrôle sur l’enfant tout en limitant ses possibilités d’exprimer ses besoins.

Les règles sont établies sans discussion préalable, sans négociation. Attachant une valeur

importante au maintien de l’autorité, le parent décourage toute forme de défi ou de contestation

de cette autorité.

Les styles permissif et désengagé se caractérisent par un faible degré d’exigence et de

discipline; ils se distinguent dans le fait que le style permissif révèle un degré d’acceptation plus

Page 32: La parentalité un processus développemental

22

élevé des conduites de l’enfant avec davantage de manifestations affectueuses envers lui alors

que le style désengagé affiche plutôt un certain désintéressement et un faible investissement dans

le développement de son enfant. Selon Maccoby et Martin (1983), le parent désengagé peut être

motivé de faire ce qui est nécessaire pour l’enfant, mais avec un minimum de coût en temps et en

effort. Ce style parental reflète souvent un désir du parent de garder son enfant à distance. Ceci

contraste avec le parent dont le style d’éducation est permissif – indulgent c’est-à-dire un parent

perçu comme tolérant, affichant une attitude d’acceptation envers les désirs de son enfant et qui

cherche par tous les moyens à éviter d’exercer un contrôle sur lui, d’affirmer son autorité ou

d’imposer des exigences ou restrictions. Ce parent montre peu d’exigence dans ses attentes de

comportement mature de la part de son enfant et lui permet, quand c’est possible, de contrôler

lui-même ses propres comportements et de prendre des décisions.

Certains auteurs abordent les styles d’éducation différemment. Par exemple, Carlson

(2011) présente cinq styles parentaux (Easygoing ; My house, my rules ; Cool ; Your life is my

life; Not now I’m busy). Cette façon d’illustrer les styles d’éducation est aussi intéressante par

son caractère créatif et contemporain.

Certains liens peuvent être effectués entre les styles d’éducation décrits par Maccoby et

Martin (1983) et Carlson (2011). Le parent «Facile à vivre» (Easygoing) représente le parent

équilibré qui stimule, soutient et fournit une surveillance appropriée à l’égard de son enfant, ce

qui se rapproche du parent démocratique - réciproque. Ce parent adapte son style parental aux

besoins de son enfant et à la situation. Parmi ses qualités principales, on peut mentionner son

attitude chaleureuse, ses encouragements et un intérêt marqué pour son enfant qui se concrétisent

tout autant dans la supervision de ses comportements que dans l’élaboration de règles claires sur

les conduites attendues. Dans ses interactions avec l’enfant, il mettra surtout l’accent sur les

comportements et non sur l’enfant (en évitant les attaques personnelles lors de comportements

inappropriés), il cherchera les occasions de lui faire prendre conscience de la responsabilité de

ses actes et de la capacité à reconnaître ses erreurs.

Le style «Ma maison, mes règles» (My house, my rules), par son caractère contrôlant, est

sensiblement similaire au style autoritaire. En effet, le parent ayant ce style d’éducation accorde

plus d’importance à la conformité qu’à l’individualité et, de ce fait, décide de manière unilatérale

Page 33: La parentalité un processus développemental

23

des règles de la maison et exige que son enfant les respecte (Carlson, 2011). Souvent, le contrôle

exercé par le parent ne s’applique pas uniquement au comportement de l’enfant, mais aussi à ses

opinions, ses intérêts, ses préférences, etc.; il peut aller jusqu’à un contrôle des émotions. Pour

exercer ce contrôle, un tel parent gère les privilèges, limite le contact avec certains amis, retire

ou refuse les marques d’affection, impose des pénalités financières. Parfois le parent peut même

aller jusqu’à induire de la culpabilité, de la honte, ridiculiser, rabaisser, crier ou punir

physiquement l’enfant.

Par contre, le parent «Cool» représente un parent permissif. Pour ce parent, il est plus

important de se montrer l’ami de son enfant que de lui fournir une structure et une discipline. Un

tel parent est indulgent et fait preuve de laxisme dans la définition des règles et des attentes. Ce

parent recherche l’amour et l’approbation de son enfant / adolescent. Certains parents permissifs

ne savent pas dire non à leur enfant ou croient à tort que leur enfant est suffisamment mature

pour se gérer seul.

Quant au parent pour qui «Ta vie est ma vie» (Your life is my life), de façon caricaturée, il

représente un parent envahissant où les frontières entre son enfant et lui sont faibles, voire

inexistantes. Ce style n’existe pas dans les catégories décrites par Maccoby et Martin (1983). Ce

type de parent s’implique de façon exagérée dans la vie de son enfant. Par exemple, lorsque

l’enfant vit un problème, le parent vient à la rescousse et sauve son enfant en s’excusant d’un

comportement inapproprié. On peut caractériser ces parents en ajoutant à chacune de leur attitude

le préfixe sur- ; sur protecteur, sur contrôlant, trop perfectionniste et débordé. L’enfant étant

devenu l’objectif principal de leur vie, de tels parents sacrifient leur propre vie pour satisfaire les

envies de leur enfant.

Pour finir, le parent « Pas maintenant, je suis occupé » (Not now, I’m busy) peut en partie

être considéré comme un parent négligent. Contrairement au parent envahissant, c’est plutôt un

manque d’investissement dans son rôle parental qui le caractérise. Plusieurs attitudes rendent

compte d’un tel désengagement. Souvent surchargé de travail et davantage centré sur ses intérêts

que sur ceux de son enfant, ce parent se montre très souvent désintéressé, découragé, indifférent

ou même indisponible.

Page 34: La parentalité un processus développemental

24

Lien entre le style d’éducation parentale et le développement de l’enfant. Dans la recension effectuée par Bee et Boyd (2003), les enfants de parents démocratiques

ont une meilleure estime de soi, sont plus indépendants et davantage prêts à accepter les

demandes de leurs parents et à adopter des comportements plus altruistes. Ils ont aussi de

meilleurs résultats à l’école. Par contre, les enfants ayant été soumis au style autoritaire sont en

général moins habiles dans leurs interactions avec les pairs et montrent une plus faible estime de

soi. Ceci peut se manifester par des comportements ou trop réservés ou trop agressifs,

témoignant de très peu de maîtrise de soi. Quant aux enfants de parents plus permissifs, ils ont

tendance, à l’adolescence, à moins bien réussir à l’école ; plus agressifs et manquant de maturité

dans leurs comportements, ils se montrent moins responsables et moins indépendants. Les

enfants de parents désengagés sont ceux dont les résultats sont les plus négatifs. En effet, leur

manque d’attachement sécurisant est associé à la non-disponibilité psychologique de la mère

(l’influence de celle du père a moins été étudiée), souvent due à ses comportements dépressifs ou

à son incapacité à gérer ses problèmes. Ces enfants manifestent, pendant de nombreuses années,

des troubles relationnels tant avec les pairs qu’avec les adultes.

Pour conclure, ces trois catégories de compétences parentales, à savoir les compétences

cognitives, liées au savoir du parent, les compétences affectives, liées à son savoir-être et les

compétences sociales éducatives, liées à son savoir-faire, ont été exposées séparément bien qu’il

soit évident qu’elles sont interreliées et mutuellement dépendantes. Pour offrir à son enfant

toutes les conditions favorables à son épanouissement, le parent a donc avantage à tenter de les

acquérir toutes et à les maintenir actives. C’est un projet ambitieux qui s’inscrit dans une

démarche évolutive de chaque parent soucieux de respecter le rythme du développement de son

enfant tout en découvrant ce que peut représenter pour lui « devenir » parent. La question est

donc de savoir en quoi peut consister un tel développement. Ce sont les réflexions qui sont

abordées dans la prochaine section.

Le développement de l’adulte parent Le développement de la personne ne s’arrête pas à la sortie de l’adolescence, mais se

poursuit durant toute la vie (lifespan development) (Baltes, 1987). Cette perspective d’un

développement continu, au-delà de l’adolescence, pourrait apporter une compréhension dans la

manière de devenir un parent compétent.

Page 35: La parentalité un processus développemental

25

On parle de développement chaque fois qu’un changement vise une plus grande

réalisation de son potentiel (Hopson & Scally, 1980). À l’âge adulte, pour être considéré comme

développemental, le changement doit favoriser l’acquisition de nouvelles compétences,

augmenter la conscience de soi et provoquer un repositionnement et une clarification de ses

valeurs. Ceci implique que la personne devienne plus proactive, moins dépendante des autres et

par là plus autonome, qu’elle accorde autant d’importance à l’intégrité des autres qu’à la sienne

et qu’elle assume davantage de responsabilités (Hopson & Scally, 1980).

Il est difficile de déterminer si tel événement est source de développement ou non.

L’évaluation du développement doit se faire de manière individuelle. Par exemple, il n’est pas

possible de proclamer comme valide l’idée que de devenir parent est un phénomène

développemental. Tout dépend du sens que l’individu donne à la parentalité et de son degré

d’engagement dans cette expérience. Pour bien évaluer cet aspect, il faut connaître ce qu’en

pense l’adulte lui-même et comment il agit en tant que parent.

Toutefois, lorsque sont repris les critères qui établissent la nature développementale d’un

changement, plusieurs caractéristiques associées à la parentalité semblent adéquates pour le

déterminer (Hopson & Scally, 1980). En général, lorsque les parents prennent la décision d’avoir

un enfant, ils cherchent à planifier leur vie comme parents, ce qui les rend plus conscients d’eux-

mêmes, du degré de stabilité de leur relation conjugale et de leurs ambitions d’avenir. Devenir

parent incite aussi à une réflexion rétrospective sur ce qu’on a été soi-même comme enfant, sur

sa relation avec ses propres parents et sur l’éducation qu’on a reçue.

Par ailleurs, dans un projet de parentalité, chaque conjoint doit articuler la perception

qu’il s’en fait à celle de son partenaire, sachant que chacun a des perceptions et un vécu

différents. Cette mise au point conjointe entraine chez chacun une meilleure conscience de soi.

De plus, il faut que chacun réalise qu’être parent nécessite une souplesse et un jugement bien

réfléchi permettant de résoudre les éventuels conflits entre les objectifs personnels ou du couple

et les besoins de l’enfant, de prendre des décisions éclairées pour lui, d’adapter les

comportements à ses besoins à chaque étape de son développement et d’avoir une visée sur son

futur en favorisant chez lui la recherche d’indépendance et d’autonomie. Il est aussi important

d’accepter qu’on ne peut pas être un parent parfait, que l’apprentissage des rôles parentaux

Page 36: La parentalité un processus développemental

26

s’effectue avec l’expérience, à coups de réussites, mais aussi d’échecs et d’adaptations

successives aux exigences que dicte chaque étape du développement de l’enfant (Olds & Papalia,

2003).

De nombreux auteurs, inspirés des travaux de Piaget, ont tenté de vérifier si le

développement pouvait se poursuivre au-delà du stade des opérations formelles qui se manifeste

durant l’adolescence. Plusieurs d’entre eux ont postulé l’existence de stades post-formels qui

permettraient à l'individu de s'adapter à la complexité de la vie adulte (Arlin, 1975, 1984;

Basseches, 1984; Broughton, 1975, 1981; Commons, et al., 1984; G. Labouvie-Vief, 1984;

Lefebvre Pinard, 1980; Perry, 1970, 1981; Sinnott, 1984, 1985). Parmi les principaux indicateurs

de cette évolution, les auteurs signalent la formation d’un point de vue personnel sur les choses

(Perry, 1970, 1981), une pensée relativiste (Arlin, 1975, 1984; Perry, 1970, 1981; Sinnott, 1984,

1985) ou métasystémique (Basseches, 1984; Commons, et al., 1984; G. Labouvie-Vief, 1984;

Lefebvre Pinard, 1980) et la création d’une éthique personnelle au reflet de valeurs humaines

bien intégrées (Erikson, 1982; Kohlberg, 1973; Perry, 1970, 1981). Parmi les travaux des auteurs

susmentionnés, le modèle développemental de Perry (1970, 1981) est le plus adéquat

théoriquement concernant ces indicateurs, de même qu’un des seuls à être issu d’une étude

longitudinale, le rendant ainsi un des plus susceptibles de clarifier le processus de développement

de l’adulte.

Le modèle développemental de Perry

Grâce à son étude longitudinale de quatre ans, menée auprès d’une centaine d’étudiants

universitaires pré gradués, William Perry (1970, 1981) a pu élaborer un modèle permettant

d’illustrer le développement de la pensée et de l’éthique chez l’adulte dans un contexte de

formation. Ce modèle permet d’illustrer comment est conçue l’interaction entre le professeur et

l’étudiant, de déterminer qui détient l’autorité dans les situations d’apprentissage et de décrire

selon quelles modalités cette autorité s’actualise (par ex. rôle du professeur, de l’étudiant ou de

toute autre source extérieure). Il indique également comment évolue l’étudiant, durant sa

formation, dans sa façon de concevoir la connaissance, l’autonomie, la responsabilité et

l’engagement. Les données recueillies à partir d’entrevues semi-structurées ont permis à l’auteur

d’en décrire la progression sur une échelle à neuf positions, chacune comportant une étape de

transition (voir annexe A). Par la suite, pour des raisons pratiques, ces neuf positions ont été

Page 37: La parentalité un processus développemental

27

regroupées en quatre niveaux (Perry, 1981). En ordre progressif, ce sont le dualisme, le

multiplicisme, le relativisme et le relativisme engagé. Pour résumer succinctement ces niveaux, il

est possible de les regrouper en deux phases : une phase pré-relativiste incluant les niveaux

dualiste et multipliciste et une phase relativiste regroupant les deux autres niveaux. La

description détaillée de chaque niveau rend compte de cette évolution. Y est ajoutée, au bénéfice

de la présente étude, la description des conduites susceptibles d’apparaitre à chacun de ces

niveaux en lien avec les compétences parentales. C’est en s’appuyant sur ces descriptions que

seront d’ailleurs dépouillées et analysées les données d’entrevue recueillies dans la présente

étude.

Au premier niveau, le dualisme, la connaissance est perçue comme extérieure à soi, dans

des sources ou chez des personnes qui font autorité et qui sont vues comme dépositaires de la

vérité qu’elles savent transmettre aux autres; à ce niveau, on pense que toute personne qui

conçoit autrement la connaissance est dans l’erreur. Ce type de raisonnement, qui envisage la

réalité de façon dichotomique (vrai/faux; bon/mauvais), est très concret et peu articulé en ce qu’il

se base sur des impressions et des opinions non fondées.

Un parent se situant à ce niveau de développement se montrera très peu nuancé au sujet

des rôles qu’il doit jouer pour éduquer son enfant. Il aura tendance à s’attribuer toute l’autorité et

à vouloir tout diriger sans considération des contextes, même dans les situations plus complexes.

Il se verra comme celui qui sait comment élever un enfant et imposera son point de vue dans les

situations où une décision doit être prise. Devant des situations très problématiques où son action

n’apporte pas d’amélioration, il cherchera des ressources, qu’il considère dignes de foi, telles que

ses propres parents ou des exemples pour justifier que l’insuccès est indépendant de son

intervention. Son comportement étant rarement issu d’une réflexion personnelle bien articulée,

ses interventions seront peu organisées et parfois même contradictoires.

Le passage au deuxième niveau, le multiplicisme, apparait lorsque, face à des réalités

pour lesquelles les experts sont incertains, l’individu met en doute leur opinion. Puisqu’aucune

vérité n’est encore établie au sujet de certains phénomènes, chaque personne peut y aller de son

opinion. Ainsi, bien que la pensée demeure dichotomique et peu articulée, une brèche est faite à

la diversité des points de vue. Cette ouverture ébranle momentanément la croyance en la

Page 38: La parentalité un processus développemental

28

certitude de toutes choses et permet ainsi à la personne de prendre conscience que la

connaissance n’est pas toujours objective et définitive, mais peut, à l’occasion, comporter une

part de subjectivité qui révèle l’attribution d’un rôle actif à l’individu. Ce changement de

perspective est cependant encore fragile. Comme le mentionne Perry (1981), cette vision du

«chacun a droit à son opinion» ne doit pas être confondue avec la pensée relativiste puisqu’elle

s’appuie sur du temporaire : le fait que la vérité ne soit pas encore disponible permet à chacun

d’avoir une opinion valable sans qu’il soit jugé nécessaire d’en fournir une quelconque

explication.

Un parent ayant atteint ce niveau aura pris conscience que la parentalité n’est pas une

tâche si facile. Bien qu’il existe des sources de confiance où il peut puiser pour trouver des

solutions à ses problèmes, le parent n’arrivera pas à en dégager des principes qui pourraient

orienter ses actions. Incapable de se forger sa propre ligne directrice, un tel parent verra son rôle

parental comme une série d’expériences sans véritable lien les unes aux autres ou dues à des

facteurs hors de son contrôle, ce qui l’empêchera d’améliorer ses interventions ou d’éviter les

situations difficiles dans lesquelles il se sent dépassé. Il mènera alors ses interventions par essais

et erreurs sans trop comprendre ni tenter d’analyser les éléments ayant pu aboutir aux échecs ou

aux réussites de son intervention.

Au troisième niveau, le relativisme, les connaissances sont maintenant conçues comme

une construction active de la part de chaque individu. En effet, dans son désir de comprendre les

phénomènes et de leur donner un sens, l’individu puise dans les expériences qu’il a déjà vécues

et dans ses réflexions personnelles à leur sujet. Convaincu du caractère subjectif et relatif de

toute connaissance, il voit la nécessité, pour en fournir une explication et en assurer la

compréhension, de situer le phénomène dans le contexte où il a surgi et de baser son

raisonnement sur des faits vérifiables et sur les liens qu’il établit entre eux. Ainsi, le discours de

la personne qui a atteint ce niveau devient logique, cohérent, bien organisé et explicatif.

Le parent qui se retrouve à ce niveau de développement aura tendance à envisager son

rôle parental en termes d’expérience enrichissante, variable selon les contextes et les enfants.

Conscient de la nouveauté et des défis d’un tel rôle, le parent sera ouvert aux expériences des

autres pour mieux réfléchir à la façon dont il veut lui-même orienter ses interventions. Grâce à sa

Page 39: La parentalité un processus développemental

29

pensée relativiste, le parent encouragera aussi son enfant à rechercher plusieurs explications pour

rendre compte des événements vécus ou observés au lieu de se limiter à des attributions uniques

et définitives. Il saura aussi aménager un climat propice à de telles acquisitions pour que l’enfant

ressente du plaisir dans son exploration de la réalité.

Le dernier niveau, le relativisme engagé, plus éthique, consiste pour l’individu, à devenir

lui-même un agent de transformation en s’engageant dans des actions concrètes, dans le respect

des valeurs qui orientent ses choix et décisions. Vient s’ajouter au niveau précédent une volonté

explicite de mettre ses principes de vie en application, de telle sorte à maintenir une cohérence

entre son discours et sa pratique. À ce niveau, les notions de décision et de responsabilité pour

les actions entreprises sont au cœur des préoccupations de l’adulte; de même, une recherche

constante d’appui à ses réflexions et gestes lui apparait la voie idéale pour rester fidèle à son

engagement dans la vie. Ce dernier niveau n’est atteint que par très peu de personnes, tellement il

est exigeant et fait vivre à l’individu ce que Perry appelle la solitude existentielle. En effet,

confronté à ses propres valeurs et principes chaque fois qu’il doit agir, l’individu ressent tout le

poids des décisions à prendre.

Un parent qui aura atteint ce niveau de développement verra son rôle parental en termes

de responsabilité, de réciprocité, d’autonomie et de liberté, principes qui orienteront ses actions

et ses réflexions dans l’éducation de son enfant. Pour lui, ces principes de base assureront un

maximum de stabilité aux interactions qu’il aura avec son enfant. Il verra les tâches à accomplir

comme nouvelles et nécessitant de l’expérience pour bien savoir les gérer. Aussi, n’hésitera-t-il

pas à consulter des sources reconnues pour orienter ses réflexions et l’aider à bien structurer ses

façons d’interagir avec son enfant. Conscient aussi que toute connaissance est non seulement

subjective, mais aussi active, il saura aménager les situations pour favoriser le développement de

l’autonomie de son enfant en l’encourageant à réfléchir sur ses actions, à prendre lui-même ses

décisions et à savoir en assumer les conséquences positives ou négatives.

Étant donné qu’à partir du niveau relativiste, l’individu est conscient de son rôle actif et

subjectif dans la construction de la connaissance et par conséquent de la relativité de cette

dernière, l’incertitude devient alors partie intégrante de sa position face à la réalité. Ceci se

manifestera à travers une tolérance à l’incertitude, aux changements, aux ambiguïtés et aux

Page 40: La parentalité un processus développemental

30

contradictions chaque fois que l’individu est confronté à une réalité plus ou moins complexe. En

d’autres mots, la personne relativiste saura fournir des arguments qui se basent sur des faits et

non des opinions pour rendre compte des situations, et se montrera capable de les intégrer en un

tout cohérent dans leur contexte de production (Worthen, 2000).

Enfin, bien que le niveau relativiste devrait caractériser la pensée de l’adulte (Gisela

Labouvie-Vief, 2005; C Vandenplas-Holper, 1998), plusieurs études (Harris, 1984; Lavallée,

Gourde, & Rodier, 1990; Rodier & Lavallée, 1990) montrent que ce niveau n’est atteint que par

environ 25% de la population adulte, laissant croire en un ralentissement important, voire à un

arrêt éventuel du développement chez une grande partie de cette population.

Selon Perry (1981), l’adulte se maintient généralement assez longtemps à un même

niveau de développement, ce qui lui permet, entre autres, d’appliquer sa vision des choses à

différents contextes de sa vie en utilisant les formes de raisonnement typiques du niveau qu’il a

atteint (Perry, 1981). Par contre, à certains moments, en raison des circonstances difficiles qui

font émerger des sentiments d’ambivalence ou des réactions émotives fortes, il peut régresser à

des conduites moins appropriées que celles qu’il utilise habituellement. Ces régressions peuvent

être temporaires et le ramener à son niveau normal lorsque réapparaitront des conditions plus

favorables (Perry, 1981). Cependant, si ces circonstances déstabilisent de façon notable le

fonctionnement habituel, il est possible alors que des remises en question et un examen plus

approfondi de la situation amènent la personne à réfléchir autrement sur sa vie et découvre

d’autres voies à explorer.

Ce genre de déséquilibre peut être source de développement en enclenchant le passage à

un autre niveau, ce que les auteurs appellent période de transition. Parmi les indices de ces

périodes, il faut noter des sentiments ambivalents de la part de l’individu, des fluctuations

possibles dans la manière de concevoir la réalité, sous forme d’incohérences ou de contradictions

ou encore l’apparition de nouvelles formes de raisonnement caractéristiques d’un niveau plus

évolué. Perry (1970) a mis en évidence de telles transitions entre chaque position recensée.

Comme déjà mentionnées, plusieurs études ont rapporté que peu d’adultes atteignent les

niveaux plus évolués de l’échelle de Perry (1981), la majorité n’atteignant pas le niveau

relativiste de l’échelle, peu importe les thèmes abordés ou les modalités de récolte de données

Page 41: La parentalité un processus développemental

31

utilisées. Certaines études ont cependant montré que le niveau d’éducation était favorable à ce

développement. En effet, un plus haut taux de personnes ayant fait des études graduées atteignent

le niveau relativiste (King & Kitchener, 2004). Dans une méta-analyse regroupant 25 études, soit

1 500 répondants, ces auteures mettent en évidence une évolution lente, mais progressive du

développement intellectuel et éthique, selon les différents niveaux d’éducation atteints, la

moyenne des niveaux atteints sur l’échelle à 9 positions étant de 3,2 (représentant le niveau

multipliciste) pour le secondaire «High school» 3,6 pour la première année de collège, 4 pour le

niveau pré-gradué, 4,6 pour la première graduation universitaire et 5,3 (représentant le niveau

relativiste) pour les études doctorales (King & Kitchener, 2004). Ainsi, plus d’étudiants gradués

que de pré-gradués sont capables de pensée relativiste. À noter qu’une telle évolution a

davantage été perçue chez les étudiants qui, initialement, étaient moins avancés dans leurs études

(niveau secondaire) comparativement à ceux qui se retrouvaient au niveau universitaire. Bien

qu’ayant tous été évalués le même nombre de fois et pour une même durée, seul le niveau

d’éducation initial explique les différences obtenues. Ceci laisse entendre que l’évolution

observée serait plus directement liée à l’éducation qu’à l’avancement en âge ou à l’effet

d’expérimentation (King & Kitchener, 1994). Une étude longitudinale menée au Mexique

(Flores, Otero, & Lavallée, 2010) visant à examiner le développement de la compétence

professionnelle en s’inspirant du modèle développemental de Perry, va dans le même sens.

Douze étudiants gradués (2e cycle), recevant une formation de psychologue en éducation, ont été

rencontrés en entrevue à quatre reprises sur une période de deux ans. L’analyse de contenu des

données récoltées révèle que tous ont évolué vers des niveaux plus avancés. De huit étudiants qui

se montraient initialement comme dualistes et de quatre qui étaient au niveau multipliciste, tous

ont évolué : deux vers le multiplicisme, cinq vers le niveau relativiste et cinq vers le niveau du

relativisme engagé. Une formation spécialisée, joignant aux connaissances théoriques des

expériences pratiques analysées et commentées en groupe, s’est révélée très favorable au

développement de la compétence professionnelle, basée sur une meilleure connaissance de soi et

de sa discipline, une plus grande autonomie, une réflexion critique, une implication constante et

un esprit collaboratif.

Dans le même sens, l’étude d’Isabelle Boivin (2012), aussi inspirée des travaux de Perry

(1970), a exploré le cheminement épistémologique d’étudiants gradués en psychologie clinique,

visant à atteindre un niveau de compétence professionnelle adéquat. Au cours des entrevues, les

Page 42: La parentalité un processus développemental

32

étudiants étaient appelés à décrire leur conception actuelle d’un clinicien compétent par rapport à

la vision qu’ils en avaient au début de leur formation. L’analyse des données a permis de dégager

trois grands processus développementaux rendant compte de la progression réalisée : intérioriser

l’évaluation de soi, s’approprier ses apprentissages et élaborer une vision dialectique du rôle du

thérapeute. L’étude a aussi permis de constater que ces processus ne deviennent explicites et bien

articulés que lorsque les étudiants ont atteint le niveau d’une pensée relativiste et contextuelle.

D’autres études sur le développement intellectuel et éthique ont été réalisées dans des

contextes différents de celui de l’éducation et auprès de personnes issues de la population at

large. Parmi ces travaux, l’étude de Rodier et Lavallée (1990) apporte des éléments instructifs

utiles pour la présente recherche. S’appuyant toujours sur le modèle de Perry, ces auteurs ont

étudié le développement de l’identité chez des adultes âgés de 19 à 72 ans. De cette étude, une

grille d’analyse a été construite, fondée sur trois composantes principales, recensées dans les

écrits pertinents : la définition de soi, la gestion des conflits et l’actualisation de soi. Les résultats

sont explicites pour démontrer que, peu importe l’âge des personnes, la quête de l’identité se

poursuit durant la vie adulte, et les modalités de la conceptualiser s’inscrivent différemment

selon les niveaux de développement atteints.

Mise à part la convergence des résultats des recherches recensées, le choix de s’inspirer

du modèle de Perry pour élaborer une grille d’analyse du développement de la parentalité n’est

pas le fruit du hasard. En effet, ce modèle, établi dans un contexte de formation, fait appel à des

éléments jugés pertinents dans un contexte de parentalité. Parmi ces éléments, il faut noter que

les deux contextes impliquent une dynamique d’apprentissage semblable où se posent des

questions concernant la notion d’autorité, de qui en est dépositaire en situation d’apprentissage et

des modalités d’intervention propices à de tels apprentissages.

Dans le contexte de formation, l’étudiant désire acquérir des savoirs, savoir-faire et

savoir-être qui lui seront utiles et nécessaires dans l’exercice d’une profession orientée vers le

mieux-être des individus qui y font appel; dans le contexte de parentalité, le parent désire

apprendre comment exercer les rôles dont il est responsable dans la socialisation et le

développement de son enfant. Par ailleurs, dans un contexte de formation, l’étudiant perçoit

l’enseignant dans une position d’autorité, mais face à un client, il se voit lui-même détenteur

Page 43: La parentalité un processus développemental

33

d’autorité; dans le contexte de parentalité, tout en se percevant comme une source d’autorité pour

son enfant, le parent se voit aussi dépendant d’appuis extérieurs (amis, parents, professionnels,

etc.) pour le guider dans son rôle. Quant aux modalités d’intervention, elles sont dans les deux

cas au reflet de la conception même de l’autorité. Par contre, ce qui différencie les deux

contextes tient plutôt au fait qu’aucune formation formelle, à l’image de celle que reçoivent les

étudiants, n’est offerte aux parents; de même, les parents sont d’emblée mis en situation

d’exercice de leurs fonctions sans avoir reçu une formation préalable ou avoir effectué des stages

pratiques et sans avoir nécessairement une vision d’ensemble des compétences nécessaires pour

jouer leur rôle adéquatement.

Ce sont de tels éléments qui vont guider la chercheure dans l’établissement d’une grille

spécifiquement axée sur la parentalité. Mais avant, il y a lieu de montrer le lien qui existe entre le

développement de l’adulte qui devient parent et les compétences requises pour bien jouer son

rôle de parent.

Lien entre le développement de l’adulte et les compétences parentales L’ensemble des résultats connus sur le développement adulte suscite certaines questions

en lien avec ce qui est exigé d’un adulte qui devient parent. Si autant d’adultes n’atteignent pas la

pensée relativiste, comment peuvent-ils (ou le peuvent-ils?) bien comprendre les discours

d’experts ou, à l’occasion, leurs contradictions sur des thèmes associés à leurs préoccupations

parentales? Comment peuvent-ils les intégrer correctement? Que ce soient les conseils des

parents, des amis ou des spécialistes, les reportages avec différents experts, les nombreux livres

et revues traitant de ce thème, l’intégration de toutes ces sources d’information, dont certaines

sont parfois contradictoires, est une tâche difficile à réaliser. Il semble bien que cette intégration,

qui est nécessaire pour prendre des décisions éclairées et adéquates, exige de la part du parent

d’avoir acquis certaines compétences en lien avec son rôle parental et d’avoir atteint un niveau

de développement relativement élevé. Or, selon les études citées précédemment, pour la majorité

des adultes, l’atteinte de tels niveaux de développement ne semble pas une tâche facile.

Dans la prochaine section, sera abordée, de façon plus concrète, chacune des quatre

compétences parentales étudiées, à savoir l’attachement, l’empathie, le fonctionnement réflexif

et le style d’éducation parentale préconisé dans leurs liens avec le développement de la

parentalité, conçu selon le modèle de Perry (1970).

Page 44: La parentalité un processus développemental

34

Lien entre le développement et l’attachement. Bien que l’échelle de développement adopté ici ne comporte pas directement de

dimension explicitement affective, le sentiment de sécurité émanant des liens d’attachement qu’a

pu tisser l’individu avec des personnes significatives de son environnement s’avère un élément

central dans la poursuite d’une vie autonome et responsable. Comment, en effet, se sentir en

confiance dans un univers incertain où chacun a construit sa vision du monde selon les

expériences qu’il a vécues et intégrées de manière subjective? Une des voies possibles est celle

qu’offre l’établissement de saines relations d’attachement stables et continues, qui permettent

d’envisager, avec sécurité, la réalité dans ses différences et ses incertitudes. Certains auteurs ont

montré comment, grâce à leur sensibilité, les mères d’enfants sécurisés se sont révélées capables

de percevoir leur enfant comme une personne en soi, séparée d’elles et d’ajuster leur vision de la

réalité à celle de leur enfant (Meins, Fernyhough, Fradley, & Tuckey, 2001). De son côté, Perry,

qui a étudié le développement adulte de façon longitudinale, montre comment, à un certain

moment de son développement, l’adulte commence à situer les phénomènes dans leur contexte

d’apparition, à considérer l’existence et la valeur d’autres points de vue que le sien et à envisager

le rôle actif et subjectif de chaque individu dans son appréhension de la réalité; ce faisant, il

envisage comme légitime que d’autres personnes pensent différemment de lui, acceptant alors

l’absence de vérité absolue et étant en mesure de gérer l’incertitude y étant associée.

Lien entre le développement et l’empathie. La capacité de considérer la réalité et les expériences de l’autre comme pouvant être

différentes des siennes comporte une double dimension : affective et cognitive. Alors que,

comme il a été démontré, l’aspect affectif est plus en rapport avec l’attachement, l’aspect cognitif

détient aussi une grande importance dans le développement. Certains auteurs se sont intéressés à

l’étude des aspects cognitifs de l’empathie. La recherche de Benack (1984) qui porte sur la

relation entre le développement intellectuel et éthique, tel que décrit par Perry (1970, 1981) et les

manifestations d’empathie chez des psychothérapeutes en formation, est instructive à cet égard.

L’étude a été effectuée auprès de 30 étudiants inscrits dans un programme d’étude en

Counseling. Pour vérifier une éventuelle évolution dans leur niveau de développement, les

participants ont été évalués à deux reprises : au début et à la fin de leur formation, par jeux de

rôle qui mesuraient différents aspects de l’expression empathique (justesse et profondeur des

observations, caractère provisoire des énoncés, etc.). L’étude a démontré qu’à un niveau plus

Page 45: La parentalité un processus développemental

35

avancé sur l’échelle de Perry correspondent des manifestations plus explicites, plus précises et

plus sophistiquées de compréhension empathique. L’auteure explique ces résultats en soulignant

qu’au niveau relativiste, l’individu, capable de distinguer son point de vue de celui des autres,

comprend également que toute expérience est subjective, c’est-à-dire décodée en fonction des

connaissances et du vécu de chacun. Selon l’auteur, pour être empathique et comprendre

l’expérience de l’autre, il faut être capable de se décentrer de son propre point de vue et se

montrer attentif et réceptif à celui de l’autre. Toute personne convaincue qu’il n’existe qu’une

vérité, c’est-à-dire une seule bonne façon de voir ou de sentir les choses, sera incapable, dans une

situation problématique, de se décentrer de ce point de vue pour chercher à comprendre ce que

vit l’autre personne. (Benack, 1984). Une autre étude (Lovell, 1999) arrive à des résultats

similaires. Dans cette étude, 340 participants ont rempli deux questionnaires, le Learning

Environment Preference Scale qui évalue le niveau de développement intellectuel et éthique et le

Hogan Empathy Scale qui mesure à la fois l’empathie cognitive et la disposition empathique

(affective). Les participants étaient tous des étudiants gradués, membres de l’association

américaine de Counseling. Les résultats indiquent une corrélation positive entre les deux aspects

évalués, révélant ainsi que les personnes ayant un niveau de développement plus élevé sur

l’échelle intellectuelle et éthique sont également celles qui démontrent davantage d’empathie.

Lien entre le développement et le fonctionnement réflexif. À partir du modèle du développement intellectuel et éthique de Perry (1970), il est

possible d’établir des liens entre l’un ou l’autre des niveaux de développement de cette échelle et

le fonctionnement réflexif. En effet, cette compétence nécessite d’une part que l’individu prenne

conscience de sa vie intérieure, c’est-à-dire des états mentaux qui l’habitent et qui influencent

plus ou moins directement ses comportements. Une fois cette prise de conscience effectuée, il lui

devient ensuite possible d’envisager que de tels états mentaux soient aussi à l’œuvre chez les

autres individus et peuvent même être très différents des siens pour une même situation. Mais

tout ce processus n’est pas donné d’emblée; il résulte d’un long processus développemental qui

s’accomplit par étapes successives. En fait, ce n’est que lorsqu’il a atteint un certain niveau que

le parent se révèle capable de différencier ses propres états mentaux de ceux de son enfant et

d’envisager que la compréhension de toute réalité est fonction des expériences passées et du sens

qu’on leur en a donné selon les contextes où elles se sont manifestées.

Page 46: La parentalité un processus développemental

36

Lien entre le développement et le style d’éducation parentale. Dans la perspective développementale préconisée par Perry (1970, 1981), il est possible

d’établir un lien entre les styles parentaux et la conception de l’autorité chez l’adulte. Un regard

dans les données empiriques que le chercheur a obtenues révèle comment la conception de

l’autorité et sa mise en application diffèrent d’un niveau de développement à l’autre. Transposant

ces constats au domaine de la parentalité, on peut inférer qu’à un niveau dualiste, le parent se

montrera davantage favorable à une conception hiérarchique (verticale) de l’autorité tout en

affichant une vision dichotomique de la réalité, établissant ce qui est bon ou néfaste pour

l’enfant; en ceci, il se verra seul juge en la matière. Une telle conception se rapproche

sensiblement d’un style d’éducation autoritaire qui, en dictant les conduites à suivre et en

s’assurant que l’enfant s’y conforme, laisse peu de place à l’échange et au développement de

l’autonomie de l’enfant. À un niveau plus évolué, le relativisme, le parent croit au contraire

qu’une saine autorité n’est possible que si chaque partenaire est conscient de ses responsabilités

et privilèges; en conséquence, il se montrera soucieux de connaître les points de vue de chaque

personne impliquée, y compris ceux de son enfant, avant de déterminer les règles à suivre pour

établir un climat d’entente et de respect. À ce niveau, le parent affichera un style d’éducation

démocratique, où l’opinion de chacun est respectée et où la prise de décision et l’établissement

de règles de fonctionnement sont le fruit d’une participation commune et consensuelle. On peut

alors parler d’une autorité horizontale où chacun a droit de parole et où sont discutés les éléments

pertinents qui assurent le respect et l’harmonie du groupe. Quant aux deux autres styles

d’éducation parentale, le permissif et le désengagé, ils peuvent s’apparenter au niveau

multipliciste. En effet, à ce niveau la personne considère que les problèmes n’ont pas tous des

solutions bien établies, donc qu’une stratégie d’essais-erreurs est tout à fait valable pour tenter de

résoudre une situation; il peut en résulter une attitude de laisser-aller ou d’inconstance de la part

d’un parent de ce niveau. Il est d’ailleurs possible que cette façon de voir les choses se reflète

également dans la conception de la discipline; il en résultera une application arbitraire et variable

de récompenses ou de sanctions, sans véritable respect des règles préétablies et sans recherche

active d’une quelconque explication.

Page 47: La parentalité un processus développemental

37

Objectifs Le fait de devenir parent a un impact important sur la vie des gens et cela peut même

affecter leur manière de se définir comme personne. En effet, la parentalité implique

l’apprentissage de plusieurs nouveaux rôles et l’acceptation des nouvelles responsabilités qui y

sont rattachées. La présente thèse tente de comprendre ce phénomène et s’inscrit dans une

dynamique où le parent est perçu comme se développant tout au long de sa vie. Elle vise à établir

l'existence d'un lien entre son développement en tant qu’adulte parent et les compétences

parentales les plus fréquemment étudiées dans les écrits pertinents.

Dans un premier temps, l’objectif est de décrire le développement intellectuel et éthique

(Perry, 1970, 1981) de la personne dans le contexte de la parentalité. Un deuxième objectif est

d’explorer comment ce développement peut être associé aux compétences parentales requises de

tout parent soucieux d’offrir un développement sain et harmonieux à son enfant. Les

compétences parentales retenues pour l’étude sont le type d’attachement exprimé par le parent,

son niveau de fonctionnement réflexif, sa capacité d’empathie, et le style d’éducation qu’il

privilégie.

En associant le niveau de développement du parent aux différents degrés de compétences

parentales, il sera possible de voir s’il existe une relation entre ces paramètres. En d’autres

termes, le niveau de développement atteint par le parent est-il en lien avec la qualité et le degré

de maîtrise des compétences parentales observées ? Supposant qu’une telle relation existe, il

s’agit ensuite de chercher à comprendre comment cette relation se tisse entre les deux champs

étudiés. En bref, la question fondamentale de l’étude consiste à déterminer comment l’adulte

devient un parent compétent. De cette question de recherche découlent une hypothèse principale

et plusieurs hypothèses secondaires :

Hypothèse principale : il y aura une variation dans les compétences parentales selon le

niveau atteint sur l’échelle de parentalité. Pour étudier la relation entre le niveau de

développement observé et le degré de maîtrise des compétences parentales, une série

d’hypothèses secondaires sont formulées :

Page 48: La parentalité un processus développemental

38

1. Il y aura variation dans la qualité du fonctionnement réflexif selon le niveau atteint sur

l’échelle de parentalité; les niveaux plus avancés de développement seront associés à un

niveau de fonctionnement réflexif plus élevé du parent dans sa relation avec son enfant.

2. À niveau plus avancé sur l’échelle de parentalité correspond une capacité d’empathie plus

élevée. Inversement, un niveau de développement moins avancé sur cette échelle sera en

lien avec une capacité plus faible d’empathie du parent envers son enfant; il s’agit ici plus

spécifiquement de l’empathie cognitive qui réfère à la capacité de différencier sa propre

perspective de celle des autres, y compris de son enfant.

3. Il y aura variation dans les styles d’éducation parentale selon le niveau atteint sur

l’échelle de parentalité; le style autoritaire sera surtout associé au niveau dualiste, le style

démocratique aux niveaux relativiste et relativiste engagé et le style permissif

possiblement au niveau multipliciste. Quant au style désengagé, il risque de ne pas

apparaitre dans la présente étude, compte tenu du fait que la participation volontaire des

parents rencontrés témoigne plutôt de leur vif intérêt pour le thème de la parentalité.

Aucune hypothèse n’est formulée quant au lien entre l’attachement et le niveau de

développement de l’adulte en raison de la présence d’une composante plus affective et émotive

dans l’attachement, il est toutefois possible d’envisager qu’il ait une influence médiatrice sur

certaines compétences parentales notamment le niveau de fonctionnement réflexif.

