22
Recueil dalloz 2006 La loi du 1er juillet 1901 est fort synthétique ; or, il est bien difficile de tout prévoir dans les statuts... Quelle doit alors être l'attitude du juge face au silence des textes et surtout des statuts, alors que l'interdiction du déni de justice l'oblige à statuer ? Par une réaction en apparence quelque peu cavalière, il a trouvé une solution consistant à renvoyer au droit des sociétés anonymes dont l'apanage est, précisément, d'être fortement réglementé. En l'espèce, ayant des reproches à formuler à diverses personnes, dont le secrétaire général d'une association (pour ne pas avoir respecté ses décisions et avoir gravement entravé le fonctionnement du groupement), le président de l'association suspend non seulement leur délégation de signature comptable mais aussi leur appartenance au bureau du conseil d'administration. L'enjeu du litige était de savoir si le président disposait ou non d'un tel pouvoir. Or, la Cour d'appel de Paris valide cette décision dans un arrêt du 28 avril 2003, par application de l'article 225-56 du code de commerce qui accorde au directeur général les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société. A l'appui de leur pourvoi, les personnes suspendues invoquent le caractère conventionnel des pouvoirs du président et l'absence de tels pouvoirs dans les statuts. Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle estime qu'en opérant un renvoi aux dispositions du code de commerce régissant les sociétés, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision, en raison de la vocation subsidiaire des dispositions du code civil et, à défaut du code de commerce, régissant les sociétés faute de disposition dans les textes ou les statuts. Novateur, cet arrêt ne l'est assurément pas. Il réunit au contraire deux tendances actuelles du droit associatif : sur le fond, il attribue des pouvoirs considérables au président ; du point de vue de la méthode, il procède par renvoi. La loi du 1er juillet 1901 ne s'étend guère sur la question des pouvoirs du président d'association. Le président détient les pouvoirs que lui confèrent les statuts. Et à défaut d'organisation statutaire des pouvoirs, il est en principe admis que le président ne peut accomplir que les actes d'administration insusceptibles d'engager de manière significative le patrimoine de l'association (1). Or, malgré ce principe clair et mesuré, la jurisprudence n'hésite pas à concevoir ses pouvoirs d'une manière extensive. Par exemple, en matière de licenciement, la Chambre sociale a d'abord considéré que dès lors qu'il est établi que les statuts de l'association prévoyaient que le président en est le représentant auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale, celui-ci est habilité à mettre en oeuvre une procédure de licenciement à l'égard du salarié, à défaut de disposition spécifique des statuts attribuant cette compétence à un autre organe (2). Mais, récemment, la Cour de cassation va encore plus loin : il entre, dit-elle, dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié (3). Il n'est donc plus fait référence à la clause précisant les modalités de représentation de l'association dans les actes de la vie sociale. Dans le silence des statuts, c'est donc le président qui détient le pouvoir de licenciement, ce qui consacre l'omnipotence du président, en même temps qu'une confusion entre pouvoir de décision et pouvoir de représentation. Sans doute cette amplitude des pouvoirs n'est-elle pas absolue dans la mesure où dans certains domaines, et notamment la représentation en justice de l'association, il est exigé, faute de disposition statutaire, un mandat spécial au profit du président. A défaut, il ne peut pas agir seul (4), sauf semble-t-il en matière de référé car il y a urgence et que les décisions prises ne sont pas définitives (5). Mais là encore, le président qui a le pouvoir de représentation en justice paraît avoir également le pouvoir de décider d'agir s'il n'y a pas de disposition statutaire contraire (6). Toutefois, le coeur de l'arrêt et la raison d'être de son commentaire résident dans l'utilisation de la méthode du renvoi, en l'occurrence au droit des sociétés anonymes. La solution rappelle à n'en pas douter celle qu'avait adoptée la Cour de cassation il y

chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

  • Upload
    dokiet

  • View
    216

  • Download
    2

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

Recueil dalloz 2006

La loi du 1er juillet 1901 est fort synthétique ; or, il est bien difficile de tout prévoir dans les statuts... Quelle doit alors être l'attitude du juge face au silence des textes et surtout des statuts, alors que l'interdiction du déni de justice l'oblige à statuer ? Par une réaction en apparence quelque peu cavalière, il a trouvé une solution consistant à renvoyer au droit des sociétés anonymes dont l'apanage est, précisément, d'être fortement réglementé.

En l'espèce, ayant des reproches à formuler à diverses personnes, dont le secrétaire général d'une association (pour ne pas avoir respecté ses décisions et avoir gravement entravé le fonctionnement du groupement), le président de l'association suspend non seulement leur délégation de signature comptable mais aussi leur appartenance au bureau du conseil d'administration. L'enjeu du litige était de savoir si le président disposait ou non d'un tel pouvoir. Or, la Cour d'appel de Paris valide cette décision dans un arrêt du 28 avril 2003, par application de l'article 225-56 du code de commerce qui accorde au directeur général les pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société. A l'appui de leur pourvoi, les personnes suspendues invoquent le caractère conventionnel des pouvoirs du président et l'absence de tels pouvoirs dans les statuts. Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle estime qu'en opérant un renvoi aux dispositions du code de commerce régissant les sociétés, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision, en raison de la vocation subsidiaire des dispositions du code civil et, à défaut du code de commerce, régissant les sociétés faute de disposition dans les textes ou les statuts.

Novateur, cet arrêt ne l'est assurément pas. Il réunit au contraire deux tendances actuelles du droit associatif : sur le fond, il attribue des pouvoirs considérables au président ; du point de vue de la méthode, il procède par renvoi.

La loi du 1er juillet 1901 ne s'étend guère sur la question des pouvoirs du président d'association. Le président détient les pouvoirs que lui confèrent les statuts. Et à défaut d'organisation statutaire des pouvoirs, il est en principe admis que le président ne peut accomplir que les actes d'administration insusceptibles d'engager de manière significative le patrimoine de l'association (1). Or, malgré ce principe clair et mesuré, la jurisprudence n'hésite pas à concevoir ses pouvoirs d'une manière extensive. Par exemple, en matière de licenciement, la Chambre sociale a d'abord considéré que dès lors qu'il est établi que les statuts de l'association prévoyaient que le président en est le représentant auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale, celui-ci est habilité à mettre en oeuvre une procédure de licenciement à l'égard du salarié, à défaut de disposition spécifique des statuts attribuant cette compétence à un autre organe (2). Mais, récemment, la Cour de cassation va encore plus loin : il entre, dit-elle, dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié (3). Il n'est donc plus fait référence à la clause précisant les modalités de représentation de l'association dans les actes de la vie sociale. Dans le silence des statuts, c'est donc le président qui détient le pouvoir de licenciement, ce qui consacre l'omnipotence du président, en même temps qu'une confusion entre pouvoir de décision et pouvoir de représentation. Sans doute cette amplitude des pouvoirs n'est-elle pas absolue dans la mesure où dans certains domaines, et notamment la représentation en justice de l'association, il est exigé, faute de disposition statutaire, un mandat spécial au profit du président. A défaut, il ne peut pas agir seul (4), sauf semble-t-il en matière de référé car il y a urgence et que les décisions prises ne sont pas définitives (5). Mais là encore, le président qui a le pouvoir de représentation en justice paraît avoir également le pouvoir de décider d'agir s'il n'y a pas de disposition statutaire contraire (6).

Toutefois, le coeur de l'arrêt et la raison d'être de son commentaire résident dans l'utilisation de la méthode du renvoi, en l'occurrence au droit des sociétés anonymes. La solution rappelle à n'en pas douter celle qu'avait adoptée la Cour de cassation il y a une dizaine d'années. Déjà, les termes employés par l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy étaient particulièrement clairs (7) : « il est admis unanimement que les règles concernant la tenue d'une assemblée générale des associations sont les mêmes que pour les sociétés anonymes ». La Cour de Cassation s'était prononcée sur le pourvoi dans un arrêt du 29 novembre 1994 (8). Selon elle, « la décision attaquée est ainsi légalement justifiée, y compris par la référence à la loi sur les sociétés, en l'absence de disposition statutaire sur la question litigieuse ». Le renvoi visait alors l'article 160, al. 3, de la loi du 24 juillet 1966, relatif aux sociétés anonymes, en vertu duquel l'assemblée des actionnaires « ne peut délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée. Néanmoins, elle peut, en toutes circonstances, révoquer un ou plusieurs administrateurs (...) et procéder à leur remplacement ». Or, la référence à la loi de 1966 n'était pas indispensable et le renvoi pouvait paraître surabondant. Il suffisait en effet de faire application de la jurisprudence déjà bien instaurée des incidents de séance, voire de la théorie du mandat (9). Le caractère délibéré de la démarche et la généralité des termes utilisés démontrent la volonté de généraliser le renvoi au droit des sociétés anonymes.

Si l'arrêt du 3 mai 2006 admet également que la jurisprudence se réfère aux dispositions du code de commerce applicables aux sociétés, sans doute va-t-il plus loin, et cela dans une double mesure. Il affirme en effet, dans une motivation beaucoup plus précise, la vocation « subsidiaire » des « dispositions

Page 2: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

du code civil, et à défaut des dispositions du code de commerce, régissant les sociétés ». De plus, le renvoi est opéré dans un tout autre domaine que celui du fonctionnement des assemblées générales, c'est-à-dire celui de la détermination des pouvoirs du président de l'association. Ces prises de position suscitent inévitablement une réflexion nouvelle sur cette méthode du renvoi, non seulement quant à sa nature (I), mais également quant à son cadre (II).

