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COMMISSION DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ RÉUNION DIMANCHE 27 MAI 2018 Salle plénière, Sejm

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COMMISSION DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ

RÉUNION

DIMANCHE 27 MAI 2018

Salle plénière, Sejm

DSC 244 DSC 17 F Original : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMPTE RENDU

de la réunion de la commission de la défense et de la sécurité

Salle plénière, Sénat, Parlement (Sénat et Chambre des députés)

Bucarest, Roumanie

samedi 7 et dimanche 8 octobre 2017

www.nato-pa.int octobre 2017

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LISTE DE PRÉSENCE Président Raymond KNOPS (Pays-Bas) Rapporteur général Joseph A. DAY (Canada) Rapporteur spécial Wolfgang HELLMICH (Allemagne) Président de l’AP-OTAN Paolo ALLI (Italie) Secrétaire général de l’AP-OTAN David HOBBS Délégations membres Albanie Mimi KODHELI Perparim SPAHIU Xhemal QEFALIA Belgique Peter BUYSROGGE Karolien GROSEMANS Sébastian PIRLOT Karl VANLOUWE Veli YÜKSEL Bulgarie Hristo GADZHEV Simeon SIMEONOV Canada Leona ALLESLEV Pierre-Hugues BOISVENU Michael COOPER Pierre PAUL-HUS Croatie Miro KOVAC République tchèque Patrik KUNCAR Martin SEDLAR Danemark Peter Juel JENSEN Estonie Hannes HANSO Marko MIHKELSON France Sonia KRIMI Jean-Charles LARSONNEUR Joachim SON-FORGET Allemagne Rainer ARNOLD Lorenz CAFFIER Karin EVERS-MEYER Wolfgang HELLMICH Anita SCHÄFER Grèce Andreas LOVERDOS Ioannis PLAKIOTAKIS Hongrie Matyas FIRTL Italie Lorenzo BATTISTA Luciano URAS Vito VATTUONE Lettonie Artis RASMANIS Lituanie Juozas OLEKAS Monténégro Obrad Miso STANISIC Pays-Bas Bastiaan van APELDOORN Franklin van KAPPEN Raymond de ROON Herman SCHAPER

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Norvège Sverre MYRLI Pologne Waldemar ANDZEL Przemyslaw CZARNECKI Jan DOBRZYNSKI Stanislaw PIETA Portugal Joao REBELO Roumanie Nicu FALCOI Mihai Valentin POPA Slovaquie Anton HRNKO Slovénie Matjaz NEMEC Espagne Eugenio Jesus GONZALVEZ Gabino PUCHE Luis RODRIGUEZ-COMENDADOR Turquie Ziya PIR Sirin UNAL Royaume-Uni Lord CAMPBELL OF PITTENWEEM Kevan JONES Madeleine MOON Alec SHELBROOKE Bob STEWART États-Unis Paul COOK Thomas MARINO Michael R. TURNER Délégations associées Arménie Koryun NAHAPETYAN Autriche Hubert FUCHS Anton HEINZL Azerbaïdjan Gudrat HASANGULIYEV Malahat IBRAHIMGIZI Finlande Eero HEINALUOMA Mikko SAVOLA Serbie Vladimir DJUKANOVIC Suède Björn von SYDOW Hans WALLMARK Suisse Isidor BAUMANN Josef DITTLI Werner SALZMANN Ukraine Yurii BEREZA Iryna FRIZ Oksana YURYNETS Délégations des partenaires régionaux et membres associés méditerranéens Algerie Nordine BENKORTBI Jordanie Hussein MAJALI Maroc Mohammed AZRI Observateurs parlementaires Australie Ross HART Égypte Eid HAIKL Khaled MEGAHED Kazakhstan Yersultan BEKTURGANOV République de Corée Sang Don LEE Jong-Kul LEE

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Invités parlementaires Afghanistan Mohammad Alam EZEDYAR Khalid A. PASHTOON Intervenants Mihai-Viorel FIFOR ministre de la défense nationale de la Roumanie Général Nicolae-Ionel CIUCĂ chef d'état-major général de la Roumanie Thomas KARAKO chercheur principal, programme pour la sécurité

internationale, directeur du projet de défense antimissile, centre d’études stratégiques internationales

Elizabeth PEARSON chercheuse associée, RUSI, et doctorante au

King’s College de Londres Emily WINTERBOTHAM maître de recherche, RUSI Secrétariat international Ethan CORBIN, directeur Anna PICHLER, coordinatrice Carmyn CHAPMAN, assistante de recherche

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I. Remarques préliminaires de Raymond KNOPS (Pays-Bas), président 1. Le président de la commission de la défense et de la sécurité (DSC), Raymond Knops (NL), souhaite la bienvenue à tous les membres de la commission ainsi qu’aux observateurs présents à Bucarest, et remercie la délégation de la Roumanie d’accueillir la session annuelle 2017. Il rappelle ensuite la procédure à suivre pour le dépôt d’amendements aux projets de résolution de la commission sur la coopération OTAN-UE et les opérations de l’OTAN en Afghanistan, soulignant notamment que les amendements doivent être remis au secrétaire de la commission le matin même, avant 10h30. Il indique également que le dimanche 8 octobre, à la fin de la réunion, la commission élira les nouveaux membres appelés à occuper les postes devenus vacants des bureaux de la commission et des sous-commissions, à savoir le président et le vice-président de la DSCFC et un représentant au Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN. Tous les autres membres en exercice des bureaux sont rééligibles. Les candidats intéressés sont priés de communiquer leurs candidatures au directeur de la commission de la défense et de la sécurité, Ethan Corbin. Le président souhaite ensuite la bienvenue aux intervenants qui vont s’exprimer devant la commission et signale que leurs biographies ainsi que les textes de tous les exposés et interventions pourront être consultés sur le nouveau site web de l’AP-OTAN. Il invite ensuite la commission à passer à l’examen des différents points inscrits à l’ordre du jour. II. Adoption du projet d'ordre du jour [160 DSC 17 F] 2. Le projet d’ordre du jour [160 DSC 17 F] est adopté. III. Adoption du compte rendu de la réunion de la commission de la défense et de la sécurité tenue à Tbilissi (Géorgie) le samedi 27 mai 2017 [139 DSC 17 F] 3. Le compte rendu de la réunion de la commission de la défense et de la sécurité [139 DSC 17 F] est adopté en l’état. IV. Procédure pour les amendements aux projets de résolution Une coopération OTAN-UE

plus étroite [217 DSC 17 F] et Appuyer les forces de défense et de sécurité nationales afghanes [216 DSC 17 F]

4. Le président présente la procédure à suivre en vue des amendements aux projets de résolution Une coopération OTAN-UE plus étroite [217 DSC 17 F] et Appuyer les forces de défense et de sécurité nationales afghanes [216 DSC 17 F]. Il rappelle que les amendements doivent être déposés auprès du secrétaire de commission au plus tard le dimanche à 10h30. Les amendements relatifs aux résolutions présentées en plénière devront quant à eux être soumis au service de la séance et des procédures au plus tard le lundi à 10h. V. Table ronde et débat sur L'évolution de la situation en matière de sécurité en Roumanie

et dans la région de la mer Noire 5. Le président présente les deux intervenants du pays hôte qui vont prendre la parole dans le cadre de la table ronde consacrée à l’évolution de la sécurité en Roumanie et dans la région de la mer Noire. Le premier à s’exprimer est Mihai-Viorel Fifor, ministre de la défense nationale de la Roumanie. Monsieur Fifor souhaite la bienvenue aux délégués dans son pays et insiste sur l’importance de la réunion. Il enchaîne en rappelant que l’OTAN et les autres institutions multilatérales occupent une place de choix dans la politique de sécurité de la Roumanie et apportent une contribution de premier plan aux vastes efforts visant à préserver les valeurs de la communauté euro-atlantique.

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6. M. Fifor déclare qu’avec la présence militaire croissante de la Russie dans la région et notamment en Crimée, la situation sécuritaire en mer Noire n’a jamais été aussi préoccupante depuis la fin de la guerre froide. Il qualifie le contexte actuel de « volatile et imprévisible ». Afin de contrer cette tendance, poursuit-il, la Roumanie revoit aujourd’hui à la hausse ses investissements au titre des capacités intervenant dans la connaissance de la situation, au niveau national et à l’échelle plus vaste de la région. 7. M. Fifor passe ensuite en revue les éléments clés de la politique roumaine de sécurité et de défense, et indique que le ministère roumain de la défense projette, dans le cadre du renforcement des engagements de son pays auprès des organisations internationales, de développer les capacités nationales de défense. La Roumanie compte, à ce titre, donner la priorité aux efforts d’adaptation décrétés par l’OTAN dans le sillage des événements survenus en 2014 et ce faisant, mettre en place une approche à 360 degrés de la sécurité. Elle a revu ses contributions à l’OTAN à la hausse, notamment en hébergeant des éléments de la présence avancée adaptée (tFP) sur le flanc est de l’Alliance et en fournissant des troupes au groupement tactique sous commandement des États-Unis participant à la présence avancée rehaussée (eFP). La situation de la Roumanie au carrefour des Balkans occidentaux et de la région de la mer Noire peut constituer un atout stratégique, ajoute M. Fifor. Son pays continuera de prôner une approche unitaire pour la présence avancée rehaussée des Alliés sur le flanc est, et est reconnaissant à ces derniers pour leurs contributions à ces unités. 8. M. Fifor élargit ensuite son propos à d’autres menaces sécuritaires croissantes, comme le terrorisme, la prolifération des ADM et les risques liés à la cybersécurité et à la sécurité énergétique. S’agissant de la réponse à apporter face à ces défis, il souligne le soutien qu’apporte son pays aux initiatives de défense intelligente ainsi qu’à divers grands projets de renforcement capacitaire comme la défense antimissile alliée, le système allié de surveillance terrestre, les capacités alliées de détection lointaine aéroportée et les moyens aériens de transport stratégique. Il conclut son exposé en encourageant l’Alliance à continuer de diffuser son message d’unité et de solidarité et à réaffirmer son attachement à rester garant du droit international. 9. M. Knops remercie le ministre pour son exposé. Il présente ensuite le deuxième intervenant de cette table ronde, à savoir le général Nicolae-Ionel Ciucă, chef d’état-major général de la Roumanie. Le général Ciucă souhaite la bienvenue aux membres distingués de l’Assemblée et se dit honoré de pouvoir contribuer au débat sur la sécurité et la stabilité dans la région de la mer Noire. Il explique que depuis deux décennies, cette zone, hier encore espace de coopération, est devenue le théâtre d’une concurrence stratégique où s’affrontent intérêts économiques, politiques et militaires. Les derniers événements en date, explique-t-il, mettent en lumière une détérioration de la sécurité que vient encore accentuer la crise en cours au Moyen-Orient. Le général Ciucă recommande à tous les États membres de l’OTAN de rester particulièrement attentifs à la manière dont ces défis évoluent, car la stabilité de la région conditionne la sécurité de tout le flanc est de l’OTAN. 10. Le général Ciucă passe également en revue les contributions que son pays, conformément aux décisions du sommet de Varsovie sur la mise en place d’une présence dissuasive plus robuste en Europe orientale, mobilise pour assurer une présence plus solide et plus cohérente de l’OTAN dans cette région. Depuis 2016, une division multinationale de l’OTAN et une unité d’intégration des forces OTAN (NFIU) sont basées en Roumanie, et la NFIU roumaine a pris part à différents exercices menés à l’échelle de l’Alliance sur l’état de préparation et l’interopérabilité. Le général explique par ailleurs que la Roumanie a donné un coup d’accélérateur au processus de modernisation de ses forces armées et œuvre à l’amélioration permanente de sa préparation et de son interopérabilité. 11. Le général Ciucă insiste également sur l’engagement de la Roumanie en faveur des objectifs en matière de dépenses de défense définis par l’OTAN. À partir de 2017 et tout au long de la prochaine décennie, son pays consacrera 2 % de son PIB au budget de la défense et il a, dès cet année, affecté plus de 20 % de cette enveloppe budgétaire à l’achat de nouveaux matériels,

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dépassant ainsi le plancher fixé par la directive OTAN. Il rappelle également que la Roumanie participe au groupement tactique eFP sous commandement des États-Unis et souligne les résultats positifs obtenus avec l’intensification de l’entraînement multinational interarmées et des missions de surveillance aérienne menées par le Royaume-Uni, l’Italie et le Portugal dans la région de la mer Noire. Il établit des parallèles entre présence avancée adaptée et présence avancée rehaussée sur le flanc est, et affirme que, couplé à la planification de défense et à la mise en place de nouvelles capacités, un renforcement de ce dispositif sur l’ensemble du flanc Est apporterait une contribution déterminante à la sécurité de l’Alliance tout entière. 12. En guise de conclusion, le général Ciucă souligne les contributions que la Roumanie apporte aux efforts de sécurité et de stabilité menés par l’OTAN dans le cadre de la coalition mondiale anti-Daech en Syrie et en Iraq et de la mission en cours en Afghanistan. 13. Juozas Olekas (LT) demande quelles mesures additionnelles pourraient être prises pour stabiliser la situation dans la région de la mer Noire : de nouvelles sanctions économiques, une présence militaire plus marquée de l’Alliance, un soutien accru pour l’Ukraine ? Pour M. Fifor, il faut miser sur une présence politique renforcée de l’Ukraine au sein de l’OTAN et sur le partenariat stratégique avec les États-Unis. Il ajoute que l’Alliance pourrait s’efforcer, plus généralement, d’élargir et d’approfondir sa présence sur le flanc est et insiste sur l’importance des gestes politiques et militaires de solidarité avec l’Ukraine. 14. Madeleine Moon (UK) rappelle les graves défis auxquels est confrontée la Roumanie dans la lutte contre les tactiques de cyberdéstabilisation et d’autres menaces hybrides, que ce soit sur son territoire ou à l’échelle de la région. Elle demande notamment si, à l’exemple de ce qui s’est passé aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Allemagne, la Roumanie a été confrontée à des campagnes de désinformation et à des ingérences électorales orchestrées depuis la Russie et, à supposer que la réponse soit affirmative, quelle tactique a été adoptée par Bucarest face à de tels agissements. M. Fifor répond qu’il pense que tous les pays de l’Alliance sont confrontés à des tentatives d’ingérence de la Russie dans leurs affaires intérieures. La Roumanie cherche aujourd’hui à développer des capacités spécifiquement destinées à contrer de telles menaces. Son pays, poursuit-il, restera très attentif à cette question. 15. Michael R. Turner (US) rappelle que son pays et la Roumanie entretiennent une relation bilatérale solide, comme en témoigne notamment le stationnement, à Deveselu, du premier site du système Aegis Ashore de défense antimissile balistique, symbole des intérêts de défense convergents des États-Unis, de l’Alliance et de la Roumanie. Il se félicite de la volonté affichée de la Roumanie d’atteindre la référence des 2 % fixée pour les dépenses de défense des pays de l’OTAN et demande ce qui pourrait encore être fait pour garantir l’efficacité de la défense antimissile balistique de l’OTAN. En guise de réponse, M. Fifor livre quelques réflexions sur la réussite du projet implanté à Deveselu. Il ajoute que la Roumanie, dans le cadre de son programme global d’amélioration de la réactivité, prévoit l’achat de sept systèmes Patriot SM et de 36 avions F-16 supplémentaires. Ces efforts, dit-il, contribueront largement à moderniser les capacités de défense de son pays. Lord Campbell of Pittenweem (UK) revient lui aussi sur les contributions de la Roumanie à l’OTAN, et sur sa volonté de déployer des forces. Revenant à la question de M. Turner sur les systèmes de défense aérienne, il demande en quoi consistent les moyens navals de la Roumanie, et si un remplacement ou une mise à hauteur de ces derniers sont à l’ordre du jour. M. Fifor déclare que les moyens maritimes constituent effectivement un élément clé de la dissuasion sur le flanc est de l’OTAN, et indique que son pays projette de moderniser et de renouveler ses forces navales, notamment en produisant quatre corvettes au travers d’un programme de coopération industrielle. Il ajoute que davantage de volonté politique sera nécessaire si l’on veut mener ces programmes à bien. 16. Paul Cook (US) revient au débat sur la réactivité en évoquant la visite qu’il a effectuée dans la région au mois d’août, à l’occasion des exercices de tir réel menés par l’OTAN en Géorgie. Tout en soulignant le professionnalisme et les compétences des forces armées roumaines, il tient à

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revenir sur les problèmes logistiques propres à la région (un aspect que Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, évoquera d’ailleurs aussi plus tard, au cours de la session plénière). Selon lui, il est nécessaire, pour répondre à l’impératif de vitesse – facteur indispensable en cas de gestion d’une crise et de déploiement de forces dans la région –, de s’attaquer à la bureaucratie aux frontières et de rechercher une solution aux défis logistiques. M. Fifor convient qu’une réponse militaire efficace repose largement, en effet, sur la rapidité. Cela étant, l’amélioration des infrastructures suppose que la Roumanie maintienne sa croissance économique et que l’ambitieux train de mesures infrastructurelles décrété par le gouvernement puisse être mis en œuvre. M. Fifor plaide pour l’inclusion de la Roumanie dans l’espace Schengen. 17. Joao Rebelo (PT) souligne l’excellente relation entre le Portugal et la Roumanie et remercie le ministre d’avoir tenu compte, dans sa description du paysage de sécurité de l’OTAN, des menaces provenant du sud. Il demande ensuite si des aéronefs et des navires russes violent l’espace aérien roumain ou les eaux territoriales du pays. Il souhaite également obtenir des éclaircissements sur l’ordre de grandeur des dépenses militaires et de défense de la Roumanie. Le ministre remercie le Portugal de son soutien. Il affirme que la Russie commet effectivement des violations de l’espace aérien roumain, lesquelles justifient d’ailleurs les missions de police du ciel menées aujourd’hui en Roumanie et plus largement dans la région. Il précise que les dépenses de défense de la Roumanie, (2 % du PIB) représentent, en 2017, quelque 3,8 milliards de dollars, dont 38 % – soit 1,4 milliard de dollars – sont affectés aux acquisitions. Les forces roumaines sont constituées de 90 000 effectifs (75 000 militaires et 15 000 civils) regroupés dans une armée de métier. Yuri Bereza (UA) revient sur l’attitude agressive de la Russie dans la région. Pour lui, ce comportement est emblématique de la concurrence stratégique plus vaste qui oppose aujourd’hui la Russie et l’Occident. Il demande au ministre comment interpréter l’évolution de la situation en Transnistrie, à l’heure où des troupes russes sont massées le long de la frontière avec la Roumanie. Le ministre déclare que la présence de la Russie dans cette région constitue une source de réelle préoccupation, en particulier depuis l’annexion de la Crimée. C’est pourquoi la Roumanie veut contribuer au maintien d’une posture ferme, et montrer qu’elle est prête à agir dans la partie orientale du territoire de l’Alliance. La Roumanie, ajoute-t-il encore, a l’intention de faire sienne la politique de fermeté prônée par le secrétaire général de l’OTAN, en évitant toutefois de faire monter les tensions. 18. Mimi Kodheli (AL) revient sur les propos qu’a tenus le ministre au sujet de la montée de la menace terroriste dans les Balkans. Elle dit ne pas partager son évaluation s’agissant de l’ampleur du problème. Il lui semble au contraire que le défi lié au terrorisme dans la région s’atténue par rapport aux années précédentes, et demande si le problème ne pourrait pas être résolu, avant tout, par une meilleure communication de l’information. M. Fifor répond que Mme Kodheli l’a probablement mal compris. Pour lui, le terrorisme constitue une menace parmi d’autres et il n’a pas voulu dire que le phénomène s’intensifiait dans les Balkans, mais que les menaces provenant du sud doivent être considérées dans leur globalité. 19. Le président Knops remercie M. Fifor et le général Ciucă pour ces exposés particulièrement éclairants et plus largement, la Roumanie pour ses contributions à l’OTAN. VI. Examen du projet de rapport spécial Afghanistan [164 DSC 17 F] présenté par

Wolfgang HELLMICH (Allemagne), rapporteur spécial 20. La réunion reprend avec l’examen du projet de rapport spécial sur l’Afghanistan présenté par Wolfgang Hellmich (DE). M. Hellmich rappelle en quoi il est important, pour la commission, d’établir des bilans périodiques de l’environnement de sécurité, des réformes et des secteurs politique, civil et économique en Afghanistan. De nombreux Alliés et partenaires internationaux ont en effet beaucoup investi dans ce pays, et continuent de le faire aujourd’hui. L’intervenant revient notamment sur la participation de la Roumanie à la mission en Afghanistan – avec 587 hommes déployés, elle est aujourd’hui le 6e fournisseur de troupes – et sur l’annonce, faite récemment par Washington, de l’envoi dans ce pays de 4 000 hommes supplémentaires qui seront chargés de former les forces

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nationales de défense et de sécurité (ANDSF) et les forces spéciales afghanes, ainsi que d’améliorer leur préparation au combat. 21. M. Hellmich explique que les opérations de lutte contre le terrorisme menées par les États-Unis continuent de faire reculer Daech dans le pays. Cela dit, la menace que cette organisation fait peser sur l’Afghanistan reste bien réelle, comme en témoignent plusieurs opérations à grande envergure menées avec succès par le groupe à Kaboul au cours de l’année écoulée. L’intervenant épingle également l’aggravation de la violence et l’augmentation du nombre de victimes civiles dans l’ensemble du pays entre 2016 et 2017, qui auront été les années les plus violentes depuis 2009. 22. M. Hellmich indique que le gouvernement de Kaboul se mobilise lui aussi face au regain de violence. Tandis que l’OTAN décidait de consacrer des forces à la remise sur pied des ANDSF, le président Ghani s’est engagé à renforcer les capacités de ces dernières au cours des quatre prochaines années et a annoncé le lancement d’une vaste campagne de lutte contre la corruption. L’intervenant rappelle également que le gouvernement des États-Unis et la direction de l’OTAN s’efforcent de résoudre la problématique des soldats fantômes, et prennent des mesures destinées à réduire les gaspillages et à éliminer les fraudes et les malversations. Ces mesures destinées à déraciner la corruption au sein des forces armées s’inscrivent dans le cadre d’efforts plus larges visant à combattre la corruption dans le secteur public. Enfin, M. Hellmich rappelle que les actes de violence commis par les insurgés ont des retombées concrètes sur l’économie : les investissements étrangers directs dans le secteur privé ne parviennent pas à décoller, et pourraient bien être dépassés par les investissements en provenance de la région. 23. M. Hellmich conclut son intervention en soulignant qu’il est absolument indispensable, pour éviter que l’Afghanistan ne redevienne un sanctuaire pour les groupes terroristes, de miser sur la lutte contre le terrorisme et sur les missions de sécurité et de stabilité, et que la charge inhérente à ces tâches doit être partagée entre tous les membres de l’Alliance. Cela étant, la voie à suivre est semée de difficultés liées notamment à la dynamique politique régionale et au rapatriement des millions d’Afghans ayant trouvé refuge au Pakistan et en Iran (à l’heure actuelle, 9 millions de personnes ont désespérément besoin d’aide). Avant toute chose, il importe, déclare M. Hellmich, de faire en sorte que les ANDSF disposent des matériels et du leadership nécessaires pour prévenir l’intensification de la violence dans le pays et débloquer la situation avec les talibans. De ce point de vue, la mission Resolute Support menée par l’OTAN et son financement sont on ne peut plus importants. S’exprimant au nom de l’Alliance, M. Hellmich, exige de solides « retours sur investissements » en Afghanistan, comme la mise sur pied d’institutions fortes et une autosuffisance plus poussée. 24. M. Hellmich annonce ensuite à la commission qu’un représentant du Parlement afghan a demandé à prendre la parole en séance. Invité à s’exprimer, Mohammad Alam Ezedyar (AF) fait part de la reconnaissance de son pays aux États membres de l’OTAN et à leurs partenaires, qui continuent d’épauler l’Afghanistan dans la lutte contre le terrorisme. Le terrorisme, poursuit-il, n’est pas seulement une menace compromettant directement la sécurité mais il sape également la croissance et le progrès ; c’est un défi majeur qui remet en question la paix et la sécurité mondiales. Pour M. Ezedyar, il n’y a pas d’autre alternative que de venir à bout des groupes terroristes. Mais il faut également prôner le développement durable pour tous les aspects de la vie – culture, politique, société, économie –, car celui-ci participe à l’établissement d’une société viable à long terme et d’un climat de paix en Afghanistan. M. Ezedyar préconise une coordination accrue avec les autres pays de la région, en particulier la Turquie, la Russie, les pays d’Asie centrale et l’Inde car, dit-il encore, il ne peut y avoir de victoire en Afghanistan en l’absence de coopération et de coordination entre tous les acteurs concernés. 25. Le président rappelle lui aussi combien l’OTAN s’investit dans la mission Resolute Support menée actuellement en Afghanistan. Sirin Unal (TR) se dit préoccupé par l’utilisation du terme « chef de guerre » utilisé pour décrire M. Dostrum au paragraphe 44 et de la référence, au paragraphe 71, à la zone dite « pachtoune ». Il demande également que la conclusion fasse ressortir

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plus explicitement que les processus de paix, la stabilité et la sécurité en Afghanistan sont avant tout des prérogatives du peuple et du gouvernement afghan. M. Hellmich répond que les termes utilisés dans le projet de rapport sont conformes aux informations les plus récentes dont dispose la commission sur la situation intérieure du pays et qu’il compte dès lors maintenir le libellé actuel. Par contre, le texte de la conclusion devrait pouvoir être modifié. Madeleine Moon suggère quant à elle que les versions ultérieures du rapport abordent de manière plus détaillée la corruption au sein des forces de police, dans l’administration et dans le secteur social ainsi que la géopolitique de la région et les relations diplomatiques de l’Afghanistan avec ses voisins. Lorenzo Battista (IT) souligne l’importance du renforcement des capacités et de l’édification de l’État en Afghanistan – thématique déjà abordée par M. Ezedyar – et souhaite en savoir plus sur la stratégie à long terme pour ce pays, s’agissant notamment des niveaux de troupes nécessaires pour garantir la réussite de la mission dirigée par l’OTAN. M. Hellmich remercie Mme Moon de ses suggestions et, convenant que la situation régionale devrait effectivement être traitée de manière plus approfondie, émet également l’idée selon laquelle les efforts de l’OTAN en Afghanistan devraient être complétés par une stratégie de paix coordonnée avec la Russie, l’Inde et la Chine. Il réaffirme qu’il ne suffit pas d’appliquer une stratégie militaire pour obtenir la paix, et que les efforts dans les domaines de la diplomatie et du développement doivent s’intensifier. 26. Khalid Pashtoon (AF) fait état des différents progrès enregistrés sur les fronts de la sécurité et de la stabilité en Afghanistan. Il indique qu’au cours de l’année 2017, la guerre contre le terrorisme a produit des résultats jamais atteints auparavant, et que les populations sont plus nombreuses à envisager l’avenir du pays avec optimisme. D’après lui, cette situation tient à la croissance des investissements réalisés par la communauté internationale et à l’action plus efficace des forces armées et la police nationales afghanes. Jean Charro (FR) se félicite lui aussi de la qualité du rapport et considère, à l’instar de Madeleine Moon, que la commission devrait s’intéresser de plus près au rôle des acteurs régionaux – Pakistan, Inde et Chine, pour être précis – dans le conflit intérieur afghan. Le projet de rapport [164 DSC 17 F] est adopté. VII. Table ronde et débat sur L’OTAN et la défense antimissile balistique : exposé de

Thomas KARAKO, chercheur principal auprès du programme pour la sécurité internationale et directeur du projet de défense antimissile du Centre d’études stratégiques internationales (CSIS), sur L’avenir de la défense aérienne et antimissile intégrée en Europe et examen du projet de rapport L’OTAN et la défense antimissile balistique [161 DSC 17 F] présenté par Joseph A. DAY (Canada)

27. Après le déjeuner, le président accueille à nouveau les membres de la commission et présente la discussion suivante, qui sera consacrée à la défense antimissile balistique (BMD). Il indique que des exposés vont être présentés par Thomas Karako, expert du Centre d’études stratégiques internationales, ainsi que par le rapporteur de la commission, le sénateur canadien Joseph A. Day. Thomas Karako commence par évoquer les contributions impressionnantes de la Roumanie à l’architecture OTAN de défense aérienne et antimissile balistique. Il résume les trois grands aspects qu’il compte aborder et soumettre à l’examen des parlementaires, à savoir, premièrement, la nécessité, pour l’OTAN, de rester engagée dans la défense antimissile balistique et de maintenir le cap fixé pour les déploiements Aegis Ashore ; deuxièmement, étendre la portée de la BMD à la défense aérienne et antimissile intégrée (IAMD) et troisièmement, la nécessité de reconnaître que la relation problématique de l’OTAN avec Moscou est liée, entre autres, à la question des missiles russes.

28. M. Karako donne un aperçu global de l’environnement stratégique et affirme que le système international est aujourd’hui le théâtre d’une « renaissance » du secteur des missiles caractérisée par une croissance de l’offre et de la demande de systèmes de missiles à grande vitesse et à niveau élevé de précision. Cette réalité est correctement décrite dans le projet de rapport de la commission, lequel insiste par ailleurs sur l’attachement de l’OTAN à un cadre de dissuasion et de défense équilibré comprenant à la fois, conformément à la Déclaration de Varsovie, des moyens de défense

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antimissile et de dissuasion nucléaire. M. Karako revient ensuite sur la menace que la Corée du Nord fait peser sur l’OTAN, reflétée par l’intensification des essais nucléaires, de missiles et d’ICBM depuis le début de l’année. Il est dès lors probable, selon lui, que les États-Unis rééquilibreront leur arsenal en privilégiant la défense antimissile du territoire américain. Mais Washington ne devrait pas, selon toute probabilité, négliger pour autant les projets de défense antimissile à l’extérieur de ses frontières, et notamment l’approche adaptative phasée pour la défense antimissile en Europe (EPAA). 29. M. Karako évoque ensuite la menace représentée par les missiles iraniens. Étant donné, dit-il, que le Plan d’action global conjoint (JCPOA) n’a, en tant que tel, pas de prise sur le développement de missiles par l’Iran, des moyens actifs supplémentaires, comme une architecture BMD efficace et flexible, vont s’avérer nécessaires pour faire contrepoids au programme iranien de missiles. Il est impératif, ajoute-t-il, que l’OTAN prenne conscience des risques de déstabilisation que font peser, sur sa posture de dissuasion et de défense, le positionnement agressif de la Russie sur le front est de l’Alliance et la multiplication des zones russes A2AD (anti-accès/déni de zone). L’OTAN doit, recommande-t-il, continuer à réaffirmer clairement la finalité de l’architecture BMD de l’Alliance et à lutter contre la désinformation propagée par la Russie. 30. En conclusion, M. Karako rappelle que l’OTAN doit redoubler d’efforts pour intégrer une défense aérienne et défense antimissile renforcées, de manière à disposer des moyens nécessaires pour mettre en échec la large gamme de menaces complexes et imbriquées posées par les missiles. Il souligne l’intérêt de dégager des synergies entre les moyens IAMD de l’OTAN, et de veiller à leur interopérabilité. Les Alliés doivent, dès à présent, assurer un suivi étroit des achats nationaux dans le domaine de la défense aérienne et antimissile balistique, de sorte que leurs matériels soient interopérables et puissent trouver leur place dans l’architecture OTAN. Il suggère également la mise sur pied d’un nouveau Centre d’excellence OTAN sur l’IAMD qui serait calqué sur le modèle des centres IAMD d’Abu Dhabi et d’Hawaï. De telles mesures contribueront, dit-il, à la mise en place de capacités IAMD plus robustes et donc, viendront renforcer la dissuasion, améliorer la stabilité et aider à la réalisation d’un certain nombre de buts stratégiques de l’Alliance dans les domaines politique, économique et militaire. 31. Joseph A. Day (CA) présente ensuite le projet de rapport général intitulé L’OTAN et la défense antimissile balistique. Il remercie la commission du vif intérêt qu’elle porte à cette question, et rappelle que ce rapport est destiné à replacer le sujet dans un contexte plus vaste, de manière à aider les parlementaires à mieux comprendre la progression et la finalité de l’architecture BMD actuelle et future de l’OTAN. Évoquant la visite effectuée par la DSC en Corée du Sud au mois de septembre, il revient sur les menaces nouvelles et en évolution que font peser les moyens nucléaires et les missiles balistiques de Pyongyang, et rappelle, une fois encore, qu’il faut se garder de sous-estimer la motivation ou les capacités du régime de Kim Jong-Un. Les derniers essais montrent que la Corée du Nord développe des systèmes indigènes de plus en plus performants, aux portées de plus en plus longues et aux systèmes de rentrée de plus en plus sophistiqués, qui sont susceptibles de menacer directement le territoire continental des États-Unis et l’Europe. Il souligne également que la technologie des missiles a considérablement progressé en Iran, et que l’arsenal de missiles balistiques de ce pays s’accroît. Ces moyens sont utilisés par le régime pour asseoir son pouvoir et menacer l’Europe. C’est pourquoi, indique M. Day, l’OTAN reste attachée au maintien d’une capacité centrale de défense collective et que cette question doit recevoir une attention accrue de la part de tous les dirigeants politiques et militaires de l’Alliance ainsi que de ses partenaires internationaux. 32. Le rapporteur décrit ensuite l’état actuel du système BMD de l’OTAN, dont la capacité opérationnelle initiale a été déclarée en juillet 2016. Il est important, souligne-t-il, que les Alliés maintiennent leur engagement et continuent de contribuer à l’architecture, non seulement pour renforcer l’efficacité du système et de son dispositif de commandement et de contrôle, mais également pour accompagner un processus de modernisation dans tous les États membres et optimiser le partage des charges. L’avenir du programme BMD de l’OTAN, le processus de

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modernisation et le développement du système sont tributaires d’une intégration plus poussée des moyens européens et états-uniens de défense antimissile. Joseph A. Day souscrit aux propos de M. Karako pour qui l’OTAN doit veiller à ce que les acquisitions futures touchant à la BMD soient compatibles avec ses systèmes de connaissance de la situation aérienne et de commandement et de contrôle, lesquels, rappelle-t-il, sont absolument essentiels pour la gestion des crises futures. En cette époque où les ressources affectées aux dépenses de défense se raréfient, il est important, souligne-t-il encore, d’« acheter intelligent ». 33. Le sénateur Day souligne par ailleurs que les dirigeants de l’Alliance doivent opposer une réponse aux arguments que fait valoir la Russie à l’encontre de la BMD de l’OTAN, et rappeler notamment que cette dernière est conçue non pas pour affaiblir les capacités de dissuasion stratégiques de la Russie, mais pour mettre les moyens militaires et les populations européennes à l’abri de tout type de menace faisant intervenir des missiles balistiques. Il ressort clairement du rapport que les inquiétudes de la Russie ne sont pas fondées et que le message que Moscou s’efforce de faire passer est guidé par l’opportunisme politique et s’adresse avant tout à l’opinion russe. En conclusion, l’intervenant réaffirme que l’Alliance est fermement déterminée à protéger ses membres face aux menaces en devenir que font peser les missiles balistiques. Il conclut en encourageant les parties concernées à maintenir leurs investissements au titre du système BMD et à se tenir informés de l’évolution de la question. 34. M. Turner, membre du Congrès des États-Unis, accueille avec satisfaction ce rapport révisé, qui réfute explicitement les objections non fondées de la Russie à l’encontre de la défense antimissile de l’OTAN. Il fait part des préoccupations que lui inspire le programme d’armement nucléaire de la Russie, qui, indique-t-il, n’est peut-être pas traité de manière suffisamment approfondie dans le projet de rapport. Le dispositif de défense de Moscou est, d’après lui, conçu pour mettre en échec la dissuasion nucléaire de l’OTAN. M. Turner fait également siennes les observations du rapporteur Day sur les activités de désinformation de la Russie et insiste pour que l’OTAN empêche Moscou de parvenir à ses fins. Joseph A. Day approuve. Raymond de Roon (NL) demande ensuite à M. Karako quelles seront les conséquences de l’acquisition du système S-400 russe par la Turquie et comment les membres de l’OTAN devraient, selon lui, se positionner par rapport à cette question. Mme Moon s’inquiète également des incidences que peuvent avoir des achats de ce type pour l’Alliance au Moyen-Orient – elle cite notamment l’acquisition de systèmes russes de défense aérienne par l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis. M. Karako, rappelant une fois encore toute l’importance de l’interopérabilité et de l’intégration des capacités des États membres, est d’avis que ces matériels ne pourront malheureusement pas être intégrés au dispositif OTAN de défense aérienne et antimissile. Ces achats vont, selon lui, ralentir encore le développement d’une situation aérienne claire et complète dans la région. On se trouve confronté ici à des décisions à caractère politique préjudiciables au partage des informations techniques. 35. Pierre Paul-Hus (CA) recentre le débat sur la Corée du Nord et la menace pesant sur les membres nord-américains de l’OTAN. Il fait remarquer que son pays n’est pas totalement à l’abri de cette menace en évolution, et demande de quelles manières l’OTAN pourra contribuer à la protection du Canada, qui compte parmi ses membres. M. Day répond, comme il a été souligné dans un rapport du Sénat canadien, que le Canada doit faire cause commune avec les États-Unis pour la mise en place d’une défense antimissile efficace pour l’ensemble du territoire allié. Jean-Charles Larsonneur (FR) rappelle l’importance de la dissuasion nucléaire, et indique que la défense antimissile ne peut se substituer à cette dernière. M. Karako convient que la défense et la dissuasion de l’OTAN doivent reposer sur une combinaison de moyens nucléaires et conventionnels et de défense antimissile. Il souligne et répète que la défense antimissile n’a pas à faire office de monnaie d’échange dans des négociations sur la maîtrise des armements. Enfin, le rapporteur souligne que l’OTAN doit continuer à progresser sur la voie d’un système de défense antimissile flexible tourné vers l’avenir.