Page 49: La parentalité un processus développemental

39

Méthodologie

Devis de recherche Afin d’atteindre les objectifs de l’étude, une méthode mixte (quantitative et qualitative) à

devis exploratoire a été privilégiée (Creswell & Plano Clark, 2011). Le déroulement s’est fait en

deux étapes : la première a consisté à récolter des données quantitatives à partir de

questionnaires. Étant donné la nature exploratoire de l’étude, la deuxième étape visait plutôt à

recueillir les propos des participants interviewés sur leur expérience de parentalité telle que

perçue par eux, en vue d’évaluer, à travers les propos obtenus, la façon dont chacun

conceptualise et gère la parentalité. Conformément au modèle de Perry (1970), l’étude s’inscrit

ainsi dans un paradigme constructiviste selon lequel la réalité est subjective, complexe et relative

au contexte et l’individu joue un rôle actif dans la construction de la réalité qu’il vit.

Description de l’échantillon La population ciblée pour l’étude est constituée de parents ayant au moins un enfant qui,

à l’automne 2011, était âgé entre 5 et 12 ans. Ce critère a été retenu pour assurer une certaine

homogénéité de l’échantillon, dans le sens que tous les parents étaient susceptibles d’avoir vécu

des expériences similaires correspondant au groupe d’âge de leur enfant et les compétences

étudiées étaient déjà applicables et, par-là mesurables. Ce choix avait aussi le mérite de

minimiser l’influence d’autres facteurs qui entrent en jeu surtout vers l’adolescence (groupe

d’amis, activités hors de la maison, etc.).

Le recrutement des participants s’est déroulé entre septembre 2011 et juin 2012. Au total,

6 écoles dans la ville de Québec (Commissions scolaires de la Capitale et des Découvreurs) et 4

écoles dans la ville de Lévis (Commission scolaire des Navigateurs) ont accepté de transmettre

l’invitation à participer à l’étude aux parents des enfants fréquentant leur institution (annexe B).

Des 112 parents qui ont accédé aux questionnaires en ligne, 100 les ont remplis (dont un parent

en format papier). Des 80 participants qui ont indiqué à la fin des questionnaires être intéressés à

être contactés pour le deuxième volet de l’étude, 49 ont consenti à être rencontrés en entrevue,

dont un couple de parents ayant chacun rempli le questionnaire et désirant passer l’entrevue

ensemble. Au total, 48 entrevues portant sur la parentalité ont été effectuées. Les caractéristiques

sociodémographiques des participants, obtenues à partir d’un premier questionnaire, se

Page 50: La parentalité un processus développemental

40

distribuent comme suit, selon qu’ils aient complété la première étape (questionnaires) ou les

deux (questionnaires et entrevue) (voir annexe C pour le tableau complet des données

sociodémographiques des participants à l’entrevue).

Tableau 2 : Répartition des caractéristiques sociodémographiques des participants selon leur

participation à l’étape 1 (n=100) et à l’étape 2 (n=49)1

Sexe Étape 1 Étape 2

Femme 85 40

Homme 15 9

Âge Étape 1 Étape 2

Moins de 30 ans 2 2

Entre 31 et 40 ans 70 34

Entre 41 et 50 ans 27 13

50 ans et plus 1 0

Nombre d’enfants Étape 1 Étape 2

1 12 3

2 54 35

3 25 10

4 9 1

Âge du 1er enfant Étape 1 Étape 2

Entre 5 et 8 ans 37 17

Entre 9 et 12 ans 38 20

13 ans et plus 25 12

1 À noter que les parents de l’Étape 2 sont tous inclus dans l’Étape 1.

Page 51: La parentalité un processus développemental

41

Âge du dernier enfant Étape 1 Étape 2

5 ans et moins 37 17

Entre 6 et 8 ans 38 19

Entre 9 et 12 ans 25 13

État civil Étape 1 Étape 2

Célibataire 1 1

Conjoint de fait 46 23

Marié 40 15

Divorcé 13 10

Diplôme Étape 1 Étape 2

Secondaire 2 0

Professionnel 6 2

Collégial 23 13

Baccalauréat 46 20

2e et 3e cycle 23 14

L’analyse des données sociodémographiques de tous les participants (n=100) montre

qu’il existe une différence significative du niveau de scolarité (diplôme obtenu) selon le sexe des

participants (Mann-Whitney Test p = .006), les hommes détenant un diplôme plus avancé que

celui des femmes (voir le tableau 3). Il faut noter cependant que les hommes, qui ont

majoritairement une formation universitaire, ne représentent que 15% de l’échantillon global.

Page 52: La parentalité un processus développemental

42

Tableau 3 : Répartition du niveau de scolarité des participants (n=100) selon le sexe

Femme Homme

Secondaire 2 0

Professionnel 6 0

Collégial 22 1

Baccalauréat 39 7

Gradué 16 7

Les participants ayant accepté de participer à l’entrevue (étape 2) ne se différencient pas

statistiquement de ceux qui n’y ont pas participé. En effet, aucune différence significative n’est

observée entre eux tant au niveau du sexe, de l’âge du participant, de l’état civil, du diplôme

obtenu, du nombre d’enfants, de l’âge et du sexe du premier enfant ou de l’âge et du sexe du

dernier enfant. Ceci laisse supposer qu’il n’existe pas de biais d’échantillon sur cet aspect.

Instruments L’étude a nécessité le recours à une variété d’instruments tels que plusieurs types de

questionnaires à répondre en ligne et diverses modalités de collecte de données au cours d’une

entrevue semi-structurée (voir Annexe D). Un tableau récapitulatif des instruments utilisés est

présenté en annexe E.

Questionnaire sociodémographique

Afin de dresser un portrait global de l’échantillon et de contrôler ultérieurement

l’influence de certaines variables sur les résultats, les participants ont d’abord rempli un premier

questionnaire leur demandant d’indiquer différentes données sociodémographiques : sexe,

tranche d’âge, nombre d’enfants, état civil et niveau d’éducation. Ces données ont été présentées

dans les tableaux précédents.

Les compétences parentales

Quatre compétences ont ensuite été évaluées : le fonctionnement réflexif, l’attachement,

l’empathie et le style d’éducation parentale.

Page 53: La parentalité un processus développemental

43

Le fonctionnement réflexif

Le fonctionnement réflexif, permettant d’évaluer le processus de mentalisation dans le

contexte de la relation parent – enfant, réfère à la capacité du parent à réfléchir sur ses propres

états mentaux et sur ceux de son enfant (Fonagy, et al., 2002). Les états mentaux quant à eux

réfèrent aux intentions ou motivations sous-jacentes aux différents comportements de l’enfant.

Pour dégager la capacité de fonctionnement réflexif des parents, une section de l’entrevue

a porté sur ce thème à l’aide de questions préalablement sélectionnées du guide d’entrevue

Parent Development interview (PDI) (Slade et al., 2002). Ces questions visent à déterminer le

plus simplement possible certaines des façons par lesquelles le parent manifeste son

fonctionnement réflexif. Les deux qui sont retenues sont les suivantes (voir annexe D):

Nommez trois adjectifs permettant de décrire la relation que vous avez avec votre enfant

et illustrez chacun d’eux avec un exemple.

Expliquez en quoi et comment l’éducation que vous avez vous-même reçue en tant

qu’enfant influence votre manière d’être parent.

Enfin, tenant compte du fait que le fonctionnement réflexif est un mécanisme qui se

manifeste lorsque les personnes font appel ou réfèrent à des états mentaux (croyances et désirs)

pour rendre compte de leur histoire développementale (Steele & Steele, 2008), le parent était

également amené à réfléchir sur sa compréhension de la façon dont ses parents avaient agi avec

lui lorsqu’il était enfant et sur la possibilité que cette perception ait changé maintenant qu’il était

lui-même parent.

Pour l’analyse des données, l’échelle de fonctionnement réflexif de Fonagy (Fonagy, et

al., 1998), décrite précédemment, a été utilisée. Initialement, cette échelle a été construite suite à

l’analyse des données obtenues lors d’une entrevue avec des adultes sur leur style d’attachement

(Adult Attachment interview – AAI) (Hesse, 2008). Le but de cette échelle était d’illustrer les

différentes étapes à traverser dans la mentalisation des expériences passées et actuelles en regard

à l’attachement de la personne (Steele & Steele, 2008). L’échelle du fonctionnement réflexif

comporte 11 positions soit de -1 à 9. En conformité avec le manuel de cotation, seuls les niveaux

représentés par un chiffre impair ont été décrits précédemment (Fonagy, et al., 1998).

Page 54: La parentalité un processus développemental

44

Lors de l’évaluation du fonctionnement réflexif, il est important d’observer plusieurs

aspects : 1) le degré de conscience qu’a l’individu de la nature de ses états mentaux et de ceux

d’autrui (ex : enfants, parents, etc.), 2) l’existence d’efforts explicites de sa part pour relever les

états mentaux sous-jacents aux comportements, 3) sa capacité à percevoir les aspects

développementaux des états mentaux et 4) sa capacité à admettre les états mentaux suscités par

sa relation avec l’intervieweur (Toreno, Atger, & Bekhechi, 2009). Les trois aspects principaux

qui sont ressortis de cette analyse et qui permettent d’évaluer cette mentalisation sont : 1- la

cohérence de la transcription, qui représente le niveau de collaboration du participant, la

présence d’un discours présentant des éléments de preuve ou justifiant les propos amenés et d’un

discours économique représentant l’importance de ne pas donner trop ou trop peu d’information

afin d’être compris par l’autre, 2- la cohérence de l’esprit représentant, quant à elle, un jugement

de la part de l’examinateur sur le discours de l’adulte, à savoir s’il est bien organisé, logique et

sans contradiction et 3- la métacognition qui s’évalue en examinant comment l’adulte adapte son

discours, lorsque nécessaire, afin d’en favoriser la cohérence, ce qui est, sans surprise, un aspect

en lien avec les deux éléments précédents (Steele & Steele, 2008).

L’attachement

L’attachement a été mesuré à l’aide du questionnaire du style d’attachement «Attachment

Style Questionnaire » de Feeney, Noller et Hanrahan (1994) qui est composé de 40 items évalués

sur une échelle de type Likert en six points, allant de totalement en désaccord à totalement en

accord.

Une adaptation et validation du questionnaire en français pour la population québécoise a

été effectuée par Paquette, Bigras et Parent (2001) auprès de 356 participants âgés de 14 à 44

ans. La structure factorielle ne permet pas de conclure à une structure à cinq dimensions telles

que mentionnées par Feeney et Noller (2001), mais met davantage en évidence une structure à

deux facteurs, représentée par l’évitement des relations sociales et la préoccupation d’être aimé.

Il semblerait que la structure factorielle à cinq dimensions apparaitrait davantage lorsque

l’échantillon est composé d’adolescents et de jeunes adultes (Paquette, et al., 2001).

L’analyse des résultats s’effectue en combinant les résultats aux deux sous-échelles. La

sous-échelle représentant l’évitement des relations sociales illustre la propension des personnes à

Page 55: La parentalité un processus développemental

45

se montrer mal à l’aise en présence des autres, à ne pas leur faire confiance et à exprimer leurs

déceptions à l’égard des relations interpersonnelles. La sous-échelle préoccupation à être aimé

permet quant à elle d’identifier la tendance chez les individus à avoir plus ou moins l’impression

de ne pas valoir beaucoup et ne pas mériter l’amour des autres. En combinant les résultats des

deux facteurs, il est possible d’obtenir quatre styles d’attachement. Une personne présentant un

style davantage autonome aura un résultat faible sur les deux facteurs; la personne préoccupée

aura un résultat supérieur sur la préoccupation d’être aimé; quant à l’évitant, il affichera plutôt un

haut niveau d’évitement des relations sociales. Enfin, la personne ayant un style d’attachement

ambivalent affichera un résultat élevé sur les deux facteurs (Paquette, 2001).

Les données psychométriques du modèle à deux facteurs indiquent une bonne cohérence

interne (alpha de Cronbach de 0.88 pour l’évitement des relations sociales et de 0.75 pour la

préoccupation d’être aimé). De plus, la stabilité temporelle avec un mois d’intervalle est très

bonne avec une corrélation de 0.88 pour évitement des relations sociales et de 0.71 pour la

préoccupation d’être aimé. Ces deux échelles sont faiblement, mais significativement corrélées (r

= 0.21, p< 0.001) (Paquette, 2001).

Dans cet échantillon âgé entre 14 et 44 ans, 35% ont montré un style d’attachement

autonome, plus marqué chez les femmes que chez les hommes (respectivement 43,8% et 26,4%).

Le style d’attachement préoccupé représente 36,8% de l’échantillon et est aussi plus significatif

chez les femmes que chez les hommes (respectivement 45,5% et 28,1%). Quant au style

d’attachement évitant, il représente globalement 19,7% et est plus marqué chez les hommes que

chez les femmes (respectivement 36,5% et 2,8%). Enfin, le style ambivalent ne représente que

8,4% de l’échantillon sans différence significative entre les hommes et les femmes. Les

différences de genre ne sont pas présentes chez les adolescents (14 à 19 ans) (Paquette, 2001).

Ce questionnaire a été préféré à d’autres sur la base de certaines particularités. En effet, il

permet d’évaluer l’attachement de l’adulte en général et non dans le contexte d’une relation

ciblée tel qu’avec ses parents ou son conjoint. Il permet ainsi une évaluation de la propension de

l’individu à tendre vers une attitude d’évitement des relations sociales et/ou de se préoccuper

d’être aimé.

Page 56: La parentalité un processus développemental

46

L’adaptation de Paquette, Bigras et Parent (2001) est retenue ici pour la similitude du

contexte d’utilisation (adulte francophone québécois). Quelques ajustements ont été apportés au

questionnaire afin de l’adapter au contexte de l’étude (voir Annexe F). Ainsi, l’échelle de Likert

a été ramenée à 5 positions afin d’homogénéiser le format des questionnaires. De plus, afin d’en

alléger le contenu, seuls les items ayant la saturation la plus élevée dans l’étude de Paquette

(2001) ont été maintenus. Ainsi, des 40 énoncés de départ, 26 ont été retenus, soit 17 pour

l’évitement des relations sociales et 9 pour la préoccupation d’être aimé.

Pour contrôler l’homogénéité des items des questionnaires, une analyse de consistance

interne a d’abord été effectuée à l’aide de l’alpha de Cronbach. Ce dernier est de 0.79 pour la

sous-échelle évitement dans l’attachement (17 items) et de 0.68 pour la préoccupation à être

aimé (9 items).

L’empathie

Tel que mentionné précédemment, il est important d’évaluer les composantes affectives

et cognitives de l’empathie. Le questionnaire utilisé est une traduction et une adaptation (Lussier,

1996) du questionnaire de Davis (1980) l’« Interpersonal reactivity index » (IRI) qui permet de

bien évaluer ces deux composantes (voir Annexe G). Le test est divisé en quatre sous-échelles :

la prise de perspective « Perspective taking », le souci empathique « Empathic concern », la

détresse personnelle « Personal Distress » et la fantaisie « Fantasy ». Le test est composé de 28

énoncés à évaluer sur une échelle de type Likert (à cinq positions) allant de « ne me décrit pas »

à « me décrit vraiment bien ».

Les sous-échelles représentent différents aspects de l’empathie. La prise de perspective

mesure la tendance à considérer la perspective des autres dans la vie de tous les jours. Le souci

empathique permet de mesurer la sympathie, la compassion et le souci envers les personnes

vivant de la souffrance. La sous-échelle détresse personnelle représente une certaine forme de

contagion émotionnelle alors que la sous-échelle fantaisie représente la capacité à s’identifier et

d’être touché émotionnellement par les personnages de films, romans ou pièces de théâtre. La

prise de perspective est corrélée avec le test de Hogan mesurant davantage la composante

cognitive de l’empathie, alors que la détresse personnelle est davantage associée à la composante

affective (Chlopan, et al., 1985).

Page 57: La parentalité un processus développemental

47

Le choix de ce questionnaire a été influencé par le besoin de distinguer l’empathie

affective de l’empathie cognitive, ce qu’il fait très bien, et par son utilisation fréquente dans

divers contextes, comme en témoigne une recherche menée sur Psychnet où ce questionnaire a

été utilisé 450 fois entre 2001 et 2012 dont 104 pour la seule année 2011.

Les valeurs psychométriques du test sont adéquates. La fidélité test – retest avec un

intervalle de 60 à 75 jours varie entre 0.61 et 0.81. La consistance interne varie entre 0.70 à 0.78

selon les différentes échelles et le sexe. Les corrélations entre les différentes échelles sont

significatives, excepté entre la détresse personnelle et l’empathie, chez les femmes (Davis, 1980,

1983). Dans la présente étude, les différentes sous-échelles avec 7 items chacune rapportent

respectivement un alpha de 0.77 pour la prise de perspective, 0.78 pour le souci empathique, 0.80

pour la détresse personnelle et 0.81 pour la fantaisie.

Le style d’éducation parentale

Le style d’éducation parentale a été évalué à l’aide du questionnaire « Parenting Styles

and Dimensions Questionnaire (PSDQ) » (Robinson, Mandleco, Olsen, & Hart, 2001). Ce

questionnaire est composé de 62 items évalués sur une échelle de type Likert à cinq positions

allant de « jamais » à « toujours ». Il permet d’évaluer le style parental selon le modèle de

Baumrind (1971) (permissif (15 items), autoritaire (20 items) et démocratique (27 items)). Dans

ce questionnaire, le style permissif englobe le style désengagé. De plus, ce questionnaire permet

aussi d’évaluer la structure interne des différents styles. Par exemple, le style autoritaire contient

quatre sous-échelles : hostilité verbale, punition corporelle, stratégies punitives et directivité.

Les valeurs psychométriques du questionnaire ont été évaluées sur 1 251 parents

volontaires (534 pères et 717 mères). La consistance interne est de 0.91 pour le style

démocratique, 0.86 pour le style autoritaire et de 0.75 pour le style permissif (Robinson, et al.,

2001).

Le choix de considérer ce questionnaire repose essentiellement sur la possibilité d’évaluer

cette pratique du point de vue du parent lui-même. Certaines modifications ont été apportées au

questionnaire pour les besoins de l’étude (voir Annexe H). Tout d’abord, une traduction et une

adaptation du questionnaire ont été effectuées afin de le rendre adéquat pour la population

québécoise francophone. Pour ce faire, la méthode de traduction inversée (back translation) a été

Page 58: La parentalité un processus développemental

48

utilisée. De plus, afin d’en alléger le contenu, seuls les items ayant une saturation supérieure à

0.60 dans l’étude de validité du questionnaire ont été retenus (Robinson, et al., 2001). La version

courte comporte ainsi 28 énoncés dont 10 items pour l’échelle représentant le style

démocratique, 11 items pour l’échelle autoritaire et 7 items pour l’échelle du style d’éducation

permissif.

La consistance interne des données de la présente étude indique un alpha de 0.75 pour le

style démocratique avec 10 items, 0.54 pour le style autoritaire (11 items) et 0.60 pour le style

permissif avec 7 items. Les alphas plus faibles pour le style autoritaire et le style permissif

peuvent être en partie liés à une faible variabilité dans les résultats. Considérant cette faiblesse, il

sera intéressant, dans l’interprétation des résultats, d’en chercher une explication.

Lors de l’entrevue, la démarche adoptée pour évaluer cette même compétence a permis de

mieux préciser les styles éducatifs les plus familiers du parent. Cette démarche a consisté à

inviter le participant à discuter de ses réactions face à diverses situations problématiques vécues

avec son enfant ou lorsque ce dernier répétait un comportement réprouvé. Ces situations,

inspirées du « Parental discipline techniques self-report instrument » de Gardner (1997),

permettent d’observer la manière dont le parent tend à régler une situation non désirée et à réagir

lorsque son intervention n’a pas fonctionné. Comme illustration du contenu de ces situations

problématiques, voici quelques exemples :

Votre enfant refuse d’aller se coucher lorsque vous lui demandez. Que faites-vous alors?

Si votre intervention ne fonctionne pas, que faites-vous ensuite?

Quand votre enfant devient turbulent, ne vous écoute pas ou se chicane avec un autre

enfant (frère/sœur ou ami), comment réagissez-vous à ces comportements? Si votre

réaction n’améliore pas la situation, que faites-vous alors?

L’analyse des réponses obtenues à ces situations permet la saisie des aspects du

comportement du parent qui peuvent être associés au style d’éducation qu’il adopte.

Développement de l’adulte

Pour évaluer les niveaux de développement de la parentalité, une grille d’analyse inspirée

de travaux antérieurs pertinents (Boivin, 2012; Griffith, 1980; Rodier & Lavallée, 1990) a été

Page 59: La parentalité un processus développemental

49

élaborée, en vue de permettre de formuler des questions adéquates pour son étude auxquelles

sont ajoutées de nouvelles questions qui s’y rapportent plus spécifiquement. Ces dernières

questions touchent par exemple des contenus tels que le double statut du participant: celui de

parent responsable de l’éducation de son enfant en même temps que celui d’apprenant qui veut

devenir un « bon parent » ou encore les types d’obstacles rencontrés dans leur rôle parental.

Parmi les travaux consultés, trois études ont particulièrement attiré l’attention par leur

pertinence en rapport avec l’objet de la présente étude. La grille de Griffith, très proche du

modèle de Perry, poursuivait l’objectif de systématiser la démarche d’analyse de Perry pour

permettre de déterminer les différents niveaux de développement intellectuel et éthique des

individus questionnés. Elle comporte cinq composantes principales : la structure de la

connaissance, le rôle qu’y joue l’autorité, le rôle de l’individu, le rôle des pairs et le style de

raisonnement adopté pour en parler. Une deuxième grille, élaborée par Rodier et Lavallée

(1990), s’allie à la démarche de Griffith pour décrire, à l’aide des composantes principales tirées

d’écrits pertinents (définition de soi, gestion des conflits et actualisation de soi), les différents

niveaux du développement de l’identité chez des adultes issus de la population générale. Enfin,

l’étude de Boivin (2012) prend également appui sur le modèle de Perry pour analyser le

développement d’étudiants gradués terminant leur formation en psychologie clinique.

Pour la présente étude, cinq composantes de ces grilles qui s’appliquent bien au thème de

la parentalité, ont été retenues, à savoir la définition de soi comme parent, la conception de la

connaissance pour soi et pour son enfant, la perception du parent de son rôle et de celui de son

enfant, son évaluation de sa compétence parentale et le style de raisonnement adopté pour en

parler. Chacune de ces composantes réfère de près ou de loin à la conception que se fait le parent

de l’autorité dans un contexte à visée éducative où lui-même fait figure d’autorité dans un sens

semblable à celui qui est établi entre professeurs et étudiants (grille de Griffith) et à la conception

des rôles que s’attribue tout individu dans un contexte relationnel (grille de Rodier et Lavallée).

À cette démarche, s’en est ajoutée une autre qui consiste à recenser, dans les différents propos

récoltés des parents, tous les éléments en lien avec la parentalité qui s’avèrent de nature

développementale, c’est-à-dire qui en montrent une vision de plus en plus riche et complexe. Le

but poursuivi dans cette construction progressive de la grille est de rester le plus près possible

des aspects évolutifs déjà recensés dans les études antérieures, auquel on pourrait ajouter à la

Page 60: La parentalité un processus développemental

50

lecture des résultats de la présente étude ceux qui auront émergé au cours des entrevues. Dans les

lignes qui suivent, sont décrites les composantes retenues pour constituer la grille de la

parentalité, en indiquant dans quel sens s’effectue l’évolution attendue.

Description des composantes de la grille

Les différentes composantes retenues sont présentées dans l’ordre suivant : la description

de soi comme parent, la perception du rôle de parent et de celui de l’enfant, l’évaluation de la

compétence parentale, la conception de la connaissance et le style de raisonnement.

La « description de soi comme parent » rejoint une composante de l’échelle de Rodier et

Lavallée (1990), « définition de soi ». Cette composante représente la manière dont le parent se

décrit comme personne, mais aussi comme parent. D’une description de soi statique, sous forme

de traits, dans les premiers niveaux de développement, on observe une évolution vers une

définition plus personnelle et dynamique, basée sur des valeurs et des principes, avec une

attention portée aux éléments contextuels.

La « perception du rôle du parent et de celui de son enfant » s’appuie, pour sa part, sur

l’échelle de Griffith, où il est question des rôles attribués au professeur et à l’étudiant et du type

de relation qui en découle. Dans le contexte de la parentalité, cette composante se retrouve dans

la double perception des rôles du parent et de l’enfant et du type de relation qu’ils entretiennent

entre eux. Ainsi, d’un rôle parental unilatéral où seuls prévalent le point de vue et les directives

du parent, il y a progression vers un rôle plus relatif, tenant compte de l’âge de l’enfant, de ses

caractéristiques, mais aussi des contextes, pour permettre un bon dialogue avec l’enfant et

s’assurer de sa compréhension des situations vécues ou à vivre. En parallèle, la perception que se

fait le parent du rôle de son enfant progresse de l’attribution d’un rôle passif et dépendant du

parent à l’attribution d’un rôle plus actif misant, à mesure que l’enfant grandit, sur ses capacités à

cerner des aspects significatifs de sa réalité et à y réagir de façon de plus en plus autonome.

L’« évaluation de la compétence du parent » représente ici l’auto-évaluation que se fait la

personne dans son rôle de parent. Cette composante est une adaptation de la perception que se

fait l’étudiant des évaluations reçues du professeur (Griffith, 1980) ou d’autres personnes de son

entourage (Rodier et Lavallée, 1990), de même que celle qu’il se fait de lui-même, de sa

compétence professionnelle (Boivin, 2012). Elle permet de voir comment la personne progresse

Page 61: La parentalité un processus développemental

51

dans sa perception d’elle-même par rapport à l’idéal de parent qu’elle s’est donné : d’une

évaluation basée sur des critères extérieurs tels que les commentaires reçus d’autres personnes

(enseignants, autres parents, etc.) ou encore les agissements de son enfant, il y a évolution vers

une évaluation fondée sur des critères plus internes tels que des principes et des valeurs qui

guident les actions.

La « conception de la connaissance » est plus directement tirée du modèle de Perry, repris

par Griffith (1980); elle est la composante qui permet le mieux de détecter de quelle façon le

parent appréhende la connaissance et diverses autres facettes qui y sont associées. Selon les

auteurs, la progression dans cette conception se manifeste dans le sens suivant : d’une conception

quantitative et cumulative des connaissances (avoir lu beaucoup de livres avoir écouté beaucoup

d’émissions, etc.), il y a passage vers une conception qualitative, plus centrée sur l’intégration de

ces connaissances (des informations et conseils reçus) en vue d’en dégager le sens et d’en

comprendre la portée. En d’autres termes, la personne passe de propos justifiant ses actions par

les résultats obtenus vers des propos visant plutôt à déterminer à partir de quels principes ses

actions sont planifiées et à comprendre pourquoi elles ont obtenu ou non les résultats escomptés.

Le rôle attribué aux experts peut aussi être analysé dans cette composante. D’une

confiance sans bornes pour toute personne qu’il considère comme experte, le parent peut évoluer

vers une recherche de personnes compétentes avec qui il peut discuter, de façon constructive et

équilibrée, pour confronter ses propres démarches afin d’en développer une compréhension

enrichie et plus variée. Cette perception du parent est susceptible d’être en relation avec celle

qu’il a de son propre rôle d’éducateur. Partant d’une vision axée sur l’apprentissage, où sa

perception du rôle de parent se résume à contrôler ce que l’enfant apprend ou à l’orienter vers ce

qu’il juge le mieux pour lui, le parent va de plus en plus guider son enfant vers une recherche

d’autonomie, c’est-à-dire vers toute expérience vue comme formatrice et contributive à son

développement, dans la mesure où l’enfant arrive lui-même à faire ses choix et à en assumer les

conséquences.

La conception de la connaissance implique aussi la perception et la gestion des

contradictions par le parent (p. ex., grille de Rodier et Lavallée). Selon son niveau de

développement, les réactions du parent face à une situation problématique ou paradoxale risquent

Page 62: La parentalité un processus développemental

52

d’être différentes. D’une difficulté à percevoir les contradictions ou à comprendre les raisons

d’un échec, le parent est susceptible de progresser vers une conception où ces contradictions et

difficultés seront davantage perçues comme inévitables, voire instructives en ce sens qu’elles

permettent de découvrir la complexité de la réalité, de la comprendre selon divers points de vue

et éventuellement d’envisager les difficultés comme moteur de développement par le

dépassement qu’elles peuvent solliciter.

Enfin, le « style de raisonnement », critère retenu par Griffith et Rodier et Lavallée, est la

composante qui représente la manière dont la personne articule ses propos et ses différentes

conceptions pour les rendre logiques et communicables. Pour analyser cette composante, une

prise en compte globale des propos de la personne est nécessaire afin d’évaluer sur quoi elle

fonde ses affirmations, quels arguments elle invoque, jusqu’à quel point les idées émises sont

intégrées dans un discours cohérent. Ainsi l’évolution s’observera de la manière suivante : d’un

discours où les propos émis sont peu articulés et peuvent même être contradictoires, il y aura

passage vers un discours plus logique et articulé, basé non seulement sur des faits, mais aussi sur

une argumentation claire et pertinente où diverses perspectives peuvent être envisagées selon les

expériences déjà vécues et la variabilité des contextes.

La grille d’analyse du développement de la parentalité se retrouve dans l’annexe I sous

forme de tableau synthèse.

Procédure

Procédure de cueillette des données

Pour la première étape, après avoir lu la description du projet dans la lettre d’invitation à

participer à l’étude (voir annexe B), tous les parents intéressés étaient conviés à prendre

connaissance du formulaire de consentement qui était disponible à l’adresse

http://journal.psy.ulaval.ca/limesurvey/ConsentementSB.html (voir annexe J) et à remplir les

questionnaires en ligne en cliquant sur J’accepte. Il était également possible de contacter la

chercheuse afin d’obtenir une copie papier du formulaire de consentement et des questionnaires.

Ceux-ci portaient d’une part sur les données démographiques des participants et d’autre part sur

les variables à l’étude, à savoir l’attachement (Attachment Style Questionnaire), l’empathie

(Interpersonal Reactivity Index) et le style d’éducation parentale (Parenting Styles and

Page 63: La parentalité un processus développemental

53

Dimensions Questionnaire). La confidentialité était assurée par l’utilisation d’un logiciel

particulier pour les questionnaires, le Lime Survey, qui permet de conserver les données

protégées par AxCrypt (un logiciel de cryptage) dans le serveur.2 Cette recherche a été

approuvée par le comité d’éthique de l’Université Laval (numéro d’approbation éthique 2011 –

174 / 28-06-2011).

À la fin des questionnaires, les parents étaient invités à laisser leurs coordonnées s’ils

étaient intéressés à participer à la deuxième étape de l’étude et s’ils désiraient avoir davantage

d’information à ce sujet. Tous ceux qui ont démontré un intérêt à cet égard ont été contactés

ultérieurement. Aucune relance n’a été nécessaire étant donné que le nombre de participants a été

jugé satisfaisant.

Concernant la deuxième étape, un pré-test a été effectué auprès d’une collègue ayant des

enfants d’âge scolaire, en vue de vérifier la pertinence des questions de l’entrevue pour atteindre

les objectifs de l’étude et de contrôler la durée de l’entrevue. Des ajustements ont été apportés

dans la formulation de certaines questions jugées ambiguës ou imprécises. Cinq entrevues ont

ensuite été menées (projet pilote) selon le guide établi, dans le but de vérifier la pertinence de la

démarche pour l’ensemble du protocole de recherche. Après avoir écouté les enregistrements

recueillis, d’autres modifications mineures ont été effectuées dans la formulation ainsi que dans

l’ordre d’administration des questions.

Cette deuxième étape a débuté par la lecture et la signature d’un nouveau formulaire de

consentement décrivant, dans les grandes lignes, les objectifs poursuivis et les thèmes mis à

discussion. Comme déjà mentionnés, les thèmes abordés durant l’entrevue ont porté sur la

parentalité en général, puis plus spécifiquement sur l’éducation des enfants et les défis qui y sont

associés. C’est vers la fin de l’entrevue que les questions portant sur le fonctionnement réflexif

ainsi que les situations problématiques ont été présentées (style d’éducation parentale). Pour ces

dernières, les participants devaient décrire la manière dont ils s’y prendraient pour les résoudre.

Toutes les entrevues ont été enregistrées. À la fin de l’entrevue, une liste de ressources d’aide

gratuite a été remise à tous les parents.

2 Pour les participants qui désiraient de plus amples informations ou préféraient répondre aux questionnaires en format papier, ils étaient informés de communiquer directement par téléphone ou courriel avec la chercheure.

Page 64: La parentalité un processus développemental

54

Toutes les entrevues ont été ultérieurement transcrites textuellement aux fins d’analyse.

Pour évaluer de façon indépendante les propos recueillis concernant la parentalité, le

fonctionnement réflexif et le style d’éducation parentale et éviter ainsi tout biais dans l’analyse

des données, les transcriptions ont été effectuées en isolant chacune de ces trois composantes.

Procédure d’analyse

Les réponses obtenues aux différents questionnaires de la première étape ont été

analysées à l’aide du logiciel SPSS. Un test de consistance interne (alpha de Cronbach) a d’abord

été effectué afin de vérifier l’homogénéité des données recueillies, suivi d’une série de

comparaisons visant à vérifier l’effet de certaines variables sociodémographiques (sexe, âge,

éducation, nombre d’enfants et âge du premier enfant) sur les données; des analyses de

corrélations ont également été faites pour dégager les liens significatifs entre les variables

étudiées.

Pour les données recueillies durant cette deuxième étape, l’analyse de contenu a été

effectuée à partir du logiciel NVivo permettant de construire une arborescence illustrant

l’organisation des propos des participants. Ainsi, une analyse de contenu a d’abord été effectuée

pour établir le niveau de développement de parentalité de chacun des participants et le mettre

ultérieurement en relation avec les variables définissant les compétences parentales. Grâce à la

grille d’analyse préalablement élaborée sur la parentalité, il a été possible, dans un premier

temps, d’établir un niveau approximatif de développement pour chaque participant. La relecture

des entrevues a, par ailleurs, permis de mieux préciser les contenus de la grille et de la rendre

représentative de l’ensemble des données recueillies. Par la suite, une seconde analyse des

niveaux de développement a été effectuée suite à l’élaboration de la grille afin de s’assurer de

l’exactitude et de la précision de la précédente évaluation. Finalement, l’analyse de contenu des

autres données récoltées durant l’entrevue, plus spécifiquement celles rattachées aux

compétences parentales (fonctionnement réflexif et style d’éducation parentale) a été effectuée

de façon indépendante, afin de limiter les biais relatifs à l’influence de l’analyse d’un concept sur

un autre. Les résultats de cette analyse ont ensuite été mis en relation avec les variables de la

première étape, caractérisant les compétences parentales, en vue d’en dégager une vision

d’ensemble plus complète.

Page 65: La parentalité un processus développemental

55

Résultats Cette section présente d’abord les analyses effectuées sur les questionnaires (attachement,

empathie et style d’éducation parentale) de l’étape 1. Y sont exposés les données descriptives se

rapportant à ces questionnaires et leurs liens statistiques avec les données sociodémographiques.

Sont ensuite décrits les résultats de l’analyse corrélationnelle en lien avec ces données. Par la

suite, les résultats se rapportant à l’étape 2, soit les entrevues, décrivent les données et analyses

du fonctionnement réflexif et du style d’éducation parentale obtenues oralement des participants.

Suivent les résultats se rapportant au développement de la parentalité en lien avec la grille

d’analyse construite dans le cadre de l’étude.

Une comparaison entre les données quantitatives et qualitatives concernant les

compétences parentales est ensuite effectuée pour vérifier la cohérence des résultats obtenus

selon ces deux modalités et pour les mettre en relation avec ceux du développement de la

parentalité.

Résultats des questionnaires

Données descriptives

Le tableau 4 présente les moyennes, les écarts entre le résultat minimum et maximum et

les erreurs standards des sous-échelles des trois questionnaires utilisés.

Page 66: La parentalité un processus développemental

56

Tableau 4 : Données descriptives des sous-échelles des trois questionnaires (n=100).

Échelle Moyenne ET Écart

Attachement

Évitement 1.01 0.50 0.24 - 2.67

Préoccupation 1.91 0.63 0.79 - 3.56

Empathie

Prise de perspective 2.83 0.65 0.43 - 4.00

Souci empathique 3.03 0.66 0.86 - 4.00

Détresse personnelle 1.37 0.80 0.00 - 3.57

Fantaisie 2.27 0.91 0.00 - 4.00

Style d'éducation parentale

Démocratique 3.07 0.45 1.80 - 4.00

Autoritaire 0.91 0.30 0.13 - 1.64

Permissif 0.95 0.40 0.29 - 2.14

Les participants ont été répartis de façon dichotomique sur chacune des sous-échelles des

questionnaires afin d’établir leur profil selon les différentes compétences parentales. Il existe

deux méthodes pour effectuer cette dichotomie : selon la moyenne observée et selon la moyenne

théorique. Chacune de ces méthodes comporte des avantages et des inconvénients. La moyenne

observée consiste à répartir les participants selon la moyenne obtenue pour obtenir une

distribution homogène (de taille équivalente) diminuant la possibilité de différencier les

participants. Quant à la moyenne théorique, elle consiste à effectuer une répartition selon les

données recueillies, sans considération pour les caractéristiques de l’échantillon lui-même

(Playford & Safdar, 2007). Une telle répartition favorise l’obtention de deux groupes qui se

distinguent par les résultats obtenus sur chacune des sous-échelles (ex : attitude positive versus

négative). De plus, l’utilisation de la moyenne théorique autorise des comparaisons intergroupes,

cette valeur étant identique pour tous les participants (Playford & Safdar, 2007). C’est pour ces

deux propriétés que la moyenne théorique a été retenue dans ce travail.

Concernant le questionnaire sur l’attachement, à partir des deux sous-échelles, quatre

catégories ont pu être établies en fonction des résultats plus ou moins élevés obtenus sur chacune

Page 67: La parentalité un processus développemental

57

des sous-échelles (évitement et préoccupation à être aimé) par rapport à la moyenne théorique;

elles sont représentées dans la matrice à 4 cases suivante (voir tableau 5).

Tableau 5 : Répartition des participants (n=100) selon les styles d’éducation parentale

Échelle préoccupation à être aimé

Échelle évitement

51 Autonome ou sécurisé

43 Préoccupé

1 Évitant

5 Ambivalent

Concernant le questionnaire sur l’empathie, quatre catégories ont été établies en fonction

des résultats plus ou moins élevés de chaque participant aux échelles de prise de perspective et

du souci empathique; elles sont représentées dans la matrice suivante (voir tableau 6),

comparativement à la moyenne théorique. La très grande majorité (89%) des participants

manifeste un haut degré d’empathie tant sur l’échelle du souci empathique que sur l’échelle de la

prise de perspective.

Tableau 6 : Répartition des participants (n=100) selon le niveau d’empathie

Échelle souci empathique

Échelle de prise de perspective

Faible Élevé Faible 4 4 Élevé 3 89

Pour le questionnaire sur le style d’éducation parentale, lorsque comparés avec la

moyenne théorique, 95 participants obtiennent un résultat manifestant un style démocratique,

trois participants obtiennent un résultat témoignant d’un style démocratique et permissif et deux

participants obtiennent des résultats ne manifestant aucun style particulier. Ces résultats

inattendus ont nécessité un retour sur les données brutes pour examiner plus en détail la sous-

échelle autoritaire, dont la moyenne s’est avérée très faible (0.91) et pour laquelle aucun

participant n’a révélé d’éléments se rapportant à ce style. L’analyse des réponses montre que

trois items sont cotés de manière très uniforme, la cote « jamais » (0) y étant largement

prédominante. Ces trois items se rapportent à la punition physique (2-Je donne la fessée lorsque

mon enfant désobéit, 19-J’utilise les punitions physiques comme une façon de discipliner mon

Page 68: La parentalité un processus développemental

58

enfant, 21-Je frappe mon enfant lorsqu’il se conduit mal)3. En éliminant ces questions des

analyses, la moyenne de l’échelle se rapportant au style autoritaire passe de 0.91 à 2.29; par

contre, l’alpha de Cronbach subit une légère diminution (de 0.54 il passe à 0.512). La répartition

des participants, suite à la suppression de ces questions, représente un changement pour quatre

participants : trois qui se révélaient auparavant démocratiques affichent maintenant le style

combiné démocratique et autoritaire et un qui affichait auparavant démocratique et permissif est

maintenant considéré comme ayant des caractéristiques des trois styles d’éducation

(démocratique, autoritaire et permissif).

Effets des variables sociodémographiques

En ce qui a trait aux compétences parentales dans leur ensemble (les résultats obtenus sur

les trois questionnaires), leur analyse par rapport aux données sociodémographiques de tous les

participants (n=100) permet de dégager les résultats suivants. Pour la variable attachement, la

composante « préoccupation d’être aimé » corrèle significativement et négativement avec l’âge

des participants (r= -0.29, p= 0.004) laissant entendre que plus le participant est âgé, moins il

manifeste une préoccupation à être aimé. En comparant les deux groupes d’âge ayant un nombre

suffisant de participants, soit ceux ayant de 31 à 40 ans et ceux de 41 à 50 ans, une différence

significative est notée (T(95)=3.152, p = .002) avec une taille d’effet de 0.09. Ce résultat révèle

que les participants âgés de 31 à 40 ans sont significativement plus préoccupés par le fait d’être

aimés que les participants plus âgés. La même sous-échelle indique une différence significative,

selon le sexe des participants (T(98)=2.69, p = .008) avec une taille d’effet à 0.06 révélant que

les femmes se montrent plus préoccupées que les hommes sur ce point.