I - La nature du renvoiLa nature du renvoi au régime des sociétés anonymes a fait l'objet de discussions importantes. En affirmant la vocation subsidiaire du droit des sociétés, l'arrêt renseigne fortement sur la nature du renvoi (A). Pour autant, cette qualification ne paraît pas complètement convaincante, et l'on se risquera à en proposer une autre : le raisonnement analogique (B).

A - La solution de l'arrêt : un droit subsidiaireJusqu'à l'arrêt du 3 mai 2006, la technique du renvoi faisait l'objet d'explications diverses. Certains ont pu attribuer au régime des sociétés anonymes le rôle de droit commun (10), de référence d'interprétation

(11), ou encore de droit supplétif (12) ou subsidiaire (13). C'est en faveur de cette dernière qualification que tranche, ici, la Cour de Cassation.

Le droit commun s'entend d'un droit applicable à une situation juridique en dehors des hypothèses où il y est dérogé. Dire que le droit des sociétés anonymes est le droit commun des associations signifie que l'on attribue à la loi du 1er juillet 1901 un caractère dérogatoire à la loi de 1966 (aujourd'hui le code de commerce). Or, c'est au droit commun des obligations, des contrats plus précisément, que renvoie la loi du 1er juillet 1901 à défaut de disposition en son sein ; la loi du 1er juillet 1901 déroge au droit commun des contrats au même titre que le code de commerce y déroge. Le degré d'abstraction et de spécialité des deux lois est équivalent, de sorte qu'on ne saurait voir entre les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 et celles de l'ancienne loi du 24 juillet 1966 des relations d'ordre vertical entre un droit commun et un droit spécial.

Le droit des sociétés anonymes ne saurait pas davantage intervenir à titre d'instrument d'interprétation. Il est en effet pris en compte en tant que règle de droit destinée à être appliquée à part entière et non à titre d'éclaircissement.

Sans doute est-ce la raison pour laquelle la Cour de cassation affirme ici la vocation subsidiaire des règles auxquelles il est fait référence. La notion de droit subsidiaire (supplétif, dit-on parfois également) paraît plus adéquate que celle de droit commun ou de disposition interprétative. En effet, la jurisprudence se réfère aux dispositions sur les sociétés anonymes en l'absence de dispositions statutaires ou légales sur la question litigieuse : le droit des sociétés anonymes vient « après » (ou « à défaut » de) la loi et les stipulations statutaires. Toutefois, et au-delà de la lettre de l'arrêt, il est possible d'hésiter si l'on mène plus loin la réflexion, et de faire une proposition différente.

B - Une proposition : le raisonnement analogiqueSi l'on resitue l'arrêt dans son contexte, il est permis de douter du caractère subsidiaire des dispositions sur les sociétés anonymes. D'abord, tous les arrêts n'opèrent pas un tel renvoi de sorte qu'il est actuellement prématuré d'en faire une solution de principe. Ensuite et surtout, le principe reste le renvoi au droit des contrats (14). D'ailleurs, la Cour de cassation elle-même affirme la vocation subsidiaire, d'abord du code civil et, seulement « à défaut », du code de commerce régissant les sociétés. Donc le véritable droit subsidiaire serait, en réalité, le droit issu du code civil, dont il faut espérer qu'il vise ici, le droit des contrats ; ce serait conforme à l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901. Si en revanche, l'arrêt vise au sein du code civil les dispositions régissant les sociétés comme pourrait l'indiquer la formule ambiguë utilisée par la Cour (droit commun des sociétés et droit des sociétés civiles), là encore, et pour les mêmes raisons que celles citées concernant le droit des sociétés anonymes, il serait excessif de parler de droit subsidiaire.

Or, il serait possible d'analyser autrement le renvoi au régime de la société anonyme (ou aux dispositions du code civil autres que celles relatives aux contrats...) : il pourrait résulter d'un raisonnement analogique. Il s'agit là du raisonnement « qui consiste à appliquer par identité de raison a pari (ratione), à un cas non réglé par le droit, la solution établie pour un cas semblable » (15). L'analogie est un mode de raisonnement jurisprudentiel fondé sur la logique et l'équité. Or, justement, n'est-il pas naturel, logique et équitable d' « emprunter » au régime des sociétés des règles neutres afin de combler les lacunes du régime des associations ?

Rappelons que l'analogie repose sur un raisonnement rigoureux, dont les remarquables explications du Professeur Cornu ont permis de restituer les étapes. Une double identité doit être caractérisée avant tout renvoi au régime d'un autre groupement, que le Professeur Cornu regroupe sous les termes « identité de raison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement. D'abord, une identité de raison « pratique » : le cas qui ne fait pas l'objet d'une disposition législative ou conventionnelle doit correspondre à une situation de fait similaire à celle qui est régie par la loi. Ensuite, une identité de raison « intellectuelle » : la raison d'être intellectuelle d'une règle de droit correspond à la synthèse entre l'intention du législateur et l'objectif plus général de la loi (« plus diffusément même de

Page 3: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

l'esprit du système juridique »). Il doit y avoir conformité d'esprit entre les cas faisant l'objet d'une analogie.

En raison du caractère équitable et raisonnable de la technique ainsi décrite, analyser le renvoi au droit des sociétés anonymes comme participant d'un raisonnement analogique confèrerait une légitimité plus grande encore à la méthode du renvoi. De surcroît, cela justifierait l'absence d'automaticité de ce renvoi car, ainsi interprété, le renvoi serait logiquement, non seulement subordonné à l'absence de disposition dans le code civil (droit des obligations), mais surtout accordé uniquement au cas par cas en fonction des espèces.

En somme, si l'on en croit l'arrêt, le renvoi au droit des sociétés anonymes (ou plus généralement au code civil, et à défaut au code de commerce, régissant les sociétés) s'analyserait comme le renvoi à un droit subsidiaire. Mais il semblerait plus opportun de considérer le renvoi autrement : s'il est opéré au profit du droit commun des contrats, il s'agit bien d'une disposition subsidiaire ; mais si, faute de disposition dans le droit des contrats, il est opéré au profit d'autres dispositions relatives aux sociétés, en général les sociétés anonymes, il paraît préférable de parler de raisonnement analogique. Quoi qu'il en soit, et surtout s'il résulte d'un raisonnement analogique, le renvoi suppose le respect par le juge d'un certain cadre (II).

II - Le cadre du renvoiLe renvoi serait abusif s'il ne respectait pas un certain cadre. On perçoit dans cet arrêt la nécessité d'un tel encadrement, même si l'on peut se demander s'il y est correctement défini. C'est pourquoi une réflexion doit être menée quant au domaine (A) et au référent (B) du renvoi.

A - Le domaineSi, bien sûr, la question du domaine ne se pose pas lorsque le renvoi est opéré au profit du droit des contrats, elle se pose avec acuité lorsqu'il est fait au profit des sociétés anonymes. Dans ce cas, c'est naturellement dans des domaines neutres par rapport à la finalité et à l'esprit du groupement, autrement dit dans des domaines techniques (notamment, assemblée générale, contrôle de la régularité des comptes), que doit s'épanouir la méthode du renvoi. Le fonctionnement quotidien de l'association est proche de celui de la société anonyme. Il s'agit dans les deux cas d'un groupement de personnes qui prennent des décisions et gèrent un patrimoine tout en ayant des relations avec les tiers. Face à une identité de faits, une identité d'objectif du législateur légitime l'extension d'une règle technique.

Utilisée jusque là dans le domaine des assemblées générales, ce qui se justifie aisément, l'utilisation de cette technique est-elle pour autant légitime en matière de pouvoir du président ? Il n'y a peut être pas là un degré de ressemblance suffisant entre les deux types de groupements pour justifier d'un tel renvoi. En effet, il s'agit d'un domaine où se manifeste fortement la différence entre le caractère contractuel de l'association et le caractère institutionnel de la société anonyme. En effet, l'existence d'un président n'est même pas obligatoire dans une association ; quant à ses pouvoirs, ce sont normalement ceux qui sont déterminés par les statuts. D'ailleurs, la Cour de cassation a déjà affirmé que si les statuts imposent la désignation d'un président, celui-ci n'est pas le représentant légal de l'association, et il ne peut agir au nom et pour le compte de celle-ci si les statuts ne lui en ont pas donné le pouvoir (16). C'est pourquoi, les auteurs du pourvoi invoquent la qualité de mandataire du président et les articles 1134 du code civil et 1er de la loi du 1er juillet 1901. Au contraire, la structure de la direction des sociétés anonymes et le pouvoir des dirigeants y sont fortement réglementés. De sorte que dans les associations, le pouvoir des dirigeants se justifie par le contrat et donc par le mandat, alors que dans les sociétés, il s'insère dans une organisation hiérarchisée et pré-établie. Cette opposition rend extrêmement délicat le renvoi en ce domaine.

D'ailleurs, on ressent la gêne des juges dans l'arrêt. En effet, ils ne semblent pas procéder à une transposition pure et simple du principe. Car l'article L. 225-56 du code de commerce prévoit que le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Or, après renvoi, il en est simplement déduit le droit pour le président de prendre au nom et dans l'intérêt de l'association, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision du conseil d'administration statutairement habilité ou de l'assemblée générale, les mesures urgentes que requièrent les circonstances.

On comprend que la compétence du président est légitimée, en l'espèce, par l'impérieuse nécessité de réagir face à une situation urgente qui menace le groupement. La protection de l'intérêt du groupement est en jeu. Et faute de pouvoir qui serait organisé par un texte ou par les statuts, un palliatif se justifie dans de telles circonstances. La solution n'aurait peut-être pas été la même en l'absence d'urgence.

