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Rapport du 3 septembre 2004 383 e Bulletin Supplément de La Vie économique, La Revue de politique économique Rapport annuel 2004 Commission pour les questions conjoncturelles Viabilité des finances publiques

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Rapport du3 septembre 2004

383e Bulletin

Supplément de La Vie économique, La Revue de politique économique

Rapport annuel 2004Commission pour les questions conjoncturelles

Viabilité des finances publiques

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1 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Table des matières

2 Avant-propos

3 Executive Summary

7 1. Introduction

9 2. Situation économique et macropolitique9 2.1 Situation de l’économie mondiale et perspectives

12 2.2 Situation de l’économie suisse et perspectives 17 2.3 Evolution des différentes branches23 2.4 Finances publiques, politique financière 27 2.5 Situation et politique monétaires

33 3. L’évolution à long terme des finances fédérales34 3.1 L’évolution générale des finances publiques35 3.2 L’évolution générale des finances fédérales36 3.3 Evolution de différents domaines des finances fédérales38 3.4 Evolution de l’emploi dans le secteur public40 3.5 Remarques finales

42 4. Analyses de thèmes choisis42 4.1 Lien entre les activités de l’Etat et le développement économique48 4.2 Viabilité à long terme de la politique budgétaire : utilité des comptes de génération55 4.3 Un référendum financier au niveau fédérale 61 4.4 Désenchevêtrement des assurances sociales et du compte de l’Etat

Rapport annuel 2004

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2 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

La Commission pour les questions conjoncturelles présente son troisième rapportannuel. Elle a en effet décidé, en 2001, d’axer davantage ses travaux sur des questionsfondamentales de politique économique et de remettre chaque année un rapport auConseil fédéral.

Contrairement aux années passées, la deuxième partie du présent rapport traiteun seul thème central, celui de la durabilité des finances publiques, en particulier desfinances fédérales. Face au déficit massif du budget de la Confédération, la Commis-sion a décidé, au printemps, de consacrer une partie essentielle de son rapport an-nuel à cette question. Elle n’a pas voulu se borner à présenter l’évolution enregistréejusqu’ici, bien que l’horizon temporel pris en compte soit plus large que ce n’est lecas habituellement. Elle examine aussi des questions particulières. Elle a ainsi cher-ché à établir dans quelle mesure l’évolution passée peut être qualifiée de durable et si un référendum financier à l’échelon fédéral pourrait contribuer à une évolutiondurable des finances publiques.

La première partie du rapport porte, comme toujours, sur les perspectives de l’économie suisse à court et à moyen terme. Elle décrit la situation économiquemondiale, les agrégats macroéconomiques ainsi que les indicateurs de l’évolution de différentes branches. Elle analyse aussi la politique budgétaire et la politiquemonétaire.

Les considérations émises dans cette partie se basent sur les données qui étaientdisponibles jusqu’au 3 septembre 2004. Seule exception, le chapitre 2.2, qui porte surla situation et les perspectives de l’économie suisse, tient compte des données dispo-nibles jusqu’au 10 septembre, en particulier celles concernant l’évolution du produitintérieur brut au deuxième trimestre 2004. Il a ainsi été possible de prendre aussi en considération les résultats des estimations du deuxième trimestre 2004 qui sontadaptées aux données disponibles les plus récentes de la comptabilité nationale pourles années 2001 à 2003.

Le chapitre 3, consacré à l’évolution des finances publiques et à l’emploi dans leservice public, a nécessité le traitement d’un grand nombre de données. Certaines deces données, qui ne sont pas publiées, ont été mises à notre disposition par des colla-borateurs du Département fédéral des finances et de l’Office fédéral de la statistique.Nous tenons à les remercier de leur soutien sans lequel le présent rapport n’aurait puêtre établi sous cette forme. Nous exprimons aussi notre reconnaissance à toutes lespersonnes, en particulier les collaborateurs du Centre de recherches conjoncturellesde l’EPF de Zurich et de la Banque Nationale Suisse ainsi qu’à Madame et Messieursles professeurs Monika Bütler, Lars P. Feld et Claude Jeanrenaud, qui, par l’élabora-tion de premiers projets sur des thèmes déterminés ou par des remarques critiques,ont contribué à la réalisation du présent rapport.

Les problèmes abordés sont très variés tout comme le sont les opinions repré-sentées au sein de la Commission. Ceci explique que si la Commission a approuvé la tendance générale des contributions, en particulier les thèmes spéciaux du cha-pitre 4, elle ne souscrit pas nécessairement à toutes les considérations émises.

La Commission espère avoir, par le présent rapport, contribué, même dans unemodeste mesure, à l’assainissement des finances fédérales et à leur développementdurable.

Berne, le 3 septembre 2004

Le Président :Gebhard Kirchgässner

Avant-propos

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Rapport annuel 2004

3 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Le rapport annuel 2004 de la Commissionpour les questions conjoncturelles accorde uneplace centrale aux finances fédérales. De ce fait,son contenu se divise en en deux parties. Lapremière, au chapitre 2, donne, comme dans lesrapports précédents, une vue d’ensemble de lasituation économique. La deuxième partie, quicomprend les chapitres 3 et 4, est consacrée auxfinances publiques.

Dans la première partie, la situation écono-mique mondiale est présentée au chapitre 2.1.Une appréciation générale de la situation del’économie suisse et de ses perspectives suit auchapitre 2.2. Elle est complétée par un aperçude l’évolution enregistrée dans une sélection debranches (chapitre 2.3), avec les résultats desenquêtes sur la marche des affaires et l’évolu-tion attendue dans l’industrie, la construction,le commerce de détail, l’hôtellerie et la restau-ration ainsi que le secteur bancaire. Des indi-cations sont ensuite fournies sur l’évolution dela compétitivité-prix de l’industrie dans sonensemble, de l’industrie chimique, de l’indus-trie des machines ainsi que de l’hôtellerie et dela restauration. Enfin, une section est consa-crée à l’évolution dans l’agriculture. Cette pre-mière partie se termine sur la présentation dela politique financière et monétaire (chapitres2.4 et 2.5).

Dans la deuxième partie, le chapitre 3 sepenche tout d’abord sur l’évolution des finan-ces publiques et de l’emploi dans le service pu-blic depuis 1960. Le chapitre 4 aborde diffé-rents thèmes en lien direct avec les financespubliques. Il examine le rôle des finances pu-bliques dans le développement économique(chapitre 4.1) ainsi que, à l’aide des comptes degénération, la question de savoir si l’évolutionactuelle des finances publiques est durable(chapitre 4.2). Il analyse ensuite le référendumfinancier comme instrument permettant éven-tuellement d’améliorer cette durabilité (chapi-tre 4.3). Enfin, il aborde la question de savoirdans quelle mesure un désenchevêtrement desbudgets des collectivités publiques et des assu-rances sociales pourrait créer une plus grandetransparence et offrir ainsi à la politique unemeilleure base décisionnelle (chapitre 4.4).

L’évolution économique

L’évolution de l’économie mondialeAu cours du deuxième semestre 2003, l’éco-

nomie mondiale a surmonté sa phase de fai-blesse pour entamer un mouvement à la hausseplus dynamique. Cela a particulièrement été le

Executive Summary

cas aux Etats-Unis, dans de grandes parties del’Asie ainsi que dans la plupart des pays d’Eu-rope centrale et orientale. Dans l’Union euro-péenne et sur le continent latino-américain, lareprise a été moins vigoureuse. Globalement, ilfaut s’attendre à un essoufflement de la dyna-mique de la croissance, en raison notammentde la forte hausse des prix du pétrole.

Evolution probable en SuisseLa reprise économique, qui s’est amorcée en

Suisse au deuxième semestre 2003, se poursuitet devrait se maintenir l’année prochaine aussi.Elle jouit d’une assise toujours plus large. Ellebénéficie en effet des impulsions données parles exportations et la demande intérieure, enparticulier la consommation privée et les in-vestissements. La hausse de l’emploi, attenduel’année prochaine, va entraîner un relèvementdes revenus disponibles et offrir de meilleuresperspectives au niveau des revenus. La con-sommation privée devrait ainsi se maintenirsur la voie de l’expansion. L’augmentation durenchérissement, provoquée avant tout par laflambée actuelle des prix du pétrole, exercetoutefois un léger effet de frein. Elle ne devraittoutefois pas remettre en cause la relance.S’agissant des investissements en biens d’équi-pement, la meilleure utilisation des capacitésva accroître la propension à des investisse-ments d’extension. Les investissements dans la construction ne devraient en revanche pasfournir d’impulsions supplémentaires.

Evolution dans différentes branchesLes résultats des enquêtes dans une sélec-

tion de branches montrent que l’on s’attend engénéral à des taux de croissance positifs, mêmes’ils ne devraient pratiquement plus augmen-tés. C’est le cas pour la production industrielle,la construction et le commerce de détail. Dansl’hôtellerie et la restauration, seuls les hôtelstablent sur une augmentation de leurs chiffresd’affaires ; les restaurants espèrent tout au plusune stabilisation. Les banques envisagent l’ave-nir avec un peu moins d’optimisme, même siles avis positifs l’emportent toujours sur lesavis négatifs. Il faut s’attendre à des compres-sions de personnel dans ce secteur.

A long terme, la compétitivité-prix est dé-terminée par l’évolution des coûts salariaux re-latifs et de la productivité relative du travail.Mais, à court terme, elle dépend surtout dutaux de change. Si la compétitivité des quatrebranches considérées – l’industrie dans son en-semble, l’industrie chimique, l’industrie des

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d’un accroissement considérable de la dettepublique. S’agissant des dépenses de la Confé-dération, les plus fortes réductions ont été en-registrées au niveau de la consommation. Cel-les-ci ont cependant été plus que compenséespar le développement de la consommation pu-blique des cantons et des communes. La con-sommation de l’Etat s’est donc accrue tantdans son ensemble que comme part au pro-duit intérieur brut. En revanche, la part desinvestissements dans le produit intérieur brutcomme dans les dépenses publiques a reculénon seulement au niveau fédéral, mais aussidans l’ensemble. Enfin, le service de l’intérêt est aujourd’hui encore comparativement bas.

Si l’on considère l’évolution des finances fé-dérales par fonction, on constate qu’il y a ungrand «gagnant» et un grand «perdant». Lesdépenses pour la prévoyance sociale ont enre-gistré une hausse massive. Elles accaparent au-jourd’hui plus d’un quart du budget fédéral etprès de 20% des dépenses de toutes les collec-tivités publiques, soit au total 5,5% du produitintérieur brut. Il convient de relever que ceschiffres ne comprennent pas les dépenses desassurances sociales qui sont financées par lescontributions des assurés et non par les sub-ventions des collectivités publiques. Les dé-penses pour la santé sont également «gagnan-tes», elles qui ne revêtaient jusqu’ici qu’uneimportance secondaire pour la Confédération.En revanche, les dépenses en faveur de la dé-fense nationale se sont massivement contrac-tées. Elles ne représentent plus aujourd’hui que1,3% du produit intérieur brut, soit moinsd’un quart des dépenses consenties pour laformation ou la prévoyance sociale. Dans lesautres groupes, il y a eu des changements par-fois considérables jusque vers le milieu des an-nées 70, mais cela n’a plus été tellement le casdepuis le début des années 80 au plus tard.

Outre la quote-part de l’Etat, la quote-partde l’emploi est aussi un indicateur de l’ampleurde l’activité étatique. Cette quote-part a suivila même évolution que la quote-part de l’Etat(ou la dette de l’Etat). Les quotes-parts par-ticulièrement basses que la Suisse a réussi àafficher sont de l’histoire ancienne. En com-paraison internationale, la Suisse est toujoursen relativement bonne position, mais elle s’estrapprochée du niveau des autres pays et setrouve en partie déjà en milieu de tableau.Alors que les modifications essentielles de laquote-part de l’Etat comme de la quote-part del’emploi sont intervenues avant 1990 déjà, lesdettes étaient plutôt en recul jusqu’à cette date.Ce n’est que par la suite qu’elles se sont forte-ment accrues.

L’évolution dans les cantons et les commu-nes a été très différente de celle enregistrée à laConfédération. Alors qu’à l’échelon fédéral, cesont surtout les transferts qui ont gagné en im-

machines ainsi que l’hôtellerie et la restaura-tion – s’est plutôt dégradée depuis l’an 2000,cela est en bonne partie imputable à l’appré-ciation du franc suisse entre 2000 et 2003.