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36. Sirin Unual revient sur l’importance de pouvoir choisir ses fournisseurs de matériels. Il déclare que certains membres de l’OTAN refusent de procéder aux transferts de technologies qui accompagnent normalement les acquisitions aux fins de la défense aérienne, obligeant des pays comme la Turquie à se tourner vers d’autres interlocuteurs à même de leur procurer les capacités répondant à leurs besoins de sécurité. Il ajoute qu’à son sens, les capacités déployées actuellement par l’OTAN en Turquie ne couvrent pas la totalité du territoire de cette dernière. Plus tard, au cours du débat, Raymond de Roon réagit à cette intervention en rappelant à la commission que les Pays-Bas ont déployé des missiles Patriot en Turquie durant deux ans, et qu’il est décevant de constater qu’en retour, celle-ci a décidé d’acheter un système de défense antimissile auprès d’un adversaire stratégique de l’OTAN. Si, dit-il, le problème tient effectivement à l’absence ou à l’insuffisance des transferts de technologies, il devrait être possible d’en discuter et de dégager une situation satisfaisante. M. Unal reconnaît que l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas ont effectivement apporté un soutien à la défense aérienne de son pays, mais ont par la suite retiré leurs systèmes. En guise de conclusion, M. Knops, président de la commission, évoque l’usure complète des systèmes Patriot néerlandais après deux années de fonctionnement en continu, et rappelle le coût élevé qu’a supporté son pays en contribuant, en vertu du principe de la solidarité prévalant au sein de l’OTAN, à la défense aérienne et antimissile de la Turquie. 37. Yuri Belkova (UA) fait une intervention sur le conflit qui se poursuit dans l’est de l’Ukraine, pays qui, dit-il, pourrait jouer un rôle clé en tant que partenaire de l’Alliance. M. Karako partage les préoccupations de M. Belkova face au défi que représente la Russie pour ce pays. Cette menace pourrait utilement être contrée, ajoute-t-il, à l’aide de capacités de défense aérienne à courte portée, de missiles sol-air et de moyens de lutte contre les UAV. 38. En conclusion, Jong-Kul Lee (KR) transmet les remerciements de son pays pour le soutien que l’OTAN, en relayant les préoccupations communes exprimées par le Canada, les États-Unis et l’Europe face à la menace, a apporté à Séoul alors que la crise des missiles et du nucléaire nord-coréens faisaient grimper la tension dans la péninsule coréenne. Tout en encourageant le dialogue avec la Corée du Nord, il demande aux pays de l’OTAN de maintenir la pression diplomatique en vue de parvenir à une résolution pacifique du problème. Pour M. Knops, la visite à Séoul a contribué à la qualité du rapport. Que se passerait-il, s’inquiète Lorenzo Batista, si un essai de missile nord-coréen ne se déroulait pas comme prévu et débouchait sur une frappe involontaire au Japon susceptible d’être vue comme une agression délibérée ? Un tel incident pourrait malencontreusement susciter une escalade. M. Day convient que la situation est grave et ajoute qu’il serait précisément très dangereux, pour cette raison, de ne pas prendre les mesures voulues pour se défendre. Rappelant des arguments déjà invoqués par le sénateur Day et M. Karako, M. Batista encourage lui aussi l’Alliance à mener un effort concerté sur la voie d’un programme commun de défense antimissile. VIII. Examen du projet de rapport de la sous-commission sur la coopération transatlantique

en matière de défense et de sécurité intitulé La coopération OTAN-UE après le sommet de Varsovie [163 DSCTC 17 F] établi par Attila MESTERHAZY (Hongrie), rapporteur, et présenté par Lord Campbell (Royaume-Uni)

39. La commission passe ensuite à l’examen du projet de rapport de la commission sur la coopération en matière de défense et de sécurité sur La coopération OTAN-UE après le sommet de Varsovie établi par le parlementaire hongrois Attila Mesterhazy. Lord Campbell of Pittenweem, président de la DSCTC présente le rapport en son nom. Il commence par souligner l’importance de cette question, et indique que le projet de rapport comporte un nouveau chapitre consacré au renforcement capacitaire conjoint UE-OTAN. Il signale également que des modifications ont été apportées à la conclusion, qui présente dorénavant une description plus complète des facteurs qui continuent à freiner l’approfondissement de la coopération, et que la contribution du Parlement européen a été insérée en guise d’annexe.

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40. Lord Campbell of Pittenweem commence par évoquer l’intensification conséquente de la coopération UE-OTAN depuis la signature de la Déclaration de Varsovie en juillet 2016. Ce phénomène tient sans aucun doute, selon lui, à la multiplicité des défis sécuritaires auxquels l’Europe se trouve confrontée. En guise d’exemple de cette coopération, il cite l’exercice parallèle coordonné OTAN-UE 2017 qui a commencé début septembre. Basé sur des simulations de gestion de crise, cet exercice doit tester la mise en œuvre de plus d’un tiers des propositions communes. La coopération OTAN-UE reste axée, pour toute une série de raisons, sur le développement de capacités conjointes, les menaces hybrides, la cybersécurité et le terrorisme. Les exercices conjoints menés dans cette perspective se sont multipliés, tandis que de nouvelles initiatives, comme la mise sur pied d’un Centre d’excellence européen sur les menaces hybrides, ont vu le jour. En outre, le premier bilan de la coopération OTAN-UE publié en juin 2017 fait état d’améliorations dans la mise en commun des informations et du soutien logistique, et la première analyse conjointe du renseignement sur les menaces hybrides sera diffusée d’ici peu. 41. Reflet de ces efforts, le projet de rapport révisé comprend une section faisant le point sur les possibilités de coopération dans le domaine du renforcement capacitaire conjoint et les débouchés en la matière. Trois pistes s’avèrent porteuses à cet égard, à savoir le développement d’une compréhension et d’une perception commune des menaces, la coordination de la base industrielle de défense et la création de cadres institutionnels pour le commandement et le contrôle conjoints des forces aux fins des exercices et des opérations. Lord Campbell explique que les fonds, le personnel et les autres ressources institutionnelles sont également mis au service de formes nouvelles de soutien au renforcement capacitaire conjoint, et que le programme actif de renforcement capacitaire de l’Alliance est complémentaire des programmes préventifs, juridiques, financiers et de gouvernance globaux que mène l’UE pour combattre le terrorisme et les menaces de sécurité. En conclusion, Lord Campbell indique que l’absence d’un véritable budget commun de la défense à l’échelle de l’UE et des perceptions différentes de la menace continuent de ralentir les investissements et une coopération efficace en matière de défense. 42. Ioannis Plakiotakis (GR) confirme les progrès réalisés dans le cadre des propositions de coopération stratégique énoncées dans la déclaration conjointe. Il remet en question l’affirmation selon laquelle la question chypriote constituerait un obstacle à la coopération OTAN-UE et demande donc que ce passage du rapport soit supprimé. De même, il indique que « Berlin plus » n’a jamais été suspendu. Lord Campbell of Pittenweem répond que le rapport se contente d’énoncer des faits, et que les participants avaient la possibilité de déposer des amendements par la voie officielle. Prenant à son tour la parole, Bob Stewart (UK) indique que, du point de vue de son pays, tous les membres de l’UE et de l’OTAN ainsi que les partenaires pourront continuer à contribuer à la sécurité et à la défense de la zone euro-atlantique, et demande énergiquement à la commission de noter que les Britanniques soutiendront toujours l’Europe, même après avoir quitté l’Union européenne. Lord Campbell exprime son désaccord à cet égard et déclare que selon lui le Royaume-Uni aurait tout intérêt, du point de vue économique, politique et sécuritaire, à rester dans l’Union. Il lui semble par ailleurs irresponsable d’aborder les incertitudes inhérentes aux arrangements OTAN-UE aussi longtemps que l’article 50 n’aura pas pleinement produit ses effets. Enfin, Andreas Loverdos (GR) revient sur les questions de migration, de réfugiés, de terrorisme et de réseaux criminels dans le rapport. Il insiste sur le fait que ces quatre phénomènes ne vont pas de pair, et considère plutôt que les réseaux criminels et les terroristes tirent parti des vagues de réfugiés politiques et de migrants, raison pour laquelle l’OTAN et l’UE doivent intensifier leur coopération dans ce domaine. Lord Campbell considère quant à lui que ce paragraphe est correctement rédigé. 43. Le président clôt le débat et le projet de rapport [163 DSCTC 17 F] est adopté.

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IX. Examen du projet de rapport de la sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense Domaine spatial et défense alliée [162 DSCFC 17 F], présenté par Madeleine MOON (Royaume-Uni), rapporteure

44. Le président ouvre la seconde journée de réunion de la commission de la défense et de la sécurité en invitant les participants à se pencher sur le projet de rapport de Madeleine Moon intitulé Domaine spatial et défense alliée. Mme Moon entame son exposé en soulignant que le sujet abordé est, par nature, intéressant quoique complexe et présente une grande importance pour l’Alliance. Les progrès réguliers des technologies spatiales facilitent, dit-elle, l’exploration et l’exploitation de l’espace. Un nombre croissant d’acteurs se lancent dans la course à l’espace, et la société ainsi que les gouvernements dépendent de plus en plus des moyens spatiaux que ce soit dans la vie de tous les jours, pour les transactions commerciales ou du point de vue de la sécurité nationale. De même, les forces armées modernes exploitent de plus en plus les possibilités offertes par l’espace aux fins de la défense et des activités militaires. Le renforcement des capacités spatiales et l’amélioration des technologies afférentes à ces dernières – dans des domaines comme les communications, l’imagerie, la navigation, les systèmes d’identification et de détection ainsi que la poursuite et la désignation d’objectifs – exercent un important effet multiplicateur sur les forces et sont déterminants pour la gestion de forces conventionnelles efficaces. L’OTAN doit donc faire en sorte, pour sauvegarder la liberté de mouvement de ses forces et leur permettre d’opérer efficacement sur terre, sur mer et dans l’espace aérien, qu’aucun acteur ne puisse perturber ses moyens et ses infrastructures basés dans l’espace. Mme Moon indique également que la présence de plus en plus affirmée de la Chine et de la Russie dans le domaine spatial entraîne un risque de concurrence stratégique, voire de confrontation directe. 45. La rapporteure fait ensuite le point sur les menaces sécuritaires et de défense liées au domaine spatial et évoque notamment, à ce titre, le développement d’armements spatiaux comme les capacités ASAT. Ces dernières font en effet peser un risque sur les moyens militaires basés dans l’espace, mais aussi sur les satellites commerciaux, en ce sens que les débris résultant de la destruction cinétique d’un satellite peuvent détruire d’autres satellites. Mme Moon énumère également différents moyens non cinétiques susceptibles de perturber le bon fonctionnement d’un satellite, comme les cyberattaques, la mystification et le brouillage. Pour ces différentes raisons, il est impératif que l’OTAN renforce la résilience de ses moyens spatiaux face aux interférences, et développe, à l’échelle de l’Alliance une approche globale visant à rationaliser les mesures prises à cette fin. Mme Moon encourage les gouvernements à envisager une actualisation du cadre présidant à l’établissement de normes pour le domaine spatial. En effet, ce dernier reste relativement sous-réglementé à l’heure actuelle. Les quelques régimes en place sont dépassés, et devraient mieux prendre en compte l’évolution des modes d’utilisation de l’espace et les progrès technologiques spécifiques à cet environnement. 46. La rapporteure insiste ensuite sur la nécessité de promouvoir la coopération dans l’espace. Le but, dit-elle, doit être d’empêcher la militarisation de ce domaine et de s’opposer à toute velléité d’utiliser des armes offensives dans l’espace ou depuis ce dernier. L’objectif, à terme, serait de renforcer encore la coopération dans l’espace, plutôt que de transformer celui-ci en un pôle de rivalité et de conflit. Le rapport, signale-t-elle, énumère un certain nombre de mesures que l’on pourrait prendre à l’appui d’une politique efficace pour l’espace. Enfin, Mme Moon souligne le rôle que peuvent jouer les parlementaires en prônant une défense et une dissuasion renforcée dans ce domaine. 47. La première question est posée par Bob Stewart qui demande si l’OTAN fait appel à des moyens spatiaux aux fins du renseignement militaire. En effet, il lui semble que de telles informations ont un rôle important à jouer dans la dissuasion et la défense. Mme Moon répond que l’OTAN a effectivement recours à des satellites pour recueillir les informations les plus avancées et les plus précises possible sur ses adversaires. Joao Rebelo demande des précisions sur les données présentées dans le rapport et, s’agissant plus particulièrement du problème des débris spatiaux évoqué par la rapporteure, souhaite savoir qui recherche aujourd’hui des solutions à ce problème.

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La rapporteure répond que tous les acteurs intéressés collaborent à la mise au point de solutions, en s’efforçant de trouver un bon équilibre entre les coûts inhérents à l’élimination des débris et au remplacement des moyens spatiaux. Dans ce domaine également, dit-elle, il doit être possible de renforcer la coopération dans l’espace. Les observations finales sur le rapport sont formulées par M. Turner. Tout d’abord, il accueille avec satisfaction le changement du ton adopté par rapport au projet initial et met une fois encore l’accent sur l’envergure des défis liés à l’armement de l’espace. Il demande également que les auteurs veillent à respecter un meilleur équilibre dans leurs références aux initiatives spatiales menées par les différents pays ; souhaite voir disparaître toute mention de noms de dirigeants mondiaux et demande que l’on se garde de citer hors contexte l’analyse militaire des vulnérabilités spatiales présentée dans le document 2004 de l’armée de l’air des États-Unis. Mme Moon accède à la demande de M. Turner visant à supprimer du rapport le nom du président George Bush. Le président clôt la discussion et le projet de rapport [162 DSCFC 17 F] est adopté. X. Exposé, suivi d’un débat, sur Les Femmes, le genre et l'extrémisme violent, par

Elizabeth PEARSON, chercheuse associée au RUSI et doctorante au King’s College de Londres, et Emily WINTERBOTHAM, maître de recherche au RUSI

48. Elizabeth Pearson, doctorante en études sur la conduite de la guerre au King’s College de Londres et Emily Winterbotham, maître de recherche attachée au programme Sécurité nationale et résilience du RUSI (Royal United Services Institute), présentent à la commission un exposé sur Les femmes, le genre et l’extrémisme violent. Elles commencent par évoquer le cadre, le concept et les principales conclusions de l’étude qu’elles ont récemment consacrée au rôle de la dimension de genre dans la lutte contre l’extrémisme violent. Cette recherche, qui les a amenées à rencontrer des groupes représentatifs de différentes communautés dans cinq pays membres de l’OTAN (Belgique, Canada, Allemagne, Pays-Bas et Royaume-Uni), avait pour objectif de cerner les divers facteurs influant sur (ou intervenant dans) la lutte contre Daech et l’extrémisme violent. Les chercheuses remettent en question certaines généralisations sexospécifiques, qui sont trop présentes dans les politiques de lutte contre l’extrémisme violent quant au rôle traditionnellement attribué aux femmes – lesquelles sont instinctivement considérées comme des artisanes de la paix ou des mères et, en tant que telles, mieux à même de déceler les signes d’une radicalisation. Leurs conclusions remettent en question les manières d’associer les femmes musulmanes aux projets nationaux de lutte contre l’extrémisme violent. Les chercheuses indiquent par ailleurs que les initiatives internationales de lutte contre l’extrémisme violent accordent de plus en plus d’importance à l’information et à la sensibilisation à la dimension de genre en matière de prévention de la radicalisation. 49. Les deux intervenantes reviennent également sur les défis particuliers liés, dans ce contexte, à la radicalisation au nom de Daech, montrant comment cette organisation met la dimension sexospécifique au service de ses objectifs, aux fins d’amener les femmes et les jeunes filles à rejoindre le califat. Les entretiens menés au cours de l’étude leur ont appris que Daech propose aux femmes le concept d’un État (par opposition à un État traditionnel) où elles peuvent vivre conformément à la charia, opter pour le port de vêtements couvrants, ne pas être victimes de discrimination et exprimer leur indépendance. Pour ces raisons, les deux chercheuses encouragent les initiatives nationales de lutte contre l’extrémisme violent à accorder une plus grande place, - dans leurs politiques et leurs actions-, à la notion de libre arbitre des femmes. Mme Winterbotham explique qu’elles ont également constaté que pour les femmes, se radicaliser au nom de Daech représente une manière de s’autonomiser, et que cette évolution s’opère parfois dans le cadre d’une quête identitaire. Dans le même ordre d’idées, elles soulignent le caractère sexospécifique du recrutement, qui donne lieu à des formes différentes de radicalisation chez les femmes et chez les hommes. Dans le cas des hommes, la radicalisation s’effectue plus fréquemment dans l’espace public, tandis que les femmes sont souvent recrutées au travers de leurs réseaux de connaissances, le ciblage en ligne jouant ici un rôle particulier. Pour les deux chercheuses, il est nécessaire de bien comprendre

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que les réseaux sociaux sont un véhicule privilégié de radicalisation, en particulier dans le cas des femmes. 50. Les intervenantes ajoutent que les perceptions et les réalités sexospécifiques de la radicalisation déterminent la manière dont les femmes et les hommes ont l’impression d’être perçus et traités par les pouvoirs publics, et que ce ressenti va déterminer ou limiter la contribution qu’elles ou ils penseront pouvoir apporter aux efforts de lutte contre l’extrémisme violent. Les intervenantes considèrent également que la réflexion sur la prévention de la radicalisation doit s’appuyer sur la dimension de genre, les facteurs familiaux et la religion. Les personnes rencontrées dans le cadre de l’enquête ont indiqué que l’on avait souvent tendance à disculper les femmes radicalisées au motif qu’elles auraient été trompées, manipulées, voire conditionnées. En revanche, les femmes avaient l’impression qu’on les accablait davantage du moment où leurs enfants s’étaient radicalisés. Ce sentiment, disent les intervenantes, est plus présent dans des pays comme le Royaume-Uni où prévalent des cadres et des politiques stricts de criminalisation du terrorisme. Les autres motifs traditionnels de radicalisation, comme les facteurs socio-économiques, la discrimination et l’islamophobie ont des effets différents selon qu’ils concernent les hommes ou les femmes. Toujours selon elles, il est important d’associer tant les femmes que les hommes à la prévention de la radicalisation, d’autant plus que ce processus de radicalisation est très rapide. De même, on doit tenter de mieux comprendre le rôle de la conversion religieuse dans le processus de radicalisation. D’après les intervenantes, les situations peuvent varier en fonction de la dynamique familiale et communautaire, car celle-ci va déterminer la place et le rôle de la religion dans la vie des candidats à la radicalisation. Pour conclure, Mme Pearson et Mme Winterbotham encouragent les décideurs à adopter, pour l’élaboration des politiques de lutte contre l’extrémisme violent, une approche plus pluraliste, multidimensionnelle et souple, et à ne pas voir toutes les femmes musulmanes au travers d’un prisme unique. Elles ajoutent que des études supplémentaires doivent être menées en vue de parvenir à une meilleure prise en compte des sexospécificités dans ce contexte. 51. Lord Campbell of Pittenweem souligne la qualité du travail réalisé par les chercheuses du RUSI et demande si l’évolution du concept de genre va modifier la place qu’occupe ce dernier dans la lutte contre l’extrémisme violent. Il voudrait également savoir si l’étude présentée s’est penchée sur les différentes politiques de lutte contre l’extrémisme violent mises en place dans les pays. Il lui semble troublant que des femmes se sentent autonomisées par leur adhésion à Daech alors que nombre d’entre elles vivent dans des pays où elles parviennent progressivement à obtenir et à conserver des responsabilités élevées dans les secteurs public et privé ainsi que dans la société. Mme Pearson, tout en précisant que sa collègue et elle-même n’ont pas réalisé d’évaluation des approches en vigueur dans les différents pays, reconnaît que le contexte national doit être pris en compte dans l’évaluation des politiques. S’agissant du libre arbitre et des opportunités, elle répète que les jeunes femmes rencontrées ont exprimé le souhait d’être traitées en tant qu’individus égaux et autonomes et d’avoir un emploi, mais qu’en même temps, elles se sentaient déchirées parce que leur foi ne correspondait pas à la société dans laquelle elles vivent. L’une d’entre elles, par exemple, a rapporté qu’elle ne pouvait pas faire des études de médecine parce qu’elle portait le foulard. Elle répond également à Lord Campbell of Pittenweem que la question des nouveaux concepts fluctuants de genre n’a pas été traitée dans l’étude. Mme Moon demande comment les personnes interrogées ont été sélectionnées, si les chercheuses ont envisagé différents milieux de vie (communauté, université) et quels ont été les motifs d’aliénation particuliers le plus souvent rencontrés. Elle souhaite aussi en savoir plus sur la manière dont la religion intervient dans la radicalisation des jeunes. 52. Joachim Son-Forget (FR) poursuit avec une autre question relative à la méthodologie utilisée, à savoir les intervenantes ont-elles travaillé avec des groupes témoins de manière à mieux rendre compte de la relation entre psychologie sociale et radicalisation (thème de l’étude) ? Par ailleurs, ont-elles comparé leurs résultats à ceux d'autres études sur le lien entre délinquance et radicalisation ? Mme Pearson répond qu’elles ont fait appel à des sentinelles communautaires pour sélectionner différents groupes de personnes à rencontrer, et que la marginalisation et l’aliénation peuvent, aux côtés d’autres facteurs, contribuer au sentiment de ne pas avoir sa place dans une

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société laïque. Elle explique également comment les variables générationnelles interviennent, en plus du genre, dans l’impact de la religion sur la radicalisation. En réponse à la question de M. Son-Forget, elle indique que non, l’étude ne comportait pas de groupes témoins. Par ailleurs, il est certain que dans le cas de Daech, les jeunes hommes présentaient des caractéristiques démographiques particulières et ont été attirés par le groupe en raison de la politique de recrutement relativement ouverte pratiquée par ce dernier. Aucun filtre n’a été appliqué pour les types de personnes recrutées clandestinement, comme dans le cas de al-Qaïda. Mme Winterbotham ajoute que les recherches tiennent de plus en plus compte du rôle de la prison dans la radicalisation, en particulier dans le cas des convertis. 53. Han ten Broeke (NL) aurait aimé que les résultats de cette étude permettent de dégager plus de conclusions, et se dit déçu par l’absence de recommandations. Certes, l’étude a montré qu’il n’existe pas une seule façon d’envisager la lutte contre l’extrémisme violent ou de lutter contre la radicalisation et que les sexospécificités ont leur place dans ce contexte, à côté de nombreux autres facteurs. Cela étant, il lui semble que la recherche présentée ne reconnaît pas, ou pas autant qu’il le faudrait, le fait que, d’après lui, l’islam ne tolère aucunement le principe d’égalité entre hommes et femmes. Mme Pearson lui recommande de lire l’intégralité du rapport et rappelle qu’en effet, il n’existe pas, pour la lutte contre l’extrémisme violent, d’approche précise et efficace à tous égards qui puisse s’appliquer à tous les environnements. Elle ajoute que l’étude avait pour objectif d’analyser la manière dont la dimension de genre influe sur la lutte contre l’extrémisme violent, et qu’elle a permis de dégager des résultats rarement pris en compte dans la conception des politiques, d’où l’intérêt présenté par ces derniers. Mme Winterbotham ajoute que l’étude était destinée, au départ, à étudier les liens entre l’intégration et les attentats terroristes en Europe, mais reconnaît que le moment est peut-être venu de revoir le cadre utilisé. 54. Les dernières observations ont pour objet de dégager des recommandations, s’agissant notamment du cadre que pourraient adopter des études futures. Hussein Majali (JO) se dit favorable, pour l’avenir, à des travaux qui reposeraient sur une conception plus holistique, les intervenantes ayant évoqué de nombreuses variables importantes autres que la dimension de genre. Il indique que le programme de lutte contre l’extrémisme violent dont il s’occupe en Jordanie lui a appris que la religion pouvait être un moyen particulièrement efficace de lutter contre l’extrémisme. Veli Yuksel (BE) demande aux intervenantes si elles peuvent fournir des données précises, comme le nombre moyen de personnes converties par des combattants terroristes étrangers, et souhaite savoir si elles peuvent proposer des approches particulières pour prévenir la radicalisation des convertis. Il se dit favorable à l’instauration, à l’échelle européenne, d’échanges programmatiques et politiques sur les meilleures pratiques de déradicalisation. Nordine Benkortbi (DZ) présente la situation dans son pays et indique que les femmes algériennes participent activement à la lutte contre le terrorisme. Il est important, insiste-t-il, de dire que le terrorisme n’a ni foi, ni religion, ni nationalité. Mme Pearson indique clairement que rien dans l’étude ne laisse entendre que le problème étudié est spécifique aux femmes musulmanes. Le thème de cette recherche a été choisi en raison de l’intérêt qu’il suscite et de nombreux facteurs interviennent dans la radicalisation qui pourraient, de fait, être étudiés. Mme Winterbotham indique pour sa part que les femmes sont un des pivots des mouvements pour la paix qui, de par le monde, se mobilisent contre la radicalisation et le terrorisme. Ces mouvements proposent que l’on laisse aux femmes la possibilité de définir le rôle qu’elles peuvent et veulent jouer dans ce contexte. Les deux intervenantes soulignent la nécessité d’approfondir la recherche sur les convertis et l’enseignement religieux. Le président se joint à Han ten Broeke pour lancer un appel en faveur de recommandations de politique générale car il est vraiment nécessaire, considère-t-il, de pouvoir élaborer des politiques éclairées de lutte contre l’extrémisme violent.

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XI. Examen des amendements et vote sur le projet de résolution Une coopération OTAN-UE plus étroite [217 DSC 17 F] présenté par Joseph A. DAY (Canada), rapporteur général 55. La commission reprend ses travaux avec l’examen des amendements au projet de résolution Une coopération OTAN-UE plus étroite [217 DSC 17 E]. Le président demande à tous les participants de se montrer coopératif, de manière à ce que l’ensemble des points de l’ordre du jour puissent être débattus avant le déjeuner. Joseph A. Day présente chaque amendement, demande à son auteur(e) de justifier, le cas échéant, les modifications proposées et en supervise le vote. 56. Un certain nombre d’amendements concernant des modifications d’ordre rédactionnel ou terminologique sont approuvées, à savoir amendement 1 (paragraphe 1 – Conkar et Unka (TR)) ; amendement 10 (par. 12b (Karagiannidis (GR)); amendement 12 (paragraphe 13a – Garriaud-Maylam (FR) et Larsonneur (FR)) ; et amendement 13 (paragraphe 4 – Alleslev (CA)), sur l’insertion d’un nouvel alinéa expliquant plus clairement le rôle des État non membres de l’UE dans l’Alliance transatlantique. Après quelques échanges, la commission adopte également l’amendement 14 (Manciulli (IT) et Battista (IT)), sur l’insertion, après le paragraphe 12d, d’un nouvel alinéa destiné à mieux souligner les défis provenant du sud auxquels sont confrontés les membres de l’OTAN. 57. Les amendements 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 11 ne sont pas adoptés. Les amendements 2, 4, 5, 6 et 8 visent dans tous les cas à insérer de nouveaux alinéas ou à remplacer les paragraphes existants par du texte nouveau. La plupart de ces demandes sont refusées parce que le texte proposé ne modifie pas le libellé de la résolution de manière significative et sont donc considérés comme superflus. Les autres amendements rejetés (3, 7 et 9) proposent des modifications rédactionnelles légères ; c’est notamment le cas de deux amendements (3 et 8) visant à « épurer » une référence négative à Chypre. Plusieurs participants s’opposent fermement à passer ce problème sous silence et le rapporteur est lui aussi favorable à l’idée de maintenir le texte tel quel. La commission passe ensuite au vote et le projet de résolution [217 DSC 17 F], tel qu’amendé, est adopté. XII. Examen des amendements et vote sur le projet de résolution Appuyer les forces de

défense et de sécurité nationales afghanes [216 DSC 17 F] présenté par Joseph A. DAY (Canada), rapporteur général

58. La commission passe au projet de résolution Appuyer les forces de défense et de sécurité nationales afghanes [216 DSC 17 F] qui s’inscrit dans le sillage du rapport présenté par M. Hellmich la veille. M. Day supervise l’examen des différents amendements et les votes y afférents. 59. Tous les amendements (1 à 7) examinés par la commission sont acceptés. Cinq amendements (1, 2, 3, 4 et 6) proposent la modification de certains mots ainsi que des reformulations mineures, de manière à ce que la résolution offre une description à la fois plus précise, plus complète et plus inclusive de l’évolution de la situation de sécurité en Afghanistan et de l’engagement des Alliés dans le processus de paix et de stabilité. Deux amendements ont des répercussions sur le fond. L’amendement 2 soumis par les États-Unis suggère que l’Assemblée se félicite également du relèvement du niveau des troupes d’autres pays de l’Alliance, tandis que les amendements 5 et 7 soumis par la Bulgarie et le Canada respectivement avec l’appui de nombreux pays demandent l’inclusion, à l’alinéa 13b, d’un passage supplémentaire destiné à compléter le paragraphe 10. Cet amendement est destiné à mieux faire ressortir que, de l’avis de la commission, le processus de paix en Afghanistan doit être géré par ce pays, être plus attentif à la bonne gouvernance et accorder

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plus d’importance à cette dernière. Le projet de résolution [216 DSC 17 F], tel qu’amendé, est adopté. XIII. Élection des membres des bureaux de la commission et des sous-commissions 60. La commission reconduit les mandats de tous les membres éligibles. La commission de la défense et de la sécurité élit trois parlementaires à quatre postes à pourvoir, à savoir Joao REBELO (Portugal), qui devient président de la DSCFC ; Andreas LOVERDOS (Grèce), qui reprend la vice-présidence de la commission (occupée jusque-là par Joao Rebelo) ; et Juozas OLEKAS (Lituanie), qui assurera la vice-présidence vacante de la DSCFC et rejoint également le Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN (UNIC). XIV. Présentation des activités futures de la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité par Lord CAMPBELL OF PITTENWEEM (Royaume-Uni), président de la sous-commission 61. Lord Campbell of Pittenweem présente les activités à venir de la sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité. Il rappelle aux participants qu’un séminaire conjoint avec le GSM se tiendra à Rome les 23 et 24 novembre. Une visite pourrait également être organisée à Naples, au cours de laquelle les membres de la sous-commission entendraient un exposé sur le pôle régional pour le sud et les défis sécuritaires complexes en train de se profiler en Méditerranée, au Moyen-Orient, en Afrique du nord et au-delà. Pour 2018, la sous-commission propose des déplacements à Prague et à Budapest. Une visite serait également envisageable plus tard dans l’année, à Londres et à Paris, au cours de laquelle seraient abordées les questions liées à la coopération OTAN-UE. XV. Présentation des activités futures de la sous-commission sur l’avenir de la sécurité et

des capacités de défense par Madeleine MOON (Royaume-Uni), vice-présidente de la sous-commission

62. Madeleine Moon présente les activités futures de la sous-commission sur l’avenir des capacités de sécurité et de défense. Elle rappelle aux participants que cette année, la commission a axé ses travaux sur les développements capacitaires en Asie et en Méditerranée. Elle fait le point sur la visite particulièrement réussie effectuée en Corée du sud du 11 au 14 septembre, et rappelle la complexité des défis qui se profilent dans la péninsule coréenne. Elle annonce que la commission effectuera sa dernière visite de l’année au Maroc, du 30 octobre au 1er novembre, et que les questions abordées à cette occasion seront la sécurité en Afrique du nord et dans la périphérie sud de la Méditerranée. XVI. Divers 63. Le président remercie Lord Campbell et Madeleine Moon d’avoir présenté le bilan des activités des sous-commissions. Il n’y a pas d’autres questions. XVII. Date et lieu de la prochaine réunion 64. Le président annonce que la prochaine réunion plénière de la commission de la défense et de la sécurité se tiendra à Washington D.C. la dernière semaine de janvier 2018. La commission se réunira à nouveau en plénière lors des réunions conjointes de février à Bruxelles. Quant à la session du printemps 2018, elle aura lieu à Varsovie (Pologne) du 25 au 28 mai 2018.

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XVIII. Remarques de clôture 65. Le président remercie tous les membres de la commission, les intervenants invités et les observateurs pour leur participation constructive aux débats et aux travaux de cette réunion. Il exprime également sa reconnaissance, au nom de la commission tout entière, à tout le personnel du Parlement roumain qui a œuvré au bon déroulement des réunions. Il dit aussi toute sa reconnaissance à l’équipe d’interprètes pour leur travail exceptionnel. Enfin, il remercie le secrétaire, le directeur et le coordinateur de la commission, ainsi que l’assistante de recherche et le personnel local pour leur travail. M. Knops clôt ensuite la réunion en souhaitant aux participants une excellente fin de séjour à Bucarest ainsi qu’un bon voyage de retour. La séance est levée.

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DSC 063 DSC 18 F Original : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ

RENFORCER LA DISSUASION DE L’OTAN À L’EST

PROJET DE RAPPORT GÉNÉRAL*

Joseph A. DAY (Canada) Rapporteur général

www.nato-pa.int 3 avril 2018

* Aussi longtemps que ce document n’a pas été adopté par la commission de la défense et de la

sécurité, il ne représente que le point de vue du rapporteur.

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION ............................................................................................................... 1 II. NOUVEAU CONTEXTE SÉCURITAIRE DE L’OTAN ......................................................... 2

A. LES RELATIONS OTAN-RUSSIE DÉTERMINENT LE RECALIBRAGE DE LA DÉFENSE ET DE LA DISSUASION SUR LE FLANC EST ....................................... 2

B. COUP DE PROJECTEUR SUR LA DOCTRINE PERTURBATRICE ET LA MODERNISATION MILITAIRE DE MOSCOU .......................................................... 3

III. ADAPTATIONS APPORTÉES À LA POSTURE DE DÉFENSE ET DE DISSUASION

À L’EST ............................................................................................................................. 4 IV. EFP ET FIL DE DÉTENTE ................................................................................................. 5 V. LA PRÉSENCE AVANCÉE ADAPTÉE .............................................................................. 5 VI. BARRER L’ACCÈS – LA DÉFENSE DIFFICILE DE L’EST ................................................ 7

A. LES CAPACITÉS A2/AD RÉGIONALES DE LA RUSSIE ......................................... 7 B. L’EXERCISE ZAPAD 2017 ....................................................................................... 8

VII. MOBILITÉ MILITAIRE ET FINANCEMENT DE LA DÉFENSE : DES OBSTACLES

MAJEURS QUI PERSISTENT POUR L’OTAN .................................................................. 9 VIII. CONCLUSIONS PROVISOIRES ..................................................................................... 12 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 14

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I. INTRODUCTION 1. L’OTAN prend aujourd’hui, dans les territoires alliés d’Europe orientale, les mesures les plus notables jamais appliquées depuis 2014 pour adapter sa posture de défense et de dissuasion. Les rotations de forces de même que la mise en place de dépôts de matériels et la tenue d’exercices prévues dans cette perspective doivent renforcer la présence alliée et ainsi, modifier l’équilibre des forces conventionnelles et permettre à l’OTAN d’exercer la dissuasion face à la résurgence d’une Russie révisionniste et de plus en plus performante. Le présent projet de rapport analyse et évalue cette dissuasion de type tripwire (fil de détente) qui s’appuie à la fois sur une présence avancée rehaussée (EFP) en Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne et sur une présence avancée adaptée (TFP) dans la région de la mer Noire. 2. La présence accrue de l’Alliance dans les deux régions concernées souligne la crédibilité de la posture de défense et de dissuasion de l’Alliance mise en place pour l’après-2014, qui repose à la fois sur un équilibre entre forces conventionnelles et nucléaires, une défense antimissile et différentes initiatives de maîtrise des armements. Les contributions majeures apportées dans ce contexte par les États-Unis et le Canada traduisent la nécessité que ce renforcement du flanc est de l’Alliance revêt du point de vue de la sécurité transatlantique. Pour reprendre les termes des responsables du siège de l’OTAN, l’EFP et la TFP doivent témoigner de la cohésion et de l’efficacité de l’Alliance face à la menace changeante qui pèse sur ses populations et sur son territoire. 3. Il ressort clairement de ce projet de rapport que la configuration actuelle des forces conventionnelles présentes dans les territoires de l’est de l’Alliance reste insuffisante. En cas de crise dans une région bordant le flanc est (en particulier dans les États baltes), l’Alliance, confrontée à des problèmes de renforcement, éprouverait des difficultés à acheminer les renforts destinés à une opération chargée de repousser une force d’invasion et de rétablir le statu quo. Cela tient à deux problèmes critiques connus de longue date, à savoir : premièrement, les lourdeurs bureaucratiques et logistiques qui entravent l’acheminement du matériel et des effectifs militaires vers cette région ainsi que leurs déplacements à l’intérieur de cette dernière ; et deuxièmement, l’insuffisance des forces de réaction rapide à haut niveau de préparation que les États européens mettent actuellement à disposition pour les déploiements en cas de crise. 4. La Russie, qui ne connaît aucun de ces problèmes, est en mesure de mobiliser rapidement des forces et des effectifs considérables pour être rapidement à l’œuvre dans la région. Moscou bénéficie par ailleurs de lignes de communication intérieures efficaces et s’appuie dorénavant sur une armée de terre restructurée essentiellement en brigades, ce qui facilite les déploiements rapides. Enfin, depuis leur modernisation, ces forces disposent de capacités quasi équivalentes à celles de l’adversaire en matière de puissance de feu, mobilité et systèmes de défense aérienne. 5. L’Alliance prend aujourd’hui des mesures destinées à surmonter ces écueils critiques. Au cours de l’automne dernier, le siège de l’OTAN a annoncé la création de deux nouveaux commandements, l’un pour l’Atlantique et l’autre pour l’Europe, qui auront pour mission d’aider à la coordination des mouvements de troupes dans leurs zones respectives. Les États-Unis ont décidé, en outre, de revoir à la hausse leurs investissements au titre de l’Initiative de dissuasion européenne (European Deterrence Initiative, EDI), et les Alliés consacrent de plus en plus de moyens financiers aux effectifs ainsi qu’aux matériels à mobiliser pour que le rééquilibrage en cours des forces conventionnelles puisse être mis au service de la posture de défense et de dissuasion de l’OTAN. Cela étant, il faut aller plus loin. 6. Le présent projet rapport s’inscrit dans la série de documents sur l’adaptation pour l’après-2014 que la commission de la défense et de la sécurité a établis depuis la décision, par l’Alliance, de reconsidérer le poids qu’il convient de donner à la combinaison des forces composant son dispositif de dissuasion et de défense. La capacité de l’Alliance à renforcer ses capacités conventionnelles sur le flanc oriental reste une préoccupation de sécurité majeure.

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II. NOUVEAU CONTEXTE SÉCURITAIRE DE L’OTAN 7. Comme la commission l’a déjà rappelé à de nombreuses reprises, les flancs Est et Sud de l’Alliance sont de nouvelles sources de menace, d’instabilité et de conflits potentiels. Lors de la réunion conjointe des commissions tenue en février, le général Scaparotti, SACEUR, s’est adressé à la délégation en ces termes : « Nous sommes tenus aujourd’hui de gérer des crises et d’assurer la stabilisation ainsi que la défense dans un environnement façonné, manipulé et mis à l’épreuve par des concurrents stratégiques. Nos deux principaux concurrents stratégiques sont la Russie et l’extrémisme violent. Leurs tentatives de déstabilisation stratégique visent les fondements de notre sécurité et ciblent les institutions clés chargées de l’assurer. Ils tentent de transformer les points forts de la démocratie en faiblesses. » Les communications du siège de l’OTAN utilisent, pour refléter cette vision, l’expression bien connue d’« engagement en faveur d’une sécurité à 360 degrés dans un environnement complexe et décentralisé ».