Assurément, l'arrêt relève là une difficulté découlant de la liberté associative qui mériterait que l'on y apporte une réponse nouvelle. Les pouvoirs du président, et notamment celui de représentation, sont purement conventionnels. Peut-être serait-il temps de les prévoir au sein d'un texte, à l'image de ce qui existe pour les SAS : son organisation contractuelle est combinée avec l'institution, au sein du code, d'un président doté de pouvoirs importants à l'égard des tiers. Cela permettrait d'améliorer la sécurité des tiers voire de mieux gérer les situations internes (17).

Page 4: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

Quoi qu'il en soit, le domaine du renvoi doit être limité pour ne pas déformer le régime associatif. Mais l'on peut se demander si plutôt qu'une question de domaine, la question ne serait pas plutôt celle du référent : le domaine serait limité, parce que le référent ne serait pas le bon. Aussi, peut-on s'interroger sur le référent, c'est-à-dire la norme à laquelle il est renvoyé.

B - Le référentDans la typologie des personnes morales, l'association et la société anonyme se situent à l'opposé l'une de l'autre : l'une étant un groupement souple et à but désintéressé, l'autre, un groupement contraignant et à but lucratif. C'est pourquoi, si l'analogie permet d'appliquer un traitement identique à des situations semblables, la transposition n'est plus cohérente lorsque les situations ne disposent plus d'un degré de ressemblance suffisant : l'analogie serait, dans ce cas, déformante. Pour être adapté, le référent pourrait donc être variable, l'appréciation se faisant au cas par cas (18).

Sans doute le droit commun des sociétés pourrait-il, en certains cas, faire l'objet d'un tel renvoi. Il présente en effet des caractères de neutralité et de généralité (V., notamment les dispositions sur les statuts, sur l'objet social, sur la liquidation...), justifiant même parfois qu'on le propose comme droit commun des personnes morales (19). Peut-être est-ce d'ailleurs à ce droit que renvoie, à titre subsidiaire, la Cour de cassation lorsqu'elle parle de « code civil [...] régissant les sociétés ». A moins qu'elle ne vise le régime des sociétés civiles (20), que le caractère civil rapproche des associations, et qui pourrait également être un référent intéressant, même si le régime des sociétés civiles et celui des sociétés commerciales ont considérablement convergé (21). De même, le régime de la société par actions simplifiée évacue la rigidité du régime de la société anonyme en excluant toute référence à la direction, à l'administration et aux assemblées générales des sociétés anonymes. Société fermée et souple dans son fonctionnement pour l'aménagement duquel les fondateurs disposent d'un important espace de liberté, elle ressemble en ce sens aux associations. Les dispositions minimales qui y figurent tendent simplement à protéger les tiers, quête fondée en droit des sociétés par actions simplifiées comme en droit des associations. C'est donc naturellement que l'analogie devrait s'effectuer en faveur de ces sociétés. D'ailleurs, c'est une procédure inspirée de celle des sociétés par actions simplifiées et non de celle des sociétés anonymes que prévoit la loi du 15 mai 2001 relativement aux conventions conclues entre une personne morale de droit privé non commerçante ayant une activité économique et l'un de ses mandataires (22). Il convient toutefois d'être conscient de l'existence de limites : d'une part, la société par actions simplifiée et les associations diffèrent toujours dans leurs buts ; d'autre part, le régime de la société par actions simplifiée opère, en certains domaines, un renvoi au régime des sociétés anonymes - lorsqu'il est compatible avec les règles de la société par actions simplifiée -, faisant resurgir les défauts de ce dernier.

En conclusion, la méthode du renvoi est inévitable en présence d'une loi et de statuts lacunaires. L'arrêt en atteste d'autant plus qu'en l'espèce, il y avait urgence. L'important est alors d'effectuer des renvois opportuns. A l'analyse, il est possible de proposer au juge de procéder de la manière suivante. Dans un premier temps, il doit se reporter au droit subsidiaire que constitue le droit des contrats. Dans un second temps, si celui-ci ne lui est d'aucune aide, il peut raisonner par analogie et transposer aux associations des règles destinées à d'autres personnes morales, qu'il s'agisse du droit des sociétés anonymes, mais aussi du droit commun des sociétés, du droit des sociétés civiles ou du droit des sociétés par actions simplifiées, l'important étant la neutralité et la technicité de la disposition qui fait l'objet du renvoi, afin qu'elle ne dénature pas le groupement qui en bénéficie.

Revue des sociétés 2006. p. 855.

Sommaire

Dans le silence des textes et des statuts d'une association, les dispositions du code civil, et à défaut du code de commerce, régissant les sociétés présentent une vocation subsidiaire d'application.

Dès lors, il entre dans les attributions de son président de prendre, au nom et dans l'intérêt de celle-ci, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision du conseil d'administration statutairement habilité ou de l'assemblée générale, les mesures urgentes que requièrent les circonstances.

Page 5: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

Décision

La Cour,

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Kamara, président de l'association "Comité immigration développement Sahel", reprochant à M. Dembélé, secrétaire général, et à MM. Birama, Sakho, Bathily et Traoré de n'avoir pas respecté ses décisions et d'avoir gravement entravé le fonctionnement du groupement, les a, le 3 avril 2000, suspendus de leurs délégations de signature comptable ou de leur appartenance au bureau du conseil d'administration ;

Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel (CA Paris 28 avril 2003) d'avoir déclaré ces mesures régulières, alors, selon le moyen, que le président d'une association est un mandataire de cette personne morale dont les pouvoirs sont fixés conformément aux dispositions de la convention d'association ; qu'en attribuant au président de l'association les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom et dans l'intérêt de l'association et notamment le pouvoir de suspendre de leurs fonctions des membres du bureau, tout en constatant que les statuts de l'association ne conféraient au président aucun pouvoir particulier, la cour d'appel a violé l'article 1er de la loi du 1er juillet 1901 et l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu que, dans le silence des textes et des statuts relatifs au fonctionnement d'une association, il entre dans les attributions de son président de prendre, au nom et dans l'intérêt de celle-ci, à titre conservatoire et dans l'attente de la décision du conseil d'administration statutairement habilité ou de l'assemblée générale, les mesures urgentes que requièrent les circonstances ; qu'en effet les dispositions du code civil, et à défaut du code de commerce, régissant les sociétés présentent une vocation subsidiaire d'application ; qu'en se référant, à de telles dispositions, en l'espèce celles de l'alinéa 1er de l'article L. 225-56 du code de commerce, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en ses quatre branches, tel qu'exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que la cour d'appel, qui a déclaré irrégulières les délibérations des 12 et 21 avril 2000 par lesquelles le conseil d'administration avait annulé les mesures de suspension prises le 3 avril 2000, confirmé les intéressés dans leurs fonctions, révoqué M. Kamara en tant que président, nommé à sa place M. Sakho et investi M. Bathily comme vice-président, a retenu que ces réunions s'étaient tenues sur convocations de M. Dembélé, lequel, alors suspendu, n'avait plus qualité pour procéder à ces formalités ; que par ce seul motif, l'arrêt est légalement justifié ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi ;

M. Ancel, prés. ; M. Gridel, rapp. ; M. Cavarroc, av. gén. ; SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Foussard, av.

Note

1. Incontestablement, l'arrêt rendu par la Première Chambre civile le 3 mai 2006 mérite de retenir l'attention (1) . Il pose, en effet, un principe, celui de l'application subsidiaire du droit des sociétés. Son énoncé n'était pourtant pas indispensable au rejet du pourvoi : il prend dès lors une force toute particulière. Comme souvent, les faits étaient simples. Le président d'une association reproche au secrétaire général et à plusieurs membres du bureau de ne pas avoir respecté ses décisions et d'avoir gravement entravé le fonctionnement du groupement. Il les suspend de la délégation de signature comptable pour l'un, et de leur appartenance au bureau du conseil d'administration pour les autres. La Cour d'appel de Paris estime que ces mesures sont régulières : en l'absence de stipulations particulières dans les statuts, le président est présumé avoir les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances dans l'intérêt de l'association. Il peut ainsi prendre à titre conservatoire les mesures qu'impose la situation. Le pourvoi s'en tenait à une jurisprudence classique : le président est un mandataire de la personne morale dont les pouvoirs sont fixés conformément aux dispositions de la convention d'association. Après avoir affirmé qu'il entrait dans les attributions de l'intéressé de prendre des décisions au nom et dans l'intérêt de l'association la Cour de cassation justifie son analyse : dans le silence des textes et des statuts, les dispositions du code civil et à défaut celles du code de commerce régissant les sociétés présentent une vocation subsidiaire d'application. Loin de se limiter à l'article 225-56, texte qui avait été évoqué devant la cour d'appel et pour lequel il suffisait d'indiquer qu'il était concevable d'y faire référence, la cour pose un principe avant d'en faire application : le président d'une association dispose des pouvoirs les plus étendus, sous réserve bien sûr, de ceux de rassemblée générale.

Page 6: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

Le principe : la subsidiarié2. Dans le monde des groupements, l'association et la société connaissent un environnement juridique fondamentalement différent. Le droit des associations se révèle incomplet, imparfait et lacunaire. L'impossibilité de faire application d'une norme juridique d'origine légale ou statutaire laisse les magistrats dans une situation délicate puisqu'ils ne peuvent, sous peine de déni de justice, se refuser de juger, sous prétexte de silence, d'obscurité ou d'insuffisance de la loi. A l'opposé, la société connaît un construit juridique extrêmement complet, diversifié, voire par trop exhaustif, encore que la place de la liberté contractuelle ne cesse depuis quelques années de devenir prépondérante. Il est dès lors tentant de s'efforcer de combler les lacunes de l'un en faisant application des règles de l'autre. Cet emprunt semble s'imposer à une doctrine majoritaire. Reste que cette référence au droit des sociétés n'est envisagée qu'avec précaution et de manière ponctuelle puisque les particularités de chaque ensemble constituent autant d'obstacles.