En ce qui a trait à l’empathie, les sous-échelles du souci empathique et de la détresse

personnelle révèlent également des différences significatives selon le sexe (respectivement

T(98)=1.98, p=0.05 avec une taille d’effet à 0.03 et T(98)=2.49, p=0.014 avec une taille d’effet à

0.05), les résultats des femmes indiquant un souci empathique plus marqué de même qu’une

détresse personnelle plus élevée comparativement à ceux des hommes.

3 Plus précisément, sur l’échantillon ayant rempli le questionnaire (n=100), 18 ont répondu « parfois » à la question 2, 9 ont répondu « parfois » à la question 19 (une seule personne mentionne « environ la moitié du temps ») et 8 ont répondu « parfois » à la question 21.

Page 69: La parentalité un processus développemental

59

Concernant le style d’éducation parentale, au niveau du style permissif, la différence est

significative en ce qui a trait au sexe des participants (T(98)= 2.188, p = .034), les femmes

manifestant davantage de comportements de ce type. Une différence est également perçue

concernant l’âge des participants, ceux ayant entre 31et 40 ans étant davantage permissifs que les

41 à 50 ans (T(95)= 2.487, p = .015).

Corrélations entre les compétences parentales

Pour compléter l’analyse des réponses obtenues aux questionnaires en ligne de

l’ensemble de l’échantillon, un test de corrélation multiple a été effectué entre les variables

étudiées. Plusieurs corrélations ont ainsi pu être observées (voir tableau 7). Pour l’attachement,

les sous-échelles évitement et préoccupation à être aimé sont significativement corrélés (r =

0.329, p < .001) révélant que, pour une majorité de participants, plus l’évitement est élevé, plus

la préoccupation à être aimé l’est également. Pour le test d’empathie, la prise de perspective

corrèle significativement avec le souci empathique (r=0.583, p < .001) révélant ainsi que plus un

parent est capable de prendre la perspective de l’autre (pouvant être différente de la sienne), plus

il manifeste un souci empathique envers l’autre. La fantaisie corrèle aussi significativement avec

la prise de perspective (r = 0.35, p < .001) et avec le souci empathique (r = 0.445, p < .001)

signifiant que plus un parent est touché émotionnellement par les personnages de films, romans

ou pièces de théâtre, plus il est capable de prendre la perspective de l’autre et d’avoir un souci

empathique envers ce dernier. Pour les styles d’éducation parentale, le style démocratique est

corrélé négativement avec les styles autoritaire (r= -0.248, p = .013) et permissif (r= -0.267, p =

.007). Par contre, le style autoritaire est corrélé positivement avec le style permissif (r= 0.291, p

= .003). Le style d’éducation démocratique s’affiche donc comme étant opposé aux deux autres

styles, puisqu’un résultat élevé dans cette échelle correspond à un résultat faible dans les deux

autres. Les sous-échelles style permissif et style autoritaire affichant la même tendance par

rapport à celle du style démocratique, il n’est pas surprenant qu’elles se révèlent toutes deux

corrélées positivement. Pourtant ceci n’était pas attendu, ces deux styles différant entre eux; ce

résultat sera commenté plus amplement dans la discussion.

Page 70: La parentalité un processus développemental

60

Tableau 7 : Corrélation entre les compétentes parentales (n=100)

Attachement Empathie Style parental 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Attachement 1- Évitement 1 2- Préoccupation .34** 1 Empathie 3- Prise de

perspective -.41** -.07 1

4- Souci empathique

-.34** .13 .59** 1

5- Fantaisie -.15 .15 .35** .45* 1 6- Détresse .25* .41** -.10 .02 .13 1 Style parental 7- Démocratique -.24* -.12 .34** .2 .14 -.07 1 8- Autoritaire .16 .14 -.22* -.21* -.09 .07 -.25* 1 9- Permissif .24* .25* -.29** -.18 -.07 .14 -.27** .29** 1 * significatif à 0.05

** significatif à 0.01

À ces liens observés entre les diverses composantes d’un même test, viennent s’ajouter

les liens obtenus entre les différents tests, pour en approfondir la signification. Dans le test sur

l’attachement, la sous-échelle évitement est corrélée négativement et de manière significative

avec les sous-échelles du test sur l’empathie : prise de perspective (r = -0.408, p < .001) et souci

empathique (r = -0.334, p = .001) et positivement avec la détresse personnelle (r= 0.252, p =

.011). Ainsi, un niveau élevé d’évitement dans l’attachement est associé à un taux plus faible de

capacité d’empathie au niveau de la prise de perspective tout autant que du souci empathique et à

une plus grande détresse personnelle. La même sous-échelle évitement est aussi corrélée

négativement avec le style d’éducation démocratique (r= -0.236, p = .018) et corrélée

positivement avec le style d’éducation permissif (r= 0.236, p = .018) laissant voir qu’un niveau

élevé de la composante d’évitement dans l’attachement chez le parent, est associé à un faible

niveau sur la sous-échelle se rapportant au style d’éducation démocratique et à un niveau plus

élevé avec le style d’éducation permissif. Concernant la sous-échelle de l’attachement

« préoccupation à être aimé », il y a une corrélation entre cette dernière et la détresse personnelle

Page 71: La parentalité un processus développemental

61

(r= 0.414, p < .001) et le style d’éducation permissif (r= 0.247, p =.013) indiquant que plus la

préoccupation à être aimé est élevée, plus le participant présente une détresse personnelle et

manifeste un style d’éducation permissif.

La prise de perspective dans le test sur l’empathie est corrélée significativement et de

manière positive avec le style d’éducation démocratique (r= 0.335, p = .001) et corrélée de

manière négative avec les styles d’éducation autoritaire (r= -0.221, p = .027) et permissif (r= -

0.294, p = .003). Ainsi, à une capacité plus marquée du participant à prendre la perspective de

l’autre (empathie cognitive) correspond une plus grande capacité à choisir des caractéristiques

manifestant un style d’éducation démocratique et moins d’intérêt pour celles qui représentent les

styles autoritaire et permissif. Le souci empathique est quant à lui corrélé de manière négative

avec le style d’éducation autoritaire (r= -0.207, p = .039) laissant supposer qu’une moindre

manifestation du style autoritaire est associée à un plus grand niveau de souci empathique chez

les participants.

Résultats des entrevues Avant d’entreprendre cette section, il importe de rappeler que les résultats obtenus par

entrevue ne concernent que 49 des 100 participants initiaux; ils sont ceux qui ont manifesté leur

intérêt à participer à l’entrevue suite à l’administration des questionnaires. Pour assurer une

continuité dans l’exposé des résultats concernant les compétences parentales, l’ordre de

présentation des résultats de cette section diffère légèrement de celui du déroulement de

l’entrevue qui débutait par des questions reliées à la parentalité. Ici, sont d’abord présentées la

description et l’analyse des résultats obtenus sur deux des quatre compétences : le

fonctionnement réflexif et le style d’éducation parentale. Vient ensuite la description des niveaux

de développement de la parentalité accompagnée d’extraits de protocole illustrant les propos se

rapportant à l’un ou l’autre d’entre eux. La section se termine par une présentation des

comparaisons et liens entre les diverses compétences parentales et le développement de la

parentalité.

Entrevue sur le fonctionnement réflexif (FR)

Les résultats de l’analyse de contenu effectuée sur les propos des participants récoltés en

entrevue concernant leur fonctionnement réflexif réfèrent à deux aspects particuliers. Le premier

Page 72: La parentalité un processus développemental

62

se rapporte à l’influence des expériences vécues par les parents durant leur enfance sur leur

conception actuelle de la parentalité. Le second, plus pratique, examine l’influence qu’ont pu

avoir les pratiques éducatives de leurs parents sur leur propre manière d’éduquer leurs enfants.

Au cours de l’analyse des propos, une attention particulière est donnée à la capacité de chaque

parent à fournir une argumentation adéquate et bien articulée des différents aspects qu’il a jugé

valable de relever.

Concernant l’influence de l’enfance, les réponses des participants illustrent l’importance

qu’ils lui accordent quand ils réfléchissent au rôle qu’ils devraient maintenant jouer en tant que

parents. Selon certains, cette influence se manifeste à travers leur niveau de tolérance face à

certains comportements de leur enfant. Par exemple, se rappelant une expérience périlleuse qu’il

avait vécue étant enfant et qu’il ne veut pas que son enfant expérimente, un participant

mentionne :

C’est sûr que je ne leur permets rien, j’ai à peu près tout fait, c’est sûr que je les barre sur tout. S’ils faisaient la moitié de ce que j’ai fait quand j’étais jeune j’aurais pu mourir je ne sais pas combien de fois, ça n’a pas d’allure à quel point c’était dangereux comme de s’asseoir en haut d’une falaise (n°20 ; homme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 11 et 13 ans).

D’autres réponses illustrent la tentative de certains parents d’analyser l’expérience que vit leur

enfant en fonction des souvenirs de leur propre vécu d’enfant. Par exemple, la participante 15

mentionne avoir l’impression d’être davantage empathique à l’égard de ses enfants qui vivent

présentement une séparation, par le fait qu’étant jeune, elle a elle-même vécu cette expérience.

Par contre, d’autres participants invoquent l’avis contraire en mentionnant l’importance de ne

pas présupposer que leur enfant vive une situation de la même façon qu’eux ont pu la vivre,

lorsqu’enfant. Ces divers propos montrent l’influence dans le regard que porte le parent sur

l’enfance de leur enfant par leur propre vécu en tant qu’enfant. Bien qu’ils reconnaissent, à

divers degrés, cette influence, ce qu’il faut chercher dans leurs propos, c’est leur capacité à se

détacher de leur propre expérience enfantine pour mieux entrevoir celle de leur enfant telle que

vécue par lui. Cet aspect est davantage abordé ultérieurement en lien avec les différents niveaux

de fonctionnement réflexif.

Page 73: La parentalité un processus développemental

63

En ce qui a trait à l’influence de l’éducation que les parents disent avoir reçue durant

leur enfance sur leurs pratiques parentales actuelles, ce qui ressort comme important pour la

majorité d’entre eux, c’est la nécessité d’assurer une présence à leur enfant. Qu’ils aient ou non

vécu cette présence étant enfants, ils insistent sur le fait que c’est un besoin primordial pour

l’enfant qu’il faut maintenir, voire améliorer, selon les cas, en s’intéressant à ce qu’ils font ; ou

comme l’exprime plus concrètement un parent, en assistant, par exemple, à leur pratique de

sport. Plusieurs participants ont mentionné vouloir combler les désirs de leur enfant sur des

aspects qui leur avait manqué ou dont ils avaient été privés durant leur enfance (ex. : jeu pour les

participants 20 et 26, vêtements à la mode pour la participante 11, présence lors d’activités

sportives pour la participante 47, etc.). Cependant, ces manques ne sont pas nécessairement

matériels, comme l’illustre l’exemple suivant:

C’est sûr que les choses que peut-être j’aurais rêvé ou que j’essaye de plus donner à mes enfants. Comme chez nous, mes parents étaient présents, ils nous aimaient, mais de dire je t’aime, ça ne faisait pas partie. Fait que ça moi j’essaye de le dire souvent à mes enfants (n°29 ; femme entre 41 et 50 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 6 et 8 ans).

D’autres participants ayant mentionné leur souci de ne pas reproduire certains des

comportements de leurs parents, se surprennent à les répéter, mais de façon non volontaire et non

désirée. Par exemple, une participante mentionne : « je vois ma mère des fois quand je parle puis

ça ne me tente pas, je m’étais dont bien juré que je ne ferais pas, que je ne dirais pas telle

affaire » (n°33 ; femme moins de 30 ans, Collégial, 3 enfants entre 3 et 6 ans). Pour ces parents,

l’influence de l’éducation reçue est présente en ce sens que, même s’ils désirent s’en détacher

pour offrir autre chose à leur enfant, ils se voient parfois répéter les comportements de leurs

parents. Globalement, les résultats indiquent que les participants acceptent la possibilité d’être

influencés dans l’éducation qu’ils donnent à leurs enfants par l’éducation qu’ils ont eux-mêmes

reçue. Par contre, selon leur perception de cette éducation, ils manifesteront le désir de conserver

ou au contraire d’éviter certains éléments reçus. Qu’en est-il de la compréhension qu’ils ont des

comportements qu’avaient leurs parents à leur égard?

La réponse à cette question est variable selon le degré d’importance qu’accordent les

participants à divers éléments contextuels, familiaux ou individuels. Certains participants

expliquent l’éducation reçue en insistant sur le fait que leurs parents étaient d’une autre

Page 74: La parentalité un processus développemental

64

génération et avaient vécu dans un contexte social différent de l’actuel. Dans cette même lignée,

des parents conçoivent la manière dont leurs parents les ont éduqués comme résultant de

l’influence héréditaire ou génétique; selon eux, plus les caractéristiques proviennent de loin

(dans le sens qu’elles transcendent les générations) et sont intouchables, moins il est possible

d’avoir une emprise sur elles. D’autres parents expliquent l’éducation reçue en fonction du vécu

personnel de leur parent, c’est-à-dire en invoquant des événements familiaux particuliers vécus

par leur parent lorsqu’il était enfant ou adulte (ex. séparation ou perte d’un parent ou d’un

conjoint). Certains participants vont jusqu’à parler d’influence réciproque entre parent et enfant

ou entre enfants dans la fratrie sur l’éducation reçue abordant par exemple l’influence qu’a pu

avoir la personnalité de la participante sur l’éducation qu’elle a reçue (voir citation 1.1 dans

Annexe K). Un autre participant parle plutôt de l’influence du nombre d’enfants et de son rang

dans la fratrie sur sa personnalité: « Je comprends que moi personnellement, il fallait que je sois

autonome parce que je suis le 8e […] puis c’était les frères et sœurs qui influençaient dans le

décor puis cela a fait de moi quelqu’un de relativement débrouillard » (n°3 ; homme entre 41 et

50 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 10 et 12 ans).

En ce qui a trait au jugement qu’ils portent sur l’éducation qu’ils ont reçue de leurs

parents, certains participants expriment leur désir de ne pas reproduire ce type d’éducation avec

leur enfant, sans toutefois trop critiquer ouvertement celle qu’ils ont reçue : « il n’y a comme rien

que je voulais reproduire, pas que j’ai été mal élevée ou mal aimée » (participante 47). D’autres

mentionnent les aspects qui n’ont pas été appréciés dans l’éducation qu’ils ont reçue, tels le

manque de présence parentale ou de communication (participants 2, 8, 23, 37, 45 et 46), le

manque d’activité de loisir en famille (participants 22 et 47), le manque d’explication lors de

punitions ou d’émissions de paroles blessantes qui leur étaient adressées (participants 1, 22, 23,

26, 28 et 30). Certains parents poussent plus loin en disant avoir rejeté en bloc l’éducation reçue

et faire le contraire avec leurs enfants : « je n’ai pas envie d’être comme mes parents; en fait, je

fais un peu le contraire de ce que moi j’ai pu vivre avec mes parents » (participante 22) et « c’est

un point qui est difficile, en fait, je fais le contraire de ce que moi j’ai eu tout simplement »

(participante 7). Enfin, certains mentionnent leur besoin de se construire comme parent, faute de

modèle : « Alors il faut que je me reconstruise totalement comme je disais tout à l’heure […] je

ne prends pas beaucoup de chose de quand j’étais jeune, moi je me reconstruis, » (participante

8). Ces parents qui se montrent plutôt négatifs envers l’éducation qu’ils ont reçue expriment leur

Page 75: La parentalité un processus développemental

65

désir d’être meilleurs que leurs parents avec leur enfant. À noter que les parents qui ont le plus

vivement critiqué l’éducation reçue ou qui ont mentionné vouloir faire le contraire sont

également ceux qui ont le moins précisé ce qu’ils n’ont pas apprécié comme enfant. Ceci amène

à considérer la possibilité que ces parents n’aient pas véritablement réfléchi ou pris conscience

du sens qu’accordaient leurs parents à l’éducation qu’ils leur donnaient.

Un certain nombre de participants se montrent plus réservés et mentionnent ne pas

pouvoir juger négativement leurs parents. Ils considèrent que ces derniers ont fait leur possible,

qu’ils ont agi à leur égard selon leurs croyances et connaissances, qu’ils ont toujours essayé

d’être présents pour les besoins de l’enfant. Ces propos corroborent ceux de plusieurs

participants qui ont décrit leur relation avec leurs parents. En effet, les expressions telles

qu’« être à l’écoute », « attentive », « dévouée », « attentionnée » sont souvent apparues dans le

discours des participants qui disaient ne pas pouvoir ou vouloir juger négativement leurs parents.

Description des niveaux de fonctionnement réflexif

Pour l’analyse des données recueillies sur cette compétence, l’échelle de fonctionnement

réflexif de Fonagy (Fonagy, et al., 1998), dont les onze positions ont été décrites précédemment,

a été utilisée.

En rappel, le premier niveau (-1) caractérise le participant qui refuse de répondre à une

question ou le fait de manière inappropriée ou bizarre. Dans les propos recueillis, en réponse à la

question portant sur l’influence du vécu de l’enfance sur le rôle parental, certains participants ont

mentionné ne pas vouloir s’en souvenir. Par exemple, un parent dit : « Lui (conjoint) il s’en

rappelle, lui il le sait, mais moi je veux comme pas trop m’en souvenir » (participante 7). Au lieu

de répondre directement et clairement à la question, une autre participante qui a vécu des

situations troubles au moment de la naissance de son enfant, dit ne pas se souvenir de son

enfance, mais met certaines conduites de son fils en parallèle avec les siennes (avec une faible

différenciation entre la mère et son enfant) :

Je ne sais pas ce qui s’est passé dans mon enfance, mais il y a beaucoup de chose qui s’est passée pour que, je ressemble beaucoup à (nom de son fils aîné) il y a des choses que (nom de son fils aîné) vit puis son trouble d’attention, moi j’en ai un. Puis je regarde (nom de son fils aîné) puis je vois beaucoup de peine, puis on dirait que ça m’amène à me demander moi ce que j’ai vécu (n°25 ; femme entre 31 et 40 ans, collégial, 2 enfants entre 2 et 8 ans).

Page 76: La parentalité un processus développemental

66

Selon la littérature (Fonagy, et al., 1998), le niveau -1 se manifeste davantage chez des

adultes ayant vécu un abus (physique, sexuel, etc.) pendant l’enfance. Selon les auteurs, un

participant ayant vécu ces abus afficherait une capacité réflexive réduite lorsque les éléments s’y

rapportant de près ou de loin seraient abordés, mais pourrait démontrer une capacité de réflexion

accrue lorsque questionné sur des éléments non traumatiques. Aucune question n’ayant porté

directement sur ces types d’abus, il n’a pas été possible de déterminer ceux qui en ont vécu.

L’absence de participant se situant à ce niveau doit donc être considérée avec prudence.

Au niveau 1, le parent manifeste peu ou pas de fonctionnement réflexif. Questionné sur

l’explication de certains comportements (les siens, ceux de son enfant ou ceux de ses parents

lorsqu’il était enfant), il ne réfère pas spontanément à des éléments internes (ex. émotions,

croyances, désirs, etc.) pour les expliquer ou leur attribuer une quelconque intention. À ce même

niveau, le parent, dont l’attitude est souvent égocentrique, tend non seulement à exagérer, mais

aussi à déformer les faits. C’est le cas, par exemple, d’une participante qui, pour expliquer une

attitude déplaisante de son enfant, lui attribue une intention malveillante en supposant que son

comportement est dû à son désir de la faire souffrir comme parent (voir citation 1.2 dans annexe

K).

Pour se situer au niveau 3, le participant doit montrer des efforts de mentalisation sans

toutefois être en mesure de les exprimer de façon explicite. Bien qu’il invoque des états mentaux,

il ne peut les décrire clairement, se contentant d’exprimer son idée de façon évasive, peu

appropriée ou stéréotypée. Ce début de capacité de fonctionnement réflexif peut apparaitre sous

forme naïve ou simpliste ou sous forme d’une hyper analyse (analyse d’éléments concrets ou

théoriques sans véritable regard sur les états mentaux sous-jacents) qui demeure peu

convaincante ou inappropriée. Dans les propos recueillis, à la question sur la manière dont leurs

parents les avaient éduqués, certains participants voient l’éducation reçue comme résultant de

l’influence héréditaire ou génétique; selon eux, plus les caractéristiques proviennent de loin et

sont intouchables, moins il est possible d’avoir une emprise sur elles. D’autres tentent

maladroitement d’expliquer comment leurs parents, vivant à une autre époque, dans un contexte

social changeant, se sont opposés à ces changements (voir citation 1.3 dans annexe K). D’autres

participants répondent en tâchant de protéger leurs parents de toutes critiques négatives et évitent

Page 77: La parentalité un processus développemental

67

ainsi de leur faire des reproches ou d’exprimer leurs états d’âme. Par exemple, un parent

mentionne :

moi je n’ai rien à reprocher bien que ce n’était pas parfait puis ma mère là-dedans elle a vécu une maladie puis ça n’a pas été facile; un moment donné elle était censée mourir puis bon elle a survécu, mais bon. […] Non puis même si mon père était très absent, ben le peu de temps qu’il était là, c’était le meilleur père du monde. Fais que pour moi mon père est sur un piédestal (n°36 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 7 et 9 ans).

Même si cette participante dit n’avoir rien à reprocher à ses parents, plusieurs des éléments

qu’elle invoque laissent sous-entendre le contraire; de même, ses propos paraissent peu en lien

avec les émotions qu’elle a dû vivre lorsqu’elle était enfant. Enfin, d’autres participants

distinguent l’éducation qu’ils ont reçue durant l’enfance de celle d’enfants de milieux plus

difficiles, sans vraiment s’attarder à dégager en quoi et pourquoi elle était différente (voir

citation 1.4 dans annexe K). De tels propos, peu étoffés de faits et sans arguments explicatifs, ne

révèlent aucun effort de réflexion réelle.

Au niveau 5, il y a des manifestations explicites, mais peu élaborées de fonctionnement

réflexif. Ainsi, bien qu’exprimant des idées ou émotions personnelles, dépassant les simples

clichés, la personne n’arrive pas à bien les articuler avec son vécu, faute d’une réflexion

soutenue. Dans les données recueillies, à la question de l’influence que peuvent avoir les

expériences d’enfance sur le rôle parental, une participante répond :

« …beaucoup parce que, moi j’ai été laissé à moi-même, fait que je suis une personne plus fonceuse, un peu trop déterminée, puis qui n’écoute pas beaucoup à l’entour parce que quand tu apprends à ne pas faire confiance aux gens parce que c’est du mal qui t’amène, ben veut veut pas tu te fais une petite carapace, ou laisser-faire je vais m’organiser tout seul […] c’est difficile en même temps de faire la différence entre c’est tu parce que je suis comme ça ou parce que j’ai été élevée comme ça. Mais moi j’ai été élevée pas d’amour, pas d’affection, pas de rétroaction positive jamais, jamais jusqu'à ce que je parte de la maison à 17 ans. Tout le long que je vivais ça, je me disais à mes 18 ans je vais être libre de ma vie, fait que c’est comme, j’ai une bonne capacité de résilience, « c’est de la merde, mais ça ne sera pas de la merde tout le temps » c’est sûr qu’avec les enfants, comme je te disais au départ, il faut que je pense à souligner les bons coups, parce que si tu soulignes juste quand ils ne font pas bien les choses, tu ne veux pas brimer leur confiance en eux. Je fais super attention à ça. Je ne veux pas que leur confiance soit attaquée (n°28 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 6 et 10 ans).

Page 78: La parentalité un processus développemental

68

Comme l’illustre cet extrait, le parent de ce niveau se révèle capable de comprendre l’influence

de son vécu d’enfance sur ses états mentaux passés et actuels sans trop chercher à en fournir une

explication.

Au niveau 7, le fonctionnement réflexif se manifeste par la présence de tentatives

explicites de tenir compte des états mentaux qui sous-tendent les comportements. Consciente de

l’existence de ces états mentaux, la personne tente de les intégrer pour expliquer une situation

particulière, en invoquant de façon très personnelle et organisée, des pensées et sentiments

appropriés à cette situation. Par exemple, à la question de l’influence de son enfance sur le rôle

parental qu’il adopte, le participant 38 mentionne :

Tout à fait! Le fait d’avoir été pas grandement marginal, mais un peu intello, un peu paresseux, un peu peureux avec une grande facilité en classe m’a mis en marge. Il y a tout un regard que je porte sur la dynamique de l’enfant, les souvenirs de moi, de cour d’école, autant ce qui est agréable que désagréable. C’est sûr que ça teinte grandement. J’ai tendance à être père poule parce que j’ai tellement eu facilement peur de certaines choses que je vois tout de suite les risques auxquels ils sont confrontés, qu’ils seront peut-être confrontés. Puis là-dessus je me fais souvent violence pour les laisser aller pareil en disant « Non, calme-toi, ça n’arrivera pas. » Mais je m’inquiète très facilement par rapport à ça (n°38 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 8 et 11 ans).

De même, le fait de considérer le jeu de plusieurs influences sur le vécu de la personne

rend l’argumentation plus complexe et révèle une compréhension plus fine et plus nuancée de la

réalité. Les propos d’un parent commentant sa propre dynamique parentale illustrent bien ces

caractéristiques. Ses réflexions sur les divergences inévitables dans un couple, dues à des vécus

différents, montrent sa capacité à comprendre que l’histoire personnelle de chacun peut teinter

ses comportements et valeurs; ceci les amène à mieux réfléchir sur les moyens à adopter pour

devenir les parents qu’ils désirent être (participants 41 et 42). Sa conjointe abonde dans le même

sens en insistant sur l’importance de la communication :

Autrement dit, on euh… je veux dire on peut juste donner ce qu’on est puis ce qu’on a reçu. Puis l’affaire c’est qu’en étant deux, puis en se parlant beaucoup, puis en essayant de se regarder aller puis d’analyser la situation, bien c’est pas comme on a aucun, qu’on est victimes de ça puis qu’on n’a pas un mot à dire. Je veux dire, on peut changer les choses puis en se parlant beaucoup, on décide non ça moi je ne veux pas répéter ça euh… puis c’est la force d’être deux, c’est la force de se parler. Je pense que la communication, on se le dit souvent, c’est vraiment la base c’est la base

Page 79: La parentalité un processus développemental

69

d’un couple puis c’est la base d’une famille aussi là. Pour ne pas tomber justement dans les mêmes patterns puis dans les mêmes pièges (n°41 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 3 enfants entre 2 et 6 ans).

Les participants de ce niveau sont conscients du caractère subjectif de leur perception et, de ce

fait, sentent la nécessité d’exprimer leur propre point de vue dans des situations interactives,

comme au sein d’un couple de parents par exemple. Ces participants sont également ceux qui

cherchent à préciser l’interprétation qu’ils font de la réalité, telle que : « c’est difficile en même

temps de faire la différence entre c’est tu parce que je suis comme ça ou parce que j’ai été élevée

comme ça (participante 28); le souvenir que moi j’en ai, mes frères et sœurs ne seraient peut-être

pas d’accord, mais le souvenir que moi j’en ai … (participant 38) ».

Enfin, le niveau 9 est rarement atteint compte tenu de son caractère exceptionnel. Aucun

des participants n’en a manifesté les caractéristiques particulières, dont celle d’être pleinement

conscient, dans des situations chargées d’émotions difficiles, des aspects considérés importants

par tous les protagonistes impliqués, de telle sorte que leur mise en relation se fera dans le

respect des sentiments et croyances de chacun et de façon suffisamment complexe et élaborée

pour rendre compte de leur exactitude.

Répartition des parents selon le niveau de fonctionnement réflexif

Après avoir analysé les propos de chaque participant, la répartition selon les niveaux sur

l’échelle de fonctionnement réflexif (FR) (voir la figure 1) a pu être effectuée. Le niveau moyen

des participants est de 4,25 avec un écart-type de 1.76.

Page 80: La parentalité un processus développemental

70

Figure 1 : Répartition des participants selon leur niveau de fonctionnement réflexif

Plus spécifiquement, cette répartition des participants permet de constater que la majorité (13) se

situe au niveau 4 sur la grille du fonctionnement réflexif; très peu voire aucun participant ne se

situent aux niveaux extrêmes de l’échelle (-1 et 9). Ces résultats concordent avec ceux des

moyennes obtenues dans la littérature (Bouchard et al., 2008)4 (Crumbley, 2009)5 (Ilardi, 2010)6.

Entrevue sur le style d’éducation parentale (SÉP)

Comme mentionné précédemment, pour appréhender de manière différente7 les styles

d’éducation adoptés par les parents, une section de l’entrevue a porté sur des mises en situation

problématiques nécessitant une intervention de la part du parent. Par exemple, le parent était

questionné sur son intervention lorsque l’enfant se montrait turbulent ou ne l’écoutait pas (ex. :

demande d’aller se coucher) ou encore lorsqu’une chicane éclatait entre les enfants, avec ou sans

présence de violence (physique et/ou verbale). Des sous-questions étaient posées selon les

réponses du parent, entre autres pour savoir comment il réagirait si, dans une telle situation et

4 Moyenne du niveau de fonctionnement réflexif et écart-type entre parenthèses à partir de l’Adult Attachement interview (AAI) : femme 5.14 (1.96) et homme 3.53 (1.62), 5 Moyenne à partir du Parental Developmental Interview (PDI) : moyenne de 5.2 et à partir de l’Adult Attachement interview (AAI) : moyenne de 5.08 6 Moyennes du niveau de fonctionnement réflexif et écart-type entre parenthèses à partir du Parental Developmental Interview (PDI) : 4 (0.77) 7 Les résultats de cette analyse seront comparés plus loin avec ceux obtenus au questionnaire qui s’y rapporte.

0

2

4

6

8

10

12

14

-1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Niveau de fonctionnement réflexif

Page 81: La parentalité un processus développemental

71

après son intervention, son enfant ne l’écoutait pas ou répétait le comportement jugé

inacceptable.

L’analyse de contenu des propos récoltés a été menée de façon indépendante selon que la

situation demandait à être réglée (ex. : conflit entre enfants ou mauvais comportement) ou que

l’intervention préconisée avait conduit à un échec de règlement. Étant donné la diversité des

configurations familiales, plusieurs facteurs se sont révélés importants à considérer, par les

parents, pour rendre compte de leurs comportements dans de telles situations. Deux types

principaux de facteurs se sont dégagés des discours : des facteurs contextuels et les

caractéristiques de l’enfant.

Parmi les facteurs contextuels, il faut mentionner le statut actuel du parent (en

couple/seul), le moment d’intervention (début/fin de journée), l’état psychologique du parent (p.

ex. une journée désagréable peut entrainer plus d’intolérance et de rapidité à sanctionner) et le

degré de sévérité de la situation. Le jugement porté sur ce dernier facteur est aussi déterminé par

certaines caractéristiques de l’enfant.

L’âge et le sexe de l’enfant se sont révélés déterminants dans l’évaluation d’une situation

et dans le choix de l’intervention du parent. En effet, ce qui, pour lui, pouvait paraître anodin

chez un tout jeune enfant était au contraire jugé plus sévèrement chez un enfant plus âgé; de

même, ce qu’il voyait normal pour un garçon pouvait être jugé différemment si c’était une fille

qui le faisait (voir citation 2.1 dans annexe K).

D’autres facteurs associés à l’enfant ont aussi pu influencer le jugement et le type

d’intervention choisi : le degré de connaissance des comportements habituels de son

enfant (docile / récalcitrant), la capacité à saisir les intentions sous-jacentes à ses comportements

ou encore, la présence d’un problème clinique (ex; trouble du déficit de l’attention /

hyperactivité), le niveau de fatigue ou d’excitation de l’enfant, la récence de sa prise de

médicament (participants 16 et 49). L’intervention du parent variait selon la perception de l’état

actuel de l’enfant : s’il était fatigué ou surexcité, dépendant de l’heure, le parent avait tendance à

l’envoyer jouer dehors pour se défouler et dépenser son trop-plein d’énergie ou à aller se coucher

plus tôt (participants 19, 30, 34 et 37).

Page 82: La parentalité un processus développemental

72

Pour ce qui est de l’intervention proprement dite, une certaine homogénéité a été

constatée dans le type de punition préconisé par les parents. En effet, le même genre de punition

a souvent été retenu par les parents, tels que mettre l’enfant à l’écart (ex. dans un coin, dans la

chambre, sur un banc ou dans les escaliers) pour un certain temps, variable selon l’âge de

l’enfant (environ une minute par âge) ou lui soustraire un privilège (lui retirer un jouet /

télévision) ou réduire la période qui précède la mise au lit le soir. Rares sont les parents qui ont

mentionné utiliser la punition corporelle, telle que la fessée; cela est sans doute conséquent au

fait qu’au Québec, il y a interdiction légale de le faire, faute de quoi des sanctions peuvent être

émises contre les parents. Par contre, plusieurs admettent monter le volume de la voix et parfois

crier pour se faire écouter de leurs enfants.

Malgré l’homogénéité des sanctions infligées aux enfants pour contrecarrer les mauvais

comportements, une variabilité est observée dans le sens que donnent les parents à la punition ou

dans la manière de l’appliquer. Ceci semble être en lien direct avec le style d’éducation privilégié

par le parent.

Description des styles d’éducation parentale

Pour évaluer les différents styles d’éducation parentale qui se sont révélés durant

l’entrevue, la grille élaborée en combinant les composantes de deux modèles (Maccoby et

Martin, 1983; Carlson, 2011) rend compte de trois styles d’éducation : démocratique –

accommodant; autoritaire – contrôlant; et permissif – indulgent. La courte description de chacun

d’entre eux est accompagnée d’extraits de protocoles illustrant les données récoltées qui s’y

rattachent. Les résultats de cette analyse seront ensuite mis en relation avec ceux obtenus par

questionnaire.

Le parent démocratique – accommodant. En général, les parents de ce groupe manifestent du respect et de l’affection pour leur

enfant et se montrent soucieux de répondre à ses besoins tout en lui fournissant des balises ou

limites claires. Ces parents s’intéressent au point de vue de leur enfant et entrevoient toute

responsabilité comme réciproque, ce qui les amène à aider leur enfant à résoudre lui-même ses

conflits soit par la discussion, soit en réfléchissant sur ce qui pourrait être fait pour éviter ce

genre de situation à l’avenir (Maccoby & Martin, 1983). À l’aise dans leur rôle, ils manifestent

une souplesse dans leur intervention (possibilité de l’adapter à l’enfant selon ses besoins) qui est

Page 83: La parentalité un processus développemental

73

centrée sur le comportement de l’enfant et non sur l’enfant lui-même. Comme ils ne se

considèrent pas parfaits, ils sont à l’aise de reconnaître leurs erreurs (Carlson, 2011). Les extraits

de trois parents décrivant leur mode d’intervention auprès de leurs enfants illustrent ce premier

style (voir citations 2.2, 2.3 et 2.4 dans annexe K). Ces extraits révèlent la présence de

caractéristiques associées au style démocratique tels que tenter de comprendre d’abord la

situation problématique dans son contexte et avoir le désir d’améliorer la compréhension de

l’enfant sur la situation afin qu’il devienne davantage autonome et responsable dans ses choix et

décisions. Lorsque le parent aborde des interventions effectuées (punition) auprès de son enfant,

il montre son désir de vouloir faire réfléchir l’enfant sur la portée de ses actes et de décider lui-

même de la façon de les « réparer »; par exemple :

Hier, elles ont joué dehors; (fille aînée) a essayé de faire une structure et tout est resté dehors. Quand elles sont rentrées, alors j’ai dit : « tu as ça à faire avant d’écouter ton émission » elle ne voulait pas aller ramasser les choses, j’ai dit «tu fais le choix de ne pas aller ramasser les objets que tu as dehors, c’est correct, mais dis-toi que la prochaine fois tu ne pourras peut-être pas avoir autant d’affaires pour faire des sculptures, parce que si c’est moi qui les ramasse, bien ça veut dire que quand tu fais des sculptures tu ne ramasses pas » je lui ai comme fait savoir que «regarde, je t’ai sorti plein d’affaires spéciales pour faire ça», j’ai dit :«Moi ça me déçoit parce que c’est comme si tu n’étais pas contente que j’aie fait ça». J’ai dit : « tu prends une décision, moi je te demande de le ramasser dans les 5 prochaines minutes ». Je leur donne quand même un délai (n°11 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 5 et 8 ans).

Lors de conflits entre enfants, le parent démocratique intervient généralement en tentant

d’aider les enfants à résoudre leur conflit eux-mêmes soit par la discussion afin de comprendre le

point de vue de chacun, soit en faisant réfléchir les enfants sur ce qu’ils pourraient faire à

l’avenir pour éviter de reproduire ce genre de situation (voir citation 2.5 dans annexe K).

Le parent autoritaire – contrôlant. Le parent autoritaire – contrôlant est celui qui manifeste un niveau élevé d’exigence, qui

considère comme important le maintien de l’autorité et qui décide des règles à suivre dans la

maison (Maccoby & Martin, 1983). Son contrôle s’exerce sur tout : comportements, opinions,

intérêts, amis, tenues vestimentaires, etc. par des techniques touchant les privilèges ou blessant

physiquement ou moralement son enfant (Carlson, 2011).

Page 84: La parentalité un processus développemental

74

Contrairement aux parents démocratiques qui cherchent à faire réfléchir l’enfant sur la

portée de ses actes et à le faire décider lui-même des moyens à adopter pour régler une situation

problématique, les parents autoritaires cherchent plutôt des sanctions souvent déplaisantes, pour

punir l’enfant lors de situations de conflit, dans le but de l’inciter à ne plus recommencer (voir

citation 2.6 dans annexe K) :

Ça marche parce que cela les fait suer, si c’est le fun d’aller dans leur chambre, ça ne serait sûrement pas ça, cela serait autre chose. Puis on a toujours fonctionné qu’après une répétition on coupe des choses qu’il aime chez (nom de son fils) c’est la Wii, c’est truc là, puis comme il a le droit de jouer seulement la fin de semaine, ben on coupe des journées, puis (nom de sa fille) ben c’est … l’été c’est les amis dans la cour, parce que c’est beau les marches, mais un moment donné, ça fait plus, puis il faut couper où est-ce que cela fait mal, pour que cela leur dérange quelque part, ça toujours été des choses comme ça, puis cela fonctionne bien (n°33 ; femme moins de 30 ans, Collégial, 2 enfants entre 3 et 6 ans).

En fait, une large part de leurs propos est consacrée à parler des conséquences / punitions

(souvent les mêmes, « celles qui fonctionnent ») qu’ils donnent à leurs enfants pour les

discipliner. Ces sanctions sont souvent vues comme des tentatives de trouver la « bonne »

punition pour leur enfant (essais – erreurs). Certains parents expriment leur crainte que

l’efficacité des interventions punitives soit de courte durée, surtout chez l’enfant plus âgé qui

affiche souvent ne pas être affecté par la punition (ex; retirer un jouet/retrait de la télé). Par

exemple, le parent suivant choisit d’envoyer son enfant se coucher plus tôt ou de le priver des

activités qu’il aime (Wii, DS, télé) pour le punir de ses comportements inadéquats (voir citation

2.7 dans annexe K).

Loin de chercher à comprendre ou à faire comprendre à l’enfant ce qui a déclenché un

problème quelconque, le parent autoritaire voit plutôt son rôle comme celui d’un arbitre qui

tranche et détermine qui doit être puni et par quels moyens. Par exemple, un parent mentionne :

« Fait que là c’est d’essayer de gérer le conflit puis là on les sépare et tout ça. Fais que c’est une bonne respiration. Puis, moi comment je gère ça, ça va dépendre d’une fois à l’autre comment je m’en tire. Des fois ça va être un «Woh et puis toi tu t’en viens là et tu t’assois là tranquille» souvent ça va être le retrait là » (n°48 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 3 et 6 ans).

Page 85: La parentalité un processus développemental

75

Cet extrait illustre bien le manque d’attention que donne le parent autoritaire à la

compréhension et à la résolution de conflit alors qu’il accorde une grande importance au désir

d’arrêter la situation conflictuelle en séparant les enfants.

Le parent permissif – indulgent. Le parent permissif – indulgent est celui qui affiche une attitude de tolérance et

d’acceptation des comportements de son enfant pour éviter tout contrôle sur lui; dans la mesure

du possible, il laisse aussi l’enfant prendre ses propres décisions (Maccoby & Martin, 1983).

Certains parents sont permissifs parce qu’ils sont incapables de dire non à leur enfant par désir de

se sentir aimés et approuvés d’eux alors que d’autres le laissent agir à sa guise, pensant à tort que

leur enfant a déjà atteint un degré suffisant de maturité (Carlson, 2011).

Les données recueillies dans les entrevues concordent avec cette description du style

permissif, et ce malgré le nombre très faible de participants représentés dans ce style

d’éducation. Parmi ceux qui ont révélé des composantes permissives se trouvent des parents qui,

pour éviter toute intervention, cherchent par exemple, à expliquer les comportements inadéquats

de leur enfant par des raisons médicales, comme c’est le cas du parent qui se contente de dire que

son enfant est turbulent parce que sa médication ne fait pas encore effet (médication pour

l’hyperactivité) (participante 14). D’autres préfèrent laisser leurs enfants gérer leur conflit entre

eux afin de ne pas avoir à intervenir à l’exception des situations où il y a blessure (lorsqu’un

enfant saigne) (voir citation 2.8 dans annexe K). Certains autres ne cherchent pas à régler le

problème, mais tentent plutôt de distraire les enfants ou de les orienter vers d’autres activités :

C’est arrivé à quelques occasions. À un moment donné j’ai dit : je vais te faire courir, je vais te faire faire 10 tours de la maison, en courant. Arrête! Tu m’épuises! Je lui dis peut-être qu’un bain ferait du bien. […] on va-tu faire de la Kinect ensemble. Viens-t’en on va aller prendre une marche, on va aller patiner. C’est changer, sur d’autres choses. […] J’analyse autrement, je lui change les idées, j’essaie de voir ce qui ne fonctionne pas (n°17 ; femme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 1 enfant de 11 ans).