A. LES RELATIONS OTAN-RUSSIE DÉTERMINENT LE RECALIBRAGE DE LA DÉFENSE ET DE LA DISSUASION SUR LE FLANC EST

8. Les relations entre l’OTAN et la Russie ont rarement été aussi mauvaises. L’annexion de la Crimée a déclenché une spirale ascendante de surenchère de sanctions, entraîné les parties dans une dangereuse joute verbale et suscité méfiance et acrimonie. Il résulte de ceci que jamais, depuis la guerre froide, on ne s’est retrouvé dans une situation aussi périlleuse (Frear, Kulesa, Kearns 2014; Boulègue 2018). 9. Le degré, l’ampleur et le rythme de la modernisation militaire de la Russie, l’évolution de sa doctrine militaire, ses discours agressifs dans le domaine nucléaire et ses actions sur le terrain conventionnel sont autant de variables critiques qui déterminent l’évolution de la posture de défense et de dissuasion de l’OTAN dans la partie orientale de l’Alliance (Déclaration du sommet de Varsovie, 2016). Le communiqué officiel du sommet de l’OTAN tenu à Varsovie dénonce également la démarche guerrière adoptée par la Russie dans les opérations qu’elle poursuit en Ukraine et en Syrie, la tenue d'exercices impromptus de grande envergure en contradiction avec « l'esprit du Document de Vienne », et des activités militaires provocatrices dans les mers bordant le flanc est de l’Alliance, de la Baltique à la mer Noire. 10. Avec le déploiement de capacités modernes d’anti-accès et de déni de zone le long du flanc est de l’OTAN, la Russie est par ailleurs en mesure d’entraver, voire de bloquer, la liberté de mouvement de l’Alliance dans ses propres territoires ou espaces maritimes. 11. Parallèlement, les manipulations électorales auxquelles la Russie a recours pour s’ingérer dans les processus démocratiques occidentaux sont sources de discorde et de division, comme en témoignent les débats politiques intérieurs en cours dans de nombreux pays de l’Alliance – l’élection présidentielle aux États-Unis constitue à cet égard un exemple particulièrement frappant. En recourant entre autres à la cyberingérence, Moscou ne fait que perpétuer une longue tradition d’immixtion politique. De plus, cela fait des années que, forte de ses ressources naturelles, la Russie pratique l’intimidation à l’encontre de ses voisins en contrôlant les approvisionnements. 12. Comme on a pu le constater au cours des quatre années écoulées, la Russie est prête à recourir à tous les moyens à sa disposition – des tactiques hybrides aux opérations conventionnelles en passant par la menace nucléaire – pour s’imposer face à l’Alliance. Son but ultime est de briser le consensus allié et de réduire l’influence de Washington sur le futur de la sécurité européenne.

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B. COUP DE PROJECTEUR SUR LA DOCTRINE PERTURBATRICE ET LA MODERNISATION MILITAIRE DE MOSCOU

13. Pour les responsables de l’OTAN, l’évolution de la doctrine militaire de la Russie et la modernisation de ses forces armées figurent parmi les principaux facteurs ayant dicté le réaménagement de la posture de défense et de dissuasion dans l’est de l’Alliance.

Révision de la doctrine 14. En 2014, soit quelques mois à peine après être intervenue en Ukraine, la Russie publiait une nouvelle doctrine. Celle-ci allait présider à une réorientation fondamentale de sa politique étrangère. Alors qu’il était ouvertement question, dans la doctrine militaire russe de 2010, de coopération avec l’OTAN, le texte actualisé publié quatre ans plus tard assimile de fait l’Alliance à un adversaire. C’est ainsi, notamment, que les activités de l’OTAN en Europe centrale et orientale y sont qualifiées de menaces à l’encontre des intérêts nationaux russes (Sinovets et Renz, 2015). La nouvelle doctrine précise également que la Russie a l’intention de protéger plus activement ses intérêts dans son voisinage immédiat, depuis l’Arctique jusqu’à la mer Noire et la Caspienne en passant par l’Europe orientale.

15. Depuis quelques années, les discours, la modernisation des forces armées russes et les exercices auxquelles elles se livrent sont venus confirmer ce recentrage stratégique. Des forces russes de plus en plus modernes et déployables et de mieux en mieux

préparées 16. Comme la commission l’a déjà relevé dans le passé, la Russie poursuit les efforts entamés il y a une décennie pour se doter de toute une gamme de forces armées modernes, professionnelles et présentant un haut niveau de préparation. L’augmentation des investissements consentis à ce titre a eu des répercussions spectaculaires sur la qualité des forces en question. 17. Les forces armées russes de 2018 n’ont plus grand-chose en commun avec ce qu’elles étaient en 2008. Après avoir enregistré des résultats relativement discutables dans le Caucase au cours des deux décennies qui suivirent la chute de l’Union soviétique, en particulier lors de la guerre de 2008 en Géorgie, la Russie décida de lancer un projet de réforme militaire à grande échelle. Outre des réformes structurelles, elle mit en place le programme d’armement d’État, en fait une politique d’achat massif d’armements, qui allait lui permettre de rompre avec des décennies de déclin et d’améliorer de manière déterminante l’aptitude de ses forces armées à soutenir la puissance de feu et à manœuvrer dans le temps et sur la distance (Giles et Monaghan, 2014; IISS 2018). Entre 2000 et 2015, les dépenses russes de défense ont été multipliées par 16 en termes nominaux (IISS, 2015). Au cours des dernières années, la Russie a systématiquement consacré entre 3 et 4 % de son PIB à la modernisation de ses forces. (IISS, 2018) 18. Malgré le léger ralentissement enregistré par les dépenses militaires ces dernières années en raison du poids des sanctions sur l’économie russe et de la baisse des cours mondiaux du pétrole et du gaz1, la Russie s’appuie aujourd’hui sur des forces terrestres, aériennes et navales très performantes. De nouveaux matériels lui ont permis d’accroître la précision de ses frappes à distance et elle possède dorénavant des systèmes de défense aérienne à la pointe de la technologie ainsi que différents équipements puissants et très mobiles, comme notamment le chasseur furtif de 5è génération SU-57, le char T-14 Armata ou encore des systèmes de missiles balistiques tactiques à double usage Iskander (IISS, 2018 ; RAND, 2018).

1 Les recettes issues de la vente de pétrole et de gaz représentent plus de 35 % du budget annuel de la

Russie, contre 9 % seulement en 2000. Voir U.S. Energy Information Administration, Russia : International Energy Analysis and Data, 31 octobre 2017. www.eia.gov/beta/international/analysis.cfm?iso=RUS

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19. La restructuration de l’armée de terre russe a privilégié le modèle de la brigade, gage d’une plus grande mobilité. Le nombre de volontaires a également augmenté de manière saisissante – pas moins de 360 000 individus environ sur un effectif total de 900 000 hommes (IISS, 2018 ; Golts, 2017). Avec la professionnalisation, l’armée de terre dispose à présent d’un nombre plus important d’unités présentant un état de préparation suffisant pour des déploiements sur court préavis. Par ailleurs, la Russie a renforcé son district militaire Ouest en y envoyant des unités auparavant stationnées à l’intérieur du pays et en activant de nouvelles formations de blindés, d’infanterie, d’artillerie et de défense aérienne. Le district Ouest compte dorénavant 400 000 hommes, dont 80 000 environ basés à portée des États baltes (RAND 2018 ; IISS 2015). 20. Enfin, les forces armées russes entraînent leurs forces dans le cadre d’exercices impromptus à grande échelle dont les scénarios mettent l’accent sur le soutien durable et à distance d’opérations interarmées. Ces exercices s’enrichissent des expériences en conditions réelles engrangées sur le champ de bataille à l’occasion des opérations interarmées menées en Ukraine et en Syrie, où la Russie met à l’épreuve non seulement la préparation de ses troupes mais également l’efficacité de ses nouveaux systèmes d’armes de pointe. III. ADAPTATIONS APPORTÉES À LA POSTURE DE DÉFENSE ET DE DISSUASION À L’EST 21. L’OTAN a réagi à l’annexion de la Crimée en 2014 en réorganisant sa force de réaction, la NRF, au travers du plan d’action « réactivité » (RAP). Celui-ci devait accroître l’effectif de la force en le portant à 40 000 hommes, donner à la NRF les moyens de faire face à des situations d’urgence et la rendre plus souple et adaptable, de manière à pouvoir procéder à des renforcements rapides et à garantir la mobilité. Avec cette réforme, la NRF se compose dorénavant d’éléments air, terre, mer et de forces d’opérations spéciales. 22. Le RAP prévoyait également la mise sur pied d’une force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF), véritable fer de lance de la NRF, qui serait capable de déployer 5 000 hommes à l’échelon de la brigade à la périphérie de l’Alliance, moyennant un préavis de 2 à 7 jours. Parallèlement, les membres de l’OTAN ont mené des exercices militaires terrestres, maritimes et aériens de la Baltique à la mer Noire, et lancé de nouvelles missions de police du ciel et de patrouille maritime.2 23. En 2016, les Alliés ont constaté qu’il devenait nécessaire de procéder à des adaptations plus vastes à l’échelle de l’Alliance, de manière à instaurer une posture de dissuasion mobile et dynamique plus moderne qui leur permettrait d’affronter les réalités inhérentes à un environnement sécuritaire devenu nettement plus complexe. 24. Constatant que les relations OTAN-Russie continuaient à se détériorer, les Alliés ont décidé, au cours du sommet de Varsovie de juillet 2016, de consolider encore la posture de l’Alliance de manière à dissuader d’éventuels adversaires de recourir à la force contre les pays membres de l’OTAN. Réunie à Varsovie, l’OTAN a adopté le principe d’une présence avancée rehaussée qui serait basée en Pologne et dans les pays baltes, et d’une présence avancée adaptée en mer Noire. Durant ce même sommet, Barack Obama, alors président des États-Unis, s’engagea à consacrer les fonds de défense de son pays au lancement de mesures de réassurance et à la mobilisation d’un soutien aux efforts de défense des alliés européens. L’initiative de réassurance pour l’Europe (ERI) était née.

2 Les incidences de cette décision sont évoquées de manière plus détaillée dans un rapport antérieur de

la commission intitulé Le Plan d’action « réactivité » de l’OTAN : Assurance et dissuasion pour la sécurité après 2014 [167 DSCFC 15 F bis] – présenté par Xavier Pintat (France) .

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IV. EFP ET FIL DE DÉTENTE

25. L’EFP de l’OTAN consiste en quatre groupements tactiques multinationaux soumis à rotation qui sont stationnés en Estonie, en Lettonie, en Lituanie et en Pologne. Mises à disposition par 17 pays membres de l’OTAN, ces forces sont pilotées par quatre pays cadres, à savoir le Canada en Lettonie, l’Allemagne en Lituanie, le Royaume-Uni en Estonie et les États-Unis en Pologne. Les quatre groupements tactiques sont placés sous le commandement de l’OTAN : ils relèvent d’un nouveau QG de division multinational basé avec la 16e division mécanisée polonaise à Elblag, qui doit dépendre à son tour du QG du Corps multinational Nord-Est basé à Szczecin, en Pologne. Les quatre groupements tactiques sont devenus pleinement opérationnels le 28 août 2017, une fois tous les exercices de certification (CERTEX) menés à bonne fin. 26. Il est évident qu’en termes de puissance conventionnelle, les bataillons ainsi déployés ne suffiraient pas à assurer la défense face à une offensive conventionnelle russe à grande échelle. La commission de la défense et de la sécurité a d’ailleurs pu s’en rendre compte au cours de l’exercice sur table mené avec les chercheurs de la RAND Corporation lors de la visite effectuée à Washington en janvier 2017. 27. Cet exercice de table revenait sur les conclusions de l’étude de la RAND Corporation relative à la capacité de l’OTAN de repousser une attaque concertée à l’encontre des pays baltes. Selon cette étude, il faudrait au maximum 60 heures aux forces russes pour rallier Tallinn ou Riga. Les chercheurs de la RAND Corporation ont indiqué aux membres de la commission de la sécurité et de la défense que, nonobstant les tentatives menées par l’Alliance pour renforcer sa posture dans la région en misant sur plus d’hommes et de matériels, l’OTAN, pour tenir tête à une invasion russe conséquente, devrait disposer de 35 000 hommes environ déjà sur le terrain et d’équipements nettement plus sophistiqués, comme des systèmes de défense aérienne et de blindés lourds. Or, les bataillons actuellement présents en rotation dans le cadre de l’EFP ne peuvent aligner que 4 400 hommes environ à n’importe quel moment. 28. Probablement insuffisante en tant que force autonome en cas d’attaque à grande échelle de la Russie dans la région, l’EFP ferait plutôt office de fil de détente (tripwire) pouvant amorcer une réponse du type « Article 5 » à l’échelle de l’Alliance si un agresseur venait à lancer une action contre le territoire et/ou les populations alliés. Finalement, l’objectif de l’EFP consiste surtout à rendre la posture de dissuasion de l’Alliance plus crédible dans une partie de son territoire perçue jusqu’à présent comme stratégiquement vulnérable. V. LA PRÉSENCE AVANCÉE ADAPTÉE 29. Durant le sommet de Varsovie, l’OTAN a également décidé de mettre en place une présence avancée adaptée dans la région de la mer Noire. Faisant suite à une proposition de la Roumanie, la TFP renforce la présence de l’OTAN dans les domaines terrestre, aérien et maritime (Délégation permanente de la Roumanie auprès de l’OTAN, 2017). 30. L’AP-OTAN s’est vu rappeler l’importance géostratégique de la mer Noire à l’occasion de la session annuelle de Bucarest tenue en 2017, lorsque Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN, s’est engagé à accélérer les efforts de l’OTAN visant à projeter la stabilité dans l’ensemble de cette région, soulignant au passage que la TFP apportait une réponse directe aux activités illégales de la Russie en Ukraine. 31. La composante terrestre de la TFP s’articule sur une brigade multinationale basée à Craiova et coordonne une initiative d'entraînement interarmées multinational renforcé (CJET). La brigade multinationale Sud-Est de l’OTAN a atteint le stade de la capacité opérationnelle initiale en avril 2017 et a officiellement débuté ses activités le 9 octobre 2017. Au cœur de cette formation multinationale se trouve la deuxième brigade d’infanterie roumaine « Rovine », dont l’effectif peut se monter à

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4 000 hommes 3. Elle est complétée par 900 soldats américains déployés séparément, et d’ores et déjà sur place (Emmott, 2017). La CJET est une plate-forme régionale de coopération qui doit permettre d’assurer la continuité de la présence alliée dans la région au travers de la participation à des exercices et à des activités d’entraînement. 32. Du point de vue maritime, la TFP prend la forme d’entraînements intégrés et de nouveaux exercices avec la participation des forces navales permanentes de l’OTAN. On pense notamment à l’exercice maritime multinational Sea Breeze tenu en juillet 2017, qui faisait intervenir des moyens de l’unité opérationnelle 2 du 2e Groupe maritime permanent OTAN (SNMG2 TU.02)4 et d’autres moyens maritimes mis à disposition par des pays alliés et des pays partenaires. L’exercice, auquel participaient la Belgique, la Bulgarie, le Canada, la France, la Géorgie, la Grèce, l’Italie, la Lituanie, la Norvège, la Pologne, la Roumanie, la Suède, la Turquie, l’Ukraine, le Royaume-Uni et les États-Unis, s’est déroulé à la fois en mer Noire et en territoire ukrainien. 33. Enfin, le volet aérien de la TFP, à savoir la mission renforcée de police du ciel de l’OTAN (enhanced Air Policing, eAP), est assuré en rotation par les forces de différents pays alliés qui patrouillent dans l’espace aérien de la Roumanie et de la Bulgarie. Le 31 décembre 2017, le Canada a achevé sa rotation de quatre mois dans le cadre de l’eAP sur la base aérienne Mihail Kogalniceanu (Roumanie), où il avait déployé un effectif de quelque 135 hommes ainsi que quatre Hornets CF-188. Au cours de cette mission (ATF-Romania), les forces de l’armée de l’air canadiennes ont également pris part à des entraînements conjoints avec leurs homologues roumaines, affichant leur réactivité en termes d’appui sanitaire, de sécurité en vol, de maintenance d’aéronefs, de commandement et de contrôle, et de police du ciel (Strong, 2018). 34. Lors de la réunion des ministres de la défense tenue à Bruxelles les 8 et 9 novembre 2017, le Royaume-Uni a annoncé sa décision de redéployer 4 Typhoons de la RAF qui collaboreraient dorénavant sur une base permanente avec la Roumanie dans le cadre de patrouilles aériennes en mer Noire (Wills, 2017). Cette décision intervenait quelques jours après le décollage en urgence de deux chasseurs Typhoon chargés d’intercepter des aéronefs russes en route vers le territoire britannique. Un incident similaire s’est d’ailleurs reproduit en janvier 2018 (Hartley-Parkinson, 2018). En juillet 2017, les Typhoons de la RAF ont dû intervenir en urgence en réponse à la présence en mer Noire, à proximité de l’espace aérien de l’OTAN, de bombardiers stratégiques Tu-22 de l’armée de l’air russe.

L’Initiative de dissuasion européenne des États-Unis 35. Selon la stratégie nationale de sécurité (NSS) des États-Unis publiée par l’administration Trump en décembre 2017, l’environnement sécuritaire actuel est placé sous le signe d’une concurrence mondiale tous azimuts. D’après ce document, la Russie cherche à se hisser au niveau – et à se poser en rivale – des États-Unis. On y souligne que pour combattre une telle évolution, il faut notamment s’employer à mettre sur pied des alliances plus solides. La NSS met l’accent sur le souhait de Washington de rester actif en Europe : « Une Europe forte et libre revêt une importance vitale pour les États-Unis. » (NSS, 2017) 36. De leur côté, les parlementaires des États-Unis ont tenté, lors de la dernière visite de la commission de la défense et de la sécurité dans ce pays, de dissiper les doutes qui pourraient subsister quant à l’engagement des États-Unis au titre de l’Article 5 du Traité de Washington.

3 Dite aussi Brigade Scorpions, déployée précédemment en Afghanistan et en Iraq. 4 Le SNMG2 est un des 4 Groupes maritimes permanents de l’OTAN. Les SNMG sont des forces

maritimes multinationales intégrées composées de bâtiments de différents pays membres de l’Alliance. Ces navires (de même que les hélicoptères qui se trouvent à leur bord) sont mis à la disposition de l’OTAN de manière permanente, pour aider à l’exécution de différentes tâches allant de la participation à des exercices jusqu’à des interventions concrètes dans le cadre de missions opérationnelles. http://www.mc.nato.int/media-centre/news/2016/nato-and-partner-country-forces-participate-in-exercise-sea-breeze.aspx , 17 novembre 2017.

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Comme l’a confirmé Thomas Goffus, sous-secrétaire adjoint à la défense (DASD) pour l’Europe et l’OTAN : « L’engagement des États-Unis au titre de l’Article 5 est à toute épreuve ». M. Goffus a poursuivi en indiquant qu’au cours du prochain sommet devant se tenir à Bruxelles, les États-Unis reviendraient largement sur l’Initiative de dissuasion européenne : « Cette dissuasion, nous l’exerçons ensemble, et elle se démarque en cela de l’ancienne Initiative de réassurance pour l’Europe, où les États-Unis occupaient le devant de la scène. » 37. Les États-Unis ont annoncé récemment qu’ils prévoyaient d’allouer une enveloppe de 6,5 milliards de dollars à l’Initiative de dissuasion européenne en 2019, soit une augmentation de 1,7 milliard par rapport à l’an passé, et 3,1 milliards de plus qu’en 2017. 38. L’ERI/EDI a permis de financer un renforcement significatif de la présence des États-Unis en Europe orientale. Ce soutien a fait sentir ses effets sur les exercices désormais plus nombreux, de même que sur les infrastructures, le prépositionnement de matériels ou encore le renforcement capacitaire des partenaires. Les 10 milliards de dollars et quelque déjà dépensés ou restant à consacrer à une défense et à une dissuasion alliées renforcées en Europe attestent largement de cet engagement des États-Unis. 39. L’EDI prévoit l’envoi de forces supplémentaires en Europe, un renforcement des prépositionnements à l’échelle des brigades et le déploiement d’autres moyens de soutien. L’augmentation des effectifs est le résultat de l’arrivée de forces supplémentaires et, parallèlement, de l’ajournement de réductions de forces initialement prévues. Un soutien sera également mobilisé pour une brigade blindée supplémentaire (ABCT). L’EDI va donc financer deux ABCT et deux brigades de lutte anti-incendie, ainsi que des unités de défense aérienne, du génie, de contrôle des mouvements, de soutien prolongé et d’appui sanitaire dans la région, bref, suffisamment de moyens pour soutenir une division. (Département de la défense des États-Unis, 2018). 40. Durant les réunions de la commission de la défense et de la sécurité tenues à Bruxelles en février 2018, les intervenants ont réaffirmé l’engagement énergique des États-Unis aux côtés de l’Europe, et rappelé qu’ils attendaient en retour de la part de leurs alliés européens une hausse marquée des investissements de défense. VI. BARRER L’ACCÈS – LA DÉFENSE DIFFICILE DE L’EST

A. LES CAPACITÉS A2/AD RÉGIONALES DE LA RUSSIE 41. D’un point de vue tactique conventionnel, l’efficacité de la dissuasion OTAN et du système de fil de détente est avant tout fonction de la capacité de l’Alliance à acheminer à bref préavis des renforts depuis le centre de son territoire jusqu’à sa périphérie. Or, même si la décision de déployer la NRF et sa VJTF est prise en temps voulu, la Russie peut facilement l’emporter sur les forces de l’OTAN en activant ses capacités anti-accès et déni de zone (A2/AD), de manière à bloquer leurs mouvements vers la zone considérée ou à l’intérieur de cette dernière (Baroudos, 2016). 42. La Russie est en train d’implanter une gamme impressionnante et très diversifiée de systèmes A2/AD dans les régions de la mer Baltique, de la mer Noire, de la Méditerranée orientale et de la mer de Barents, ainsi qu’à la périphérie de celles-ci. Une fois pleinement opérationnels, ces systèmes entameront considérablement l’aptitude de l’OTAN à renforcer les forces de ses membres par voies terrestre, aérienne et maritime (Organisation OTAN pour la science et la technologie, 2017). Dès la mi-2016, la Fédération de Russie avait déployé des moyens de défense aérienne, de défense côtière et de guerre électronique ainsi que des missiles balistiques à Kaliningrad, en Syrie et, par la suite, en Crimée (IISS, 2017). Les zones d’exclusion A2/AD de Moscou se sont encore élargies avec le déploiement, en Syrie en novembre 2015 puis en Crimée en août 2016, de systèmes de défense aérienne S-400 d’une portée pouvant atteindre 250 miles. La défense aérienne avancée de la Russie est gérée en coopération avec le Belarus et l’Arménie dans le cadre du système conjoint

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de défense aérienne (Weinberger, 2017). Le ministre lituanien de la défense Raimundas Karoblis affirme que la Russie a également déployé à Kaliningrad des missiles Iskander qui devraient demeurer sur place à titre permanent (AFP, 2018). 43. La TFP doit permettre de suivre l’évolution des capacités A2/AD de la Russie dans la région de la mer Noire et à sa périphérie. Ce devrait être d’autant plus le cas que la Roumanie héberge le site de défense antimissile balistique Aegis Ashore. L’Organisation pour la science et la technologie de l’OTAN consacre actuellement une étude aux capacités A2/AD de la Russie afin de remédier aux vulnérabilités actuelles de l’Alliance dans ce domaine (Organisation OTAN pour la science et la technologie, 2017). 44. Compte tenu notamment de leur situation géographique, les trois groupements tactiques déployés dans les pays baltes pourraient se retrouver totalement isolés derrière le mur A2/AD qu’a édifié la Russie dans cette zone. Comme l’a appris la commission de la défense et de la sécurité, la seule épingle qui pourrait faire exploser une bulle A2/AD russe en mer Baltique est l’île suédoise de Gotland. 45. La Suède a tenu en septembre 2017 son plus grand exercice militaire jamais organisé depuis le début des années 1990. Dix-neuf mille fantassins suédois rejoints par un contingent étranger regroupant des forces de sept pays de l’OTAN (États-Unis, Danemark, Estonie, France, Lettonie, Lituanie et Norvège) plus la Finlande participaient à Aurora-17. Cet exercice avait pour objectif de défendre l’île suédoise de Gotland face à une agression venue de territoires correspondant, en gros, à Kaliningrad et au Belarus (Winnerstig, 2017). Après cet exercice, et au terme de dizaines d’années d’absence, la Suède a décidé de baser un contingent sur Gotland de manière permanente. Commentant cette décision, le général Ben Hodges, ancien commandant de l’armée de terre des États-Unis en Europe, a rappelé l’importance que présentaient la Suède et Gotland pour l’OTAN : « Une tâche très importante du point de vue stratégique vous attend ici. Je ne pense pas qu’il existe, nulle part au monde, d’île aussi importante ». (The Local, 2017).

B. L’EXERCISE ZAPAD 2017 46. Aurora-17 s’est déroulé quelques jours à peine après le début de Zapad 2017, un exercice militaire russe à grande échelle. Certes, la Russie organise chaque année plusieurs exercices de ce type5, mais Zapad 2017 doit retenir l’attention en raison de plusieurs facteurs, à commencer par sa valeur de symbole. Il s’agissait en effet du premier exercice russe se déroulant à l’Ouest – pour être précis, au Belarus et dans l’oblast russe de Kaliningrad – depuis 2013, c’est-à-dire depuis l’intervention en Ukraine et la détérioration des relations avec l’OTAN qui s’en est suivi (IISS, 2018). 47. La Russie est restée délibérément vague quant aux effectifs et aux matériels effectivement déployés aux fins de cet exercice. Officiellement, celui-ci rassemblait 12 700 hommes, soit à peine moins que le minimum fixé (13 000 hommes) par le Document de Vienne de l’OSCE de 2011 rendant la présence d’observateurs internationaux obligatoire. Si le Belarus a effectivement invité une poignée d’observateurs (dont l’accès aux activités est resté, a-t-on dit, limité), la Russie n’a quant à elle laissé filtrer aucune information sur le nombre de ses soldats présents à Kaliningrad. D’après les estimations de l’Institut international d’études stratégiques (IISS), entre 50 000 et 60 000 hommes au total ont été déployés au Belarus et à Kaliningrad, soit bien plus, à n’en pas douter, que les chiffres déclarés par la Russie mais aussi nettement moins que les 100 000 hommes dont il était question dans les estimations de sources américaines et européennes avant l’exercice (IISS, 2018). 48. D’après le ministre russe de la défense, Sergueï Choïgou, Zapad 2017 reproduisait une opération de contre-insurrection menée contre des groupes extrémistes qui recevaient une aide logistique et des matériels militaires acheminés depuis l’extérieur par voie aérienne et maritime. La

5 La Russie a pour politique de consacrer chaque année un exercice à une région différente. À côté de

Zapad, qui en russe signifie Ouest, il y a aussi Kavkaz (Caucase), Tsentr (Centre) et Vostok (Est).

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Russie devait notamment tester son aptitude à mettre en place un mur A2/AD composé de moyens de défense aérienne. Selon les éléments dont on dispose, cette partie de l’exercice a été une réussite. À côté d’un volet conventionnel, la Russie avait également prévu un volet asymétrique destiné à tester sa capacité de mettre en échec des groupes chargés de missions de reconnaissance et de diversion (comme, à l’époque, ses propres petits hommes verts), et de parer à des opérations de guerre électronique. Le scénario devait évoluer en cours d’exercice, passant progressivement de la contre-insurrection à un conflit conventionnel (IISS, 2018 ; Boulègue, 2017). Selon différents analystes, cet aspect avait son importance, car la Russie tend à mettre en scène les tactiques qu’elle prévoit de déployer ultérieurement en conditions réelles. C’est ainsi qu’au cours de l’exercice tenu en 2013, elle avait testé l’utilisation de Spetsnaz (Forces spéciales) qui allaient jouer plus tard un rôle décisif dans l’annexion de la Crimée (Mizokami, 2017). 49. Par ailleurs, Moscou est restée délibérément très vague sur la question de savoir si des troupes ou des matériels étaient restés sur place après l’exercice. Viktor Moujenko, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, a fait savoir publiquement qu’il soupçonnait la Russie de n’avoir retiré qu’une petite partie de ses troupes déployées au Belarus (Williams and Polityuk, 2017). 50. Certains observateurs craignaient que la Russie ne se serve de Zapad pour mettre la détermination de l’OTAN à l’épreuve en l’utilisant pour dissimuler une manœuvre à caractère offensif, mais l’exercice s’est terminé sans incident (Luik et Praks, 2017). C’est en raison de telles inquiétudes, toutefois, que des exercices simultanés ont été menés par trois pays différents à l’approche de Zapad 2017 et immédiatement après sa conclusion. Ainsi, la Suède a réalisé l’exercice sur l’île de Gotland dont il est question plus haut. La Pologne, de son côté, a organisé l’exercice Dragon-17, qui ne réunissait pas moins de 17 000 hommes venus de neuf pays de l’OTAN ainsi que d’Ukraine et de Géorgie (Lasconjarias et Dycka, 2017). Enfin, le président ukrainien, Petro Porochenko a annoncé un renforcement de la présence militaire sur la frontière entre son pays et le Belarus (UNIAN, 2017). 51. Zapad a essentiellement permis de tirer des conclusions de deux ordres. Tout d’abord, malgré les mesures de réassurance appliquées par l’OTAN depuis 2016, la Russie est parvenue, dans les mois qui ont précédé l’exercice, à susciter la peur dans toute la région en jouant la carte de l’ambiguïté. Deuxièmement, elle a montré qu’elle avait les moyens de mener non seulement des opérations asymétriques ou hybrides, mais aussi des opérations de guerre conventionnelle. La mise en œuvre réussie de ses capacités A2/AD est un avertissement lancé à l’OTAN : le coût à payer pour atteindre une zone abritée derrière un mur de ce type serait particulièrement lourd (Boulègue, 2017). VII. MOBILITÉ MILITAIRE ET FINANCEMENT DE LA DÉFENSE : DES OBSTACLES

MAJEURS QUI PERSISTENT POUR L’OTAN

Mobilité militaire 52. Durant la guerre froide, la mobilité des troupes et des matériels était considérée comme une priorité et faisait systématiquement l’objet d’évaluations dans le cadre d’exercices fréquents. Les infrastructures en place à l’époque permettaient d’assurer la disponibilité opérationnelle en matière de soutien, de commandement et de contrôle, de destruction, d’interdiction et de diversion. Elles comprenaient notamment des lignes de communication multicouches, des installations renforcées de stockage des munitions et des carburants et un oléoduc qui traversait le centre et le nord de l’Europe pour acheminer le carburant vers les bases d’opérations à l’avant. Certaines de ces installations existent toujours à l’heure actuelle, mais leur fonctionnement s’arrête aux frontières de l’OTAN à la fin de la guerre froide (Jacobson, 2018). L’OTAN a depuis lors déplacé ses frontières plus à l’est, mais l’on a omis de mettre en place des infrastructures et une connectivité avec les nouveaux membres (Nováky, 2017). Aujourd’hui, l’OTAN se trouve confrontée à des problèmes

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militaires de taille touchant, premièrement, aux infrastructures en tant que telles et deuxièmement, à certaines exigences réglementaires. 53. L’Alliance souffre actuellement de graves lacunes infrastructurelles. Pour commencer, il lui est impossible, en raison d’insuffisances criantes en matériel roulant pour les opérations de chargement et de déchargement le long des lignes de communication ferroviaires, de transporter rapidement ses matériels militaires modernes sur de longues distances. Par ailleurs, elle ne dispose pas d’équipements de pontage militaire en suffisance. Enfin, dans certains pays, les infrastructures ne sont pas en mesure, physiquement parlant, de supporter le poids des véhicules militaires à la pointe de la technologie et doivent être modernisées de toute urgence. Ainsi, l’écartement des rails de chemin de fer change lorsque l’on quitte les pays baltes pour entrer en Pologne (Jacobsen, 2018). 54. L’Alliance doit aussi faire face à d’importantes lenteurs administratives aux frontières entre ses membres, lors du passage en douane de ses matériels et de ses forces. Le général Ben Hodges a ainsi exprimé en termes particulièrement directs sa frustration face au cauchemar bureaucratique que représentent actuellement les mouvements de troupes aux frontières. Il est ironique, a-t-il déclaré, de disposer d’une force à très haut niveau de préparation que l’on ne peut, dans le même temps, déplacer suffisamment rapidement pour des raisons de bureaucratie (Schultz, 2017). Au cours des réunions conjointes de février, les membres de l’AP-OTAN ont appris que ces réglementations administratives fastidieuses sont même d’application dans le « corridor » de Suwalki, cette étroite bande de terre marquant la frontière entre la Pologne et la Lituanie. On estime que, même en travaillant sans interruption et sans tenir compte d’éventuels imprévus, le passage d’une colonne de véhicules importante peut prendre plusieurs semaines (Schultz, 2017). 55. La modernisation des infrastructures devrait aller de pair avec la mise en place d’un cadre juridique simplifié et plus cohérent – l’expression informelle Schengen militaire est souvent utilisée dans ce contexte. Dans l’état actuel des choses, les demandes de franchissement de frontières par des troupes et des équipements peuvent même, contre toute attente, être refusées (EEAS, novembre 2017). Cette question a été jusqu’à présent gravement négligée, mais l’on voit se dégager aujourd’hui des initiatives communes cohérentes qui devraient donner des résultats significatifs à plus ou moins brève échéance. 56. En premier lieu, l’OTAN a décidé, en novembre 2017, d’actualiser sa structure de commandement. Parmi les grandes innovations prévues dans ce contexte, il y a l’établissement d’un commandement chargé de la logistique, du renforcement et de la mobilité militaire que l’Allemagne se propose d’accueillir sur son territoire, et qui fera office de place tournante centrale pour le transport des matériels et des effectifs en direction de l’est de l’Alliance. La modernisation des infrastructures en vue d’améliorer l’état de préparation militaire figure également au nombre des objectifs de l’EDI, qui consacre à ce projet une enveloppe budgétaire de 337,8 millions de dollars en 2018 et de plus de 800 millions de dollars en 2019. Un second commandement chargé de la même mission sera créé pour la zone atlantique, de manière à pouvoir effectuer en souplesse les transferts d’effectifs et de matériels en cas d’urgence majeure en Europe. 57. En second lieu, il est essentiel d’instaurer une coopération institutionnelle plus poussée entre l’OTAN et l’UE.

Une solution qui passe par la coopération OTAN-UE

58. En décembre 2017, la lutte contre les obstacles tant juridiques qu’infrastructurels entravant la mobilité militaire a été inscrite au nombre des domaines de coopération entre l’UE et l’OTAN (Conseil de l’Union européenne, 2017). Sachant que Federica Mogherini, haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a appelé de ses vœux la mise en place d’un plan d’action en la matière pour mars 2018, la mobilité militaire devrait se trouver au cœur de la première initiative phare de la Coopération structurée permanente menée sous l’égide de l’Union (Conseil européen, 2017 ; Commission européenne, novembre 2017).

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59. Selon l’Union européenne, la lutte contre les menaces hybrides repose sur un certain nombre de facteurs clés dont une meilleure résilience des infrastructures de transport, raison pour laquelle cet aspect occupe une place si importante dans le cadre de la coopération entre l’UE et l’OTAN (Commission européenne, juillet 2017). Il faudra notamment coopérer avec l’UE dans l’établissement d’une cartographie des législations en vigueur relatives aux mouvements de troupes. L’union douanière ne s’appliquant pas, dans l’état actuel des choses, aux matériels militaires, la mobilité de ces derniers reste en effet assujettie à un ensemble complexe de réglementations diverses (OTAN, UE, pays), sources d’incertitudes et de retards importants (Fiott, 2017).

Une vulnérabilité flagrante : le flanc nord-est de l’OTAN 60. Comme indiqué plus haut, les politologues de la RAND Corporation rencontrés en janvier 2017 avaient indiqué à la commission de défense et de sécurité que les capacités et la posture de l’OTAN, de même que son aptitude à mettre en échec une agression russe dans les États baltes à l’aide de ses seules forces terrestres et aériennes conventionnelles, ne suffiraient pas à ramener la région à son état antérieur sans une grave escalade du conflit. Même si l’EFP, la VJTF et l’EDI des États-Unis ont incontestablement modifié l’équation régissant l’équilibre des forces, elles ne peuvent contrebalancer les atouts que la Russie garde toujours dans son jeu, en particulier dans la région balte.

La Russie garde la main au niveau local 61. Le recentrage de l’OTAN sur les opérations de stabilité hors zone après la guerre froide, et plus particulièrement après les attentats terroristes du 11 septembre, a eu pour effet de reléguer à l’arrière-plan les armements lourds interarmées, l’artillerie et la défense antimissile (RAND, 2018). Conjuguée aux coupes opérées dans les dépenses et dans les investissements de défense, cette tendance est venue entamer fortement les capacités conventionnelles de la majorité des forces armées européennes, compromettant ainsi leur capacité de renforcer les forces déployées ou de les soutenir dans la durée.6 Une étude récente sur l’aptitude des armées britannique, française et allemande – les trois plus grandes en Europe – à générer et à soutenir durablement des brigades blindées dans la Baltique a montré que chacun de ces pays serait probablement en mesure de déployer et d’appuyer une brigade renforcée, mais à des rythmes différents et moyennant d’importants sacrifices (Shurkin, 2017). Cette même étude a également montré que seule la France serait en mesure de déployer un bataillon et une brigade plus rapidement que les deux autres pays, soit moyennant un délai d’une semaine pour le premier et d’un mois pour la seconde. Des informations récentes sur l’opérabilité de nombreux systèmes militaires majeurs allemands ne font que renforcer les doutes quant aux contributions de ce pays (Buck, 2018). 62. Inversement, la Russie a consacré les dix dernières années à perfectionner ces mêmes capacités qui font défaut aux forces européennes et canadiennes mises à la disposition de l’OTAN. Pendant tout ce temps, Moscou a renforcé et amélioré ses moyens interarmées en mettant l’accent sur la mobilité et la létalité. Ces mêmes capacités sont par ailleurs à l’épreuve dans le cadre d’exercices très fréquents, voire dans le cadre d’opérations de combat réelles, en Ukraine et en Syrie. Tous les progrès ainsi réalisés ont incontestablement permis à la Russie de se hisser au rang d’adversaire de force presque égale, comment le souligne la récente NSS des États-Unis. 63. Dans la région de la Baltique, ses défenses aérienne et antimissile intégrées, son artillerie à longue portée et ses moyens blindés lourds permettent à la Russie de conserver un avantage significatif (IISS, 2015, RAND 2018). Enfin, Moscou devrait être en mesure, grâce à ses lignes intérieures de communication tant ferroviaires que terrestres, de lancer des opérations à bref préavis et de leur apporter un soutien rapide.

6 Cette question est étudiée de manière détaillée dans le projet de rapport de la DSCTC sur Partage des

charges : recentrer le débat [065 DSCTC 18 F], présenté par Attila Mesterhazy (Hongrie) .