3. La jurisprudence a parfois, elle-même, procédé à ce rapprochement. Ainsi, dans un arrêt du 29 novembre 1994 (2) , la Première Chambre civile a estimé qu'une décision était légalement justifiée y compris par la référence à la loi sur les sociétés en l'absence des dispositions statutaires sur la question litigieuse. Les meilleurs commentateurs prirent acte de l'apport de la décision. Par exemple pour Guyon, l'arrêt semble ainsi admettre que le droit des sociétés et plus spécialement celui de sociétés anonymes, constitue un droit commun ayant vocation à s'appliquer aux associations. Quant à Jeantin, les dispositions de la loi sur les sociétés sont susceptibles de jouer le rôle de droit subsidiaire face aux lacunes de la loi de 1901. Observons que ces auteurs et d'autres soulignèrent toutefois la nécessité de se montrer prudent (3) .

4. A s'en tenir à la rédaction de l'arrêt, cette prudence paraît faire éminemment défaut. Le recours au droit des sociétés n'apparaît plus exceptionnel. Il constitue au contraire la règle. Dans le silence des textes et des statuts relatifs à l'association, les dispositions légales relatives aux sociétés présentent toujours une vocation subsidiaire d'application. Dès lors, lorsque les conditions sont remplies, il convient d'y faire appel.

Cette extension ne peut que surprendre. A priori, le caractère subsidiaire donné à l'application des textes ne peut, semble-t-il, se justifier, que si, dans le silence du droit spécial, il est fait place au droit commun. Le droit des sociétés serait donc élevé à la dignité de corpus de normes générales. Une telle conséquence est inacceptable. Droit des sociétés et droit des associations constituent tous deux des sous-ensembles, aux caractéristiques spécifiques et aux données particulières (notamment celles relatives à la participation des bénéfices). Certes, la société, l'association, le groupement économique constituent autant de constructions particulières d'une même globalité : les groupements. C'est à ce niveau qu'il est possible d'élaborer un droit commun applicable à tous. Certes, les règles particulières de la société participent à l'élaboration de ces normes ; elles peuvent, de manière subsidiaire, s'appliquer à tel ou tel groupement, mais cette démarche n'a nullement l'automaticité que lui octroie l'arrêt. En dehors de l'application d'un véritable droit commun des groupements, la vocation subsidiaire d'application ne se justifie pas vraiment. Seule son utilité reste incontestable. Il s'agit d'éviter un vide juridique.

5. Généralisant la démarche, il n'est pas étonnant que l'arrêt suscite la critique lorsqu'il fournit quelques précisions quant au recours à la subsidiarité et indique les normes transposables. En premier lieu, les conditions semblent simples : silence des textes législatifs ou réglementaires relatifs aux associations, silence des statuts. Assez curieusement, bien que sur ce point la rédaction de l'arrêt soit discutable, un troisième élément paraît s'imposer. Les insuffisances doivent influer sur le fonctionnement de l'association. Cette précision peut se comprendre puisque les règles de fonctionnement sont parmi les moins élaborées, et ce en raison de la confiance faite aux fondateurs qui doivent faire un bon usage de l'autonomie de la volonté. Reste que l'on s'interroge sur les raisons d'écarter le renvoi au droit des sociétés lors de la constitution ou de la disparition du groupement. L'utilité de la technique est la même. La Cour de cassation n'hésite pas ainsi, en l'absence de tout texte et s'inspirant de l'article 1844-8 du code civil, à affirmer qu'une association déclarée lorsqu'elle se dissout « conserve la personne morale » et le droit d'ester en justice pour les besoins de sa liquidation.

6. Le renvoi est fait à l'ensemble du droit des sociétés puisque sont visées les dispositions du code civil et, à défaut, celles du code de commerce. Sous la réserve essentielle déjà présentée du particularisme de chaque groupement, on peut comprendre la référence faite au chapitre I du titre 9e du code civil consacré justement aux dispositions générales. L'appel au chapitre II est déjà moins pertinent puisqu'il intéresse les seules sociétés civiles. Pourtant, c'est bien à cette forme sociale que la Cour de cassation fait principalement référence, jugeant accessoire le renvoi aux formes commerciales. Cette relégation est fortement paradoxale. Parmi ces dernières, la société anonyme occupe en effet une place toute particulière en raison des règles de fonctionnement extrêmement complètes et compte tenu de la parenté qui existe entre cette forme sociale et l'association. Ajoutons qu'en l'espèce, il est fait référence à l'article L. 225-56 alors que dans l'arrêt de 1994, il était fait appel à l'article 160 de la loi du 24 juillet 1966 (4) . On regrettera donc que la vocation du droit des sociétés anonymes n'ait pas été plus clairement affirmée.

7. On regrettera surtout l'absence de toute précision sur la compatibilité des normes avec les dispositions applicables à l'association. Observons que lorsque le législateur utilise lui-même la technique de la

Page 7: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

subsidiarité, il prend soin de rappeler cette exigence rationnelle. L'article L. 227-1 ne retient ainsi l'application des règles de la société anonyme que dans la mesure où celles-ci sont compatibles avec les dispositions particulières prévues au présent chapitre. Lorsque la technique de subsidiarité résulte d'une oeuvre jurisprudentielle, il est tout aussi nécessaire de préciser cette limite au renvoi. L'incompatibilité est totale lorsque la règle de droit est contraire à la finalité du groupement. L'association se caractérisant par la recherche d'un but autre que le partage des bénéfices. il apparaît évidemment inconcevable de faire appel aux dispositions relatives aux bénéfices distribués, aux dividendes, à la clause léonine. De même, les sociétaires ne pouvant appréhender même indirectement les résultats, il est déplacé de transposer les dispositions relatives au partage des sociétés. L'incompatibilité est tout aussi réelle lorsque les règles pour lesquelles un renvoi est envisagé, sans être contraire à la lettre des dispositions applicables aux associations, sont contraires à leur esprit.

Il est décidément bien difficile de préciser les éléments de la subsidiarité. Il semble plus aisé de justifier la référence à un texte précis, et ce dans une situation déterminée.

Une application délicate8. Les pouvoirs du président de l'association se justifient par le renvoi à l'article L. 225-56 aux termes duquel le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Constatons tout d'abord que cette subsidiarité n'est pas propre au directeur général mais concerne l'ensemble des dirigeants sociaux. On aurait pu justifier la plénitude des pouvoirs, suivant en cela l'ordre prévu par la Cour de cassation, par un renvoi aux sociétés civiles et plus précisément à son gérant qui, dans les rapports entre associés, peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société (5) . On pourrait également faire référence au gérant de la société en nom collectif (6) , à celui de la société à responsabilité limitée même si ses pouvoirs dépendent à leur tour d'un renvoi (7) . La plénitude de pouvoirs fait partie du droit commun des sociétés, même s'il convient de remarquer qu'elle est mieux exprimée au titre de la société anonyme. Ajoutons que, malgré la référence faite aux règles applicables au directeur général, la spécificité de l'association est respectée. Alors que dans une société anonyme, l'accomplissement des pouvoirs ne peut être remis eu cause que par la révocation du dirigeant, les pouvoirs du président de l'association ne sont conférés qu'à titre conservatoire et dans l'attente de la décision du conseil d'administration statutairement habilité ou de l'assemblée générale. En d'autres termes, les attributions ne sont reconnues au président que sous réserve de la décision prise par l'assemblée générale, organe souverain, et dont la compétence est nécessairement générale alors que celles du directeur général sont à la fois autonomes et permanentes.

9. Reste que la solution est, dans une large mesure, nouvelle et qu'elle procède d'une opposition avec la jurisprudence classique de la Première Chambre civile. Ainsi, dans l'hypothèse ou les statuts sont silencieux sur la représentation, le président n'ayant aucun pouvoir particulier, si ce n'est celui de faire fonctionner l'association en convoquant le conseil d'administration ou l'assemblée générale, la Cour de cassation approuve les juges d'avoir retenu que le président n'était pas investi du pouvoir de représentation en justice (8) . Cette solution doit-elle se maintenir ? Ne doit-on pas faire application du principe de subsidiarité ? Tout laisse penser qu'il convient en effet de ses référer à l'alinéa premier de l'article 225-56 : le président représente l'association dans ses rapports avec les tiers. Il ne paraît pas logique d'opposer les différentes parties du même texte, sauf peut-être en raison du silence partiel des statuts qui ne permettrait plus d'envisager une application subsidiaire. Enfin, la plénitude des attributions des dirigeants est fortement liée à la qualité de représentant légal ; dès lors, les règles auxquelles on se réfère, sont-elles réellement compatibles avec l'analyse classique applicable au président : celle d'un mandataire de la personne morale dont les pouvoirs sont fixés conformément aux dispositions de la convention d'association (9) ?

Revue trimestrielle de droit commercial 2006. p. 619.

Voici peut-être l'arrêt le plus important rendu en matière associative au cours des dix dernières années. Les faits sont d'une étonnante banalité : reprochant à des membres de l'association une entrave à son bon fonctionnement et le non-respect de ses décisions, le président de celle-ci décide de suspendre provisoirement les intéressés de leur appartenance au bureau et de leurs délégations de signature comptable.

Le contentieux s'étant noué non sur la cause de la suspension mais sur le pouvoir du président, les sociétaires objets de la mesure faisaient valoir que, dans le silence des statuts, le président n'avait pas compétence pour prendre une telle décision.