Dans ce dernier cas, bien que le parent dise qu’il essaie de voir ce qui ne fonctionne pas

chez son enfant, sa réaction est plutôt de vouloir le distraire ou le calmer. Enfin, d’autres parents

disent tenter de discuter avec leur enfant; pourtant, dans leurs propos rien n’indique qu’ils

cherchent à comprendre ou à faire comprendre à l’enfant ce qui ne va pas; au contraire, ils disent

Page 86: La parentalité un processus développemental

76

mettre leurs efforts à le convaincre de se conformer pour éviter des conséquences désagréables

(voir citation 2.9 dans annexe K).

Pour conclure, il apparait que les interventions parentales pour régler une situation

problématique diffèrent en fonction de facteurs de différents ordres. Mis à part certains facteurs

contextuels, il faut mentionner la perception qu’a le parent de la nature du problème, de son

degré de sévérité, des caractéristiques de l’enfant impliqué (sexe, âge, maturité, intention) et du

maintien des comportements jugés inacceptables après une intervention parentale. À ceci, il faut

ajouter les croyances des parents, leurs expériences antérieures, leur état psychologique (fatigue,

culpabilité, etc.) et le style d’éducation qu’ils privilégient. À cet égard, bien que la majorité des

parents disent appliquer des sanctions et que celles-ci sont pratiquement toujours les mêmes, des

différences sont observées dans le sens attribué à ces sanctions et dans la façon de les appliquer

selon le style d’éducation privilégié. Alors que le parent « démocratique » vise l’amélioration de

l’autonomie de l’enfant par l’apprentissage d’un processus de résolution de conflit qui,

graduellement, l’amènera à résoudre ce type de situations sans l’aide du parent, le parent

autoritaire, très centré sur les sanctions, vise plutôt à régler lui-même le conflit en imposant des

punitions rébarbatives dans l’espoir de ne plus voir apparaitre des comportements jugés

inadéquats. Quant au parent permissif, désireux de maintenir une relation hors de tout conflit

avec son enfant, il tend plutôt à feindre d’ignorer les situations problématiques en se repliant vers

des stratégies d’évitement ou de tolérance dont les effets ne peuvent être que ponctuels et

éphémères.

Répartition des parents selon leur style d’éducation parentale

À l’issue de l’analyse des styles d’éducation parentale, il est possible de répartir les 49

participants à l’entrevue de la façon suivante : 14 parents ont un style démocratique –

accommodant, 15 présentent à la fois des caractéristiques des styles démocratique et autoritaire,

16 présentent un style pouvant se rapporter au type autoritaire – contrôlant (dont 1 a pourtant

émis le désir d’être plus tolérant et permissif), 2 ont un style permissif; 2 participants n’ont pas

pu être classés dus aux enregistrements défectueux de leurs propos durant l’entrevue.

Page 87: La parentalité un processus développemental

77

Entrevue sur la parentalité

Description des niveaux de développement de la parentalité

Après une lecture répétée de chacun des protocoles recueillis, il a été possible d’ajouter à

la grille d’analyse les éléments associés à la parentalité qui n’avaient pas été anticipés. Ce travail

étant accompli, une analyse systématique des différents protocoles a permis de dresser un portrait

du discours des parents appartenant à chacun des niveaux de cette grille. À souligner que cette

composante offre aussi une occasion au parent d’exprimer les difficultés qu’il rencontre au

quotidien ou de révéler ce qu’il conçoit être des erreurs dans sa démarche.

Il est important de souligner que tous les éléments caractérisant un niveau de

développement n’ont pas forcément été exprimés par chacun des participants, chaque expérience

étant unique et les manières de l’exprimer tout autant; ainsi des variations interindividuelles sont

attendues même à l’intérieur d’un même niveau de développement. Par ailleurs, dans tout

processus développemental, il n’est pas surprenant d’observer l’apparition d’éléments relevant

de deux niveaux de développement différents; ceci ne fait qu’illustrer que le développement se

situe dans le temps et est donc en mouvement; un individu qui ferait appel à des éléments de

deux niveaux concomitants se situerait à un stade intermédiaire entre ces deux niveaux, c’est-à-

dire en phase de transition.

Un bref rappel de la description des conduites attendues pour chaque niveau est d’abord

effectué, suivi de la présentation des éléments tirés du discours des parents qui permettent de

situer chaque participant dans le niveau qui le représente le mieux. Pour illustrer les éléments

marquants du discours des parents, des extraits se rapportant à chaque niveau de développement

sont cités dans le texte.

Dualisme (à la recherche du bon comportement chez mon enfant) - Le premier niveau de

l’échelle regroupe les deux premières positions du modèle original à 9 positions de Perry. Selon

ces positions identifiées comme dualistes (voir annexe A), il est anticipé que le parent affichera

des attitudes catégoriques dans sa description du rôle de parent. Convaincu de détenir l’autorité,

devant les difficultés ou des résultats négatifs à ses demandes, il aura tendance à les attribuer à la

mauvaise foi de son enfant ou à des causes qui lui sont externes ou encore à chercher auprès de

sources qu’il juge dignes de foi (parents, amis) une justification à sa manière d’agir ou

Page 88: La parentalité un processus développemental

78

d’intervenir. Son discours sera souvent stéréotypé, sans nuance et parfois même contradictoire,

témoignant d’un manque de conscience de la portée de ses comportements dans les situations

vécues.

Comme prévu, à la description de soi comme parent, le parent dualiste se décrit de façon

statique (comportements, traits ou caractéristiques) et peu organisée, empêchant d’avoir une

image claire de sa perception de lui-même comme parent. L’extrait suivant illustre bien ces

faits :

Je ne suis pas patiente, je manque de patience un petit peu, je voudrais, j’attends un petit peu trop des fois d’eux autres, j’aimerais ça que ce soit tous plus parfait, j’aimerais ça avoir des enfants bilingues, j’aimerais que ça l’aille super bien à l’école, les trois, donc j’ai peut-être trop d’attentes aussi, malgré que je suis contente pareille, je suis fière d’eux, je suis une personne qui est fière de présenter ses enfants (n°8 ; femme entre 31 et 40 ans, Collégial, 3 enfants entre 7 et 13 ans).

Cette description de soi invoquant des éléments associés au rôle de parent est pour le moins

imprécise, parfois stéréotypée ou idéaliste, sur des aspects souvent soumis au jugement des

autres, sans cohérence d’ensemble. En fait, ce même parent, qui recherche l’approbation, a

tendance à se décrire en s’appuyant sur ce que les autres disent de lui, « je suis une bonne mère,

je pense, on me le dit beaucoup, je suis une très bonne mère, on me le dit » (participante 8). Le

parent dualiste peut également fournir une définition statique et concrète de soi lorsqu’il répond à

la question concernant d’éventuelles modifications de ses comportements face à des situations

variables, dont les changements perçus dans son rôle parental suite au développement de l’enfant

(voir citation 3.1.1 dans annexe K).

D’autres parents de ce niveau disent percevoir des changements, mais ils les attribuent à

des causes extérieures, hors de leur volonté:

Quand je voulais être parent, je voulais beaucoup d’enfants. Parce que j’étais toute seule. Maintenant si j’avais à recommencer, je suis égoïste, mais j’en aurais un ou deux maximum et je ferais attention. Parce que le 3e c’est un accident et vraiment un accident et un imprévu. J’adore mes enfants là. Je dis ça et je n’aime pas ça, mais voir les difficultés de la vie que j’ai eues avec eux. Parce que chacun ils ont quelque chose. Je ne sais pas si c’est pareil dans les autres familles, mais moi chaque enfant il y a un petit quelque chose qui accroche dans leur cheminement (n°8 ; femme entre 31 et 40 ans, Collégial, 3 enfants entre 7 et 13 ans).

Page 89: La parentalité un processus développemental

79

Concernant la perception de leur rôle en tant que parents, les participants de ce niveau en

donnent une description plutôt stéréotypée et concrète. Certains voient ce rôle comme unilatéral,

c’est-à-dire qu’ils l’envisagent comme une nécessité de répondre aux besoins de base de leur

enfant, sans pousser plus loin leur réflexion (voir citation 3.1.2 dans annexe K). Pour un autre

participant, le parent idéal représente :

Ça serait quoi un parent idéal? Ça dépend (rire) bien je ne sais pas si un parent idéal c’est quelqu’un qui ne se remet jamais en question (rire), fait qu’il se trouve toujours correct, qui est toujours correct dans le fond (rire) je ne sais pas, le parent idéal est celui qui sait tellement où est-ce qu’il s’en va, qu’est-ce qu’il veut, qu’est-ce qu’il attend de ses enfants, qui fait tout pour l’obtenir. Mais encore là, le parent idéal ça dépend des enfants aussi. Il faut que les enfants aillent dans le sens de ce que le parent a en tête (n°23 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 3 et 6 ans).

Dans ce deuxième extrait, un début de considération de l’influence possible de l’enfant est noté,

mais non explicité. Pour ce parent, la préoccupation centrale reste celle de s’assurer que l’enfant

se conforme aux exigences du parent, ce qui est une caractéristique d’une pensée dualiste, c’est-

à-dire avoir la conviction que seul le parent est dépositaire de l’autorité, celui qui planifie, qui

gère et fait valoir sa volonté. Très peu d’attention et de considération sont données à l’enfant,

sinon la nécessité de lui prodiguer des soins ou de l’obliger à faire ce que le parent juge

important pour lui.

Concernant la perception du parent sur le rôle de son enfant, l’extrait précédent illustre

bien la pensée d’un parent dualiste. Selon ce parent, le rôle que doit jouer l’enfant se limite à

respecter les directives fixées par le parent et la société en général. L’enfant est ainsi vu comme

plutôt passif et soumis à la volonté de ses parents.

En ce qui a trait à l’évaluation du parent de sa compétence, au niveau dualiste, cette évaluation

est dépendante de critères extérieurs; elle s’effectue principalement à partir des comportements

de l’enfant : s’ils sont conformes aux attentes du parent, mais aussi à celles d’autres adultes

(professeurs, etc.), le parent se jugera positivement (voir citation 3.1.3 dans annexe K). Par

contre, s’il est confronté à des difficultés ou si les rétroactions qu’il reçoit des autres sont

négatives, le parent dualiste se sent pris au dépourvu et cherche des raisons extérieures à lui pour

expliquer les comportements de son enfant. Par exemple, une participante mentionne :

Page 90: La parentalité un processus développemental

80

Je pensais que ça allait être beaucoup plus facile. C’est sûr que j’ai des enfants, un hyperactif, il me gruge de la patience beaucoup malgré ses médicaments. Non je ne m’attendais pas… Je m’attendais à avoir des enfants peut-être plus faciles. Non je ne m’attendais pas que ça allait être aussi dur des fois (n°14 ; femme entre 31 et 40 ans, DEP, 2 enfants entre 8 et 15 ans).

Les causes externes invoquées peuvent être diverses : difficulté à gérer le temps entre rôle

parental et rôle de travailleur, problèmes de santé de l’enfant, mauvaise influence des amis de

son enfant, etc. C’est quand il se sent dépassé par les événements que le parent dualiste éprouve

le besoin d'aller chercher des conseils ou un soutien extérieur, souvent des personnes de son

environnement immédiat (parents, amis). Somme toute, il y a peu de manifestations

d’autocritique de la part du parent dualiste. Ses solutions pour régler les situations difficiles sont

souvent immédiates et à courte vue, sans véritable recherche des raisons de ses difficultés ou de

ses échecs à les résoudre.

Pour ce qui est de sa perception de la connaissance en général, le parent dualiste en parle

surtout en termes quantitatifs dus au fait qu’il accorde plus d’importance à la quantité

d’informations recueillies qu’à la nature de ces informations. Une participante donne un bel

exemple de cette caractéristique quand elle mentionne : « Je lis beaucoup beaucoup beaucoup.

J’écoute beaucoup d’émissions, j’écoute mes amis, je prends des références alors je me construis

de même » (participante 8). Seules les recommandations de professionnels reconnus (à la

télévision, par exemple) sont perçues comme positives et ne seront pas remises en question par le

parent. Face à une situation problématique à résoudre dont il ne semble pas vraiment saisir

l’enjeu et où les propos d’experts se contredisent (p. ex. valeur positive/négative des vaccins), il

éprouve de la difficulté à considérer deux points de vue opposés. Il peut répondre à la question

en annonçant que ce sont les résultats qui donneront la « bonne » réponse ou, comme dans

l’extrait suivant, qu’il suivra les conseils d’un expert qu’il connaît (son médecin de famille) : «

Bien moi pour les vaccins, c’est mon médecin de famille que je crois en elle. Je vais l’écouter »

(participante 8). Il peut aussi, comme c’est le cas de la participante 17, avancer des arguments

contradictoires en disant que les résultats en feront foi, puis qu’il se basera sur ses principes pour

enfin dire que « c’est un coup de dé » (voir citation 3.1.4 dans annexe K).

En lien avec la présence de propos contradictoires, le discours du parent dualiste est

empreint d’une difficulté à nuancer ses propos; son style de raisonnement est fragmenté, souvent

Page 91: La parentalité un processus développemental

81

polarisé (bon/mauvais; bien/mal) sans souci de justifier la prise de position adoptée. Cette façon

de penser est susceptible d’influencer le jugement qu’il porte sur la réalité en ce sens que c’est

lui qui détermine ce qui est acceptable ou non dans ses comportements ou ceux de son enfant.

Selon les données analysées, il faut ajouter que la communication du parent dualiste est souvent

imprécise ou incomplète par absence de souci à l’égard de la compréhension de son

interlocuteur; de plus, les interprétations fausses ou contradictoires qu’il donne à la réalité

illustrent un manque de réflexion et de compréhension de sa part qui hypothèque toute possibilité

d’un véritable dialogue.

Multiplicisme (à la recherche d’une bonne solution pour mon enfant) – Le deuxième

niveau regroupe les positions 3, 4a et 4b de l’échelle originale. À ce niveau, il est attendu que le

parent commence à prendre conscience de la complexité des tâches associées à son rôle, dont

celle de devoir tenir compte du rôle de son enfant. Bien qu’à certains égards, il pense encore de

façon dualiste, certaines de ses préoccupations montrent une avancée. Par exemple, il commence

à percevoir l’utilité des règles et principes pour le guider dans son rôle, mais n’en saisit pas

encore toute la portée, trop centré qu’il est à chercher une solution immédiate à tout problème

qu’il rencontre. Grâce à une certaine ouverture d’esprit, le parent multipliciste commence aussi à

concevoir que son enfant peut jouer un rôle actif dans son apprentissage de la vie, grâce à ses

motivations et ses intérêts variés.

À la lumière des différentes composantes de la grille d’analyse (annexe A), les propos

recueillis chez les parents jugés multiplicistes illustrent bien dans quel sens les conduites

observées sont plus évoluées que les précédentes.

Concernant la description de soi comme parent, les parents multiplicistes continuent de

se décrire spontanément en termes de traits, de goûts ou de comportements. La description que

donne une participante d’elle-même comme parent est la suivante :

Je suis une personne aimante qui est douce. Mon dieu, c’est sûr qu’il y a des moments d’impatience comme tous les parents. Des fois on voudrait avoir un peu plus de patience pour nous faire passer à travers les moments les plus difficiles. Mais, moi j’aime beaucoup rire avec mes enfants, j’aime beaucoup m’amuser, passer du temps avec eux. Je profite de chaque instant que je peux avoir avec eux (n°12 ; femme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 8 et 14 ans).

Page 92: La parentalité un processus développemental

82

D’autres vont plus loin en référant à leurs pratiques quotidiennes pour montrer un début d’intérêt

pour la réalité de leur enfant et leur plus grande considération et flexibilité à son égard (voir

citation 3.2.1 dans annexe K). D’autres enfin, contrairement aux parents dualistes, se perçoivent

davantage en changement depuis qu’ils sont parents. L’exemple suivant illustre bien cette prise

de conscience :

[…] j’ai besoin d’une grande liberté puis je pense que je n’avais pas conscience de ça avant d’avoir des enfants de ce que ça allait me demander. J’idéalisais beaucoup ça. Je suis une mère qui a appris à faire de la discipline malgré moi parce qu’au départ je n’étais pas quelqu’un qui était très porté, ce n’était pas quelque chose de naturel, je dirais (n°10 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 8 et 9 ans).

En ce qui a trait à la perception du rôle du parent et du rôle de l’enfant, une des

caractéristiques marquantes des parents multiplicistes est leur prise de conscience de la difficulté

et de la complexité du rôle parental. Ainsi, comparativement au parent dualiste qui invoque

plutôt des difficultés de nature concrète, immédiate et souvent extérieure à lui lorsqu’il parle de

son rôle de parent (telles la maladie, la charge de travail, la fatigue), chez le parent multipliciste,

il n’est plus uniquement question de ce type de difficultés; le parent en conçoit d’autres, moins

observables et pourtant bien réelles telle que, par exemple, celle de sentir que les réactions de son

enfant l’affecte émotionnellement et peuvent même influencer sa manière de se comporter avec

lui.

La personne multipliciste voit son rôle comme celui d’un guide qui oriente son enfant

vers ce qu’il considère bien ou bon pour lui; certains parents vont jusqu’à mentionner laisser

l’enfant faire ses propres choix. À ce niveau, on observe aussi de l’ambivalence chez certains

parents qui commencent à percevoir comme difficile de toujours devoir établir ce qui est bien ou

non pour leur enfant. Alors qu’ils sont prêts à accepter de ne pas décider pour leur enfant, il

apparait clairement qu’ils désirent rester un guide pour lui; l’âge de l’enfant va conditionner leur

décision.

L’extrait tiré du protocole suivant illustre bien cette ambivalence et l’influence de l’âge

de l’enfant au moment de prendre une décision importante dans une situation problématique,

telle celle de décider de procéder à la vaccination des enfants ou non :

Page 93: La parentalité un processus développemental

83

Il y a une couple d’années, 2 -3 ans, j’en ai trois (enfants), la première plus grande elle a dit je ne veux pas, elle était majeure, je respecte, le deuxième il a, à cette époque-là il a eu 14 ans, il a eu peur, « maman tout le monde le prend, tout le monde le prend, moi je veux le prendre» j’ai dit, regarde, personnellement je suis contre, mais si toi tu veux vraiment parce que tu penses que ça va te faire du bien, on y va, maman va dire OK, je vais signer et c’est ce que j’ai fait, il a pris le vaccin. Et le plus jeune qui ne savait pas quoi faire, j’ai pris la décision de ne pas lui donner (n°46 ; femme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 3 enfants entre 10 et 18 ans ou plus).

Pour le participant multipliciste, l’évaluation de sa compétence en tant que parent se

caractérise par une remise en question de l’évaluation, soit parce qu’il considère que personne ne

connaît vraiment comment réagir face à des enfants ou parce que souvent les situations sont trop

contraignantes pour permettre de montrer sa compétence. Cette contestation de l’évaluation

exprime une sorte de remise en question de l’autorité dans des situations incertaines; elle laisse

aussi transparaître un début de réflexion sur la pertinence des comportements adoptés. Les

propos suivants illustrent bien ce fait : « Je pense qu’il n’y a pas de parent idéal, comme il n’y a

pas d’enfant idéal. Je pense qu’on fait tous de notre mieux » (participant 21). Pour ce participant,

être parent idéal est impossible. D’autres parents expriment plus explicitement comment les

nombreuses contraintes surtout extérieures par exemple le travail et les horaires surchargés,

rendent complexe et difficile leur rôle de parent (voir citation 3.2.2 dans annexe K).

Tout comme le parent dualiste, le parent multipliciste se montre encore incapable

d’anticiper la portée de ses agissements puisqu’il ne se rend compte de ses difficultés et de ses

erreurs qu’à travers les comportements inadéquats de son enfant. Cependant, à ce deuxième

niveau, il affiche une certaine ouverture à se remettre en question, à changer certains

comportements qui n’ont pas fonctionné, mais il ne cherche pas encore les raisons de ses échecs

ou réussites, réduisant d’autant la portée positive des changements apportés. Ainsi, un parent

répond à la question portant sur sa compétence en disant :

Si on a un enfant qu’on a l’impression mon dieu ça ne marche pas là, on a, je ne sais pas des crises sans cesse. Non, mais peut-être qu’on va se dire ben coudons qu’est-ce que je fais de pas correct là. Il faut être capable de se remettre en question, ça ne veut pas dire que ce qu’on fait ce n’est pas bon du tout, mais peut-être qu’on peut modifier quelque chose (n°12 ; femme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 8 et 14 ans).

Page 94: La parentalité un processus développemental

84

Une autre participante, blessée des commentaires négatifs émis contre ses enfants, ce qu’elle

juge inadmissible de la part des autres, affiche un certain contrôle sur elle-même en tâchant

d’éviter de « relancer l’attaque ». Consciente de sa propre sensibilité, elle se montre respectueuse

de celle des autres.

Qu’est-ce qui peut me blesser c’est quand quelqu’un dit du mal c’est sûr de mes enfants ben moi je prends comme exemple que mes enfants jouent au hockey […] et que là il prend des punitions parce que c’est sûr qu’il a son caractère et toutes les affaires puis que je peux entendre un parent qui vient chialer là. Ça me fait de quoi puis moi je suis une personne qui peut aller voir la personne et lui dire : «Regarde, toi ton fils fait quelque chose sur la glace, puis que moi je vois que ce n’est pas bien, je ne parlerais pas contre ton fils parce que c’est blessant pour le parent d’entendre des commentaires négatifs (n°13 ; femme entre 41 et 50 ans, Collégial, 2 enfants entre 8 et 15 ans).

Finalement, lorsque questionnée sur le fait d’avoir vécu des difficultés ou défis, une

participante mentionne avoir consulté le CLSC pour son fils qui a fortement réagi à sa séparation

de son conjoint en ayant de mauvais comportements (voir citation 3.2.3 dans annexe K).

L’extrait illustre bien que ce sont les réactions très fortes de son enfant, suite à la séparation de

son conjoint, qui ont amené la participante à prendre conscience des effets négatifs de cette

situation sur lui; ceci l’a décidée à faire appel à des ressources extérieures pour l’aider à rétablir

une situation qu’elle n’avait sans doute pas prévue.

Concernant la conception de la connaissance, le parent multipliciste qui croit encore,

comme le parent dualiste, en l’existence de vérités, diffère cependant de ce dernier en

entrevoyant les limites des experts qui sont mises à rude épreuve, faute d’informations

suffisantes, de statistiques (vision quantitative de la connaissance). Une participante aborde cet

aspect en ces termes :

Bien, il y a quelqu’un qui détient la vérité, il y a quelqu’un qui ne la détient pas. Mais je me dis, ce n’est pas si évident pour ces experts-là. Je veux dire, il nous manque de l’information, il manque des données, il manque des statistiques (n°49 ; femme entre 31 et 40 ans, Collégial, 2 enfants entre 6 et 9 ans).

Un autre aspect nouveau qui émerge du discours du parent multipliciste, par rapport à

celui d’un dualiste, est sa prise de conscience de l’individualité de chaque enfant. Il tente

d’expliquer ce fait en disant qu’il est difficile de savoir comment agir avec un enfant

puisqu’aucun enfant ne réagit de la même manière. Cette nouveauté, encore précaire dans son

Page 95: La parentalité un processus développemental

85

discours, apparait comme un premier pas vers une vision bilatérale de la relation parent et enfant,

émanant de cette capacité de distanciation et de différenciation des deux. Ne sachant pas bien

identifier cette individualité qu’il voit encore teintée de l’influence du parent, il la conçoit

comme un prolongement de lui-même. Le participant 17 tente d’illustrer ce fait à l’aide d’une

métaphore: « Tu sais un enfant là, c’est ton troisième bras […]. C’est ton ombre, c’est comme

ton double ». Cette première forme de différenciation entre le point de vue du parent et celui de

son enfant s’exprime en termes d’extension de soi-même.

Enfin, le style de raisonnement du parent multipliciste laisse entrevoir une ouverture à des

points de vue différents du sien sur un même sujet; cependant, comme le parent dualiste, il lui est

encore impossible d’en dégager des conclusions. Ce début d’ouverture à l’autre ne peut

cependant pas encore aboutir à un véritable échange, compte tenu de la tendance de la personne à

s’appuyer sur les idées des autres. Par exemple, certains parents décrivent leur intervention

auprès de leur enfant selon ce qu’ils ont appris lors de sessions de formation offertes aux parents.

Mais sous questionnés sur des aspects précis de cette intervention, ils n’arrivent pas à bien cerner

les principes de base de la formation ni à intégrer leurs propos dans une vision d’ensemble.

Relativisme (à la recherche de moyens adéquats) – Le troisième niveau regroupe les

positions 5 et 6 de l’échelle originale de Perry. Selon le modèle, il est attendu que les parents de

ce niveau ont une vision plus globale de leur parentalité. Comparativement aux parents pré-

relativistes (dualiste ou multipliciste), leurs interventions sont plus centrées sur la compréhension

qu’ils ont des tâches à accomplir et sur les démarches à prendre pour les réaliser que sur les

résultats qu’ils comptent obtenir. De plus, le parent relativiste envisage son rôle parental en

termes d’expérience enrichissante, variable selon les contextes et les enfants. Considérant la

connaissance comme un processus d’acquisition où l’apprenant joue un rôle actif, il se montre

ouvert à toute expérience susceptible de lui fournir matière à réflexion sur ses interventions.

Cette attitude se manifeste aussi dans ses interactions avec son enfant : désireux de promouvoir

au mieux son développement, tout événement est une occasion d’amener son enfant à réfléchir et

à rechercher parmi diverses explications possibles, celle qui semble la plus probable pour

comprendre toute la portée de la situation; en d’autres termes, le parent relativiste cherche à créer

un climat favorisant à la fois la communication et l’exploration chez son enfant.

Page 96: La parentalité un processus développemental

86

Après l’analyse des données obtenues lors des entrevues, il est possible d’établir qu’un

des aspects importants qui distingue le parent relativiste du parent pré-relativiste (dualiste ou

multipliciste) est sa capacité à dégager les processus impliqués dans une situation donnée et

d’envisager la possibilité de les appliquer à d’autres contextes. L’exemple suivant illustre bien

cette démarche :

Comment réagir face à un refus, comment… il n’y a pas de recette, c’est les grands concepts qu’il faut, c’est les grands principes. Où est la limite, où est-ce que tu l’as située la limite? Puis est-ce que tu l’as déplacée à chaque fois? Si tu l’as déplacée à chaque fois, comment veux-tu que ton enfant la respecte? Il va s’attendre à ce que tu la déplaces. Ça ne peut pas marcher. Il faut que tu travailles sur la perception, sur tes concepts à toi. Puis quand je dis quand les enfants me disent « encore une dernière fois ». Encore une dernière fois, ça ne se peut pas, tu ne peux pas avoir une seconde dernière fois. La dernière fois c’est la dernière. Par exemple si tu fais un jeu, c’est très drôle, tu lèves ta fille, elle te retombe dans les bras. Tu lui dis bon bien c’est la dernière. OK, c’est la dernière encore. Bien non, c’est la dernière. Mais quand c’est un jeu, c’est banal […], mais elle vient d’apprendre cette partie-là (n°3 ; homme entre 41 et 50 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 10 et 12 ans).

Comme le montre cet extrait, ce parent parle de principes à établir et à respecter s’il veut que son

enfant comprenne ce qui est attendu de lui et s’y conforme volontiers. Plus, fixer une règle à

deux, cela signifie définir une situation de façon interactive en tenant compte des intérêts de

chacun. Dans une telle situation, la préoccupation centrale du parent est plus d’assurer une

communication bilatérale entre lui et son enfant que d’imposer une règle en tant qu’autorité. Le

fait d’accorder le droit de parole à son enfant dans les choses qui le touchent contribue aussi à

favoriser une compréhension mutuelle entre le parent et son enfant et à consolider leur lien de

confiance réciproque.

Concernant la description de soi du parent relativiste, elle est contextuelle, dynamique et

personnelle (voir Rodier et Lavallée, (1990). Un tel parent décrit la parentalité comme une

expérience enrichissante en ce sens qu’il la perçoit comme une possibilité d’apprentissage et de

développement. Ainsi, une participante se définit en ces termes : « C’est, dans le fond, j’ai

toujours été une tripeuse de l’être humain, donc en devenant parent, j’arrivais avec mon petit

laboratoire privé, c’est un peu comme ça que je pourrais voir ça […] (n°18 ; femme entre 41 et

50 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 9 et 10 ans) ». De plus, le parent relativiste se voit unique,

dynamique et en interaction avec son enfant (voir citation 3.3.1 dans annexe K). Il en ressort que

Page 97: La parentalité un processus développemental

87

le parent relativiste jongle avec ses attitudes, même contraires, en ce sens qu’il sait jouer avec

elles et les réconcilier en déterminant d’avance la fonction que chacune occupe. Ce qui importe

pour ce parent, plus que des règles à imposer, c’est d’être disponible, d’être à l’écoute pour

mieux comprendre l’autre, pour mieux le voir grandir, mais sans doute aussi pour que l’autre

saisisse le sens que le parent donne aux situations et soit ainsi mieux équipé pour discuter ou

participer, une recherche de dialogue finalement!

Concernant la perception des rôles du parent et de l’enfant, comme il a été illustré dans

l’extrait précédent, au niveau relativiste, le parent se voit en interaction avec son enfant sans

chercher à endosser, comme le parent pré-relativiste, un rôle d’autorité à son égard. Autrement

dit, le parent prend conscience de l’importance de son rôle auprès de son enfant, mais ce rôle en

est un qui favorise l’autonomie et non la soumission. Tel que le mentionne le participant 38 : «

c’est surtout de donner, en fait c’est d’aider à former un cadre de référence dans le sens où de

donner des opportunités, d’amener à réfléchir ». Considérant que c’est en étant actif que l’enfant

se développe, le parent relativiste va encourager son enfant à tenter des expériences nouvelles, à

chercher par lui-même des solutions à ses difficultés, à raconter ses exploits, mais aussi ses

échecs de manière à le faire réfléchir sur ses intentions et ses actions pour qu’il en comprenne

mieux la portée. Les parents relativistes considèrent l’autorité dans sa relativité. Le participant

suivant aborde le fait qu’il puisse changer d’avis lorsque ses enfants lui expliquent leurs

raisonnements (voir citation 3.3.2 dans annexe K). Une mère mentionne avoir parfois

l’impression d’être spectatrice face au développement de ses enfants « Je me sens un peu des

fois comme spectatrice, mais je trouve ça beau de les voir aller, c’est ma plus grande satisfaction

» (participante 43). Elle considère que le parent est un guide, un pourvoyeur de conditions

favorables qui ne doit pas faire de l’ombre à son enfant qu’elle voit comme l’acteur de son

propre développement (voir citation 3.3.3 dans annexe K).

Lorsque le parent relativiste effectue une évaluation de son rôle ou de sa compétence

parentale, son auto-évaluation s’appuie sur des critères internes. Pour lui, le parent idéal est celui

qui cherche à s’améliorer ou à se développer. Il est moins important pour le parent relativiste de

tout savoir ou de posséder la vérité que de savoir prendre du recul pour s’analyser comme parent

(voir citations 3.3.4, 3.3.5 et 3.3.6 dans annexe K). Les difficultés ou les erreurs sont, pour le

parent relativiste, une occasion de se questionner, de chercher à mieux comprendre la situation

Page 98: La parentalité un processus développemental

88

qui le touche ou affecte son enfant et de planifier les actions à venir de façon réfléchie. Par

exemple, le participant 39 aborde deux types de difficultés et sa manière de les gérer :

Ah oui il y a beaucoup de défis, beaucoup de difficultés. Ça nous pousse là vraiment jusque dans nos derniers retranchements. On se questionne beaucoup « Qu’est-ce qu’on fait de pas correct, pour que telle chose arrive? » […] C’est vraiment difficile des fois. Je pense quand ton enfant, tu ne comprends pas pourquoi il est comme ça puis pourquoi il fait comme ça et que là ça ne sonne aucune cloche chez toi, dans tes valeurs ou dans ta façon d’être, dans ta personnalité. Il y a aussi des fois que justement, ils font quelque chose, tu fais « Ah c’est vrai, je suis tellement de même moi aussi » et là ça te le met dans le visage que tu as ce défaut-là, mettons. Ce n’est pas super agréable et là tu le vois chez ton enfant. Mais ça je veux dire quelque part, je me trouve mieux outillée pour travailler là-dessus du fait que je me dis « Bon je sais que c’est un défaut que j’ai – je sais toutes les choses que j’ai faites pour m’améliorer et tout ça. Je sais que je vais pouvoir guider puis aider mon enfant là-dessus s’il a des problèmes aussi », mais là par exemple un enfant qui arrive avec des défauts, des mauvaises habitudes que je me sens complètement démunie face à ça puis on ne sait pas trop, c’est difficile de faire parler un enfant aussi « Ben qu’est-ce qui ne va pas? » ce n’est pas évident là. On n’est pas super outillés là, on n’est pas des psychologues (n°39 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 1 et 6 ans).

Une autre participante mentionne pour sa part, une difficulté vécue face à d’autres

parents. Sa façon de l’exprimer laisse entrevoir son sens de responsabilité comme parent, mais

aussi son incompétence, à certaines occasions, qu’elle atténue en cherchant conseil auprès des

autres au lieu de laisser faire, de laisser aggraver une situation (voir citation 3.3.7 dans annexe

K). Le parent relativiste sait envisager comme une différence ce qui pourrait facilement être

perçu comme une difficulté par d’autres parents (voir citation 3.3.8 dans annexe K). Savoir

transformer les difficultés en défis à relever, refuser d’être étiqueté et mis en boîte, relativiser la

difficulté en mettant en évidence d’autres aspects positifs à valoriser, voilà bien des formes

d’action dont est capable le parent relativiste.

Le parent relativiste conçoit la connaissance comme un processus de découverte, de

construction, d’intégration qui s’acquiert de manière qualitative en réfléchissant sur les

expériences vécues pour mieux les comprendre, en saisir les mécanismes sous-jacents et en tirer

des règles ou principes susceptibles d’orienter ses actions futures. Cette vision se répercute dans

la perception qu’a le parent de l’acquisition des connaissances chez son enfant. Par exemple, un

père l’aborde lorsqu’il décrit son rôle dans l’acquisition des connaissances de son enfant :

Page 99: La parentalité un processus développemental

89

C’est celui du guide, c’est vraiment celui qui donne des opportunités, qui donne à découvrir, qui donne à lire, qui donne à voir, qui donne à entendre, qui amène ailleurs, en fait, un truc que j’aime bien, c’est leur montrer que derrière ce qu’ils ont découvert, il y a tout un univers qu’ils peuvent découvrir encore (n°38 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 8 et 11 ans).

La connaissance est, de ce fait, un processus de mise en relation de divers points de vue pour en

dégager une vision plus globale et plus définie. Face à des contradictions, le parent relativiste

cherche à en connaître la source, à saisir les enjeux sous-jacents et à se faire une idée la plus

articulée possible de cette situation. Ceci l’amène à expliquer toute contradiction comme issue de

perspectives et de référents différents, et à l’envisager de façon contextuelle et relative.

Contrairement aux personnes pré-relativistes, le parent relativiste ne croit pas en l’existence de

vérité absolue. Pour illustrer cette composante, voici quelques extraits de participants

questionnés sur leur perception de la contradiction :

J’ai tendance à penser que chacun peut avoir son point de vue sans que nécessairement il y ait juste une bonne réponse. Ça dépend aussi comment ç’a été amené, comment cela a été étudié. Si c’est vraiment deux études, mais si on parle de deux experts dans le milieu de la santé par exemple qui vont aller évaluer un enfant qui a de la misère à marcher par exemple, bien l’ergothérapeute va avoir sa vision de par ses études qu’il a faites, puis le physiothérapeute, ça va être d’autre chose. Ça ne veut pas dire qu’il y en a un plus que l’autre qui a raison. Ça donne juste deux visions, deux façons de plus d’avancer; moi je ne pense pas que ce soit négatif d’avoir deux personnes qui n’ont pas le même discours, au contraire (n°6 ; femme entre 31 et 40 ans).

Cette même participante mentionne également ne pas vivre d’insécurité face à la

contradiction. Elle va même plus loin en invoquant le plaisir que lui procure le fait de discuter

avec des gens qui ont d’autres opinions que les siennes; mais elle y ajoute une condition : que

tout se fasse dans le respect (voir citation 3.3.9 dans annexe K). Quant au prochain participant, il

explique la contradiction en invoquant les multiples façons de voir les choses; il ajoute que ces

différences s’expliquent par le fait qu’il y a plusieurs grilles d’analyse, plusieurs contextes à

considérer, chacun ayant à sa façon forgé l’opinion de la personne (voir citation 3.3.10 dans

annexe K).

Pour finir, le style de raisonnement du relativiste est logique. En effet, il appuie son

argumentation sur des faits pour en arriver à une conclusion. Il fait preuve d’un regard objectif

sur les choses tout en étant capable de les envisager selon les points de vue des autres. Par

Page 100: La parentalité un processus développemental

90

exemple, le parent est à même de considérer le point de vue de son enfant qui n’est pas le même

que le sien :

Mais la vie n’est pas faite d’extrêmes, la vie est faite de zones grises puis de situations où on se dit « Ouais bon il n’a pas fait ça comme il faut, mais il ne pouvait pas savoir que » ou là il y avait 2 consignes qui entraient en conflit et là c’est le jugement de l’enfant puis là ça ne veut pas dire qu’il a pris la bonne décision, mais c’est de voir que, qu’il a quand même fait un effort pour arriver à la bonne décision, il n’a pas pris la première décision du bord qu’il y a eu une réflexion derrière ça, fait que je ne sais pas, être capable dans des situations de guider son enfant toujours selon le contexte (n°39 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 1 et 6 ans).

Plusieurs aspects typiques du parent relativiste qui ont été traités précédemment se

retrouvent dans cet extrait. En effet, ce parent relativiste présente une pensée qui est contextuelle,

nuancée et qui n’évalue pas seulement les résultats, mais cherche à comprendre ce qui s’est passé

dans la réflexion de l’enfant. De plus, il conçoit qu’à la base de ses actions réside une réflexion

solide et que son rôle de parent est celui d’un guide pour son enfant.

Relativisme engagé (à la recherche d’un partage de valeurs avec mon enfant) - À ce

dernier niveau, qui regroupe les positions 7, 8 et 9 de l’échelle de Perry, il est attendu que le

parent, déjà relativiste, ajoute à sa vision de la réalité une composante d’engagement personnel et

éventuellement social, fondée sur des principes et des valeurs qu’il a lui-même choisis et qui

dirigent ses actions. Tel qu’il a déjà été mentionné dans la problématique, le parent engagé voit

son rôle en termes de responsabilité, de réciprocité, d’autonomie et de liberté et agit en

conséquence dans ses pratiques parentales. Préoccupé que ses échanges avec son enfant soient

l’expression d’un véritable dialogue, il se perçoit dans une dynamique interactionnelle où il

envisage que ses comportements et ses propos ont une influence sur son enfant; plus, il considère

que cette influence est réciproque dans le sens qu’il sait que son enfant peut aussi le faire

réfléchir et agir en fonction des diverses circonstances rencontrées. Conscient que la

connaissance est une construction qui s’élabore à travers les expériences vécues et intégrées par

l’individu, il se voit en recherche constante d’équilibre, pour lui et pour son enfant, entre les

choix à faire et les expériences à vivre.

L’analyse des données obtenues aux entrevues a permis de dégager, dans les propos des

participants, plusieurs des éléments anticipés concernant la conception de la parentalité et des

Page 101: La parentalité un processus développemental

91

pratiques qui lui sont associées. En ce qui concerne la description de soi comme parent, le parent

engagé a moins le souci de se décrire par des caractéristiques que d’exprimer ses visées à long

terme, basées sur des valeurs et des principes. C’est ainsi qu’il va afficher une conscience accrue

et prudente de lui-même, de ses objectifs face à ses enfants et de l’équilibre qu’il veut maintenir

entre ses attentes et les potentialités de ses enfants. Désireux de voir évoluer ses enfants, il

exprime également sa volonté d’être dans une relation interactive et équilibrée où les désirs des

uns et des autres sont respectés. La participante suivante illustre bien ce processus:

Moi je pense que j’ai le souci de les encourager au dépassement, pas par la comparaison, mais dépassement d’eux autres, qu’est-ce qu’ils peuvent faire. Puis il faut faire attention parce que la ligne est fine entre les pousser à faire ce qu’ils peuvent faire puis d’exagérer là-dedans. Ça c’est certainement bien, je me décrirais comme ça, puis je sais que c’est quelque chose qu’il faut que je fasse attention, il faut que je sois consciente de ça (n°41 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 3 enfants entre 2 et 6 ans).

Cette conscience de soi qui prévaut dans le discours de la participante se révèle également

dans le souci qu’elle a d’être consciente et respectueuse des capacités de ses enfants. Dans ses

propos, on perçoit davantage une volonté d’encourager ses enfants à grandir que celle de leur

imposer des façons de faire.

Ce témoignage illustre bien aussi la perception du rôle parent – enfant du parent engagé.

Tout comme le parent relativiste, il perçoit son rôle de parent dans une dynamique interactive où

son apport, loin d’être unique, s’unit à celui de son conjoint pour assurer une communication

cohérente avec son enfant. Voici un extrait tiré de la situation où les deux partenaires du couple

participaient à l’entrevue :

Mme : Puis aussi de définir nos valeurs. Quand on a des enfants, on est forcés à… parce que c’est quelque chose qu’on a à transmettre, à réfléchir à ça. On a été plusieurs années juste un couple, puis je veux dire, lui il avait ses valeurs, nous autres on avait des valeurs, on avait des valeurs communes. Et quand on a des enfants, bien il faut se poser la question puis de dire bien, qu’est-ce qu’on veut transmettre. Puis on est une bonne équipe là-dessus dans le sens juste une satisfaction; pour moi je trouve que j’ai trouvé le partenaire idéal pour ça. En tout cas, c’est une grande satisfaction pour moi d’avoir un bon conjoint (n°41 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 3 enfants entre 2 et 6 ans).