Politique financièreLa situation financière des ménages publics

n’a cessé de se dégrader depuis l’an 2000. Il dev-rait en résulter, pour 2003, un déficit global de6,2 milliards de francs, ce qui représente 1,4 %du produit intérieur brut. Et, pour l’année encours, le déficit devrait être nettement plus éle-vé, atteignant 9,7 milliards de francs, soit en-viron 2,2 % du produit intérieur brut. En rai-son d’une croissance plus forte des recettes etd’une progression moins soutenue des dépen-ses, le déficit devrait être ramené l’an prochainà 5 milliards de francs.

La quote-part de l’Etat et le taux d’endette-ment qui, selon la définition de l’OCDE, encomparaison internationale, figurent encoretous deux dans la zone inférieure du classe-ment, se sont encore accrus ces dernières an-nées. Alors que la quote-part de l’Etat devraitlégèrement se contracter l’an prochain, le tauxd’endettement devrait au mieux se stabiliser.

Politique monétaireLa Banque nationale suisse s’en tient à la

nouvelle stratégie qu’elle applique depuis l’an2000. Ces dernières années, elle a donné à sapolitique monétaire un cours toujours plusexpansif. Un léger resserrement a été opéré enjuin de cette année, mais il ne devrait guèreavoir d’incidence sur le renchérissement. Pourl’année prochaine, la Banque nationale tablesur un taux d’inflation d’environ 1%. A pluslongue échéance et sans modification de sa po-litique, les taux de croissance devraient êtrenettement plus élevés. Il faut donc s’attendre,à moyen terme au moins, à un nouveau resser-rement de la politique monétaire.

En comparaison internationale, la Suisse atoujours des taux d’intérêt très bas. Les tauxd’intérêt du marché monétaire ont un bonusd’environ un point de pourcentage par rapportau dollar US et d’environ 1,5 point par rapportà l’euro. Ce bonus devrait subsister dans le pro-che avenir.

Evolution et problème des finances publiques

Evolution généraleL’évolution des finances fédérales est domi-

née par celle des transferts qui ont massive-ment augmenté. Les subventions en faveur desassurances sociales de la Confédération n’ontpas été les seules à prendre l’ascenseur. Les au-tres transferts,aux cantons par exemple,ont af-fiché des hausses encore plus marquées. Cetteaugmentation s’est partiellement faite au prix

Executive Summary

4 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

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Rapport annuel 2004

5 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

portance, dans les cantons, la consommationde l’Etat s’est le plus fortement accrue. Commecette dernière a un coefficient de personnelnettement plus élevé, l’emploi a progressé biendavantage dans les cantons et les communesqu’à la Confédération. Le recul de l’emploi ob-servé ces derniers temps dans le secteur publicau sens large – et qui se limite presque exclusi-vement au niveau fédéral – est dû surtout aufait que les entreprises publiques ont pris laforme juridique de sociétés anonymes qui de-meurent toutefois largement la propriété del’Etat.

Ceteris paribus, l’évolution démographi-que va entraîner une nouvelle augmentationdes transferts de la Confédération. Pour stabi-liser le budget fédéral par rapport au produitintérieur brut, il faut donc réduire la consom-mation de l’Etat. Par le passé, cette réductions’est faite au détriment des dépenses en faveurde la défense nationale. Même si de nouvellescompressions sont possibles et vont être opé-rées dans ce domaine, il est manifeste que, vula part toujours plus faible de ces dépenses dansle budget fédéral, la marge de manœuvre va serétrécir à l’avenir. Une hausse des transfertsdevra donc être compensée dans d’autres do-maines.

Une croissance plus vigoureuse de l’écono-mie peut atténuer, mais pas résoudre, les pro-blèmes financiers actuels de la Confédération,qui résultent de l’évolution des transferts et se manifestent surtout dans le déficit et dans les dettes accumulées cette dernière décennie.D’autre part, une consolidation des financesfédérales peut avoir, à long terme, un effet po-sitif sur la croissance économique. Dans lesprochaines années, les efforts de la Confédéra-tion en matière de politique financière devrontdonc se concentrer sur cette consolidation(afin d’arrêter une tendance à long terme).

Les réflexions sur les différents thèmes ont conduit aux résultats suivants :

Quote-part de l’Etat et développement économique

Ni les études internationales, ni les travauxsur la Suisse ne permettent de dire avec certi-tude qu’une réduction de l’activité étatiqueentraîne une augmentation de la croissanceéconomique. Ce sont des difficultés de natureméthodique qui empêchent d’aboutir à desconclusions probantes. D’une part, il n’existepas de causalité unilatérale entre la quote-partde l’Etat et la croissance économique : si les ac-tivités étatiques ont des effets sur la croissanceéconomique, le développement économiqueinfluence lui aussi la quote-part de l’Etat. Surle plan statistique, il est difficile d’opérer unedistinction entre ces deux orientations des ef-fets. Rares sont d’ailleurs ceux qui tentent de le

faire. D’autre part, le rapport entre la quote-part de l’Etat et la croissance économique estnécessairement non monotone. Il existe doncen principe une quote-part de l’Etat optimalepour la croissance économique. Le niveau decette quote-part optimale dépend du type desystème social. La question (à laquelle il estdifficile de répondre) est donc de savoir si laquote-part d’un pays déterminé est supérieureou inférieure à la quote-part optimale donnéedu système social en vigueur.

Si une relation statistiquement sûre entre leniveau de la quote-part de l’Etat et la croissanceéconomique ne peut être prouvée, cela ne sig-nifie pas qu’une telle relation n’existe pas, nique le besoin d’agir sur le plan politique ne sefasse pas sentir. En outre, la nécessité en Suissede prendre des mesures politiques résultemoins du niveau absolu de la quote-part del’Etat que de la constante progression de cettedernière depuis les années 60. Quelle que soitla manière dont on estime l’effet du niveau at-teint aujourd’hui par la quote-part de l’Etat,une poursuite de l’évolution actuelle ne seraitguère judicieuse car, à partir d’un certain ni-veau, des effets négatifs se manifestent inévi-tablement.

Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier qu’ils’agit moins de l’ampleur de l’activité étatiqueque du rapport prix-prestations : les citoyen-nes et les citoyens sont prêts à payer des impôtsdans l’ampleur requise si on leur offre en con-trepartie des prestations de qualité adéquate.En outre, le système fiscal devrait être aménagéde façon à favoriser la croissance. Les initiativespolitiques prises dans ce domaine (de mêmeque celles visant à stabiliser la dette publique)sont au moins aussi importantes que les effortsdéployés en vue de stabiliser la quote-part del’Etat.

Durabilité des finances fédéralesLe bilan intergénérationnel sert à quantifier

les obligations financières à long terme du sec-teur public qui ne ressortent pas des indic-ateurs budgétaires traditionnels tels que le dé-ficit ou la dette publique. Il permet dedéterminer si la politique financière actuelleest durable, c’est-à-dire si elle peut être pour-suivie indéfiniment sans qu’il en résulte desdéséquilibres nécessitant des changements.Une étude, réalisée sur mandat du Secrétariatd’Etat à l’économie, a révélé qu’en 2001 lesobligations financières futures non couvertess’élevaient à un peu plus de 100 milliards defrancs, soit 24,5% du produit intérieur brut. Cedéficit correspond à une dette implicite quidoit être ajoutée à la dette financière explicitede 162 milliards de francs. Il faut toutefois re-lever que le déficit de durabilité mis en évi-dence par le compte générationnel dépenddans une très large mesure des hypothèses re-

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des effets d’économies, car à l’heure actuelle lefinancement d’une série de mesures d’infra-structure et de subventions n’est pas soumis àl’approbation du peuple à l’échelon fédéral.

Désenchevêtrement des budgets des assurancessociales et des collectivités publiques

L’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et l’assurance-invalidité (AI) sont étroitementliées au budget de la Confédération sur le planfinancier, mais aussi statistique. Contraire-ment à ce qui se passe dans la plupart des au-tres pays, ces assurances n’ont pas de comptepropre dans les comptes nationaux. En outre,les pouvoirs publics financent, en vertu de laloi, une part fixe des dépenses de l’AVS et del’AI. Des comptes séparés, également dans lescomptes nationaux, ont tendance à augmenterla transparence et constituent dès lors unemeilleure base pour mener une politique so-ciale durable. Ils ne livrent toutefois qu’uninstantané de la situation financière des assu-rances sociales. Ils ne permettent pas d’avoirune meilleure vue d’ensemble des obligationsintertemporelles de ces assurances. Il seraitdonc judicieux d’établir périodiquement, àcôté du compte d’exploitation courant del’AVS et de l’AI, un bilan intergénérationnel.

Le désenchevêtrement reste toutefois limi-té à un changement comptable si une partiefixe des dépenses continue à être couverte parles ressources générales de la Confédération.Dans le sens d’une plus grande autonomie fi-nancière et d’une plus grande sécurité du bud-get pour d’autres tâches de l’Etat, on pourraitenvisager de fixer le montant des subsides fé-déraux en fonction des recettes de l’Etat (ou duproduit de la taxe sur la valeur ajoutée). Le pro-blème financier essentiel de ces deux assuran-ces, qui découle de l’évolution démographi-que, ne serait pas résolu pour autant. Il ne suffitpas d’une participation proportionnelle del’Etat aux dépenses des assurances pour l’éli-miner. Mais une comptabilisation séparée ettransparente des assurances sociales, ajoutée àdes règles de financement claires, permettraitau moins d’avoir une base solide pour menerune politique sociale et financière durable.

Executive Summary

6 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

tenues, en particulier celles concernant l’évo-lution de l’économie, le taux d’escompte et lamigration attendue. Les calculs sont basés surune croissance réelle moyenne de 1% par an-née. Or, il suffit que le taux de croissance at-teigne 1,5% pour que le déficit de durabilité so-it comblé. Dans cette étude, la dette implicitede l’Etat a toutefois été sous-estimée, car elle netient pas compte de la dette implicite due audéficit de couverture des caisses de pension pu-bliques, estimé à plus de 60 milliards de francs.Dès lors, une croissance réelle de 1,5% par an-née ne suffirait pas pour que la situation fi-nancière actuelle satisfasse au critère de viabi-lité.

Le référendum financier, un frein aux dépensesUn référendum financier permettrait de

mieux aligner la politique financière de la Con-fédération sur les vœux des citoyens. Selonl’évidence empirique tirée des cantons et com-munes suisses, les référendums financiers vontde pair avec des dépenses, des recettes et desdettes publiques significativement plus faibles.Le référendum financier est donc, en principe,un instrument complémentaire appropriépour lutter contre les dettes à l’échelon fédéral.Il serait possible d’envisager un référendumfacultatif pour les dépenses nouvelles, uniqueset récurrentes, qui devrait être demandé par50 000 citoyens au moins (comme pour le ré-férendum législatif facultatif). La valeur seuildevrait être établie en fonction de la moyennedes années précédentes. Elle pourrait, parexemple, s’élever à 0,4% pour les dépenses uni-ques et 0,04% pour les dépenses récurrentes, cequi correspond à l’heure actuelle à environ 200et 20 millions de francs. Il serait en outre sou-haitable de donner à une minorité des deuxChambres la possibilité de déclencher le réfé-rendum financier.

La transposition des expériences cantonalesà l’échelon fédéral soulève moins de difficultésque prévu. Le fait que la Confédération pro-cède à davantage de transferts que les cantonsne devrait pas être trop problématique. Selonles expériences faites aux Etats-Unis et dans lescantons suisses, le système de démocratie di-recte convient parfaitement à la prise de déci-sion concernant des mesures de redistribution.Un problème de surréglementation peut seposer : il est en effet possible que les citoyensacceptent des lois prévoyant des prestations fi-nancières et qu’ils refusent ensuite, par vote ré-férendaire, les dépenses décidées en vertu deces lois. Cela ne signifierait pas nécessairementque les citoyens ont un comportement irra-tionnel, mais indiquerait simplement qu’ilstiennent à des projets moins onéreux. Il ne fautguère craindre une politique de blocage dé-coulant du référendum financier. On peut fi-nalement attendre d’un référendum financier

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Rapport annuel 2004

7 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

L’évolution des finances fédérales place lesmilieux politiques devant des défis considéra-bles. Une fois le déficit budgétaire des annéesnonante réduit grâce au consensus dégagé lorsde la « Table ronde », un important excédent aété réalisé en l’an 2000. Il a ensuite semblé quel’instauration du frein à l’endettement allaitpermettre de maintenir à long terme l’équilibredes finances fédérales. Mais un déficit considé-rable a été enregistré en 2001 déjà. Ce déficit nes’est pas résorbé depuis lors. Il devrait atteindreson niveau maximum cette année et se mainte-nir encore au moins jusqu’en 2007, selon le planfinancier de la Confédération. La quote-part dudéficit est, comparée aux années 1990 à 1993,certes encore faible. Mais comme les dettes de la Confédération ont fortement augmentédepuis 1990, des déficits, même relativementfaibles, sont aujourd’hui problématiques. Fi-nalement, le taux d’endettement a presquedoublé depuis lors et s’est rapproché des 60 %du produit intérieur brut, limite correspondantaux critères de Maastricht.