Validant le raisonnement tenu par les juges du fond, la première Chambre civile juge :

Page 8: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

- que nonobstant le silence des textes et des statuts, le président doit pouvoir prendre des mesures urgentes ;

- que les dispositions du code civil comme du code de commerce, régissant les sociétés présentent une vocation subsidiaire d'application ;

- qu'en l'espèce il convient de se référer à l'article L. 225-56 du code de commerce, lequel confère au directeur général d'une société anonyme les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société.

Deux remarques préalables s'imposent quant à la portée de cet arrêt :

- à notre connaissance, il n'a pas de précédent direct ; ce n'est certes pas la première fois que l'on emprunte au droit des sociétés pour combler les lacunes du droit associatif, ô combien lacunaire, mais la vocation subsidiaire, n'avait jamais été clairement affirmée (V. par ex., Cass. 1re civ., 29 nov. 1994 se référant à la loi du 24 juill. 1966 pour l'application des règles de tenue des assemblées générales) ;

- il est difficile de se prononcer sur la force normative de cette décision, s'agissant d'un rejet de pourvoi, et il ne faut pas exclure une motivation liée aux circonstances de fait. On remarquera toutefois que la Cour aurait pu se dispenser d'affirmer ainsi les rapports entre le droit des sociétés et la loi de 1901, en se contentant de conférer des pouvoirs conservatoires au président de la structure.

Sur le fond, le commentateur est partagé entre approbation et critique d'une décision qui bouleversera probablement la matière.

Approbation de la décisionLe caractère éminemment lacunaire du droit associatif se concilie mal avec la vivacité et la complexité de certains contentieux. Celui qui aborde avec un regard neuf cette matière ne peut qu'être frappé du décalage entre la simplicité (et parfois l'archaïsme) de la loi de 1901, retouchée à la marge au cours du siècle, et la multiplication des structures associatives sur le territoire français. Par conséquent, il semble logique que le juge saisi d'une question d'importance relative au fonctionnement du groupement, et confronté au silence tant des textes associatifs que des statuts, aille puiser un fondement juridique dans le corpus normatif lui semblant le plus proche, le droit des sociétés.

Dans un autre domaine, celui de la société par action simplifiée, il faut s'attendre à ce que, le contentieux grandissant, le juge se réfère au droit de la SA chaque fois que les règles propres à la SAS et ses statuts seront muets, et ceci même lorsque la loi exclut l'application des règles de la SA (dirigeants, assemblées...).

L'affirmation de la subsidiarité du droit des sociétés contribue, à n'en point douter, à l'unification du droit des groupements, en scellant la parenté entre la société et l'association. Il est vrai que nombre d'associations officient dans des domaines d'activités qui seraient aussi bien susceptibles d'être structurés sous la forme de sociétés commerciales. Il n'est pas anormal que finisse par émerger un corps de règles communes.

Critique de la décisionLa première question qui se pose est celle de savoir si un autre fondement (plus orthodoxe) aurait pu être trouvé afin de légitimer le pouvoir du président de prendre des mesures urgentes. Les pistes ne manquent pas :

- constatant l'entrave au fonctionnement de la structure, le président aurait pu solliciter, le cas échéant en référé, la nomination d'un administrateur provisoire doté du pouvoir de suspension des contrevenants. Cette pratique validée de longue date par la jurisprudence aurait été particulièrement adaptée aux faits de l'espèce ;

- l'utilisation des principes applicables au mandat aurait pu permettre de fonder l'action du président de l'association ;

- enfin, le président de l'association aurait pu convoquer le conseil d'administration en urgence afin de prendre les mesures s'imposant. La collégialité de la décision aurait probablement accru sa légitimité.

La subsidiarité affirmée n'est pas sans danger :

- elle place tout d'abord le droit des sociétés et celui des associations dans un rapport de hiérarchie que rien ne valide au plan de nos principes juridiques. Enoncer la vocation subsidiaire du droit des sociétés par rapport au droit des associations revient à placer le premier en soubassement du second et, par conséquent, à lui conférer une supériorité de fait. Il faut tout de même rappeler que le droit issu de la loi de 1901 bénéficie d'une antériorité certaine sur les principes contenus dans le code civil et surtout sur ceux contenus dans le code de commerce, et qu'il est placé au même rang normatif ;

Page 9: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

- ensuite, il convient de s'interroger sur les limites de la subsidiarité : cette question essentielle se décompose elle-même en deux interrogations : à quelles conditions joue la subsidiarité ? quelles sont les normes subsidiaires ?

* Les conditions de la subsidiarité ne sont nullement énoncées par l'arrêt ; s'il ne fait pas de doute qu'elle doit jouer en cas de silence absolu des textes à caractère législatif, réglementaire et des statuts, la question reste entière pour les cas de contradiction entre ces normes, ou, plus fréquent, de flou dans la rédaction des statuts.

* Les normes subsidiaires sont, à la lecture de l'arrêt les dispositions du code civil ou à défaut du code de commerce applicables aux sociétés. Il faut noter ici que l'arrêt introduit une deuxième subsidiarité, celle du code de commerce par rapport au code civil ; l'application du code civil n'est pas réellement problématique puisqu'il contient lui-même le droit commun des sociétés ; en revanche, et c'est bien le cas d'espèce ici, le mutisme du code civil nous renvoie au code de commerce, lequel réglemente de multiples formes de sociétés. Si par exemple les statuts de l'association ne prévoient pas les conditions de révocation du président, faudra-t-il puiser dans le modèle de la SA ou dans celui de la SARL ?

SynthèseEn premier lieu, l'arrêt sous analyse doit sérieusement interpeller les rédacteurs de statuts d'association sur la nécessité de tout y prévoir, à défaut de quoi, ils risquent de se voir appliquer un corps de règles inconnu et non forcément souhaité. Cet impératif de bonne rédaction passe par l'abandon des statuts-type proposés par nombre de préfectures et de sites web.

Ensuite, on ne peut manquer de penser que cette décision marque la nécessité de poser de nouvelles bases :

- soit en réformant la loi du 1er juillet 1901 dans le sens d'une plus grande précision ; la liberté contenue dans ce monument législatif conduit inévitablement à des errements ; sans tomber dans les excès de la législation contemporaine, il conviendrait probablement de réécrire quelques pages de cette grande loi ;

- soit en insérant dans le code civil des dispositions communes applicables à tous les groupements dotés de la personnalité juridique.

Rép. Pr. Civ., Assistance et représentation en justice, n° 26

21. La représentation à l'action suppose qu'une personne (le représenté) ait donné pouvoir à une autre personne (le représentant) pour agir en justice en son nom et pour son compte. Le pouvoir est ici définit comme « la prérogative qui permet à son titulaire d'exprimer un intérêt au moins partiellement distinct du sien par l'émission d'actes juridiques unilatéraux contraignants pour autrui » (E. GAILLARD, Le pouvoir en droit privé, op. cit., p. 232). Les raisons pour lesquelles un tel pouvoir est donné sont diverses. Dans certains cas, la personne qui possède la capacité de jouissance, du fait de son existence juridique, ne peut l'exercer soit en raison d'une incapacité d'exercice (pour les incapables majeurs et mineurs), soit du fait d'un obstacle juridique ou matériel (cas des personnes morales qui ne peuvent agir que par l'intermédiaire de personnes physiques). Dans d'autres cas, la personne souhaite simplement confier ce pouvoir à une autre personne. Ce sont des règles de droit substantiel, qui expliquent et régissent les cas et conditions dans lesquels le pouvoir est donné au représentant. Aussi, est-il logique qu'en droit international privé la représentation à l'action ne soit pas régie par la loi du tribunal saisi, mais par la loi applicable au fond du litige. C'est ainsi que les règles applicables à la représentation en justice d'un mineur sont celles de la loi nationale du mineur (Cass. civ. 2 juin 1908, S. 1911. 1. 385, note E. Audinet ; CA Paris, 22 févr. 1957, JCP 1957. II. 10052, note J. Mazeaud), de même que les règles de représentation d'une société sont celles de sa loi nationale, celle de son siège social (Cass. 1 re civ. 8 déc. 1998, no 96-

Page 10: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

19.514, Rev. crit. DIP 1999. 284, note M. Menjucq). Ceci étant, la source du pouvoir ayant des conséquences sur la procédure, il est important de distinguer selon que ce pouvoir a une origine légale, judiciaire ou conventionnelle.