M. : Ça aide beaucoup dans le couple je trouve, à grandir ça aussi, ça fait grandir aussi, même si c’est une difficulté, mais parmi les difficultés, c’est comme ça qu’on

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grandit aussi. Ça fait que ça nous rend plus forts puis meilleurs encore (n°42 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle, 3 enfants entre 2 et 6 ans).

Le parent engagé perçoit aussi le rôle que joue l’enfant dans la dynamique familiale et sait le

mettre à profit sachant que l’enfant apprend et se développe en étant actif et en explorant les

diverses situations qui s’offrent à lui (voir citation 3.4.1 dans annexe K).

Le parent engagé évalue sa compétence non pas tant en termes de résultats à atteindre,

mais de volonté de favoriser au mieux le développement de son enfant. C’est le processus plus

que le résultat qui importe. Conscient de ses limites, mais aussi de ses valeurs, il accepte

volontiers ses erreurs qu’il voit même comme une occasion de révéler ses imperfections et

d’offrir ainsi une image plus réaliste de lui, mais aussi des autres, à son enfant. L’extrait du

même participant, qui décrit sa vision du parent idéal, va dans ce sens :

M. […] le parent idéal, c’est aussi une personne humaine. Ce n’est pas un robot qui ne fait pas d’erreur, ce n’est pas un robot qui est tout le temps patient. Alors moi je pense que le parent idéal, c’est celui qui veut le mieux pour son enfant, puis qui fait tout ce qu’il peut pour ça. Et qui, quand il se trompe, il a l’honnêteté puis l’ouverture de le dire aux enfants puis de s’excuser. Puis je pense que les enfants ont besoin de savoir ça aussi, ont besoin de voir leurs parents comme des parents comme pas des robots qui savent tout et qui ne se trompent jamais / Mme : c’est dangereux ça /M. ça fait que c’est sain pour eux autres de ne pas avoir des parents parfaits. Ça fait que ce n’est pas des parents parfaits. Des parents parfaits, c’est ce qu’elle disait. Mais un parent idéal, c’est un parent qui n’est pas parfait (n°42 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle, 3 enfants entre 2 et 6 ans).

De ces propos, il est possible d’envisager qu’en se décrivant comme non parfait et susceptible de

faire des erreurs, le parent montre à l’enfant que le plus important, ce ne sont pas les erreurs en

soi, mais l’expérience qu’on en retire.

Cette manière de concevoir le parent idéal informe aussi sur la perception de la

connaissance du parent engagé. Tel qu’il a été mentionné plus haut, ce qui importe c’est plus de

comprendre pourquoi dans telle situation, des erreurs ont été faites que les erreurs elles-mêmes.

En ce sens, le parent perçoit qu’il peut être nécessaire ou formateur d’être confronté à des

difficultés; par exemple, un participant mentionne cet aspect lorsqu’il aborde le rôle du

professeur :

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93

Pour avoir eu une discussion, moi avec des parents, étant du côté du professeur où je disais aux parents, « Vos enfants doivent être confrontés au meilleur et au pire pour apprendre à distinguer l’un de l’autre. » « Si vous leur donnez juste toujours ce qu’il y a de mieux, ils ne sauront pas que le pire existe et ils ne sauront pas quoi faire quand ça va se présenter ». Quand mon fils a eu une enseignante que je n’aimais pas du tout, c’était juste « regarde, on passe au travers de l’année-là puis tu vas en rencontrer des gens comme ça dans ta vie, des gens qui ont raison puis qui ne savent pas s’expliquer, bien regarde ça fait partie du jeu » (n°38 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 8 et 11 ans).

Pour le parent engagé, la connaissance est qualitative et dérive de ce que l’individu a tiré

de ses expériences. Face à des difficultés ou à des conflits, ce qui importe, c’est de chercher des

solutions en réfléchissant sur les différentes possibilités offertes et en étant actifs pour tenter de

les résoudre et d’assumer ses choix (participants 19 et 38) (voir citation 3.4.2 dans annexe K).

Enfin, concernant le style de raisonnement, le parent engagé cherche avant tout à avoir un

discours cohérent qui assure une bonne communication et compréhension avec les autres.

Connaissant ses limites et ses forces, devant des situations problématiques, il cherchera d’autres

points de vue pour tenter de les articuler avec sa propre manière de voir. L’exemple des

participants 41 et 42 (couple interviewé ensemble) démontre bien cet effort :

Mme : […] Je pense que … c’est quoi, tu penses ? J’ai hâte de voir, on dirait que t’as réagi un peu trop. Qu’est-ce que t’allais dire là-dessus ? (participante 41)

M. : Non, mais c’est pour une fois on n’est pas tout à fait d’accord / Mme : Ah oui ? /M. non, mais, je suis d’accord avec ce que tu as dit, mais c’est juste parce que c’est une question d’interprétation de la question je pense. Moi je dirais qu’au point de vue de la transmission de connaissance, je pense que je suis d’accord avec qu’est-ce que tu viens de dire […] Mais par rapport à l’école […] (participant 42).

Il faut noter que les échanges entre les partenaires de ce couple non seulement révèlent une

recherche de compréhension de part et d’autre, malgré des divergences possibles, mais surtout

que ces échanges ont lieu dans le respect mutuel des points de vue exprimés, deux

caractéristiques attendues de personnes relativistes engagées.

Comparaison entre les niveaux pré-relativistes et relativistes

Pour conclure, de façon globale et succincte, la présentation de la grille de la parentalité,

cette section-ci aborde les principales différences observées, par rapport au modèle de Perry,

entre les parents pré-relativistes et les parents relativistes sur la parentalité. Ces deux grands

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94

regroupements sont retenus d’une part pour mieux contraster les modes de raisonnement et les

façons respectives d’envisager la parentalité et d’autre part pour comprendre par quels

mécanismes il y a passage d’une forme d’appréhension de la réalité à une autre considérée plus

évoluée, parce que plus complexe et plus globale.

Le résultat de l’analyse des réponses des participants révèle plusieurs points qui

distinguent les parents pré-relativistes des parents relativistes. La première distinction porte sur

la conception que se font les parents de l’éducation. Alors que les participants pré-relativistes la

conçoivent en termes d’apprentissage et de contenu à acquérir, les relativistes l’envisagent plutôt

en termes de développement. En d’autres termes, le parent pré-relativiste perçoit l’éducation de

son enfant comme un ensemble de contenu à apprendre, de règles à respecter pour se conformer,

ce qui diffère sensiblement de la vision du parent relativiste qui envisage davantage l’éducation

comme un processus général, centré sur la formation d’outils favorables au développement

autonome de l’enfant, c’est-à-dire le préparant à faire face aux opportunités qui s’offrent à lui, de

façon dynamique et réfléchie. Tel que le mentionne le participant 38 : « c’est surtout de donner,

en fait c’est d’aider à former un cadre de référence dans le sens … ou de donner des

opportunités, d’amener à réfléchir ».

Une deuxième distinction porte sur le rôle attribué à l’enfant dans son éducation. Les

parents pré-relativistes conçoivent l’enfant comme jouant un rôle passif et réceptif dans

l’éducation qu’il reçoit; se voyant eux-mêmes en position d’autorité par rapport à l’enfant, ils lui

transmettent ce qu’ils jugent utile ou bon pour lui. Cette conception laisse entrevoir une relation

parent-enfant de type vertical et unilatéral. Chez le parent relativiste, la relation parent-enfant est

au contraire horizontale et interactive dans le sens que l’autorité est envisagée comme relative.

En effet, les parents se voient comme des guides orientant leur enfant, mais étant susceptibles de

modifier leurs actions ou leurs opinions en fonction des conduites ou des positions de leur enfant.

L’exemple suivant illustre bien cet aspect. Un parent mentionne qu’il peut changer d’avis et

s’allier à celui de ses enfants lorsque ceux-ci lui expliquent comment ils ont perçu une situation

donnée:

Donc que des fois mes enfants aient des interprétations différentes. (Le jeune) « Est-ce que tu penses que j’aurais dû dire oui ou non? » (Le parent) « Tu aurais dû dire oui » (le jeune) « Ben non, moi j’aurais dit non » (le parent) « mais pourquoi? … oui,

Page 105: La parentalité un processus développemental

95

mais si telle chose tu aurais dit oui. Ah oui, vu comme ça tu as raison ». Même par rapport à eux, je n’ai pas nécessairement raison. C’est une question d’argumentation, c’est une question de raison puis tout se justifie (n°38 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 8 et 11 ans).

Autre élément de contraste : la prise de décision. Le parent pré-relativiste prend

généralement des décisions immédiates, souvent hâtives et au regard du jugement d’autrui

comparativement au parent relativiste qui décide généralement après réflexion et en fonction de

valeurs personnelles. En d’autres termes, le parent pré-relativiste agit normalement

conformément à des prescrits ou selon des réactions provenant de l’extérieur (enfant, conjoint,

livres…) et ceci peut se manifester de diverses manières. Par exemple, à la question portant sur

sa description de soi comme parent, une participante mentionne:

Une chance que mon conjoint est là pour me tenir serrée, parce que j’ai tendance à être plus lousse. Peut-être pour acheter la paix « ah, oui c’est correct là ». Mon chum, il me tient peut-être plus serré, tenir les conséquences et ce n’est pas toujours facile (n°14 ; femme entre 31 et 40 ans, DEP, 2 enfants entre 8 et 15 ans).

Un autre contraste à relever touche plus fondamentalement les attitudes sous-jacentes au

rôle de parent. Alors que la personne relativiste va souvent aborder la parentalité en termes de

choix libre et de décision réfléchie à assumer le mieux possible le rôle de parent, la personne pré-

relativiste a plutôt tendance à l’aborder en termes de dépendance ou de contrainte avec

l’impression de subir certaines contraintes extérieures, souvent non anticipées. Ceci semble

expliquer pourquoi un tel parent va tenter de blâmer l’extérieur en invoquant, comme certains

participants l’ont fait, avoir l’impression qu’il est difficile de nos jours d’être parent puisque la

société demande d’être pleinement fonctionnel au travail tout en valorisant les parents qui se

montrent présents à leurs enfants.

Enfin, comme le lecteur l’a peut-être remarqué, une dernière différence est à souligner;

elle se situe au niveau des discours des parents. Ces discours se distinguent sur plusieurs points :

alors que les parents pré-relativistes s’expriment en termes souvent imprécis et brefs en

invoquant des idées pas toujours structurées et parfois incomplètes, les parents relativistes se

montrent au contraire très organisés dans leur discours qui est plus long et mieux étoffé, rendant

la communication plus efficace et compréhensible.

Page 106: La parentalité un processus développemental

96

Répartition des parents selon le niveau de développement de la parentalité

À la fin de cette section qui a analysé les propos des parents qui ont participé à l’entrevue,

afin de déterminer leur niveau de développement selon la grille de la parentalité, il est possible

d’établir leur répartition sur l’échelle construite à cette fin : 10 parents sont classés au niveau

dualiste, 26 au niveau multipliciste, quatre en transition entre le multiplicisme et le relativisme,

cinq au niveau relativiste, deux en transition vers l’engagement et deux au niveau relativiste

engagé (voir la figure 2).

Figure 2 : Répartition des participants selon le niveau de développement de la parentalité

Cette répartition se révèle semblable à celle d’autres études ayant évalué le niveau de

développement adulte selon le modèle de Perry, dans d’autres contextes. La proportion de

participants ayant atteint le niveau relativiste et au-delà, représente environ 18 % de l’échantillon

des personnes interviewées, alors qu’une majorité se retrouve au niveau multipliciste (53%). Les

études antérieures (Harris, 1984) ; (Lavallée, et al., 1990) ; (Rodier & Lavallée, 1990) indiquent

qu’en moyenne 25% des adultes atteignent le niveau relativiste ou relativiste engagé. L’étude de

Rodier et Lavallée (1990) effectuée auprès de femmes québécoises rapporte que 18% des

participants se situent au niveau dualiste, contre 53 % pour le niveau multipliciste et

respectivement 12% et 17 % pour le niveau relativiste et relativiste engagé. Ainsi, malgré les

différents contextes permettant d’évaluer le niveau de développement (connaissance, rôles

sociaux, identité, parentalité), la répartition se fait de façon sensiblement identique avec la plus

0

5

10

15

20

25

30

Dualiste Multipliciste Transition Relativiste Transition Engagé

Page 107: La parentalité un processus développemental

97

large proportion d’adultes se retrouvant au niveau multipliciste. Ceci rejoint également les

remarques originelles de Perry qui mentionnait que le passage du niveau multipliciste à celui de

relativiste est ardu et représente pour l’individu un véritable pèlerinage intérieur.

Effets des variables sociodémographiques

Après avoir présenté l’ensemble des grilles d’analyses des entrevues ainsi que la

répartition des parents, il est pertinent d’évaluer les possibles variables sociodémographiques

liées aux résultats obtenus lors des entrevues. Concernant les résultats sur le fonctionnement

réflexif en fonction des données sociodémographiques du parent, une différence est observée en

faveur des participants détenant un diplôme universitaire (T(46)=3.147, p = .037) avec une taille

d’effet de 0.09. L’âge, le sexe et le nombre d’enfants ne permettent pas de constater des

différences selon le fonctionnement réflexif.

L’analyse effectuée à l’aide du test du Khi carré d’indépendance statistique montre une

différence significative du style d’éducation parentale (tel qu’examiné en entrevue) selon le

niveau de scolarité et le sexe du participant, soit respectivement (X2= 14.581, p = .024) et (X2=

6.538, p = .038), tout comme le sexe du dernier enfant (X2= 8.873, p = .012). Les résultats

indiquent qu’une plus grande proportion d’hommes, de participants plus scolarisés

(universitaires) et ceux dont le dernier enfant est une fille se situent dans le style démocratique.

Le tableau 8 permet d’illustrer la représentation du style d’éducation parentale obtenu par

entrevue selon le niveau de scolarité du participant, le sexe de ce dernier et celui du dernier

enfant.

Page 108: La parentalité un processus développemental

98

Tableau 8 : Représentation des participants selon le style d’éducation parentale

Sexe parent Niveau de scolarité Sexe dernier enfant

Style d’éducation parentale

Femme Homme DEP DEC Bacc 2e et 3e cycle

Fille Gars

Démocratique 8 6 0 0 9 5 13 1

(Démocratique et Autoritaire)

13 2 0 5 3 7 9 6

Autoritaire 15 1 1 8 5 2 6 9 Permissif 2 0 0 0 2 0 1 1

Dans l’analyse des composantes sociodémographiques pouvant être liées au

développement de la parentalité, seul le niveau d’éducation s’est révélé significatif. En effet, les

résultats montrent que le diplôme d’études s’avère une variable sociodémographique

significativement corrélée (rs= 0.495, p < .001) avec le développement de la parentalité. Plus le

niveau éducatif est élevé, plus le niveau de développement l’est aussi. Ce résultat est confirmé

par ceux obtenus par analyse de variance (ANOVA) : il existe une différence significative dans

le niveau de développement de la parentalité selon le niveau d’éducation atteint (F(3,45)=5.025,

p = .004). Des analyses a posteriori (post hoc), utilisant la méthode de Scheffe, permettent de

déterminer les variables entrainant les différences significatives. Une première différence

significative est obtenue entre les participants ayant un diplôme professionnel et ceux ayant un

diplôme gradué (2e ou 3e cycle universitaire) (p = .021); une deuxième différence significative

est observée entre les participants ayant un diplôme collégial et ceux ayant un diplôme gradué (p

= .017). De plus, en séparant les participants selon qu’ils ont ou non un diplôme universitaire, les

résultats au test-T indiquent une différence significative (T(47)=3.061, p = .004) avec une taille

d’effet de 0.16. Globalement, les participants ayant un diplôme d’études universitaire se

distinguent par un niveau de développement de la parentalité supérieur à celui des participants

détenant un diplôme technique (professionnel et collégial).

Page 109: La parentalité un processus développemental

99

De plus, le niveau de développement de la parentalité est significativement différent selon

le sexe des participants (F(1,47)=5.735, p = .021), les participants masculins obtenant un niveau

de développement supérieur à celui des femmes. Toutefois, il faut rappeler, tel que mentionné

lors de la description de l’échantillon, que les hommes présentent un niveau d’éducation

supérieur à celui des femmes. Pour conclure, les résultats des tests sur les données

sociodémographiques révèlent l’importance de contrôler statistiquement pour l’effet de la

variable niveau de scolarité (diplôme) lors des analyses statistiques subséquentes.

Comparaison des résultats aux questionnaires et à l’entrevue

Dans la prochaine section, les données qui sont maintenant analysées proviennent du

groupe de répondants qui a accepté de participer aux deux volets de la recherche : la passation

des questionnaires en ligne et l’entrevue individuelle. La comparaison entre les données récoltées

par questionnaires et celles obtenues lors des entrevues permet d’évaluer les liens et l’articulation

pouvant se dégager entre les diverses compétences parentales étudiées ainsi que la présence ou

non d’un lien entre le niveau développemental de parentalité atteint et les compétences

parentales.

Comparaison entre les compétences parentales

Initialement, la comparaison entre les différentes compétences parentales, obtenues à

partir du questionnaire et lors de l’entrevue (fonctionnement réflexif et style d’éducation

parentale) révèle certains résultats significatifs. Le niveau de fonctionnement réflexif est corrélé

positivement et de manière significative avec la sous échelle fantaisie de l’empathie (r = 0.286, p

= .049). Ainsi, un résultat élevé à la composante de la fantaisie est associé à un plus haut niveau

de fonctionnement réflexif. De plus, en considérant uniquement les femmes de l’échantillon

(n=40), la composante de la détresse personnelle est corrélée négativement avec le

fonctionnement réflexif (r = - 0.348, p = .030) signifiant qu’à un haut niveau de détresse

personnelle, le niveau de fonctionnement réflexif diminue.

Enfin, en comparant les données obtenues en entrevue, pour le niveau de fonctionnement

réflexif (FR) et le style d’éducation parentale, l’analyse de variance (ANOVA) indique la

présence d’une différence significative du FR selon le style d’éducation parentale du participant

(F(2,41) = 5.73, p = .006). Des analyses a posteriori (post hoc), utilisant la méthode de Scheffe,

Page 110: La parentalité un processus développemental

100

mettent en évidence ce résultat par la présence d’une différence significative entre le style

démocratique et le style autoritaire (p = .007). Une comparaison avec un test-T permet de

constater une taille d’effet de 0.31 (T(27) = 3.511, p = .002). Les participants ayant un style

démocratique ont un niveau de fonctionnement réflexif significativement plus élevé avec une

moyenne de 5.42 comparativement à ceux ayant un style autoritaire dont la moyenne est 3.60.

Figure 3 : Répartition des participants selon le niveau de fonctionnement réflexif et le style d’éducation parentale.

Comparaison des compétences parentales et le développement de la parentalité

En comparant les compétences parentales évaluées par questionnaire avec le

développement de la parentalité, une corrélation positive significative est uniquement observée

avec la sous échelle fantaisie (r = 0.295, p = .047) de l’empathie. Lorsque l’effet du niveau

d’éducation est contrôlé statistiquement, de par la différence observée dans le niveau de

développement de la parentalité selon le niveau d’éducation, la prise de perspective (r = 0.31, p

= .035) est également corrélée avec le développement de la parentalité. De plus, en effectuant

une comparaison entre les pré-relativistes et les relativistes, la prise de perspective (T(47) =

2.092, p = .042) (taille d’effet de 0.085) et la fantaisie (T(47) = 2.972, p < .005) (taille d’effet de

0.15) sont toutes deux supérieures chez les relativistes. Les autres compétences parentales

(attachement, empathie affective, style d’éducation parentale) n’indiquent aucune corrélation

significative avec le développement de la parentalité.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

-1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Niveau de fonctionnement réflexif

SEP SEP SEP SEP

Page 111: La parentalité un processus développemental

101

Par contre, le niveau de développement de la parentalité corrèle significativement avec le

niveau de fonctionnement réflexif des participants (r=0.716, p < .000) même lorsqu’un contrôle

pour l’effet niveau de scolarité est effectué (r=0.673, p < .000). De plus, un test-T pour

échantillon indépendant révèle la présence d’une différence significative du niveau de

fonctionnement réflexif selon le niveau de développement de la parentalité (pré-relativiste ou

relativiste) (T(46) = 4.73, p < .000) avec une taille d’effet de 0.32. Ces résultats montrent que les

participants relativistes ont un niveau de fonctionnement réflexif (FR) plus élevé que ceux ayant

un niveau de développement pré-relativiste, la moyenne du niveau de FR étant respectivement de

3.77 et de 6.33 (voir figure 4).

Figure 4 : Répartition des participants selon leur niveau de développement de parentalité et de fonctionnement réflexif

À partir d’une analyse de variance (ANOVA) effectuée sur le niveau de développement

de la parentalité selon le style d’éducation privilégié, tel que rapporté en entrevue, une différence

significative est obtenue entre ces deux variables (F = 7.611, p = .002). Des analyses a posteriori

(post hoc) n’ayant pu être effectuées en raison du fait que les résultats à certains styles

d’éducation comportaient moins de deux participants, un test-T pour échantillon indépendant a

été effectué et montre une différence significative du niveau de développement de la parentalité

selon le style démocratique (accommodant) et le style autoritaire (contrôlant) (T (20.9) = 3.450, p

= .002) avec une taille d’effet de 0.29, le style démocratique étant associé à un niveau de

0

2

4

6

8

10

12

14

-1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Niveau de fonctionnement réflexif

Relativiste

Pré-relativiste

Page 112: La parentalité un processus développemental

102

développement supérieur à celui obtenu pour le style autoritaire. Cette différence significative est

aussi observée entre les participants ayant un style démocratique et ceux ayant une combinaison

des caractéristiques du style démocratique et du style autoritaire (T (20.09) = 2.140, p = .045)

avec une taille d’effet de 0.14. Ainsi, les participants démocratiques (accommodants) ont un

niveau de développement significativement plus élevé que ceux affichant d’autres styles

d’éducation parentale. Concrètement, la moyenne du niveau de parentalité (sur l’échelle à 4

niveaux) pour le style démocratique est de 2,64 (où 3 représente le niveau relativiste et 2.5 la

transition entre le multipliciste et le relativiste), tandis que les participants qui optent pour le

style autoritaire combiné avec le style démocratique ont une moyenne de 2.06 (niveau

multipliciste) et finalement les participants ayant un style autoritaire ont une moyenne de 1.70

(où 1 représente le niveau dualiste et 2 le niveau multipliciste).

Figure 5 : Répartition des participants selon leur niveau de développement de la parentalité et le style d’éducation parentale

La figure suivante donne un aperçu de l’ensemble des résultats obtenus (par questionnaires et

entrevue) des diverses compétences parentales mises en relation avec le niveau de

développement de la parentalité (les flèches indiquent une corrélation significative, les lignes

représentent des différences significatives par ANOVA ou test-T, les tirets lorsqu’un contrôle

pour le niveau d’éducation est effectué et les pointillés lorsque seules les mères sont

considérées). Voir l’annexe L pour visualiser la représentation des relations entre les

compétences parentales et le développement de la parentalité avec les degrés de corrélations

associés.

05

1015202530

Dualiste Multipliciste Transition Relativiste Relativisteengagé

Développement de la parentalité

SEP SEP SEP

Page 113: La parentalité un processus développemental

103

Figure 6 : Schéma des résultats obtenus en comparant le développement de la parentalité et les compétences parentales.

Description des compétences parentales selon le niveau de développement

Suite à la description quantitative des relations observées entre le niveau de

développement de la parentalité et les compétences parentales, tirées des questionnaires et de

l’entrevue, il est possible de dresser un portrait qualitatif des compétences parentales

(fonctionnement réflexif et style d’éducation parentale) selon le niveau de développement de la

parentalité. Compte tenu du faible nombre de participants par niveau, il a été convenu de les

regrouper en deux grandes classes : les pré-relativistes (dualistes et multiplicistes) et les

relativistes (avec quelques précisions concernant les relativistes engagés) pour mieux faire

ressortir les distinctions et montrer le chemin à parcourir pour transiter du pré-relativisme au

relativisme. Pour ce faire, les éléments des compétences parentales ont été catégorisés en

Prise de perspective

Souci empathique

Fantaisie

Démocratique

Autoritaire Permissif

Évitement Détresse personnelle

Préoccupation à être aimé

Fonctionnement réflexif Style d’éducation parentale - Autoritaire + Démocratique

Entrevue

Questionnaires

Développement de la parentalité (évolution vers le relativisme)

Page 114: La parentalité un processus développemental

104

fonction de ces deux groupes. Les résultats de cette analyse permettent de distinguer les

compétences parentales des participants pré-relativistes de celles des participants relativistes.

Pré-relativisme – il est initialement pertinent de préciser que les participants pré-

relativistes affichent une grande hétérogénéité dans leurs propos. Malgré cette hétérogénéité,

plusieurs éléments peuvent être identifiés comme leur étant typiques lorsque comparés aux

propos des participants relativistes. Globalement, ces participants tendent à donner des réponses

qui révèlent le caractère dichotomique de leur pensée, leur difficulté à intégrer les différents

éléments contextuels de la situation et leur difficulté à accepter / gérer l’incertitude.

Concernant les compétences parentales, d’un point de vue statistique, les résultats des

parents pré-relativistes sur le fonctionnement réflexif se révèlent globalement plus faibles que

ceux des parents relativistes. Quant au style d’éducation qu’ils privilégient, leurs propos

indiquent moins de caractéristiques se rapportant au style d’éducation démocratique et davantage

de celles se rapportant au style d’éducation autoritaire. Une analyse qualitative permet cependant

d’illustrer et de nuancer ces constats.

Concernant le fonctionnement réflexif, par exemple, les parents pré-relativistes tentent

d’expliquer l’influence de leur enfance sur la parentalité en termes dichotomiques, c’est-à-dire en

contrastant les enfants élevés « tout croche » à ceux qui ont eu de bons modèles pour bien les

guider :

Oui c’est sûr si quelqu’un a été élevé tout croche, on sait qu’il y a de bonnes chances qu’il prenne ces habitudes-là, ces modèles-là pour élever ses enfants, ça ne garantit rien, c’est sûr qu’il pourrait réaliser que mon dieu ce que j’ai eu je n’ai pas aimé ça, j’ai souffert de ça, je vais changer, je vais faire autrement et c’est sûr qu’il y en a qui réussissent à le faire. Si tes parents ont été un bon guide, un bon modèle, je pense qu’il y a de bonnes chances que tu, si tu as été heureux, tu es bien dans ta peau, tu es valorisé, tu as automatiquement, encore là cela ne garantit rien, mais tu vas avoir plus tendance à suivre les (mêmes lignes) (n°12 ; femme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 8 et 14 ans).

Ainsi, selon ce parent, l’influence des parents sur leur enfant semble en grande partie déterminée;

elle sera bonne ou mauvaise, selon les cas, la tendance étant de reproduire ce qui a déjà été vécu.

Cette façon d’envisager la situation aboutit à la perception d’une correspondance presque directe

entre une forme d’éducation reçue et celle qu’on transmet ensuite à ses enfants. Cette façon de

Page 115: La parentalité un processus développemental

105

voir, très simple et peu nuancée, semble soumise à une certaine fatalité. Peu de place est offerte

au changement qu’on voit peu réalisable.

D’autres participants fondent aussi leurs réponses sur des éléments qu’ils considèrent

comme bons ou mauvais, selon qu’ils les avaient appréciés ou non durant leur enfance.

Cependant, ils n’arrivent pas à expliquer ou préciser les raisons de leur appréciation ou non et ne

semblent pas non plus considérer d’autres alternatives possibles ni d’éventuels impondérables

qui pourraient aboutir à d’autres résultats.

Enfin certains participants ont dévié de la question posée au profit d’une comparaison des

caractéristiques de leur situation actuelle à celles qui prévalaient quand ils étaient jeunes :

Ma famille que j’ai là, elle n’est pas la même que quand j’étais jeune, il n’y a aucune référence; mes parents sont ensemble jusqu'à mes 18 ans, j’étais enfant unique, j’ai habité dans une petite maison, quoi d’autre? Ma mère ne travaillait pas, mais là, c’est tout le contraire. J’ai trois enfants, j’ai une immense maison, j’ai trois enfants, c’est sûr je travaille à temps plein, j’habite en ville. Moi j’habitais en campagne, je n’ai aucune référence et moi je suis séparée. […] Je ne peux même pas me dire : « Ah quand j’étais jeune, j’ai de la misère à comparer beaucoup » (n°8 ; femme entre 31 et 40 ans, collégial, 3 enfants entre 7 et 13 ans).

Pour cette participante, il semble que la question posée l’a désorientée au point de nier toute

comparaison possible avec son vécu de jeunesse en rapport avec ses parents. Pour appuyer sa

position, elle fait appel sans plus à une série d’éléments concrets qui différencient son milieu de

jeunesse à l’actuel.

Concernant le style d’éducation parentale, les parents pré-relativistes témoignent d’un

manque de clarté et de précision dans l’élaboration des réponses aux questions qui leur sont

posées. Par exemple, à la question portant sur le type d’intervention qu’il choisit lorsque son

enfant est turbulent ou ne l’écoute pas, un participant pré-relativiste dit :

[…] je vais m’asseoir et je vais étudier les possibilités et les options et je vais essayer de savoir et comprendre le pourquoi qu’il est comme ça là. Je vais fouiller puis après ça je vais mettre en branle, on va essayer telle chose et on va essayer telle chose et puis et bien il faut que le – pour régler un problème, il faut que je le comprenne. Fait que je vais m’organiser pour le comprendre pourquoi il est turbulent, et pourquoi c’est comme ça là (n°30 ; femme entre 31 et 40 ans, collégial, 1 enfant de 8 ans).

Page 116: La parentalité un processus développemental

106

Dans cet extrait, bien que signalant qu’il faut d’abord comprendre un problème avant de

le régler, le parent reste très flou sur les actions à mener pour y arriver. La technique qu’il semble

préconiser en est une d’essais-erreurs (« je vais mettre en branle, on va essayer telle chose et on

va essayer telle chose… ») sans véritable réflexion préalable et recherche de compréhension. Au

fond, son discours tourne plutôt en rond.

Une autre caractéristique d’un raisonnement pré-relativiste est fournie dans l’extrait

suivant d’un participant qui décrit dans les détails une procédure d’avertissement qu’elle utilise

pour amener ses enfants à répondre à un règlement qu’elle a fixé. Elle admet que cette procédure

marche surtout avec le plus jeune de ses enfants et qu’avec les plus vieux, s’ils ne répondent pas

à sa demande, elle doit imposer d’autres sanctions. Cette façon de répondre à une question, ici sa

façon d’éduquer ses enfants, par un exemple, est assez typique des personnes pré-relativistes :

Je vais essayer de faire quelque chose, ha ça l’arrive, je ne suis pas en train d’hésiter parce que cela n’arrive pas, je vais, oui j’avoue je vais faire des menaces ben écoute je compte jusqu’à 10 puis c’est fait. Ben j’essaie toujours d’expliquer par exemple ma façon de, j’essaye toujours de l’expliquer, puis de toute façon admettons que bon pour le coucher, admettons qu’on le couche à 7h30, ben à 7h25 ils ont un avertissement dans 5 minutes, malgré cela des fois à et 20 ils ont un avertissement, à 7h25 ils ont un avertissement, à 7h28 ils ont un avertissement, fait qu’à 7h30 même s’il traîne de la patte ça coule, oui, il y a du niaisage tout le temps, mais ça coule. Mais sinon euh, non par rapport à la bouffe puis tout ça, tu prends une bouchée si tu n’aimes pas ça, euh, mais je pense qu’on a toujours un décompte ça cela marche avec mon plus petit puis pourtant il ne s’est jamais rendu à ne pas le faire pour avoir la conséquence. « Je te laisse 10 secondes, 1, là il ne veut pas que je compte «non tu arrêtes de compter» OK, je vais compter dans ma tête» puis finalement il le fait, mon petit, ça marche vraiment c’est un décompte là. Ça marche. Mon plus grand écoute si ça ne marche pas, à soir tu te couches 15 minutes plus tôt, ça marche cette affaire-là. Tu te couches 15 minutes plus tôt, ou on coupe quelque chose admettons qu’on a un match de Hockey le soir, ben tu n’écouteras pas ta première période. Il y a toujours une conséquence (n°7 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 4 et 7 ans).

Cette manière de répondre à une question générale par l’illustration d’un cas particulier est,

comme cela sera abordé plus loin, à l’opposé de celle que choisissent les personnes relativistes

qui émettent d’emblée un principe et se servent ensuite d’un exemple pour en illustrer

l’application et s’assurer de la compréhension de l’interlocuteur.

Page 117: La parentalité un processus développemental

107

En résumé, les parents pré-relativistes décrivent leur intervention de manière trop

générale ou trop spécifique sans se soucier de préciser les éléments du contexte qui pourraient

être significatifs pour mieux comprendre la situation où se déroule l’action. Cette façon de faire

ne permet pas non plus d’avoir une vision réelle de l’intervention du parent et des réflexions qui

ont précédé ou succédé.

Relativisme – En comparaison avec les participants pré-relativistes, les participants

relativistes manifestent globalement des compétences parentales témoignant d’un plus haut

niveau de fonctionnement réflexif et de caractéristiques qui relèvent surtout d’un style

d’éducation démocratique. De plus, certaines précisions permettent d’illustrer les liens pouvant

être effectués entre les compétences parentales et le niveau relativiste sur l’échelle de la

parentalité.

Concernant le fonctionnement réflexif, les participants relativistes, lorsque questionnés

sur l’influence de leur enfance sur leurs rôles parentaux, comparativement aux pré-relativistes

qui abordent majoritairement ce thème en parlant de l’influence de l’éducation reçue, parlent

d’emblée de l’influence de leur expérience de vie et de leur personnalité lorsqu’ils étaient

enfants, mettant ainsi leur propre personne à l’avant-scène. Ils montrent aussi l’importance de ne

pas se projeter dans la vie de son enfant en imaginant qu’il vit les choses de la même façon que

le parent lorsqu’il était jeune. Enfin, ils soulignent également l’importance de prendre conscience

de l’éducation reçue afin de pouvoir départager les influences du passé avec celles du présent et

faire un choix éclairé des pratiques parentales qu’ils jugent positives.

Sur le plan du style d’éducation parentale, les participants relativistes insistent davantage

sur la perception qu’a l’enfant de son comportement, de l’intention ou de l’état psychologique ou

physique qu’il a en le faisant, que sur la manière qu’il vit et reçoit l’intervention du parent. En

effet, alors que les participants pré-relativistes décrivent abondamment leur intervention en

énumérant la liste des conséquences / punitions possibles pour l’enfant, les participants

relativistes mentionnent plusieurs éléments se rapportant davantage à leur compréhension de la

situation avec leur enfant et à l’importance d’adapter leur intervention en conséquence.

Comparativement aux participants pré-relativistes, cette adaptation implique de faire appel à des

Page 118: La parentalité un processus développemental

108

sanctions adaptées à la situation avec comme objectif d’apprendre à l’enfant à faire ses propres

choix et à assumer les conséquences de ses gestes.

Au niveau engagé, s’ajoute à cela l’importance accrue accordée au fait de vivre en société

et de l’influence réciproque qui existe entre l’enfant et la société (famille, école…). En effet, cet

aspect peut se présenter tant dans le style d’éducation parentale que dans le niveau de

fonctionnement réflexif. Par exemple, dans le fonctionnement réflexif, le parent engagé va tenir

compte de plusieurs influences notamment sa perception de son enfance et celle de son conjoint.

L’influence de l’enfance du conjoint permet de révéler des différences entre leurs perceptions et

ainsi susciter des prises de conscience de l’influence de leur enfance sur leur manière d’être

parent. Par exemple, un parent mentionne :

C’est notre seule référence, puis c’est ça la beauté d’être à deux aussi c’est qu’au moins on a la moitié du notre. On n’a pas vraiment l’enfance de l’autre, mais on est influencé de près par l’enfance de l’autre. Ça fait qu’on peut tirer le meilleur. C’est la beauté d’être deux parents, puis ça là-dessus moi je trouve ça me donne beaucoup de respect pour les parents qui sont tout seuls parce que ça doit être un défi beaucoup plus important à mon avis, parce que moi je pense que c’est une grande richesse qu’on a d’être deux. Puis justement, de pouvoir tirer de nos expériences individuelles le meilleures, puis d’être capables de trier, de faire ou de prendre les meilleures choses des deux puis de laisser tomber certaines choses, c’est sûr que ça, c’est l’idéal. Mais la seule expérience qu’on a de l’enfance puis de parentalité c’est la nôtre, ce qu’on a vécu, puis vu l’enfant. […] On fait, on répète ce qu’on a vécu et il faut en prendre conscience, c’est là que c’est important, de prendre conscience. Puis c’est pour ça que d’en discuter, puis en voyant quelqu’un qu’il ne fait pas cela pareil à moi, bien là tout d’un coup, juste ça, ça t’aide à prendre conscience qu’il y a d’autres choses. Puis ce qu’on faisait machinalement sans réfléchir bien attend un peu là, ça pourrait se faire différemment. Alors de voir ça, tu dis OK ce n’est pas impossible que ce soit fait différemment. Puis à ce moment-là tu peux t'asseoir puis dire OK bien pourquoi qu’on devrait faire ça plutôt que ça, puis arriver à dire OK on fait ça finalement pour telle raison (n°42 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle, 3 enfants entre 2 et 6 ans).

Cet extrait illustre bien l’importance qu’accorde le parent au fait que sa perspective face à une

situation puisse être influencée par son enfance et ainsi d’en constater l’aspect subjectif. Plus, la

discussion avec son conjoint ayant vécu quelque chose de différent lui fait prendre conscience

des perspectives diverses qui permettent d’enrichir leurs compréhensions et d’être mieux armés

pour éduquer leurs enfants.

Page 119: La parentalité un processus développemental

109

En ce qui a trait au style d’éducation parentale, le participant se situant au niveau du

relativiste engagé va par exemple mentionner l’importance d’inculquer à l’enfant le fait que son

mauvais comportement a un impact sur toutes les personnes pouvant être impliquées. Par

exemple, un père mentionne :

Je me souviens tout petit de mon fils qui avait piqué une crise dans une épicerie puis je l’ai ramassé, je l’ai mis sur mon épaule, j’ai traversé l’épicerie avec lui en train de hurler sur mon épaule. Je l’ai assis dans l’auto puis je lui ai dit «Tu peux continuer à hurler, là on ne dérange pas personne. Tu peux ne pas être content, mais ça ne se fait pas en public. Les gens qui font l’épicerie n’ont pas envie de t’entendre crier sans raison, puis même si tu avais des raisons, crier ce n’est pas un argument. Fais que tu m’expliques pourquoi puis tu écoutes quand je réponds puis on va trouver une solution, mais agir comme ça cela n’a pas d’allure» (n°38 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 8 et 11 ans).

Ainsi, à ce niveau le parent inscrit l’action de l’enfant dans un contexte social en lui

expliquant l’impact de son comportement sur autrui.

En résumé, il apparait que les parents relativistes comparativement aux parents pré-

relativistes au niveau du fonctionnement réflexif abordent davantage l’importance de distinguer

leur enfance de celle de leur enfant, sachant que ce dernier ne vivra pas les situations de la même

manière que lui les a vécues auparavant. Au niveau du style d’éducation parentale, le parent

relativiste va être celui qui, devant un mauvais comportement de son enfant, contrairement aux

parents pré-relativistes, va accorder davantage d’importance à l’interprétation des événements

pour comprendre l’intention qui orientait ce comportement et ainsi mieux ajuster la punition en

conséquence.

Ceci dit, les parents relativistes adoptent majoritairement un style d’éducation

démocratique. Ils sont également mieux à même de considérer la perspective d’autrui comme

pouvant être différente de la leur. Enfin, ils manifestent une plus grande capacité à réfléchir sur

leurs états mentaux (sentiments, émotions) et sur ceux de leur enfant, ce qui nécessite une bonne

représentation de soi et une bonne compréhension de son univers intérieur en lien avec les

expériences passées et les divers contextes qui les entouraient.

Page 120: La parentalité un processus développemental

110

Discussion et conclusion Cette recherche est née du désir de comprendre un éventuel développement de la

parentalité et de comment ce développement, établi à partir d’une grille élaborée selon le modèle

du développement intellectuel et éthique de Perry (1970, 1981), peut interagir chez des parents

avec l’acquisition progressive de compétences (attachement, empathie, fonctionnement réflexif

et style d’éducation) en lien avec leur rôle parental. L’objectif de ce projet a donc consisté à

analyser les liens susceptibles d’exister entre ces deux types de variables pour saisir la

dynamique qui les unit.

Grâce au devis mixte utilisé pour l’étude, le croisement de résultats quantitatifs et

qualitatifs a permis de donner une interprétation plus nuancée des résultats et d’en approfondir la

signification. Après un résumé des résultats obtenus, chacune des hypothèses initialement

formulées est reprise pour en discuter l’exactitude et fournir l’interprétation globale et

dynamique qui en découle. Les limites et contributions qui émanent de l’étude sont ensuite

discutées. D’éventuelles applications pratiques sont également proposées.

Le développement de la parentalité Comme l’objectif central de la thèse porte sur le développement de la parentalité qui a été

établi à l’aide d’une grille élaborée à cette fin, il faut d’emblée souligner que

l’opérationnalisation de cette grille avait comme objectif de rechercher une cohérence dans la

conception que se fait l’individu de sa réalité parentale (sa théorie naïve de la parentalité), c’est-

à-dire la nature des tâches qu’il juge nécessaires à l’exercice de sa fonction et la manière dont il

les articule entre elles pour leur donner du sens. L’analyse des éléments que les parents ont jugés

pertinents à mentionner pour exprimer cette conception a conduit à la mise en évidence de quatre

grandes étapes dans le développement de la parentalité, chacune dotée de la propre cohérence.