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64. Dès lors, et malgré les tentatives récentes de faire pencher l’équilibre des forces conventionnelles dans la région de la Baltique en faveur des Alliés, la Russie garderait l’avantage en cas d’affrontement à court ou à moyen terme, et cela devrait continuer d’être le cas aussi longtemps que l’Alliance ne sera pas en mesure d’acheminer, selon toute vraisemblance depuis l’autre rive de l’Atlantique, des ressources considérables déterminantes pour l’issue du conflit. VIII. CONCLUSIONS PROVISOIRES 65. Certes, les forces conventionnelles ne représentent, aux côtés des forces nucléaires – autre pilier des capacités d’ensemble de l’Alliance –, qu’une partie de la posture de défense et de dissuasion de l’OTAN. Cela étant, l’objectif de toute posture de dissuasion est de faire comprendre à l’adversaire que l’avantage qu’il pourrait retirer d’une action militaire serait réduit à néant par le prix à payer pour cette dernière et donc, de rendre une telle option inconcevable. 66. Le déséquilibre conventionnel qui persiste aujourd’hui dans la partie orientale de l’OTAN pourrait inutilement en tenter certains. Toute tentative russe visant à tester la détermination de l’Alliance entraînerait une escalade rapide aux conséquences catastrophiques. 67. Dès lors, de nombreuses mesures peuvent et doivent être prises pour renforcer l’équilibre des forces conventionnelles dans la région, de manière à faire disparaître une telle tentation, aussi faible ou improbable soit-elle. 68. La présence avancée rehaussée et la présence avancée adaptée de l’OTAN se résument finalement à trois grands messages. Premièrement, elles témoignent de la solidarité de l’Alliance face à l’attitude agressive de la Russie et aux menaces qu’elle fait peser sur la région. Le rôle de premier plan que jouent dans ce contexte les États-Unis et le Canada en tant que chefs de file pour les groupes opérationnels basés en Lettonie et en Pologne traduit la nécessité des nouvelles initiatives de défense et de dissuasion menées dans la région du point de vue de la sécurité transatlantique. Deuxièmement, elles traduisent la détermination de l’Alliance à décourager de futures agressions en dotant la région de capacités plus robustes. Enfin, elles montrent que l’OTAN est résolue à contrer d’éventuelles incursions limitées dans la région. 69. Ces messages peuvent être renforcés. Différentes options sont proposées ci-après pour examen par les parlementaires : Premièrement, le déploiement de forces et d’équipements terrestres supplémentaires dans la partie orientale de l’Alliance reste absolument nécessaire. C’est en effet un moyen de remédier en partie aux problèmes de mobilisation dont il est question plus haut, en ce sens que la présence sur place d’effectifs plus nombreux et de stocks d’armes plus abondants entraînerait un net raccourcissement des échéances de déploiement. 70. Deuxièmement, tous les Alliés peuvent adhérer aux initiatives OTAN-UE visant à renforcer les infrastructures et à lever les barrières juridiques et bureaucratiques ralentissant l’acheminement de matériels et d’effectifs militaires vers l’est. De ce point de vue, les parlementaires de l’OTAN peuvent jouer un rôle au niveau des pays en légiférant et en votant des financements en ce sens. L’impact de ces financements irait très clairement au-delà des seuls transferts de matériels militaires – la modernisation des routes, des ponts, des infrastructures de communication, des ports et aéroports, etc. en meilleur état peuvent en effet avoir des retombées économiques considérables tout en témoignant de la volonté politique de mettre en commun les fardeaux supportés par les Alliés. 71. Il n’est pas assez question, dans le débat sur la répartition du fardeau, des retombées positives que peuvent avoir de tels investissements en termes de sécurité et de défense, ou de la volonté politique des Alliés régionaux de servir l’unité d’action en « faisant leur part du travail ». Pour

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reprendre les propos du général de corps d’armée Carsten Jacobson lors des réunions conjointes en février 2018 : « Quand des matériels vitaux ne peuvent franchir les frontières sans qu’il faille en passer par une bureaucratie lourde et des procédures qui n’en finissent pas – car les retards que nous avons constatés au cours d’exercices récents ne se comptent pas seulement en jours mais également en semaines –, il devient tout simplement impossible de mettre les capacités de l’Alliance en œuvre sur l’ensemble de son territoire. Cette question doit recevoir une réponse urgente, et cette tâche incombe aux politiciens. » 72. Troisièmement, les membres européens de l’Alliance devraient instaurer des délais de déploiement plus rapides que ceux cités plus haut. Ils devraient également disposer des ressources nécessaires pour assurer le soutien desdits déploiements. Tous les Alliés devraient être en mesure d’apporter une contribution substantielle. Il est impératif de cibler les investissements sur les insuffisances en forces. 73. Il faut que les Alliés régionaux investissent, d’une part, dans des systèmes modernes de défense couche basse, dans des systèmes performants de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR), ainsi que dans des capteurs et des radars leur permettant d’acquérir une image plus complète de la situation aérienne, et d’autre part, dans des capacités de défense plus difficiles à détecter comme des systèmes portatifs de défense aérienne (MANPADS). À défaut de systèmes étendus de défense aérienne, investir dans des capacités comme des missiles Stinger pourrait clairement pousser les Russes à revoir leurs calculs et à se demander s’ils disposent bien de la supériorité aérienne et terrestre en cas d’urgence, même à court terme. 74. Quatrièmement, les membres de l’OTAN doivent investir dans des moyens permettant de submerger et de dégrader les systèmes A2/AD de la Russie, à savoir des chasseurs de 5e génération comme le F-35, des systèmes de brouillage et des systèmes de missiles de précision à longue portée, de manière à pouvoir déceler et mettre en échec toute tentative russe de dégrader la capacité des Alliés à opérer sur le territoire de l’Alliance. 75. Enfin, comme nous l’indiquions déjà dans le rapport sur le partage du fardeau établi en 2017 par la sous-commission sur la défense transatlantique et la coopération en matière de sécurité (DSCTC), le Conseil de l’Atlantique Nord a décrété que l’Alliance doit se doter d’une nouvelle posture de dissuasion à la fois moderne, dynamique et mobile. Il est impératif de disposer des moyens de mise en œuvre d’une telle posture. Ceci va se traduire, pour les Alliés, par des investissements accrus dans les équipements et la structure de force censés permettre à l’OTAN de contrer les défis sécuritaires évolutifs et les menaces pesant aujourd’hui sur la stabilité internationale. Ceci dit, l’OTAN ne pourra parvenir à cet objectif que si une volonté politique se dégage en faveur d’une solution qui permette de mettre en œuvre, à l’échelle de l’Alliance, les capacités requises en termes d’effectifs et de ressources.

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DSC 064 DSCFC 18 F Original : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ

LES FORCES D’OPÉRATIONS SPÉCIALES DE L’OTAN DANS L’ENVIRONNEMENT DE

SÉCURITÉ CONTEMPORAIN

PROJET DE RAPPORT*

Madeleine MOON (Royaume-Uni) Rapporteure

Sous-commission sur l’avenir de la sécurité et des capacités de défense

www.nato-pa.int 4 avril 2018

* Aussi longtemps que ce document n’a pas été adopté par la commission de la défense et de la sécurité,

il ne représente que le point de vue de la rapporteure.

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION ............................................................................................................... 1 II. L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ ACTUEL – OPPORTUNITÉS ET DÉFIS POUR

LES SOF ........................................................................................................................... 1 LA ZONE GRISE ............................................................................................................... 2

III. LES SOF DANS L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ INTERNATIONAL

CONTEMPORAIN ............................................................................................................. 3 A. BREF HISTORIQUE DES SOF DE LEUR CRÉATION À NOS JOURS .................... 3 B. QUE FONT LES SOF CONCRÈTEMENT ? ............................................................. 5 C. PRINCIPALES TÂCHES DES SOF .......................................................................... 5 D. ÉVOLUTION DU RÔLE DES SOF AU SEIN DE L’OTAN ......................................... 6 E. LE NSHQ AUJOURD’HUI ......................................................................................... 6 F. LES SOF DE L’OTAN ET L’ADAPTATION D’APRÈS 2014 ...................................... 7 G. VERS UNE RÉGIONALISATION DES SOF DE L’OTAN ? ....................................... 8

IV. SOF ALLIÉES ET LUTTE CONTRE LE TERRORISME .................................................... 8

LES PROBLÈMES LIÉS À LA STRATÉGIE À LONG TERME DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET AU RECOURS AUX SOF – L’EXEMPLE DE DAECH ET DES TALIBANS ......................................................................................................................... 8

V. L’UTILISATION DES SOF PAR LA RUSSIE ...................................................................... 9

L’ANNEXION DE LA CRIMÉE PAR LA RUSSIE ET SON INGÉRENCE CONTINUE EN UKRAINE .................................................................................................................... 9

VI. LES SOF ET LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DANS LA ZONE GRISE .................... 10

A. APERÇU DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES SOF TEL QUE MENÉ PAR CERTAINS ALLIÉS ................................................................................................ 11 1. ROYAUME-UNI ............................................................................................. 11 2. ÉTAS-UNIS ................................................................................................... 11 3. FRANCE ........................................................................................................ 12 4. LES DÉFIS POSÉS PAR LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES SOF

DANS D’AUTRES PAYS MEMBRES ............................................................ 12 VII. CONCLUSIONS PROVISOIRES : QUELLES VOIES À SUIVRE POUR LES

PARLEMENTAIRES DES PAYS DE L’OTAN ? ............................................................... 13

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 15

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I. INTRODUCTION 1. Les forces d’opérations spéciales (SOF) de l’OTAN exécutent des missions essentielles, allant de l’action directe à la connaissance de la situation ou encore aux missions d’entraînement dans l’environnement de sécurité international complexe actuel. Par exemple, une coalition de forces spéciales internationales apporte son soutien aux forces locales dans la lutte contre Daech, et d’autres groupes d’opérations spéciales (SOTG) ont été intégrés, dans toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique, à l’appui des forces afin de permettre à celles-ci de donner la priorité aux tactiques, techniques et procédures (TTP) ainsi qu’aux opérations militaires de petites unités. Au-delà de la lutte contre l’extrémisme violent, les SOF de l’OTAN s’emploient aussi à aider les pays membres à garder une longueur d’avance sur les menaces croissantes émanant de pays concurrents de niveau quasi égal. 2. Alors que les guerres, autant impopulaires que largement infructueuses, perdent de l’ampleur au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est, la volonté de disposer d’opérateurs spéciaux va aller croissant. Les forces d’opérations spéciales sont niables par nature, ce qui permet aux dirigeants politiques d’éviter la réprobation que le déploiement de forces conventionnelles suscite auprès de l’opinion publique. En plus de laisser une faible empreinte, les forces spéciales offrent de nombreux autres avantages pour ce qui est d’atteindre des objectifs politiques à moindre coût. 3. Le défi que pose l’environnement de sécurité international actuel et futur se joue dans la zone grise de compétition entre l’OTAN et ses principaux rivaux. Les eaux troubles qui bordent le seuil de la guerre ne constituent pas un terrain sur lequel l’OTAN peut véritablement mettre à profit ses points forts. Tandis que la Russie utilise ses instruments militaires à l’appui de ses éléments de puissance nationale, les pays membres de l’Alliance utilisent tous trop souvent leurs instruments militaires pour défendre leurs instruments de puissance nationaux. L’existence de forces spéciales de l’Alliance solides, aptes au combat et interopérables sera essentielle à une uniformisation des règles du jeu. 4. Le quartier général des opérations spéciales de l’OTAN (NSHQ) s’emploie à former, à donner des avis et à soutenir les SOF des pays membres et des pays partenaires de l’Alliance pour parvenir à cette fin. Comme le montre le présent projet de rapport, il serait possible d’en faire encore bien plus pour financer les efforts de cette entité.

5. Ce projet de rapport fait le point sur le rôle nouveau et dynamique que les forces spéciales jouent aujourd’hui dans les domaines des opérations, de l’entraînement et de la planification. Son but ultime est de mieux faire comprendre aux législateurs des pays membres de l’OTAN ce qu’une utilisation accrue des SOF signifie en termes de coûts et d’avantages dans un environnement de sécurité exigeant. Ce qui ressort clairement du présent projet de rapport : les parlementaires doivent réfléchir sérieusement au rôle et à l’utilisation des SOF, comprendre que les défis qui se posent nécessitent une coopération interagences appropriée pour pouvoir faire face aux problèmes cruciaux que sont notamment le financement, le contrôle et la supervision opérationnelle. II. L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ ACTUEL – OPPORTUNITÉS ET DÉFIS POUR LES

SOF 6. Les efforts déployés par l’OTAN pour s’adapter à la situation d’après 2014 peuvent être regroupés autour de deux défis majeurs : la Russie et l’extrémisme violent d’inspiration djihadiste. Mais le fait d’appréhender ces défis en tant que pôles distincts cherchant à saper la paix et la sécurité des populations et des territoires des pays membres de l’Alliance, masque la complexité des menaces qu’ils posent. 7. La Russie est un pays révisionniste hostile aux accords politiques, économiques et de sécurité dictés par la communauté euro-atlantique en Europe. Enhardie par ses récents progrès au niveau de ses capacités militaires conventionnelles, la Russie se montre de plus en plus agressive dans

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ses acrobaties avec les pays occidentaux sur les plans politique, économique et de la sécurité. Mais la Russie est loin de représenter une menace strictement conventionnelle, pouvant être contrée grâce au calcul du juste dosage entre systèmes de défense conventionnel, nucléaire, aérien et antimissile. En réalité, la Russie pose aussi toute une série de défis asymétriques, dont certains s’apparentent plus souvent aux actions de groupes armés non étatiques et de réseaux criminels qu’à celles d’États-nations modernes. 8. Aujourd’hui, l’extrémisme violent d’inspiration islamiste représente un problème de sécurité majeur pour tous les pays membres de l’Alliance. Le nombre de ressortissants européens et nord-américains commettant des actes violents au nom d’idéologies extrémistes d’inspiration djihadiste augmente. Cela teste les limites de nos forces de police et plonge la société civile dans une profonde tourmente (Vidino, et al., 2017). Selon les estimations du renseignement, le nombre d’Européens à s’être empressés de rejoindre Daech, après son ascension rapide en 2014, serait de 5 000 ; on s’attend à ce qu’environ 1 500 d’entre eux essaient de rentrer chez eux (Renard et Coolsaet, 2018). 9. Se sentant menacés par les campagnes militaires actives menées contre eux en Syrie, en Iraq, en Libye et en Afghanistan, les chefs de Daech encouragent leurs sympathisants à frapper partout où ils peuvent et avec tous les moyens dont ils disposent. En conséquence, les agressions à l’arme blanche menées de manière aléatoire et les attaques au véhicule-bélier ont représenté le plus grand nombre d’attentats réussis ces dernières années. Une étude a permis de recenser 51 attentats commis par des loups solitaires en trois ans, de juin 2014 à juin 2017 (Vidino, et. al., 2017). 10. Dans de nombreux conflits à travers le monde, de l’Afghanistan à l’Afrique de l’Ouest en passant par le Moyen-Orient, des groupes armés d’inspiration djihadiste sèment la terreur dans les États faibles et provoquent le déplacement massif de populations locales qui, pour un grand nombre d’entre elles, poursuivent leur fuite jusqu’en Europe, venant rejoindre les rangs de réfugiés toujours plus nombreux et grossir les flux de migrants. De nos jours, les groupes terroristes internationaux d’inspiration djihadiste, comme Daech, ont également recours à des méthodes et à des stratégies davantage apparentées à celles d’acteurs étatiques : occupation de territoire, taxation des civils, mise en place de forces de combat de type conventionnel plus structurées, etc. Ainsi, ces groupes ont un impact d’autant plus profond sur le terrain dans les sociétés déchirées par la guerre et qui s’efforcent de trouver un moyen de favoriser la réconciliation politique et sociale. Les groupes djihadistes transnationaux, les groupes armés locaux non étatiques, et les loups solitaires utilisent tous la même stratégie, profitant d’une position de relative faiblesse pour venir y jouer les perturbateurs et semer la peur et le doute quant à la capacité de l’ordre politique en place de maintenir la paix et la sécurité. 11. Cette gamme complexe de menaces force les dirigeants politiques et les conseillers politiques à élargir leur compréhension de la sécurité d’une façon nouvelle – tandis qu’ils s’efforcent de trouver les instruments de puissance nationale adéquats (sur les plans diplomatique, de l’information, militaire, économique, financier, du renseignement, et de l’application des lois (DIME-FIL)) pour répondre aux objectifs à court et à long termes visant à maintenir la paix et la sécurité des populations dont la responsabilité leur incombe en dernier ressort.

La zone grise 12. Élargir notre compréhension de la sécurité est rendu d’autant plus difficile que les principales menaces qui se posent à l’OTAN aujourd’hui se situent à l’intérieur de ce que les universitaires, et de plus en plus aussi les responsables politiques, appellent la zone grise. La zone grise désigne la zone où des acteurs étatiques et non étatiques « ont recours aux menaces, à la coercition, à la cooptation, à l’espionnage, au sabotage, à la pression politique et économique, à la propagande, aux outils électroniques, à des techniques clandestines, au démenti, à la menace de l’usage de la force, et à l’usage de la force pour faire avancer leurs projets politiques et militaires » (Roberts). Et selon Frank Hoffman : « Ce terme renvoie à des activités multidimensionnelles menées

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délibérément par un acteur étatique juste au-dessous du seuil de l’usage agressif de la force militaire » (Hoffman). La figure 1 ci-dessous indique où se situe la zone grise dans la gamme des défis de sécurité.2

Le spectre du conflit dans la guerre non conventionnelle

13. Bien qu’Hoffman fasse uniquement référence aux États, le terme peut aussi s’appliquer à des acteurs quasi étatiques comme Daech. Pourquoi un acteur étatique ou quasi étatique chercherait-il à exploiter la zone grise ? Tout État, ou autre acteur quel qu’il soit, essayant de mettre à mal un État a le choix entre deux options fondamentales s’agissant de concevoir des cadres défensifs : l’alignement (à l’instar de ce qu’ont fait les États-Unis et l’URSS durant la guerre froide) ou la compensation, c’est-à-dire investir dans des capacités en vue de réduire l’avantage du concurrent (Goldman). 14. Étant donné la supériorité conventionnelle et (pour le moment encore) technologique des pays membres de l’OTAN, et des États-Unis en particulier, leurs adversaires affûtent leurs capacités dans la zone grise et y effectuent des investissements, ce qui modifie la conception que tous les pays membres de l’OTAN ont de la défense et de la dissuasion aujourd’hui. Cela redéfinit en fait fondamentalement la conception que tous les membres de l’Alliance ont de la sécurité contemporaine. 15. La zone grise se situe entre la guerre et la paix. C’est en quelque sorte un sous-article 5, étant donné que l’invocation de l’article 5 permettrait aux Alliés de l’OTAN de mobiliser les capacités et les ressources nécessaires à écraser leurs adversaires. 16. Vu leur entraînement, leur formation et leur dynamisme opérationnel dans tout un éventail de tâches, les forces spéciales ont de plus en plus tendance à être considérées comme la solution au type de défense, de dissuasion et de connaissance situationnelle dont les Alliés ont besoin pour faire face aux menaces émanant de la zone grise. III. LES SOF DANS L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ INTERNATIONAL CONTEMPORAIN

A. BREF HISTORIQUE DES SOF DE LEUR CRÉATION À NOS JOURS 17. Alors que tous les pays bénéficiant d’une solide tradition militaire pouvaient se targuer de disposer de leurs propres SOF3, la guerre moderne les a, au départ, rendues moins pertinentes. Durant la guerre froide, les forces spéciales représentaient une composante marginale de la stratégie de défense des Alliés. Dans une période où le risque de guerre totale était concret et où il était encore courant de mener des opérations à grande échelle, les petites unités spécialisées étaient ouvertement méprisées par les autres forces militaires, comme l’a succinctement résumé le

2 Graphique extrait du livre de Frank Hoffman “The Contemporary Spectrum of Conflict: Protracted, Gray

Zone, Ambiguous, and Hybrid Modes of War” Heritage Foundation, 2016 Index of U.S. Military Strength. https://index.heritage.org/military/2016/essays/contemporary-spectrum-of-conflict/

3 Dans l’ère précontemporaine, les exemples les plus connus furent certainement les ninjas japonais et les janissaires de l’Empire ottoman.

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général Eric Shinseki, ancien vétéran du Vietnam : « Aucun soldat des forces spéciales ne m’a jamais arraché du champ de bataille » (Rumsfeld, 2011). 18. Un mythe des forces spéciales s’est développé, les présentant comme une élite invisible prête à assumer les tâches les plus dangereuses. Malgré des échecs cuisants, comme la débâcle de l’opération Eagle Claw, leur image captiva l’imagination populaire. Les forces spéciales jouèrent un rôle particulièrement déterminant au Royaume-Uni durant les crises politico-militaires d’Irlande du Nord et des Malouines, et également un rôle essentiel dans les actions que les Français menèrent en Algérie et en Indochine. 19. La résurgence actuelle des SOF trouve son origine dans la réforme des SOF états-uniennes menée en 1987, qui les plaça sous le commandement unifié du commandement des opérations spéciales des États-Unis (USSOCOM). Sous l’USSOCOM, les SOF états-uniennes menèrent avec succès des missions sur différents théâtres, d’Haïti jusqu’en Iran. En particulier, certaines des nouvelles composantes de commandement, comme le commandement des opérations spéciales interarmées (JSOC) et la division science et technologie furent chargés de recenser les lacunes en matière de capacités et de proposer des innovations afin de maintenir leur avance technologique sur leurs concurrents. C’est en ex-Yougoslavie que les SOF ont pour la première fois été utilisées systématiquement après la fin de la guerre froide : elles ont d’abord apporté leur soutien aux forces de l’OTAN dans le cadre des opérations menées en Bosnie-Herzégovine et en Serbie, puis elles ont participé à l’entraînement de l’Armée de libération du Kosovo et aidé à capturer des personnes suspectées de crimes de guerre (Moran, 2016a ; NSHQ 2018). 20. L’année 2001 a marqué le début d’une ère nouvelle pour les SOF. Après le 11 septembre, l’administration George W. Bush a boosté les capacités SOF et en a fait le fer de lance de la guerre mondiale contre le terrorisme. Cette décision a eu deux conséquences : premièrement, cela a permis aux SOF états-uniennes d’acquérir de l’expérience dans les opérations de lutte contre le terrorisme et contre l’insurrection (CT/CI), qui sont ainsi devenues leur principal domaine d’activité, et les succès qu’elles ont enregistrés ont considérablement amélioré leur réputation ; deuxièmement, de nombreux Alliés ont suivi l’exemple états-unien en améliorant leurs capacités SOF. 21. Les budgets consacrés aux SOF ont augmenté de manière spectaculaire après le 11 septembre, passant de 2,3 milliards de dollars en 2001 à 10,4 milliards en 2016 (Naylor). Cela s’explique en grande partie par deux facteurs : premièrement, le recours aux SOF s’est avéré bien plus rentable que les opérations à grande échelle ; deuxièmement, l’opinion publique ne voulait plus d’autres guerres après avoir beaucoup investi en Afghanistan et en Iraq. Dès lors, les SOF furent considérées comme un compromis satisfaisant pour mener d’indispensables opérations sur les théâtres de guerre (Barno et Sharp). Aujourd’hui, les Alliés utilisent d’ailleurs encore davantage les SOF pour réaliser leurs objectifs de politique étrangère. Par exemple, durant les 200 premiers jours de la présidence de Donald Trump, l’USSOCOM a mené à bien plus de 100 opérations avec les SOF, soit cinq fois plus qu’au cours des 200 derniers jours de la présidence d’Obama (Zenko). 22. Tout comme les États-Unis, de nombreux pays européens ont commencé à mettre en œuvre leurs propres commandements interarmées des SOF. Mais, faute de ressources suffisantes, les résultats ont été mitigés. Certains pays au passé dictatorial ont dû se battre avec l’opinion publique pour pouvoir opérer des réformes dans le secteur militaire, tandis que d’autres ont vu leurs initiatives entravées par leur manque d’ampleur et de budgets (Murphy). De ce point de vue, ni le NSHQ ni l’Union européenne (UE)4 n’ont reçu les ressources et le soutien politique suffisants pour pouvoir générer les capacités SOF nécessaires pour les opérations et souhaitées par l’ensemble des Alliés.

4 En 2001, après le 11 septembre, l’UE a approuvé la création d’un réseau ATLAS. Sur la base du constat

selon lequel tous les pays membres de l’UE n’ont pas la capacité d’intervenir dans toutes les situations de crise, ATLAS a été créé en tant qu’association dans le but de fournir un cadre à l’échange d’informations dans les situations nécessitant des « unités d’intervention spéciales ». Cette idée aurait, certes, pu facilement être à l’origine d’une plateforme de l’UE destinée au partage de capacités SOF,

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23. Mais comme les récents développements laissent présager une nouvelle révision de la posture de défense des Alliés, ceux-ci devraient tenir compte de la mise au point par Moscou de nouvelles compétences SOF. Ces dernières années, l’OTAN a assisté à l’utilisation accrue et fructueuse des SOF par la Russie, l’exemple le plus marquant étant celui de l’annexion de la Crimée, menée à bien avec succès par les brigades russes spetsnaz5 (Galeotti). En d’autres termes, les capacités SOF pourraient bien représenter l’élément qui ferait toute la différence dans un scénario de guerre hybride.

B. QUE FONT LES SOF CONCRÈTEMENT ? 24. Définition : dans la doctrine alliée interarmées pour les opérations spéciales de l’OTAN, les SOF sont définies comme suit : « Activités militaires menées par des forces spécialement désignées, organisées, sélectionnées, entraînées et équipées, utilisant des techniques et des modes d’action non conventionnels ». Plus de détails sont donnés dans le reste de la définition : « Ces activités pourront être menées dans toute la gamme des opérations militaires, pour aider à atteindre l’état final souhaité. Des considérations politico-militaires pourront nécessiter de recourir à des techniques clandestines ou secrètes, et d’accepter un certain niveau de risque politique ou militaire non associé à des opérations menées par des forces conventionnelles. Les opérations spéciales fournissent des résultats au niveau stratégique ou opérationnel, ou sont exécutées lorsqu’il existe un risque politique majeur. »

C. PRINCIPALES TÂCHES DES SOF 25. Les principales tâches des forces spéciales sont classées en trois grandes catégories : assistance militaire (MA), reconnaissance spéciale (SR), action directe (DA) – ces types de mission sont communs aux SOF de tous les pays membres de l’OTAN. 26. L’assistance militaire consiste en des activités de formation et d’entraînement, de conseils, et de soutien aux partenaires (le plus souvent dans la zone de responsabilité du partenaire). La MA est souvent fournie par la puissance alliée jusqu’à ce que le partenaire soit en mesure d’assumer seul les activités concernées. Les activités MA peuvent toutefois déboucher sur des interactions fructueuses en apportant de nouveaux enseignements/nouvelles informations dans un domaine intéressant à la fois les tâches SR et DA. Les tâches de reconnaissance spéciale sont essentiellement des activités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) servant à renseigner des secteurs ou des types de missions extrêmement dangereuses, se déroulant dans des environnements hostiles, ou politiquement sensibles. L’action directe peut être définie comme toute action prise par les SOF alliées, depuis les opérations de frappe de précision et les exécutions ciblées jusqu’aux arrestations de criminels de guerre, etc. conformément à ce qu’exige l’exécution d’une mission. 27. Par ailleurs, les forces spéciales jouent souvent un rôle clé dans différents types d’autres tâches allant de la lutte contre l’insurrection, contre le terrorisme ou contre les risques chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires (CBRN) aux opérations de sauvetage/libération d’otages.

mais au moment de la rédaction du présent document, les pays membres n’avaient pas poursuivi leur soutien en faveur d’ATLAS.

5 Littéralement : forces à usage spécial ; c’est le terme générique russe utilisé pour SOF.

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D. ÉVOLUTION DU RÔLE DES SOF AU SEIN DE L’OTAN6 28. Les SOF de l’OTAN sont nées du constat selon lequel les capacités et les activités SOF de l’Alliance manquent cruellement de coordination. La transition de l’OTAN après la guerre froide vers des opérations expéditionnaires dans les pays voisins, a mis au jour la nécessité pour les capacités interopérables SOF de prendre en charge toute une série de tâches allant des activités ISR aux opérations de sauvetage/libération d’otages et de lutte contre l’insurrection. Cela fut le cas pour la première fois en Bosnie-Herzégovine en 1995, lorsque les forces multinationales de l’OTAN eurent l’impression que le champ de bataille bosnien était cloisonné (un trop grand nombre de canaux d’information discrets convergeant vers les autorités nationales au détriment d’autres forces de l’Alliance présentes sur le théâtre). De même, l’opération expéditionnaire CT/CI à longue distance, en Afghanistan en 2002, a montré le coût élevé et le peu d’avantages qui pouvaient résulter du manque d’interopérabilité entre les SOF des différents pays de l’OTAN. 29. La solution finale au manque d’interopérabilité entre les SOF des pays membres de l’OTAN a commencé à poindre avec la déclaration du sommet de Riga en 2006, qui a scellé l’approbation d’une série d’initiatives visant à renforcer la capacité de l’Alliance à s’adapter au nouvel environnement de sécurité. Il est spécifiquement indiqué dans la déclaration qu’il s’agit notamment : « de lancer une initiative de transformation des forces d’opérations spéciales visant à accroître leur aptitude à s’entraîner et opérer ensemble, notamment en améliorant les capacités en équipements ». Cela a pris le nom d’Initiative de transformation des SOF de l’OTAN (NSTI). 30. Les trois missions essentielles poursuivies dans le cadre de la NSTI concernaient la mise en place : 1) d’un directeur du bureau des opérations spéciales en mesure de donner des conseils directs sur les SOF au commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR) ; 2) d’un centre de coordination des SOF de l’OTAN, de manière à créer un lien direct entre les SOF nationales et l’OTAN, et d’aider à la coordination de l’appariement direct entre les capacités SOF nationales et les besoins de l’OTAN ; et, 3) d’une fédération de centres pour coordonner l’offre en matière de formation et d’entraînement, entre l’OTAN et les SOF nationales. En 2010, les Alliés ont établi un quartier général des opérations spéciales de l’OTAN, destiné à être un quartier général permanent pour la coordination plutôt qu’un commandement des opérations spéciales de l’OTAN.

E. LE NSHQ AUJOURD’HUI 31. Le rôle essentiel du NSHQ est la coordination du développement de capacités SOF, et de leur interopérabilité, pour les Alliés et leurs partenaires.7 Le NSHQ est aussi chargé de fournir de solides services consultatifs aux décideurs de l’OTAN, allant de la planification, la doctrine et la publication de normes jusqu’aux conseils directs. Le personnel du NSHQ s’efforce d’établir une planification stratégique et opérationnelle afin de permettre aux pays membres de l’OTAN l’emploi de « SOF compétentes, immédiatement disponibles et intégrées, à l’appui de l’OTAN » dans l’environnement de sécurité complexe d’aujourd’hui. Actuellement, le NSHQ participe étroitement (prenant même parfois la direction du projet) à l’élaboration du très attendu plan d’action de l’Alliance contre le terrorisme, qui doit être remis en avril pour pouvoir être présenté lors du sommet de juillet à Bruxelles.

6 Les informations fournies ci-après découlent d’un certain nombre d’entretiens ou de séances

d’information que l’auteur et le personnel de la commission de la défense et de la sécurité de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN) ont eus avec des commandants SOF des pays de l’OTAN au NSHQ, des membres de la conférence des commandants du NSHQ, et du personnel de la fondation internationale SOF. Toute erreur ou interprétation erronée éventuelle relèverait de notre propre fait.

7 Pour cette tâche, le NSHQ peut largement s’appuyer sur le système de recueil et d’exploitation des informations du champ de bataille (BICES). Actuellement, tous les pays partenaires SOF approuvés de l’OTAN peuvent accéder à toutes les informations communicables disponibles dans BICES, les partager entre eux et collaborer à leur sujet.

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32. Les États-Unis fournissent actuellement près de 93 % du financement total du NSHQ. Le Congrès des États-Unis supervise cinq cadres de dépenses distincts pour le NSHQ, dont les ressources et le personnel proviennent des 26 Alliés possédant des SOF.8 33. Les commandants du NSHQ vont rapidement présenter l’école des forces d’opérations spéciales de l’OTAN comme la « perle » de l’organisation. L’école des SOF de l’OTAN cherche à « fournir aux SOF de l’OTAN un entraînement et une formation synchronisés, normalisés, efficients et efficaces et à permettre aux SOF des pays de l’OTAN et des pays partenaires d’améliorer leurs capacités nationales et leur capacité à travailler ensemble, et de promouvoir l’interopérabilité ». L’école propose actuellement 27 cours différents à ses résidents, axés sur le développement professionnel, les études opérationnelles, le renseignement et les opérations d’exploitation technique, le développement des capacités aériennes des SOF, et sur la formation médicale théorique et pratique des SOF. Actuellement, les développements du NSHQ avec les partenaires concernent essentiellement des programmes dotés d’importants moyens financiers en Ukraine, en Géorgie et en Tunisie. Le NSHQ a fait savoir que si l’élargissement des programmes de développement des partenaires est vivement souhaité, le fait que ce ne soit toujours pas une priorité politique à l’OTAN limite le potentiel d’extension.

F. LES SOF DE L’OTAN ET L’ADAPTATION D’APRÈS 2014 34. L’OTAN a réagi à l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 en restructurant la Force de réaction de l’OTAN (NRF) via le plan d’action « réactivité » (RAP), dont le but était d’augmenter les effectifs de la force de réaction à 40 000 soldats et de les rendre plus flexibles et plus adaptables, afin de garantir renforcement rapide et mobilité. Le RAP a également donné lieu à la création de la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) en tant que fer de lance de la NRF, capable de déployer une brigade de 5 000 hommes dans un délai de 2 à 7 jours à la périphérie de l’Alliance.9 Depuis cette réforme, la NRF contient des composantes air, terre, mer ainsi que des unités de forces d’opérations spéciales. 35. Au sein de la NRF, le NSHQ a pour rôle principal de coordonner le développement des capacités SOF des Alliés pour permettre aux pays de réaliser le plan de rotation à long terme au titre de la NRF, y compris former les commandements de composante opérations spéciales (SOCC) de la NRF et les groupes de travail (et unités) qui en dépendent. Étant donné que la formation d’un SOCC est le rôle le plus difficile qu’aient à remplir les pays de l’Alliance, le NSHQ dispose d’un programme spécifique pour passer de zéro à un SOCC de la NRF, qui consiste en une approche structurée sur cinq ans visant à développer la capacité d’un pays à fournir un SOCC. Le programme comprend une formation théorique et pratique, des exercices et une évaluation. Selon les besoins, le programme pourra également prévoir l’assistance de l’OTAN pour la fourniture de systèmes d’information et de communication (SIC) et d’autres capacités facilitatrices qu’un pays ne sera peut-être pas en mesure de financer seul. 36. Alors que l’OTAN continue d’adapter sa posture de défense et de dissuasion à l’environnement de sécurité d’après 2014, les SOF ont un rôle déterminant à jouer. Le NHSQ cherche à passer de la capacité opérationnelle de commande et de contrôle mentionnée plus haut à la fourniture d’une capacité stratégique de forces spéciales de théâtre. En tant que composante SOF de théâtre, le NSHQ se liera plus étroitement avec le directeur du bureau des opérations spéciales au SHAPE pour fournir des avis stratégiques et synchroniser les forces spéciales sur l’ensemble du théâtre à un niveau situé au-dessus des commandements de forces interarmées opérationnelles.

8 Actuellement, le Luxembourg, l’Islande et le Monténégro ne possèdent pas de forces spéciales. 9 Cette commission a examiné plus en détails l’impact de cette décision dans le précédent rapport

[167 DSCFC 15 F bis], intitulé Le plan d’action « réactivité » de l’OTAN : assurance et dissuasion pour la sécurité après 2014, de Xavier Pintat.

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G. VERS UNE RÉGIONALISATION DES SOF DE L’OTAN ? 37. Aujourd’hui, il y a une volonté de porter le commandement, le contrôle et la planification à un niveau régional via l’extension du réseau des SOCC. Cela se traduirait par une coordination des capacités SOF d’un pays membre dans telle ou telle région pour tirer parti de missions communes, afin d’obtenir une représentation de la situation régionale. Les SOCC régionaux multinationaux regrouperaient alors leurs résultats pour établir une synthèse du renseignement plus complète des développements hybrides quels qu’ils soient observés sur le territoire de l’Alliance, pour compilation en une représentation coordonnée à Bruxelles. 38. Comme cela a été évoqué ci-dessus, le principal facteur de motivation à la régionalisation des SOF de l’OTAN provient du fait que les forces ont du mal à fournir le nombre requis de SOCC par niveau d’ambition. Étant donné que de nombreux pays manquent encore de ressources et de capacités, la constitution de SOCC composites prévoyant des rôles distincts pour chaque pays permettra à chacun de ces pays d’apporter sa contribution à la formation d’un réseau plus fort et plus résilient. Ces SOCC régionales pourraient être configurées en fonction des communautés linguistiques, des liens géographiques ou historiques, ou des capacités. IV. SOF ALLIÉES ET LUTTE CONTRE LE TERRORISME 39. Les SOF sont devenues de facto l’instrument militaire par excellence de la campagne mondiale de lutte contre le terrorisme qui a démarré à la suite des attentats du 11 septembre. Comme mentionné plus haut, il existe deux grands types de déploiement des SOF : les missions directes visant à traquer, arrêter ou tuer des terroristes et leurs instigateurs ; ou les méthodes indirectes qui comprennent souvent des missions consistant pour les SOF à former, donner des avis et à soutenir les forces partenaires (étatiques ou non étatiques). Les missions directes et indirectes menées par les SOF dans le cadre de la guerre mondiale contre le terrorisme ont été extrêmement fructueuses. Les exemples abondent pour illustrer ces succès. La traque et l’élimination d’Oussama Ben Laden ont contribué à atténuer un peu le traumatisme des attentats du 11 septembre. De même que l’on peut faire valoir que la formation, les avis et l’assistance délivrés aux forces spéciales iraquiennes se sont avérés être la clé de voûte qui a empêché Bagdad de tomber durant les heures les plus sombres de l’offensive de Daech sur le pays en 2014. 40. Combinées aux aéronefs pilotés à distance pour les activités ISR et les frappes de précision à distance, les SOF sont aujourd’hui l’arme politique la plus discrète qui puisse être utilisée pour les opérations de lutte contre le terrorisme et contre l’insurrection dans des environnements de sécurité complexes. Si les SOF prévalent dans l’environnement actuel de lutte contre le terrorisme, cela est dû à deux raisons principales : premièrement, le recours aux SOF est une solution rentable ; et, deuxièmement, la nature secrète des opérations SOF offre aux décideurs une option plus discrète pour un usage sélectif de la force, comme solution alternative aux grandes opérations complexes, mobilisant de nombreux effectifs et susceptibles d’être politiquement sensibles. 41. Les responsables politiques devraient néanmoins se garder de trop recourir aux forces spéciales et se méfier du décalage à long terme entre politique et stratégie qu’un recours excessif risquerait d’entraîner.