A. - Pouvoir légal.

22. C'est sans doute dans le droit des incapacités que le mécanisme de la représentation légale se rencontre le plus fréquemment, la représentation étant le remède le plus adapté aux incapacités d'exercice (J. CARBONNIER, Droit civil, t. 1, Les personnes, 21e éd., 2000, PUF, no 101, p. 185). S'agissant du mineur non émancipé, celui-ci est représenté par ses deux parents lorsqu'ils exercent en commun l'autorité parentale, ce qui est le principe (C. civ., art. 389). Lorsque les parents sont décédés ou sont privés de l'autorité parentale, c'est un tuteur qui représente le mineur (C. civ., art. 390 ; V. Administration légale et tutelle et Rép. civ., Vo Administration légale et tutelle). En cas d'opposition entre le mineur et son représentant légal, un administrateur ad hoc doit être nommé (C. civ., art. 389-3). Le tuteur a le pouvoir de faire seul les actes d'administration, au contraire des actes de dispositions pour lesquels il doit être autorisé par le conseil de famille (C. civ., art. 457). Les actes conservatoires peuvent, en revanche, être effectués par l'incapable, dans la mesure ou ils sont urgents et nécessaires. S'agissant d'une action en justice, la jurisprudence moderne considère qu'il s'agit, en principe, d'un acte d'administration que le tuteur, comme l'administrateur ad hoc, peut faire seul sans autorisation, au moins quand cette action est relative aux droits patrimoniaux du mineur (Cass. 1re civ. 8 mars 1988, Bull. civ. I, no 63, Gaz. Pal. 1989. 1. 43, note J. Massip). La tutelle des majeurs obéit aux mêmes principes (C. civ., art. 495, qui renvoi aux articles relatifs à la tutelle des mineurs ; S. CECCALDI, Représentation et assistance en justice des majeurs protégés, Gaz. Pal. 1995. 2, doctr. 1415). Le tuteur peut donc, sans autorisation, exercer les actes d'administration que sont la plupart des actions en justice. Sous le régime de la curatelle, il n'y a pas représentation, mais assistance du majeur protégé par le curateur (C. civ., art. 510). Le curatélaire ne peut donc exercer des actions extrapatrimoniales en justice qu'avec le concours de son curateur (Cass. 1re civ. 2 nov. 1994, JCP 1995. II. 22555, note T. Fossier, RTD civ. 1995. 327, obs. J. Hauser  ), alors qu'il peut exercer seul les actions relatives à ses droits patrimoniaux (CA Paris, 4 sept. 2002, Dr. fam. 2003. 36, note T. Fossier).

23. La représentation est également présente, par nécessité, dans le droit des personnes morales. Celles-ci ne peuvent en effet manifester seules leur volonté : une personne physique doit agir pour elles. Toutefois, cette personne n'est pas un tiers qui exprime la volonté d'une autre : elle est dans la personne morale, c'est un organe de celle-ci. Le représentant s'incorpore, s'identifie au représenté. Cette représentation permet l'action en justice d'une personne morale, mais au prix d'une adaptation des règles de la représentation en justice (L. COUPET, L'action en justice des personnes morales de droit privé, op. cit., nos 40 et s., p. 59 et s.). S'agissant des sociétés pourvues de la personnalité morale, la loi a expressément désigné quels sont ses représentants. Les sociétés a responsabilité limitée, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite par actions et les sociétés civiles sont représentées par un gérant (C. com., art. L. 223-18, L. 221-5 et L. 226-7 ; C. civ., art. 1848). Les sociétés anonymes classiques sont représentées, depuis la loi no 2001-420 du 15 mai 2001, par un directeur général (C. com., art. 225-56) dont la fonction est assumée soit par le président du conseil d'administration qui exerce aussi les fonctions de directeur général, soit par une personne physique distincte qui porte le seul titre de directeur général (C. com., art. L. 225-51-1). Auparavant, la société était représentée par le président du conseil d'administration, éventuellement assisté d'un directeur général. Dans la mesure où le directeur général avait les mêmes pouvoirs que le président du conseil, la jurisprudence décidait qu'il avait aussi le pouvoir d'agir en justice au nom et pour le compte de la société (Cass. ass. plén. 18 nov. 1994, no 90-

Page 11: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

44.754  , D. 1995. 101, concl. M. Jéol   , note D. Cohen, Rev. sociétés 1995. 296, note P. Merle  , JCP 1995, éd. E, II. 649, note A. Viandier). Désormais, le président du conseil d'administration « dissocié » (qui n'exerce pas les fonctions de directeur général) ne représente plus la société (C. com., art. 225-51 : il organise et dirige les travaux du conseil d'administration). En revanche, si des directeurs généraux délégués sont nommés, ils disposent, à l'égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général (C. com., art. L. 225-56 in fine). Par analogie avec la jurisprudence établie par l'assemblée plénière de la Cour de cassation en 1994, ils ont aussi le pouvoir d'agir en justice au nom de la société. Les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance sont, elles, représentées par le président du directoire et éventuellement par un ou plusieurs membres du directoire désignés par le conseil de surveillance et portant le titre de directeur général (C. com., art. L. 225-66). Les sociétés par action simplifiées sont représentées par un président (C. com., art. L. 227-6). La Cour de cassation en avait déduit que seul le président, à l'exclusion de tout autre personne, disposait du pouvoir de représenter à la société à l'égard des tiers, notamment pour agir en justice (Cass. com. 2 juill. 2002, no 98-23.324, D. 2002. 2263, obs. A. Lienhard  , Rev. sociétés 2002. 727, note H. Le Nabasque  , RTD com. 2002. 688, obs. J.-P. Chazal et Y. Reinhard   ; J.-C. HALLOUIN, Le monopole de représentation du président de la SAS, D. 2002, chron. 2922  ). L'alinéa 3 de l'article L. 227-6 du code de commerce a du être modifié afin que les statuts puissent prévoir la représentation par d'autres personnes (L. no 2003-206 du 1er août 2003, art. 118).

24. D'autres personnes morales sont représentées par des organes désignés par la loi. Sont particulièrement concernées les personnes morales de droit public : commune représenté par le maire (CGCT, art. L. 2132-2 et s.), département par le président du conseil général (CGCT, art. L. 321-10), région par le président du conseil régional (CGCT, art. L. 4231-7). L'État est, lui, représenté, en principe, par l'agent judiciaire du trésor dans toutes les actions portées devant les tribunaux de l'ordre judiciaire (L. no 55-366 du 3 avr. 1955, art. 38 ; V. Agent judiciaire du trésor). Ce pouvoir de représentation connaît cependant des limites puisque l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 exclut les causes relatives à l'impôt et au domaine dans lesquelles l'État est respectivement représenté par le comptable public et par le service des domaines (C. dom. Ét., art. R. 158 et s. ; ex., Cass. com. 28 févr. 2006, nos 03-18.589   et 03-20.833). D'autres exceptions sont prévues par des textes spéciaux, notamment en matière douanières et dans les procédures d'expropriation dans lesquelles la représentation par l'Agent judiciaire du trésor est écartée au profit de l'administration des douanes, de l'administration expropriante ou du service des domaines (C. douanes, art. 357 bis et 362 ; C. dom. Ét., art. R. 176 et s.). Certaines autorités administratives indépendantes sont également dotées d'un représentant légal. Tel est le cas du président de l'Autorité des marchés financiers qui dispose du pouvoir d'agir en justice au nom de celle-ci devant toute juridiction depuis la loi no 2003-706 du 1er août 2003 (C. mon. fin., art. L. 621-2 ; Cass. com. 14 juin 2005, no 04-14.329  , D. 2005. 1778, obs. A. Lienhard  , Bull. Joly bourse 2005. 443, note D. Schmidt et M. Delespaul).Le syndicat des copropriétaires, personne morale de droit privé, est également doté d'un organe désigné par la loi pour le représenter en justice : le syndic de copropriété (L. no 65-557 du 10 juill. 1965, art. 18 ; V. Rép. civ., Vo Copropriété des immeubles bâtis). La liste des personnes morales ainsi concernées par la représentation légale n'est évidemment pas exhaustive.

25. Ce qu'il importe de remarquer est la distinction que la loi opère souvent entre le pouvoir légal de représentation et l'habilitation à agir. Le syndic de copropriété ne peut ainsi agir en justice au nom du syndicat que s'il y a été autorisé par une décision de l'assemblée générale des copropriétaires, sauf pour certaines actions concernant, notamment, les mesures conservatoires, les demandes devant le juge des référés et la défense aux actions intentées contre le syndicat (Décr. no 67-223 du 17 mars 1967, art. 55).

Page 12: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

De même, le maire ne peut agir au nom de sa commune qu'après autorisation du conseil municipal (CGCT, art. L. 2132-1), sauf exceptions liées notamment à l'urgence ou à la spécificité d'une action en référé (CE 28 nov. 1980, no 17732, Rec. CE, p. 446, concl. J.-P. Costa, AJDA 1981. 86 et 95, chron. Feffer et Pinault ; Cass. soc. 5 juin 1991, no 87-41.552, Bull. civ. V, no 282). Il y a une dissociation entre le pouvoir légal de représentation de la personne morale qui exclut qu'une autre personne soit habilitée à agir en justice (Cass. 3e civ. 5 avr. 1995, no 93-12.511, Bull. civ. III, no 97, RD imm. 1995. 596, obs. P. Capoulade et C. Giverdon   : une assemblée de copropriétaires ne peut confier le pouvoir d'agir au nom du syndicat à un avocat) et le pouvoir spécial qui porte sur la décision d'engager une action déterminée qui suppose une autorisation de l'organe délibérant (celle de l'assemblée générale des copropriétaires ou du conseil municipal). En l'absence du pouvoir général ou spécial, l'acte par lequel l'action est exercée est entachée d'un vice de fond et donc nulle (NCPC, art. 117 ; Cass. 2e civ. 17 oct. 2002, no 00-21.106   , Bull. civ. II, no 224, D. 2002, IR 2988  , pour le défaut de pouvoir du maire ; Cass. 3e civ. 11 janv. 1995, no 93-11.939  , Bull. civ. III, no 15, D. 1998, somm. 271, obs. P. Capoulade  

 ; 20 déc. 2000, no 99-15.236  , Bull. civ. III, no 197, D. 2001, somm. 3578, obs. C. Giverdon   , pour le défaut de pouvoir du syndic). Dans les sociétés, les statuts peuvent également prévoir une autorisation de l'organe légal pour agir en justice dans certaines circonstances (par l'assemblée des associés ou le conseil d'administration, par exemple). Mais le non respect de telles clauses a moins d'effet car elles sont, dans la plupart des sociétés, inopposables aux tiers (ex. : C. com., art. L. 225-56 et L. 225-64, pour les SA ; art. L. 227-6, pour les SAS ; art. L. 223-18, pour les SARL ; art. L. 221-5, pour les SNC ; C. civ., art. 1849, pour les sociétés civiles).