Ces étapes rejoignent à plusieurs égards celles élaborées dans le modèle de Perry8(1971). À noter

que, pour cerner cette cohérence, il a été également nécessaire d’analyser quels aspects de leur

enfant leur apparaissaient pertinents pour mener à bien leur rôle parental. En général, ils se sont

appuyés sur certains aspects du vécu de leur enfant, tels que l’âge, le sexe, les expériences, la

8 Il faut rappeler que certains concepts en lien avec la parentalité rejoignent certains de ceux utilisés par Perry (connaissances, autorité, degré d’implication, etc.).

Page 121: La parentalité un processus développemental

111

personnalité, etc. Ceci n’est pas surprenant puisque, en continuelle interaction avec leur enfant,

les parents vivent des expériences diverses, plus ou moins difficiles à gérer, qui les amènent à se

questionner, réfléchir et élaborer différentes stratégies pour répondre au mieux aux diverses

situations rencontrées dans l’exercice de leur rôle parental. Ainsi, progressivement, chaque

parent acquiert un certain degré d’expertise en la matière.

Dans les paragraphes qui suivent, sont résumés succinctement les différents niveaux de

développement observés. Il faut rappeler ici que le caractère développemental des données

recueillies se révèle à travers les diverses conceptions récoltées et non pas selon l’évolution

effective de chacun des participants puisqu’ils n’ont été interrogés qu’une seule fois. Cependant,

certains parents, par voie rétrospective, ont décrit eux-mêmes certains aspects de leur évolution.

Le premier niveau de développement (dualiste) se caractérise par une conception plutôt

rigide et catégorique de la parentalité. Convaincu de détenir l’autorité, le parent de ce niveau

tend à se gratifier des bons comportements de son enfant; au contraire, devant des résultats

négatifs, il les attribue à des causes externes, indépendantes de lui. Pour lui, le parent idéal est

celui qui sait toujours ce qu’il doit faire ou se fie à des sources qu’il juge dignes de foi pour

justifier sa manière d’agir ou d’intervenir. Il évalue positivement sa compétence parentale quand

les comportements de son enfant sont conformes à ses attentes ou à celles des autres

(professeurs, éducateur, coach, parent d’amis de l’enfant, etc.).

Au niveau suivant, le multiplicisme, le parent conçoit la parentalité comme une tâche

complexe à accomplir. Il commence à se rendre compte que son enfant joue un rôle actif dans

son apprentissage, grâce à ses motivations et ses intérêts. Il voit son rôle comme celui d’un guide

qui oriente son enfant vers ce que lui, comme parent, considère bien ou bon pour son enfant;

cependant, dans certains cas, les parents disent laisser l’enfant faire ses choix. En fait, à ce

niveau, le parent vit une certaine ambivalence entre ces deux aspects. Considérant les

comportements de son enfant comme souvent imprévisibles, il doute de l’évaluation que lui ou

quelqu’un d’autre pourrait faire de sa compétence parentale, ne pouvant pas déterminer ce qui

peut en résulter. Dans le même sens, il croit qu’il est impossible d’être un parent idéal étant

donné toutes les contraintes, surtout extérieures, qui trop souvent entravent son action (ex;

conciliation travail-famille). Enfin, ce parent fait remarquer qu’il est difficile de savoir comment

Page 122: La parentalité un processus développemental

112

réagir avec un enfant puisqu’aucun enfant ne se comporte de la même manière; cette constatation

rend difficile, selon lui, d’effectuer des recommandations aux parents concernant le type

d’intervention à effectuer auprès de leur enfant.

Enfin, aux deux derniers niveaux de parentalité (relativisme et relativisme engagé9), les

parents en décrivent une conception plus complexe et globale et vont même jusqu’à dégager les

processus qui y sont impliqués et à envisager la possibilité de les appliquer à d’autres contextes.

Le parent relativiste voit son rôle parental en termes d’expérience enrichissante, variable selon

les enfants et les contextes, et insiste sur la nécessité de dialoguer, d’être en interaction avec son

enfant pour assurer une bonne compréhension des situations vécues ou à vivre. Considérant que

c’est en étant actif que l’enfant se développe, le parent dit miser sur les capacités de ce dernier à

cerner des aspects significatifs de sa réalité et à y réagir de façon de plus en plus autonome à

mesure qu’il grandit. Il va ainsi encourager son enfant à tenter des expériences nouvelles, à

chercher par lui-même des solutions à ses difficultés, à raconter ses exploits, mais aussi ses

échecs, de manière à le faire réfléchir sur ses intentions et ses actions pour qu’il en comprenne

mieux la portée. C’est en s’appuyant sur des critères internes que le parent fait l’auto-évaluation

de ses compétences parentales. En effet, il juge moins important de tout savoir que de savoir

prendre du recul pour s’analyser comme parent. Pour lui, le parent idéal est celui qui cherche à

s’améliorer ou à se développer en fonction de ses réussites, mais aussi de ses échecs. Au niveau

engagé, vient s’ajouter une composante d’engagement personnel et social fondée sur des

principes et valeurs personnelles. C’est ainsi que le parent engagé accorde une importance accrue

au fait de vivre en société et de l’influence réciproque qui existe entre l’enfant et la société

(famille, école…). Il perçoit également le fait d’être confronté à des difficultés comme formateur

tant pour lui que pour son enfant.

La distribution des niveaux obtenus corrobore les résultats d’autres études menées avec

l’échelle de Perry (Harris, 1984; Lavallée, Gourde & Rodier, 1990 ; King et Kitchener, 2004 ;

Rodier & Lavallée, 1990) où la majorité des participants se situent au niveau multipliciste

(autour de 50 %), entre 15 et 20 % se retrouvent au niveau dualiste et 20 à 30 % au niveau

9 Sont regroupés ici, les participants relativistes et relativistes engagés, compte tenu du très faible nombre de ces derniers.

Page 123: La parentalité un processus développemental

113

relativiste (incluant le relativiste engagé); et où une relation significative est observée entre les

différents niveaux atteints et les grades de scolarité rapportés.

Le développement de la parentalité et les compétences parentales La discussion des résultats obtenus sur les compétences parentales par rapport à ceux sur

le niveau de développement de la parentalité des participants va permettre de rendre compte du

caractère évolutif et interactif de ces deux paramètres. Pour ce faire, les compétences parentales

sont présentées une à une en lien avec le développement de la parentalité selon les hypothèses

initialement émises10. Pour mieux illustrer cette dynamique, il a semblé plus favorable de

regrouper les quatre niveaux de développement en deux grandes étapes, celle d’un pré-

relativisme radical qui progresse vers une prise de conscience de la subjectivité des idées et des

pratiques et celle d’un relativisme contextuel et de plus en plus engagé.

Fonctionnement réflexif et développement de la parentalité

Les résultats obtenus sur ces deux variables confirment la première hypothèse voulant

qu’à un niveau de parentalité plus élevé corresponde un niveau de fonctionnement réflexif

également plus élevé. Une différence significative du niveau de fonctionnement réflexif est

observée entre les participants relativistes et pré-relativistes en faveur des premiers. Pour

expliquer ce lien, il faut mentionner le style de raisonnement qu’adopte le participant relativiste

pour décrire sa relation avec son enfant et sa capacité à faire appel à ses états mentaux pour en

dégager le sens ou pour mieux le comprendre.

À noter que pour les parents ayant exprimé avoir vécu des événements difficiles pendant

leur enfance (abus, trauma ou autre), la comparaison entre leurs niveaux de développement de la

parentalité et le fonctionnement réflexif (FR) nécessite de porter une attention particulière à leurs

propos afin d’en dégager une interprétation possible. Deux groupes de parents semblent se

dégager : un premier groupe présente des résultats faibles sur les deux composantes ou un niveau

de fonctionnement réflexif plus faible que le niveau de développement de la parentalité, laissant

10 Bien que la compétence « attachement » ne soit mentionnée dans aucune hypothèse, en raison de sa composante plus affective et relationnelle, elle a été maintenue dans l’étude à cause de sa pertinence confirmée comme compétence parentale et son lien étroit avec le fonctionnement réflexif. Les résultats vont dans le sens prévu de sa nature distincte des autres compétences malgré les corrélations obtenues qui indiquent sa valeur positive et interactive dans la manifestation de ces compétences. Il en sera question dans la discussion chaque fois que des conduites significatives à son égard émergent des résultats.

Page 124: La parentalité un processus développemental

114

supposer que ces événements ont eu une influence négative sur ces composantes, et plus

fortement sur le fonctionnement réflexif. Par contre, le deuxième groupe est constitué de parents

présentant des niveaux relativement élevés sur les deux composantes ou un niveau de

fonctionnement réflexif plus élevé que celui du développement de la parentalité. Pour rendre

compte de ces résultats contrastés, un retour sur les propos des participants révèle que seuls ceux

du deuxième groupe mentionnent avoir eu un suivi psychologique pour les aider. Ceci laisse

supposer que ce genre d’intervention leur a été bénéfique; une réflexion sur leur passé

douloureux leur a permis non seulement de prendre conscience de leurs émotions et sentiments,

mais aussi d’en dégager un sens nouveau et de le gérer de façon plus constructive. Ceci rejoint

les éléments décrits dans la littérature scientifique montrant l’effet bénéfique de la thérapie sur le

niveau de fonctionnement réflexif (Diamond, Clarkin, Lévine, Levy, Foelsch & Yeomans, 1999 ;

Diamond, Yeomans, Clarkin, Levy & Kernberg, 2008 ; Levy, Clarkin, Yeomans, Scott,

Wasserman & Kernberg, 2006). Il est possible d’envisager que la psychothérapie a aussi, chez

certains, permis de favoriser le développement de la parentalité d’autant plus, comme l’indiquent

certaines études (Boivin, 2012), lorsque l’intervenant a lui-même atteint le niveau relativiste.

Empathie et développement de la parentalité

Pour ce qui est de la deuxième hypothèse, stipulant qu’à un niveau plus avancé sur

l’échelle de parentalité correspond une capacité d’empathie plus élevée, cette relation est

partiellement confirmée. Les deux sous-échelles qui représentent le côté plus cognitif de

l’empathie (prise de perspective et fantaisie) sont les seules à présenter une différence

significative entre les parents pré-relativistes et ceux relativistes en faveur de ces derniers; les

deux autres composantes plus affectives (souci empathique et détresse personnelle) ne

permettent pas d’effectuer de tels liens.

Ces résultats concordent avec ceux de Benack (1984) et de Lovell (1999) indiquant un

lien entre le développement cognitivo-éthique de l’adulte et l’empathie cognitive. Plus

spécifiquement, dans l’étude de Benack, l’empathie était évaluée à travers une situation de jeu de

rôle où elle représentait la capacité des participants, des étudiants en Counseling, à comprendre

l’expérience d’autrui; dans l’étude de Lovell, c’est à l’aide du questionnaire de Hogan (1969) qui

mesure davantage l’empathie cognitive (la prise de perspective) qu’elle a été évaluée. Il semble

donc que ce soit surtout la capacité d’envisager la perspective de l’autre qui soit la plus

Page 125: La parentalité un processus développemental

115

déterminante pour montrer le lien de l’empathie avec le développement de la parentalité. Quant

aux deux composantes affectives de l’empathie, souci empathique et présence de détresse

personnelle, leur absence de corrélation avec le développement de la parentalité va dans le même

sens que les résultats obtenus sur l’attachement qui, en tant que compétence affective, n’affiche

pas de corrélation avec le développement de la parentalité. En effet, le souci empathique est

corrélé significativement de manière négative avec l’évitement dans l’attachement (plus le souci

empathique augmente plus l’évitement diminue), de même que la détresse personnelle qui est

corrélée significativement avec la préoccupation à être aimé et l’évitement (plus il y a de détresse

personnelle, plus il y a de préoccupation à être aimé et d’évitement).

Les résultats de ces deux premières hypothèses permettent de constater que le parent qui

se soucie de comprendre ce que son enfant ressent et les intentions qui sous-tendent ses actions et

conçoit son rôle actif dans son développement, est également celui qui lui accorde une place

fondamentale dans le processus éducatif, en éveillant chez lui la nécessité de toujours tenir

compte des contextes et des points de vue des autres, de gérer adéquatement les contradictions et

de rechercher des pistes de solution aux problèmes qu’il rencontre. Le parent engagé fait un pas

de plus en cherchant également à développer sa réflexion, entre autres par la discussion, en

abordant divers points de vue ou perspectives susceptibles d’exister dans une situation; ce

faisant, il permet à l’enfant d’enrichir sa compréhension, de réfléchir et de découvrir l’aspect

subjectif de toute prise de position.

Style d’éducation parentale et développement de la parentalité

Les résultats concernant la dernière hypothèse confirment partiellement ce qui était prévu,

à savoir que le style démocratique serait davantage associé au niveau relativiste (et relativiste

engagé), le style autoritaire au dualiste et le style permissif au niveau multipliciste. Toutefois,

comme certains des résultats se sont révélés surprenants ou contre-intuitifs, plusieurs précisions

doivent être apportées ici. Tout d’abord, il faut rappeler que deux sources d’information ont

permis de statuer sur le style d’éducation parentale, à savoir le questionnaire (Parenting Styles

and Dimensions Questionnaire) et l’entrevue inspirée du « Parental discipline techniques self-

report instrument » de Gardner (1997). Alors qu’aucun résultat significatif relatif à l’hypothèse

n’est observé avec le style d’éducation parentale obtenu par questionnaire (tous les parents

affichant davantage de caractéristiques démocratiques), les résultats obtenus par entrevue

Page 126: La parentalité un processus développemental

116

s’avèrent significatifs; à des caractéristiques de style autoritaire correspond un niveau de

développement de la parentalité inférieur comparativement au style d’éducation démocratique où

le niveau de développement est plus élevé.

Pourquoi des résultats différents ont-ils été obtenus selon la méthode utilisée? Une

analyse plus fine des réponses obtenues dans le questionnaire fait ressortir certaines

incongruences, telles par exemple, le fait que plus un parent manifeste des comportements de

style autoritaire, plus il manifeste également des comportements de style permissif. Ce résultat

est d’autant plus paradoxal que les énoncés se rapportant au style autoritaire sont nettement

opposés à ceux du style permissif. À noter par ailleurs que plus un participant manifeste des

comportements de style démocratique, moins il en manifeste de permissifs et d’autoritaires.

Doit-on remettre en question la validité du questionnaire? Certains résultats descriptifs

des sous-échelles le suggèrent. En effet, plusieurs indicateurs quantitatifs sont faibles pour les

sous-échelles autoritaire et permissive (alpha de Cronbach, moyennes et écarts-types), laissant

supposer que ces sous-échelles ne permettent pas de bien discriminer les styles d’éducation

parentale privilégiés. Une analyse plus fine des items se rapportant au style autoritaire révèle que

ceux portant sur l’administration de punitions physiques (items 2, 19 et 21) sont rejetés par la

très grande majorité des participants qui indiquent ne jamais faire usage de ce comportement

(cote 0 sur l’échelle), ce qui, du même coup, entraine une diminution de la moyenne de ce style.

Quant aux réponses aux énoncés se rapportant au style permissif, leur examen tend à

distinguer deux types de permissivité. Le premier décrit un certain laisser-faire de la part du

parent comme s’il considérait la période de l’enfance comme synonyme d’une grande liberté;

l’enfant agirait à sa guise, que ses comportements soient socialement convenables ou non. Les

items du questionnaire se rapportant plus directement à cette composante sont : 7- Je permets à

mon enfant de déranger autrui et 22- Je permets à mon enfant d’interrompre les autres. Le

deuxième type rend plutôt compte d’un parent qui se voudrait autoritaire en imposant des

interdictions à son enfant, mais qui n’interviendrait pas quand elles ne sont pas respectées. Les

items se rapportant directement à ce style sont ; 9- Je dis à mon enfant des punitions, mais je ne

les applique pas, 18- Je menace mon enfant de punitions plus souvent que je ne les applique. Les

Page 127: La parentalité un processus développemental

117

participants qui se veulent autoritaires, mais qui ne le mettent pas en pratique sont sans doute

responsables du lien positif qui unit les styles autoritaire et permissif.

Un bref regard sur la réalité que vivent les parents dans le Québec actuel permet aussi

d’expliquer en partie les résultats obtenus sur ce questionnaire. Comme mentionné

précédemment, depuis 1977, il existe au Québec une loi sur la Protection de la Jeunesse11,

prohibant tous sévices corporels. Depuis que cette loi a été promulguée, les parents ont dû

modifier leurs conceptions, voire leurs pratiques éducatives. Par ailleurs, divers médias

(émissions de télévision, livres, documentation fournie par l’école) et différentes activités de

formation renseignent sur l’éducation à donner aux enfants (culture éducationnelle). Dans un tel

contexte, les parents n’ont de choix que de se conformer à la loi. Ceci expliquerait que certains

items du questionnaire aient été boudés, voire rejetés par plusieurs participants, surtout en ce qui

a trait au style autoritaire. C’est le cas d’items tels que l’utilisation des punitions physiques (19),

fesser (2), frapper (21), crier (5), adresser des reproches (8), ou punir sans explication (14), qui

se rapportent au style autoritaire. Ceci s’est d’ailleurs vérifié lors de l’entrevue. Certains parents

ont spontanément mentionné connaître des alternatives punitives non corporelles pour corriger

leur enfant comparativement à l’époque de leurs parents ou grands-parents où les châtiments

physiques étaient plus fréquents. Ces propos laissent entendre que la loi et les discours qui

l’entourent ont amené un grand nombre de parents à s’éloigner des anciennes pratiques pour en

innover de nouvelles plus sécuritaires et plus respectueuses des enfants. Dans un tel contexte, la

conservation d’items prohibés socialement dans ce questionnaire rend cet instrument désuet et en

invalide, du moins partiellement, les résultats.

Quant à l’ambivalence qui semble se manifester entre le choix d’un style permissif ou

autoritaire, elle est sans doute aussi en rapport avec les changements sociétaux mentionnés plus

haut. Il est possible que les parents, face à des contraintes sociales plus serrées les éloignant des

pratiques de leurs parents, se sentent beaucoup moins compétents et outillés pour pratiquer une

éducation moins physique, voire violente, d’autant plus que les jeunes eux-mêmes connaissent

leurs droits et savent les revendiquer. L’instabilité qu’ils affichent en appliquant soit un style

11 Selon l’article 38 de la Loi sur la Protection de la Jeunesse, « Pour l'application de la présente loi, la sécurité ou le développement d'un enfant est considéré comme compromis lorsqu'il se retrouve dans une situation d'abandon, de négligence, de mauvais traitements psychologiques, d'abus sexuels ou d'abus physiques ou lorsqu'il présente des troubles de comportement sérieux. »

Page 128: La parentalité un processus développemental

118

autoritaire soit un style permissif témoignerait sans doute de la perplexité dans laquelle ils se

retrouvent en l’absence de modèles mieux adaptés aux règles actuellement en vigueur. Peu

préparés à leur rôle de parents, incapables de s’appuyer sur les pratiques qu’exerçaient leurs

propres parents, ils se sentent inadéquats et incertains face aux décisions à prendre et tergiversent

entre un style d’éducation et un autre sans trop savoir où s’orienter. Compte tenu de cette

insécurité et de ce manque de perspective, il n’est pas surprenant non plus d’observer, comme il

en sera maintenant discuté, que c’est parmi ces parents que s’affichent les niveaux les moins

élevés dans le développement de la parentalité.

Contrairement aux résultats obtenus au questionnaire, qui discriminent très peu les

parents entre eux, les propos récoltés en entrevue font apparaitre des distinctions qui permettent

de mieux établir le lien entre chacun des styles d’éducation et le niveau de développement

atteint. Par exemple, comme mentionné dans l’analyse des résultats, bien que les parents

autoritaires ou affichant des caractéristiques autoritaires semblent appliquer des sanctions

semblables à celles des parents démocratiques pour amener leur enfant à des comportements

qu’ils jugent plus acceptables, leurs discours se montrent pré-relativistes par le sens différent

qu’ils en donnent. Chez le parent autoritaire, le principal critère choisi pour administrer une

punition est qu’elle soit déplaisante pour amener l’enfant à ne plus reproduire le comportement

non souhaité; chez le parent démocratique, généralement relativiste, le critère est plutôt de

choisir une punition en rapport direct avec le comportement non souhaité pour permettre à

l’enfant d’y réfléchir et d’en comprendre toute la portée. Ainsi, les parents démocratiques

développent des stratégies plus orientées vers la compréhension des problèmes à résoudre alors

que les parents autoritaires optent plutôt pour des mesures de représailles suffisamment

désagréables pour dissuader l’enfant de répéter les comportements jugés non acceptables.

Un autre questionnement qui se dégage des résultats est la présence de variabilité dans les

comportements que disent avoir les parents concernant les styles d’éducation qu’ils adoptent.

Certains qui se décrivent comme autoritaires se disent aussi parfois permissifs, dépendant des

situations ou de leur état psychologique (fatigue, sentiment de culpabilité). Par exemple, ils

mentionnent que leurs interventions sont autoritaires ou permissives selon l’importance qu’ils

accordent aux règles qu’ils ont établies. D’autres mentionnent que parfois, au moment

d’appliquer la punition, ils se sentent coupables et ne sanctionnent pas le comportement, donnant

Page 129: La parentalité un processus développemental

119

ainsi une autre chance à l’enfant. Certains parents (surtout parmi ceux qui sont absents toute la

journée et qui ont l’impression de ne consacrer que peu de temps à leur enfant) justifient la

variabilité du type d’intervention choisi par leur désir de conserver une bonne relation avec leur

enfant et de ne pas avoir l’impression de toujours être en train de le punir. Cet aspect rejoint un

élément ressortant de l’enquête de l’institut de la statistique du Québec auprès de parents

d’enfant entre 0 et 5 ans à savoir que le quart des parents mentionnent avoir souvent ou toujours

l’impression de ne pas avoir assez de temps à consacrer à leurs enfants (Québec, 2016).

D’autres disent varier leur style d’éducation lorsqu’ils sont fatigués ou plus centrés sur

leurs propres intérêts et préférences. Le passage d’un style à l’autre peut aussi être lié au fait que

le parent, jugeant qu’il ne peut pas tout contrôler, choisit ses champs de bataille. Cela peut se

produire lorsqu’un enfant est davantage désobéissant que ses frères et sœurs; pour éviter de

donner l’impression de toujours punir l’enfant turbulent, le parent va parfois se montrer permissif

à son endroit. Plusieurs de ces exemples permettent aussi de montrer l’interaction qui existe entre

la compétence affective attachement et les styles d’éducation adoptés par les parents pour

maintenir de saines relations avec leurs enfants. Somme toute, ces divers propos recueillis des

parents montrent à quel point leur tâche d’éducateur leur semble complexe et souvent difficile à

gérer. Alors qu’un certain degré de flexibilité apparait chez certains dans leur façon de réagir aux

comportements de leur enfant, dans d’autres cas, cette variabilité prend plutôt l’allure

d’instabilité et conduit à une perte de contrôle.

Entre les parents qui discutent avec leur enfant pour leur faire comprendre le sens des

punitions qu’ils lui infligent et les parents qui sévissent ou tolèrent indûment, sans démarche

claire, la différence se situe, comme en témoignent les résultats obtenus, dans leur niveau de

développement de la parentalité, c’est-à-dire leur niveau de compréhension de leur rôle parental

et leur capacité d’appréhender ou non ce rôle dans toute sa globalité. À la lumière des propos

récoltés des parents, du niveau de développement qu’ils ont atteint, il devient possible de lever

en partie l’ambiguïté de certains résultats quantitatifs, telle que la corrélation positive observée

entre les sous-échelles permissive et autoritaire. Il semble que certains parents, moins bien

outillés que d’autres pour faire face à leur rôle parental, devant des situations problématiques,

adoptent une démarche d’essais erreurs en alternant entre des comportements autoritaires et

permissifs, sans pouvoir en justifier l’utilisation. Le fait d’avoir retenu, pour l’étude, deux

Page 130: La parentalité un processus développemental

120

modalités de récolte de données sur cette compétence s’est révélé, dans ce sens, une initiative

éclairante et bénéfique.

Analyse d’ensemble de l’évolution des paramètres étudiés À la lumière des résultats de cette étude sur le développement de la parentalité en relation

avec les compétences parentales, quatre thèmes principaux émergent comme éléments

fondamentaux inter reliés du rôle parental: le sentiment de responsabilité, la gestion de l’autorité,

le style de communication et la perception de contrôle que vit le parent (voir annexe M pour la

grille d’analyse). Ces quatre thèmes servent d’éléments intégrateurs des divers liens qui unissent

les compétences parentales étudiées au développement de la parentalité en vue de rendre compte

du cheminement du « parent compétent ». Ces liens apparaissent comme des marqueurs

développementaux qui permettent de mieux comprendre la complexité de cette évolution et d’en

dégager des bases pertinentes pour mener de nouvelles recherches et offrir des pistes

d’intervention appropriées.

Pour illustrer succinctement ce cheminement, ces thèmes sont maintenant traités selon la

même procédure employée précédemment, c’est-à-dire en regroupant les quatre niveaux de

développement en deux grandes classes : les pré-relativistes (dualistes et multiplicistes), et les

relativistes (incluant les relativistes engagés). Des commentaires plus spécifiques à un ou l’autre

niveau sont ajoutés à l’occasion, pour mieux illustrer certaines différences développementales.

Le sentiment de responsabilité parentale

Le fait de devenir parent exige une grande part de responsabilité pour assurer, dès la

naissance, voire dès la conception de l’enfant, son développement sécuritaire et harmonieux. Les

parents interrogés en ont exprimé l’importance. Se plaçant dans le contexte actuel de la

recherche, c’est-à-dire des parents ayant des enfants d’âge scolaire, un premier constat à relever

des propos recueillis tient aux significations variées attachées à cette notion de responsabilité à

l’égard de l’enfant. Ces variations sont liées à l’évolution même de la conception que le parent se

fait de la parentalité.

Il apparait que le parent pré-relativiste tend à se considérer responsable des

comportements de son enfant, lesquels doivent être socialement convenables. À cet égard, il

perçoit qu’il est de son devoir de contrôler les comportements de son enfant par des consignes,

Page 131: La parentalité un processus développemental

121

des renforcements, des punitions. Pour lui, cette responsabilité est à partager avec d’autres

adultes (ex; intervenant scolaire ou autre).

Ce regard qui situe la responsabilité dans l’importance du comportement s’avère un bon

indicateur de la perception qu’a le parent de sa compétence. En effet, le parent se montre fier

lorsque son enfant a de bons comportements et déçu de lui-même lorsque l’enfant n’agit pas

correctement ou obtient des résultats non désirés. Dans le même ordre d’idée, certains parents

pré-relativistes expriment le désir que leur enfant puisse accomplir ce qu’ils n’ont pas pu réaliser

eux-mêmes et ainsi réaliser leurs rêves par l’intermédiaire de leur enfant (ex. : désir de jouer

professionnellement à un sport). Pour d’autres parents dont l’enfant a reçu un diagnostic clinique

(ex. : trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité ou trouble d’opposition avec

provocation), la présence de cause génétique ou neurologique sert d’argument pour expliquer les

comportements inadéquats de leur enfant et, de ce fait, les fait se sentir moins responsables, ce

qui, en conséquence, entache moins la perception de leur compétence.

Contrairement au parent pré-relativiste qui se centre surtout sur les comportements de son

enfant et leurs résultats, le parent relativiste tend plutôt à se voir responsable d’orienter son

enfant vers des moyens propices à son développement, tel un environnement stimulant, interactif

qui lui offre diverses possibilités d’actions lui permettant de devenir lui-même une personne

autonome et responsable. Le parent relativiste considère de son devoir d’amener son enfant vers

une réflexion et une compréhension plus complexe et articulée de ses expériences de vie. En ce

sens, il se perçoit responsable de fournir à son enfant matière à réflexion, mais également de

générer chez lui une prise de conscience de son rôle et de la diversité des perspectives qui

s’offrent à lui dans toutes situations, y inclus celles qui sont de nature conflictuelle. En d’autres

termes, étant conscient des valeurs qu’il a faites siennes, il tend par tous les moyens à les

transmettre à son enfant.

La gestion de l’autorité Une question se pose ici : le sentiment de responsabilité que vit le parent influence-t-il sa

manière de gérer l’autorité dans sa relation avec son enfant? Avant de répondre à cette question,

certaines remarques s’imposent. Les résultats déjà présentés ont montré que le style d’éducation

adopté par le parent est non seulement fortement lié à la gestion concrète et quotidienne de

l’autorité, mais est aussi susceptible de varier selon les conditions rencontrées dans chaque

Page 132: La parentalité un processus développemental

122

situation d’exercice. Ceci s’avère beaucoup moins évident lorsqu’on évalue l’évolution de la

notion d’autorité à travers les différents niveaux de développement de la parentalité où l’intérêt

porte surtout sur la façon dont le parent perçoit et conceptualise cette gestion.

Il faut également souligner que la relation des parents avec l’autorité peut être

conceptualisée de deux façons : celle de subordination et celle d’autorité. D’un côté, le parent

« apprenti » est à la recherche de modèles pour l’aider à devenir un bon parent; ce genre de

subordination peut prendre la forme d’intervenants à consulter, de lectures sur ce thème, voire

d’émulation de ses propres parents ou d’entraide du conjoint; de l’autre côté, face à son enfant, le

parent est celui qui détient l’autorité; c’est lui qui dicte les règles, qui encourage les

comportements jugés positifs, qui inflige les corrections, etc. Cette composante est également

perçue dans le partage que le parent doit faire de son autorité avec d’autres adultes intervenant

auprès de son enfant (professeur, grands-parents, etc.).

En somme, quelles que soient les circonstances où l’autorité entre en jeu, trois types de

relations se dégagent de l’ensemble des résultats obtenus : certains parents cherchent à imposer

leur autorité, d'autres désirent représenter l’autorité, mais ils ont l’impression de ne pas la détenir

et enfin, d’autres inspirent d’office l’autorité sans sentir le besoin de l’imposer. Il est possible de

faire un lien entre ces types de relation avec l’autorité et le développement de la parentalité.

Pour le premier type : imposition de l’autorité, il regroupe les parents qui disent imposer

des exigences à leur enfant et intervenir directement pour régler les conflits (séparer les enfants

lorsque ceux-ci se chicanent par exemple). Cette conception rejoint celle obtenue au niveau

dualiste où le parent considère l’autorité comme découlant d’une personne qui détient la vérité et

à laquelle on doit obéir. Les parents dualistes « sachant » ce qui est bien pour l’enfant, ce dernier

doit donc se conformer à leurs exigences. Ils considèrent qu’un parent idéal est celui qui sait

toujours comment intervenir dans n'importe quelle situation : « il a tout le temps la bonne

solution à chacune des difficultés qui sont rencontrées » (participante 34). Dans ce style

d’éducation où les parents disent savoir ce qui est bon pour leur enfant, il n’est pas surprenant de

les voir imposer leur autorité sans discussion. Derrière cette prise de position, l’objectif visé est,

comme dans le cas de la responsabilité du parent, celui du contrôle du comportement de l’enfant.

Page 133: La parentalité un processus développemental

123

Dans le deuxième cas, le parent qui désire avoir l’autorité, mais ne se sent pas maître de

la situation aura tendance à tergiverser d’une solution à une autre ou à négocier avec son enfant

et parfois même à argumenter. Ceci peut être associé à certains aspects du niveau multipliciste,

où de manière générale, le parent dit avoir l’impression de ne pas détenir le pouvoir désiré ou

l’autorité nécessaire auprès de son enfant. L’objectif demeure le même par l’importance

accordée aux comportements de l’enfant qui représentent, pour le parent pré-relativiste, la

conséquence ou le résultat de son intervention jugée efficace ou non. Certains participants

perçoivent négativement l’influence des amis sur l’enfant et le fait que leur enfant compare les

règles établies à la maison à celles qui existent chez ses amis; pour ces parents, ceci présente un

risque possible de perte d’autorité. En situation de gestion de l’autorité, le parent multipliciste,

peu sûr de lui-même et ne se fiant pas aux autres non plus, peut réagir de diverses manières : il

peut abdiquer de son rôle d’autorité en se montrant plus permissif envers son enfant, en

établissant avec lui une relation de « copinage »; il peut aussi tenter de conserver son autorité en

augmentant ses exigences et la sévérité de ses corrections lorsqu’il y a désobéissance. Certains

participants mentionnent, pour leur part, devoir négocier ou argumenter avec leur enfant dans un

désir de récupérer leur rôle d’autorité sur ce dernier. Toutes ces conduites révèlent l’ambivalence

dans laquelle peut se retrouver un parent multipliciste, allant d’un extrême à l’autre, sans trop

savoir comment se comporter, sans contrôle réel de la situation. L’extrait suivant illustre bien

cette ambivalence et ce manque de contrôle d’une participante de niveau multipliciste face à ses

interventions en situation de conflit entre enfants :

Souvent moi je vais m’en mêler, aussi quand […] au lieu de dire organisez-vous, réglez vos conflits, j’ai tendance à intervenir comme une grande sœur interviendrait puis qu’à un moment donné elle va quasiment se chicaner avec l’autre, j’ai l’impression que je suis un peu bébé là. […] je ne suis pas capable de me raisonner. Des fois je peux me fâcher comme si je faisais partie du trio comme si on était un trio d’enfant. Puisque je me faisais heurter aussi dans tout ça, fais que je réagis très mal. […] j’ai beaucoup le réflexe en moi, petite fille encore qui va embarquer, je me fais, mon chum me dit que je me fais avoir, j’embarque dans leur chicane puis là j’essaye de (régler le conflit) puis tu ne veux pas prendre parti pris (n°49 ; femme entre 31 et 40 ans, collégial, 2 enfants entre 6 et 9 ans).

Enfin, le dernier type de parent est celui qui inspire l’autorité sans avoir besoin de

l’imposer. Un tel parent va intervenir auprès de son enfant en lui expliquant les conséquences de

ses gestes, en établissant des limites claires avec lui et en privilégiant des sanctions en rapport

Page 134: La parentalité un processus développemental

124

avec ses mauvais comportements pour bien marquer la cause de la sanction. Ce type de parent se

retrouve davantage dans les niveaux relativiste et relativiste engagé. À ces niveaux, les parents se

voient comme des personnes ayant acquis une certaine expertise grâce aux expériences vécues

qui les ont amenés à réfléchir et à prendre du recul. Forts de cette acquisition, ils envisagent leur

enfant comme quelqu’un qui peut acquérir une telle expertise à travers son propre vécu et ils

voient leur rôle comme celui d’un guide pour l’aider à explorer diverses possibilités et à réfléchir

sur ses expériences, l’importance étant plus axée sur des démarches à adopter que sur les

comportements observables de leur enfant. Ces parents reconnaissent aussi l’influence d’autres

personnes sur leur enfant et voient l’importance de ne pas les discréditer même s’ils ont des

points de vue différents des leurs. Le parent relativiste voit la nécessité d’expliquer toute

situation problématique à son enfant et d’écouter la compréhension qu’il en a avant de penser

aux sanctions possibles. Par exemple, la participante suivante mentionne :

Ce n’est pas arrivé souvent. La plus grosse punition qu’ils ont eue c’est 3 minutes dans l’escalier. Je n’ai pas eu à disputer, je n’ai pas eu à chicaner, on s’explique. J’aime mieux qu’on s’explique que de dire, bien c’est moi la mère, puis c’est moi qui décide puis un point c’est tout, c’est comme ça. Je n’aime pas cette approche-là, puis pourtant je ne suis pas une mère amie, mais je veux être une référence donc c’est aussi dans l’autre sens. […] Puis ils ont beaucoup de permissions, mais en même temps parce que je leur fais confiance, parce que les permissions, ça s’enlève aussi (n° 18 ; femme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 9 et 10 ans).

Cet extrait illustre l’importance, pour cette participante, de ne pas imposer de manière unilatérale

des règles et de s’assurer que ses enfants en comprennent le sens pour y adhérer. Cette même

participante mentionne également en début d’entrevue : « … cela arrive souvent que je leur dise :

il y a peut-être des choses que je vais vous dire, que je vais faire dans ma vie que vous ne serez

pas d’accord avec moi, et vous avez le droit de me le dire », illustrant son désir de laisser à

l’enfant la possibilité d’exprimer son point de vue, étape préalable à toute discussion fertile.

Cette compréhension des liens possibles entre le développement de la parentalité et la

représentation de la responsabilité et la gestion de l’autorité rejoint sensiblement les résultats

quantitatifs obtenus concernant le développement de la parentalité et le style d’éducation

parentale : les participants relativistes sont proportionnellement plus nombreux à appartenir au

style démocratique, basé sur les échanges et la compréhension, alors que les participants pré-

relativistes se montrent surtout autoritaires ou permissifs avec, à l’occasion, des comportements

Page 135: La parentalité un processus développemental

125

démocratiques, encore incapables d’intégrer complètement l’enfant comme personne active et

utile dans la résolution d’un problème.

Le style de communication Les résultats concernant l’évolution observée dans les styles d’éducation parentale

parallèlement à celle de la conception de la parentalité ouvrent la voie à une autre dimension qui

apparait chez les parents « en devenir », tant conceptuellement qu’à travers les compétences

jugées nécessaires pour bien l’exercer, celle de la communication. Pour en retracer l’évolution

parallèle, les conduites des parents pré-relativistes et relativistes sont réexaminées sous ce nouvel

angle.

Pour le parent pré-relativiste, la discussion est synonyme de réception d’un message

allant de l’adulte à l’enfant. Elle est, pour l’enfant, le moyen d’apprendre de l’adulte la vérité au

sujet des choses bien établies, des comportements attendus de lui. C’est lors de situations

problématiques que se manifestent les « échanges verbaux ». À ces moments, le parent dit

prendre la parole pour tenter de régler le conflit. Misant surtout sur le contenu de l’information

qu’il reçoit, il tente alors de trancher entre vérité et mensonge des propos de son enfant ou encore

se montre insatisfait du peu d’informations qu’il obtient, l’amenant alors à inférer ce qui s’est

passé. Dans un tel contexte, la communication se révèle davantage unidirectionnelle. Bien que

l’enfant soit entendu, aucun véritable dialogue n’est tenté de part et d’autre; l’enfant sait qu’en

général, c’est le parent qui décide de l’issue du problème, les informations qu’il en donne lui-

même étant jugées douteuses, incomplètes ou souvent non valables pour le parent.

De son côté, le parent relativiste perçoit au contraire la communication comme un moyen

privilégié d’éduquer son enfant. Il vise donc à favoriser une communication bilatérale en

creusant avec l’enfant les différentes facettes des situations, qu’elles soient conflictuelles ou non,

afin de l’amener à y réfléchir ou à faire un choix éclairé à leur sujet. Ce faisant, il encourage le

dialogue entre lui et son enfant en enrichissant la compréhension mutuelle des divers points de

vue exprimés. De par son expérience plus vaste qui lui a permis de nuancer et de réfléchir sur

une variété de situations, le parent relativiste voit l’importance d’inciter son enfant à s’exprimer

et se montre ouvert à considérer son point de vue même s’il le voit différent du sien. Cette

démarche témoigne d’un véritable dialogue où chacun peut influencer et apporter quelque chose

de nouveau à toute discussion ou aux solutions qui découlent de situations problématiques.

Page 136: La parentalité un processus développemental

126

La perception de contrôle (sur la situation) Comme mentionné précédemment, les trois thèmes déjà abordés laissent anticiper leur

influence relative sur la perception de contrôle du parent au cours de son évolution vers une plus

grande maîtrise de son rôle parental. Concernant les parents pré-relativistes, le fait que leurs

efforts portent surtout sur leur désir de contrôler les comportements de leur enfant, de jouer un

rôle autoritaire à son égard et de communiquer unilatéralement avec lui sans chercher à

comprendre vraiment ce qu’il vit, réduit leurs possibilités de bien explorer les situations vécues

et par là, les met en situation de perte de contrôle devant les problèmes à résoudre. Sans en être

trop conscients, devant de telles situations, ils expriment leur sentiment d’être dépassés par les

comportements inadéquats de l’enfant ou ses réponses négatives à leurs interventions leur

donnant l’impression qu’il ne les écoute pas ou cherche à les tromper. Les situations sont

nombreuses où le parent va avoir l’impression de ne plus avoir de contrôle sur la situation qui se

résume pour lui à la gestion des comportements de son enfant.

La situation est tout autre pour le parent relativiste. Moins influencé par les

comportements de son enfant qu’il juge comme non totalement contrôlables, l’enfant n’étant pas

une marionnette, il se montre aussi moins enclin à changer sa perception de son contrôle parental

en fonction des situations rencontrées. Ne cherchant pas à contrôler directement les

comportements de son enfant, il se montre davantage centré sur les moyens dont il dispose pour

favoriser le développement de ce dernier. Il reconnaît la possibilité que des difficultés puissent

être hors de son contrôle, mais se sent en mesure d’y faire face ou d’intervenir en conséquence

en fonction de ses capacités, voire même de consulter des professionnels, si nécessaire. Se

sentant en contrôle des situations et misant sur sa capacité d’adaptation, il est moins sujet à

anticiper les comportements futurs de son enfant ou à s’inquiéter de son avenir. Son objectif est

plutôt d’aider son enfant à développer des outils susceptibles de le rendre plus autonome et plus

responsable de ses faits et gestes.

