Commentaire de texte et Bibliographie sélective - Texte de Jean-Louis Leutrat "Le regard vampire "

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  • 8/8/2019 Commentaire de texte et Bibliographie slective - Texte de Jean-Louis Leutrat "Le regard vampire "

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    GUENAIS BaptisteGUEB09058809

    Culture et documentation du cinma

    CIN 1003 Groupe D

    Travail #3 : Commentaire de texte et Bibliographie slectiveTexte de Jean-Louis Leutrat Le regard vampire

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    A l'origine, une remarque anodine : Dans [Black Sunday], on ne perce pas le c?ur duvampire, on lui crve l'?il gauche.

    Ce qui intresse l'auteur dans ce texte c'est le thme de la peur dans le cinma de MarioBava, et la faon dont ce thme est troitement li au regard dans l'oeuvre du cinaste. Plus

    prcisment, il tente ici de mettre jour et de dfinir ce qu'il appelle un regard vampire dans lesdispositifs de mise en scne, un regard non assimilable un personnage, une camra affecte de

    manire non subjective mais fantomatique, soumettant sa volont ceux qu'elle observe, dtruisanttoute volont du sujet pour lui en imposer une propre.En s'appuyant sur une nouvelle de Tchekov, qui dcrit comment un regard peut provoquer

    la peur de trois manires diffrentes (mais qui finalement se recoupent) Leutrat dfinit la peur chezle cinaste de la manire suivante : la peur de l'homme en face face avec lui-mme,l'inconsistance de sa conscience et son incapacit dterminer le cours de sa vie de manireraisonne. Cette peur, provoque chaque fois parla fixit et l'impersonnalit d'un regard sembletre pour J-L Leutrat une pierre de rosette au c?ur des films de Bava, au point de l'riger comme un

    pilier majeur de son ?uvre. Sans nous tendre sur la pertinence de ce travail dans le cadre de notreproblmatique de recherche, on peut d'ores et dj remarquer la description d'un monde libr desprocds narratifs classiques o les personnages sont tant bien que mal livrs eux-mme et au

    monde autour d'eux. Cette instrumentalisation des personnages est corrlative un terrain dequestionnement du cinma moderne dans les rapports entretenus l'cran entre l'objet et le sujet.En suivant l'ordre du texte comment, on montrera comment l'auteur justifie l'existence

    d'un troisime regard non assimilable au regard d'un personnage, puis la faon dont il argumenteraafin de dcrire ce regard comme vampirisant .

    La premire tape de l'argumentation est de poser que les films de Mario Bava, et plusparticulirement sa premire ralisation, comportent leurs lots de jeux de camras, de travellings etde panoramiques. Si la prsence du regard peut tre parfois explicit dans le film (par la prsenceeffective d'un oeil directement figur l'cran, ou d'un autre signe le rappelant mtaphoriquement ),Leutrat remarque qu'il est des cas ou la prsence d'un regard est voque de manire plus

    problmatique, car elle n'est pas assimilable celle d'un personnage mais est beaucoup plus libre.Afin de prciser ce qu'il entend par l, il dveloppe un exemple tir des Misrables de VictorHugo, ou Cosette au dbut du roman va chercher de l'eau pour les Tnardiers. Dans ce passageHugo voque la prsence d'un regard extrieur sous les noms de Dieux et de la mre deCosette (Fantine) morte et enterre. Le regard de ces deux entits substantielles est assimil en fait celui du lecteur, en faisant de lui le dpositaire provisoire de ce regard (mme si cet argument

    parat discutable on l'acceptera pour la dure de ce commentaire).Aprs ce parallle littraire J-L Leutrat en revient nos moutons cinmatographiques en

    dcrivant trois types de regard dans le mdium. Les deux premier sont assimilables un personnagede la digse, soit directement (on voit ce que le personnage regarde pour reprendre les termes del'auteur) soit indirectement (on voit le personnage regardant). Leutrat identifie le troisime regard

    comme

    non-assimilable

    un personnage ou autre lment de la digse mais entrainant l'oeil duspectateur dans son dsir voyeuriste, tantt permissif, tantt rpressif. Ce procd de narration o lacamra se met en mouvement arbitrairement , adoptant une position d'altrit et permettant ledcalage des savoirs entre le spectateur et le personnage est dcrit par les spcialistes (lessavants comme le souligne ironiquement l'auteur) comme l'ocularisation.