26. Certaines personnes morales n'ont pas de représentants désignés par la loi. C'est le cas des associations, des groupements d'intérêt économique, des comités d'entreprises et des partis politiques. Ces personnes doivent néanmoins pour agir désigner un représentant parmi leurs organes. C'est pourquoi légalement la représentation est nécessaire. Contrairement à la représentation conventionnelle qui est facultative, elle suppose la désignation d'un organe chargé de représenter la personne en justice à la faveur d'une attribution de pouvoir organique et non par un véritable mandat. La jurisprudence n'est certes pas très claire sur la question et la doctrine reste souvent peu explicite (S. MANCIAUX, La représentation en justice des personnes morales de droit privé, RGDP 1999. 153). Cependant, une telle distinction semble s'imposer et produit certaines conséquences pratiques, notamment à propos des formalités de déclaration des créances dans les procédures collectives (V. infra, no 28). Ces personnes morales sont en tous cas libres de désigner l'organe qu'elles souhaitent pour agir en justice. Cependant, elles doivent prendre garde à adopter des statuts suffisamment précis. Le fait que les statuts accordent au président de l'association le pouvoir de la faire fonctionner, notamment en convoquant le conseil d'administration ou l'assemblée générale, ne lui confère pas le pouvoir de la représenter en justice (Cass. 1re civ. 19 nov. 2002, no 00-18.947   , Bull. civ. I, no 272, D. 2003. 21, concl. J. Sainte-Rose  , Rev. sociétés 2003. 341, note P. Hoang  , RTD com. 2003. 756, obs. L. Grosclaude   ). Il est nécessaire qu'une décision émanant d'un organe compétent lui accorde le pouvoir d'agir (CA Pau, 13 janv. 2003, Dr. sociétés 2003 no 122, obs. F.-X. Lucas), cet organe étant normalement l'assemblée des sociétaires. Il semble, en revanche, que lorsque les statuts accordent au président un pouvoir général de représentation celui-ci vaille pour l'action en justice (Cass. 1re civ. 2 mars 1999, no 97-15.007, Bull. civ. I, no 69, Petites affiches 30 sept. 1999, p. 18, note M. Keita ; CE 3 avr. 1998, no 177962, D. 1999. 69, note L. Boré   ). Ces solutions valent certainement aussi pour un parti politique (Cass. crim. 3 janv. 2006, no 04-85.991, Bull. crim., no 1, D. 2006, IR 392  , Petites affiches 10 mai 2006. 9, note J.-F. Barbièri) ou un comité d'entreprise (Cass. soc. 1er déc. 1999, no 97-43.965, Procédures 2000, no 62, note J.-M. Sportouch ; F. RONGET, L'action en justice du comité d'entreprise, JCP, éd. E, 2004. 471, spéc. no 6).

Page 13: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

Toutefois, le président devrait pouvoir agir en justice sans pouvoir préalable lorsque l'action a un caractère d'urgence comme le décide le juge administratif (CE 13 nov. 2002, no 248310, AJDA 2002. 1506, concl. D. Chauvaux   ; CE 13 déc. 2005, no 280329, AJDA 2006. 718, note C. Cans  ). La jurisprudence civile ne l'admet pas encore, mais elle pourrait évoluer en ce sens (V. déjà : Cass. 1re civ. 3 mai 2006, no 03-18.229, D. 2006. 2037, note K. Rodriguez  , RTD com. 2006. 619, obs. L. Grosclaude 

qui, sans se prononcer sur le sort d'une action en justice, admet des mesures conservatoires prises par le président d'une association dans l'urgence).

27. L'existence d'un pouvoir légal de représentation permet à l'organe d'une personne morale d'agir lui-même en justice au nom de cette personne, mais aussi de déléguer son pouvoir pour l'exercice de l'action afin de conférer à une autre personne le pouvoir d'agir au nom de la personne morale. Une telle délégation s'analyse en « une partition de pouvoir légal » et non comme un mandat par lequel une personne confie par contrat à une autre personne le pouvoir d'agir en son nom (P. HOANG, note sous Cass. 1re civ. 19 nov. 2002, Rev. sociétés 2003. 341, spéc. II). La délégation de pouvoir a lieu au profit d'une personne qui n'est pas étrangère à la personne morale, contrairement au mandat qui est confié à un tiers. De telles délégations sont fréquemment confiées par le représentant légal de sociétés importantes à des salariés exerçant des fonctions à responsabilité comme le responsable du contentieux ou le directeur d'une agence bancaire (J. VALLANSAN, Délégation de pouvoir du salarié et représentation de la société, in Le salarié, sujet de droit des sociétés, Bull. Joly, numéro spécial, 2005. 94). Elle est également utilisée par les associations (L. MAUPAS, La délégation de pouvoirs au sein des associations, Defrénois 2004. 1351). Distinguer la délégation de pouvoir du mandat conventionnel d'agir en justice est nécessaire, car le régime juridique de ces deux institutions est différent. Alors que le mandat cesse en cas de décès du mandant (C. civ., art. 2003), la délégation de pouvoir conserve une certaine pérennité puisqu'elle est juridiquement donnée par un organe, non par le titulaire d'une fonction intuitu personnae. La révocation ou le décès ultérieur de la personne physique en charge de la fonction n'entraîne pas la fin de la délégation (G. DAUBLON, La pérennité des procurations consenties par les représentants légaux d'une société, Defrénois 1981. 945).

28. En pratique, la distinction du mandat et de la délégation de pouvoir est très importante lorsqu'il s'agit de déterminer les modalités de la déclaration de créances dans les procédures collectives (sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire). Cette déclaration a, en effet, la nature d'une action en justice qui doit emprunter les formes de la demande devant le tribunal de commerce (A.  GHOZI, Nature juridique de la production des créances dans les procédures collectives de règlement du passif, RTD com. 1978.  1). La jurisprudence moderne est désormais très clairement fixée en ce sens (Cass. com. 14 déc. 1993, nos 93-11.690  , 93-10.696 et 93-12.544, RJDA 1/94. 12, concl. M.-C. Piniot, JCP 1994. II. 22200 rapport J.-P. Rémery, Rev. sociétés 1994. 100, note Y. Chartier  , RTD com. 1994. 364, obs. A. Martin-Serf   ). Le titulaire de la créance peut, s'il ne la déclare pas lui-même au mandataire judiciaire, soit charger un tiers de la déclarer, soit confier cette tâche à un préposé (C. com., art. L. 622-24 ; Rép. com., Vo Entreprises en difficulté – Redressement judiciaire [Phase de traitement – Les créanciers]). Dans la première hypothèse, l'opération relève du droit du mandat pour agir, mais aussi du mandat ad litem car le tiers effectue un acte de procédure (la déclaration de créance) pour un tiers. Le mandataire doit donc être muni d'un pouvoir spécial écrit, produit dans le délai de la déclaration, sauf s'il est avocat (Décr. no 2005-1677 du 28 déc. 2005, art. 337 et NCPC, art. 853 et s.). Dans la seconde hypothèse, il y a une simple délégation de pouvoir. Le délégué peut effectuer lui même cet acte de procédure qu'est la déclaration de créance, car le ministère d'avocat n'est pas obligatoire devant le tribunal de commerce (V. infra, no 52). Il doit simplement justifier de cette délégation avant que le juge ne statue. Or, la délégation de pouvoirs obéit à

Page 14: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

des formalités beaucoup moins lourdes que le mandat. Elle ne nécessite pas une date certaine ; elle peut être relativement large (porter, par exemple, sur toute les déclarations de créances de l'agence bancaire) et être donnée de manière peu formaliste par une simple attestation (A. LIENHARD, Modalités de déclaration des créances, D. 2001, chron. 1011   ; J.-P. REMERY, La déclaration des créances. Délégation de pouvoirs et mandat, JCP 1999. I. 113). Il importe essentiellement qu'elle émane d'une personne ayant le pouvoir au sein de la personne morale, peu important que sa nomination ne soit pas encore publiée (Cass. com. 12 juill. 2004, nos 02-17.255  et 03-14.557, D. 2004. 2153  , Rev. sociétés 2005. 216, note Y. Chartier  , RTD com. 2005. 168, obs. A. Martin-Serf   ) ou qu'il ne s'agisse pas du représentant légal, mais d'un organe collégial tel que le conseil d'administration d'une société anonyme (Cass. com. 28 sept. 2004, no 03-12.023  , D. 2004. 2653  , Bull. Joly 2005. 37, note F.-X. Lucas). Toutefois, en cas de délégation de pouvoirs illisible, la personne morale doit prouver qu'elle émane d'un organe compétent (Cass. com. 29 avr. 2002, no 99-16.247, D. 2002. 1755, obs. A. Lienhard  , RTD com. 2002. 538, obs. A. Martin-Serf  .Cette preuve semble pouvoir être apportée par tous moyens à l'instar de celle de l'identité du déclarant (Cass. com. 21 nov. 2006, no 05-19.298 et no 05-17.008, D. 2006. 2986, obs. A. Lienhard).