Parallèlement, les dépenses de l’Etat et lescharges qui pèsent sur la population sous for-me d’impôts et surtout de taxes se sont consi-dérablement accrues ces dernières décennies. Iln’est plus guère possible à l’heure actuelle decompenser les déficits par le biais des recettes,comme cela a encore été le cas en 1994 avecl’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée etl’augmentation de l’impôt sur les huiles miné-rales, deux objets acceptés par le peuple une an-née auparavant. Une telle mesure se heurteraitaujourd’hui à une résistance politique plusforte. En outre, elle serait davantage sujette à caution puisqu’elle pourrait compromettre la compétitivité internationale de la Suisse.Comme d’autre part les transferts à opérer parla Confédération vont – ceteris paribus –aug-menter en raison surtout de l’évolution démo-graphique, une adaptation des autres dépensesest indispensable pour ne pas accroître encorela quote-part de l’Etat. Il devrait être évidentque cette quote-part ne peut s’étendre indéfi-niment, même si la situation actuelle n’est pasencore jugée inquiétante.

Ces dernières décennies, l’adaptation –comme nous allons le montrer dans le chapitre3 du présent rapport – s’est faite pour l’essen-tiel par le biais des dépenses de défense natio-nale dont la part aux dépenses de la Confédé-ration a massivement reculé. Il ne sera paspossible à l’avenir de procéder à des adaptationsde ce type, tout au moins plus dans la mêmemesure. Comme il ne faudrait pas toucher aux

1. Introduction

investissements qui, selon l’opinion générale,sont plus importants pour le développementéconomique que les transferts ou la consom-mation de l’Etat, c’est dans ces deux derniersdomaines que des coupes doivent être opérées.De telles coupes peuvent être douloureusespour les milieux concernés et il n’est pas facile,politiquement, de les faire accepter, surtoutdans une démocratie directe.

La population a parfois l’impression que lesprestations fournies par l’Etat pour ses citoyensdiminuent alors que la charge des impôts et destaxes ne cesse d’augmenter. Cette impressionque les prestations se réduisent peut provenirde la transformation des entreprises publiquesen sociétés (formellement) privées, lesquelles,étant exposées au moins partiellement à la con-currence, ont dû et doivent supprimer des pre-stations qui ne sont plus subventionnées. Maiselle peut aussi résulter du fait que, pour la Con-fédération tout au moins, la part de la consom-mation de l’Etat dans le budget s’est fortementcontractée, alors que les transferts ont con-sidérablement gagné en importance. La réduc-tion parallèle de l’effectif du personnel va, il estvrai, plutôt à l’encontre de cette hypothèse.

Face à cette situation, la Commission pourles questions conjoncturelles CQC a décidé, audébut de cette année, de placer son rapport an-nuel sous le thème de la durabilité des financesfédérales. Cela signifie qu’hormis le chapitre 2qui, comme ces dernières années, présente et explique la situation et les perspectives del’économie suisse, le rapport est consacré auxfinances publiques.

Le chapitre 3 retrace tout d’abord l’évolutiondes finances publiques en Suisse depuis l’année1960 en opérant une distinction entre les ni-veaux de la Confédération, des cantons et descommunes. Nous distinguons aussi, du côté des dépenses, entre la consommation de l’Etat,les investissements publics, les transferts et lespaiements des intérêts et, du côté des recettes,entre les impôts (directs et indirects) et les re-venus de la fortune. Nous présentons égale-ment l’évolution des dettes.

Conformément au mandat de la CQC quiest une commission du Conseil fédéral, nousconsidérons ensuite les finances fédérales demanière détaillée, selon les catégories de dé-penses. Il est intéressant aussi de constater com-ment les finances fédérales ont évolué parrapport à celles des cantons et des communes.Nous examinons, dans un troisième temps, dif-férents domaines de dépenses, tels que l’agri-culture et la défense, pour établir dans quelle

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1. Introduction

8 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

mesure leur évolution diffère de l’évolutiongénérale. Enfin, nous présentons l’évolution del’emploi à la Confédération et dans le servicepublic en général. Tout comme la quote-part del’Etat, la quote-part de l’emploi public est unindicateur de l’influence de l’Etat sur l’écono-mie privée. Comme les deux quotes-parts pré-sentent des avantages et des inconvénients di-vers, il est utile de les considérer tous deux et decomparer leur évolution.

Si une description détaillée de l’évolutionhistorique laisse apparaître des tendances, ellene permet pas de les apprécier ni d’en déduiredirectement des mesures politiques. C’est pour-quoi le chapitre 4 traite différents thèmes quipeuvent ouvrir de nouvelles perspectives. Ils’agit tout d’abord de la relation entre l’activitéde l’Etat et le développement économique. Lemontant de la quote-part de l’Etat et son im-pact sur la croissance économique constituent,en Suisse aussi,un thème politique controversé.Nul ne conteste, il est vrai, qu’une quote-partde l’Etat en constante hausse a des répercus-sions négatives, ni que le «rapport prix-presta-tion» est essentiel pour les effets des activités del’Etat sur le développement économique. Maislà où les avis divergent, c’est sur le point de sa-voir si, dans le rapport prix-prestation actuel,la quote-part de la Suisse est (déjà) trop élevée.Les travaux empiriques réalisés jusqu’ici nesont pas assez clairs à ce sujet. Outre quelquesconsidérations fondamentales, le chapitre 4.1fournit un aperçu de la littérature empirique etsignale les raisons qui pourraient expliquer lagrande divergence de leurs résultats.

Que l’ampleur actuelle des activités de l’Etatdoive être maintenue, étendue ou réduite, laquestion est de savoir si la situation est viable,c’est-à-dire supportable à long terme, ou s’ilexiste un déficit de viabilité. Un coup d’œil surle déficit budgétaire ou sur l’état des dettes nepermet pas de répondre à cette question, mêmesi l’on considère leur évolution à long terme. Laréponse dépend en effet pour l’essentiel deshypothèses concernant le développement éco-nomique, le loyer de l’argent et les flux migra-toires à venir. Le bilan intergénérationnel, prés-enté au chapitre 4.2 qui en discute aussi lesrésultats pour la Suisse, est un procédé qui per-met d’obtenir au moins une réponse tendan-cielle à la question de la durabilité des financespubliques.

Si l’expansion des dépenses publiques doitêtre limitée, il convient d’envisager de nou-veaux instruments permettant d’atteindre cetobjectif. Le référendum sur les dépenses est l’unde ces instruments. Il a été proposé en 1995 parle Conseil fédéral dans son projet de réformedes droits populaires, mais n’a pas reçu le sou-tien du Parlement. Depuis lors, tant le Parle-ment que certains groupes d’intérêts semblentl’envisager avec nettement plus de sérénité. On

ne peut donc pas exclure totalement qu’il soitinstauré ces prochaines années. Le chapitre 4.3retrace les expériences faites jusqu’ici par lescantons et les communes avec le référendumfinancier et expose les avantages d’un tel ins-trument, les problèmes qu’il pose ainsi que lespossibilités de l’aménager à l’échelon fédéral.

Quel traitement faudrait-il accorder auxassurances sociales publiques dans les comptesde l’Etat? A première vue, ce problème peutsembler purement statistique. Mais il seraitprobablement plus judicieux de tenir, à côté descomptes de la Confédération,des cantons et descommunes, un compte séparé pour les as-surances sociales que sont l’AVS et l’AI. Descomptes séparés ont en effet tendance à offrirune plus grande transparence et constituent dèslors une meilleure base pour prendre des déci-sions politiques dans les domaines financier etsocial. Le chapitre 4.4 se penche sur le désen-chevêtrement des budgets des assurances socia-les et des collectivités publiques. Il envisage leréaménagement des transferts de la Confédé-ration aux assurances sociales AVS et AI,en par-ticulier le remplacement des subsides actuels pardes pour-cent de la taxe sur la valeur ajoutée.

Il « manque » dans ce rapport annuel unediscussion du frein à l’endettement, l’instru-ment sans doute le plus important dont disposeaujourd’hui la Confédération pour promou-voir la durabilité de ses finances. Il y a deux rai-sons à cela. D’une part, le sujet a déjà été traitéen détail dans le chapitre 3.3 du rapport annuel2002, en comparaison aussi avec les institutionscantonales correspondantes. On y présentait lal’évidence empirique établie à l’époque et qui aété encore confirmée par quelques récents tra-vaux. D’autre part, le frein à l’endettement de-vait pleinement déployer ses effets en 2003. Or,le Parlement a édicté en 2003 une réglementa-tion transitoire qui le repousse à 2007, afin depouvoir, d’ici là, réduire progressivement ledéficit structurel. Bien qu’il ait été approuvé par le peuple en 2001 déjà et que les efforts dé-ployés en vue de satisfaire à ses exigences soientperceptibles, on ne peut aujourd’hui juger dansquelle mesure le frein à l’endettement va effec-tivement combler les attentes. Il nous a dès lorsparu superflu de traiter plus en détail de cet ins-trument dans le présent rapport.

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Rapport annuel 2004

9 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

2.1. Situation de l’économie mondialeet perspectives

2.1.1 Aperçu de l’évolution conjoncturelle 2001–2003

Durant le deuxième semestre 2003, l’écono-mie mondiale est venue à bout de la phase de fai-blesse qu’elle traversait depuis 2001. Le reculconjoncturel mondial de 2001, qui s’est traduitpar une baisse des investissements en biensd’équipement et en stocks ainsi que par unecontraction des importations et des exporta-tions, a fait place, dès la fin de cette même année,à une augmentation à nouveau sensible de laproduction économique globale. Ce redresse-ment n’est toutefois pas parvenu à se consolider.Un nouveau fléchissement s’est manifesté dès lafin de 2002 et le mouvement de repli s’est pour-suivi durant le 1er semestre 2003. Il a fallu at-tendre le milieu de l’année pour que les expor-tations enregistrent une hausse sensible. Danscertaines économies, les investissements enbiens d’équipement ont eux aussi vigoureuse-ment augmenté ou tout au moins montré dessignes manifestes de stabilisation. En outre, laconsommation privée s’est fortement accrue, enparticulier aux Etats-Unis, si bien que le produitintérieur brut (PIB) est remonté en force. LaChine a également enregistré une croissance vi-goureuse de son économie, créant une deman-de dont ont profité surtout le Japon et les autresEtats asiatiques, mais aussi les pays européens.La production économique globale de l’UE n’atoutefois que peu augmenté. En revanche, l’évo-lution économique a été dynamique dans lespays d’Europe centrale et orientale.

La fin de la guerre en Irak et l’endiguementde l’épidémie de pneumonie atypique (SRAS),qui a surtout affecté certaines économies asia-tiques, ont libéré l’économie mondiale delourdes hypothèques dans la 2ème moitié de 2003.Alors que les cours des actions avaient atteint, enmars encore, de nouveaux niveaux plancher, laplupart des marchés des actions ont réalisé deforts bénéfices en fin d’année. Le recul du prixdu pétrole brut, au printemps, n’a en revancheété que temporaire. Les prix sont remontés enflèche en été 2003 déjà.

2.1.2 La situation économique en 2003Etats-Unis

Aux Etats-Unis, l’expansion de l’économies’est considérablement accélérée au cours del’année 2003. Il en a résulté, pour l’ensemble del’année, une augmentation du PIB de 3,0 %,contre 1,9 % l’année précédente. Ainsi, les inves-

tissements en biens d’équipement ont commen-cé à reprendre au 1er trimestre déjà. En outre, laphase de repli ou de progression infime des ex-portations, qui durait depuis 2001, a pris fin au2ème semestre 2003. Enfin, les dépenses deconsommation privée qui, même pendant la ré-cession, avaient relativement bien augmenté enraison d’une politique économique très expan-sive, ont pris l’ascenseur. Ce phénomène était es-sentiellement imputable à la baisse des impôtssur le revenu qui a déployé ses effets au 3ème tri-mestre. Le marché du travail n’a en revancheguère donné d’impulsions positives. La produc-tion économique globale, qui a amorcé une re-montée depuis la fin 2001, a eu des effets mo-destes sur le marché du travail. Le taux dechômage, qui se situait à 5,8 % en moyenne pourl’année 2002, a atteint 6,3 % en juin 2003 avantde retomber à 5,7 % en décembre. Ce recul étaitessentiellement imputable à une baisse de parti-cipation au marché du travail. L’emploi n’a quepeu progressé.