En conclusion, le parent relativiste se sent davantage confiant dans sa capacité de garder

le contrôle sur son rôle parental, par le fait qu’il dispose des moyens qu’il a mis en place pour y

arriver, contrairement au parent pré-relativiste qui accorde beaucoup d’importance aux

comportements de l’enfant et à ses résultats sans s’assurer d’avoir les moyens de gérer

l’ensemble des variables pouvant les influencer. En résumé, la ligne évolutive se révèle au départ

Page 137: La parentalité un processus développemental

127

dans la perception que se fait le parent de sa responsabilité envers son enfant; de cette

perception, vont découler la manière dont il va gérer son rôle d’autorité ainsi que sa manière de

communiquer avec son enfant, composantes qui influencent subséquemment sa perception du

contrôle qu’il détient en tant que parent.

Implication dans l’intervention auprès du parent La parentalité, cet art d’être parent qui, au hasard du nombre, de l’ordre d’arrivée et des

caractéristiques de chaque enfant, mais aussi du-de la conjoint-e avec qui cette expérience est

vécue, s’avère être un long et complexe processus qui se combine avec le développement plus

général de l’adulte. Les résultats obtenus dans la présente recherche permettent d’entrevoir que

l’atteinte du niveau relativiste est prometteuse d’un développement harmonieux de l’enfant par

l’entremise de la qualité des liens que le parent établit avec lui, grâce à sa compréhension plus

globale de son rôle parental et de la place qu’il sait donner à chacun dans la gestion de ce rôle.

Un tel niveau est aussi associé à la maîtrise de diverses compétences (capacité de prendre la

perspective de l’autre (empathie), fonctionnement réflexif élaboré, et style d’éducation

démocratique). Que tous les parents ne s’y retrouvent pas permet la mise en évidence des

principales divergences observées chez les participants dans leur manière de conceptualiser et

d’exercer leur rôle de parent avec leur enfant au reflet des niveaux de développement atteints.

De tels résultats incitent à se questionner sur la manière d’intervenir auprès de parents

demandeurs d’aide professionnelle. Ayant démontré que chaque niveau de développement de la

parentalité comporte sa logique propre qui oriente les conduites du parent, il s’agit dans un

premier temps, pour l’intervenant, de déterminer le niveau du parent qui consulte en vue de

mieux cibler et nuancer les types d’interventions à privilégier. Souvent le type d’aide demandé

est un bon indicateur de ce niveau. Les parents sont-ils à la recherche d’une aide pour « guérir »

leur enfant qui éprouve des difficultés ou sollicitent-ils plutôt des conseils ou opinions pour

jauger leur propre manière d’intervenir? Désirent-ils obtenir des solutions concrètes au problème

rencontré ou viennent-ils plutôt examiner avec l’intervenant les divers éléments à considérer

pour mieux saisir ce qui se passe ?

À cet égard, la grille de la parentalité ainsi que la grille d’analyse élaborée dans la

présente étude représente un guide précieux à l’usage des intervenants qui considèrent important

Page 138: La parentalité un processus développemental

128

de tenir compte de cet aspect développemental dans leurs pratiques. Sachant que les conceptions

des parents peuvent être une aide ou un frein à la compréhension des situations vécues, ils

chercheront à en déterminer le niveau pour être ensuite en mesure d’y ajuster adéquatement leur

intervention. L’outil leur sera également utile pour offrir des interventions favorables à un

changement graduel respectant, de façon ordonnée, les différentes étapes développementales à

construire. Chercher à brûler ces étapes aboutirait à devoir se confronter à des résistances de la

part des parents qu’on veut aider, résistances qui seraient plus de l’ordre de l’incompréhension

que d’une opposition personnelle lucide.

Comment peut s’établir la communication entre l’intervenant et le parent qui consulte

dans le but d’être aidé à résoudre ses difficultés avec son enfant? Comme observé dans les

données d’entrevue, le parent pré-relativiste, désireux de trouver la solution qui amènera son

enfant à se comporter adéquatement, conformément aux attentes sociales, aura tendance à

demander la bonne manière d’intervenir ou cherchera à obtenir l’approbation de l’intervenant sur

sa façon d’agir avec son enfant dans une situation donnée. Dans un tel cas et à l’aide d’exemples,

l’intervenant tentera d’offrir au parent diverses pistes de solutions pour amener ce dernier à

prendre progressivement conscience qu’à tout problème, plusieurs solutions sont possibles, selon

les circonstances. Il cherchera également à lui faire comprendre que l’enfant peut lui aussi

contribuer à la résolution d’un problème, parfois seulement en exprimant ce qu’il pense de la

situation qui, bien souvent, est interprétée différemment de ce que pensent les parents. Quant au

parent multipliciste, plus conscient de l’existence d’une variété de solutions possibles aux

différents problèmes qu’il rencontre, mais encore incapable de les envisager dans une

perspective globale et d’élaborer un plan d’action à long terme pour bien éduquer son enfant, il

viendra consulter le « spécialiste » pour obtenir son approbation sur les actions adoptées ou faire

appel à son expérience pour en connaître de meilleures. Peu conscient de l’inconstance de ses

propres interventions qui, trop souvent varient d’un style autoritaire à un style permissif ou vice-

versa, et de leur impact perturbateur sur son enfant, l’intervenant pourra, par exemple, tenter de

le sensibiliser à l’importance d’être cohérent et stable dans ses interventions, peu importe les

situations, pour éviter de dérouter son enfant. Il pourra aussi lui signaler l’importance d’informer

son enfant de la signification des mesures prises pour qu’il comprenne mieux le but poursuivi.

Page 139: La parentalité un processus développemental

129

En comparaison, le parent relativiste qui fait appel aux services d’un intervenant pour son

enfant tendra à bien préciser le problème qui le préoccupe en vue d’obtenir un autre point de vue

que le sien sur la source du problème pour en comprendre toute l’étendue et mieux orienter ses

interventions auprès de son enfant. Autonome dans sa réflexion, il viendra plus chercher une aide

pour le guider dans ses actions qu’une solution pure et simple. Le bon intervenant saura capter

adéquatement le besoin sollicité de la part du parent.

Globalement, ce qui différencie le parent relativiste du parent pré-relativiste est sa

préoccupation de maintenir, à long terme, une bonne communication et compréhension avec son

enfant plutôt que celle d’obtenir la solution miracle pour résoudre ponctuellement les situations

problématiques rencontrées. Des manières aussi différentes d’appréhender la réalité nécessitent

d’être tenues en compte par l’intervenant s’il ne veut pas faire fausse route dans l’aide qu’il

cherche à offrir aux parents.

À noter qu’il n’est pas toujours facile de déterminer le niveau de développement du

parent lors de consultations, mais la série d’indices offerts dans la présente recherche, compilée

dans le guide sur le développement de la parentalité, peut servir de toile de fond pour orienter

une démarche d’intervention qui se veut éducative et formative. Au-delà d’une aide à résoudre

des problèmes ponctuels, la démarche d’intervention devrait viser à faire évoluer les parents dans

leur compréhension et gestion de leur rôle parental. Se limiter à la résolution immédiate et facile

d’un problème donné risque de n’avoir aucune portée à long terme et peut même, dans certains

cas, amener les parents à progressivement abdiquer de leurs responsabilités à l’égard de leurs

enfants, faute d’avoir compris comment gérer un rôle si complexe. En somme, les résultats de

notre étude montrent l’importance, lors de toute intervention auprès des parents, de les

considérer tant dans leur rôle d’apprenant que d’éducateur « en développement » pour assurer

une bonne communication, dans le sens d’une compréhension mutuelle.

Ces remarques laissent entendre que tout processus d’intervention est fondamentalement

interactif, en ce sens que les personnes impliquées ont chacune un rôle déterminant à jouer pour

rendre l’intervention efficace. C’est en ce sens qu’il apparait essentiel, pour aider un parent qui

consulte, de connaître comment il appréhende sa réalité de parent et, de façon plus générale,

comment il conçoit et structure la parentalité. Selon Boivin (2012), considérer le niveau de

Page 140: La parentalité un processus développemental

130

développement de la personne qui consulte rend l’accompagnement de l’intervenant plus

efficace pour explorer et résoudre les problèmes rencontrés. En d’autres termes, toute

intervention doit tenir compte du niveau de compréhension de la personne qui consulte pour

offrir des conseils pertinents aux problèmes discutés.

Il est possible que parmi les difficultés que rencontrent les intervenants dans leur travail

auprès des parents, certaines tiennent au fait que cette dimension développementale n’est pas

prise en considération. Dans de tels cas, des conséquences regrettables peuvent survenir, allant

jusqu’à affecter la qualité de la relation parent-intervenant, faute de compréhension réciproque et

de constats d’échec à répétition, tant dans la résolution des problèmes que dans l’impossibilité

d’atteindre les objectifs liés aux interventions, tels favoriser la confiance en soi, l’autonomie et le

bien-être du parent. Il est fort possible que ces types de conséquences soient plus observables

auprès des parents pré-relativistes.

Quant à l’influence de l’intervenant, plusieurs caractéristiques, pratiques ou habiletés

personnelles ont déjà été étudiées comme influençant l’efficacité thérapeutique ou l’alliance

thérapeutique. Certaines sont en lien avec les variables étudiées dans la présente recherche.

Ainsi, il est démontré que la capacité de mentalisation et les processus mentaux du thérapeute

pourraient représenter une des variables-clés expliquant l’habileté du thérapeute à établir une

bonne alliance et à formuler des interventions spécifiques au patient, venant ainsi le toucher

directement et créer un changement clinique significatif (p.231) (Maheux, Normandin, Parent,

Ensink, & Sabourin, 2016). Dans un autre ordre d’idée, face à un parent relativiste l’intervenant

serait aussi susceptible de connaître des difficultés qui surviendraient cette fois de la part d’un

intervenant n’ayant pas atteint un niveau relativiste lui-même. Owen (2006) constate que des

intervenants (étudiants aux cycles supérieurs en psychologie clinique et en counseling) de niveau

pré-relativiste ont tendance à poser des questions visant à confirmer leur hypothèse initiale

(nature probable du problème) et à négliger les éléments non congruents avec leur hypothèse.

Quant aux intervenants relativistes, ils cherchent davantage à poser des questions plus variées,

non biaisées.

Étudiant le niveau de développement intellectuel et éthique en relation avec la

compétence professionnelle chez des psychologues en formation, Boivin (2012) reconnaît

Page 141: La parentalité un processus développemental

131

l’importance de l’atteinte du niveau relativiste pour professer comme psychologue. Elle

mentionne notamment :

Un thérapeute avancé sur l’échelle de Perry (1998) peut comprendre les étapes antérieures de développement alors que l’inverse n’est pas possible. Le thérapeute relativiste ne rejette pas les stratégies thérapeutiques des niveaux précédents, mais les intègre pour les adopter de manière flexible, en tenant compte du contexte et des besoins du client. Il est donc plus susceptible d’être à même de s’ajuster au niveau du client (p.165).

Compte tenu des éléments qui caractérisent le professionnel relativiste, il semble bien que

le niveau de développement soit pertinent à considérer si on veut comprendre la dynamique à

l’œuvre dans toute forme d’intervention et en analyser les forces et les faiblesses de façon lucide

et réfléchie. De même, pour bien mesurer les impacts que toute intervention peut avoir sur

l’individu qui consulte, ici le parent, il est plus que nécessaire de fonder cette intervention sur les

acquis de cet individu, tout autant que sur ses possibilités de les dépasser pour atteindre un

niveau permettant des retombées plus efficaces et plus durables.

Forces et limites de la présente étude Tout travail comporte des forces et des limites, soient-elles anticipées ou découvertes en

cours de réalisation. Le présent projet n’est pas exempt d’une telle situation. Concernant les

forces, cette étude offre un portrait cohérent du développement de l’adulte parent en lien avec les

compétences parentales jugées nécessaires au développement harmonieux de l’enfant. Elle

permet aussi d’établir ou de confirmer certains liens entre les variables étudiées pour en dégager

une compréhension plus intégrative et pour en évaluer les influences réciproques.

Une autre force de cette étude est sa pertinence sociale et éducative. Ceci a pu être

constaté par la facilité à recruter des parents désirant participer à l’étude. En effet, très

rapidement après l’annonce de recrutement, plus de 100 personnes avaient répondu au

questionnaire en ligne. Ce qui a été encore plus révélateur, c’est le nombre de parents qui ont

aussi désiré participer au deuxième volet de la recherche : 80% des participants ont indiqué se

porter volontaires pour l’entrevue. Ceci témoigne bien de l’intérêt des parents pour les études

portant sur la parentalité et ce qui s’y rattache. Il faut aussi souligner le sérieux avec lequel les

parents participants se sont montrés disponibles à effectuer l’entrevue (jour, soir et parfois même

la fin de semaine) et ont répondu aux questions en précisant leur pensée et en élaborant leurs

Page 142: La parentalité un processus développemental

132

réponses pour bien expliciter leurs idées, assurant ainsi une meilleure validité aux données

recueillies.

Les différents apports de cette recherche se situent à plusieurs niveaux. Sur le plan

individuel, les parents ayant participé à l’étude ont été amenés à réfléchir sur leur pratique

éducative, expérience qui semble leur avoir été profitable. Plusieurs parents ont en effet

mentionné à la fin de l’entrevue avoir apprécié prendre le temps de recul nécessaire pour se

questionner sur leurs pratiques quotidiennes avec leur enfant qui sont généralement spontanées,

sans réflexion immédiate sur l’objectif éducatif visé.

Sur le plan conceptuel, les résultats de cette étude ont permis d’élaborer une grille

d’analyse sur la parentalité telle que conçue par des adultes qui la vivent quotidiennement. Cette

grille permet d’illustrer les différentes étapes que traverse l’adulte issu d’une population

normale, dans sa compréhension et sa conceptualisation de la parentalité, de même qu’elle

permet d’y établir des liens qui la relient avec les diverses compétences parentales.

Sur le plan méthodologique, le fait d’avoir choisi un devis mixte a permis un possible

dialogue entre les données quantitatives et qualitatives et d’en comprendre les contributions et

limites respectives.

Nonobstant ces forces de l’étude, certaines limites se doivent d’être mentionnées afin de

nuancer l’interprétation des résultats. Une des premières limites tient à certains choix

méthodologiques, tel celui de ne sélectionner qu’une partie de l’entrevue sur le fonctionnement

réflexif (PDI) en vue de limiter la durée de l’entrevue. Cette décision a entrainé une analyse

appauvrie de la dimension affective liée au fonctionnement réflexif, telle par exemple le style

d’attachement parent-enfant établi durant l’enfance et adopté ultérieurement par le parent avec

son propre enfant; n’ayant pas récolté de données qualitatives à cet égard, il a été impossible de

comprendre pourquoi l’attachement ne s’est pas montré corrélé avec le niveau de développement

du parent ; de même, certaines expériences difficiles vécues durant l’enfance du parent et leurs

effets sur son fonctionnement actuel avec son enfant n’ont pu être examinés en détail, faute

d’avoir eu accès à des données pertinentes.

Page 143: La parentalité un processus développemental

133

Une autre composante est à considérer avant de généraliser les résultats à l’ensemble des

parents. Les participants de l’échantillon manifestent certaines particularités, dont celle de

vouloir collaborer à l’étude par une invitation transmise par l’école, particularités qui peuvent ne

pas être présentes chez ceux qui n’ont pas manifesté une intention dans ce sens. Il est possible

que ces derniers ne lisent pas les informations en provenance de l’école, n’avaient pas de temps à

y consacrer ou n’avaient qu’un faible intérêt pour discuter de leur rôle parental.

D’autres facteurs empêchent de tirer des conclusions générales. L’échantillon de l’étude

n’est pas représentatif de la population en ce qui a trait au niveau de scolarité; en effet, selon le

dernier recensement, il est plus élevé que celui de la population québécoise. Il faut ajouter aussi

que la majorité des participants de la présente étude sont des mères, ce qui limite la portée des

résultats obtenus, d’autant plus que ces dernières années, on observe une participation accrue des

pères dans l’éducation de leurs enfants et, de ce fait, un possible intérêt plus marqué à l’égard de

leur rôle parental.

Enfin, il faut mentionner que les caractéristiques de l’enfant (non questionnées dans le

questionnaire sociodémographique et non abordées lors de l’entrevue) sont susceptibles

d’influencer les parents ou de nuancer leurs propos concernant leur rôle parental. Certains

parents y ont fait référence spontanément, en révélant l’importance de leur influence. Par

exemple, le cas de l’enfant qui, ayant reçu un diagnostic médical sur sa condition, a fortement

influencé les comportements des parents à son égard; l’absence de questions plus spécifiques sur

cet aspect a rendu impossible d’en mesurer les effets.

L’étude comporte une autre limite méthodologique en ce sens que les données établissant

les différents niveaux de développement de la parentalité n’ont pas été récoltées selon un devis

longitudinal. De ce fait, il a été impossible d’illustrer l’évolution du parent d’un niveau à l’autre,

selon son expérience progressive et l’avancement en âge de son ou ses enfants (petite enfance,

entrée à l’école, transition vers le secondaire, etc.). Pour pallier en partie à cette limite, les

parents ont été encouragés à exprimer, de façon rétrospective, les changements de conceptions

qu’ils se souvenaient avoir vécus. Mais c’est surtout en s’appuyant sur le modèle de Perry et en

référant à des critères reconnus comme développementaux (passage du concret vers l’abstrait, du

simple au complexe, etc.) qu’ont été déterminés et ordonnés les différents niveaux obtenus. Leur

Page 144: La parentalité un processus développemental

134

pertinence a d’ailleurs été établie par les nombreuses citations dégagées des protocoles des

participants.

Il faut aussi mentionner l’existence d’un biais possible dans la procédure d’analyse des

données par le fait qu’elles ont été analysées et codifiées par la même personne qui a pu être

influencée, en passant d’une composante à l’autre, par les propos déjà émis par le participant.

Cette influence a été atténuée de diverses façons. Dans le cas des données obtenues par entrevue

sur le développement de la parentalité, le fonctionnement réflexif et le style d’éducation

parentale, elles ont d’abord été transcrites, puis analysées par composante et non par participant.

Le but poursuivi par cette démarche était d’obtenir, de manière indépendante, une vue

d’ensemble des données sur chacune de ces composantes. Le nombre important d’entrevues

réalisées a également contribué à rendre difficile tout rappel des données issues de chaque

participant. Enfin, la chercheure a fait appel à deux collègues pour effectuer indépendamment la

cotation des différents niveaux de développement de la parentalité par l’une d’elles et la cotation

du fonctionnement réflexif par l’autre. Lorsqu’il y avait absence de consensus entre la cotation

de la chercheure et celle d’une des collègues, il y avait discussion jusqu’à obtenir un accord inter

juge.

Recherches futures D’autres études portant sur la parentalité s’avèrent nécessaires afin de préciser et

d’approfondir certains des résultats obtenus. Entre autres, les deux parents devraient être pris en

considération, et si possible dans des entrevues de couples pour obtenir une meilleure image de

la dynamique parentale, permettant ainsi de combler l’absence plus fréquente des pères dans des

études portant sur des réalités où ils sont normalement impliqués. Bien que rendant la situation

d’entrevue et d’analyse plus complexe, cette approche fournirait des indices importants

concernant la variabilité de cette dynamique selon le degré de concordance ou de discordance

des résultats des deux parents. On peut supposer que certains des problèmes qu’ils diraient

rencontrer seraient associés à leur manière de communiquer entre eux et avec l’examinateur.

Dans les résultats obtenus, certains participants pré-relativistes ont laissé entendre qu’il leur était

difficile de communiquer avec leur conjoint (voir participants 20 et 45) alors que chez le couple

relativiste interviewé, la communication était fluide, bilatérale et très respectueuse (voir

participants 41 et 42).

Page 145: La parentalité un processus développemental

135

Enfin, certaines caractéristiques du vécu personnel et professionnel du parent devraient

être abordées plus systématiquement dans l’optique de mieux préciser leurs influences

respectives sur le développement de la parentalité. Par exemple, pour les parents ayant

spontanément mentionné leur domaine d’étude ou leur profession, une influence du niveau de

scolarité semble se dégager des résultats. Cet effet se montre particulièrement présent chez ceux

qui ont fait des études en sciences humaines. Il faudrait s’assurer de retenir les aspects considérés

importants pour mener d’autres recherches dans le domaine. Les résultats de la présente étude,

carentiels à cet égard, n’ont pas permis de vérifier l’influence des aspects personnels (vécu

affectif ou personnalité) ou professionnels (domaine d’étude ou expérience en lien avec

l’éducation des enfants) pouvant influencer l’évolution de l’adulte.

En terminant, il est pertinent de se rappeler que la parentalité implique un questionnement

constant et perpétuel de la part du parent pouvant être perçu par certains comme négatif et pour

d’autres comme une source de croissance personnelle. Le passage d’une perception à l’autre

comporte plusieurs embûches et représente un long cheminement sur le plan de la réflexion pour

l’adulte.

Page 146: La parentalité un processus développemental

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141

Annexes

Page 152: La parentalité un processus développemental

142

Annexe A : Échelle de développement intellectuel et éthique

Échelle de développement intellectuel et éthique

DUALISME

Position 1 Ce sont les autorités (A) qui connaissent; si nous travaillons fort, lisons chaque mot et apprenons les Bonnes Réponses, tout ira bien.

Position 2 Les vraies A doivent avoir raison, les autres ont tort. Nous nous rangeons du côté de ceux qui ont raison. Ceux qui pensent différemment sont dans l’erreur. Les bonnes A nous suggèrent des problèmes pour que nous puissions, par nous-mêmes, apprendre à trouver la Bonne Réponse.

MULTIPLICISME

Position 3 Les incertitudes et les opinions différentes sont temporairement réelles et légitimes, même de la part des A qui travaillent fort pour en trouver la vérité.

Position 4a Dans les domaines où les A ne possèdent pas les Vraies Réponses, chacun a droit à sa propre opinion, aucune n’est jugée fausse.

RELATIVISME

Position 4b Dans certains cours, les A ne demandent pas la Vraie Réponse, ils veulent que nous réfléchissions sur les choses d’une certaine façon, en appuyant nos opinions sur des faits. Les A évaluent à partir de cette façon particulière d’aborder les choses.

Position 5 Toute pensée est relative, même pour l'autorité et chaque pensée n’est pas également valide. Chaque chose doit être envisagée dans son contexte. Les théories ne sont pas des Vérités, mais des métaphores servant à interpréter les faits. Il faut réfléchir sur sa pensée.

Position 6 Je sens que je dois prendre mes propres décisions dans un monde incertain, où personne ne peut me dire si j’ai raison.

RELATIVISME EGAGÉ

Position 7 J’ai réalisé mon premier engagement en respectant les normes établies et en agissant conformément à mes valeurs.

Position 8 J’ai réalisé plusieurs engagements. Maintenant, je sens la nécessité de les évaluer, selon leur nombre, leur profondeur. Sont-ils décisifs ou ne sont-ils que des tentatives?

Position 9 Ainsi va la vie. Je dois demeurer sincère face à mes engagements, me battre pour mes valeurs tout en respectant celles des autres, croire en mes valeurs profondes tout en restant ouvert à de nouveaux apprentissages. Je sais que je devrai me requestionner tout au long de ma vie, mais je l’espère, avec toujours plus de sagesse.

Page 153: La parentalité un processus développemental

143

Annexe B : Lettre d’invitation à participer à l’étude Madame, Monsieur Nous sommes présentement à la recherche de parents d’enfants âgés entre 6 et 12 ans afin de participer à une étude sur la parentalité. Dans le cadre de la réalisation d’une thèse de doctorat en psychologie intitulée «Les compétences parentales vues comme indices du développement cognitivo-éthique chez l’adulte parent.» menée par Sonia Bélanger, sous la direction de la Marguerite Lavallée, professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval, sont recherchés :

Des parents ayant un enfant de 6 à 12 ans et parlant français. La participation à l’étude implique de compléter un questionnaire d’une durée d’environ 10 minutes en ligne à l’adresse ; http://journal.psy.ulaval.ca/limesurvey/ConsentementSB.html ou en format papier en contactant la chercheure. Par la suite, afin élargir nos connaissances concernant la parentalité, certains parents intéressés seront sollicités à participer à la deuxième partie de la recherche qui consistera en une entrevue individuelle d’une heure portant sur leurs expériences passées en tant que parent et sur leur anticipation de leur rôle futur. La sélection des participants à l’entrevue sera effectuée parmi les parents qui auront manifesté leur intérêt à être recontactés, tout en visant à obtenir une diversité de réponses parmi les participants. Cette recherche vous permettra de réfléchir non seulement sur votre rôle de parent, mais aussi sur les transformations qui ont pu s'opérer depuis que vous êtes devenu parent. C'est aussi une occasion pour vous de faire le point et de réfléchir sur les aspects susceptibles d'être améliorés à cet égard. De façon plus générale, cette étude contribuera à envisager la parentalité et ses caractéristiques dans une perspective développementale. Votre participation à cette étude est volontaire. Bien que nous ayons obtenu l’autorisation de la part de la direction de l’école de solliciter la participation des parents, celle-ci ne sera pas informée de votre décision de participer ou non à l’étude. Pour de plus amples informations, merci de contacter Sonia Bélanger par téléphone au (418) 656-2131 poste 15914 ou par courriel à l’adresse suivante : [email protected] Ce projet a été approuvé par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université Laval. – n. d’approbation 2011 - 174 A-1/ 01-07-2012 le 28 juin 2011. Sonia Bélanger Étudiante au doctorat en psychologie

Page 154: La parentalité un processus développemental

144

Annexe C : Tableau des participants No du

participant Sexe Âge Nb

d’enfant Âge des enfants Scolarité Statut civil Niveau DP Style d’éducation parentale Niveau FR

1 Femme 31-40 ans 2 12-13 ans 2-3 cycle Divorcé Transition Autoritaire et démocratique 5 2 Femme 41-50 ans 3 6- 18 ans ou plus 2-3 cycle Divorcé Multipliciste Autoritaire et démocratique 4 3 Homme 41-50 ans 2 10-12 ans 2-3 cycle Divorcé Relativiste Démocratique 6 4 Homme 41-50 ans 2 11-13 ans 2-3 cycle Marié Dualiste Autoritaire 2 5 Homme 31-40 ans 2 7-9 ans BACC Divorcé Transition Démocratique 6 6 Femme 31-40 ans 2 5-9 ans BACC Conjoint Relativiste Démocratique 5 7 Femme 31-40 ans 2 4-7 ans BACC Marié Dualiste Autoritaire et démocratique 0 8 Femme 31-40 ans 3 7-13 ans DEC Conjoint Multipliciste Autoritaire 3 9 Femme 31-40 ans 3 1-6 ans 2-3 cycle Conjoint Multipliciste Autoritaire et démocratique 4

10 Femme 31-40 ans 2 8-9 ans BACC Célibataire Multipliciste 11 Femme 31-40 ans 2 5-8 ans BACC Conjoint Transition Démocratique 6 12 Femme 31-40 ans 3 8-14 ans 2-3 cycle Marié Multipliciste Autoritaire 3 13 Femme 41-50 ans 2 8-15 ans DEC Divorcé Dualiste Autoritaire et démocratique 4 14 Femme 31-40 ans 2 8-15 ans DEP Conjoint Dualiste 1 15 Femme 41-50 ans 2 10-16 ans BACC Divorcé Multipliciste Démocratique 6 16 Femme 31-40 ans 1 10 ans BACC Marié Multipliciste Autoritaire 4 17 Femme 41-50 ans 1 11 ans BACC Marié Multipliciste Autoritaire et démocratique 4 18 Femme 41-50 ans 2 9-10 ans BACC Conjoint Relativiste Démocratique et permissif 6 19 Femme 31-40 ans 2 1-11 ans 2-3 cycle Conjoint Relativiste Autoritaire et démocratique 5 20 Homme 41-50 ans 2 11-13 ans BACC Conjoint Multipliciste Démocratique 2 21 Femme Moins de 30

ans 2 10-11 ans Collégial Conjoint Multipliciste Autoritaire 6

22 Femme 31-40 ans 2 2-6 ans 2-3 cycle Marié Multipliciste Autoritaire et démocratique 4 23 Femme 31-40 ans 2 3-6 ans BACC Divorcé Multipliciste Autoritaire et démocratique 4 24 Femme 31-40 ans 2 3-6 ans BACC Conjoint Dualiste Autoritaire 5 25 Femme 31-40 ans 2 2-8 ans DEC Marié Dualiste Autoritaire et permissif 0

Page 155: La parentalité un processus développemental

145

26 Femme 41-50 ans 3 4-12 ans BACC Marié Multipliciste Démocratique 3 27 Femme 31-40 ans 2 9-11 ans DEC Conjoint Multipliciste Autoritaire et démocratique 6 28 Femme 31-40 ans 2 6-10 ans BACC Divorcé Multipliciste Autoritaire et démocratique 6 29 Femme 41-50 ans 2 6-8 ans 2-3 cycle Conjoint Multipliciste Démocratique 4 30 Femme 31-40 ans 1 8 ans DEC Multipliciste Autoritaire 4 31 Femme 41-50 ans 2 8-11 ans BACC Divorcé Multipliciste Autoritaire 4 32 Femme 31-40 ans 2 2-6 ans DEC Marié Multipliciste Autoritaire et démocratique 5 33 Femme Moins de 30

ans 2 3-6 ans DEC Conjoint Dualiste Autoritaire 4

34 Femme 31-40 ans 2 6-10 ans DEC Conjoint Multipliciste Autoritaire et démocratique 5 35 Homme 31-40 ans 2 6-7 ans DEC Marié Multipliciste Autoritaire et démocratique 2 36 Femme 31-40 ans 2 7-9 ans BACC Marié Transition Autoritaire 3 37 Homme 31-40 ans 3 0-6 ans 2-3 cycle Conjoint Multipliciste Autoritaire et démocratique 3 38 Homme 31-40 ans 2 8-11 ans 2-3 cycle Conjoint Relativiste Démocratique 7 39 Homme 31-40 ans 3 1-6 ans 2-3 cycle Conjoint Relativiste Démocratique 6 40 Femme 31-40 ans 2 7-9 ans DEP Conjoint Dualiste Autoritaire 3 41 Femme 31-40 ans 3 2-6 ans BACC Marié Engagé Démocratique 8 42 Homme 31-40 ans 3 2-6 ans 2-3 cycle Marié Engagé Démocratique 8 43 Femme 41-50 ans 3 10-15 ans 2-3 cycle Marié Relativiste Autoritaire et démocratique 6 44 Femme 31-40 ans 2 1-6 ans BACC Conjoint Dualiste Démocratique 5 45 Femme 31-40 ans 2 9-13 ans DEP Conjoint Multipliciste Autoritaire 3 46 Femme 41-50 ans 3 10-18 ans ou plus BACC Divorcé Multipliciste Autoritaire 4 47 Femme 31-40 ans 2 6-10 ans DEC Marié Dualiste Autoritaire 3 48 Femme 31-40 ans 2 3-6 ans BACC Conjoint Multipliciste Démocratique 4 49 Femme 31-40 ans 2 6-9 ans DEC Conjoint Multipliciste Autoritaire 3

Page 156: La parentalité un processus développemental

146

Annexe D : Guide d’entrevue - Pouvez-vous me parler du fait d’être parent? / Ça représente quoi pour vous?

- Quels sont vos satisfactions reliés au fait d’être parent?

- Si on vous demandait de vous décrire en tant que parent, comment vous décrivez-vous

comme parent?

o Vs l’autre parent / conjoint

- Qu’est-ce que représenterait pour vous le parent idéal?

- Comment savoir qu’on est compétent en tant que parent? Comment juger de sa

compétence?

- Changement depuis le début jusqu’à maintenant? la conception de la parentalité avant

d’avoir des enfants et maintenant? (Dresser un portrait de vous au début et maintenant)

o Est-ce que vous envisager qu’il y a eu un changement dans votre rôle de parent

depuis la naissance de votre premier enfant jusqu’à maintenant?

o Sur quel aspect évaluez-vous qu’il y a eu des changements?

- Qu’est-ce qui a été difficile (obstacles rencontrés) dans votre cheminement en tant que

parent (rôle de parent)? Exemple?

o Quels effets cela a eu sur vous?

o Comment avez-vous géré la situation (stratégie utilisée, manière de résoudre)?

- Quel est le rôle du parent dans le développement de l’enfant?

- Quels sont les différents rôles du parent, de l’enfant et de l’enseignant dans l’acquisition

des connaissances de l’enfant? (rôle de l’école)

- Quel est votre perception des personnes donnant une opinion sur le développement de

l’enfant (expert; livres, documentaires / autre parent / parent, famille)?

o Que feriez-vous face à deux experts qui tiendraient des propos opposés, voire

même contradictoires sur un sujet se rapportant aux enfants? Ex. si vous

cherchiez une manière d’intervenir dans une situation et vous obtenez des

réponses différentes

Comment êtes-vous arrivé à ce point de vue?

Comment expliquez-vous que certains experts puissent avoir des points de

vue divergents sur cette situation?

Page 157: La parentalité un processus développemental

147

Si deux personnes ont des idées contradictoires sur une même situation,

est-ce qu’une personne a raison et l’autre est dans l’erreur?

o Si votre enfant vit cette situation (anxiété vs contradiction ex; école, vs vous),

comment gérez-vous la situation?

- À quel point évaluez-vous votre niveau anxiété / préoccupation (décrire une situation

stressante)?

- Et ce que vous envisagez pour le futur (changement possible / anticipation)?

Question permettant d’évaluer le fonctionnement réflexif - J’aimerais que vous choisissiez 3 adjectifs qui décrivent la relation entre vous et votre

enfant. En reprenant chaque adjectif, pourriez-vous me donner un souvenir ou un événement qui vous vient à l’esprit et qui reflète bien ce que vous voulez dire par …

- Pensez-vous que votre expérience de l’enfance a une influence sur ce que vous êtes aujourd’hui?

o Comment pensez-vous que la façon dont vos parents vous ont élevé(e) par le passé influence votre manière d’être parent aujourd’hui?

o Pourquoi pensez-vous que vos parents se comportaient de cette façon lorsque vous étiez enfant?

Question permettant d’évaluer le style d’éducation parentale - Votre enfant n’écoute pas ce que vous lui demandez (refuse de faire quelque chose ou

non respect d’une règle) o S’il recommence peu de temps après que faites-vous? 1, 2, 3

- Votre enfant est turbulent ou se chicane, comment vous réagissez? o S’il recommence peu de temps après que faites-vous? 1, 2, 3

** demander ce qu’il ferait si c’était une mauvaise journée (la différence). **

Page 158: La parentalité un processus développemental

148

Annexe E : Tableau récapitulatif des instruments évaluant les compétences parentales

Concept Questionnaire Modifications Sous échelle (nb item) - Alpha

Entrevue Cotation Manuel

Attachement Attachment Style Questionnaire (Feeney, Noller & Hanrahan, 1994)

Réduction; traduction de (Bigras & Parent, 2001)

Évitement (17) – 0.79

---

Préoccupation à être aimé (9) – 0.68

Empathie Interpersonal reactivity index (David, 1980)

Traduction de (Lussier, 1996)

Prise de perspective (7) – 0.77

---

Souci empathique (7) – 0.78 Détresse personnelle (7) – 0.80 Fantaisie (7) – 0.81

Fonctionnement réflexif

--- Sélection des questions

Parent Development interview

Position ; -1 à 9

Manuel de Fonagy

Style d’éducation parentale

Parenting Styles and Dimensions Questionnaire (Robinson, Mandleco, Olsen & Hart, 2001)

Réduction et traduction (back-transation)

Style démocratique (10) – 0.75

Parental discipline techniques self-report instrument (Gardner, 1997)

Attribution du style (échelle nominale)

Description de Macoby & Martin (1983) et de Carlson, (2011)

Style autoritaire (11) – 0.54

Style permissif (7) – 0.60

Page 159: La parentalité un processus développemental

149

Annexe F : Questionnaire d’attachement Jusqu'à quel point êtes-vous en accord avec chacun des énoncés suivants Totalement en désaccord

Partiellement en désaccord

Ni en désaccord ni d’accord

Partiellement en accord

Totalement en accord

0 1 2 3 4 Demander de l'aide c'est admettre que je suis un (e) incapable. 0 1 2 3 4 Réussir des choses est plus important que de bâtir des relations. 0 1 2 3 4 Exceller dans ce qu'on a à faire est plus important que de bien s'entendre avec les autres.

0 1 2 3 4

Si tu avais une tâche à faire, tu la ferais sans te préoccuper de savoir si cela pourrait blesser quelqu'un.

0 1 2 3 4

II est important pour moi que les autres m'aiment. 0 1 2 3 4 II est important pour moi d'éviter de faire des choses que les autres n'aimeraient pas.

0 1 2 3 4

Je trouve difficile de prendre une décision sans savoir ce que pensent les autres.

0 1 2 3 4

Mes relations avec les autres sont généralement peu profondes. 0 1 2 3 4 Parfois je pense que je ne vaux rien. 0 1 2 3 4 Je trouve difficile que les autres ne se rapprochent pas de moi autant que je le voudrais.

0 1 2 3 4

Je trouve qu'il est relativement facile de se rapprocher des autres. 0 1 2 3 4 C'est facile pour moi d'avoir confiance en les autres. 0 1 2 3 4 Je m'inquiète que les autres ne s'occupe pas autant de moi que je m'occupe d'eux.

0 1 2 3 4

Je m'inquiète de ne pas être à la hauteur des autres. 0 1 2 3 4 Je ne suis pas sûr de vouloir être proche des autres. 0 1 2 3 4 Bien que je veux être proche des autres, cela me rend mal à l'aise. 0 1 2 3 4 Je me demande pourquoi les gens veulent être en relation avec moi. 0 1 2 3 4 Je m'inquiète beaucoup à propos de mes relations interpersonnelles. 0 1 2 3 4 Je me demande comment je me débrouillerais sans avoir quelqu'un qui m'aime.

0 1 2 3 4

Je me sens confiant (e) à m'ouvrir aux autres. 0 1 2 3 4 Je me sens souvent délaissé (e) ou seul (e). 0 1 2 3 4 Je m'inquiète souvent du fait que je suis différent (e) des autres. 0 1 2 3 4 Lorsque je parle de mes problèmes aux autres, je me sens généralement honteux (se) du ridicule.

0 1 2 3 4

Page 160: La parentalité un processus développemental

150

Je suis trop occupé (e) avec mes activités pour mettre du temps dans les relations interpersonnelles.

0 1 2 3 4

J'ai confiance que les autres m'aiment et me respectent. 0 1 2 3 4 Les autres me déçoivent souvent. 0 1 2 3 4

Page 161: La parentalité un processus développemental

151

Annexe G : Questionnaire empathie Nous vous demandons d'indiquer à quel degré les items vous décrivent, en choisissant le chiffre approprié sur une échelle en 5 points. Ne me décrit pas bien

Me décrit plutôt pas bien

Me décrit ni bien ni pas bien

Me décrit plutôt bien

Me décrit très bien

0 1 2 3 4 1- Avec une certaine régularité, je rêve à des choses qui pourraient m'arriver et je me les imagine

0 1 2 3 4

2- J'éprouve souvent des sentiments de tendresse et d'inquiétude envers les gens qui ont moins de chance que moi.

0 1 2 3 4

3- Je trouve parfois difficile de voir les choses du point de vue de quelqu'un d'autre.

0 1 2 3 4

4- Parfois, je ne plains pas beaucoup les autres quand ils ont des problèmes.

0 1 2 3 4

5- Je me sens vraiment concerné(e) par les sentiments des personnages dans un roman.

0 1 2 3 4

6- Dans les situations d'urgence, j'éprouve de l'appréhension et je me sens mal à l'aise.

0 1 2 3 4

7- Je suis habituellement objectif(ve) lorsque je regarde un film ou une pièce de théâtre, et je ne me laisse pas souvent prendre complètement

0 1 2 3 4

8- J'essaie d'envisager le point de vue de chacun dans un désaccord avant de prendre une décision

0 1 2 3 4

9- Lorsque je vois quelqu'un dont on a profité, je me sens du genre protecteur à l'égard de cette personne.

0 1 2 3 4

10- Je me sens parfois impuissant(e) quand je me trouve au cœur d'une situation très riche en émotions.

0 1 2 3 4

11- J'essaie parfois de mieux comprendre mes amis en imaginant à quoi ressemblent les choses selon leur point de vue.

0 1 2 3 4

12- Finir par "embarquer" vraiment dans un bon livre ou un bon film est assez rare pour moi.

0 1 2 3 4

13- Lorsque je vois quelqu'un se blesser, j'ai tendance à rester calme. 0 1 2 3 4 14- Les malheurs des autres ne me troublent habituellement pas beaucoup

0 1 2 3 4

15- Si je suis sûr (sûre) d'avoir raison au sujet de quelque chose, je ne perds pas grand temps à écouter les arguments des autres.

0 1 2 3 4

16- Après avoir vu une pièce de théâtre ou un film, j'ai l'impression d'être 0 1 2 3 4

Page 162: La parentalité un processus développemental

152

un des personnages. 17- Le fait d'être dans une situation émotionnelle tendue m'effraie. 0 1 2 3 4 18- Quand je vois des gens qu'on traite injustement, quelquefois je ne sens pas beaucoup de pitié pour eux.

0 1 2 3 4

19- Je suis en général assez efficace quand je fais face à des situations critiques

0 1 2 3 4

20- Je suis souvent très touché(e) par les choses qui se passent sous mes yeux.

0 1 2 3 4

21- Je crois qu'il existe deux côtés pour toute question et j'essaie de les envisager tous les deux.

0 1 2 3 4

22- Je me décrirais comme une personne au cœur assez tendre. 0 1 2 3 4 23- Quand je regarde un bon film, je peux très facilement me mettre à la place d'un des personnages principaux.

0 1 2 3 4

24- J'ai tendance à perdre le contrôle lors de situations critiques. 0 1 2 3 4 25- Lorsque je suis fâché(e) contre quelqu'un, j'essaie habituellement de "me mettre dans la peau" de cette personne pour un certain temps.