B. - Pouvoir judiciaire.

29. Le représentant peut tenir ses pouvoirs de sa désignation par le juge. Le plus souvent, cette désignation est prévue par la loi. Le pouvoir du représentant apparaît alors très proche du pouvoir légal d'agir au nom d'autrui. Toutefois, il n'est pas exclu que le juge désigne un représentant en l'absence de texte. C'est ainsi que la désignation d'un administrateur provisoire de société n'est pas prévue par la loi : c'est une création purement jurisprudentielle qui permet de doter une personne du pouvoir d'agir en justice en cas de crises affectant la gestion d'une société (V. Administrateur provisoire et G. BOLARD, Administration provisoire et mandat ad hoc : du fait au droit, JCP 1995. I. 3882 ; Cass. 3e civ. 25 oct. 2006, no 05-15.393, D. 2006. 2792  , Bull. Joly 2007. 274, note F.-X. Lucas ; Cass. com. 7 nov. 2006, no 05-14.712, Bull. Joly 2007. 255, note F.-X. Lucas, D. 2006. 2914, obs. A. Lienhard   ). Les hypothèses dans lesquelles le juge confère à une personne le pouvoir d'agir au nom d'une autre sont variables. Elles peuvent résulter de difficultés familiales. Le code civil prévoit ainsi la représentation d'un époux par son conjoint après habilitation du juge lorsque cet époux se trouve hors d'état de manifester sa volonté (C. civ., art. 219, al. 1er ; CA Paris, 9 juill. 1980, JCP 1980. II. 19636, note J. Prévault). Il prévoit aussi la désignation d'un administrateur ad hoc chargé de représenter le mineur lorsque dans une procédure ses intérêts apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux (C. civ., art. 388-2 ; NCPC, art. 1210-1 et s.).

30. En pratique, la représentation judiciaire s'applique surtout en présence de difficulté économique. La procédure de surendettement des particuliers prévoit une telle possibilité puisqu'elle instaure une procédure de liquidation judiciaire civile dénommée rétablissement personnel avec désignation d'un liquidateur qui exerce, le temps de la procédure, les droits et actions du surendetté (C. consom., art. L. 332-8). Mais c'est en cas de difficulté des entreprises que la désignation de personnes chargées de représenter le débiteur est la plus fréquente. Dans cette matière, plusieurs personnes sont susceptibles de jouer un rôle de représentation (G. BOLARD, Le droit d'action des mandataires de justice dans les faillites, in Procédures collectives et droit des affaires, Mélanges en l'honneur d'Adrienne Honorat, éd. Frison-Roche, 2000, p. 27 et Les fonctions des mandataires de justice, Rev. proc. coll. 2006. 205). Cette fonction est nécessairement confiée à un liquidateur en cas de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 641-1 et s.). Un administrateur judiciaire peut être nommé dans les procédures de sauvegarde et de

Page 15: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

redressement judiciaire, mais une fonction de représentation du débiteur ne peut être adoptée qu'en cas de redressement (C. com., art. L. 631-12). L'intérêt collectif des créanciers est également représenté par un mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir en leur nom (C. com., art. L. 622-20). En l'absence de personnalité morale des créanciers, jadis réunis dans une masse dotée de la personnalité morale, l'analyse des fonctions de ce mandataire judiciaire en terme de pouvoir et de représentation est sujet à controverse, la qualité légale pour agir étant sans doute une qualification plus appropriée.

C. - Pouvoir conventionnel.

31. La représentation dans l'action peut enfin résulter d'une convention par laquelle une personne charge une autre personne d'agir en justice à sa place. Le représentant est un tiers à l'égard du représenté. Il en résulte que la représentation d'une personne morale par un de ses membres ou par un de ses salariés ne relève pas de la représentation conventionnelle, mais de la représentation légale (V. supra, nos 27 et 28). La représentation conventionnelle est régie par le droit du mandat, donc par les articles 1984 et suivants du code civil. Le droit spécial de la représentation en justice des articles 411 et suivants du nouveau code de procédure civile relatif au mandat ad litem n'est pas, en principe, applicable. Ce n'est que si le mandat d'action se double d'un mandat d'accomplir les actes de procédure que les règles du nouveau code de procédure civile relative au mandat ad litem ont vocation à s'appliquer (V. infra, nos 43 et s.). Ce sont donc les règles de droit civil auxquelles il convient de se référer pour connaître le régime du mandat de représentation dans l'action (V. Rép. civ., Vo Mandat).

32. La spécificité de son domaine d'application conduit, toutefois, à certaines particularités du mandat pour agir en justice.En droit commun, il est traditionnellement admis que le mandataire puisse être un incapable (ex. : un mineur non émancipé : C. civ., art. 1990). Ses actes engageront le mandant à l'égard des tiers. Il est plus discutable d'admettre qu'un incapable puisse recevoir mandat d'agir en justice compte tenu de l'importance de cet acte et de ses conséquences judiciaires (H. SOLUS et R. PERROT, Droit judiciaire privé, t. 3, 1991, Sirey, no 33, p. 31, note 2). Il ne serait cependant pas illogique d'admettre qu'un incapable puisse exercer au nom d'autrui un acte conservatoire telle qu'une action en justice. Il demeure qu'entre mandant et mandataire, la capacité est une condition de validité du contrat de mandat, la question de la capacité du mandataire n'ayant d'incidence que sur les relations avec les tiers.Le mandat peut, en droit commun, être donné par acte authentique ou sous seing privé. Il peut aussi être donné verbalement. Dans ce dernier cas, la preuve testimoniale doit être rapportée selon les règles de preuve des conventions des articles 1341 et suivants du code civil (C. civ., art. 1985). Au contraire, il est traditionnellement enseigné que le mandat d'agir en justice doit être donné par écrit (ex. : S. GUINCHARD et F. FERRAND, Procédure civile, 28e éd., 2006, no 610, p. 529). La jurisprudence citée à l'appui de cette solution (Cass. civ. 9 juin 1896, D. 1897. 1. 512 ; Cass. civ. 25 juill. 1928. S. 1929. 1. 13) n'est pas très probante car elle a été rendue sous l'empire de l'ancien code de procédure civile, à propos de la représentation devant le juge de paix qui n'était admise que restrictivement par la loi. La jurisprudence moderne de la Cour de cassation rappelle au contraire le principe du consensualisme dans la formation du mandat (Cass. 1re civ. 15 mars 2005, no 03-14.388  , Bull. civ. I, no 131, Contrats, conc., consom. 2005, no 125, note L. Leveneur). Il nous semble dès lors plus exact de décider que le mandat d'agir en justice ne suppose pour sa validité aucune forme et que sa preuve puisse être rapportée selon les règles générales de preuve des obligations, notamment entre mandant et mandataire. Ce n'est que si ce mandat d'agir se double d'une représentation pour accomplir les actes de la procédure qu'une procuration écrite se révèle nécessaire lorsque le mandataire n'est pas avocat ou ne bénéficie pas d'une présomption de pouvoir (V. infra, nos 66 et s.). Cependant, en pratique, il est préférable que le mandataire soit doté d'une procuration écrite afin d'éviter toute contestation.

Page 16: chipolatta2.free.frchipolatta2.free.fr/TD commercial/Nouveau Document... · Web viewraison » de la règle : la raison d'être de la règle est la même, matériellement comme intellectuellement

33. L'étendu du mandat d'agir en justice est déterminé par les règles de droit commun qu'il convient d'interpréter en tenant compte de l'objet du contrat. C'est pourquoi ce mandat doit être spécial comme le prévoit implicitement l'article 1988 du code civil. Un mandat général d'agir en justice ne serait pas valable. Cependant, la spécialité n'est pas conçue de manière trop restrictive. Un mandat d'engager toutes les actions en justice relativement à un litige particulier qui peut nécessiter plusieurs actions serait valable (par exemple, toutes les actions visant à obtenir l'indemnisation à la suite de malfaçons dans un ouvrage ou toutes les actions se rattachant à la liquidation d'une succession : Cass. civ. 29 janv. 1850, D. 1850. 1. 123), de même que le mandat d'agir pour une catégorie d'affaires bien identifiées (par exemple, toutes les actions en recouvrement de créances contractuelles de l'entreprise).Une interprétation stricte des termes du mandat s'impose également en vertu de l'article 1989 du code civil selon lequel « le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat » (en ce sens, Cass. 1re civ. 12 mai 1993, no 91-17.600  , Bull. civ. I, no 162, D. 1993. 411, note Y. Chartier  ). Ainsi, à défaut de stipulation contraire, le pouvoir d'agir en justice ne comporte pas celui de transiger, ni de compromettre, de se désister (Cass. civ. 12 nov. 1867, D. 1867. 1. 446) ou d'exercer une voie de recours extraordinaire tel que le recours en cassation (Cass. civ. 4 avr. 1892, S. 1893. 1. 260). Mais le mandataire est, en principe, investi de tous les pouvoirs nécessaires pour conduire le procès à son terme (H.  SOLUS et R. PERROT, op. cit., no 33, p. 32). Il ne serait donc pas illogique de considérer que le mandat d'agir en justice dans telle affaire déterminée comporte le pouvoir d'exercer les éventuelles voies de recours normales que sont l'appel et le pourvoi (selon la classification adoptée par J. HÉRON et T. LE BARS, Droit judiciaire privé, 3e éd. 2006, Montchrestien, nos 673 et s., p. 531 et s.). La jurisprudence moderne s'oriente en ce sens (Cass. soc. 10 juin 1997, no 95-19.818  , Bull. civ. V, no 216, Dr. soc. 1997. 980, obs. G. Couturier qui décide que « le mandat donné par le comité d'entreprise à l'un de ses membres pour agir en justice à l'occasion d'une affaire déterminée habilite celui-ci à intenter les voies de recours contre le jugement rendu sur cette action », en l'occurrence un appel). En la matière, tout dépend en réalité de la façon dont le mandat a été donné, d'où l'importance d'un écrit et d'une rédaction précise. L'absence de pouvoir ou le dépassement de celui-ci par le mandataire entraîne en effet des sanctions énergiques.