A. LES PROBLÈMES LIÉS À LA STRATÉGIE À LONG TERME DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET AU RECOURS AUX SOF – L’EXEMPLE DE DAECH ET DES TALIBANS

42. De nombreuses opérations menées par les Alliés récemment en recourant abondamment aux SOF devraient appeler l’attention sur quelques caractéristiques essentielles liées à l’emploi des SOF. Premièrement, les opérations spéciales s’inscrivent presque toujours dans le cadre d’un

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objectif stratégique plus large, nécessitant le soutien d’autres instruments de pouvoir militaires, mais aussi d’instruments nationaux ainsi que d’instruments économiques et politiques. Si les SOF peuvent contribuer au succès sur le plan tactique, les objectifs stratégiques plus larges nécessitent l’investissement d’efforts plus soutenus et une volonté politique. Deuxièmement, les SOF sont couramment utilisées dans la stratégie mondiale alliée de lutte contre le terrorisme pour capturer ou éliminer des cibles de « haute valeur » au sein d’une organisation terroriste spécifique, avec pour conséquence de précipiter sa chute ou sa tombée en désuétude. 43. Comme l’ont montré des études, les stratégies portant sur des cibles de haute valeur n’ont pas été aussi efficaces qu’espéré (Long, 2017). En dépit des efforts déployés pour priver les groupes de leurs chefs et de leurs puissants chefs intermédiaires, ou pour affaiblir leur pouvoir, cette stratégie est largement inefficace en raison de la stratégie organisationnelle des groupes. En effet, les groupes fortement institutionnalisés, comme le sont les talibans, ont montré qu’ils étaient en mesure d’absorber rapidement les chocs touchant la structure de leur commandement. 44. Par ailleurs, les groupes ayant été fragilisés par l’application d’une stratégie de capture et d’élimination de cibles de haute valeur, comme l’a été Daech, ont trouvé les moyens de se réorganiser, de reconstituer leurs ressources et de réémerger. Étant donné que l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL) a perdu son territoire, le groupe reviendra à ce que les groupes terroristes armés semblent tous faire aujourd’hui : s’employer à se regrouper en pratiquant un mélange de terrorisme international et régional pour faire survivre leur cause, préserver leur raison d’être puis resurgir. Les conditions prévalant aujourd’hui sur le terrain en Iraq et en Syrie continuent d’offrir un terrain favorable pour permettre au groupe de resurgir : l’État de droit est loin d’être établi et c’est plutôt l’homme fort de la région qui impose sa loi à une population traumatisée par les conflits. Une fois encore, la campagne militaire de déni de territoire a largement devancé les initiatives visant à trouver une solution de réconciliation politique adéquate sur le terrain. 45. De plus, il convient de noter que l’élimination de cibles à l’extérieur du champ de bataille officiel pose d’évidents problèmes de légalité et de droits humains. Cette question est au centre du débat mené actuellement aux États-Unis sur la nécessité d’obtenir une nouvelle autorisation pour pouvoir recourir à la force militaire. Par ailleurs, le fait que les points de vue divergent sur la question de savoir s’il s’agit, ou non, d’exécutions extrajudiciaires, alimente les spéculations et la méfiance dans les médias sociaux, sans parler de la propagande diffusée par les mêmes organisations terroristes que celles combattues par nos forces nationales. V. L’UTILISATION DES SOF PAR LA RUSSIE 46. La Russie a recours aux SOF pour déstabiliser et fragiliser son voisinage proche dans le but de maintenir son influence et son contrôle sur les développements politiques dans ces régions, l’exemple le plus récent étant celui de l’annexion de la Crimée.

L’annexion de la Crimée par la Russie et son ingérence continue en Ukraine 47. Comme évoqué par cette commission dans son rapport de 2015 sur la guerre hybride, l’ingérence russe en Ukraine, et l’annexion de la Crimée qui a suivi, a représenté un exemple illustrant la manière dont tous les éléments du pouvoir d’État russe se sont combinés pour donner un résultat stratégique à court terme. Les forces spéciales russes ont joué un rôle clé dans la capacité de Moscou à tricher, déstabiliser puis s’emparer d’un territoire appartenant à l’Ukraine. 48. Durant les premiers mois de 2014, la société civile ukrainienne s’est livrée à une lutte ouverte pour son avenir : à savoir si elle devait rester dans la sphère d’influence russe ou se rapprocher de la communauté euro-atlantique par le biais d’une association plus étroite avec l’UE et l’OTAN. À la fin du mois de février, Moscou a décidé la tenue d’un exercice surprise de grande envergure mobilisant quelque 150 000 soldats, ce qui a permis de détourner l’attention des actions russes en

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Crimée. Rapidement, une cyberattaque à grande échelle a été lancée contre des institutions publiques et privées ukrainiennes, suivie par une manœuvre de guerre électronique consistant à brouiller les systèmes de communication des institutions criméennes. Cette attaque électronique a permis d’isoler la péninsule de Crimée de Kiev, afin qu’elle ne parvienne pas à établir de réponse coordonnée. Des forces spéciales russes non identifiées se sont alors infiltrées, s’emparant d’installations militaires et gouvernementales essentielles dans toute la péninsule. La Russie a également eu recours à une campagne de désinformation et au soutien diplomatique de Moscou pour imposer un référendum factice sur l’indépendance. Toutes les tactiques utilisées ont permis d’éviter de justesse la guerre tout en obtenant le résultat politique souhaité. 49. La Russie poursuit son ingérence en Ukraine. Le maintien en puissance et l’entraînement des forces insurgées à l’est de l’Ukraine est un parfait exemple de mission MA. Le soutien apporté par Moscou aux forces supplétives en vue de maintenir Kiev dans l’incapacité de contrôler l’ensemble du territoire ukrainien nuit aux efforts déployés par l’Ukraine pour poursuivre ses projets d’intégration euro-atlantique. Parmi les moyens non militaires employés pour déstabiliser Kiev, on citera : l’utilisation ou le contrôle de ressources naturelles pour exercer une pression économique et politique, les cyberattaques, le recours aux réseaux criminels, etc. Tout cela, sous un déluge permanent de propagande, de dezinformatzia et de fausses nouvelles pour désancrer la perception de la vérité au sein de la population et allant même jusqu'à la réinterprétation du passé récent ou du long passé historique en maintenant vivaces les différents récits de tel ou tel événement d’actualité.

50. Il ressort clairement de ce qui précède que la Russie conçoit ses forces militaires, et donc également les SOF, comme un soutien à tous ses éléments de puissance nationale, et qu’elle les utilise pour réaliser ses objectifs de grande stratégie. Cela diffère grandement de la conception de l’Alliance. En effet, les Alliés semblent estimer que le déploiement de leurs forces doit servir à défendre leurs instruments de pouvoir nationaux. Ceci engendrera un déséquilibre et une faiblesse stratégiques permanentes face à la Russie. En d’autres termes, l’OTAN continue de réagir aux actions de la Russie plutôt qu’à les anticiper. VI. LES SOF ET LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DANS LA ZONE GRISE 51. Comme évoqué précédemment, c’est dans la zone grise, située entre la guerre et la paix, que les SOF sont le plus efficaces. Néanmoins, cette zone grise étant intrinsèquement vague et utilisée pour justifier une vaste gamme d’activités, les préoccupations de redevabilité vont croissant. 52. Ces préoccupations de redevabilité se manifestent de deux manières différentes. Premièrement, les forces spéciales n’ont traditionnellement pas besoin de l’approbation parlementaire pour être déployées. Deuxièmement, les gouvernements mentionnent généralement les opérations réussies mais gardent sous silence celles qui ont échoué. En conséquence de quoi la population pense que les opérations SOF sont plus fiables qu’elles ne le sont en réalité, du fait de l’utilisation sélective des données. 53. Il va de soi que les opérations SOF sont avant tout caractérisées par leur nature secrète. En principe, les unités SOF relèvent du même système de justice militaire que les troupes régulières. Toutefois, le caractère secret des opérations qu’elles mènent fait que les tribunaux sont souvent incapables d’accéder aux dossiers complets, y compris à l’identité du personnel : dès lors, le manque d’informations concernant les opérations fait qu’il est difficile de poursuivre le personnel pour fautes graves, négligence ou pire encore. Par ailleurs, alors que les budgets de défense diminuent, l’empressement des gouvernements à augmenter le financement des SOF pose question quant à leurs véritables motifs, au point que de hauts responsables ont demandé si le renforcement des capacités SOF était dicté uniquement par des considérations stratégiques ou par la volonté de mener des opérations militaires encore plus grandes à l’insu de la population.

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A. APERÇU DU CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES SOF TEL QUE MENÉ CHEZ CERTAINS ALLIÉS

1. ROYAUME-UNI

54. En 2015, la rapporteure du présent projet de rapport a mené l’enquête auprès de la Chambre des communes après que le cabinet du premier ministre eut voté une augmentation du budget des SOF de 2 milliards de livres. Mais le cabinet n’a pas été en mesure de justifier la nécessité d’une telle augmentation. La rapporteure a également supervisé une enquête parlementaire visant à examiner si le ministre de la défense devait perdre l’immunité qui le mettait à l’abri de poursuites judiciaires – procédure connue sous le nom de « Crown Censure » – pour des incidents survenus durant des exercices et ayant causé la mort accidentelle de trois aspirants aux services aériens spéciaux (SAS) au cours d’un exercice d’entraînement (Moon 2015 ; Townsend, 2016). 55. Toute information relative aux opérations spéciales est assortie d’un haut niveau de classification. Les parlementaires britanniques se sont penchés à maintes reprises sur la question de la communication d’informations concernant ces opérations, essentiellement comme moyen d’obtenir plus de détails sur la participation des services aériens spéciaux britanniques dans la guerre mondiale contre le terrorisme (Parlement du Royaume-Uni).. 56. La révélation de détails sur les opérations est exclue de la loi britannique sur la liberté d’information (FOIA) et de la loi interdisant de révéler au grand public les dossiers du gouvernement avant une période de 30 ans. L’ancien secrétaire d’État à la défense du Royaume-Uni, Philip Hammond, était assez clair sur la politique du gouvernement : « Nous ne faisons jamais de commentaires sur l’affectation de nos forces spéciales dans le monde et nous resterons fidèles à cette politique » (Moran, 2016a). Et effectivement, sur son site Internet public, le ministère britannique de la défense ne reconnaît pas les SOF comme des troupes déployées (L’Armée britannique, 2018). Les données qui y sont disponibles n’ont pas été approuvées par le ministère de la défense et ne sont pas non plus le résultat de fuites. La participation des SOF britanniques en Libye a été révélée accidentellement par le roi Abdallah de Jordanie au cours d’une séance d’information au Congrès des États-Unis (Ramesh). Une enquête indépendante menée par VICE News accuse les forces spéciales britanniques d’être responsables de la mort de civils au Yémen, alors que le gouvernement n’a jamais reconnu de présence militaire dans ce pays (Shabibi et Watling).

2. ÉTATS-UNIS 57. La politique états-unienne relative aux SOF est, elle aussi, caractérisée par une redevabilité insuffisante. En principe, les activités militaires traditionnelles exigent que le Congrès soit informé à l’avance. Pourtant, la Maison Blanche considère que les activités SOF ne relèvent pas de cette catégorie et les a classifiées (Rhodes, 2011). En tant que commandant en chef, le président des États-Unis jouit d’une grande autonomie dans ses décisions de politique étrangère, du fait aussi que la guerre mondiale contre le terrorisme a reçu l’approbation du Congrès. La branche paramilitaire de la CIA (Agence centrale du renseignement), souvent composée d’anciennes troupes SOF, est également un sujet de préoccupation. Pour pouvoir déployer cette branche, la CIA a besoin de l’approbation du président et doit mettre au courant les responsables du comité du renseignement du Congrès. Mais la législation états-unienne exempte la CIA de cette procédure si cela concerne des opérations secrètes nécessaires à la réalisation d’objectifs clairs10 de politique étrangère. Pour des raisons pratiques évidentes, la CIA a opté pour une interprétation large de ce qui relève des

10 Le titre 50 du Code des États-Unis couvre les activités de la CIA. Ce code décrit sommairement les

procédures gouvernant la guerre et la défense nationale. Le titre 50 traite des opérations de renseignement, de l’espionnage, des équipements et des moyens militaires, des pouvoirs d’urgence et d’autres thèmes liés à la défense. Le titre 50 fait communément référence aux pouvoirs que le directeur du renseignement national est en mesure de conférer aux agences de renseignement états-uniennes pour des opérations.

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opérations secrètes, lui permettant ainsi d’éviter que le Congrès s'immisce dans la plupart de ses activités (Moran, 2016b). 58. Le Congrès des États-Unis a également un rôle de contrôle et un rôle consultatif limité. Par exemple, les commandants de l’USSOCOM ne sont pas dispensés de devoir témoigner et de fournir un compte rendu global de leurs activités. En novembre 2017, des représentants des commissions des forces armées de la Chambre des représentants et du Sénat ont exprimé leurs préoccupations face à l’augmentation du recours aux SOF lors d’un forum politique organisé par la Fondation internationale des SOF, expliquant que les unités sont fatiguées de tous ces déploiements répétés et ininterrompus (Brimelow, 2017).

3. FRANCE 59. En France, le commandement des opérations Spéciales (COS) a été créé en 1992 sur le modèle de l’USSOCOM. En 2017, le ministère de la défense reconnaissait que 25 opérations avaient été menées par les forces spéciales françaises depuis la création du COS, même s’il est fort probable que beaucoup plus l’aient été en secret (Schumacher). Le COS joue un rôle prépondérant dans la stratégie de défense française, compte tenu du budget considérable qu’il est parvenu à investir dans les nouvelles capacités technologiques (Guibert). D’autre part, ses missions sont caractérisées par la même absence d’informations que l’on retrouve aux États-Unis et au Royaume-Uni. 60. Ces dernières années, l’intervention militaire française en Libye n’a été rendue publique que par l’enquête journalistique menée par le journal Le Monde. En réaction, le ministre de la défense de l’époque, Jean-Yves Le Drian, a intenté une action judiciaire pour violation du secret de défense nationale (Guibert). En 2017, le gouvernement a annoncé la mort d’un soldat français en Iraq, sans toutefois révéler ni son identité ni le lieu exact de sa mort, afin de préserver les objectifs plus larges de la mission. La France n’avait jamais reconnu de déploiement officiel de troupes dans cette zone (Kujawski). D’un point de vue juridique, le déploiement secret de forces spéciales pourrait être considéré comme une violation de la constitution française : en principe, le président français doit toujours informer le parlement d’une opération militaire dans les trois jours, tandis qu’un déploiement de plus de quatre mois requiert l’approbation du parlement (Thomas). Pour faire la lumière sur les activités du COS, son commandant, le général Grégoire de Saint-Quentin a eu une audition devant la commission en juin 2016, au cours de laquelle il a fait valoir que la discrétion est une caractéristique intrinsèque des missions du COS, qui doit permettre de maintenir un avantage stratégique sur le terrain (Assemblée nationale).

4. LES DÉFIS POSÉS PAR LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES SOF DANS D’AUTRES PAYS MEMBRES

61. Les problèmes liés au manque de contrôle parlementaire se retrouvent dans d’autres pays de l’OTAN. En 2016, l’Italie a restructuré le commandement de ses opérations spéciales, en transférant aux services secrets l’autorité liée aux missions de ces forces. Ce faisant, le gouvernement italien a acquis un plein contrôle sur leurs déploiements, éliminant dans la pratique tout rôle de contrôle du parlement. Curieusement, cette réforme a eu lieu en même temps que paraissaient des rapports relatant la tenue d’opérations des forces italiennes en Libye. Il est ainsi plus que probable que le gouvernement souhaitait éviter un débat parlementaire sur une question aussi conflictuelle (Kington). Au Canada, les forces spéciales connaissent un destin similaire à celui des forces spéciales états-uniennes, étant donné que leur utilisation a nettement augmenté ces dernières années dans le cadre des opérations de lutte contre le terrorisme. Mais il semble que cela s’est fait à l’insu de la population et du contrôle parlementaire (National Post, 2015). 62. Partout, la confidentialité est une composante essentielle du succès des opérations menées par les forces spéciales. Néanmoins, cela ne devrait pas devenir un blanc-seing permettant aux gouvernements de décider ce qu’ils veulent révéler – ou ne rien révéler du tout – au grand public.

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Tout en reconnaissant l’importance stratégique des SOF, les parlementaires devraient rester en mesure d’exercer une certaine forme de contrôle sur leurs activités. En plus d’organiser des auditions parlementaires, les parlementaires ont généralement le droit de voter les budgets de défense, et donc aussi le financement des SOF. Si les parlementaires demandaient des informations sur la nature exacte des projets pour lesquels les SOF de leur pays réclament un financement, on en saurait davantage sur le genre d’activités qui seront exécutées. Les fonds consacrés à l’acquisition de nouveaux équipements et technologies au bénéfice d’opérations ISR efficaces est de l’argent bien dépensé. En revanche, les dépenses non traçables en feront sourciller plus d’un sur la manière dont les forces spéciales d’un pays utilisent les ressources nationales. VII. CONCLUSIONS PROVISOIRES : QUELLES VOIES À SUIVRE POUR LES

PARLEMENTAIRES DES PAYS DE L’OTAN ? 63. On peut dire que les SOF sont victimes de leur succès. Elles peuvent mener à bien des opérations SOF de manière plus rentable que les forces régulières, et la réputation dont elles jouissent auprès du grand public leur évite d’être stigmatisées comme le sont les opérations purement militaires. C’est pourquoi, ces dernières années, les décideurs ont commencé à déployer le plus possible des SOF au lieu des forces conventionnelles. Nous nous sommes retrouvés dans un cercle vicieux où l’efficacité des SOF leur a fait prendre la responsabilité d’opérations qui auraient normalement dû être effectuées par des forces conventionnelles, encourageant encore un peu plus les décideurs à approuver des coupes néfastes dans les budgets de la défense. Le point de rupture n’est peut-être néanmoins pas loin si l’on en croit les propos tenus par le chef de l’USSOCOM, le général Raymond Thomas III : « Nous ne sommes pas la panacée » (SOFrep, 2017). Dans tous les pays de l’Alliance, les armées font tout pour compléter leurs rangs avec des soldats suffisamment aptes à exécuter les exigeantes tâches requises au titre des opérations spéciales. 64. En dépit de ce qui a été dit précédemment, l’existence de forces d’opérations spéciales aptes au combat reste essentielle pour faire face aux défis actuels et futurs de l’environnement de sécurité international. Les pays rivaux déstabilisateurs de la sécurité internationale, et les éléments cherchant à saper l’Alliance vont de plus en plus essayer de le faire en utilisant des tactiques propres à la zone grise : coercition, cooptation, espionnage, sabotage, pression politique et économique, propagande, outils électroniques, techniques clandestines, etc. Avec ces instruments, les pays rivaux peuvent essayer de rester au-dessous du seuil de l’Article 5, lequel déclencherait l’entrée d’une Alliance extrêmement puissante dans un conflit que, pour le moment, tout adversaire perdrait. Face aux tactiques employées par les concurrents dans la zone grise, les SOF peuvent mener des opérations essentielles en matière de reconnaissance spéciale, de renseignement et de précision. 65. Actuellement, l’Alliance a les moyens de fournir des SOF homogènes, aptes au combat et interopérables dans tous les pays membres. Cela est possible essentiellement grâce au quartier général des opérations spéciales de l’OTAN. Lorsque l’Alliance s’adapte, le NSHQ s’adapte aussi. 66. Les parlementaires des pays membres devraient néanmoins avoir conscience que le NSHQ est confronté au même dilemme que celui auquel de nombreux services et institutions doivent faire face dans l’environnement de sécurité actuel : des ressources limitées à répartir entre un trop grand nombre de demandes. Par exemple : - Les demandes de l’OTAN pour que les pays forment leurs propres commandements

d’opérations spéciales nécessiteront bientôt l’inclusion d’un autre niveau de quartiers généraux à l’échelon du bataillon.

- La demande accrue de l’Alliance pour que le NSHQ s’occupe de planification politique, qui, aux niveaux actuels, ôte à l’entité des ressources précieuses qu’elle ne peut donc pas consacrer à d’autres tâches fondamentales.

- Le NSHQ est toujours en sous-effectifs et ne fonctionne aujourd’hui qu’à 70 % de ses capacités. Les parlementaires des pays membres devraient se renseigner pour savoir ce que

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leur pays fait pour soutenir cette entité dont le rôle est essentiel pour le développement de SOF compétentes chez tous les Alliés.

67. L’impulsion en faveur d’une présence des SOF de l’OTAN de plus en plus régionalisée manque encore de la volonté politique dont elle a besoin. Elle est freinée par le fait de devoir aller contre la réticence institutionnalisée de l’OTAN, qui souhaite avoir en tout temps le contrôle sur tous les éléments de sa structure de force. Le jeu à deux niveaux qui empêche actuellement un renforcement de la régionalisation est de trouver le juste équilibre entre un accroissement des ressources et une inertie face à l’adaptation. Force est de reconnaître que comme le bras de fer entre les pays membres de l’OTAN et leurs rivaux se joue de plus en plus dans la zone grise, la présence d’une structure des SOF plus efficace permettra de se faire une idée plus claire de la situation de sécurité à laquelle l’Alliance doit faire face. 68. La régionalisation apporterait de nets avantages : les commandements de composante SOF de l’OTAN offriraient une capacité accrue en matière de connaissance situationnelle, assortie d’une réelle avance en termes de rapidité et de précision. L’Alliance en a grandement besoin compte tenu des tactiques hybrides qui essaient de semer le chaos, la confusion, ou encore le désaccord quant à la réalité sur le terrain. 69. Une présence régionalisée plus efficace des SOF apporterait beaucoup plus de résilience et de force à la nouvelle posture de défense et de dissuasion de l’Alliance. Le fait de disposer de SOF régionales coordonnées contribuerait grandement à réaliser le souhait souvent répété à Bruxelles d’avoir une posture de sécurité à 360 degrés, étayée par une dissuasion dynamique et mobile – ce qu'un cadre de forces d’élite, hautement éduquées et entraînées et rapidement déployables dans des régions diverses de l’Alliance pourrait fortement renforcer. Une architecture régionale des SOF de l’OTAN améliorerait sa compréhension des nouveaux défis plus nuancés et plus complexes qui se posent à sa sécurité. 70. Nous devons nous poser certaines questions fondamentales. Disposons-nous d’une autre approche que l’évaluation d’équilibre de forces utilisée pour faire le point sur la posture de défense conventionnelle alliée ? Disposons-nous, sur une base régulière, de forces compétentes, aptes au combat, adaptables et structurées pour faire face, dans nos pays, à une attaque comparable à celle ayant été perpétrée en Ukraine ? Pouvons-nous nous permettre de retarder la mise en place de structures régionales pour pouvoir fournir les réponses dont nous avons besoin ? 71. En fin de compte, les forces d’opérations spéciales devraient être appréhendées en tant que complément à une approche gouvernementale unifiée plus large de la sécurité, plutôt que comme la panacée à des problèmes complexes, auxquels les parlementaires doivent réfléchir sérieusement et pour lesquels ils doivent œuvrer à mettre en place une coopération interagences appropriée pour faire face à ces défis croissants et complexes.

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18

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________________________

DSC 065 DSCTC 18 F Original : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ

PARTAGE DES CHARGES : RECENTRER LE DÉBAT

PROJET DE RAPPORT*

Attila MESTERHAZY (Hongrie) Rapporteur

Sous-commission sur la coopération transatlantique en matière de défense et de sécurité

www.nato-pa.int 22 mars 2018

* Aussi longtemps que ce document n’a pas été adopté par la commission de la défense et de la sécurité,

il ne représente que le point de vue du rapporteur.

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION ............................................................................................................... 1 II. DÉFINITION DU PARTAGE DES CHARGES ET MISE EN CONTEXTE ........................... 1

Le partage des charges tel que défini par l’OTAN .............................................................. 2 III. LE PARTAGE DES CHARGES, L’ÉTERNEL DÉFI DE L’OTAN ........................................ 2

A. Alors pourquoi la directive des 2 % ? ........................................................................ 3 B. Vers la réalisation de l’engagement commun des 2 % pris au pays de Galles en

2014 ......................................................................................................................... 4 IV. LE DÉBAT AUTOUR DES 2 % : LIMITES ET AVANTAGES ............................................. 4

A. Définition des dépenses de défense et critiques ....................................................... 5 B. Le seuil des 2 % est-il valable pour tous ? ................................................................ 5 C. Qu’en est-il des risques ? ......................................................................................... 5 D. Apports, résultats ou les deux ? ................................................................................ 6

V. EN MISANT TOUT SUR L’ADAPTATION, LE SOMMET DE VARSOVIE ACCROÎT

LA PRESSION SUR LES 2 % ............................................................................................ 6 A. Points de vue des États-unis sur le partage des charges à l’approche du sommet

de l’OTAN à Bruxelles en 2018 ................................................................................. 7 B. Les paroles à l’épreuve de la réalité – l’engagement renouvelé des États-unis

envers la sécurité européenne .................................................................................. 8 VI. TENDANCES AU NIVEAU DES DÉPENSES DE DÉFENSE ............................................. 8

A. Amérique du nord ..................................................................................................... 9 1. États-unis ........................................................................................................... 9 2. Canada .............................................................................................................. 9

B. Europe ...................................................................................................................... 9 1. Europe Orientale .................................................................................................... 10 a. Pologne ........................................................................................................... 10 b. Roumanie ........................................................................................................ 10 c. Pays Baltes ...................................................................................................... 10

2. Europe Méridionale ................................................................................................ 11 a. Italie ................................................................................................................. 11 b. Grèce ............................................................................................................... 11 3. Europe Occidentale ......................................................................................... 12 a. France ............................................................................................................. 12 b. Royaume-uni ................................................................................................... 12 c. Allemagne ........................................................................................................ 13

VII. FOSSÉ INTRA-EUROPÉEN ............................................................................................ 13 VIII. CONCLUSIONS PROVISOIRES ..................................................................................... 14 Prochaines étapes pour les parlementaires des pays de l’OTAN ..................................... 15 X. ÉLARGIR LE DÉBAT POUR RENFORCER LA SÉCURITÉ DES ALLIÉS ....................... 15 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 17

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I. INTRODUCTION 1. L’OTAN s’emploie à mettre en place de nouvelles mesures d’adaptation ambitieuses de sa posture de défense et de dissuasion en réponse à l’environnement de sécurité international en rapide évolution. Parallèlement, les attentes vont croissant à l’égard de tous les Alliés de l’OTAN pour qu’ils investissent davantage dans la réussite de ces initiatives. Le plus fervent défenseur d’une augmentation des dépenses vient du pouvoir exécutif états-unien. 2. Le fait que les États-Unis attendent de plus gros efforts de la part de leurs alliés met une pression supplémentaire sur le changement d’approche déjà substantiel opéré au niveau du débat sur le partage des charges lors du sommet du pays de Galles de 2014, au cours duquel les Alliés se sont engagés à se rapprocher des 2 % du PIB consacrés aux investissements de défense d’ici à 2024, sachant que 20 % de cette hausse des dépenses devront être consacrés à l’achat de nouveaux équipements ainsi qu’à la recherche et au développement. 3. Parmi les Alliés, le débat sur le partage des charges s’est intensifié en raison de la baisse persistante des dépenses de défense effectuées par les pays membres européens de l’OTAN et le Canada après la guerre froide, alors que les États-Unis ont fait le choix inverse après les attentats du 11 septembre 2001. Les pressions accrues pesant sur les États-Unis au niveau mondial et la façon dont ont été perçues certaines décisions des Alliés de ne plus participer à telle ou telle opération ou tâche de l’OTAN au cours des dernières années n’a fait qu’échauffer le débat autour des contributions des Alliés. 4. Malgré les critiques essuyées par la directive des 2 % pour cause de lacunes définitionnelles et conceptuelles, l’engagement pris au pays de Galles en matière de dépenses de défense a plus ou moins arrimé l’Alliance à cet indicateur de référence. 5. Dans le présent rapport seront brièvement exposés l’historique du débat sur le partage des charges au sein de l’Alliance et les principales critiques essuyées par la directive des 2 %. Y sera ensuite présenté le niveau des nouveaux investissements de défense par région dans l’ensemble de l’Alliance. Enfin, le rapport conclura sur une tentative de mise en exergue de la valeur qui pourrait être retirée si tous les Alliés s’efforçaient de procéder à de nouveaux investissements de défense productifs, et sur une présentation des différentes mesures que les parlementaires des pays membres de l’OTAN pourraient prendre pour augmenter leurs apports, étant donné que les discussions concernant le partage des charges continuent de gagner en importance politique au fil de l’année. II. DÉFINITION DU PARTAGE DES CHARGES ET MISE EN CONTEXTE 6. Pour les besoins du présent rapport, le partage des charges est défini comme le poids relatif de la distribution, entre les Alliés, des coûts et des risques engagés pour la poursuite d’objectifs communs. 7. Le partage des charges au sein de l’OTAN est intrinsèquement lié à la nature politico-militaire de l’Organisation – l’identité profonde de l’Alliance étant définie par ses efforts pour garantir la sûreté et la sécurité des populations et des territoires de ses pays membres. Enfin, l’OTAN est une organisation fondée sur le consensus, ce qui signifie que toute opération, adaptation ou toute forme d’action collective est de facto un objectif politique commun auquel il convient d’affecter les ressources des pays de l’Alliance. 8. Le maintien de la paix et la sécurité dans ses pays membres est l’objectif central de l’Alliance. Alors forcément, tout au long de son histoire, la poursuite de cet objectif a régulièrement fait l’objet de discussions sur a) les moyens nécessaires pour l’atteindre ; et b) les différentes manières dont ces moyens seront utilisés.

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9. Dans le cas de l’OTAN, la question du partage des charges a toujours tourné autour de la seule question de savoir combien de biens militaires appropriés chaque Allié est en mesure de fournir pour accomplir telle ou telle tâche. Prises ensemble, ces tâches permettraient idéalement de maintenir la paix et la sécurité au sein de l’Alliance et même, de projeter de la stabilité à l’étranger. Pour atteindre cet objectif global, l’OTAN a défini trois tâches essentielles : la défense collective, la gestion de crise et la sécurité coopérative.

Le partage des charges tel que défini par l’OTAN 10. Les planificateurs de la défense de l’OTAN utilisent actuellement des métriques pour mesurer les apports financiers et les résultats militaires ainsi que les pourcentages de forces armées déployables, de cellules d’aéronefs et de navires, et de postes au sein des structures de commandement et de forces de l’OTAN satisfaisant aux exigences de la force de réaction (Mattelaer, 2016). 11. Pour l’heure, l’OTAN utilise 7 métriques pour évaluer les contributions de défense de chaque pays, y compris le respect des 2 % du PIB, de l’objectif de 20 % des budgets de défense nationaux consacrés aux achats d’équipements ainsi qu’à la recherche et développement, du pourcentage de forces armées déployables et de contributions véritablement déployées en termes de forces terrestres, d’aéronefs, de navires et de personnel affecté à la structure de commandement de l’OTAN (OTAN, 2017a). III. LE PARTAGE DES CHARGES, L’ÉTERNEL DÉFI DE L’OTAN 12. La question du partage des charges a toujours représenté un défi pour les responsables politiques des pays de l’Alliance depuis la création de l’OTAN en 1949. À l’époque, l’équilibre de forces relatif entre l’Europe de l’après-guerre et les États-Unis indiquait clairement que ces derniers joueraient le rôle dominant dans le façonnement de l’Alliance. Les responsables politiques états-uniens pressentaient déjà qu’en acceptant une alliance de sécurité collective scellée par traité, quelle qu’en soit la forme, avec ses alliés de l’après-seconde guerre mondiale, cela créerait un dilemme au niveau du partage des charges. Comme l’a dit le secrétaire d’État Dean Acheson devant le Congrès des États-Unis lors des auditions de ratification de l’OTAN en 1949, l’Alliance nouvellement constituée doit garantir que « personne ne dépende de l’aide de quelqu’un d’autre pour pouvoir assurer sa capacité de résistance » (Czulda et Madej, 2015). 13. C’est donc pour éviter ce problème que l’article 3 a été inséré dans le Traité de Washington, article qui souligne l’obligation faite aux Alliés d’investir dans leurs propres forces pour rendre l’Alliance conjointement plus forte et renforcer la capacité de chaque pays à s’autosuffire. 14. Au moment de rédiger le Traité de Washington, les pères fondateurs de l’Alliance avaient parfaitement conscience du fait que la crédibilité de la défense collective dépendait en fin de compte de la volonté politique de tous les Alliés de maintenir ce traité en vie. Dès lors, les attentes de proportionnalité entre les dépenses de défense des Alliés et la nécessité d’entretenir des forces aptes au combat étaient considérées comme un juste prix à payer par chacun des pays membres pour pouvoir bénéficier de l’accroissement de la sécurité garantie par l’appartenance à l’OTAN. Le principe de l’autosuffisance était censé garantir qu’aucun Allié ne devienne un maillon faible dans la chaîne d’initiatives déployées par les pays membres pour défendre leurs populations et leurs territoires. 15. Bien que les États-Unis aient exercé différentes formes de pression politique sur les Alliés pour que ceux-ci augmentent leurs dépenses de défense, les investissements de défense sont clairement restés une prérogative nationale. Tout au long de l’histoire de l’Alliance, il y a toujours eu une sorte

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de reconnaissance tacite du fait que chaque Allié aurait forcément des hauts et des bas dans ses conjonctures politiques et économiques nationales, susceptibles de les empêcher de procéder à des investissements de défense réguliers ou même à une augmentation de ces investissements à un moment donné. C’est pourquoi il est primordial de favoriser une augmentation régulière au fil du temps et de ne pas rappeler à l’ordre tel ou tel membre pour avoir « échoué » à répondre à ces attentes à un moment donné. La raison à cela est évidente – le maintien de la solidarité de l’Alliance l’a toujours emporté sur une éventuelle insuffisance momentanée (Lunn et Williams, 2017).

A. ALORS POURQUOI LA DIRECTIVE DES 2 % ? 16. Avant d’être entériné pour la première fois lors d’une réunion des ministres de la défense de l’OTAN en 2006, l’indicateur de référence de 2 %, fixé comme niveau minimum des dépenses de défense par rapport au PIB pour les pays aspirants, s’était imposé comme un objectif logique et réalisable pour les pays membres entrants qui consacraient alors 1,7 % environ de leur PIB aux dépenses de défense (Lunn et Williams, 2017). Simultanément, alors que des Alliés prenaient la tête des opérations en Afghanistan en 2003, le niveau moyen des dépenses de défense des pays membres européens et du Canada chuta à 1,7 % du PIB. C’est pourquoi le seuil des 2 % est devenu une directive visant à susciter des investissements de défense ambitieux, un moyen de rattraper les coupes qui se poursuivaient dans les dépenses de défense au titre des « dividendes de la paix » et un objectif à atteindre pour les membres entrants. 17. Malheureusement, le seuil des 2 % recommandé aux Alliés pour les dépenses de défense est apparu juste avant la crise financière de 2008, durant laquelle les budgets de défense devinrent les cibles privilégiées des gouvernements des pays de l’Alliance financièrement fragilisés. Et pour compliquer encore un peu plus les choses, une divergence grandissante s’est profilée en parallèle au niveau des dépenses de défense transatlantique. 18. Après les attentats terroristes de 2001, les États-Unis ont augmenté leurs dépenses de défense de manière spectaculaire. Le pays s’est mis sur le pied de guerre dans plusieurs régions du monde, avec pour intention d’assumer une posture de défense et de dissuasion face au terrorisme – on citera au titre des plus marquants et des plus pesants ses engagements en Afghanistan et en Iraq. Les pays membres de l’OTAN ont invoqué l’article 5 pour la première fois de l’histoire de l’Alliance pour défendre les États-Unis et sont rapidement devenus pays chefs de file en Afghanistan. Mais au fil des opérations et missions expéditionnaires de l’Alliance, un nombre croissant de pays membres commença à réduire ses engagements, voire même à rejeter la conception de Washington d’une sécurité transatlantique au sens large, l’exemple le plus flagrant étant l’opération de l’OTAN en Libye, qui ressemblait plus à une coalition de bonnes volontés qu’à l’initiative d’une alliance unifiée. 19. Simultanément, au lieu d’augmenter, les dépenses de défense nécessaires à poursuivre la participation aux tâches de sécurité transatlantique continuaient de baisser dans les pays membres européens de l’OTAN et au Canada. En 2011, leurs dépenses moyennes étaient descendues à 1,52 % du PIB. Le fossé transatlantique en matière d’investissements de défense s’était creusé pour atteindre environ 70 %, les États-Unis contribuant à hauteur de 712 milliards de dollars à la somme totale des dépenses de défense des Alliés (1012 milliards de dollars). Face à un fossé qui ne cessait de s’élargir et au peu de volonté politique à servir les intérêts de sécurité transatlantique définis par les États-Unis, ce qui s’était jusqu’à présent limité à de la grogne à Washington s’est transformé en remontrances et fustigations publiques en 2011. Robert Gates, alors secrétaire à la défense des États-Unis, s’est ouvertement demandé ce que deviendrait l’Alliance si les Alliés européens ne faisaient pas preuve de davantage de volonté politique et ne reprenaient pas leurs investissements de défense de sorte à pouvoir participer avec plus de moyens aux missions et opérations de l’OTAN (Shanker, 2011).

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20. Les commentaires de M. Gates reflétaient la pression à laquelle étaient soumis les États-Unis, alors embourbés dans des guerres « sans fin » au Moyen-Orient élargi et au-delà. Et pourtant, c’était là la triste réalité, le fossé transatlantique s’est transformé en gouffre et, comme l’a dit sans détour Robert Gates : « le Congrès des États-Unis – et l’ensemble du corps politique états-unien – a de moins en moins l’envie et la patience de dépenser de plus en plus de fonds précieux pour le compte de pays qui ne sont apparemment pas disposés à consacrer les ressources nécessaires pour être des partenaires sérieux et capables d’assumer leur propre défense » (Shanker, 2011). 21. M. Gates a poursuivi en faisant une description peu réjouissante de la pression que le partage des charges exerce sur l’Alliance, tout en déplorant la fracture grandissante « entre ceux qui sont disposés et en mesure de payer le prix et de supporter la charge des engagements, et ceux qui profitent des avantages de leur appartenance à l’OTAN sans vouloir partager les risques et les coûts » (Shanker, 2011).