En 2003, les prix à la consommation ont su-bi une hausse plus forte que l’année précédente.Le renchérissement annuel moyen a atteint2,2 % alors qu’il s’élevait à 1,7 % en 2002. Lapression des prix s’est toutefois affaiblie au fil desmois, passant de 2,6 % en janvier à 1,8 % à la finde l’année. L’inflation sous-jacente, corrigée descomposantes volatiles que sont les denrées ali-mentaires et l’énergie, s’est même repliée de1,9 % au début de l’année à 1,1 % en décembre.

UEAu 2ème semestre 2003, une relance a mis un

terme à la phase de stagnation qui avait débutéà la fin 2002.Le PIB a progressé de 0,8 % en 2003,contre 1,0 % l’année précédente. La reprise desexportations a été le véritable moteur de la pro-duction économique globale. L’amélioration ducontexte international a notamment permis derelancer les investissements en biens d’équipe-ment. La consommation privée n’a guère soute-nu la reprise. Faible au premier semestre, elle n’aété que légèrement plus vigoureuse durant la se-conde moitié de l’année. Les différences entre lespays de l’UE ont cependant été notables. Si laconsommation privée a diminué en Allemagne,elle a considérablement augmenté en Grande-Bretagne par exemple, grâce à la hausse constan-te des prix de l’immobilier et à l’amélioration dela situation du marché du travail qui étaitd’ailleurs déjà favorable. En revanche, l’emploin’a cessé de se dégrader en Allemagne et le tauxde chômage qui était encore, en moyenne an-nuelle, de 8,7 % en 2002 a grimpé à 9,6 % à la fin

2. Situation et politique macro-économiques

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2. Situation économique et macropolitique

10 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

2003. Si l’on considère l’UE dans son ensemble,la situation du marché du travail s’est stabilisée.Le taux de chômage, qui est passé de 7,3 % en été2001 à 7,9 % un an et demi plus tard, est resté à8,1 % depuis avril 2003.

Après avoir accusé, début 2003, une légèrehausse due essentiellement aux cours élevés dubrut suite au conflit en Irak, le renchérissementa quelque peu fléchi dans le courant de l’année.L’inflation, qui atteignait 2,3 % au printemps2003 (zone euro : 2,4 %), est retombée à 1,8 %(zone euro : 2,0 %) jusqu’en décembre. L’évolu-

tion de l’inflation sous-jacente, corrigée descomposantes denrées alimentaires, énergie, ta-bac et alcool, a été semblable : de 1,8 % au début2003, elle a reculé à 1,4 % en décembre.

Nouveaux Etats membres de l’UEDans les pays d’Europe centrale et orientale,1

qui ont adhéré à l’UE le 1er mai 2004 avec Malteet Chypre, les activités économiques ont gagnéen dynamique au cours de l’année 2003. La dé-térioration de la situation conjoncturelle au 1er

semestre 2003 dans les principaux pays com-merçants et investisseurs s’est faite sentir au ni-veau des chiffres relatifs aux exportations et auxinvestissements. Dès le milieu de l’année, le re-dressement de la conjoncture s’est rapidementtraduit, dans les pays acheteurs, par une aug-mentation de la production économique globa-le. Mais dans la plupart des économies natio-nales, la demande de consommation privée a étéle véritable soutien de la conjoncture.

JaponLa situation économique au Japon s’est dy-

namisée durant l’année 2003, de sorte que le PIBqui avait reculé de 0,3 % en 2002 a enregistré unecroissance de 2,5 % l’an dernier. C’est l’explo-sion des exportations qui est essentiellement àl’origine de cette évolution. Si l’industrie d’ex-portation a pu profiter en particulier de la fortedemande émanant des pays asiatiques, les livrai-sons vers les Etats-Unis et l’UE ont égalementaugmenté. Dans le sillage de la sensible aug-mentation des exportations, les investissementsen biens d’équipement ont également amorcéune remontée. De plus, la demande de consom-mation s’est quelque peu accélérée depuis le mi-lieu de l’année alors qu’elle avait eu un accès defaiblesse au premier semestre. L’évolution enre-gistrée sur le marché du travail a probablementexercé un léger effet de soutien. C’est ainsi quele recul de l’emploi a été pratiquement enrayé aucours de l’année 2003. La baisse du taux de chô-mage, qui est passé de 5,5 % au début 2003 à4,9 % en décembre, est toutefois essentiellementimputable à une réduction de l’offre d’emplois.

L’évolution des prix à la consommation n’aégalement guère incité à reporter dans le tempsla demande de consommation. Alors que la dé-flation était encore en moyenne de 0,9 % en2002, le recul des prix a atteint 0,3 % l’an dernier.Cette évolution s’explique par une série de fac-teurs particuliers tels que l’augmentation del’impôt sur le tabac, des modifications de l’assu-rance-maladie et une flambée des prix du riz.

Autres régionsTout comme au Japon, la croissance de l’éco-

nomie a subi un coup d’accélérateur dans lespays émergents d’Asie au 2ème semestre 2003.Cette évolution est imputable, d’une part, à lanette remontée amorcée par les exportations.

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Variation par rapport au trimestre précédent en pour-cent, annualisée

1 Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République slovaque, Slovénie, République tchèque et Hongrie.

Graphique 2.1 : Etats-Unis – évolution du PIB réel

Source : OCDE

Graphique 2.2 : UE(15) – évolution du PIB réel

Source : OCDE

Graphique 2.3 : Japon – évolution du PIB réel

Source : OCDE

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Rapport annuel 2004

11 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

sormais également proches de zéro. D’autrepart, la nette appréciation en 2003 de la valeurextérieure de l’euro, pondérée par les exporta-tions, a exercé un effet restrictif sur les condi-tions monétaires. Vu notamment la repriseconjoncturelle modérée qui se dessine, un ren-versement de tendance au niveau des taux d’in-térêt dans la zone euro devrait se produire seu-lement au cours de l’année 2005. Au Japon, letaux de l’argent au jour le jour était déjà prochede la ligne zéro et les autorités monétaires se sontefforcées de maintenir le cours expansif de la po-litique monétaire qui ne devrait pas changer en2004 ni l’année prochaine.

La politique budgétaire qui, aux Etats-Unis,a soutenu cette année encore la conjoncture etqui a été pratiquement neutre dans l’UE, devraitêtre resserrée en 2005. Après le fort assouplisse-ment du cours de la politique financière ces der-nières années et le creusement du déficit del’Etat, qui a atteint 3,5 % du PIB en 2003, lesEtats-Unis vont adopter l’an prochain une poli-tique restrictive. Il ne faut guère s’attendre, pourl’année en cours, à des impulsions de l’UE dontprès de la moitié des pays membres ont, en 2003,présenté des déficits budgétaires supérieurs aux3 % du PIB prévus dans le Traité de Maastrichtet doivent viser à consolider leurs finances pu-bliques. L’an prochain, la politique budgétairedevrait avoir un effet restrictif. Au Japon, la po-litique budgétaire aura toujours tendance à êtrelégèrement restrictive, compte tenu de l’endet-tement de l’Etat qui s’élève à plus de 165 % duPIB.

2.1.4 Evolution en 2004 et perspectives pour 2005

La conjoncture internationale a continué à seredresser au premier semestre 2004. Grâce à unecroissance économique jouissant d’une large as-sise aux Etats-Unis, la reprise conjoncturelle,partie de l’industrie d’exportation, se maintientdans l’UE et au Japon. L’indicateur compositeavancé de l’OCDE signale toutefois un essouff-lement de la dynamique de la croissance. C’estainsi que le taux de variation sur six mois est enbaisse depuis quelques mois.

Selon les résultats des enquêtes, la confiancedans l’industrie et celle des consommateurs sesont rétablies après avoir enregistré une chute aumilieu de l’année 2003. Ces derniers mois, laconfiance des consommateurs ne s’est toutefoisplus renforcée. Les entreprises de l’industrie etdes services se montrent un peu plus optimistes.Les cours des actions présentent en revanche ànouveau une tendance à la baisse, alors que leprix du pétrole brut a augmenté. En été 2004, lebaril de brut se négocie nettement au-dessus de40 dollars US.

L’expansion de l’économie des Etats-Unis sepoursuit durant l’année en cours et en 2005.Le redressement des investissements en biens

Elle est due,d’autre part, à la consommation pri-vée qui, dans la plupart des Etats, a redémarréune fois que l’épidémie de pneumonie atypique(SRAS) a été maîtrisée, ce qui s’est fait assez ra-pidement.

En Amérique latine, la situation conjonctu-relle s’est stabilisée. L’augmentation de la de-mande en provenance de l’Asie et des Etats-Unisa nettement stimulé les exportations.De plus, lesprix à l’exportation (même sans tenir compte dupétrole) ont, en moyenne, augmenté plus forte-ment que ceux à l’importation, de sorte que lestermes de l’échange se sont améliorés pour la ré-gion. L’économie de l’Argentine tout commecelle du Venezuela sont en outre parvenues à seremettre des pertes subies auparavant.

2.1.3 Conditions générales de la politique économique

Un tournant se dessine dans la politique éco-nomique tant au niveau monétaire que budgé-taire. En 2003, la politique monétaire est deve-nue encore un peu plus expansive dans les troisgrandes zones économiques que sont les Etats-Unis, l’UE et le Japon. Un changement de cap auniveau des taux d’intérêt est intervenu cette an-née aux Etats-Unis. Un tel changement est aussiattendu dans la zone euro au cours de l’année2005. C’est manifestement au Japon seulementque les autorités monétaires vont s’en tenir à uncours expansif l’année prochaine aussi.

La Banque d’Angleterre est la première gran-de banque centrale à avoir modifié ses taux d’in-térêt. C’était en novembre 2003.2 La Fed a suivien juin de l’année en cours. Elle a encore légère-ment resserré sa politique monétaire en août.Mais les taux d’intérêt réels se trouvent toujoursdans une zone négative et l’on peut continuer àparler d’une politique monétaire expansive. Ilfaut s’attendre à une nouvelle baisse du degréd’expansion de la politique monétaire cette an-née et l’année prochaine. Dans la zone euro, laBanque centrale européenne a encore assoupli sapolitique monétaire au cours du premier se-mestre 2003 et les taux d’intérêt réels sont dé-2 Voir aussi chapitre 2.5.

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–151990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Japon UE

Graphique 2.4 : indices synthétiques de l’OCDE des indicateurs avancés(variations semestrielles en pour-cent, annualisée)

Source : OCDE

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2. Situation économique et macropolitique

12 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

redressement de la demande de consommationprivée ne devrait donc être que temporaire. Laconjoncture japonaise dépend ainsi toujours desimpulsions extérieures.

Dans les autres pays d’Asie, les exportationsdemeurent aussi le moteur de la reprise, mais lademande intérieure devrait également rester dy-namique. En Chine, la peur d’une possible sur-chauffe conjoncturelle/sectorielle a conduit lesdirigeants à donner davantage de poids à unecroissance équilibrée. C’est pourquoi la crois-sance devrait quelque peu ralentir.A l’inverse,vule contexte économique favorable, l’expansiondevrait subir une légère accélération en Amé-rique latine grâce à une nouvelle stabilisation del’économie intérieure.

Dans plusieurs régions du monde, les expor-tations sont toujours le moteur de la croissanceéconomique. Dans l’UE et au Japon, les facteursintérieurs de reprise semblent encore faibles.Cesdeux zones économiques sont donc vulnérablesaux chocs externes tels que la persistance de prixélevés du pétrole.

2.2 Situation de l’économie suisse et perspectives

2.2.1 IntroductionSi les premiers signes d’affaiblissement ont

pu être observés au cours de l’année 2000 déjà,c’est au 1er semestre 2001 que la situationconjoncturelle s’est dégradée en Suisse3. Cettedétérioration a essentiellement pour origine leralentissement de la conjoncture mondiale, quia entraîné un recul des exportations suisses. Lesproblèmes de débouchés rencontrés par les ex-portateurs ont affecté l’économie intérieure parle biais des capacités de production : vu la faibleutilisation de ces capacités, les entrepreneurs ontdavantage hésité à investir et à engager du per-sonnel. L’activité d’investissement s’est ralentie.4

L’emploi a commencé à reculer à la fin 2001. Lademande intérieure a fléchi.