0 1 2 3 4

26- Lorsque je lis une histoire ou un roman intéressant, j'imagine ce que je ressentirais si les événements de l'histoire m'arrivaient à moi.

0 1 2 3 4

27- Lorsque je vois quelqu'un qui a sérieusement besoin d'aide à l'occasion d'une crise, je m'effondre.

0 1 2 3 4

28- Avant de critiquer des gens, j'essaie d'imaginer ce que je ressentirais si j'étais à leur place.

0 1 2 3 4

Page 163: La parentalité un processus développemental

153

Annexe H : Questionnaire du style d’éducation parentale Consignes : Les pages suivantes contiennent une liste de comportement que les parents peuvent manifester lorsqu’ils interagissent avec leurs enfants. Les questions sont conçues pour mesurer la fréquence de manifestation d’un certain comportement envers votre/vos enfants. Jamais Parfois Environ la

moitié du temps

Très souvent Toujours

0 1 2 3 4 Je connais le nom des amis de mon enfant. 0 1 2 3 4 Je donne la fessée lorsque mon enfant désobéit. 0 1 2 3 4 Je punis mon enfant en lui retirant ses privilèges avec peu ou pas d’explication. 0 1 2 3 4 Je gâte mon enfant. 0 1 2 3 4 Je crie ou hurle lorsque mon enfant se comporte mal. 0 1 2 3 4 Je suis calme ou détendu(e) avec mon enfant. 0 1 2 3 4 Je permets à mon enfant de déranger autrui. 0 1 2 3 4 J’adresse des reproches et critique mon enfant pour qu’il s’améliore 0 1 2 3 4 Je dis à mon enfant des punitions, mais je ne les applique pas. 0 1 2 3 4 Je permets à mon enfant de donner son opinion sur les règles familiales. 0 1 2 3 4 Je me dispute avec mon enfant. 0 1 2 3 4 Je semble confiant(e) en mes habiletés parentales. 0 1 2 3 4 Je donne à mon enfant des raisons pourquoi les règles doivent être obéies. 0 1 2 3 4 Je punis mon enfant en l’envoyant seul quelque part avec peu ou pas d’explication.

0 1 2 3 4

J’aide mon enfant à comprendre l’effet du comportement en l’encourageant à parler des conséquences de ses propres actions.

0 1 2 3 4

J’explose de colère envers mon enfant. 0 1 2 3 4 Je suis conscient(e) des problèmes ou des soucis au sujet de mon enfant à l’école.

0 1 2 3 4

Je menace mon enfant de punitions plus souvent que je ne les applique. 0 1 2 3 4 J’utilise les punitions physiques comme une façon de discipliner mon enfant. 0 1 2 3 4 Je dis à mon enfant quoi faire. 0 1 2 3 4 Je frappe mon enfant lorsqu’il se conduit mal. 0 1 2 3 4 Je permets à mon enfant d’interrompre les autres. 0 1 2 3 4 J’explique à mon enfant comment je me sens à propos de ses bons et mauvais comportements.

0 1 2 3 4

Je prends en compte les préférences de mon enfant lorsque je fais des plans pour la famille.

0 1 2 3 4

Je semble incertain(e) sur la façon de résoudre le mauvais comportement de 0 1 2 3 4

Page 164: La parentalité un processus développemental

154

mon enfant J’explique les conséquences du comportement de l’enfant. 0 1 2 3 4 Je demande à mon enfant de faire des choses. 0 1 2 3 4 Je mets l’accent sur les raisons des règlements 0 1 2 3 4

Page 165: La parentalité un processus développemental

155

Annexe I : Grille d’analyse du développement de la parentalité

Aspects Dualiste Multipliciste Relativiste Relativiste engagé Description de soi comme parent

Conforme aux attentes de la société (naturel) Se décrit dans ses comportements ou selon les rétroactions extérieures.

Se décrit en termes d’attitudes, de comportements ou de rôles à jouer.

Décrit la parentalité comme une expérience enrichissante; se voit unique, dynamique et en interaction avec son enfant; conçoit ses expériences comme subjectives.

Conscience accrue de soi et des autres; recherche d’un équilibre entre différentes composantes de sa personnalité en tenant compte de la variété des contextes et des valeurs stables qu’il préconise.

Rôle parent – enfant

Rôle parent

Rôle attribué à l’enfant

Rôle parent → enfant Rôle unilatéral, stéréotypé, sans nuance : satisfaire besoins de base de son enfant; contrôle et modèle ses actions selon exigences de la société.

Rôle parent → enfant Encore unilatéral, mais conscient de la difficulté de son rôle; se perçoit comme guide et non comme décideur, surtout dans les situations incertaines.

Rôle parent ↔ enfant Cherche à offrir à l’enfant des occasions l’encourageant à la réflexion et favorisant son autonomie; toute règle établie découle de compréhension et d’échanges mutuels.

Rôle parent ↔ enfant Interaction entre évolutions de l’enfant/évolution du parent Orientation des actions explicitement basée sur des principes et valeurs stables et bien intégrés.

Passif, suit directives, modèles (imitation).

Passif, mais début de possibilité de choisir lui-même.

Actif et capable de choix réfléchis; perçu dans sa subjectivité et son vécu personnel.

Actif (capable de réflexion et de décision) et interactif (peut faire évoluer ses parents).

Évaluation de sa compétence

Jugement

Difficultés

Juge son action selon la réaction immédiate de l’enfant (résultat) ou selon les jugements des autres.

Se juge selon les résultats avec son enfant; ne veut pas être jugé ni juger les actions des autres, chacun faisant comme il peut.

Plus centré sur les processus que sur les résultats tout en tenant compte des différents contextes et de ses expériences.

Auto-évaluation en regard de principes et de valeurs qu’il a fait siennes pour assurer une cohérence entre discours et pratiques.

Devant obstacles, cherche la « bonne » manière de

Les difficultés déstabilisent par l’incertitude qu’elles

Vues comme source de réflexion et de recherche de

Vues comme nécessaires au développement par les mises en

Page 166: La parentalité un processus développemental

156

Erreurs

faire en appliquant les conseils reçus.

engendrent; cherche à faire de son mieux (essais-erreurs).

compréhension en vue d’actions favorables pour les surmonter.

relations nouvelles qu’elles permettent.

A tendance à ne pas les voir; s’il les voit, a de la difficulté à les admettre par manque de conscience.

Voit normal de faire des erreurs; en prend conscience surtout dans les situations où l’enfant réagit mal (mauvais résultat).

Occasion favorisant une meilleure compréhension de la situation pour lui et son enfant et une planification plus réfléchie des actions à venir.

Occasion de retour sur ses décisions et d’autocritique de ses actions en vue de réajustements constants par rapport à son engagement.

Connaissance Perception de la

connaissance

Perception de l’expert

Perception de la contradiction

Gestion de la contradiction

Il y a une « bonne » façon de faire, vision quantitative de la connaissance.

Il existe des connaissances nombreuses et solides sur les enfants, mais leur application pose problème parce que chaque enfant est différent.

Les acquis théoriques et pratiques permettent une appréhension plus globale de la réalité et orientent vers les actions à entreprendre pour atteindre les objectifs visés.

Recherche d’articulation constante entre théorie et pratique en vue d’affiner ses savoirs et de rendre ses pratiques plus efficaces.

Personne qui connaît les bonnes solutions.

Les conseils des experts sont bons, mais peuvent ne pas s’appliquer à son enfant.

L’expert, par ses expériences variées, a acquis une vision plus articulée, plus souple et plus riche de la réalité.

L’expert est celui qu’on consulte pour s’assurer qu’on maintient toujours le cap dans les options de vie choisies.

Il ne voit pas les contradictions.

Il perçoit les contradictions comme des opinions différentes, sans pouvoir les dépasser.

Il perçoit les contradictions, les explique comme la conséquence de systèmes de référence différents.

Les voit inévitables et sait en faire usage de façon constructive, en tentant de les réconcilier, de les dépasser ou d’en être suffisamment conscient pour en comprendre le sens et les enjeux.

Mis en face de contradiction, attribue la responsabilité de la résolution aux experts.

Faute de les comprendre, tente de les résoudre selon son intuition.

Cherche à comprendre et à intégrer des points de vue différents en les situant dans des contextes plus larges.

Cherche à comprendre et à intégrer des points de vue différents en s’appuyant sur des valeurs qui les transcendent.

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Style de raisonnement

Discours

Communication

Concret, stéréotypé, pas nuancé, peu organisé; se limite à décrire et non à expliquer; peut émettre idées contradictoires.

Difficulté à conclure sur points de vue divergents, par manque d’intégration.

Description du point de vue dans lequel on se place pour rendre compréhensibles les conclusions auxquelles on aboutit.

Raisonnement logique aboutissant à des conclusions personnelles bien articulées, basées sur une évaluation réaliste de leurs forces et faiblesses.

Ne dialogue pas, donne des informations incomplètes, imprécises sans souci à l’égard de l’interlocuteur (parle pour lui-même).

Tiens pour acquis que ses opinions sont comprises de l’autre, qu’elles soient partagées ou non, sans chercher à le vérifier. Communication lacunaire.

S’assure d’une compréhension réciproque dans les échanges autour d’une problématique donnée. Bonne communication.

Conscient de la subjectivité de toute opinion personnelle, se met à l’écoute de celle de son interlocuteur pour mieux échanger avec lui.

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Annexe J : Formulaire de consentement

École de Psychologie Université Laval, Sainte-Foy

Québec, Canada, G1V 0A6 FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ÉLECTRONIQUE Chercheure: Sonia Bélanger 656-2131 poste 15914 Présentation de la chercheure Cette recherche est réalisée dans le cadre du projet de doctorat de Sonia Bélanger, intitulé «Les compétences parentales vues comme indices du développement cognitivo-éthique chez l’adulte parent.» sous la supervision de Marguerite Lavallée, professeure titulaire à l’École de Psychologie de l’Université Laval. Avant d’accepter de participer à ce projet de recherche, veuillez prendre le temps de lire et de comprendre les renseignements qui suivent. Ce document vous explique le but de ce projet de recherche, ses procédures, avantages et inconvénients. Nature de la recherche L'objectif général de la recherche vise à montrer comment le niveau de maturité du parent et sa manière de concevoir l’évolution de son enfant sont associés à diverses compétences (gestion de l’autorité, relation parent – enfant) requises pour offrir à l’enfant un développement sain et harmonieux; elle cherche également à montrer dans quel sens se manifeste cette relation à travers les divers rôles que dit jouer le parent. Dans une deuxième partie de la recherche, certains parents seront appelés à réfléchir sur l’évolution qu’ils ont connus dans leur rôle de parent et sur ce qu’ils anticipent pour le futur Déroulement de la recherche Votre participation à la recherche consiste à compléter un questionnaire, en ligne ou sur papier, d’une durée d’environ 10 minutes. Pour élargir nos connaissances concernant la parentalité et ses transformations, tout parent intéressé est invité à indiquer, à la fin du questionnaire, son acceptation d’être recontacté pour le deuxième volet de la recherche qui consiste en une entrevue d’une durée d’environ une heure portant sur le rôle de parent tel que vécu actuellement par rapport à ses débuts et sur les perspectives envisagées pour la suite. Avantages et inconvénients La participation à l'étude est une occasion pour le participant de réfléchir non seulement à son rôle de parent, mais aussi aux transformations qui ont pu s'opérer depuis qu'il est devenu parent. C'est aussi une occasion pour lui de faire le point et de réfléchir sur les aspects susceptibles d'être améliorés à cet égard.

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De façon plus générale, la participation à cette étude contribuera à envisager la parentalité et ses caractéristiques dans une perspective développementale. Certains inconvénients peuvent être associés à cette recherche, dont le temps nécessaire pour compléter le questionnaire ou encore le fait que le rappel de certaines difficultés puissent soulever chez certains participants des souvenirs douloureux. Une liste de ressources d'aide psychologique gratuites sera remise aux participants. Participation volontaire et droit de retrait Vous êtes libre de participer à ce projet de recherche. Advenant le cas où certaines questions faisant référence à des événements sensibles de votre vie vous indisposent, vous êtes toujours libre de ne pas y répondre. Vous pouvez aussi mettre fin à votre participation sans conséquence négative ou préjudice et sans avoir à justifier votre décision. Si vous décidez de mettre fin à votre participation, il est important d’en prévenir le chercheur dont les coordonnées sont incluses dans ce document. Tous les renseignements personnels vous concernant seront alors détruits. Confidentialité et gestion des données Les mesures suivantes seront appliquées pour assurer la confidentialité des renseignements que vous aurez fournis:

votre nom ne paraîtra dans aucun rapport; les divers documents de la recherche seront codifiés et seul le chercheur aura accès à la

liste des noms et des codes se rapportant aux participants; les résultats individuels des participants ne seront jamais communiqués; les matériaux de la recherche, incluant les données et les enregistrements, seront

conservés dans un lieu et classeur sous clé et les données informatiques seront conservées dans un document protégé par un mot de passe et sur un ordinateur protégé par un mot de passe. Ils seront détruits après la fin de la recherche, soit en septembre 2014;

Toutes les publications qui seront faites dans des revues scientifiques à partir des résultats de cette recherche respecteront la confidentialité des participants, en ce sens qu’aucun d’entre eux ne pourra y être identifié ou reconnu.

Renseignements supplémentaires Si vous avez des questions sur la recherche ou sur les implications de votre participation, veuillez communiquer avec Sonia Bélanger (étudiante au doctorat), au numéro de téléphone suivant : (418) 656 – 2131 poste 15914 ou à l’adresse courriel suivante : [email protected] Remerciements Votre collaboration est précieuse pour nous permettre de réaliser cette étude et nous vous remercions d’y participer. Signatures En cliquant sur J’accepte, je consens librement à participer à la recherche intitulée : « Les compétences parentales vues comme indices du développement cognitivo-éthique chez l’adulte parent.». J’ai pris connaissance du formulaire et j’ai compris le but, la nature, les avantages et les inconvénients du projet de recherche. Je suis satisfait(e) des explications, précisions et réponses que la chercheure m’a fournies, le cas échéant, quant à ma participation à ce projet. Plaintes ou critiques

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Toute plainte ou critique sur ce projet de recherche pourra être adressée au Bureau de l'Ombudsman de l'Université Laval : Pavillon Alphonse-Desjardins, bureau 3320 2325, rue de l’Université Université Laval Québec (Québec) G1V 0A6 Renseignements - Secrétariat : (418) 656-3081 Ligne sans frais : 1-866-323-2271 Courriel : [email protected]

J’accepte Je refuse

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Annexe K : Citations Citation 1.0 Fonctionnement réflexif Citation 1.1

Moi j’étais quelqu’un qui voulait être très autonome, très jeune, et tu vois, aujourd’hui ça ne fait pas longtemps, je réalise que ma mère est du genre très couvreuse […], mais je pense que dans sa nature à elle, elle a un côté très couvreuse, puis que moi j’étais un enfant avec un tempérament très autonome, puis probablement que je l’ai bousculée là-dedans, parce que je ne suis pas allée en fonction de ce qu’elle aurait voulu, mais ma mère, elle a rapidement compris qu’il fallait me laisser mon air, qu’il fallait me laisser expérimenter mes choses, puis elle m’a laissée aller (n° 19 ; femme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 1 et 11 ans).

Citation 1.2 C’est, c’est comme à matin il descend, il m’attend moi je suis dans la douche, il est pas capable de se faire à déjeuner, il a 9 ans là. il va avoir 9 ans là bientôt, j’y dis (nom de son fils aîné) c’est comme. C’est comme il veut me faire payer de quoi, je le sais. Ben (n°25 ; femme entre 31 et 40 ans, DEC, 2 enfants entre 2 et 8 ans).

Citation 1.3 Parce qu’ils ont agi. C’était des gens de leur époque puis ça revient à ça, à un moment donné c’est des gens de leur époque qui se sont mariés au début des années 60 puis qu’ils ont fait un choix, je pense, conscient de ne pas s’ouvrir aux valeurs de la Révolution tranquille puis qui ont choisi de continuer à vivre un peu selon le mode plus traditionnel puis avec la religion très présente. Même, c’était comme un environnement strict puis dur, ils se sont construit une bulle. C’est la meilleure façon puis vraiment il y a des exemples quand même complètement débiles dans ma famille de comment qu’on refuse de voir la réalité en face (n°37 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 0 et 6 ans).

Citation 1.4 Je pense que c’est lié là. Ça ne peut pas faire autrement. C’est sûr que dans mon cas ou dans le cas de mon conjoint on a eu des enfances pas compliquées. Ça été facile, puis on a été bien entouré, fait qu’on ne traîne peut-être pas un bagage difficile comparativement à d’autres personnes qui ont vécu dans des milieux familiaux où est-ce qu’ils ont été battus ou peu importe. Fait que j’imagine que ça, ça doit être facilitant en tout cas du moins pour essayer de retransmettre la même chose à nos propres enfants malgré que ça n’empêche pas qu’il y a des gens qui ont vécu des enfances atroces, puis qu’ils vont être parfaitement équilibrés quand même puis élever leur enfant de belle façon aussi là. Mais dans notre cas à nous, c’est comme naturel on dirait là (n°29 ; femme entre41 et 50 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 6 et 8 ans).

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Citation 2.0 Style d’éducation parentale Citation 2.1

[…] j’ai deux gars, puis ils sont quand même collés en âge […] c’est toute la même affaire des gars ça se tape dessus, puis des petites filles c’est peut-être plus chialeux, mais des gars, ça veut se chamailler, je n’aime pas généraliser aux petits gars, petites filles, mais c’est ça (n°7 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 4 et 7 ans).

Citation 2.2 C’est loin d’être tout le temps idéal ma façon d’intervenir dans leurs chicanes. Mais au moins, c’est ça, je pense qu’au moins le principe général de leur expliquer puis d’essayer de les aider à s’expliquer, même quand on les met sur une chaise puis tout ça, bien après on leur dit bien qu’est-ce qui s’est passé. Puis je pense que régulièrement, pas tout le temps, ça serait peut-être mieux tout le temps, mais ça ne serait peut-être pas physiquement possible, mais régulièrement quand même, assez régulièrement, je pense que tous les deux (parents), on prend le temps de parler avec eux autres puis de leur expliquer. On leur explique beaucoup pourquoi telle affaire, pourquoi ce n’est pas correct puis pourquoi ci puis pourquoi ça (n°42 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 2 et 6 ans).

Citation 2.3 Ben la première chose c’est d’essayer de comprendre ce qui s’est passé là. Puis la gestion de la situation va être très différente selon la situation. Donc on essaye d’être juste, équitable, puis de gérer ça d’une façon plutôt objective pour ne pas qu’il y aille de l’injustice, qui met de l’huile sur le feu là. […] qu’est-ce que c’est la situation : pourquoi est-ce qu’un est fâché, j’essaye de montrer comment on peut gérer ça. «OK bon tu veux aller à l’ordinateur, c’est lui qu’il l’a depuis ce matin, ben ce n’est pas en le traitant d’idiot que tu vas l’avoir plus par exemple là» […] on peut lui dire regarde on va lui demander s’il peut te le laisser hein de façon plus adéquate tu pourrais lui demander. Ben là moi je ne l’ai pas eu encore, peux-tu me le prêter? Bon dans 2 minutes c’est tu correct? […] Oui c’est ça, tu ne l’insultes pas parce que tu veux avoir l’ordinateur là, c’est sûr qu’il n’aura pas le goût de te le donner là. Donc c’est montrer comment faire pour que la fois suivante, on espère toujours améliorer la situation. Pour que la fois suivante qu’on s’entend ensemble plutôt que d’avoir besoin de l’adulte pour gérer la situation (n°12 ; femme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 8 et 14 ans).

Citation 2.4 Pour vrai, ce n’est pas arrivé souvent. La plus grosse punition qu’ils ont eue c’est 3 minutes dans l’escalier. Je n’ai pas eu à disputer, à chicaner, on s’explique. J’aime mieux qu’on s’explique que de dire, bien c’est moi la mère, puis c’est moi qui décide un point c’est tout. Je n’aime pas cette approche-là, puis pourtant je ne suis pas une mère amie, puis je ne veux pas être l’amie de mes enfants non plus. Mais je veux être une référence donc c’est aussi dans l’autre sens. J’ai été chanceuse faut croire, j’ai des enfants qui s’entendent super bien entre eux autres. Puis ils ont beaucoup de

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permissions parce que je leur fais confiance, mais les permissions, ça s’enlève aussi. Je n’ai aucun problème avec ça. Sauf jusqu’à ce jour, je n’ai pas eu besoin de jouer à la plus forte. […] Moi j’ai toujours cru que tout était disponible aux alentours de nous autres, puis je n’ai pas besoin de mettre ma main sur le feu pour savoir que ça brûle. Je le sais que c’est chaud, fait que c’est dans ce sens-là moi que j’éduque mes enfants à faire leurs propres choix (n°18 ; femme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 9 et 10 ans).

Citation 2.5 S’ils se chicanent, je vais les faire asseoir tous les deux puis il va falloir qu’ils se parlent puis qu’ils se trouvent une solution. […] Pour le respect, ils doivent soit se retirer dans une pièce et trouver 3 façons qu’ils auraient pu me parler ou se parler autrement. Ou dernièrement j’ai commencé ça, surtout pour la plus jeune, quand elle manque de respect envers sa sœur, elle doit lui trouver 3 qualités donc instantanément OK, tu manques de respect, trouve 3 qualités à ta sœur ou 3 beaux mots à ta sœur. Cela ressemble à ça, mais ça se passe quand même bien, puis c’est oui parfois la communication, je vais m’asseoir avec elle puis là ça ne marche pas pour telle, telle raison, il faut trouver vraiment une solution, quelle solution tu as à apporter? Elles sont plus vieilles (n°34 ; femme entre 31 et 40 ans, Collégial, 2 enfants entre 6 et 10 ans).

Citation 2.6 Alors si l’isolement ne fonctionne pas, alors il a une sanction, ça peut être bien je leur supprime quelque chose, je sais que ce n’est pas un bon exemple, mais si je sais que ma fille adore lire, mais le soir, si tu n’écoutes pas tu n’auras pas ta lecture ce soir. Plutôt lui supprimer quelque chose qu’elle aime, ça va être la lecture, rien de très méchant, par contre cela ne sera jamais j’entends des parents qui supprime la natation ou une activité, ça je ne le fais pas par contre. Ça va être sa lecture ou alors elle aime bien jouer sur l’ordinateur, bien je dis tu ne joueras pas admettons pendant 2 jours (n°22 ; femme entre31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 2 et 6 ans).

Citation 2.7 Mais ça peut être d’aller réfléchir. Quand ils étaient petits, c’était beaucoup, ils allaient réfléchir. Le nombre de … s’il avait 5 ans il allait réfléchir 5 minutes là, mais dans son cas à lui les meilleures conséquences c’est tout ce qui a trait à la Wii. Être privé de la Wii ou de son DS ou de télévision ou euh, mais le meilleur c’est la Wii. Fait que c’est sûr que des fois c’est comme on le menace que … Mais pas juste qu’on le menace, mais des fois je dis ben là malheureusement je vais débrancher la WII, mais là ça va durer, admettons pour l’avant-midi ou pour la journée. C’est parce qu’il a récidivé (n°36 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 7 et 9 ans).

Citation 2.8 Dans ces situations de chicane, surtout si ça crie, moi je suis capable de me couper puis les laisser… […] fais que moi la chicane il y a des bouts, souvent je vais les laisser s’arranger, des fois, je fais des farces, mais en tout cas, quand ça saigne je vais y aller, mais là. Je n’aime vraiment pas ça, j’ai vraiment de la misère, de la difficulté

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à me faire, à me faire écouter (n°40 ; femme, entre 31 et 40 ans, DEP, 2 enfants entre 7 et 9 ans).

Citation 2.9 « Quand ils étaient tout petits, je pense que je devais parler ou essayer de le convaincre. C’est ma façon à moi, c’est vraiment l’argumentation, je discute avec, « oui, mais il faut que tu te couches, sinon tu vas être fatigué demain ». Finalement, il a réussi à se coucher une heure plus tard là » (n°1 ; femme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 12 et 13 ans).

Citation 3.0 Parentalité Citation 3.1 Dualiste Description de soi comme parent Citation3.1.1

R : Ben il y a eu des changements (chez l’enfant). Parce que tu ne restes pas de 0 à 11 ans, tu as la maturité, la grandeur, la grosseur, tu as tout là!

Q : Mais pour vous, en tant que parent, qu’est-ce que cela a changé ?

R : HA! À ce jour, pas grand-chose! Je n’ai pas encore commencé à faire du taxi […] à ce jour c’est comme facile là! […] Ça pas changé, je n’ai pas de déception pour dire je n’avais pas pensé à ça. Non, ça aurait pu être plus facile, ça aurait pu être plus dur, non (n°4 ; homme entre 41 et 50 ans, 2-3e cycle, 2 enfants entre 11 et 13 ans)

Citation 3.1.2 […] bien je dirais c’est un parent qui est capable de fournir la sécurité, qui est capable de fournir, de l’amour, un toit, de la nourriture, les soins de base, qui est à l’écoute des besoins de son enfant. C’est un peu comme ça (n°47 ; femme entre 31 et 40 ans, Collégial, 2 enfants entre 6 et 10 ans).

L’évaluation du parent de sa compétence Citation 3.1.3 (p.95)

Ben je pense que c’est dans l’attitude de notre enfant aussi là. Si on a un enfant qui évolue bien, qui est heureux, qui semble fonctionner quand même assez facile pour lui ce qu’on lui demande et que ça coule puis que c’est les bons résultats scolaires aussi les commentaires des autres. Je pense que ça nous donne un bon indice là. J’ai souvent besoin de rétroaction là. J’aime savoir comment il est ailleurs puis ça me donne beaucoup d’indices (n°30 ; femme entre 31 et 40 ans, Collégial, 1 enfant de 8 ans).

Perception de la connaissance Citation 3.1.4

Fais que c’est ça, je pense que tu prends la meilleure décision puis tu vas voir le résultat. Puis des fois c’est juste après que tu vas t’apercevoir qui avait raison,

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l’important c’est d’y aller avec nos principes le plus possible. Fais que des fois c’est un coup de dé (n°17 ; femme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 1 enfant de 11 ans)

Citation 3.2 Multipliciste Description de soi comme parent Citation 3.2.1

Je suis une mère qui aime ça quand que, je suis bien organisée, j’aime ça ne pas être dans le rush fait que, je trouve que c’est sécurisant pour mes petites, mais je ne suis pas parfaite il y a des matins où je vais me lever 10 minutes plus tard puis là on va être un peu dans le rush je veux dire pour moi l’idéal j’aime ça que ça roule et que mes filles soient bien, je suis assez rigoureuse sur les devoirs et tout ça, mais je suis folle aussi on a du fun là, je pense que j’essaye d’être exigeante, d’être un parent sérieux. Dans certaines choses, puis d’un autre côté je laisse bien de la place aux enfants à la maison, c’est leur maison quand ils ont des amis ils font un peu n’importe quoi supervisé. Mais je pense que je laisse la place à mes filles vraiment dans la maison puis dans l’implication dans la famille. Mais sur le côté des affaires plus plates comme le bain, les rendez-vous chez le dentiste, les devoirs tout ça j’essaye d’être rigoureuse là-dessus (n°11 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 5 et 8 ans).

Évaluation de sa compétence Citation 3.2.2

Le parent idéal. La première des choses pour être un parent idéal, il ne faudrait pas être pris dans une société telle qu’on l’est avec toutes les responsabilités que l'on a. Le travail, autant le père que la mère vient comprimer dans un carcan d’horaires très stricts, on manque de temps avec nos enfants (n°17 ; femme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 1 enfant de 11 ans).

Un parent idéal ça serait probablement un parent qui ne travaille pas, parce que je vais vous dire que le travail ça ajoute beaucoup de stress puis de l’impatience en tant que parent, puis (ne pas travailler) ça donne beaucoup plus de temps avec les enfants (n°24 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 3 et 6 ans).

Citation 3.2.3 Ma séparation, mon fils a très mal réagi dans le sens, qu’au moment que je me suis séparée, c’était la rentrée scolaire. Puis moi j’ai déménagé, mais j’ai dû déménager rapidement et m’installer rapidement pour choisir une école pour mon fils. Donc, je l’ai déraciné totalement, j’ai enlevé tous ses points de repère, j’ai enlevé toute sa stabilité, fais que cela a été un moment très intense. Il a réagi très fortement aussi là. Fait que je me suis retourné vers les CLSC et tous ces trucs-là. Et ils nous ont aidés, ils nous ont donné des moyens et puis les profs ont été beaucoup à l’écoute aussi (n°30 ; femme entre 31 et 40 ans, Collégial, 1 enfant de 8 ans).

Citation 3.3 Relativiste Description de soi

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Citation 3.3.1 Comme une personne patiente quand c’est le temps, puis ça, je suis comme ça avec mes enfants, mais je suis comme ça dans la vie aussi. Quand je sais que les gens ils ne comprennent pas, je peux avoir 18 versions, je suis capable de l’expliquer en long puis en large. Mais quand je sais que c’est compris puis qu’il y a du « niaisage », j’ai zéro patience. Ça fait que je me décrirais comme une patiente impatiente. Puis comme une solitaire sociable aussi. Donc dans ma personnalité … puis pourtant je suis très fluide, mais j’ai un côté ultra sociable que je suis contente de voir du monde puis je suis contente quand les enfants sont là, mais en même temps j’ai besoin de mes moments où est-ce que même si on est dans la même pièce, chacun fait ses affaires, tranquilles. Je ne veux pas toujours être en interaction. Je n’ai pas besoin de toujours être en interaction. Ça fait que je me décrirais comme une solitaire sociable, puis comme une patiente impatiente. […]

Est-ce que vous avez l’impression que cela est en contradiction ? Non, personnellement je pense que j’ai deux volets à ma personnalité, puis même plus que ça, bien plus que ça finalement. […] Mais mon but ultime c’est de rester disponible pas nécessairement juste quand ils ont besoin de moi c’est sûr que je vais être disponible, mais je veux être à l’écoute de leurs disponibilités donc je veux essayer, puis je discute beaucoup. Moi je suis une personne qui aime parler, puis je suis une personne qui est curieuse de nature, puis je suis une personne, qui est passionnée par l’être humain. Mais je le sais que l’être humain c’est compliqué, donc mon but c’est de rester disponible, mais dans leurs changements aussi. Mais je suis comme ça avec mon conjoint aussi, puis je suis comme ça aussi dans mon travail. C’est sûr qu’avec mes enfants c’est encore plus fort […] (n°18 ; femme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 9 et 10 ans).

Perception des rôles du parent et de l’enfant Citation 3.3.2

Donc que des fois mes enfants aient des interprétations différentes. « Est-ce que tu penses que j’aurais dû dire oui ou non? » « T’aurais dû dire oui » « Ben non, mais j’aurais dit non » « Non, mais pourquoi, oui, mais si telle chose tu aurais dit oui. Ah oui vu comme ça tu as raison » même par rapport à eux, je n’ai pas nécessairement raison. C’est une question d’argumentation, c’est une question de raison puis tout se justifie (n°38 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3 cycle universitaire, 2 enfants entre 8 et 10 ans).

Citation 3.3.3 Je suis une guide, je ne pense pas être trop contrôlante comme mère, puis pour moi le développement […] je me dis, c’est le développement de l’enfant c’est lui qui se développe, ce n’est pas moi à travers lui […] c’est leur développement à eux, donc moi c’est comme si tu as des plantes, tu les arroses puis tu leur donnes des conditions favorables, puis tu peux leur parler aussi c’est important, mais je pense qu’il y a quand même beaucoup de liberté dans ma façon d’assurer le développement de mes enfants, puis j’y crois beaucoup à l’autonomie, qu’ils découvrent eux-mêmes qu’est-ce qu’ils aiment pour vrai, qu’ils ne fassent pas des choses pour me faire plaisir ou

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parce que tout le monde le fait […] je pense que pour favoriser le développement d’un enfant, il faut que tu sois là, il faut que tu donnes les conditions favorables, mais justement il ne faut pas que tu leur mettes de l’ombre, si tu es toute collée dessus, puis que tu leur mettes de l’ombre alors ils ne pourront pas se développer autant, je parle beaucoup en image moi je suis comme ça, mais c’est vraiment comme ça que je le vois, donc très important, mais il ne faut pas trop être accaparant, puis tout le temps dans le dos de nos enfants, moi c’est comme ça que je vois ça, oui, mais bien sûr, on est très important dans le développement de nos enfants (n°43 ; femme entre 41 et 50 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 10 et 15 ans).

Évaluation de son rôle ou de sa compétence Citation 3.3.4

Je suis toujours en train de me questionner […] puis me remettre en question pour évoluer aussi dans mon rôle parce que je veux dire, on devient parent, mais on évolue aussi en tant que parent (n°6 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 5 et 9 ans).

Citation 3.3.5 Je te dirais que le parent idéal, c’est le parent qui ne va pas s’asseoir sur… bien moi je suis comme ça, puis je suis comme ça, et moi c’est de même. C’est d’évoluer à travers ça, puis que si son enfant rencontre des difficultés ou si nous comme parent, on rencontre des difficultés, c’est d’aller chercher des ressources pour passer à travers, pour continuer à évoluer (n°19 ; femme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 2 enfants entre 1 et 11 ans).

Citation 3.3.6 Je dirais que pour être en couple, on fait beaucoup ça à deux. Fait qu’on va beaucoup revenir en disant « Ouin ce coup-ci, je pense que tu as été un peu fort» ou « Ah oui bien là, moi je ne lui aurais pas permis ça » ou on va se conseiller l’un l’autre. Des fois, se challenger un peu l’un l’autre (n°39 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 1 et 6 ans).

Citation 3.3.7 Là où moi j’ai des difficultés, c’est quand j’arrive avec des parents qui ne prennent pas leur responsabilité; ça vient me chercher parce que je trouve tellement que c’est important puis des enfants c’est tellement un privilège que je ne comprends pas que ce ne soit pas des moteurs de changement quand des fois ça arrive que la vie fasse que tu sois poqué ou quoi que ce soit. Un enfant qui arrive puis faut que tu lui montres à marcher, mais il faut que tu saches comment marcher, ça fait que c’est ça, mais j’ai beaucoup de gens autour de moi qui n’auraient peut-être pas dû être parents puis je me dis j’ai peut-être quelque chose à apprendre de ça. […] Quand on a des difficultés, puis je pense qu’on en a tous comme parents, je veux dire il n’y a pas de mode d’emploi pour être parent, mais je me dis quand je vais à la SAQ, je demande conseil pour mon vin, ça fait que ça ne fait pas de sens que comme parent quand tu arrives puis que tu ne sais pas trop quoi faire que tu laisses ça aller pis que tu te dis

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que ce n’est pas grave puis tu fais ça à peu près (n° 19 ; femme entre 31 et 40 ans, 2-

3e cycle universitaire, 2 enfants entre 1 et 11 ans).

Citation 3.3.8 Pas encore. Puis depuis qu’ils sont nés, je me fais dire « attend, tu vas voir », on dirait que quand ça va bien avec tes enfants, c’est comme pas normal. On dirait tout le temps qu’on s’attend à du négatif. Personnellement, je suis une personne très positive. Donc les obstacles… ma fille est probablement en train d’avoir un diagnostic de dyslexie. Elle est en troisième année et elle écrit encore des lettres à l’envers, des chiffres à l’envers. […] J’ai l’impression souvent que la vie a des normes qui sont la case 1, 2, 3, peut-être jusqu’à 20 admettons, je ne sais pas et que quand on ne cadre pas dans une de ces boîtes-là, bien qu’il faut absolument rentrer là-dedans. Ma fille est plus artistique, elle est un peu plus légère. Moi je dis tout le temps que c’est mon petit bonbon cette enfant-là […] je ne vois pas ça dramatique moi. […] je vois juste ça comme une différence […] j’essaie qu’ils deviennent les meilleures personnes du monde, mais ça ne me dérange pas qu’ils ne soient pas parfaits. Donc je n’ai pas l’impression d’avoir vécu des obstacles, puis pourtant je suis convoquée avec la directrice, l’orthopédagogue, l’orthophoniste, la psychologue, moi, mon chum puis tout ça, il y a une septième personne, pour le plan d’intervention. Puis je n’ai rien contre, je n’ai absolument rien contre si c’est pour l’aider. Je n’ai aucun problème avec ça. Mais par contre, si c’est pour la mettre dans une boîte puis de ne pas laisser aller toutes ses autres compensations pour pouvoir… je le sais que dans la vie, il faut savoir écrire puis je suis allée moi aussi à l’université, je n’ai pas de problème avec ça. Je sais qu’il faut savoir écrire, mais on n’est pas tous doués pour faire des écrivains dans la vie. Mais elle a plein d’autres talents. Elle est super bonne en mathématiques, elle est super bonne en sports, elle est super bonne en musique, elle est super bonne dans plein d’affaires (n°18 ; femme entre 41 et 50 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 9 et 10 ans).

Connaissance Citation 3.3.9

Bien non, c’est sûr que moi je suis une fille qui aime discuter, puis souvent je me questionne pour savoir moi c’est quoi mon opinion par rapport à tel ou tel sujet, puis j’aime parler avec des gens qui n’ont pas la même opinion que moi parce que sinon ça ne donne rien parce que je veux dire une fois qu’on s’entend, on n’a plus besoin trop d’en discuter, mais en même temps je suis bien à l’aise avec ce que les gens peuvent penser de différent de moi, je veux dire, sinon la vie serait plate. Par contre, c’est sûr que comme je disais, il faut quand même qu’il y ait un respect dans les propos, puis dans les actions, je pense qu’il faut qu’il y ait du respect, parce que justement on vit en société (n°6 ; femme entre 31 et 40 ans, baccalauréat, 2 enfants entre 5 et 9 ans).

Citation 3.3.10 Il y a tellement d’analyses puis de méthodes d’approche, de lectures possibles, de grilles d’analyse, de variables, de variables dans le contexte. Il y a tellement de

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choses, encore là je ne crois pas beaucoup à l’inné chez l’être humain. J’imagine, mais je trouve qu’il y a beaucoup de ce que je suis qui, à mon avis, tient de l’acquis et j’aurais pu être totalement autre chose si on m’avait éduqué autrement, si j’avais lu autre chose, si je n’avais pas lu, si j’étais né un siècle plus tôt, un siècle plus tard, cela aurait pu être totalement le contraire (n°38 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3 cycle universitaire, 2 enfants entre 8 et 10 ans).

Citation 3.4 Relativiste engagé

Perception du rôle parent – enfant Citation 3.4.1

M. : J’ai l’impression qu’on apprend autant avec eux autres, qu’eux autres dans le processus. Ils nous reflètent nos propres limites aussi, puis nos forces, mais nos limites. Pour ensuite se rendre compte de tout ça puis quand tu arrives pour l’expliquer, bien c’est la meilleure façon pour apprendre soi-même. C’est un peu comme enseigner, ça fait que là c’est cela, mais pour la vie. C’est le principe que d’enseigner les maths, c’est la meilleure façon d’apprendre les maths. Je verrais ça un peu comme ça que d’être parent, c’est la meilleure façon d’apprendre à vivre finalement (n°42 ; homme entre 31 et 40 ans, 2-3e cycle universitaire, 3 enfants entre 2 et 6 ans).

Citation 3.4.2

Réponse à la question portant sur le stress pouvant être vécu en tant que parent :

Préoccupé oui, du stress non. Non parce que je l’assume, je fais du mieux que je peux. Ça ne me sert à rien d’être stressé. Ça ne me servira à rien, je n’ai pas toutes les bonnes réponses, mais il n’y a personne qui a toutes les bonnes réponses (participant 38).

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Annexe L : Schéma des relations entre le développement de la parentalité et les compétences parentales

Prise de perspective

Souci empathique

Fantaisie

Démocratique

Autoritaire

Permissif

Évitement Détresse personnelle

Préoccupation à être aimé

Fonctionnement réflexif Style d’éducation parentale - Autoritaire + Démocratique

Entrevue

Questionnaires

Développement de la parentalité (évolution vers le relativisme)

-.21*

.45*

.29**

-.25* -.22*

-.27**

.41**

.25*

.35*

.34**

.25*

-.29** .24*

-.24* .34**

-.34**

.59** -.41**

.71**

.28*

.29*

Légende Ligne : Différence entre variables Flèches : corrélations avec coefficients Flèches pointillés : femmes uniquement Flèche tiret : contrôle niveau d’éducation

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Annexe M : Grille d’analyse d’ensemble des résultats Composante / Développement de la parentalité

Pré-relativiste Relativiste

Le sentiment de responsabilité parentale

Sur les comportements de l’enfant qui affecte alors la perception de compétence parentale

Sur les moyens permettant de favoriser le développement de l’enfant (vise à l’amener vers une réflexion et compréhension plus complexe et articulée de ses expériences de vie).

La gestion de l’autorité Évolution d’une imposition de leur autorité (sachant ce qui est bien pour l’enfant) vers un désir de représenter l’autorité, mais ne se sent pas maître de la situation (négocier ou argumenter avec l’enfant).

Inspire l’autorité sans sentir le besoin de l’imposer. Intervenir en expliquant les conséquences ses gestes, un guide qui vise à permettre à l’enfant d’acquérir sa propre expertise par la réflexion.

Le style de communication Discussion représente un moyen de transmettre ou obtenir de l’information (contenu), difficulté par la présence de mensonge ou de perte d’information (oublie / omission).

Moyen privilégié pour éduquer. Communication bilatérale visant à enrichir la compréhension mutuelle des divers points de vue.

La perception de contrôle (sur la situation)

Risque de vivre des situations de perte de contrôle (sentiment d’être dépassées par les comportements de l’enfant)

Sentiment plus stable, centré sur les moyens pour favoriser le développement de l’enfant et non sur les comportements de l’enfant. Moins d’anticipation sur les comportements futurs.