B. VERS LA RÉALISATION DE L’ENGAGEMENT COMMUN DES 2 % PRIS AU PAYS DE GALLES EN 2014

22. La rapide détérioration de l’environnement de sécurité en 2014 a amené le débat relatif au partage des charges sur le devant de la scène, au moment même où le Conseil de l’Atlantique Nord (NAC) prenait une série de décisions politiques visant à lancer la plus importante adaptation de la posture et de la structure de l’Alliance depuis la fin de la guerre froide. Alors que l’OTAN cherchait à rendre sa posture de dissuasion plus mobile et plus dynamique pour lui permettre de faire face à toute une série de menaces conventionnelles et non-conventionnelles venant de l’est et du sud, l’attention s’est forcément concentrée de nouveau sur la manière de faire en sorte que les pays membres investissent dans les moyens nécessaires pour réaliser cette nouvelle posture de dissuasion et l’état de préparation connexe des forces. 23. Comme le démontre plus en détail le rapport général de la commission de la défense et de la sécurité (DSC) consacré à la dissuasion de l’Alliance [063 DSC 18 F], les nouvelles forces et structures doivent apporter leur appui au plan d’action « réactivité », et la force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) a besoin de contributions de qualité en matière de défense de la part de tous les Alliés. Vu la gamme de menaces perçues, depuis les menaces conventionnelles jusqu’aux menaces asymétriques, l’engagement en matière d’investissements de défense pris au sommet du pays de Galles en septembre 2014 met désormais également l’accent sur une augmentation des dépenses et offre une place privilégiée à l’acquisition de nouveaux équipements ainsi qu’à la recherche et développement (R&D). Les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OTAN ont fait pour la première fois une déclaration publique, confirmant leur intention de chercher à se rapprocher du seuil des 2 % du PIB, dont au moins 20 % devront être consacrés aux achats d’équipement et à la R&D1. Un tel engagement commun a marqué une réelle rupture par rapport aux initiatives précédemment prises pour répondre aux préoccupations en matière de partage des charges. IV. LE DÉBAT AUTOUR DES 2 % : LIMITES ET AVANTAGES 24. L’Assemblée examine et discute régulièrement la question du partage des charges au sein des pays de l’OTAN. Ce faisant, la nécessité d’allouer 2 % du PIB aux dépenses de défense se retrouve toujours au centre des débats. Outre les plaintes suscitées par la nature arbitraire du chiffre des 2 %, tel que mentionné plus haut, les débats menés au sein de l’Assemblée, comme dans le monde politique au sens large, mettent en exergue quatre points de désaccord : 1) Le manque de consensus autour de la définition des dépenses de défense ; 2) la pertinence qu’il y a d’imposer un

1 Il faut toutefois noter que l’Allemagne et le Canada ont uni leurs forces durant le sommet du pays de

Galles pour faire en sorte que la directive des 2 % ne devienne pas un engagement officiel mais reste plutôt un indicateur de référence non contraignant (Driver, 2016).

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seuil forfaitaire de 2 % à tous les Alliés ; 3) la question de savoir s’il faut intégrer ou non les risques aux attentes en matière d’investissements de défense ; et, sans doute la question la plus importante, 4) celle de savoir si la barre des 2 % ne serait pas trop axée sur les apports plutôt que sur les résultats.

A. DÉFINITION DES DÉPENSES DE DÉFENSE ET CRITIQUES 25. Dans la définition des dépenses de défense, l’OTAN inclut les budgets ministériels, les pensions, les opérations de maintien de la paix et les opérations humanitaires, les dépenses de recherche et développement2, l’assistance financière fournie par un pays membre à un autre, ainsi que les dépenses effectuées au titre de l’infrastructure de l’OTAN. Les paiements et prestations aux anciens combattants ou la réparation des dommages causés en temps de guerre, de même que les dépenses de défense civile n’entrent pas dans cette définition (OTAN, 2017b). 26. L’argument avancé lors des débats de l’Assemblée et dans les travaux universitaires pour justifier l’absence de définition claire des dépenses de défense est que les chiffres communiqués par chaque pays membre à toute une série d’organisations varient trop pour pouvoir faire une évaluation fiable de qui dépense quoi et de quelle manière. Par exemple, il arrive qu’un même membre communique un montant de ses dépenses de défense nationale variant énormément selon qu’il s’agisse de l’OTAN ou de l’ONU. En effet, en 2013, le Royaume-Uni a communiqué un montant de 62,3 milliards de dollars à l’OTAN contre 57,7 milliards à l’ONU (IISS, 2017). De plus, même à l’intérieur d’une même structure, comme l’OTAN, les pays membres ne mesurent pas de la même manière les dépenses dont ils rendent compte. C’est ainsi que lors d’une visite effectuée en Turquie en 2013, la commission de la défense et de la sécurité a appris que les chiffres étaient communiqués à la fois par le ministère de la défense et par le sous-secrétariat à l’industrie de la défense, ce que ne fait aucun autre pays membre. On ne sait par ailleurs jamais très exactement ce que comprennent ces budgets. Les États-Unis affectent actuellement environ 60 milliards de dollars supplémentaires au budget des opérations de contingence outre-mer (OCO) ; le financement de l’Initiative de dissuasion européenne (EDI) est prélevé sur cette somme. Cela n’apparaît pas dans la déclaration des dépenses de défense états-unienne telles que calculées selon les paramètres susmentionnés. 27. Et la situation se trouve encore davantage compliquée par le fait que le PIB n’est pas non plus mesuré de la même manière partout. La méthode diffère légèrement selon s’il est mesuré par le FMI, la Banque mondiale ou encore par les pays eux-mêmes.

B. LE SEUIL DES 2 % EST-IL VALABLE POUR TOUS ? 28. La plupart des critiques entourant l’application systématique d’un seuil de 2 % sont évidentes. Certains Alliés ont des intérêts de sécurité mondiale allant au-delà des responsabilités euro-atlantiques de l’OTAN : les États-Unis et, dans une certaine mesure la France et le Royaume-Uni, consacrent une partie de leurs dépenses de défense à des objectifs dépassant le cadre des responsabilités euro-atlantiques de l’OTAN. Par exemple, les États-Unis affectent 3,6 % environ de leur PIB aux dépenses de défense mais quelle proportion sert exclusivement ses intérêts dans le Pacifique ? En revanche, on peut faire valoir que l’intégralité des 2,14 % de l’Estonie sert les intérêts de sécurité liés à l’OTAN (Dobbs, 2017).

C. QU’EN EST-IL DES RISQUES ? 29. Inclure une mesure du risque dans les activités des pays membres est également une critique légitime. Si deux Alliés déploient des forces à l’appui de telle ou telle opération spécifique, l’un ne

2 Y compris les dépenses relatives à des projets qui ne débouchent pas nécessairement sur la production

d’équipements.

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permettra pas nécessairement à ses forces de se trouver dans la ligne de tir alors que l’autre si. Le Danemark et la Norvège sont de bons exemples de pays membres toujours prêts à prendre de très grands risques en opérations, que ce soit lors d’entraînements dans le cadre de la lutte contre l’État islamique en Iraq et au Levant (EIIL), de missions de frappes de précision ou de rôles de combats actifs en Afghanistan. Et pourtant les deux pays sont relativement loin de l’objectif des 2 % du PIB, contribuant à raison de 1,17 % et de 1,59 % du PIB respectivement en 2017. 30. Le poids de leurs contributions devrait-il être revu à la hausse compte tenu de la valeur des résultats ? Cet argument est à l’origine de la critique la plus fréquente du seuil des 2 % : trop d’importance est accordée aux apports par rapport à la qualité des résultats.

D. APPORTS, RÉSULTATS OU LES DEUX ? 31. De nombreux détracteurs estiment qu’en se contentant de mesurer les apports, c’est la question essentielle qui se retrouve négligée en cette période d’adaptation. Il faudrait plutôt s’intéresser en priorité aux capacités et aux contributions qui renforcent le plus efficacement la dissuasion et la défense collective de l’OTAN. À quoi bon instaurer un seuil de 2 %, par exemple, si plus de 70 % de cette somme est affectée aux frais de personnel ? Par ailleurs, si les nouveaux achats d’équipements privilégient des matériels tels que des chars, quel est l’intérêt de ce genre d’acquisitions compte tenu des objectifs poursuivis par l’Alliance (Braw, 2017) ? 32. L’argument mettant en regard les apports par rapport aux résultats représente clairement la critique la plus pertinente du seuil des 2 %. Elle a suscité un nouveau credo au siège de l’OTAN, qui cherche désormais à faire en sorte que les pays membres accordent la priorité aux liquidités, aux engagements et aux capacités. Le recours à l’allitération (en anglais cash, commitments, and capabilities) est un moyen de faire passer trois idées essentielles : 1) Les apports sont de facto indispensables pour avoir des résultats ; 2) L’engagement politique est nécessaire au déblocage de fonds supplémentaires pour la défense, et 3) La combinaison des deux devrait servir prioritairement à l’acquisition des capacités nécessaires pour répondre aux défis de sécurité auxquels est confrontée l’Alliance. 33. Les détracteurs du seuil des 2 % font aussi observer que la définition donnée par l’OTAN des dépenses de défense (voir plus haut) ne fait pas mention de certains des défis de sécurité actuels, plus larges et finalement, plus nuancés et difficiles à calculer. Cela va de la série de perturbations politiques, économiques et sociales provoquées par des tactiques hybrides au traitement des causes profondes du terrorisme et du changement climatique par le biais de canaux tels que l’assistance au développement et l’établissement de nouvelles réglementations. 34. L’exemple le plus fréquemment cité d’approche alternative est la proposition des 3 % formulée par Wolfgang Ischinger lors de la Conférence de Munich sur la sécurité qui s’est tenue en février 2017. La proposition d’Ischinger prévoit 3 % pour « la prévention des crises, l’assistance au développement, et la défense » : les 2 % des dépenses de défense seraient couplés à l’objectif fixé par l’ONU prévoyant que les pays consacrent 0,7 % de leur PIB à l’aide au développement, etc. V. EN MISANT TOUT SUR L’ADAPTATION, LE SOMMET DE VARSOVIE ACCROÎT LA

PRESSION SUR LES 2 % 35. Dans le sillage de l’engagement pris au pays de Galles, les décisions visant à étendre l’ampleur et la profondeur de l’adaptation de l’OTAN, prises au sommet de Varsovie en 2016, n’ont fait que renforcer le sentiment selon lequel les pays membres avaient besoin d’accélérer les investissements de défense pour satisfaire à l’engagement des 2&20 et, pour ceux des pays membres ne respectant pas encore la norme, un programme d’action crédible devait être mis sur pied pour y parvenir d’ici à 2024.

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36. Une étape décisive a été franchie au sommet de Varsovie avec la déclaration commune, qui a officialisé la coopération OTAN-UE. La déclaration définissait sept domaines de coopération concrets, à savoir les menaces hybrides, la sécurité maritime, la cybersécurité, les capacités de défense, l’industrie et la recherche de défense, les exercices conjoints et l’amélioration de la résilience dans les parties orientales et méridionales de l’Europe. L’environnement de sécurité actuel confère sûrement encore plus de poids à cette déclaration que cela ne serait le cas dans un contexte géopolitique différent. La déclaration offre aux 22 pays membres communs à l’OTAN et à l’UE des opportunités uniques d’intensifier leur coopération, de développer des capacités interarmées, d’établir des plateformes rentables pour une meilleure complémentarité et d’éliminer les doubles emplois. 37. Les défis qui demeurent après Varsovie concernent la capacité de l’Alliance à continuer de prouver sa solidarité et sa crédibilité face à des défis de sécurité imprévisibles - comme la réaction possible de la Russie face à la nouvelle posture de l’OTAN-, ainsi que sa capacité à préserver son unité face à l’afflux continu de migrants et de réfugiés et aux conflits qui se poursuivent dans les régions bordant les flancs sud et est de l’OTAN. 38. Bien que l’Alliance assiste à une convergence générale de la perception de la menace au sens où tous les pays membres de l’OTAN s’entendent sur la gravité des différents défis qui se posent sur les plans géographique et de la résilience, le critère géographique continue pourtant de dominer la manière dont la sécurité est perçue par tous les pays membres. Par exemple, les pays membres d’Europe méridionale perçoivent les problèmes qui se posent dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN) comme une préoccupation beaucoup plus urgente que les pays d’Europe centrale et orientale ou les États baltes. Cette différence de perspective continue d’entamer la capacité de l’Alliance à mener des actions collectives. 39. Aujourd’hui, il faut absolument que tous les Alliés comprennent bien qu’il n’y a pas de dichotomie entre les défis qui se posent sur le flanc est et ceux qui se posent sur le flanc sud : toutes menaces à la sécurité d’un pays membre, quel qu’il soit, impacteront l’Alliance tout entière.

A. POINTS DE VUE DES ÉTATS-UNIS SUR LE PARTAGE DES CHARGES À L’APPROCHE DU SOMMET DE L’OTAN À BRUXELLES EN 2018

40. L’élection de Donald Trump en novembre 2016 a considérablement accéléré le débat sur le partage des charges. Les déclarations en provenance de Washington présentent de plus en plus les contributions états-uniennes en faveur de l’Alliance comme une relation commerciale ayant des contreparties. Durant sa campagne, le candidat Trump a qualifié l’OTAN « d’obsolète », déclaré que les pays européens « devaient énormément d’argent » à l’OTAN et dénoncé l’injustice des « mauvais payeurs » envers les contribuables états-uniens (Rohac, 2017), allant encore plus loin dans les critiques que ses prédécesseurs. Si le secrétaire d’État à la défense des États-Unis James Mattis a tenu à rassurer quant à l’engagement états-unien envers les Alliés de l’OTAN, il a également mis en garde contre une possible « modération de l’engagement » de son pays si les pays membres n’assument pas une part un peu plus grande du fardeau (MacAskill, 2018). 41. Des législateurs états-uniens ont par ailleurs délivré un message clair et précis à une délégation de la commission de la défense et de la sécurité de l’AP-OTAN : les États-Unis s’engagent davantage dans le cadre de l’OTAN, et ils attendent en retour de la part des Alliés qu’ils revoient leurs investissements à la hausse. De hauts responsables ont expliqué à la délégation que l’administration Trump ferait du partage des charges entre les Alliés l’une de ses priorités lorsqu’il viendra à Bruxelles pour le sommet de l’OTAN en juillet prochain. Ils ont également souligné que les autres grandes priorités – la dissuasion, la défense et la lutte contre le terrorisme – sont étroitement liées à la responsabilité qu’ont les pays membres de respecter leurs engagements en matière de dépenses de défense.

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42. Michael Murphy, directeur pour la sécurité et les affaires politico-militaires au Bureau des affaires européennes, a quant à lui déclaré à la délégation qu’à « l’approche du sommet de Bruxelles, les responsables états-uniens ont bien présent à l’esprit l’engagement pris au pays de Galles ». Il est indispensable, a insisté M. Murphy, que tous les Alliés puissent présenter un programme d’action crédible pour y parvenir. Et d’ajouter que seulement 13 d’entre eux environ étaient actuellement sur la bonne voie. « Si les chiffres en question n’évoluent pas d’ici au sommet, on pourra dire qu’il y a problème. Nous vous invitons à relayer ce message auprès de vos gouvernements et de vos électeurs », a-t-il ajouté.

B. LES PAROLES À L’ÉPREUVE DE LA RÉALITÉ – L’ENGAGEMENT RENOUVELÉ DES ÉTATS-UNIS ENVERS LA SÉCURITÉ EUROPÉENNE

43. La nouvelle stratégie nationale de sécurité (NSS) publiée par l’administration Trump en décembre 2017 compare l’environnement de sécurité international actuel à une concurrence mondiale tous azimuts, l’administration estimant que la Chine et la Russie cherchent toutes deux à se hisser au niveau, et à se poser en rivales, de Washington. Pour combattre une telle évolution, peut-on également lire dans le document, il faut œuvrer à la mise sur pied d’alliances plus solides. La NSS insiste sur le souhait des États-Unis de rester actifs en Europe : « Les États-Unis ont absolument besoin d’une Europe forte et libre » (NSS, 2017). Par ailleurs, la stratégie précise que Washington « attend » des pays membres qu’ils respectent leurs engagements en matière de dépenses de défense, mais elle évite de subordonner le soutien des États-Unis à cette condition (Brattberg, 2018). 44. Ces mêmes législateurs se sont par ailleurs efforcés de dissiper les doutes qui auraient pu subsister dans l’esprit des membres de la délégation quant à l’engagement des États-Unis au titre de l’article 5 durant la dernière visite de la commission de la défense. Comme l’a confirmé Thomas Goffus, sous-secrétaire adjoint à la défense pour l’Europe et l’OTAN : « L’engagement des États-Unis au titre de l’article 5 est à toute épreuve ». Puis il a poursuivi en indiquant qu’au cours du prochain sommet devant se tenir à Bruxelles, les États-Unis reviendraient largement sur l’EDI : « Cette dissuasion, nous l’exerçons ensemble, et elle se démarque en cela de l’ancienne Initiative de réassurance européenne (ERI), où les États-Unis occupaient le devant de la scène. » 45. Les États-Unis ont annoncé récemment qu’ils prévoyaient d’allouer une enveloppe de 6,5 milliards de dollars à l’EDI en 2019, soit une augmentation de 1,7 milliard par rapport à 2018, et 3,1 milliards en plus qu’en 2017. Comme le montre plus en détail le rapport général de la DSC, l’ERI/EDI a financé une augmentation significative de la présence états-unienne en Europe orientale, avec à la clé davantage d’exercices, le développement de l’infrastructure, le renforcement du prépositionnement d’équipements et le soutien d’initiatives de développement des capacités des partenaires. À maints égards, la preuve de l’engagement des États-Unis se trouve dans les plus de 10 milliards de dollars déjà investis, ou qu’il est prévu d’investir, au titre du renforcement de la défense et de la dissuasion des Alliés en Europe. VI. TENDANCES AU NIVEAU DES DÉPENSES DE DÉFENSE 46. Étant donné que les économies connaissent, dans l’ensemble, une stabilité relative et les pays membres européens une croissance soutenue, il n’est plus possible d’invoquer le prétexte des effets persistants de la crise financière. Le bloc des pays de l’UE est la deuxième plus grande économie mondiale en termes de PIB collectif. Selon Eurostat, l’office statistique de l’UE, le PIB de la zone euro connaît une croissance de 2,5 % par an et 2017 a représenté la cinquième année de croissance consécutive.

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47. Pour être honnête, l’Europe recommence à faire des investissements de défense. Cela tranche avec la période d’avant 2014 lorsque la zone euro-atlantique était la seule région du monde à ne pas connaître de croissance de ses dépenses de défense (IISS, 2015). 48. Les dépenses de défense sont motivées à la fois par une augmentation de la perception de la menace et par une augmentation de la croissance économique régionale, mais les dépenses totales continuent de diminuer en comparaison des taux de croissance du PIB de la plupart des pays (Jane’s Defence, 2018a).

A. AMÉRIQUE DU NORD

1. États-Unis 49. Aux États-Unis, le président Donald Trump accorde une importance considérable aux dépenses de défense. Le budget qu’il est proposé d’attribuer au département de la défense pour l’exercice 2018 est de 677,1 milliards de dollars, soit une augmentation de 4,7 % par rapport aux 642,9 milliards de 2017 (IISS, 2018) et 70 milliards de dollars de plus depuis 2014. Comme mentionné plus haut, ce chiffre ne comprend pas les milliards dépensés, par exemple, au titre de l’Initiative de dissuasion européenne, qui relève du budget des opérations de contingence outre-mer. Aux États-Unis, les dépenses de défense connaissent leur plus forte hausse de la décennie (Jane’s Defence, 2018a). 50. Le lancement de l’initiative capacitaire, la Third Offset Strategy, a également joué un rôle au niveau des allocations de budget en ce sens qu’elle a sensibilisé davantage à l’érosion de l’avance technologique des États-Unis et à la nécessité de maintenir l’avantage états-unien par le biais d’innovations au niveau des équipements et de la doctrine militaire.

2. Canada 51. Le premier ministre Justin Trudeau s’est engagé à inverser le processus de chute des dépenses de défense du Canada et à rehausser le rôle de son pays au sein de l’OTAN. Et effectivement, la récente revue de la politique de défense du Canada, intitulée « Protection, sécurité, engagement », met de nouveau l’accent sur la force dure et insiste sur la volonté de réduire la dépendance vis-à-vis des États-Unis sur les questions de défense en procédant à des investissements substantiels (IISS, 2018). La revue de défense promet une hausse de 70 % des dépenses sur 10 ans, lesquelles devraient passer de 13,2 milliards de dollars USD en 2016-2017 à 18,6 milliards USD d’ici à 2026-2027. 52. Vu que les dépenses de défense n’ont progressé que de 1,1 milliard de dollars USD sur 3 ans, entre 2014 et 2017, d’aucuns se demandent comment le Canada réalisera les ambitions susmentionnées.

B. EUROPE 53. Dans l’ensemble, les dépenses de défense ont continué d’augmenter dans tous les pays membres européens de l’OTAN en 2016, passant de 255,7 à 256,5 milliards de dollars de 2015 à 2016, soit une hausse de 0,3 % (Béraud-Sudreau et Giegerich, 2017). En termes de dépenses de défense exprimées en proportion du PIB dans les pays membres européens de l’OTAN, une baisse régulière a été observée, les dépenses étant passées de 1,69 % en moyenne en 2009 à 1,45 % en 2013 et même à 1,40 % en 2015, pour ne remonter que légèrement ces deux dernières années, à 1,45 % en 2017. 54. En termes réels, les pays membres européens de l’OTAN ont globalement augmenté leurs dépenses de défense totales, qui ont progressé de 3,6 % en 2017, soit une hausse totale de 45,8 milliards depuis 2014.

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1. EUROPE ORIENTALE 55. Dans les pays d’Europe orientale, les dépenses de défense ont connu une hausse de 24 % en termes réels entre 2014 et 2017, clairement stimulée par l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, le conflit persistant à l’est de l’Ukraine et les exercices militaires « surprise » menés à grande échelle dans la région par la Russie. Les projections budgétaires indiquent que c’est l’Europe orientale qui enregistrera la croissance la plus rapide des dépenses de défense, qui est déjà passée de 1,3 % du PIB en 2013 à 1,6 % en 2017, et qui devrait atteindre 1,8 % d’ici à 2020 (Jane’s Defence, 2018a).

a. Pologne 56. En tant que pays ayant la plus longue ligne frontalière sur le flanc est de l’Europe, la position stratégique clé de la Pologne la rend particulièrement vulnérable aux agressions russes. Concernant le partage des charges, la Pologne a atteint l’objectif des 2 % ces dernières années. Le budget défense de la Pologne a progressé de 9,09 milliards de dollars en 2013 à 10,2 milliards en 2017 (IISS, 2015 ; 2018). La Pologne s’apprête à achever cette année la construction de la seconde installation Aegis Ashore du système de défense antimissile balistique et prévoit d’acquérir des F-35 Lightning II à l’état neuf, de racheter aux États-Unis des F-16 Fighter ayant déjà volé, et d’acquérir le radar de surveillance tridimensionnel mobile NUR-15M (Adamowski, 2017a). 57. Le gouvernement polonais s’engage à maintenir le niveau des investissements de défense à 2 % du PIB (Anderson, 2017), et compte même le faire passer à 2,5 % d’ici à 2030 (IISS, 2018).

b. Roumanie 58. La Roumanie a augmenté son budget de défense de 2,6 milliards à 4 milliards de dollars, entre 2014 et 2017 (IISS, 2018). Avec de tels chiffres, la Roumanie répond donc à la directive OTAN, avec 2,03 % du PIB consacrés aux dépenses militaires. Le gouvernement vise à atteindre 5 milliards de dollars d’ici à 2020. 59. La Roumanie, qui est un membre actif de l’OTAN et héberge le système de défense antimissile Aegis Ashore et plusieurs forces multinationales de l’OTAN, ne se trouve qu’à 322 km de la Crimée. Après l’inauguration de l’installation Aegis Ashore en 2016, le président Vladimir Poutine a prévenu la Roumanie et la Pologne qu’ils étaient dans le viseur de Moscou (Hope, 2017). En réaction, la Roumanie s’apprête à acquérir un système états-unien de missiles et de défense aérienne Patriot. 60. Par ailleurs, la Roumanie participe avec enthousiasme à la coopération structurée permanente (PESCO) de l’UE et à des initiatives d’intégration connexes dans le domaine de la défense. La Roumanie, qui est l’économie à la croissance la plus rapide de l’UE, a acquis des corvettes rapides, des véhicules blindés de transport de troupes, des systèmes de lance-roquettes multiples ainsi que des systèmes de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (McLeary, 2017).

c. Pays Baltes 61. En bordure directe de la Russie, y compris de l’oblast de Kaliningrad, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie considèrent que leur adhésion à l’OTAN est indispensable à leurs stratégies de sécurité. Compte tenu de leur vulnérabilité perçue, les trois États baltes représentent une zone stratégique clé pour le déploiement de bataillons de présence avancée rehaussée de l’OTAN. Parallèlement à cela, ces pays ont, tous trois, accru de manière spectaculaire leurs dépenses de défense. 62. Dans la Baltique, les dépenses militaires globales sont sur le point de doubler par rapport à 2014 (Jane’s Defence, 2018a). Le budget de défense de l’Estonie a augmenté progressivement, passant de 480 millions de dollars en 2013 à 539 millions en 2017. Celui de la Lettonie a plus que doublé sur la période 2013-2017, passant de 205 millions à 506 millions de dollars. Quant à la

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Lituanie, elle a emboîté le pas, augmentant ses dépenses de 359 millions à 816 millions de dollars sur la même période (IISS, 2015, 2018). 63. Ces trois pays ont des objectifs d’acquisition ambitieux, individuellement et conjointement, y compris un projet de défense aérienne couvrant la totalité de leurs territoires. Les projets d’acquisition de l’Estonie comprennent l’achat de 11 000 armes à feu automatiques sur la période 2018-2021, des véhicules de combat d’infanterie, des obusiers K9, des systèmes de communication, des véhicules aériens sans pilote (UAV) et des systèmes de missiles antichars longue portée. Le gouvernement letton prévoit également d’acheter des véhicules de combat et des obusiers automoteurs M109 (Adamowski, 2017b). 64. La Lituanie, qui a considérablement augmenté ses dépenses de défense, prévoit d’acquérir des obusiers automoteurs PzH 2000, le système norvégien de missiles sol-air de conception évoluée (NASAMS) ainsi que des hélicoptères de transport et de combat. De plus, les acquisitions de Riga et de Vilnius dans le domaine de la défense seront synchronisées pour les deux forces armées suite à un récent accord (Adamowski, 2017b). 65. Alors que l’Europe orientale est en passe de devenir le contributeur dont les dépenses de défense augmentent le plus rapidement, ces États prévoient tous les trois d’atteindre l’objectif des 2 % du PIB, au même titre que les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie et la Grèce.

2. EUROPE MÉRIDIONALE

a. Italie 66. Bien que l’Italie reconnaisse la menace que représente l’agression russe, les principales préoccupations de Rome en matière de défense concernent essentiellement la Méditerranée. Si les tendances de l’Italie sont assez changeantes concernant les dépenses de défense, ces dernières continuent de baisser, reculant de 26,6 milliards de dollars en 2013 à 22,1 milliards en 2017 (OTAN, 2017b). La crise de la zone euro a révélé d’importantes faiblesses économiques structurelles dans le pays, qui ont contribué au recul des dépenses. 67. Un livre blanc sur la défense et, parallèlement, un plan de défense ont été publiés par le gouvernement italien en 2017, énonçant des objectifs d’augmentation du personnel, de développement des exercices conjoints et de mise à niveau des équipements. Malgré la volatilité du secteur, l’Italie conserve une industrie de défense solide et reste un membre participant activement aux exercices, missions de police de l’air et exercices de l’OTAN tout en dirigeant l’opération Sophia de l’UE en Méditerranée (IISS, 2018). Dès lors, l’Italie devrait maintenir une ligne de continuité dans le domaine de la défense vu qu’elle renforce son engagement dans des opérations militaires et des projets de défense européens essentiels (Marrone, 2018).

b. Grèce 68. Avant la crise de la zone euro et les problèmes économiques, les forces armées grecques étaient traditionnellement bien financées. Bien que ces dernières années, les acquisitions majeures et les exercices militaires aient été réduits, la Grèce consolide à présent ses capacités de patrouille maritime et de guerre anti-sous-marine, en renforçant la surveillance en Méditerranée et les capacités de transport à voilure tournante, et en mettant à niveau sa flotte de F-16 (IISS, 2018). 69. En 2013, le pays a consacré 5,68 milliards de dollars à la défense, puis ses dépenses ont baissé progressivement au cours des années suivantes, bien que 2017 ait affiché un léger mieux, avec 4,75 milliards de dollars affectés à la défense contre 4,64 milliards en 2016. Alors qu’en 2009, la Grèce avait alloué 3,08 % de son PIB à la défense, ce pourcentage a chuté à 2,32 % en 2017 (OTAN, 2017b). Si, techniquement parlant, le pays respecte l’engagement des 2 % du PIB, cela a uniquement été rendu possible par la forte contraction de son économie ces dernières années.

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70. La Grèce est souvent un exemple cité par les détracteurs de la directive des 2 % étant donné que près de 70 % des dépenses de défense totales du pays sont des frais de personnel, y compris les frais de pension, et non des investissements concrets au bénéfice des forces armées ou de l’état de préparation (Deni, 2015). L’exemple grec apporte des arguments pour justifier les critiques à l’égard du seuil des 2 % mentionnées plus haut, car cela prouve que ce n’est pas parce que le pays dépense plus de 2 % qu’il dispose forcément de solides capacités, susceptibles de nourrir les aspirations de l’OTAN s’agissant de sa posture de défense actuelle.

3. EUROPE OCCIDENTALE 71. L’Europe occidentale n’a enregistré qu’une hausse de 2 % en moyenne de ses dépenses de défense en 2017 (Jane’s Defence, 2018a). Tandis que l’Europe orientale accorde la priorité à la modernisation et aux acquisitions militaires, d’anciennes grandes puissances comme la France et le Royaume-Uni bataillent pour maintenir leur puissance et développer des capacités proportionnelles à leurs ambitions internationales.

a. France

72. Le président français Emmanuel Macron a annoncé simultanément des coupes et des augmentations : près d’1 milliard de dollars de coupes dans le budget défense en 2017 pour endiguer le déficit public, conjugué à une augmentation de 2 milliards du budget 2018. Le budget défense de la France a baissé de 52,3 milliards de dollars à 46,1 milliards de dollars sur la période 2013-2017 (IISS 2015 ; 2018). Dans l’optique d’atteindre l’objectif des 2 % recommandé par l’OTAN d’ici à 2025, le gouvernement s’est engagé à augmenter les dépenses de défense de 1,7 milliard d’euros supplémentaires par an jusqu’en 2022 et de 3 milliards d’euros par la suite (Chassany, 2018). Cette décision répond à la volonté du président Emmanuel Macron de soutenir les récentes initiatives européennes d’intégration dans le domaine de la défense, réaffirmant par la même occasion que les intérêts de la France seraient également en danger si les risques sur les flancs est et sud venaient à escalader.

b. Royaume-Uni 73. Plus grand contributeur d’Europe en termes de dépenses de défense, le Royaume-Uni a vu son budget défense diminuer de 52,6 milliards de dollars en 2016 à 50,7 milliards en 2017, des chiffres bien loin des 65,6 milliards de dollars de 2014 (IISS, 2018 ; OTAN, 2017b). En janvier, le gouvernement britannique a révélé le lancement de sa troisième revue de défense, dans le cadre de laquelle la posture de sécurité du pays sera évaluée et des priorités fixées en matière de dépenses. Après le référendum sur le Brexit, le gouvernement a lancé la revue des capacités de sécurité nationale pour s’assurer qu’avec les capacités dont il dispose, le pays est en mesure d’atteindre ses objectifs de politique étrangère (Jane’s Defence, 2018b). 74. Cette revue de défense vise apparemment à formuler une stratégie industrielle, à faire coïncider acquisitions et besoins actuels, et à intégrer cyber-guerre et guerre électronique ainsi qu’à prendre en compte l’intelligence artificielle dans le processus de consolidation des capacités de défense. Le Brexit va vraisemblablement faire augmenter les engagements du Royaume-Uni vis-à-vis de l’OTAN étant donné que les conditions de participation de pays tiers au nouveau pacte de défense européen, à la PESCO et au Fonds européen de la défense (FED) n’ont pas encore été fixées.

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c. Allemagne 75. La défense est traditionnellement une question politique sensible en Allemagne, pour des raisons historiques évidentes. Depuis récemment, toutefois, la coopération franco-allemande dans le domaine de la défense est le moteur d’une coopération sans précédent au sein de l’UE sur les questions de sécurité. En tant que fervent promoteur de l’intégration européenne, l’Allemagne espère que des instruments tels que la PESCO, le FED ou la Revue annuelle coordonnée de défense (CARD) vont non seulement stimuler les capacités européennes et renforcer le pilier européen au sein de l’OTAN, mais également, approfondir l’intégration européenne. Le développement de la politique de sécurité et de défense commune de l’UE représente une priorité essentielle de la politique étrangère de l’Allemagne. 76. Après avoir enregistré un fort recul, de 46,1 à 39,8 milliards de dollars, sur la période 2014-2015, les investissements de défense de l’Allemagne ont recommencé à augmenter progressivement pour atteindre 44,6 milliards de dollars en 2017 (IISS, 2015, 2018). Les questions de défense sont en tête de liste de l’agenda actuel du gouvernement allemand, et la ministre Ursula von der Leyen a fait part de son intention d’augmenter le budget de la défense de 4 à 5 milliards par an jusqu’en 2030 (Moelling, 2016). 77. La question de la contribution de l’Allemagne au partage des charges de l’OTAN et de son respect de l’objectif des 2 % est très présente dans les discussions. Mme von der Leyen a réaffirmé cet objectif, même s’il ne sera fort probablement pas atteint vu que les augmentations promises ne permettront même pas de se rapprocher des 70 milliards nécessaires pour le réaliser. 78. L’état désolant des forces terrestres, aériennes et maritimes qui a été révélé par une série de rapports récents montre que l’Allemagne devra faire de gros efforts pour engager de nouveaux investissements de défense. Pour le moment, peut-on lire dans les rapports, aucun des sous-marins allemands de type 212A n’est en mesure de quitter le port. Cela s’inscrit dans une tendance plus générale caractérisée par le fait que des systèmes d’armes allemands entiers sont inutilisables, faute de moyens pour acheter des pièces de rechange ou procéder à une maintenance appropriée (Buck, 2018). VII. FOSSÉ INTRA-EUROPÉEN 79. Bien que les dépenses militaires aient globalement augmenté de 5,7 % en Europe entre 2007 et 2016, la tendance diffère d’une région à l’autre. La ventilation par région sur cette même période donne les résultats suivants : baisse de 6,2 % des dépenses en Europe occidentale ; augmentation de 4,2 % en Europe centrale ; et spectaculaire hausse de 78 % des dépenses en Europe orientale (SIPRI, 2015). 80. Un examen plus approfondi des dépenses de défense des membres révèle l’existence de problèmes sous-jacents, qui empêchent une évaluation précise du rapport entre les apports et les résultats. S’il est illusoire de penser qu’une totale harmonisation de la planification de défense est possible entre les différents pays, des solutions sont néanmoins nécessaires pour permettre une plus grande cohérence et l’établissement de métriques garantissant que les dépenses de défense se traduisent en résultats concrets, utiles au processus d’adaptation engagé par l’Alliance après 2014. 81. Le coût du manque de coopération dans le domaine de la défense entre les différents pays européens est estimé entre 25 et 100 milliards d’euros par an, compte tenu de la redondance inutile des initiatives ou des fonds nécessaires pour pallier l’absence d’économies d’échelle. En effet, le marché européen de la défense est actuellement caractérisé par un protectionnisme, des doublons et de la fragmentation. Selon des estimations effectuées récemment, 80 % des acquisitions et plus de 90 % des projets de recherche et de technologie se trouvent entre les mains d’autorités

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nationales (Commission européenne, 2017a, b). Les projets phares de l’UE tels que la PESCO et le Fonds européen de la défense, qui a été créé pour stimuler financièrement le développement de capacités conjointes et la recherche, visent à remédier à la fragmentation actuelle. 82. Cédant à la pression de Washington au printemps 2017, l’OTAN avait demandé à ses pays membres de soumettre des projets en matière de dépenses de défense d’ici à la fin de cette même année, qui présenteraient les moyens prévus pour atteindre l’objectif des 2 % d’ici à 2024. L’exercice s’est avéré moins pertinent qu’escompté. En effet, plusieurs pays ont soumis des projets sur trois ans et d’autres, des projets allant au-delà de 2024, et beaucoup d’autres encore ont d’emblée échoué à présenter un projet qui leur permettrait d’atteindre ledit objectif. Sur les 29 pays, 14 ont annoncé des programmes précis pour respecter la directive : les États-Unis, la Grèce, la Pologne, la Lettonie, l’Estonie, la Roumanie, la Lituanie, la France, la Turquie, la Hongrie, la Slovaquie, la Bulgarie et le Monténégro. VIII. CONCLUSIONS PROVISOIRES 83. Consciente que la plupart des pays membres de l’OTAN s’emploient désormais à augmenter leurs dépenses de défense, l’Alliance fait en sorte de trouver les moyens d’entretenir l’élan en faveur de la réalisation de cet objectif. Ainsi, on s’efforce de donner une image plus précise de ce que les efforts d’augmentation des dépenses de défense consentis par les Alliés peuvent produire comme résultats. En mars 2017, les pays membres devaient publier des projets de dépenses de défense annuelles, renseignant dans le détail les trois éléments clés – les liquidités, les capacités et les engagements : a) quel est le montant de leurs dépenses et comment comptent-ils atteindre l’objectif d’engagement en matière de dépenses de défense, s’il n’est pas déjà atteint ; b) de quelle nature sont leurs investissements en faveur des capacités requises par l’OTAN ; et, c) quelles contributions sont faites et prévues pour les opérations et missions actuelles de l’OTAN. 84. Les résultats ont été mitigés étant donné que certains projets ne portaient que sur trois ans et que d’autres allaient au-delà de l’horizon 2024 fixé dans l’engagement en matière de dépenses de défense de 2014. D’autres encore doivent encore soumettre leurs projets. Quoiqu’il en soit, il est clair que la capacité à produire des projets viables et acceptables sera au cœur des préoccupations, tout au moins pour ce qui est de la délégation des États-Unis, cet été à Bruxelles. 85. D’autre part, comme le montre le présent rapport, le changement d’approche assez radical opéré par l’Alliance au niveau du débat sur le partage des charges lors du sommet du pays de Galles de 2014 impose aux pays membres des critères peu judicieux auxquels ils sont désormais tous supposés adhérer. Les discussions concernant le partage des charges tournent aujourd’hui autour des lacunes de la directive des 2 %. Il n’y a pas de définition précise. Les investissements de défense états-uniens servent les intérêts internationaux alors que ceux de la plupart des pays membres servent les intérêts de la sécurité euro-atlantique. Les risques ne sont pas pris en compte. Les résultats ne sont pas mesurés, alors qu’ils peuvent s’avérer plus importants que les apports, etc. Autant de raisons – parmi d’autres – pour lesquelles de nombreux Alliés trouvent gênant que les États-Unis insistent désormais tant sur cette question. 86. La priorité à relativement courte vue que l’administration Trump semble accorder au débat sur le niveau des dépenses de défense de 2 % du PIB au sein de l’OTAN aujourd’hui vient conforter le sentiment selon lequel les interactions entre les États-Unis et les pays membres s’apparentent de plus en plus à des relations commerciales ayant des contreparties. Mais en dépit des déclarations faites et des problèmes dépeints par Donald Trump, à la fois comme candidat et comme président, les États-Unis ont en réalité tout misé sur leur engagement en faveur de la sécurité en Europe : l’EDI finance l’accroissement significatif de la présence des États-Unis en Europe orientale, avec à la clé davantage d’exercices, le développement de l’infrastructure, le renforcement du prépositionnement d’équipements et le soutien d’initiatives de développement des capacités des partenaires. À maints égards, la preuve de l’engagement des États-Unis se trouve dans les plus de 10 milliards de dollars