Outre l’affaiblissement de la conjoncture in-ternationale, d’autres événements importantsont tout particulièrement affecté l’économiesuisse, si bien que, du milieu de l’année 2001 aumilieu de 2003, la croissance du PIB a été infé-rieure à celle enregistrée tant aux Etats-Unis quedans l’UE. D’une part, l’appréciation du franc –en particulier dans la zone euro (voir chapitre2.5) – a réduit la compétitivité-prix des expor-tateurs suisses. D’autre part, la baisse du coursdes actions a ébranlé plus fortement l’économiesuisse que d’autres économies nationales, en rai-son de l’importance relativement forte du sec-teur financier.

Une reprise conjoncturelle s’est amorcée enSuisse au 2ème semestre 2003. Elle a bénéficié dèsle début d’une assise assez large. En effet, les im-pulsions sont venues tant de l’environnementinternational que de l’économie intérieure. Si la

d’équipement, auquel on assiste depuis le pre-mier trimestre 2003, devrait se maintenir.L’amélioration de la situation financière des en-treprises, les perspectives positives de vente et lesconditions de financement toujours favorableslaissent augurer une nouvelle hausse des inves-tissements des entreprises. Les allègements fis-caux temporaires accordés aux entreprises se-ront supprimés à la fin de l’année en cours. Lapolitique financière exercera, en 2005 aussi, uneffet de frein sur la consommation privée. Celle-ci devrait toutefois être soutenue par une haus-se graduelle de l’emploi.Le taux de croissance duPIB, qui était encore supérieur à la croissancepotentielle au début de 2004, tend à faiblir en di-rection de la croissance potentielle.

Après la relance relativement modérée de laproduction économique globale dans l’UE au2ème semestre 2003, la croissance de l’économies’est quelque peu accélérée au début de 2004. Leredressement de la conjoncture mondiale et lafin du recul constaté dans les biens d’équipe-ment laissent augurer une poursuite de la repri-se soutenue par les exportations, bien que cesimpulsions de l’économie extérieure devraientse réduire suite notamment au ralentissementattendu de la croissance aux Etats-Unis. L’activi-té d’investissement va continuer à profiter deseffets stimulants de l’industrie d’exportation,liés à des conditions de financement favorables.Enfin, l’accélération de la croissance écono-mique devrait peu à peu gagner le marché dutravail. Alors qu’une progression de l’emploisoutient la demande de consommation privée, ilfaut s’attendre à un impact négatif des réformesdes assurances sociales déjà mises en oeuvre ouannoncées. C’est tout particulièrement le cas enAllemagne où les hésitations des responsables dela politique de réforme pourraient ébranler laconfiance des acteurs économiques. En dépit dunet redressement du secteur allemand des ex-portations, la reprise de la demande de consom-mation privée devrait rester faible. On peut s’at-tendre, en revanche, à une évolution toujoursdynamique dans les nouveaux Etats membres del’UE. Les dépenses de consommation privée, quisont en hausse, devraient demeurer un soutienimportant de la conjoncture à côté des exporta-tions et des investissements dont la progressions’accélère. Le taux de croissance effectif du PIBde l’UE dans son ensemble devrait se rapprocherde la croissance potentielle.

Au Japon, la reprise conjoncturelle, induitepar une hausse des exportations qui a égalementstimulé les investissements en biens d’équipe-ment, devrait se poursuivre. Après les taux decroissance très élevés enregistrés en 2003 et audébut de 2004, une normalisation devrait inter-venir au cours des prochains trimestres. Si l’em-ploi a progressé cette année, les effets bénéfiquesdes exportations et des investissements sur lemarché du travail devraient faiblir à nouveau. Le

3 Sauf indication contraire, les composantes du produitintérieur brut sont exprimées en termes réels (aux prixde 2000) et corrigées des variations saisonnières. Les exportations et les importations ont été corrigéesdes exportations et importations de métaux précieux,pierres gemmes, objets d’art et antiquités qui ne sontpas pertinents en termes de conjoncture. Cette correc-tion a un effet neutre sur le PIB.

4 En ce qui concerne les technologies de l’information etde la communication, le développement déjà bien avan-cé des capacités dans ce domaine, les attentes déçues(Internet notamment) et la lenteur des changementstechnologiques ont certainement joué un rôle dans le recul des investissements.

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Rapport annuel 2004

13 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

se du produit des opérations de commissionsque les banques suisses ont réalisées avec desclients étrangers suite à la remontée du cours desactions. De l’autre côté, un effet de normalisa-tion dans le domaine du tourisme a joué un cer-tain rôle (fin de l’épidémie de SRAS, menacemoins lourde liée à la guerre en Irak, etc.). Du-rant la première partie de l’année en cours, cesexportations se sont en revanche inscrites à labaisse.

2.2.3 Augmentation des investissements dansle bâtiment grâce à un boom de la constructionde logements

Les investissements dans la construction sesont accrus de 1,8 % l’an dernier. Cette tendanceà la hausse s’est maintenue aux 1er et 2ème trimes-tres 2004,grâce essentiellement à la constructionde logements, qui en a été le moteur. Ce secteura fait un bond de 14,9 % (en termes nominaux),une évolution dont l’ampleur a été plutôt sur-prenante, compte tenu des projets de construc-tion annoncés (+3,1%). A part le faible nombrede logements inoccupés, tout laisse à penser queles attentes optimistes des investisseurs ont jouéun rôle non négligeable. A partir de 2001, lesloyers ont augmenté plus fortement que les prixdans la construction d’immeubles de plusieurslogements, le niveau des taux d’intérêts a baissé,ce qui a probablement amélioré,dans l’ensemble,le rendement des immeubles d’habitation. Enoutre, la diversification des portefeuilles au dé-triment des papiers-valeurs et en faveur de laconstruction a donné un coup de pouce supplé-mentaire à l’activité du bâtiment. Dans les au-tres catégories de la construction, les investisse-ments ont été plus faibles en 2003 qu’en 2002. Lerecul a été particulièrement marqué dans le sec-teur des constructions à caractère industriel ou commercial (–15,8 %). En raison du grandnombre de surfaces de bureau inoccupées, lesinvestisseurs ont hésité à réaliser des projets.Tout comme pour les constructions à caractère industriel et commercial, les investissements dans le génie civil se sont fortement contractés(–7,3 %). Ce repli reflète la baisse des investisse-ments des pouvoirs publics,mais il provient aus-si d’un effet de base qui résulte des forts inves-tissements consentis en 2002 dans le cadre de laNLFA.

2.2.4 Hausse moins marquée des investissements en biens d’équipement

Vers le milieu de l’année passée, les investis-sements en biens d’équipement, qui n’avaientjusque-là cessé de dégringoler,ont peu à peu ma-nifesté une tendance à la hausse. En raison d’uneffet de base, le résultat global de 2003 est enco-re négatif. La reprise a bénéficié dès le débutd’une large assise, mais elle a été plutôt modes-te par rapport aux précédentes phases de re-dressement. Grâce surtout à l’accélération de la

demande d’exportations a nettement augmen-té, la consommation privée et les investisse-ments en biens d’équipement ont égalementprogressé et l’activité du bâtiment s’est renfor-cée. Mesurée à la croissance du PIB, cette relan-ce a cependant été plutôt faible en comparaisonhistorique. C’est ainsi qu’en variation par rap-port au trimestre précédent, la croissance a étéun peu plus soutenue en 1997. La faible activitédans le bâtiment, hormis la construction de lo-gements, et la réduction persistante des stocksont entravé la croissance. Si l’on considère le ré-sultat de l’ensemble de l’année 2003, la reprisen’est pas encore perceptible (–0,4 %) ; c’est le re-cul enregistré durant la première moitié de l’an-née qui prédomine.

2.2.2 Forte hausse des exportations au 2ème semestre 2003

Le redressement de la conjoncture interna-tionale a entraîné, dès le 3ème trimestre 2003, unerelance sensible de la demande d’exportationssuisses. La dépréciation du franc par rapport àl’euro aux 2ème et 3ème trimestres 2003 a favorisécette évolution. La compétitivité-prix des entre-prises suisses d’exportation dans la zone euros’est améliorée. Si les exportations de marchan-dises vers l’UE ont aussi augmenté, c’est avec unléger retard, comme par le passé. Il a fallu at-tendre le 4ème trimestre 2003 pour qu’elles amor-cent une nette remontée. Les exportations à des-tination des Etats-Unis se sont intensifiéesdepuis le 2ème trimestre 2003 déjà, mais elles ontà nouveau accusé un net repli au 4ème trimestre,en partie à cause des taux de change. Une haus-se vigoureuse des fournitures de biens dans lesautres pays industrialisés non européens a étéenregistrée dès le 3ème trimestre 2003. Dans l’en-semble, les exportations de biens ont sensible-ment progressé au 2ème semestre 2003, les taux decroissance (annualisés) atteignant la zone des10 %. Si l’on considère les groupes de biens, onconstate que cette hausse repose sur une largebase. Tant les produits semi-finis que les biensd’investissements et de consommation ont vuleur demande s’accroître de manière sensible.S’agissant des exportations de biens d’investis-sements, l’évolution a été quelque peu fausséepar les réexportations d’avions de ligne dans lecadre du renouvellement de la flotte de SWISS(voir chapitre 2.2.4).

Au début de l’année en cours, la progressiondes exportations de biens a commencé à se tas-ser. Ce fléchissement ne s’explique que partielle-ment par des facteurs conjoncturels fondamen-taux (par ex. la dépréciation du dollar). Il estégalement imputable à des effets spéciaux dansles groupes selon l’emploi «biens de consom-mation»5 et «biens d’investissements».6

Aux 3ème et 4ème trimestres 2003, les exporta-tions de services ont connu une évolution dyna-mique. Celle-ci s’explique d’un côté par la haus-

5 Le groupe des exportations de biens de consommationest dominé par les exportations pharmaceutiques. Comme cela a déjà été le cas à différentes reprises par le passé, le résultat semble être marqué par un change-ment d’assortiment, que l’indice de valeur moyenne faitapparaître comme une augmentation de prix. Expri-mées en termes réels, les exportations devraient doncêtre légèrement plus élevées.

6 Concernant les exportations de biens d’investisse-ments, la normalisation des (ré)exportations d'avionsde ligne au début de l’année en cours a été sensibleaprès la forte augmentation enregistrée au 2ème

semestre 2003.

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2. Situation économique et macropolitique

14 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

demande d’exportations, l’utilisation des capa-cités dans l’industrie s’est accrue. Les entreprisesont commencé à développer leurs capacités deproduction. Les investissements dans l’industriedes machines – la composante la plus impor-tante avec une part de 40 % à l’ensemble des in-vestissements en biens d’équipement – se sontintensifiés. Cette tendance à la hausse a étémoins soutenue dans le domaine des véhiculesutilitaires ainsi que dans celui des technologiesde l’information et de la communication (TIC).En ce qui concerne les véhicules utilitaires, l’in-troduction de la RPLP en janvier 2001 a retardéles investissements de renouvellement. Quantaux TIC, elles ont pâti du fait que l’insuffisancedes capacités due à l’évolution technologiqueavait été largement comblée jusqu’en 2001. L’ac-tivité d’investissement de l’aviation civile suissea été placée sous le signe du renouvellement dela flotte. De nouveaux avions ont été importés,tandis que les anciens modèles ont été réexpor-tés. Ces investissements ont quelque peu défor-mé le tableau des investissements en biensd’équipement découlant de la conjoncture. A lafin 2003, les nouvelles acquisitions ont accusé

une hausse nettement plus musclée que lesventes à l’étranger. Il en est résulté une forte aug-mentation temporaire des investissements enbiens d’équipement. Au début 2004, en re-vanche, la fin des programmes de renouvelle-ment a ralenti la progression des investissementsen biens d’équipement.

2.2.5 Relance de la consommation privéeLa fin de la croissance de l’emploi, au 2ème se-

mestre 2001, avait entraîné un fléchissement dela demande de consommation privée. Jusqu’au1er trimestre 2003, les taux de croissance tri-mestriels annualisés ont encore varié entre 0,1 et1,0 %. Une reprise s’est en revanche manifestéeau 2ème trimestre 2003. La consommation privéea progressé à un rythme accéléré, passant de1,4 % à 3,1 % au 1er trimestre 2004. Vu la fai-blesse de l’évolution enregistrée en début d’an-née, la croissance s’est limitée l’an passé à 0,5 %,un résultat inférieur à la moyenne en comparai-son historique. La remontée accomplie au 2ème

semestre 2003 se reflète dans l’évolution dyna-mique des chiffres d’affaires réels du commercede détail. Ceux-ci ont tout d’abord été réalisésessentiellement dans le secteur des biens deconsommation non durables. Dans celui desbiens de consommation durables, la relance apris un léger retard ; le besoin de rattrapage quis’est accumulé ces dernières années va progres-sivement se combler.