    Mais bien loin de s'en satisfaire, au contraire ce-dernier s'en dfie comme s'il il recherchaitquelque chose d'autre, une prcision dans l'origine de ce regard, dans sa manire d'agir dans le filmet chez le spectateur, quand bien loin d'tre arbitraire chez Mario Bava, il mane d'une entitspirituelle (une substance pouvant prtendre l'existence). Affect au cadre du rcit, le regardatteste de la prsence d'un visiteur, exprimant dans un mouvement de camra sa volont, lie celle du spectateur, parfois satisfaisant sa curiosit, l'amenant l o il y pture pour sonregard , parfois lui dvoilant des lments inattendus (la prise d'initiative selon Leutrat ).Comme exemple l'auteur cite deux squences mais seule la seconde fait l'objet d'une descriptiondtaille et c'est celle qui nous intressera ici. Il s'agit de l'ouverture d'une scne avant le premier-tiers du film o dans un travelling nous est dvoile la famille Vajda, le pre et les deux enfants.

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    Sans nous tendre dans une description dtaille, Katia (la fille de la famille) joue du piano deprofil. La camra passe doucement dans son dos, puis devant le fils nettoyant son fusil avant de sediriger vers son objectif, le pater familias qu'elle cadre galement de profil avant de reculer pour

    prsenter le pre et la fille dans le mme espace. Comme le note Jean-Louis Leutrat, s'il n'est pasjustifi l'cran par le dplacement d'un des personnages, ce mouvement est loin d'tre arbitraire,au contraire il est marqu selon lui par l'affect et l'intention (il remarque un peu plus loin que la

    squence condense des lments dj prsents dans le film comme le feu du bucher de la sorcireet le feu qui crpite dans la chemine). Pour mieux comprendre ce que nous venons de tenter desynthtiser, cette phrase de l'auteur : ce type de mouvement brouille les catgories du regardtelles qu'on a coutume de les tablir. Il ne participe d'aucuns, tout en participant un peu de toutes.Ce personnage fantme qui hante le film est le vampire par excellence, qui se nourrit de tout ce quientre dans son champ de vision.

    Aprs avoir dcrit la nature des regards l'oeuvre dans le film (l'auteur cite beaucoup Black Sunday en tant qu'exemple mais on se sert aussi d'autres films postrieurs de Bava, demanire montrer la rcurrence de cette thmatique ds les dbuts du ralisateur), Leutrats'intresse dsormais au ct vampirisant de ce regard. Difficile en effet vu les figures gothiques

    et mythologiques utilises par ce cinaste de genre, de passer ct d'un parallle entre les jeuxsymboliques et iconographiques du film et les dispositifs de mise en scne qui les structurent et lesappuient.

    L'auteur s'intresse donc aux jeux d'appels/rponses entre la forme et le fond, et en numreun certain nombre. La scne originale o la sorcire est marque d'un S, le dragon serpentant sur lecostume de Ianouvitch, ou le S sur la chemine du chteau familial est tablit comme prambuledes abaresques que dcrit la camra en forme de S, pendant la rsurrection d'Aza symbolisant leretour de la maldiction (le sort qu'elle jette ses bourreaux -dont son propre frre- dans la scned'ouverture du film). Sans nous arrter plus longtemps sur cette description particulire, ces effetscalligraphiques (selon les termes de l'auteur) permettent de renforcer la maldiction et d'assoir sa

    permanence.

    Mais plus, la 'confrontation' entre forme et fond peut dboucher sur des jeux symboliquecachs. Ainsi Leutrat dcrit comment un jeu triangulaire s'tablit par la mise en scne dans lasquence ou la famille Vajda est prsente dans son chteau, - et d'autres scnes ultrieures du filmsentre les personnages ou parfois les portraits des personnages (si le rapport entre la peinture et lavision n'est pas labore par l'auteur, cela pourrait nous fournir une piste intressante dans le cadredu travail final). Jeux de rapports triangulaires familiaux o la figure maternelle brille par sonabsence, mis en exergue par la prsence de ce symbole gomtrique dans les plans prcdant cettesquence au chteau. Le carreau de verre sur lequel se coupe Kruvajan dans le tombeau, puisdessin au dessus du visage de la sorcire (indiquant la solution pour la dtruire : frapper l'oeilgauche), mme dans les cadrages ou le visage de Barbara Steele dessine un angle droit, tous cessymboles ramnent une figure ferme, un symbole autarcique mettre en parallle avec la

    maldiction qui frappe la famille. Jean-Louis Leutrat aboutit ainsi l'ide que la relation entreIanouvitch et Aza serait implicite dans le film comme incestueuse, Ianouvitch tant reprsentsdans les fresques du chteau, et donc faisant lui aussi partie de la famille .

    Ce qui importe ici, ce n'est pas vraiment la conclusion de cette analyse filmique que nousnous sommes vertu dcrire, la rsurgence du sens, mais plutt que la clef de l'interprtationnous est dvoil par le dispositif de mise en scne tablissant dans le film au complet voir dans lagrande majorit de l'oeuvre du cinaste un rapport entre les strotypes gothiques emprunts lalittrature et les mouvements de camra les dvoilant, voir mieux, les reliant . Ainsi, l'auteurenchainera avec un autre exemple tir d'un des films de Bava Le corps et le fouet afin de rendrecompte du mme procd. Le thme de la dcadence, de l'auto-dvoration familiale (le vampire ne mange -t-il pas ses victimes ?) vient de paire avec l'univers corrompu dcrit pas Mario Bava,rong par un mal interne qui l'entrainera irrvocablement vers sa destruction (sa dcomposition, ausens biologique du terme).