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déjà investis, ou qu’il est prévu d’investir, au titre du renforcement de la défense et de la dissuasion des Alliés en Europe. 87. Comme cela ressort clairement des nouvelles stratégies nationales de sécurité et de défense des États-Unis parues récemment, le pays ressent la pression émanant de l’environnement de sécurité international en mutation, et pour parer aux défis posés par des rivaux potentiels de niveau quasi égal, il ne se contentera pas de stimuler ses efforts d’investissements de défense nationaux mais il œuvrera également à la mise sur pied d’alliances solides qu’il considère comme une condition essentielle pour pouvoir relever ces défis. En effet, la NSS souligne même l’importance vitale de la sécurité en Europe pour les États-Unis, c’est une piqûre de rappel essentielle de l’importance du lien transatlantique. 88. Les pays membres européens de l’OTAN et le Canada ressentent désormais clairement aussi la pression émanant de l’environnement de sécurité en mutation, tant dans la zone euro-atlantique qu’à l’échelle mondiale. Cela incite clairement ces pays à recommencer à investir dans le domaine de la défense, notamment les pays d’Europe orientale. Néanmoins, bon nombre d’Alliés sont encore loin de satisfaire à l’engagement des 2&20 en matière d’investissements de défense. Par ailleurs, si les arguments dénonçant les limites de la directive des 2 % sont sûrement justifiés, des apports sont absolument nécessaires pour obtenir des résultats de qualité, que tous les Alliés s’accordent désormais à trouver nécessaires pour mettre et maintenir en place la posture de défense et de dissuasion mobile et dynamique énoncée lors des deux derniers sommets. IX. PROCHAINES ÉTAPES POUR LES PARLEMENTAIRES DES PAYS DE L’OTAN 89. L’OTAN dispose d’un instrument assez bien rodé pour détecter les lacunes dans le secteur de la défense des Alliés : le processus OTAN de planification de défense (NDPP). Le NDPP, qui repose sur un cycle de quatre ans, permet d’aligner les besoins requis par la force militaire de l’OTAN pour accomplir ses missions sur les ressources mises à disposition par les Alliés. Les parlementaires des pays membres peuvent se familiariser avec le NDPP et le niveau de coordination et de synchronisation avec les processus de planification de défense et d’acquisition de leurs pays respectifs en vue de répondre aux besoins définis par les responsables militaires de l’Alliance. 90. Les parlementaires des pays membres de l’OTAN peuvent également solliciter des informations auprès de leurs institutions de défense sur la manière dont leurs pays respectifs répondent aux besoins de l’OTAN, mais aussi s’emploient à rationaliser les dépenses pour rendre leurs contributions actuelles plus efficaces. De plus, étant donné que tous les Alliés vont vraisemblablement s’efforcer de reprendre leurs investissements au profit de leur secteur de défense, il est impératif que ces investissements soient correctement affectés, qu’ils soient davantage consacrés à l’achat de nouveaux équipements efficaces, à la recherche et développement ou à l’organisation d’exercices plutôt qu’au paiement de lourds coûts en personnel. 91. Les parlementaires des pays membres de l’OTAN peuvent et doivent se familiariser avec les décisions prises par l’OTAN au pays de Galles et à Varsovie en vue d’étendre l’ampleur et la profondeur de l’adaptation. Cela leur permettra de mieux comprendre la nécessité d’augmenter les dépenses de défense pour une contribution efficace à l’Alliance d’aujourd’hui. X. ÉLARGIR LE DÉBAT POUR RENFORCER LA SÉCURITÉ DES ALLIÉS 92. Il ressort clairement de récents exposés et réunions ministérielles que les États-Unis attendent des pays membres européens de l’OTAN qu’ils s’investissent davantage dans la lutte contre le terrorisme. Les États-Unis, qui continuent de s’orienter quasi exclusivement vers la diplomatie militaire, continueront certainement d’insister sur la priorité d’empêcher que les groupes terroristes disposent d’un espace de fonctionnement sûr, mais il est clair (du moins pour le moment) qu’ils

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n’investiront pas dans les mesures de sécurité plus larges nécessaires pour éradiquer les causes profondes de l’extrémisme violent. 93. Peut-être les pays membres européens peuvent-ils élargir le débat sur le partage des charges en conséquence, et prouver leur volonté de monter dans l’arène en renforçant leur engagement en faveur de l’aide au développement et des programmes d’assistance en matière de gouvernance démocratique dans l’ensemble de la région MOAN et au-delà. Une telle mesure permettrait d’élargir le débat sur la directive des 2 % à consacrer aux dépenses de défense, que l’on pourrait faire évoluer davantage dans le sens du critère des 3 % proposé à la dernière Conférence sur la sécurité de Munich, qui est davantage axé sur les questions plus larges que sont les causes complexes des défis de sécurité actuels. 94. Le recours appuyé à la nouvelle allitération – « cash, commitment, and capabilities » (liquidités, engagements et capacités) – traduit la manière d’appréhender la nécessité d’un engagement unifié de la part des Alliés, s’ils veulent pouvoir atteindre les objectifs politiques qu’ils se sont fixés pour faire face au nouvel environnement de sécurité, et partant continuer à garantir la paix et la sécurité aux populations et aux territoires des pays de l’OTAN.

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________________

DSC 066 DSC 18 F Original : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION DE LA DÉFENSE ET DE LA SÉCURITÉ

AFGHANISTAN : CLÉ DE VOÛTE DE LA SÉCURITÉ LOCALE

ET RÉGIONALE

PROJET DE RAPPORT SPÉCIAL*

Wolfgang HELLMICH (Allemagne) Rapporteur spécial

www.nato-pa.int 12 avril 2018

* Aussi longtemps que ce document n’a pas été adopté par la commission de la défense et de la

sécurité, il ne représente que le point de vue du rapporteur spécial.

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION ............................................................................................................... 1 II. POLITIQUE DE L’ADMINISTRATION TRUMP/DES ÉTATS-UNIS .................................... 1 III. RAPPORT D’ACTUALISATION SUR LA RSM .................................................................. 2 IV. ANDSF ET FORCES D’INSURRECTION .......................................................................... 4

A. LES ANDSF .............................................................................................................. 4 B. LES TALIBANS......................................................................................................... 5 C. DAECH EN AFGHANISTAN – EIIL-K ....................................................................... 6 D. AUTRES GROUPES D’INSURGÉS .......................................................................... 7

V. POINT SUR L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ DES CIVILS ....................................... 7 VI. GOUVERNANCE ............................................................................................................... 8

A. ÉLECTIONS ET RÉFORME ÉLECTORALE ............................................................. 8 B. EFFORTS DESTINÉS À ENDIGUER LA CORRUPTION ......................................... 9

VII. RECENTRAGE SUR LA DIMENSION RÉGIONALE ........................................................ 10

A. PAKISTAN .............................................................................................................. 10 B. INDE ....................................................................................................................... 13 C. CHINE .................................................................................................................... 14 D. IRAN ....................................................................................................................... 16

VIII. CONCLUSIONS INTERMÉDIAIRES À L’INTENTION DES PARLEMENTAIRES

DES ÉTATS MEMBRES DE L’OTAN............................................................................... 16 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 18

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I. INTRODUCTION 1. L’aggravation de la violence suscitée en Afghanistan par la nouvelle montée en puissance des talibans et d’autres forces d’insurrection a ramené ce pays à l’avant-plan de la scène internationale. Les gains tactiques et stratégiques engrangés par les talibans de même que la corruption institutionnelle persistante poursuivent leur effet d’attrition sur les forces de défense et de sécurité nationale afghanes (ANDSF) et viennent modifier l’équilibre des forces sur le terrain. Alors que la situation du gouvernement afghan et de ses forces se détériore, les membres de l’OTAN et leurs partenaires internationaux intensifient leurs efforts. 2. Durant la réunion des chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN tenue à Bruxelles le 25 mai 2017, les Alliés ont décidé non seulement de maintenir le soutien qu’ils apportent à la mission Resolute Support (RSM) menée par l’OTAN en Afghanistan, mais également de revoir à la hausse leurs contributions financières et en effectifs. Au cours des années qui viennent, les Alliés auront un rôle décisif à jouer dans le redressement d’une situation sécuritaire de plus en plus précaire sur le terrain. 3. En août 2017, l’administration Trump a fait savoir que l’action des États-Unis à l’appui des ANDSF et la mission de lutte antiterroriste menée parallèlement par Washington dans le pays seraient guidées par « les conditions sur le terrain ». Dans cette perspective, les États-Unis procèdent actuellement à une mini-montée en puissance des forces et des ressources qu’ils consacrent à l’Afghanistan. L’administration Trump a clairement annoncé, par ailleurs, que sa participation en Afghanistan serait dictée par son interprétation du concept de partage des charges dans le cadre de l’Alliance – autrement dit, elle attend de ses Alliés qu’ils en fassent plus pour aider l’OTAN à accomplir sa mission au sens large en Afghanistan, à savoir stabiliser ce pays de sorte qu’il ne soit plus le terreau fertile du terrorisme international. 4. Les nouvelles règles d’engagement permettent aux forces internationales de collaborer plus étroitement avec les ANDSF à l’établissement d’une force de combat plus efficace en théâtre. En outre, il semblerait que les pressions exercées par la communauté internationale incitent aujourd’hui le gouvernement afghan à revoir à la hausse les efforts nécessaires qu’il doit consacrer à l’éradication de la corruption sévissant dans les institutions de sécurité du pays. De son côté, l’administration Trump a assoupli les restrictions auxquelles étaient soumises les forces de combat sur le terrain, avec pour résultat un doublement des frappes aériennes menées en 2017 sous commandement états-unien. 5. Les États-Unis exercent également une pression accrue sur les États de la région pour qu’ils apportent une contribution déterminante à la paix et à la sécurité futures en Afghanistan. C’est notamment le cas pour le Pakistan, qui n’en fait pas assez pour restreindre la liberté d’action des talibans afghans et d’autres groupes terroristes internationaux dans ses zones frontalières avec l’Afghanistan. 6. Ce projet de rapport spécial livre un bilan approfondi de l’évolution de la situation de sécurité en Afghanistan, qui comporte notamment une évaluation de l’état des forces d’insurrection et des ANDSF. Par ailleurs, il revient en détail sur les variables régionales complexes qui pèsent sur la lutte pour l’avenir de l’Afghanistan. En conclusion, il soumet différentes perspectives à l’examen des parlementaires des pays membres de l’OTAN. II. POLITIQUE DE L’ADMINISTRATION TRUMP/DES ÉTATS-UNIS 7. Au terme de plusieurs mois de consultations, le président Donald Trump a annoncé, dans un discours à l’adresse des troupes prononcé à Fort Myer (Arlington, Virginie) le 21 août 2017, le lancement d’une nouvelle « politique envers l’Afghanistan et l’Asie méridionale ». Rompant avec la politique de son prédécesseur qui prévoyait un retrait militaire progressif d’Afghanistan, M. Trump

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2

a réaffirmé l’engagement de Washington dans le cadre de la mission de formation, de conseil et d’assistance (TAA) et de ses missions de lutte antiterroriste. La nouvelle stratégie des États-Unis prévoit notamment le déploiement de plusieurs milliers d’hommes supplémentaires, un assouplissement des règles d’engagement appliquées par les forces états-uniennes et une accentuation des pressions exercées sur les pays voisins pour les amener à contribuer à la stabilisation de l’Afghanistan. Écartant par ailleurs le calendrier de retrait avec clause de temporisation (sunset clause) prévu par l’administration Obama, la nouvelle stratégie indique que les retraits militaires futurs seront dorénavant fonction des conditions sur le terrain (Maison Blanche, 2017). À côté de ces vastes réaménagements stratégiques, le président n’a abordé que peu de détails, signalant notamment que les métriques devant présider à l’évaluation des conditions figurant dans la clause de temporisation révisée restent à définir. 8. Si la nouvelle stratégie prévoit un engagement politique moins poussé des États-Unis dans le volet relatif à la gouvernance afghane, elle renforce clairement l’engagement de Washington sur le plan de l’action militaire. Plus précisément, elle se fonde sur l’hypothèse selon laquelle il serait possible d’amener les talibans à négocier un accord politique en les maîtrisant sur le champ de bataille (IISS, 2017). Dans cette perspective, le président Donald Trump, faisant une fois encore le lien avec le débat sur le partage des charges1, a demandé aux pays membres ainsi qu’aux partenaires de l’OTAN engagés en Afghanistan de calquer leur attitude sur celle des États-Unis en revoyant troupes et financement à la hausse. 9. La politique plus vaste de l’administration Trump dans la région affiche elle aussi une évolution assez significative. L’administration exerce aujourd’hui de fortes pressions sur les acteurs déterminants pour la sécurité générale dans la région, qui pourraient peser de manière décisive sur les conditions prévalant sur le champ de bataille afghan. Cette approche régionale élargie est déterminante, en ce qu’elle constitue un des éléments clés à partir desquels seront tracés, à terme, les contours de l’approche de l’administration Trump pour l’Afghanistan. Les défis liés à ces variables régionales sont évoqués plus loin de manière détaillée. III. RAPPORT D’ACTUALISATION SUR LA RSM 10. Les membres et les partenaires de l’OTAN sont convenus, durant le sommet de Varsovie tenu en 2016, de prolonger la mission Resolute Support (RSM) au-delà de 2016, de maintenir le financement des ANDSF jusqu’à la fin 2020 et de renforcer le soutien politique et pratique apporté aux institutions gouvernementales afghanes. Annoncés officiellement dans la déclaration du sommet de Varsovie sur l’Afghanistan, ces engagements ont été réaffirmés lors de la réunion des chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN tenue à Bruxelles en mai 2017. 11. Les objectifs de la RSM n’ont pas changé : il s’agit, premièrement, de faire en sorte que l’Afghanistan ne redevienne pas un sanctuaire pour des forces terroristes disposant de moyens d’exporter la violence et l’instabilité, et deuxièmement, de mettre en place des conditions ainsi que de mobiliser un soutien permettant à l’Afghanistan de préserver sa sécurité, sa gouvernance et son développement dans la durée. 12. Pour atteindre ces objectifs, la RSM continuera d’entraîner, de conseiller et d’assister les ANDSF, le ministère de la défense et le ministère de l’intérieur en mettant dorénavant l’accent sur le volet plus tactique de ces tâches (TAA). Les forces de l’OTAN et des partenaires collaboreront étroitement avec une série d’éléments des ANDSF – police, armée de l’air, forces d’opérations spéciales et forces terrestres conventionnelles – au départ de commandements régionaux et fonctionnels implantés à Kaboul, Mazar-e-Sharif, Hérat, Kandahar et Laghman (Resolute Support, 2018a). Afin de pérenniser les excellents résultats obtenus dans le cadre de la formation des forces spéciales afghanes par leurs homologues des États-Unis, la nouvelle

1 Le projet de rapport annuel publié cette année par la DSCTC [065 DSCTC 18 F] est essentiellement

consacré au débat sur le partage des charges qui se poursuit aujourd’hui au sein de l’Alliance.

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politique états-unienne envers l’Afghanistan et l’Asie méridionale prévoit l’envoi de conseillers états-uniens et alliés supplémentaires, et ce jusqu’aux échelons « bataillon » et « brigade » des forces conventionnelles afghanes. Jusque-là, à quelques exceptions près, ces conseillers étaient présents uniquement au niveau du corps d’armée (US Lead IG, 2017). 13. Les forces affectées à la RSM continueront par ailleurs de recourir à certains éléments facilitateurs du combat pour remédier aux insuffisances capacitaires des ANDSF – moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR), systèmes d’artillerie, appui feu aérien et soutien logistique sous la forme notamment de moyens aériens d’évacuation médicale (département de la défense des États-Unis, 2017). On notera également, et c’est là un point important, que la modification des règles d’engagement s’appliquant aux forces états-uniennes dans le cadre de la nouvelle politique envers l’Afghanistan et l’Asie du Sud a eu pour effet de supprimer certaines réserves qui limitaient l’appui feu et le soutien aérien aux opérations rapprochées contre des forces hostiles (Wasserbly, 2017). Ceci a permis aux forces des États-Unis opérant dans le cadre des missions Freedom’s Sentinel (OFS) et Resolute Support d’intensifier leurs opérations aériennes de manière significative. En 2017, par exemple, on a dénombré 1 248 sorties comptant au moins un tir d’arme (contre 615 en 2016). 14. La révision, par l’administration Trump, de la politique envers l’Afghanistan et l’Asie du Sud s’est traduite par un relèvement significatif des niveaux de forces de la RSM. Depuis la publication de la nouvelle stratégie en août dernier, les États-Unis ont déployé 3 000 hommes supplémentaires en Afghanistan, dont 2 400 ont été affectés à la RSM de l’OTAN (SIGAR, 2018). Il est également prévu d’affecter, à partir de février 2018, 1 000 hommes supplémentaires aux brigades d’assistance aux forces de sécurité (SFAB) nouvellement créées. Spécifiquement entraînées pour exercer une fonction de conseil au combat, les SFAB vont entraîner, conseiller et assister les ANDSF conventionnelles au niveau du bataillon (SIGAR, 2018 ; Wellman, 2018). 15. L’appel lancé par le président Donald Trump aux membres et aux partenaires de l’OTAN pour qu’ils emboîtent le pas aux États-Unis a été suivi d’effets. Dans le sillage de la dernière réunion en date des ministres de la défense de l’OTAN, en novembre 2017, le secrétaire général Stoltenberg a annoncé que l’effectif de la mission de l’OTAN en Afghanistan passerait de 13 000 à 16 000 hommes environ. Vingt-sept pays (hors États-Unis) fournissant des troupes à la RSM se sont engagés à revoir leurs contributions à la hausse dans les mois qui viennent (OTAN, 2017). C’est ainsi que le ministre allemand de la défense a annoncé récemment que son pays prévoyait de porter les forces allemandes en Afghanistan de 980 à 1 300 hommes (Sprenger, 2018). Le Monténégro, dernier pays à avoir rejoint l’OTAN, s’est également engagé à augmenter le niveau de ses troupes de 50 % environ (Tomovic, 2018). 16. Si l’on tient compte des renforts d’ores et déjà sur place, la RSM réunit aujourd’hui 15 046 hommes déployés par 39 pays (26 membres de l’OTAN et 13 partenaires d’opérations). Avec 8 475 hommes, les États-Unis restent, de loin, le premier pays fournisseur de troupes. Les troupes états-uniennes, outre leur participation à la RSM dirigée par l’OTAN, mènent également des opérations aériennes et de lutte antiterroriste dans le cadre de l’opération Freedom’s Sentinel dirigée par l’USFOR-A, ce qui porte à 14 000 le nombre total de membres des forces armées états-uniennes actuellement présents en Afghanistan (département de la défense des États-Unis, 2017). Tout en se félicitant de l’arrivée récente de ces renforts sur le terrain, les responsables états-uniens et de l’OTAN ont indiqué que les engagements internationaux n’en étaient toujours pas respectés pour autant, et ont mis en garde contre ces insuffisances en troupes qui pourraient, selon eux, compromettre la réussite de la mission ainsi que la protection effective des forces.2

2 On notera qu’avec l’achèvement du déploiement des SFAB, les troupes des États-Unis sur place

devraient dépasser la barre des 15 000 hommes cette année.

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IV. ANDSF ET FORCES D’INSURRECTION

A. LES ANDSF 17. La RSM a débuté en 2015, alors que dans le même temps les forces afghanes prenaient en charge la responsabilité exclusive de la sécurité sur la totalité du territoire afghan. Les ANDSF sont aujourd’hui sur le point d’entamer leur quatrième saison de combats depuis qu’elles se trouvent à la tête de la lutte contre l’insurrection dirigée par les talibans, et les responsables de l’OTAN se montrent optimistes quant à leur évolution. En novembre 2017, le général John W. Nicholson, commandant de la RSM, déclarait que la situation penchait dorénavant en faveur des ANSDF et que l’on était clairement sorti du « blocage », terme qu’il avait utilisé à peine sept mois plus tôt pour décrire la confrontation entre gouvernement et insurgés (Nicholson, 2017a, 2017b). Le général Curtis Scaparrotti, commandant suprême des forces alliées en Europe, a déclaré partager le sentiment du général Nicholson lors d’une visite récente à Kaboul en février 2018, se disant convaincu que « les talibans ne pourraient l’emporter sur le champ de bataille » (Resolute Support, 2018b). 18. Début 2017, le président afghan Ashraf Ghani entamait la mise en œuvre de ce qu’il est convenu d’appeler la « feuille de route pour les ANDSF », à savoir la stratégie devant permettre de réformer ces dernières sur une période de quatre ans. Ce plan vise 1) à renforcer les capacités de combat, en particulier celles des forces aériennes et d’opérations spéciales ; 2) à améliorer les capacités de commandement ; 3) à renforcer l’unité d’effort et de commandement entre les ministères de la défense et de l’intérieur, et 4) à combattre la corruption au sein de toutes les forces de sécurité afghanes. Ces mesures ont pour objectif de ramener 80 % de la population sous le contrôle du gouvernement, et d’obliger les talibans à s’asseoir à la table des négociations d’ici à 2020. 19. S’il est encore trop tôt pour évaluer l’efficacité de la « feuille de route » du président Ashraf Ghani, plusieurs avancées se sont lentement mises en place au cours de l’année écoulée. Tout d’abord, différentes mesures ont été prises en vue d’augmenter les effectifs et de renforcer les capacités des forces aériennes et d’opérations spéciales. Le commandement opérations spéciales de l’armée de terre afghane (ANASOC) a renforcé ses installations d’entraînement, permettant ainsi de former quatre, et non plus deux, compagnies de forces de sécurité spéciales afghanes (ASSF) par an. Dans le même temps, l’armée de l’air afghane (AAF) a reçu huit premiers hélicoptères des 159 UH-60 Black Hawk destinés à remplacer les 47 Mi-17 vieillissants qui composent sa flotte actuelle (Hecker, 2018). Deuxièmement, en termes d’amélioration du leadership, le ministère de l’intérieur a remplacé 13 de ses hauts responsables, dont le ministre lui-même (département de la défense des États-Unis, 2017). Les représentants de la RSM se sont félicités de la nomination de Wais Ahmad Barmak au poste de nouveau ministre de l’intérieur (US Lead IG, 2017). Au ministère de la défense, cinq des six commandants de corps de l’armée nationale afghane (ANA) ont été démis de leurs fonctions et remplacés par des officiers plus jeunes, dont trois possèdent une expérience dans le domaine des opérations spéciales. De plus, un processus d’évaluation normalisé et global a commencé à s’appliquer à tous les commandants de l’ANA. Troisièmement, la police afghane des frontières (ABP) porte désormais le nom de forces afghanes de sécurité frontalière (ABF) et est passée de la tutelle du ministère de l’intérieur à celle du ministère de la défense. Il devrait en être de même pour la police d’ordre civil afghane (ANCOP) dans le courant de l’année, ce qui signifie que toutes les forces de sécurité offensives vont se retrouver à terme sous le contrôle du ministère de la défense (département de la défense des États-Unis, 2017). 20. Les ANDSF restent en-deçà de leurs effectifs autorisés, soit 195 000 hommes pour l’ANA et 157 000 hommes pour la police nationale afghane (ANP) (soit un total de 352 000 hommes). Bien que l’effectif total des ANDSF soit resté relativement stable au cours de l’année écoulée, tant l’ANA que l’ANP sont confrontées à un haut niveau d’attrition. Les désertions représentent 70 % environ de l’ensemble des pertes d’effectifs, la cause plus fréquemment invoquée pour ce

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phénomène étant le commandement défaillant (département de la défense des États-Unis, 2017). Au-delà des chiffres, on constate également que le taux de rotation élevé (de 25 à 30 % par an) empêche les ANDSF de disposer de forces plus expérimentées. Sur recommandation de la RSM, l’ANA a mis en place un système de prime à l’intention des effectifs demeurant au sein des forces jusqu’au terme de leur période d’enrôlement (US Lead IG, 2017). Il est cependant trop tôt pour juger de l’efficacité de cette mesure. À côté des ANDSF financées sur une base multilatérale, il faut également compter avec la police locale afghane (ALP) placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur et qui, forte de 30 000 hommes, reçoit le soutien des États-Unis (département de la défense des États-Unis, 2017). 21. Le gouvernement afghan et l’USFOR-A envisagent aujourd’hui de mettre sur pied une nouvelle force, la force territoriale de l’armée nationale afghane (ANATF), qui relèverait du ministère de la défense. Forte de 7 500 officiers de l’ANA et d’un effectif de 28 500 hommes recrutés au niveau local, elle aurait pour objectif d’empêcher les insurgés de reprendre du terrain dans les zones sous contrôle gouvernemental. Des programmes pilotes devraient débuter cette année dans différentes provinces. Si le modèle de l’ANATF s’avère efficace, il permettra à l’ANA, à court terme, de libérer des ressources pour des opérations offensives ; et à long terme, d’évoluer sur le modèle d’une force plus réduite et financièrement plus abordable (département de la défense des États-Unis, 2017). Certains observateurs craignent que cette proposition ne revienne purement et simplement qu’à former et qu’à équiper des milices privées qui œuvreraient essentiellement à la réalisation de leurs propres objectifs. Bien que ces milices de l’ANATF seraient placées sous la tutelle du ministère de la défense, de telles inquiétudes ne sont pas dénuées de fondement. Certains projets antérieurs qui faisaient eux aussi appel à des forces recrutées au niveau local – on pense tout particulièrement à l’ALP – ont enregistré des résultats mitigés, assurant la sécurité dans certaines régions mais se rendant coupables, ailleurs, de violations des droits humains à l’encontre des populations locales (US Lead IG, 2018). 22. Essentiellement imputables à des tirs et à des attentats au moyen d’engins explosifs improvisés (IED) et dans une moindre mesure à l’explosion de mines, les pertes enregistrées par les ANDSF n’ont pas vraiment évolué par rapport à l’année précédente (département de la défense des États-Unis, 2017). Les attaques de l’intérieur commises au sein des ANDSF (« vert sur vert ») et sur les forces de la RSM (« vert sur bleu ») ont certes diminué mais restent préoccupantes car elles nuisent au moral des troupes et alimentent la méfiance entre forces afghanes et internationales. Afin de parer à ce danger, le ministère de la défense a adopté en septembre 2017 une nouvelle politique visant à améliorer les procédures de protection des effectifs des ANDSF et de la RSM, notamment par un renforcement des mécanismes de sélection des effectifs. Une politique similaire devrait également être introduite pour le ministère de l’intérieur. Afin de soutenir l’action des deux ministères dans ce domaine, la RSM a créé un poste de conseiller pour la menace intérieure (ITA) (SIGAR, 2018).

B. LES TALIBANS 23. Incapables d’atteindre l’objectif opérationnel fixé pour l’année 2017, à savoir s’emparer d’une capitale de province, les forces talibanes ont commencé, au cours de l’année, à rediriger leurs efforts sur les districts. C’est ainsi qu’elles ont été en mesure, en recourant à des techniques d’infiltration plutôt qu’à des attaques frontales, de prendre provisoirement le contrôle de certains centres de population. Mais les ANDSF avec, dans la plupart des cas, un soutien aérien des forces internationales, ont fait preuve d’efficacité et ont repris assez rapidement ces territoires perdus (IHS Jane’s, 2017 ; département de la défense des États-Unis, 2017). Repoussés en dehors de la plupart des centres urbains, les talibans ont par contre réussi à étendre légèrement leur emprise sur les zones rurales, où le gouvernement n’assure pas une représentation efficace. Selon les estimations les plus récentes de la RSM fondées sur des données d’octobre 2017, les talibans tiennent 14 % environ des 407 districts que compte le pays, contre 56 % pour le gouvernement (Burns et Baldor, 2018), les 30 % restants étant disputés. En termes de contrôle des populations, la RSM évalue l’emprise des insurgés à 10 % environ et celle du gouvernement à plus ou moins

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60 %, la situation des 30 % restant n’étant pas établie (département de la défense des États-Unis, 2017). 24. Comme ils ne parviennent pas à s’emparer de centres urbains, même au niveau des districts, les talibans ont de plus en plus recours à des opérations de type guérilla contre les bases, les points de contrôle et les convois des ANDSF partout dans le pays, et mènent à Kaboul et dans d’autres grandes villes des attaques massives visant les populations civiles. Entre le 17 et le 19 octobre 2017, ils ont commis, dans les provinces de Paktia, Ghazni et Kandahar, une série d’attentats qui ont fait plus d’une centaine de morts, principalement des membres des forces armées et de police (ICG, 2017b). Ces incidents montrent que les talibans s’intéressent de plus en plus aux installations des ANDSF, et ce dans le but de dérober du matériel militaire et de saper le moral des forces afghanes (ONU, 2017). Plus récemment, en janvier 2018, les talibans ont revendiqué deux attaques spectaculaires à Kaboul. Le 21 janvier, un raid contre l’hôtel Intercontinental a fait 22 morts, principalement des étrangers. Une semaine plus tard, une bombe dissimulée dans une ambulance explosait dans une des zones les plus protégées de la capitale, à proximité de bâtiments gouvernementaux et d’ambassade, faisant plus de 100 morts (ICG, 2018). 25. L’intégration entre les talibans et le réseau Haqqani s’est poursuivie, à tel point que pour certains observateurs, il n’y a plus lieu de considérer ces deux groupes comme des entités distinctes (département de la défense des États-Unis, 2017). Les différends internes entre Haibatullah Akhundzada et Sirajuddin Haqqani, respectivement chefs des talibans et du réseau Haqqani, auraient été aplanis avec l’aide d’une médiation pakistanaise. Cette fracture a toutefois permis à Sirajuddin Haqqani de gagner en influence au sein de la choura de Quetta, le conseil de direction des talibans (IHS Jane’s, 2017). Cette évolution est jugée inquiétante par les observateurs, car le réseau Haqqani s’est montré traditionnellement moins soucieux de limiter les pertes civiles (département de la défense des États-Unis, 2017).

C. DAECH EN AFGHANISTAN – EIIL-K 26. Les opérations de lutte antiterroriste, l’action des ANDSF et les combats contre les talibans ont eu pour effet de réduire l’emprise de l’EIIL-K (État islamique en Iraq et au Levant-Khorasan) en territoire afghan (département de la défense des États-Unis, 2017). Les positions occupées par le groupe dans le sud de la province de Nangarhar ont particulièrement souffert de la campagne intensive de frappes aériennes menée par les États-Unis. À la fin de l’année 2017, l’EIIL-K n’occupait plus que trois districts de cette province, contre 9 fin 2015. Certains éléments du groupe semblent toutefois s’être réimplantés dans d’autres parties du pays, plus particulièrement dans les provinces de Kunar et de Jowzjan (US Lead IG, 2018 ; Nicholson 2017). 27. Malgré ces pertes territoriales, le groupe s’est montré résilient et a toujours les moyens de mener des attaques de grande envergure. Cherchant à attiser les conflits confessionnels, l’EIIL-K s’en est pris en priorité à la communauté chiite d’Afghanistan. C’est ainsi qu’il a revendiqué tout récemment l’attentat-suicide du 28 décembre 2017 contre un centre culturel chiite de Kaboul qui a fait au moins 41 morts et 84 blessés (SIGAR, 2018). Le groupe est également responsable, en partie, de la recrudescence des attaques contre des cibles civiles et militaires à Kaboul en janvier 2018. Il a notamment revendiqué l’attentat du 24 janvier contre le bureau de Save the Children à Kaboul, où trois personnes au moins ont trouvé la mort, ainsi que le raid contre une académie militaire survenu le 29 janvier, qui a tué 11 membres des ANDSF (ICG, 2018). 28. Les opérations de l’USFOR-A et des ANDSF ainsi que les désertions ont pesé sur les effectifs combattants de l’EIIL-K. Le groupe tente de compenser ses lourdes pertes en recrutant les membres déçus d’autres groupes d’insurgés présents dans la région, principalement des anciens talibans et des membres de Tehrik-e-Taliban Pakistan (département de la défense des États-Unis, 2017). Les pressions croissantes exercées sur les combattants de Daech en Syrie et en Iraq n’ont toutefois pas entraîné, à ce jour, un gonflement des effectifs de la branche afghane de l’organisation (Nicholson, 2017). D’après les évaluations de la RSM pour décembre 2017,

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l’EIIL-K peut compter, sur l’ensemble du territoire afghan, sur un millier de personnes environ (Bunch, 2017). 29. L’EIIL-K continue d’éprouver des difficultés à se financer et à rallier le soutien des populations locales. Son idéologie ne fait pas beaucoup d’émules dans la population civile et ses tentatives de lever des fonds en usant de moyens illégaux le placent en concurrence – et le mettent en conflit – avec les talibans et d’autres groupes d’insurgés (département de la défense des États-Unis, 2017).

D. AUTRES GROUPES D’INSURGÉS 30. Une des priorités des opérations de lutte antiterroriste menées en Afghanistan par les États-Unis reste l’endiguement de la menace représentée par al-Qaida. Le groupe maintient une présence limitée mais robuste dans l’est, le nord-est et, dans une moindre mesure, dans le sud-est de l’Afghanistan. De plus, al-Qaida dans l’océan Indien, groupe affilié dans cette région, est parvenu à s’implanter dans le sud et le sud-est du pays ainsi qu’au Pakistan. Aujourd’hui, al-Qaida a plus ou moins renoncé à se montrer offensif et consacre tous ses efforts à assurer sa propre survie et à parrainer des groupes armés locaux (Giustozzi, 2018 ; département de la défense des États-Unis, 2017). D’autres organisations extrémistes violentes, principalement les talibans, continuent d’apporter un refuge et un soutien aux membres d’al-Qaida en leur offrant des sanctuaires, tactique qui, de l’avis de l’USFOR-A, constitue « probablement l’obstacle le plus important sur la voie de l’éradication du mouvement en Afghanistan » (US Lead IG, 2018). On ne dispose toutefois d’aucune information donnant à penser que les deux groupes coordonnent leur action au niveau stratégique (département de la défense des États-Unis, 2017). V. POINT SUR L’ENVIRONNEMENT DE SÉCURITÉ DES CIVILS 31. Dans l’ensemble, la situation sécuritaire des citoyens afghans reste précaire. D’après la mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA), le conflit a fait 10 453 victimes civiles en 2017, soit 3 438 morts et 7 015 blessés. Malgré ce bilan global élevé, le décompte annuel des victimes a enregistré sa première baisse depuis 2012 (MANUA, 2018). À côté de ce nombre toujours élevé de victimes, le conflit a également entraîné le déplacement de plus de 445 000 civils en 2017 (UNOCHA, 2018). 32. D’après le dernier rapport de la MANUA, le nombre de victimes d’engins explosifs improvisés combinés a dépassé en 2017 celui des personnes tuées ou blessées dans le cadre d’engagements terrestres. La mission se dit préoccupée par la recrudescence des attentats à caractère confessionnel dirigés contre des lieux de culte et des personnalités religieuses, et en particulier par le recentrage croissant des attentats de l’EIIL-K sur la communauté chiite afghane. 33. D’après la MANUA, les forces antigouvernementales sont responsables de près de deux tiers de la totalité des victimes du conflit en 2017, contre un cinquième pour les forces progouvernementales. Les autres pertes sont à mettre au compte d’échanges de tirs non identifiés au cours de combats terrestres, de débris de guerre explosifs et de tirs de roquettes en provenance du Pakistan. 34. De nombreuses voix se sont élevées pour commenter les conséquences, en termes humains, de l’intensification des frappes aériennes menées par les forces internationales et afghanes. De fait, selon les chiffres produits par la MANUA, le bilan des victimes pour 2017 a été le plus élevé jamais enregistré d’une année sur l’autre depuis 2009, date à laquelle on a commencé à établir des statistiques. La MANUA indique cependant qu’une fois ces chiffres mis en perspective, l’augmentation du nombre de morts et de blessés reste relativement peu élevée par rapport à la multiplication significative des opérations aériennes au cours de l’année écoulée, et conclut à une réduction globale du coefficient de risque. Évoquant ce sujet, le général de division

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aérienne James B. Hecker, qui dirige le commandement aérien de l’OTAN en Afghanistan, a déclaré que l’entraînement des pilotes afghans dispensé par la RSM n’avait pas seulement pour objectif de développer les compétences techniques de ces derniers, mais aussi de leur impartir « une mentalité les encourageant autant que possible à épargner les civils » (Hecker, 2018). VI. GOUVERNANCE

A. ÉLECTIONS ET RÉFORME ÉLECTORALE 35. À côté des enjeux directement liés à la sécurité et à la réforme du secteur sécuritaire, l’État afghan se trouve confronté à la montée des défis politiques. S’exprimant sur le sujet, le général James W. Nicholson a rappelé combien il était important d’organiser, dans un délai raisonnable, des scrutins crédibles qui permettraient de renforcer la légitimité du gouvernement et d’accentuer la pression sociale sur les talibans (Nicholson, 2017b). Lancée en prévision du scrutin législatif et des élections au niveau des conseils de districts programmés pour juillet 2018 et en vue de l’élection présidentielle d’avril 2019, le processus de mise en œuvre de la réforme électorale progresse plutôt lentement. Des problèmes politiques et techniques liés notamment à la difficulté de constituer les listes électorales ainsi que des préoccupations d’ordre sécuritaire et des litiges à caractère politique ralentissent les préparatifs en vue des élections. 36. La nouvelle loi électorale votée en novembre 2016 devait instituer un découpage électoral destiné à combattre la fraude la plus répandue observée lors du scrutin présidentiel de 2014, à savoir le bourrage d’urnes, (SIGAR, 2018). Plusieurs projets ambitieux visant à introduire un système d’inscription et de vérification basé sur des données biométriques ont été écartés en raison de la longueur des délais nécessaires à l’acquisition des équipements voulus. La nouvelle option choisie consisterait à demander aux citoyens de présenter directement leur tazkira (la carte d’identité nationale afghane) dans un bureau de vote afin de se voir délivrer une carte d’inscription électorale sous la forme d’un document papier (SIGAR, 2018 ; Yawar Adili, 2017b). Il faut toutefois savoir que 10 millions d’Afghans environ – principalement des femmes, d’anciens réfugiés rentrés au pays et des individus déplacés à l’intérieur du pays – ne possèdent pas de documents permettant de les identifier (Darnolf, 2018 ; NRC, 2018). D’après différents observateurs, l’autorité centrale afghane responsable des questions d’état civil (ACCRA), qui est censée émettre ces documents officiels, ne dispose pas des moyens institutionnels et de fonds suffisants pour délivrer à tous les électeurs éligibles les tazkiras devant leur permettre de s’inscrire en temps voulu sur les listes électorales (Darnolf, 2018). 37. L’adoption de la nouvelle loi électorale a coïncidé, en novembre 2016, avec la nomination par le gouvernement des nouveaux membres de la commission électorale indépendante (IEC) et de la commission des plaintes électorales (ECC). L’IEC et l’ECC, dorénavant les deux principales entités chargées de l’administration et de la supervision des élections, sont depuis quelque temps en butte aux critiques des partis politiques et des institutions de la société civile. Les principaux reproches qui leur sont adressés concernent leur immobilisme, leurs divisions internes et le manque de compétences de leur direction (Nations unies, 2017). Le 15 novembre 2017, le président Ashraf Ghani limogeait Najibullah Ahmadzaï, président de l’IEC, accusé d’incompétence par cinq des sept membres de la commission. Cette décision est intervenue après que plusieurs groupes de l’opposition, appuyés par des manifestations, eurent exigé la démission de tous les commissaires. Le poste de président de la commission restant vacant à ce jour et les préparatifs en vue des élections tournant de plus en plus à l’affrontement ouvert entre factions politiques opposées, les observateurs mettent sérieusement en doute la capacité de l’IEC à gérer correctement le processus électoral (Yawar Adili, 2017a). 38. La sécurité des électeurs reste également une question préoccupante. En 2017-2018, l’IEC a pour la première fois établi une cartographie des bureaux de vote dans tout le pays, de manière à évaluer leur accessibilité pour les électeurs (Nations unies, 2017). D’après la commission,

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1 707 bureaux de vote sur les 7 300 répartis dans les 32 districts que compte le pays sont particulièrement vulnérables en termes de sécurité (Shaheed, 2018a). Parallèlement, le département de la défense des États-Unis a fait savoir que les États-Unis et les membres de l’OTAN ne prévoient pas d’affecter des forces significatives au maintien de la sécurité dans le cadre des élections (département de la défense des États-Unis, 2017). 39. La lenteur des préparatifs en vue des élections – le scrutin législatif avait, dans un premier temps, été programmé pour 2015 – fragilise la légitimité des instances parlementaires afghanes et entraîne des troubles internes. Certaines personnalités de l’opposition, notamment l’ancien président Hamid Karzaï, ont suggéré à plusieurs reprises la convocation d’une loya jirga, assemblée traditionnelle composée d’anciens, en guise de piste politique alternative. La majorité des politiciens ont rejeté cette proposition, mais celle-ci commence à gagner du terrain au fur et à mesure que la perspective d’élections à court terme s’éloigne (Nations unies, 2017). L’IEC a déjà fait savoir que le processus allait une fois encore être repoussé de trois mois (Shaheed, 2018b).