La consommation privée a commencé à seredresser avant l’emploi. Selon les informationsqui sont accessibles, les dépenses de consomma-tion ont augmenté plus fortement que les reve-nus disponibles, un phénomène que l’on a déjàpu observer en 1997, par exemple. Les revenusprimaires (revenus avant prélèvements) au-raient même diminué en termes réels. Alors queles salaires réels augmentaient modestement enraison d’une faible tension sur le marché, l’em-ploi a reculé. Quant aux revenus des indépen-dants et des biens, ils se seraient contractés surl’ensemble de l’année, la situation des entre-prises ne s’améliorant que lentement. En re-vanche, les revenus disponibles ont bénéficiéd’impulsions favorables données notammentpar la baisse du taux de cotisation à l’assurance-chômage et l’adaptation de l’indice mixteAVS/AI en début d’année. Par contre, l’augmen-tation du taux des cotisations aux caisses de pen-sion a eu un impact négatif.

2.2.6 La consommation de l’Etat, soutien de la demande de biens

La consommation de l’Etat s’est nettementaccrue en 2001 (4,2 %) et en 2002 (3,2 %), ap-portant un soutien à la conjoncture. Cette haus-se est probablement due à un besoin de rattra-page (notamment dans le domaine salarial), quirésulte des efforts d’économies déployés dans laseconde moitié des années 90 (voir chapitre 2.4).

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0

–0.5

–1.0

–1.5

–2.01990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Variations par rapport au trimestre précédent, en pour-cent (à gauche)

Niveau (en Mio. CHF, à droite)

108000

106000

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102000

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98000

96000

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92000

90000

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90

80

701990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Exportations réelles de biens Demande finale intérieure réelle

Graphique 2.5 : produit intérieur brut (aux prix de 2000, corrigé des variations saisonnières)

Source : seco

Graphique 2.6 : exportations de biens et demande intérieure(1998=100, corrigées des variations saisonnières)

Source : seco

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Rapport annuel 2004

15 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

L’an dernier, la progression s’est certes tassée,mais elle a tout de même atteint 1,4 %, fournis-sant un apport positif à la croissance.

2.2.7 Hausse des importations due à la conjoncture

L’an dernier, les importations de biens (total 1selon l’AFD) ont légèrement augmenté, entermes réels, par rapport à l’année précédente. Lahausse est intervenue uniquement durant la se-conde moitié de l’année. Elle correspond donc aumouvement général de relance de l’économiesuisse. A l’inverse des diverses composantes desexportations selon l’emploi, toutes les compo-santes des importations ont été orientées à lahausse. Ce sont toutefois les biens d’investisse-ments qui ont affiché la progression la plus nette.Le résultat a cependant été influencé par les im-portations de nouveaux avions de ligne. La fin duprogramme d’acquisition d’avions a provoqué,au début de l’année, un repli provisoire que l’onpeut observer aussi dans le résultat des importa-tions globales. Au 2ème trimestre 2004, les impor-tations de biens se sont à nouveau accélérées.Quant aux importations de services, elles se sontlégèrement contractées l’an dernier (–1,4 %).

2.2.8 Demande modérée de main-d’œuvreLe fléchissement de la demande sur les mar-

chés des biens en 2001 s’est rapidement réper-cuté sur le marché du travail. On a observé, au1er trimestre 2002, un recul de l’emploi en équi-valents plein temps qui s’est accentué jusqu’au1er trimestre 2003. Au cours des trimestres sui-vants, la baisse a été ralentie par une poussée dela demande sur les marchés des biens. La haussede la production n’a toutefois pas été assez vi-goureuse pour provoquer un renversement detendance sur le marché du travail.

L’évolution de l’emploi a varié selon les sec-teurs. Dans l’industrie, la contraction de l’em-ploi a été vigoureuse et persistante dès la secon-de moitié de 2001. Dans le secteur de laconstruction, on a en revanche observé, audeuxième semestre des années 2002 et 2003, uneprogression qui n’est toutefois jamais parvenueà compenser entièrement le repli enregistré du-rant la première moitié de l’année. En ce quiconcerne le secteur des services, l’emploi enéquivalents plein temps a encore augmenté en2002. C’est en 2003 seulement que l’emploi a en-registré un recul qui s’est toutefois tassé en coursd’année. Une légère remontée a même étéconstatée à partir du 4ème trimestre 2003 dansune grande partie des branches du secteur. Seulsle domaine financier et les prestataires de ser-vices informatiques ont fait exception. Dans ledomaine de l’enseignement, l’évolution de l’em-ploi a été contraire à celle suivie par l’ensembledu secteur des services : après une progressionpresque ininterrompue ces dernières années, unrepli a été observé à partir du 4ème trimestre 2003.

Le nombre de chômeurs inscrits a culminé enjanvier 2004 (données désaisonnalisées). Le tauxde chômage s’est élevé à 4,0 % et reste depuis lorsà peu près à ce niveau. Le nombre de deman-deurs d’emploi a atteint un maximum à 5,6 %.Il convient de relever que la réduction de la du-rée d’indemnisation de l’assurance-chômage aprovoqué une hausse notoire du nombre de per-sonnes arrivées en fin de droit à la mi-2003. Lesdifférentes régions ont enregistré des évolutionspresque parallèles. La hausse a été supérieure àla moyenne dans les cantons du Jura, de Zurichet de Zoug. L’évolution a, en revanche, été plusfavorable que la moyenne dans le canton desGrisons et en Suisse centrale.

2.2.9 Evolution des prix marquée par la haussedes cours du pétrole

En raison de la situation conjoncturelle, lapression inflationniste a été faible ces trois der-nières années en Suisse. La hausse des coûts sa-lariaux unitaires a certes encore été soutenue en2001, mais elle provenait essentiellement du faitque la réduction du personnel est intervenueavec un léger retard par rapport à celle de la de-mande de biens. Etant donné l’appréciation dufranc et le relâchement de la tension sur les mar-

1.0

0.5

0.0

–0.5

–1.0

–1.51990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Variations par rapport au trimestre précédent, en pour-cent (à gauche)

3400

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Niveau (à droite)

300000

250000

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150000

100000

50000

01990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Nombre de demandeurs d'emploi Nombre de chômeurs enregistrés

Graphique 2.7 : Emplois en équivalents plein temps (corrigés des variations saisonnières)

Source : OFS

Graphique 2.8 : Chômeurs et demandeurs d’emploi (corrigés des variations saisonnières)

Source : seco

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2. Situation économique et macropolitique

16 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Le renchérissement de l’économie globale,mesuré par le déflateur PIB, s’est élevé à 0,9 %(2003). Alors que les prix des biens de consom-mation privée ont augmenté, ceux des biensd’équipement et des investissements dans laconstruction se sont contractés.

2.2.10 PerspectivesSelon les indicateurs des enquêtes conjonctu-

relles du KOF, on peut s’attendre à une poursui-te de la reprise jusqu’à la fin 2004. Dans l’indus-trie, l’indicateur de la marche des affaires se situeà un niveau qui correspond à la valeur moyennedans une phase conjoncturelle forte. Au cours dela première moitié de l’année en cours, les entréeset les carnets de commandes ont gagné en volu-me. Quant aux stocks de produits finis, ils ont étéréduits et sont désormais jugés normaux. Dèslors, les plans de production dans l’industrie sontgénéralement orientés à la hausse pour les troisprochains mois. Peu de changements devraientintervenir d’ici la fin de l’année. Les entreprisestablent sur une poursuite de la progression desentrées de commandes et une amélioration de lasituation des affaires à moyen terme. Dans laconstruction, la situation des affaires est globale-ment jugée satisfaisante à bonne. Les entreprisess’attendent à une stabilisation des entrées decommandes pour le proche avenir et à un légerrepli à moyen terme. La situation est égalementconsidérée comme satisfaisante dans le com-merce de détail. Les stocks sont qualifiés de nor-maux. Dans l’ensemble, les entreprises prévoientune augmentation des chiffres d’affaires dans leproche avenir. Pour le moyen terme, une nettemajorité des entreprises interrogées comptentsur une amélioration de la situation des affaires.Dans l’hôtellerie et la restauration, les entreprisesse montrent plus réservées quant à l’évolutiondes affaires ces prochains mois : elles tablent surune stagnation des ventes. C’est en revanche laconfiance qui règne dans le secteur financier.Tant les banques que les assurances qualifientleurs affaires de bonnes. Celles-ci devraientd’ailleurs continuer à s’améliorer au 2ème se-mestre, mais à un rythme un peu moins soute-nu que durant la première moitié de l’année.

En ce qui concerne les différentes compo-santes de la demande, c’est l’évolution suivantequi, selon les données actuelles, est la plus pro-bable : comme mentionné dans la section consa-crée aux exportations, les résultats pour les 2ème

et 3ème trimestres 2004 vont être légèrement in-férieurs à ceux des trois trimestres précédents.Ce fléchissement est dû aux effets spéciaux déjàcités et devrait donc être provisoire. Par la suite– et tout particulièrement en 2005 – les expor-tations progresseront à nouveau de manière plussoutenue, parallèlement à la reprise conjonctu-relle mondiale. Selon les résultats provisoires de l’enquête de l’OFS sur la construction pourl’année en cours, les investissements dans la

chés des biens, les entrepreneurs n’ont pu réper-cuter qu’une faible partie de cette augmentationdes coûts sur les prix des biens. Les deux annéessuivantes, la hausse des coûts de production anettement fléchi. Suite à la montée du chômage,la croissance des salaires nominaux – mesurée enfonction de l’indice des salaires de l’OFS – s’estralentie, passant de 2,5 % en 2001 à 1,4 % en2003. La productivité du travail s’est à nouveauaméliorée en raison de la baisse de l’emploi.L’utilisation, toujours faible, des capacités a enoutre réduit la marge de manœuvre des entre-prises en matière de fixation des prix. L’appré-ciation du franc par rapport au dollar a sensi-blement atténué l’augmentation des prix desmatières premières industrielles en dollars US(métaux notamment) sur les marchés mon-diaux. Dans l’ensemble, les entreprises indus-trielles suisses n’ont donc pas dû faire face à unepression plus forte des coûts.

Par rapport à l’année précédente, le renché-rissement, mesuré par l’indice suisse des prix à laconsommation (IPC), a reculé de 1,0 % en 2001à 0,6 % en 2002 et 2003. L’an dernier, les prix desservices publics ont affiché une hausse relativeparticulièrement vigoureuse de 2,1 %. Mais laplupart des autres services ont aussi renchéri plusque la moyenne. Seuls les loyers sont restés assezstables. Ils n’ont en effet progressé que de 0,3 %.L’augmentation des prix des biens indigènes a étélégèrement plus modérée (0,6 %). Quant auxprix des biens importés, ils sont restés inchangésdans l’ensemble, en grande partie à cause destaux de change. Ils ont même accusé un recul de0,5 %, si l’on fait abstraction des produits pétro-liers.Durant l’année en cours, le renchérissements’est quelque peu accéléré. En août, l’indice suis-se des prix à la consommation était supérieur de1% au niveau atteint l’année précédente. Cetteaccélération est due, pour l’essentiel, à l’évolu-tion des prix de l’essence et de l’huile de chauffa-ge ainsi que des loyers. Si l’on exclut ces deuxgroupes de l’indice, le renchérissement par rap-port à l’année précédente n’est plus que de 0,1 %.

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3

2

1

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–11990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Graphique 2.9 : indice des prix à la consommation(variations en pour-cent par rapport à l’année précédente)

Source : OFS

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Rapport annuel 2004

17 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

construction devraient légèrement se contracteren termes nominaux. Le taux relativement basdes logements vacants, le faible niveau des inté-rêts et des prix de la construction sont garantsdu dynamisme de la construction de logements.Selon l’enquête sur la construction, il faut enoutre s’attendre à un nouveau tassement dans legénie civil et dans le reste de la construction. Lessurfaces inoccupées étant importantes, la réser-ve devrait être de mise ces prochains temps dansle domaine des constructions à caractère indus-triel ou commercial. La consolidation de la re-prise conjoncturelle devrait toutefois permettrede renverser la tendance dans cette catégorie deconstruction. Il ne faut pas non plus s’attendre àce que les investissements dans la constructionsoutiennent notablement la croissance l’annéeprochaine. En revanche, les investissements enbiens d’équipement devraient poursuivre leurremontée. Le dynamisme de la demande debiens permet d’améliorer l’utilisation des capa-cités. Dès lors, les entreprises se lancent plus fa-cilement dans des investissements d’extension.En outre, vu l’amélioration de leurs résultats,elles disposent de moyens supplémentaires pourfinancer de nouveaux projets d’investissement.Par ailleurs, les investissements dans la rationa-lisation et le remplacement restent importants,selon les résultats de l’enquête du KOF sur les in-vestissements. Le redressement du marché dutravail va stimuler encore plus la consommationprivée. La hausse de l’emploi, provoquée par unedemande plus forte au 2ème semestre 2004, vad’une part augmenter les revenus disponibles etd’autre part renforcer la confiance des consom-mateurs. Le renchérissement plus marqué de laconsommation, dû aux prix du pétrole, va légè-rement freiner la consommation, sans pour au-tant compromettre la reprise conjoncturelle.