    Cette dmonstration permet en effet de venir appuyer l'argument final de l'auteur, ainsi quesa thse de dpart. L'argument final est prsent sous la forme d'un exemple. C'est le mouvement

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    circulaire dcrit par la camra l'arrive du docteur et de son assistant dans la crypte. Or cemouvement est intressant dans la mesure o il dvoile d'abord l'espace, puis les personnages

    principaux dans le champ de la camra. Comme si ce qu'on aurait pu identifier comme un regardsubjectif se dtachait des corps prsent, se dpersonnifiait, devenait autre, comme si unmoment ce regard [avait] cess d'tres le leur . Ce regard, n'est pas motiv par la prsence d'un

    personnage, mais a pour fonction d'enfermer ceux-ci, de les faire prisonnier d'un espace clos d'o

    leur regard ne peut s'chapper. Qu'on nous comprenne : il s'agit moins de marquer la prsence d'un autre tre substantiel dans la position du voyeur/spectateur que l'enfermement du personnageface face avec lui-mme, et de la peur intense qu'engendre cet enfermement (on revient donc lathse dpart prsente dans l'introduction). Leutrat cite Bava tout ce qui m'intresse, c'estl'homme seul dans sa chambre qui finit par avoir peur de lui-mme. Le mouvement de la camraest devenu une substance autonome, portant en lui-mme la promesse d'une menace latente, telleune prsence fantomatique planant au-dessus de ses victimes. C'est un nouveau personnage, unnouveau regard qui se cre; invisible au point de ne pas se voir lorsqu'il passe devant un miroir,drainant littralement l'?il du spectateur, emprisonnant son regard et annihilant sa volont. C'est leregard d'un vampire.

    Plutt que de nous tendre sur la conclusion de notre analyse (on considre que l'on asuffisamment mis en relief l'argumentation et la structure du texte pour ne pas avoir lessynthtiser une nouvelle fois) on dcrira brivement les raisons qui nous amnent considrer cetexte dans le cadre de notre travail final. Plutt que de faire un texte traitant prcisment du mmesujet ( savoir dmontrer la modernit cinmatographique - prendre au sens esthtique- dont MarioBava fait preuve dans Black Sunday ) on en a prfr un qui se penche sur une problmatique

    prcise s'inscrivant dans un ensemble plus gnral qui nous servirait dans notre travail final, savoir le traitement de la question objet/sujet dans les diffrentes conceptions des partisans dumodernisme et du classicisme. Pour dvelopper, la disparition dans le systme moderne desmcanisme de causes effets du rcit classique (mcanisme induisant les critres de vraisemblanceet de continuit) change le rapport entre le sujet et l'objet. L'instrumentalisation des personnages (et

    c'est l ou nous voulions en venir au dbut du texte), le glissement effectu par les sujets vivantsvers des rle d'objets qui n'ont plus aucune prise sur les transformation d'un univers concourent nonseulement les rduire non seulement leurs fonctions primaires mais les obliges tresdtermins par les objets qui les entourent (qui ont eux-mmes glisss vers un rle de sujet,acqurant une existence propre) . Le vampire chez Bava ne semble jamais ni pouvoir ni vouloirsortir de sa condition, il est rduit dans ses comportements des mcanismes non pas instinctifsmais rigs et fig par les lois du cinma classique, et que le cinma moderne en les rvlantcomme des strotypes, s'empresse de dconstruire, de dmystifier. Sans entrer dans les dtails, oncomprendra que le concept ici forg par Jean-Louis Leutrat du regard vampire dans le masquedu Dmon, annihilant la volont de celui qui est observ (et donc le transformant en objet entre lesmains d'un tre suprieur) sera ncessaire pour amener et argumenter cette conception.

    Bibliographie Slective

    Jean-Louis Leutrat, 1994, Le Regard Vampire , Dans Jean-Louis Leutrat (dir), MarioBava , pp 41-48, Lige, Editions du CEFAL, coll. grand cran/petit cran

    Jean-Franois Rauger, 1994, Mario Bava, cinaste moderne ? , Dans Jean-Louis Leutrat(dir), Mario Bava , pp 41-48, Lige, Editions du CEFAL, coll. grand cran/petitcran

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    Gordon Fraser, 1973, The Characteristics of English Gothic Litterature, the TempteousLovliness of Terror dans A heritage of horror (the English Gothic cinema, 1946-1974) ,

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    Torok Jean-Paul, 1961, Le cadavre exquis : le masque du dmon , Paris, Positif, n 40,juillet 1961, pp. 24-28