B. EFFORTS DESTINÉS À ENDIGUER LA CORRUPTION 40. Parmi les principaux défis auxquels se trouve confronté l’Afghanistan, il y a la corruption, phénomène solidement implanté à tous les niveaux du secteur public, qui menace de saper l’efficacité et la légitimité du gouvernement afghan et de ses institutions de sécurité. Bien que le gouvernement d’unité nationale ait fait de la lutte contre la corruption une de ses priorités depuis son entrée en fonctions en 2014, les progrès réalisés dans ce domaine sont restés limités. L’Afghanistan stagne toujours au bas du classement, arrivant en 177e position sur les 180 pays référencés dans l’indice Transparency International de perception de la corruption (Transparency International, 2018). De plus, 83,7 % des personnes interrogées dans le cadre du dernier sondage réalisé auprès de la population afghane par l’organisation Asia Foundation considèrent que la corruption représente un grave problème à l’échelle du pays tout entier (The Asia Foundation, 2017). 41. Lors de la conférence sur l’Afghanistan tenue à Bruxelles en 2016, le gouvernement d’unité nationale s’était engagé à établir une stratégie globale de lutte contre la corruption qui s’étendrait à tous les secteurs du gouvernement. Près d’un an plus tard, le 28 septembre 2017, la « stratégie nationale de lutte contre la corruption » était adoptée par le conseil supérieur sur l’État de droit et la lutte anticorruption. Mais alors que le projet de loi contre la corruption prévoyait la mise sur pied d’une commission indépendante, la stratégie nationale place la lutte anticorruption sous l’autorité du Bureau du procureur général (SIGAR, 2018). Étant donné l’absence d’accord sur l’autorité de supervision, la loi anticorruption se trouve aujourd’hui dans l’impasse. 42. La mission RSM prévoit des activités spécifiques destinées à infléchir la corruption dans le secteur de la sécurité en Afghanistan. C’est ainsi qu’elle a créé un groupe consultatif pour la lutte anticorruption (CCAG) chargé d’aider les ministères de l’intérieur et de la défense à détecter les réseaux de corruption actifs en leur sein et à lutter contre ces derniers. Le CCAG a également pour mission de coordonner les activités de lutte anticorruption menées par les institutions sécuritaires afghanes, la RSM elle-même et les partenaires internationaux (département de la défense des États-Unis, 2017). Le commandement mixte de transition en matière de sécurité en Afghanistan (CSTC-A) et le ministère afghan des finances ont par ailleurs signé en août 2017 un mémorandum d’accord autorisant le CSTC-A à contrôler l’exécution de l’assistance aux forces et institutions de sécurité afghanes budgétisée par les États-Unis. Le CSTC-A a également apporté un soutien au projet du ministère des finances pour la mise en place du nouveau « système de recensement et de paie des effectifs afghans ». Ce dispositif, dont la mise en œuvre se poursuit actuellement, fait appel au fichage biométrique pour enregistrer tous les membres des ANDSF afghanes de manière à réduire les paiements au bénéfice de soldats « introuvables » (ou « fantômes ») (Nicholson, 2017b ; SIGAR, 2018). Les conseillers du CSTC-A collaborent aussi avec le centre de justice pénale contre la corruption (ACJC) et son principal organisme d’enquête, la cellule spéciale sur les infractions majeures (MCTF). Établi par le président Ashraf Ghani en

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2016, l’ACJC réunit des enquêteurs, des procureurs et des juges appelés à traiter les cas de corruption au niveau élevé, c’est-à-dire ayant entraîné des pertes supérieures à 5 millions d’afghanis (AFN) ou incriminant des hauts fonctionnaires (Resolute Support, 2017 ; SIGAR, 2018). VII. RECENTRAGE SUR LA DIMENSION RÉGIONALE 43. Le rétablissement de la paix et de la stabilité passe bien évidemment par un règlement politique entre le gouvernement d’unité nationale et les talibans. La dimension régionale de cette entreprise est toutefois moins évidente et, de ce fait, souvent négligée dans le débat sur les perspectives de paix pour l’Afghanistan. L’annonce du retrait progressif des troupes de l’OTAN en 2011 a cependant ramené les voisins de l’Afghanistan, restés jusque-là en marge du débat, au centre de l’attention.

A. PAKISTAN 44. Le pays voisin le plus déterminant pour le rétablissement de la paix et de la stabilité en Afghanistan est le Pakistan. Le Pakistan est l’un des trois seuls pays qui, avec l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, reconnaissaient la légitimité du gouvernement taliban entre 1996 et 2001. Bien que Pervez Musharraf, à l’époque président du Pakistan, ait officiellement rompu les liens avec les talibans dans les jours qui suivirent les attentats du 11 septembre, des canaux d’assistance moins visibles sont restés en place. À ce jour, les talibans afghans et le réseau Haqqani affilié à ces derniers continuent de trouver un asile sûr du côté pakistanais de la ligne Durand, où ils trouvent un sanctuaire de premier ordre pour s’abriter des ANDSF et des opérations militaires menées avec le soutien de la coalition, et disposent de l’espace nécessaire à la planification, à l’organisation et au lancement de leurs attaques (département de la défense des États-Unis, 2017). 45. De nombreux éléments attestent du soutien actif fourni par les forces armées pakistanaises – et en particulier par leur service de renseignement, la direction du renseignement interarmées (ISI) – aux talibans présents au Pakistan et en Afghanistan. Le ciblage, puis l’assassinat d’Oussama ben Laden il y a cinq ans ont révélé aux yeux du monde la complicité qui liait les militaires pakistanais et différents groupes armés, ainsi que la liberté dont jouissaient ces derniers dans leur zone d’opération. Plus récemment, en 2016, Mollah Ahktar Mohammad Mansour, à l’époque chef des talibans, était tué par un drone américain au Pakistan, où il se déplaçait sans armes ni escorte (Gall, 2017). Le fait qu’un dirigeant aussi connu d’un groupe terroriste ai pu opérer en toute liberté dans la région donne à penser qu’il bénéficiait du soutien à tout le moins tacite, si pas carrément déclaré, du gouvernement pakistanais. Enfin, les cas d’arrestation ou de disparition, au Pakistan, de chefs talibans afghans favorables à un rapprochement avec le gouvernement de Kaboul ou ses partenaires internationaux sans l’accord explicite du gouvernement pakistanais ne font que souligner encore l’influence décisive que la direction politique et militaire d’Islamabad continue d’exercer sur ces groupes (ICG, 2017a). 46. Le Pakistan, à supposer qu’il se montre prêt à coopérer et à sévir à l’encontre des sanctuaires talibans, doit toutefois composer avec le souhait de ses dirigeants politiques et militaires de maintenir dans la région des groupes armés à même d’endiguer par procuration l’influence que pourrait exercer l’Inde en Afghanistan. 47. Depuis 1947, lorsque l’Inde britannique s’est scindée pour former ce que l’on allait appeler la République du Pakistan et la République de l’Inde, les deux pays se sont affrontés dans le cadre de quatre guerres ouvertes et de 43 conflits de moindre envergure (Mitton, 2014). Au cœur de ce litige qui persiste aujourd’hui se trouve le Cachemire, dont le territoire est revendiqué par les deux protagonistes. Marquées par cette âpre rivalité historique, les forces armées pakistanaises considèrent que l’Afghanistan leur offre une profondeur stratégique critique vis-à-vis de l’Inde. Dans l’esprit des dirigeants pakistanais, exercer une forte influence politique en Afghanistan serait

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en effet un moyen de se soustraire à un encerclement potentiel par un rival traditionnel et permettrait, dans l’éventualité d’une nouvelle guerre, de s’appuyer sur un allié fiable à l’arrière (Dalrymple, 2013). 48. L’invasion de l’Afghanistan sous commandement des États-Unis en 2001 avait pour objectif de mettre un terme au pouvoir taliban qui offrait soutien et refuge à al-Qaida. L’intervention états-unienne a marqué un virage critique en bouleversant le rôle du Pakistan dans la région. En effet, outre qu’il avait perdu son mandataire à Kaboul, le Pakistan, en ne refusant pas de donner asile aux forces talibanes restantes qui, vaincues par les forces états-uniennes, s’étaient réfugiées de l’autre côté de la frontière, commença à voir s’éroder le rôle qui aurait dû être le sien dans le projet de la communauté internationale visant à ramener la paix et la stabilité dans la région. La question épineuse de la protection offerte aux talibans et à d’autres groupes armés dans les zones tribales sous administration fédérale pakistanaise allait rapidement se transformer en facteur de division pour les forces internationales présentes sur le terrain, et compromettre les efforts politiques visant à mettre en place à Kaboul un gouvernement stable susceptible de promouvoir un nouvel État afghan. Les efforts conjoints des États-Unis et de l’Alliance du Nord entraînèrent l’éjection des pachtounes des postes clés qu’ils contrôlaient à Kaboul, ouvrant une ère nouvelle marquée par l’instauration de liens étroits entre l’Inde et le gouvernement de Hamid Karzaï3 sous influence tadjike (Mitton, 2014). À partir de là, soutenir les insurgés restait, aux yeux du Pakistan, le seul moyen réaliste de conserver son influence dans la région. 49. Lors de son entrée en fonctions en tant que président du gouvernement d’union nationale en 2014, Ashraf Ghani commença par tout mettre en œuvre pour améliorer les relations et la coopération en matière de sécurité avec le Pakistan. Plusieurs visites à Kaboul et Islamabad furent organisées dans cette perspective fin 2014 et début 2015, au cours desquelles responsables afghans et pakistanais tentèrent de trouver le moyen d’amener les talibans à la table des négociations. Dans un premier temps, les représentants des deux parties exprimèrent la conviction que des pourparlers officiels ne tarderaient pas à s’ouvrir (Yusuf et Smith, 2015). Le président Ashraf Ghani donna même son accord, début 2015, pour qu’un petit groupe de soldats afghans puisse être formé à l’Académie militaire d’Abbottabad, se démarquant ainsi des positions du président Hamid Karzaï, qui avait repoussé à plusieurs reprises les offres pakistanaises d’entraînement des ANDSF. Peu de temps après, en avril de la même année, l’ISI et son homologue pakistanaise, la direction nationale de la sécurité (NDS), signaient un mémorandum d’entente en vue d’une intensification de la coopération dans le domaine du renseignement (Katzman et Thomas, 2017). 50. Aucune mesure concrète n’a toutefois été prise contre les sanctuaires talibans au Pakistan et les attentats spectaculaires de ces derniers mois sont venus compromettre ces tentatives de rapprochement, entraînant finalement une nouvelle détérioration des relations afghano-pakistanaises. Le président Ashraf Ghani a lancé des appels répétés à Islamabad pour qu’il prenne des mesures décisives à l’encontre des extrémistes afghans lançant des attaques depuis le Pakistan. Lors de la première réunion tenue en juin 2017 dans le cadre du « processus de Kaboul », Ashraf Ghani alla jusqu’à accuser le gouvernement pakistanais de mener « une guerre d’agression non déclarée » contre l’Afghanistan (Dawn, 2017). Le Pakistan nie apporter un soutien aux talibans et aux autres groupes extrémistes, et prétend faire office de bouc émissaire pour justifier les échecs essuyés par d’autres pays dans le cadre de ce conflit sans issue qui n’en finit pas. En privé, toutefois, certains responsables civils indiquent que ce sont les forces armées, et plus particulièrement l’ISI, qui s’opposent à la prise de mesures concrètes contre les groupes d’insurgés (Abi-Habib, 2018). 51. Ces développements plus récents s’inscrivent dans le contexte d’un litige frontalier de longue date entre les deux pays. L’Afghanistan, arguant du fait que la ligne Durand traverse le territoire pachtoune, refuse de la reconnaître en tant que frontière internationale avec le Pakistan. Tracée

3 Hamid Karzaï a assuré l’administration intérimaire de l’Afghanistan de 2001 à 2004 avant d’être

officiellement président de 2004 à 2014.

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en 1893 alors que la région se trouvait sous domination coloniale britannique, la ligne Durand s’est retrouvée sous les projecteurs en 1947, quand le Pakistan proclama son indépendance et repoussa l’exigence de l’Afghanistan de voir les tribus pachtounes vivant du côté pakistanais bénéficier du droit à l’auto-détermination (Katzman et Thomas, 2017 ; Rahi, 2014). Le Pakistan a entamé il y a peu la construction, le long de la ligne Durand, d’une clôture qui devrait s’étendre sur 2400 km d’ici à la fin 2018 (SIGAR, 2018). Islamabad affirme que cet ouvrage est indispensable pour contrôler les mouvements transfrontaliers et parer aux incursions de groupes d’activistes, tandis que Kaboul, de son côté, s’oppose fermement à cette initiative unilatérale et insiste pour que la frontière soit renégociée (Dilawar et Haider, 2017). Malgré la recrudescence de ces tensions bilatérales, la coopération tactique entre forces armées aux frontières reste largement intacte (département de la défense des États-Unis, 2017).

L’administration Trump modifie l’orientation de la politique des États-Unis vis-à-vis du Pakistan

52. Contrairement aux présidents George W. Bush et Barack Obama, qui s’étaient donné pour priorité de garantir la stabilité générale du Pakistan de manière à maintenir un certain contrôle sur les multiples groupes activistes présents sur son territoire et à éviter que son stock d’armes nucléaires chaque jour plus important ne tombe dans de mauvaises mains, l’administration Trump a décidé de se montrer intransigeante avec Islamabad. Lors de la présentation de la nouvelle stratégie des États-Unis envers l’Asie méridionale, en août 2017, le président Donald Trump a indiqué que son administration ne pouvait plus faire abstraction du fait que le Pakistan constitue un sanctuaire pour les talibans afghans. En janvier 2018, le gouvernement des États-Unis décidait de suspendre l’aide fournie au Pakistan dans le cadre du « fonds de soutien de la coalition » et du financement militaire– privant ainsi ce pays d’une assistance à la sécurité représentant 2 milliards de dollars environ –, et ce jusqu’à ce que la direction pakistanaise, conformément à ses engagements, prenne des mesures concrètes à l’encontre des sanctuaires talibans (Bokhari et al., 2018 ; Nawaz, 2018). 53. Par ailleurs, l’administration a exercé, avec succès, des pressions sur les États membres du groupe d’action financière (GAFI), demandant que celui-ci intègre à nouveau le Pakistan sur la « liste grise » des pays n’en faisant pas assez pour combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le GAFI devrait faire connaître sa décision durant sa prochaine réunion, au mois de juin. Cette liste grise devrait décourager les banques et d’autres institutions financières de travailler avec le Pakistan, accentuant ainsi les difficultés que rencontre ce dernier pour satisfaire ses besoins financiers croissants (Abi-Habib, 2018 ; Masood, 2018). 54. Le changement de cap qu’a enregistré la politique des États-Unis à l’égard du Pakistan depuis l’entrée en fonctions du président Donald Trump a suscité de vifs débats entre spécialistes états-uniens traitant de politique étrangère. Certains experts en matière de sécurité considèrent que l’adoption de cette ligne dure, en mettant les capacités pakistanaises sous pression, va placer les États-Unis en situation de force. Ainsi, selon le professeur Hasan Askari Rizvi, un politologue pakistanais, la réduction des aides, en ralentissant les efforts de modernisation militaire, pourrait handicaper durablement le Pakistan – à supposer qu’aucun autre pays ne vienne combler le déficit substantiel résultant du retrait financier de Washington (BBC News, 2018). 55. Dans le même temps, certains observateurs se demandent si la stratégie consistant à accentuer la pression sur le Pakistan permettra effectivement d’atteindre les résultats recherchés, et redoutent même, dans certains cas, d’éventuelles retombées contre-productives. Ils rappellent que le Pakistan a figuré sur la liste grise du GAFI de 2012 à 2015, et que l’aide militaire apportée par les États-Unis a déjà diminué de 60 % entre 2010 et 2017 sans que cela amène apparemment le Pakistan à changer de comportement (Felbab-Brown, 2018 ; Masood, 2018). Or, alors même que de telles mesures n’ont pas de grandes chances d’amener le Pakistan à revoir son attitude vis-à-vis des groupes terroristes, les États-Unis ont avantageusement accès aux axes terrestres et à l’espace aérien pakistanais pour acheminer des approvisionnements vers l’Afghanistan, ainsi

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qu’aux bases militaires pakistanaises pour effectuer des frappes de drones (Aleem, 2018). Plusieurs spécialistes, dont un ancien ambassadeur des États-Unis au Pakistan, craignent qu’en proclamant publiquement sa décision de réduire son aide, le gouvernement de Washington ne se voie privé de ces avantages. Islamabad pourrait ainsi faire obstruction aux opérations de Washington ou les compliquer (comme en 2011 lorsqu’il a coupé les axes d’approvisionnement de l’OTAN en direction de l’Afghanistan après que les États-Unis eurent attaqué un poste-frontière pakistanais), ou resserrer ses liens avec des pays rivaux comme la Chine et la Russie (BBC News, 2011 ; Olson, 2018). Sachant notamment que la politique de l’administration Trump envers l’Asie méridionale favorise un rôle accru de l’Inde en Afghanistan, accentuer la pression sur le Pakistan risque également de conforter les forces armées de ce pays dans leur conviction que les insurgés afghans leur sont nécessaires pour compenser les incertitudes pesant sur les relations indo-pakistanaises (Felbab-Brown, 2018).

B. INDE 56. L’Inde se retrouve dans une situation largement similaire à celle de son grand rival, en ce sens que son positionnement vis-à-vis de l’Afghanistan est dicté par son aversion pour l’extrémisme violent et les craintes de voir le Pakistan gagner en influence. Considérant que l’hospitalité offerte par Kaboul à al-Qaida compromettait gravement sa sécurité, l’Inde s’est montrée particulièrement hostile au gouvernement taliban. Du point de vue de New Delhi, les relations entre al-Qaida et différents groupes séparatistes violents présents au Pakistan faisaient clairement ressortir un lien direct entre l’extrémisme afghan et l’instabilité dans la région disputée du Cachemire et, plus largement, en Asie du sud-est (Katzman et Thomas, 2017). Même après l’éviction des talibans, certains de ces groupes ont continué à afficher leur pouvoir de nuisance en menant des attaques terroristes de grande envergure en Inde et contre des objectifs indiens en Afghanistan. On se souvient en particulier des attentats de Bombay, en 2008 et 2011, mais également des attaques de 2008 et 2009 contre l’ambassade d’Inde, et de l’attentat de 2010 contre une pension indienne à Kaboul (Dalrymple, 2013). Pour empêcher que des groupes extrémistes ne reprennent le pouvoir à Kaboul, l’Inde a fourni des conseillers militaires ainsi que du matériel à l’Alliance du nord lors des combats contre les talibans en 2001, et a déployé des efforts considérables pour renouer, puis renforcer, ses relations bilatérales avec Kaboul. 57. Sur le plan commercial et de l’aide au développement, l’Inde est devenue un des partenaires régionaux les plus importants et les plus fiables de l’Afghanistan (département de la défense des États-Unis, 2017). Depuis la chute des talibans en 2001, New Delhi a financé plusieurs grands projets infrastructurels et de développement civil, comme la construction du nouveau parlement à Kaboul et du barrage de l’amitié afghano-indienne dans la province d’Herat, achevés respectivement en décembre 2015 et en juin 2016. Au total, l’aide au développement apportée par l’Inde sous la forme de projets a porté sur 2 milliards de dollars, et le Premier ministre indien Narendra Modi a engagé en 2016 une enveloppe supplémentaire de 1 milliard de dollars destinée à répondre aux besoins de développement de l’Afghanistan (Katzman et Thomas, 2017). Simultanément, le volume global des échanges de biens a atteint la barre des 383 millions de dollars en 2016 (SIGAR, 2018). Tout en s’impliquant de plus en plus dans la reconstruction et le développement économique de l’Afghanistan, le gouvernement indien a veillé à souligner le caractère civil de ces investissements. 58. L’Inde s’est engagée tout récemment à consacrer 85 millions de dollars au développement du port maritime de Chabahar dans le sud-est de l’Iran (Dawn, 2018). Alors qu’Islamabad continue de bloquer le transit des marchandises entre l’Afghanistan et l’Inde et vice-versa, ce projet doit faciliter les échanges commerciaux entre l’Inde, l’Iran et l’Afghanistan en contournant le Pakistan. Les progrès enregistrés depuis la conclusion d’une série d’accords de transit trilatéraux en mai 2016 ont été assez lents. C’est en octobre 2017 seulement qu’une première cargaison de blé transitant par Chabahar a été expédiée vers l’Afghanistan depuis l’Inde (Panda, 2017). Le 17 février 2018, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président iranien Hassan Rouhani mettaient la dernière main aux accords de gestion de Chabahar, confiant au gouvernement indien

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le contrôle opérationnel du port pour les 18 mois à venir (Dawn, 2018). À côté de cet accès maritime, l’Afghanistan et l’Inde ont également mis en place un corridor direct pour le fret aérien, inauguré en juin 2017 par les premières liaisons cargo entre New Delhi et Kaboul (ministère indien des affaires extérieures, 2017a). L’Inde, partenaire de sécurité pour l’Afghanistan 59. Les relations entre l’Inde et l’Afghanistan ont changé de nature et repris en intensité en 2011 avec la signature d’un accord de « partenariat stratégique » qui, en prévoyant que l’Inde interviendrait dans l’entraînement et l’équipement des ANDSF, investissait pour la première fois ce pays d’un rôle formel dans la sécurité afghane (ministère afghan des affaires étrangères, 2011). Depuis lors, quelque 130 membres des forces de sécurité afghanes participent chaque année, dans des institutions militaires indiennes, à des programmes de formation destinés aux officiers (département de la défense des États-Unis, 2017). L’Inde a également commencé à livrer des matériels de combat aux ANDSF, dérogeant ainsi à sa politique antérieure qui limitait les fournitures à des équipements de soutien. Enfin et surtout, l’Inde a fait don à l’armée de l’air afghane (AAF) de quatre hélicoptères d’attaque Mil Mi-25 destinés à remplacer les Mi-35 devenus inutilisables. Les hélicoptères donnés par l’Inde ayant eux aussi connu des problèmes de disponibilité technique, le gouvernement indien se serait mis à la recherche de fournisseurs tiers auprès desquels il ferait l’acquisition d’hélicoptères d’assaut supplémentaires qui seraient transférés ensuite à l’armée de l’air afghane (Jenning, 2017). 60. Les événements des derniers mois laissent entendre que la contribution de l’Inde à la sécurité de l’Afghanistan devrait encore s’accroître. Un « conseil de partenariat » chargé de coordonner et d’étudier la mise en œuvre du partenariat stratégique au niveau ministériel a été mis sur pied. Il se réunit à intervalles réguliers sous la présidence des ministres des affaires étrangères des deux pays. En septembre 2017, lors de la seconde réunion du conseil, les parties sont convenues de renforcer leur coopération de sécurité et d’élargir l’assistance fournie par l’Inde aux ANDSF. Le conseil a également lancé un appel demandant en termes clairs la disparition des sanctuaires qui, avec le soutien de certains États, abritent des groupes terroristes lançant des attaques contre l’Afghanistan (ministère indien des affaires extérieures, 2017b). 61. Mais cela ne signifie pas pour autant que l’Inde est prête à s’impliquer tous azimuts en Afghanistan. Dans le cadre de la nouvelle politique des États-Unis envers l’Asie méridionale, le président Donald Trump a demandé à New Delhi de contribuer plus activement aux efforts visant à favoriser la paix et la stabilité en Afghanistan. En septembre 2017, soit un mois après l’allocution de M. Trump, Mme Nirmala Sitharam, ministre indienne de la défense, rencontrait James Mattis, son homologue états-unien à New Delhi. Au cours de cette réunion, elle a indiqué clairement que l’Inde ne comptait pas envoyer de troupes en Afghanistan, mais qu’elle était prête à revoir à la hausse ses activités d’aide au développement et d’entraînement des effectifs des ANDSF (Deutsche Welle, 2017). Cette retenue affichée par l’Inde tient probablement au fait qu’elle craint les représailles que pourraient mener des groupes d’insurgés indiens avec le soutien du Pakistan, ou d’éventuels attentats contre des cibles indiennes en Afghanistan.

C. CHINE 62. L’implication de la Chine en Afghanistan est dictée par ses projets d’investissement qui continuent de s’étendre dans la région ainsi que par ses craintes de voir l’instabilité et l’extrémisme violent sévissant en Afghanistan menacer sa sécurité intérieure. La frontière commune aux deux pays est relativement réduite (92 km), mais le corridor de Wakhan, situé dans une zone montagneuse et très peu peuplée, débouche sur la province chinoise du Xinjiang à majorité musulmane, où des groupes séparatistes ouïghours luttent pour la création d’un Turkestan oriental indépendant. La Chine suit avec inquiétude la flambée de violence qui frappe la région depuis quelques années et soupçonne certains de ces groupes de tirer parti de l’instabilité sévissant dans

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diverses parties de l’Afghanistan et du Pakistan pour former des terroristes et planifier des attaques dans le Xinjiang et d’autres régions de la Chine (Huasheng, 2016 ; Umarov, 2017). 63. Attirée par les richesses en ressources minérales de l’Afghanistan (cuivre, fer et or) qui, selon les estimations, représenteraient 1 000 milliards de dollars, la Chine a investi des sommes considérables dans ce pays (Barnes, 2017). En 2008 par exemple, le groupe d’État le China Metallurgical Group a signé des contrats pour l’exploitation du site d’Aynak, le plus gros gisement de cuivre d’Afghanistan. Mais comme pour nombre d’autres projets chinois en Afghanistan, divers incidents de sécurité – attaques menées sur le site même et enlèvements d’experts chinois – ont empêché d’exploiter pleinement le potentiel de ce gisement (Umarov, 2017). 64. Enfin et surtout, vu la situation géographique de l’Afghanistan, au cœur de l’Asie centrale et méridionale, la paix et la stabilité dans ce pays sont particulièrement déterminantes pour la viabilité et l’efficacité de la grande initiative chinoise « Une ceinture et une route » (OBOR). Lancée en 2013, OBOR constitue aujourd’hui la pièce maîtresse de la politique étrangère de Pékin. Cette initiative a pour objectif de relier la Chine à l’Asie centrale et du sud-est ainsi qu’à l’Europe et à l’Afrique par un réseau de voies ferrées et d’autoroutes (« ceinture économique de la route de la soie », partie terrestre d’OBOR) et de routes maritimes (« routes de la soie maritime »). 65. En 2016, Salahuddin Rabbani, ministre des affaires étrangères afghan, et son homologue Wang Yi ont signé un mémorandum d’entente pour le renforcement de la coopération dans le cadre de l’initiative OBOR, qui formalisait le rôle à jouer par l’Afghanistan dans cet ambitieux projet infrastructurel chinois (Kumar, 2017). Depuis lors, une nouvelle ligne ferroviaire traversant le Kazakhstan et l’Ouzbékistan a été ouverte entre la Chine et l’Afghanistan (Wu, 2016). Pékin a également indiqué que l’Afghanistan pourrait être intégré au corridor économique Chine-Pakistan (CPEC), qui recouvre une série de projets infrastructurels en cours de réalisation devant relier la Chine à l’océan Indien en passant par le Pakistan (SIGAR, 2018). 66. Poussée par ces différents intérêts économiques et stratégiques, la Chine a décidé, au lendemain de la réduction significative de la présence des forces internationales et des partenaires en Afghanistan après le départ de la FIAS, d’abandonner le rôle de second plan qu’elle avait assuré jusque-là dans le conflit afghan pour s’impliquer plus activement dans la problématique de sécurité de ce pays. Signée en 2012, la « déclaration conjointe entre la République populaire de Chine et l’État islamique d’Afghanistan sur l’établissement d’un partenariat stratégique et de coopération » a marqué le lancement d’une coopération accrue entre les deux pays dans le domaine de la sécurité. Deux ans plus tard, Pékin, soucieux de dynamiser la mise en œuvre de l’accord nommait son premier envoyé spécial pour les questions concernant l’Afghanistan. Par ailleurs, depuis l’entrée en fonction du gouvernement d’unité nationale en 2014, Kaboul et Pékin ont signé quatre mémorandums d’entente relatifs à la coopération et à la sécurité, et ont organisé un nombre sans précédent de visites réciproques auxquelles ont pris part des responsables issus des mondes diplomatique, de la sécurité et des forces armées (Umarov, 2017). En 2016, les forces de sécurité afghanes ont reçu un premier lot d’aide militaire comprenant, selon les informations disponibles, des véhicules militaires, du matériel logistique, des munitions et des armes (Dominguez, 2016). Tout récemment, des patrouilles conjointes de lutte antiterroriste réunissant des troupes afghanes et chinoises auraient été menées dans le corridor de Wakhan, le long de la frontière commune des deux pays (Katzman et Thomas, 2017). Bien que modestes, l’assistance militaire chinoise et la coopération sino-afghane dans le domaine de la sécurité se sont indubitablement intensifiées au cours des dernières années. 67. À côté de ces efforts bilatéraux qui vont s’intensifiant, la Chine a lancé et s’investit dans un certain nombre d’initiatives régionales destinées à promouvoir le processus de paix afghan, dont notamment le groupe de coordination quadrilatéral, le groupe de contact Afghanistan de l’organisation de coopération de Shanghai et le processus d’Istanbul, dit encore « projet cœur de l’Asie ». En dépit des réunions que tiennent régulièrement toutes ces enceintes, aucun progrès significatif sur la voie d’un accord de paix n’a encore été enregistré depuis la rupture des

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négociations avec les talibans, en 2015 (Nations unies, 2017). Cela étant, on estime que la Chine, forte de ses relations amicales avec les gouvernements de l’Afghanistan et du Pakistan, est relativement bien placée pour promouvoir la coopération et faire office de médiateur entre ces deux pays. Kaboul espère que Pékin pourra mettre à profit ses liens étroits avec les forces armées pakistanaises et les contacts au moins informels qu’il entretient avec la choura de Quetta (conseil de direction des talibans) pour ramener les talibans à la table des négociations (Huasheng, 2016 ; Jackson et Abbas, 2018).

D. IRAN 68. L’engagement de l’Iran en Afghanistan est essentiellement dicté par sa volonté de contenir l’influence des États-Unis et de l’EIIL-K dans ce pays. Le principal sujet d’inquiétude de Téhéran est l’intensification des attaques menées par l’EIIL-K contre la communauté chiite présente en Afghanistan. Vient ensuite sa volonté de limiter la présence militaire des États-Unis à proximité immédiate de sa frontière, région que Washington pourrait essayer d’utiliser en guise de zone de préparation d’où il pourrait exercer des pressions sur l’Iran ou mener des attaques à son encontre (Katzman, 2018). 69. Ces préoccupations ont amené Téhéran à élargir ses liens avec les talibans et à soutenir leurs combattants – financièrement, ou au travers d’activités d’entraînement. Autrement dit, ce groupe auquel l’Iran s’opposait férocement durant les années 1990 et avec lequel il avait failli entrer en guerre en 1988 s’est transformé aujourd’hui en force supplétive bien utile qui lui permet de faire progresser ses intérêts dans la région (Gall, 2017). 70. Il est par ailleurs confirmé que, depuis 2013 au moins, le corps des gardiens de la révolution islamique pousse les réfugiés afghans à rejoindre les milices pro-gouvernementales syriennes. Selon Human Rights Watch, ces recrues ne sont pas toujours volontaires. Il s’agit souvent d’individus qui ont été arrêtés et à qui on demande de choisir entre un renvoi en Afghanistan et un départ pour la Syrie pour y combattre (HRW, 2016, 2017). Bien que ces miliciens ne constituent pas une menace directe pour la sécurité afghane, ils risquent, une fois rentrés au pays et transformés en combattants aguerris et bien entraînés, d’aller gonfler les rangs des groupes d’insurgés afghans. VIII. CONCLUSIONS INTERMÉDIAIRES À L’INTENTION DES PARLEMENTAIRES DES

ÉTATS MEMBRES DE L’OTAN 71. Il est indéniable que, pour les membres de l’OTAN, la mission en Afghanistan doit absolument se poursuivre. Pour ces pays ainsi que pour leurs partenaires internationaux, cette mission a un objectif clair, à savoir faire en sorte que l’Afghanistan ne redevienne jamais un espace échappant à tout contrôle depuis lequel des groupes terroristes peuvent mener des opérations et lancer des attaques. La poursuite de cet objectif les amène, depuis presque 17 ans, à réaliser des investissements significatifs en effectifs et en ressources, certaines personnes ayant fait le sacrifice ultime pour aider l’Afghanistan à retrouver la paix et la stabilité dont il se trouve privé depuis 40 ans au moins. 72. L’aide militaire dont bénéficient les ANDSF et l’assistance financière et diplomatique apportée au gouvernement de Kaboul ont permis de faire évoluer notablement la situation sur le terrain : les ANDSF sont en première ligne dans le combat contre les forces d’insurrection qui cherchent à fragiliser le gouvernement ; l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux débouchés économiques s’est fortement amélioré depuis la chute du régime taliban en 2001 ; une démocratie parlementaire est en train, fût-ce lentement, de se mettre en place et s’efforce de garantir des droits pour tous les citoyens afghans. C’est peut-être dans le domaine des droits des femmes et des filles que les progrès accomplis ont été les plus notables.

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73. Si aucun de ces acquis ne doit être minimisé, il reste cependant beaucoup à faire. Ce projet de rapport met en exergue les nombreux domaines qui exigeront des efforts, des ressources et une volonté politique pour concrétiser les changements nécessaires, depuis le maintien des investissements au titre de la réforme du secteur de la sécurité jusqu’à une prise en charge plus efficace de la lutte anticorruption. Les élections législatives programmées cet automne vont monopoliser l’attention du gouvernement, de ses partisans sur la scène internationale et des insurgés qui cherchent à bloquer l’instauration d’une démocratie légitime. 74. Ce projet de rapport met particulièrement en lumière la dimension régionale des enjeux de sécurité en Afghanistan étant donné son importance pour l’obtention d’une paix durable. De ce point de vue, la capacité du Pakistan de refuser que son territoire soit utilisé en tant que sanctuaire par une myriade de groupes combattants en Afghanistan sera déterminante. La pression internationale s’accroît incontestablement sur ce pays afin qu’il prenne des mesures supplémentaires pour remédier à ce problème qui, de l’avis de tous les experts politiques et militaires, conditionne l’évolution de la guerre en Afghanistan. Cela étant, la complexité de la dynamique pakistano-indienne ne devra pas être négligée au moment d’envisager les politiques et les mesures à adopter pour surmonter le problème frontalier entre ces deux pays. 75. Comme précisé à raison par l’administration Trump dans sa nouvelle politique vis-à-vis de l’Afghanistan, la solution, pour ce pays, repose sur l’investissement des forces armées mais également de tous les éléments de la puissance des États-Unis, étant entendu, en toute logique, qu’une paix durable en Afghanistan devra être le résultat d’un arrangement politique recueillant l’adhésion des Afghans, et dont ils assureront eux-mêmes la mise en œuvre. Même si le renforcement des ANDSF et la remise en condition des secteurs clés de la sécurité peuvent se poursuivre au même rythme et entraîner une évolution de l’équilibre des forces sur le champ de bataille, il est clair que l’on ne pourra faire l’économie d’un compromis politique avec les talibans.

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