2.3 Evolution des différentes branches

Nous allons tout d’abord, dans le chapitre2.3.1, commenter la situation de l’économie

suisse sur la base des résultats des enquêtes. Lesenquêtes conjoncturelles qualitatives compren-nent en particulier les appréciations subjectivesdes entreprises. Les résultats agrégés des en-quêtes conjoncturelles du KOF7 complètent lesstatistiques officielles. Ils donnent une imageglobale très diversifiée de la situation écono-mique actuelle et de la tendance attendue del’évolution à court terme.

Nous présenterons ensuite, dans le chapitre2.3.2, l’évolution de la compétitivité en matièrede prix d’une sélection de branches exporta-trices de Suisse. A court terme, la compétitivitéinternationale des entreprises au niveau des prixest déterminée avant tout par le taux de change.A moyen terme, c’est l’évolution des coûts sala-riaux relatifs et de la productivité relative du tra-vail qui décide si une branche est capable demaintenir ou de renforcer sa position concur-rentielle.

Nous examinerons enfin, dans le chapitre2.3.3, la situation de l’agriculture.

2.3.1 Résultats des enquêtesIndustrie

L’indicateur de la marche des affaires8 de l’en-quête conjoncturelle dans l’industrie – un indi-cateur corrélatif fiable du taux de croissance an-nuel de la production industrielle – a mis enévidence un net redressement en 1999 et signa-lé une croissance vigoureuse de la production in-dustrielle pour l’an 2000. Au cours de l’année2001, la conjoncture industrielle s’est considéra-blement affaiblie en raison notamment du ra-lentissement global de la croissance. Les événe-ments du 11 septembre ont encore accentuécette tendance. Sur l’ensemble de l’année 2002 etau premier semestre 2003, l’indicateur s’est situéà un niveau qui peut être interprété comme une«phase de faiblesse conjoncturelle». Il a fallu at-tendre l’automne 2003 pour que s’amorce, sur-tout dans les entreprises axées sur les exporta-tions, un net redressement qui s’est étendu audomaine intérieur au cours de l’année 2004. Lesentrées de commandes présentent une avancenaturelle sur la production, ce qui est dû au dé-roulement technique. Les entrées de com-mandes attendues ont une avance supplémen-taire sur les entrées de commandes effectives.L’avance des entrées de commandes attenduespar rapport à l’indicateur de la marche des af-faires est d’environ 6 mois. Il convient de releverque les entrées de commandes attendues pré-sentent à la fin 2003 une valeur solde qui n’a au-trement jamais été atteinte durant la période1990-2004. Au cours de l’année 2004, l’indica-teur a certes légèrement fléchi, mais il est resté àun haut niveau. Il faut donc s’attendre à ce quel’indicateur de la marche des affaires – et ainsi lacroissance de la production industrielle – devien-ne plus plat au 2ème semestre 2004. Les taux decroissance resteront toutefois nettement positifs.

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–10

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–401990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

Indicateur marche des affaires, lissé (à gauche)Entrées de commandes attendues, lissées (à droite)

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–151997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

7 Enquêtes mensuelles et trimestrielles. Elles présententle solde, soit la différence entre les parts de réponsespositives et négatives, sous forme lissée. Le lissage esteffectué avec la procédure CENSUS X12, option X11(composante lissée).

8 Se compose à partir des soldes résultant des réponsesaux trois questions suivantes : variation des entrées decommandes et de la production par rapport à l’annéeprécédente, appréciation des carnets de commandes.

Graphique 2.10 : marche des affaires et entrées de commandes attendues dans l’industrie, solde

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2. Situation économique et macropolitique

18 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

ConstructionAprès une phase de récession de plus de trois

ans, les entreprises du secteur de la constructionont, dès le milieu de 1999, jugé la situation desaffaires avec plus d’optimisme. La reprise del’activité du bâtiment s’est manifestée toutd’abord dans la maçonnerie et le génie civil. Cetindicateur de la situation des affaires évolue pa-rallèlement à celui de l’activité du secteur prin-cipal de la construction, établi par la Sociétésuisse des entrepreneurs ; ils présentent une for-te corrélation croisée (1995 à 2003 : 0.82). Il afallu attendre six mois pour que la relancetouche le second œuvre. Le repli conjoncturelqui s’est amorcé à la fin 2000 a également laissédes traces dans la construction. Le secteur prin-cipal de la construction a enregistré un recul deses activités au cours du 1er semestre 2001 dé-jà, ce qui s’est répercuté négativement sur l’ap-préciation de la situation des affaires. En re-vanche, le second œuvre a signalé une évolutionpositive des affaires jusqu’en automne 2001.En 2002 et 2003, la construction a traversé ànouveau une phase de récession. C’est au dé-but de cette année seulement que l’activité de laconstruction a amorcé une remontée et que la situation des affaires s’est améliorée. L’indicateur avancé – solde des entrées de com-mandes attendues pour les trois prochains mois– ne signale toutefois plus de nouvelle accéléra-tion de la croissance de l’activité du bâtiment au 2ème semestre 2004, en raison essentiellement des attentes plus réservées dans le secondœuvre. En revanche, le secteur principal de laconstruction table encore sur une demandestable.

Sélection de branches des servicesCommerce de détail

Depuis le milieu de l’année 1992 jusqu’aumilieu de 1997, la situation des affaires dans lecommerce de détail a été presque toujours insa-tisfaisante. L’indicateur n’a évolué dans la zonepositive que de l’automne 1994 à l’été 1995. Etla relance s’est limitée essentiellement au sec-teur alimentaire.En revanche, le secteur non ali-mentaire est resté presque sans interruption àun niveau insatisfaisant. Dès le 3ème trimestre1997, la consommation privée a amorcé unelongue remontée qui s’est répercutée de maniè-re réjouissante sur la situation des affaires ducommerce de détail. Cette phase n’a pris fin qu’àla mi-2002, tout d’abord dans le secteur non ali-mentaire et, un peu plus tard, dans le secteuralimentaire. Dès le 2ème trimestre 2003, la situa-tion des affaires s’est redressée pour atteindreun niveau satisfaisant au milieu de l’année 2004.Les entreprises sont confiantes pour le 2ème se-mestre 2004. Elles pensent que les chiffres d’af-faires vont poursuivre leur ascension. On nepeut toutefois plus s’attendre à une accélérationde la croissance.

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1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

Evaluation marche des affaires, lissée (à gauche) Entrées de commandes attendues, lissées (à droite)

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

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1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

Evaluation marche des affaires, lissées (à gauche) Chiffre d'affaires attendu, lissé (à droite)

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

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1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

CA par rapport à l'année précédente, lissé (à gauche) CA attendu, lissé (à droite)

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Graphique 2.11 : marche des affaires et entrées de commandes attenduesdans la construction, solde

Graphique 2.12 : marche des affaires et chiffre d’affaires attenduesdans le commerce de détail, solde

Graphique 2.13 : chiffre d’affaires par rapport à l’année précédente et chiffre d’affaires attendues dans l’hôtellerie et la restauration, solde

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Rapport annuel 2004

19 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Hôtellerie et restaurationDans l’hôtellerie et la restauration, les ventes

(prestations de la cuisine et boissons dans les res-taurants et les cafés,nuitées dans l’hôtellerie) ontrégulièrement augmenté d’une année à l’autre,entre le 3ème trimestre 1997 et le 1er trimestre2001. Cependant, l’évolution dans l’hôtellerie atoujours été sensiblement différente de l’évolu-tion dans la restauration. Contrairement auxhôtels, les restaurants ont annoncé des chiffresd’affaires positifs uniquement à la fin 1997 et aumilieu de l’année 2000. Du 2ème trimestre 2001jusqu’au milieu de l’année 2003, l’hôtellerie et larestauration ont vu leurs chiffres d’affaires s’ef-fondrer. Il a fallu attendre le 2ème semestre 2003pour que la situation commence à se redresser.Les hôtels ne sont parvenus à réaliser des chiffresd’affaires à nouveau en hausse qu’au 2ème se-mestre 2004. Dans les restaurants, le recul deschiffres d’affaires s’est au moins ralenti.Les pers-pectives pour les trois prochains mois ne sontpas uniformes dans la branche : les hôtels comp-tent sur une poursuite de la croissance de leurschiffres d’affaires ; les restaurants, eux, espèrentseulement que l’évolution de leurs chiffres d’af-faires va se stabiliser.

BanquesSi les banques ont enregistré un boom en l’an

2000, c’est avant tout grâce à la hausse vigou-reuse des opérations de commissions et auxbrillants résultats atteints dans la gestion debiens. Les produits d’intérêts ont également évo-lué de manière réjouissante. Mais à la fin de l’an2000, les banques ont essuyé de sérieux reversdans la gestion de biens puis,au début 2001,dansles opérations de commissions. Par la suite, la si-tuation des affaires est toutefois restée satisfai-sante, contrairement à ce qui s’est passé dans laplupart des autres branches de l’économie. Au2ème semestre 2002, la situation des affaires s’estaméliorée en raison du redressement desbourses. Tant dans les opérations de commis-sions que dans la gestion de biens, le résultat s’estdès lors inscrit à la hausse. En dépit des produits

d’intérêts qui sont à la traîne, le nombre d’en-treprises qui qualifient de bonne la situation desaffaires a une nouvelle fois sensiblement aug-menté au cours de la première moitié de l’année2004. Pour le 2ème semestre, elles se montrent unpeu moins confiantes. Mais les avis positifs l’em-portent toujours sur les avis négatifs.

2.3.2 Compétitivité au niveau des prix

2.3.2.1 Introduction

Selon la plupart des études publiées ces der-niers temps, la compétitivité internationale de laSuisse diminue depuis quelques années (voir parex. IMD World Competitiveness Yearbook2004). Cette « perte » en termes de compétitivi-té provoque de vives discussions politiques. Latendance que l’on peut observer dans l’écono-mie globale touche-t-elle aussi quelquesbranches importantes9 axées sur les exporta-tions? Nous allons, ci-dessous, considérer deplus près la compétitivité suisse de l’industriedans son ensemble, de l’industrie chimique, del’industrie des machines ainsi que de l’hôtellerieet de la restauration. A long terme, la compétiti-vité d’un pays est déterminée d’un côté par desfacteurs spécifiques aux entreprises tels que lacapacité d’innover, la qualité des produits et leservice à la clientèle et, de l’autre, par les atoutsde la place économique. Mais à moyen et courtterme, le facteur des prix et celui des coûts jouentun rôle capital. La compétitivité internationaledépend donc de manière décisive des change-ments de la productivité et des coûts du travailainsi que des fluctuations des taux de change.

L’indicateur le plus couramment utilisé pourétablir la compétitivité à court et moyen termeau niveau d’une branche est le taux de changeréel effectif, corrigé des variations des coûts sa-lariaux unitaires (coûts salariaux unitaires rela-tifs pondérés par les exportations). Pour déter-miner cet indicateur, on a recours aux donnéesconcernant l’emploi, les coûts salariaux, la va-leur ajoutée et les taux de change. Certaines deces séries de données ne sont toutefois dispo-nibles qu’avec un retard pouvant aller jusqu’àquatre ans. C’est la raison pour laquelle nous al-lons intégrer dans l’analyse, comme indicateursde la compétitivité (au niveau des prix),non seu-lement les coûts salariaux unitaires relatifs, maisaussi les indices des prix qui sont rapidementdisponibles. Dans la mesure où les prix de vented’une branche évoluent proportionnellementaux coûts salariaux unitaires (marge constante),les deux façons d’envisager le problème sontidentiques. A court terme toutefois, les entre-prises d’une branche peuvent réagir à une ap-préciation de leur monnaie ou à une hausse descoûts salariaux unitaires plus soutenue que cel-le de leurs concurrents étrangers en réduisantleur marge. Elles parviennent ainsi à conserverleur compétitivité au niveau des prix, alors qu’au

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50

25

0

–25

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996

Evaluation de la marche des affaires (à gauche) Demande attendue (à droite)

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

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0

–10

9 En fonction de leur part à l’emploi, resp. à la valeurajoutée.

Graphique 2.14 : marche des affaires et demande attendue dans les banques, solde

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2. Situation économique et macropolitique

20 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

niveau des coûts, leur position s’est dégradée parrapport à la concurrence. Une telle attitude n’estpas soutenable à long terme,car elle entraîne uneérosion constante des bénéfices.

Nous allons, ci-dessous, considérer l’évolu-tion de la compétitivité des quatre branchesmentionnées à l’aide des coûts salariaux uni-taires relatifs. Dans une seconde section, nousintégrerons dans l’analyse, pour la marge ac-tuelle, les taux de change déflatés10 au moyen desprix à la production (industrie dans son en-semble, industrie chimique, industrie des ma-

chines), resp. des prix à la consommation (hô-tellerie et restauration). Les graphiques mon-trent aussi, comme grandeurs de référence oud’orientation, les taux de change nominauxpondérés spécifiques à la branche. Dans ce rap-port, les pays considérés comme concurrentspour les branches de l’industrie sont l’Alle-magne, la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, lesEtats-Unis et le Japon ; dans le secteur de l’hô-tellerie et de la restauration, ce sont les quatrepays voisins de la Suisse, à savoir l’Allemagne, laFrance, l’Italie et l’Autriche, ainsi que l’Es-pagne.11

2.3.2.2 Industrie dans son ensemble

Dans l’industrie suisse, la productivité dutravail s’est accrue plus fortement que dans cellesdes six grands pays industrialisés au début desannées 90. Mais depuis 1992, elle a progressé àpeu près au même rythme que dans les paysconcurrents. En revanche, les coûts salariaux re-latifs par employé présentent une tendance à labaisse, ce qui indique que l’augmentation descoûts salariaux suisses a été plus modérée qu’àl’étranger. Il en résulte une amélioration ten-dancielle des coûts salariaux unitaires relatifs etde la compétitivité-prix dans les années 90, bienque dans le court terme, les coûts salariaux uni-taires relatifs aient été déterminés en grande par-tie par le taux de change nominal (voir gra-phique 2.15).

En dépit de la relative stabilité du franc suis-se par rapport à l’euro, l’industrie indigène a dû,depuis l’an 2000, supporter une appréciationsensible de la monnaie suisse. Le cours du francn’a en effet cessé de grimper, sur une base an-nuelle, en particulier par rapport à la livre bri-tannique et au dollar US. Les prix à la produc-tion de l’industrie manufacturière ont évolué aumême rythme en Suisse et dans les pays concur-rents, exception faite du Japon,12 de sorte quel’appréciation nominale de la monnaie suisse n’apu être compensée par une évolution plus mo-dérée des prix. Il semble dès lors que la compé-titivité-prix se soit détériorée depuis l’an 2000.

2.3.2.3 Industrie chimiqueJusqu’en 1997, la productivité du travail dans

l’industrie chimique suisse a nettement aug-menté par rapport à tous les pays concurrents,en particulier les Etats-Unis, le Japon et l’Italie.Depuis lors, son évolution a été plutôt inférieu-re à la moyenne. Dans les années 90, les coûts sa-lariaux par employé ont plutôt été en recul, cequi signifie que l’évolution des salaires en Suis-se a été légèrement inférieure à la moyenne. Larevalorisation nominale du franc suisse dans lapremière moitié des années 90 a neutralisé l’ac-croissement de la productivité. En revanche, sadépréciation a renforcé la position concurren-tielle de notre pays entre 1995 et 1997. On peutdès lors observer une diminution relativement

10 Qualifiés, dans les graphiques suivants, de taux dechange réels.

11 Vous trouverez dans l’encadré, des informationsdétaillées sur le calcul des taux de change et des coûtssalariaux unitaires, sur les sources des données ainsique les déflateurs utilisés.

12 Les produits industriels japonais ont enregistré un netrecul de leurs prix.

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Cours de change réel Coûts salariaux unitaires relatifs Cours de change nominal

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Cours de change réel Coûts salariaux unitaires relatifs Cours de change nominal

Graphique 2.15 : industrie dans son ensembleTaux de change pondéré, spécifique aux branches (indice 1990=100)

Graphique 2.16 : industrie chimiqueTaux de change pondéré, spécifique aux branches (indice 1990=100)

Graphique 2.17 : industrie des machinesTaux de change pondéré, spécifique aux branches (indice 1990=100)

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Rapport annuel 2004

21 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

marquée des coûts salariaux unitaires durantcette période (voir graphique 2.16). De 1997 à2000, la position concurrentielle de l’industriechimique au niveau des prix ne s’est guère mo-difiée.

Depuis l’an 2000, l’industrie chimique a elleaussi dû faire face aux effets d’une appréciationdu taux de change nominal pondéré spécifique

à la branche. Les entreprises de ce secteur onttoutefois réussi à baisser leurs prix. De janvier2000 à décembre 2003, les prix suisses à la pro-duction de l’industrie chimique ont, tout com-me ceux du Japon, diminué de sept pour-cent,alors que les cinq autres pays pris en considéra-tion ici ont enregistré des hausses de prix. L’ave-nir nous dira si la consolidation à court terme dela compétitivité-prix peut se maintenir à moyenterme grâce à une certaine retenue en matière desalaires et à de nouvelles améliorations de la pro-ductivité.

2.3.2.4 Industrie des machines (fabrication de machines, industrie automobile, électro-technique, électronique, optique et montres)

Dans l’industrie des machines, la productivi-té relative du travail a évolué globalement dansdes limites étroites au cours des années 90. Lesdifférences entre les pays ont cependant été trèsnettes. Ainsi, dans l’industrie suisse des ma-chines, la productivité du travail a été inférieureà la moyenne en comparaison avec les Etats-Uniset la France, mais elle l’a dépassée par rapport àl’Allemagne et à l’Italie. Les coûts salariaux rela-

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Cours de change réel Coûts salariaux unitaires relatifs Cours de change nominal

Graphique 2.18 : hôtellerie et restaurationTaux de change pondéré, spécifique aux branches (indice 1992=100)

Coûts salariaux unitaires relatifs

L’indicateur des coûts salariaux unitaires relatifs(RULC) pour la branche i résulte du rapport entreles coûts salariaux relatifs indexés par employé etla productivité relative du travail indexée en mon-naie unique. Dans la présente analyse, il est calculéde la manière suivante (par souci de clarté, l’indicede la branche i a été laissé de côté) :

(1)

ULC coûts salariaux unitaires LC coûts salariauxTE employésLP productivité du travail e taux de change nominal (valeur extérieure

du franc suisse) CH SuisseM pays concurrent

Les données concernant la Suisse proviennent del’Office fédéral de la statistique (OFS). Nous avonseu recours pour la première fois dans ce rapportaux données calculées par l’OFS pour 14 secteurs.1

Les données relatives aux coûts salariaux sonttirées des résultats comptables des entreprisessuisses, celles concernant l’emploi en équivalentsplein temps proviennent de la statistique de l’em-ploi (BESTA). Les indications relatives aux paysconcurrents sont tirées de la base de données STAN («Structural Analysis Industrial Database»)de l’OCDE.

Comme plus d’un pays concurrent est pris encompte, les coûts salariaux unitaires relatifs sontpondérés au moyen des parts des exportations despays concurrents (branches industrielles) resp. desflux touristiques (hôtellerie et restauration). Lescoûts salariaux unitaires relatifs pondérés des ex-portations (HRL) peuvent être calculés de la maniè-re suivante :

(2)

� étant le facteur de pondération. En raison desdonnées disponibles, seules des pondérationssimples sont possibles pour l’hôtellerie et la restau-ration ; elles se font au moyen des flux touristiquesqui entrent et sortent de Suisse. Pour les branchesindustrielles, une double pondération est opéréeselon le procédé de l’OCDE. On prend en considéra-tion d’un côté les parts des exportations des pays àcomparer dans les marchés pertinents et, de l’autre,l’importance relative d’un marché déterminé pourchacun des pays figurant dans la comparaison :

(3)

X valeur des exportations K marché découlement

Comme le montre la formule (1), les coûts sala-riaux unitaires relatifs peuvent se diviser en troiscomposantes : a) coûts salariaux par employé, b)productivité relative du travail et c) taux de changenominal. Dans le texte qui précède, nous commen-tons tout d’abord l’évolution de la productivitérelative du travail et celle des coûts salariaux, enrenonçant, pour des raisons de clarté, à une pré-sentation graphique de ces deux séries.

Afin de déflater la valeur ajoutée brute, on utili-se, pour l’industrie dans son ensemble et pour l’hô-tellerie et la restauration, le déflateur implicite del’OFS pour les 14 secteurs. La valeur ajoutée de l’in-dustrie chimique est corrigée des variations de prixavec le prix à la production «produits chimiques» etcelle de l’industrie des machines avec une moyennepondérée des prix à la production «machines», «

appareils électriques, instruments de précision,montres» et «véhicules, composants de véhicules».Pour les pays concurrents, nous utilisons le défla-teur implicite qui se fonde sur la base de donnéesSTAN.

Le même schéma de pondération nous sert aussipour calculer les taux de change nominaux et réelsspécifiques à la branche (ê). Pour les branches indus-trielles, nous avons recours à la pondération �, soit :

(4)

resp.

Pour l’hôtellerie et la restauration, les diffé-rentes monnaies sont, jusqu’à l’introduction del’euro, pondérées au moyen des flux touristiquesvers et hors de la Suisse.

Pour déflater le taux de change, nous utilisons lesséries de prix suivantes :– industrie dans son ensemble : prix à la produc-

tion «Arts et métiers, industrie» ;– industrie chimique : prix à la production «Pro-

duits chimiques» ;– industrie des machines : moyenne pondérée des

prix à la production «Machines», «Appareilsélectriques, instruments de précision, montres»et «Véhicules, composants de véhicules» ;

– hôtellerie et restauration : prix à la consomma-tion « Restaurants et hôtels ».

Les données relatives aux taux de change pro-viennent de la Banque nationale suisse. Les sourcesdes séries de prix sont les suivantes : l’OFS pour la Suisse ; EUROSTAT pour l’Allemagne, la France,l’Italie, la Grande-Bretagne, l’Autriche et l’Espagne ;le Bureau of Labor Statistics pour les Etats-Unis ; la Bank of Japan pour le Japon.

1 Pour l’industrie dans son ensemble ainsi que pour l’hôtellerieet la restauration. Compte tenu des données à disposition,nous continuons à nous fonder, pour la productivité du travaildans l’industrie chimique et l’industrie des machines, sur lesrésultats comptables des entreprises suisses.

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2. Situation économique et macropolitique

22 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

tifs par employé n’ont, en revanche, pas cessé debaisser pendant ces dix années. Dans cettebranche aussi, c’est le taux de change nominalpondéré par les exportations qui a déterminé àcourt terme les coûts salariaux unitaires relatifs(voir graphique 2.17). Il en est résulté, au débutdes années 90, une amélioration de la positionconcurrentielle qui s’est toutefois dégradée parla suite. Aucune tendance uniforme ne se déga-ge depuis la seconde moitié des années 90.

Les entreprises de l’industrie des machinesn’ont guère pu agir contre les effets du franc quia affiché une tendance à la hausse depuis l’an2000. Les prix des biens suisses, comme ceux desconcurrents européens, n’ont certes que très lé-gèrement augmenté, mais ceux des biens pro-duits aux Etats-Unis et surtout au Japon se sontcontractés de 2000 à 2003. Le taux de change réeldéflaté par les prix à la production a donc, pen-dant cette période, accusé une hausse plus rapi-de que le taux de change nominal. Depuis l’an2000, la compétitivité de la Suisse au niveau desprix s’est donc plutôt dégradée.

2.3.2.5 Hôtellerie et restauration13

De 199214 à 1996 et de 1998 à 2001, la pro-ductivité du travail du secteur suisse de l’hôtel-lerie et de la restauration a évolué au même ryth-me que celle des pays concurrents alors que de1996 à 1998, elle a enregistré une améliorationrelativement sensible.15 Les coûts salariaux rela-tifs par employé ont eu tendance à se contracterdepuis 1996, de sorte que les coûts salariaux uni-taires relatifs se sont nettement améliorés durantla seconde moitié des années 90, après la fortepoussée due au taux de change entre 1992 et 1995(voir graphique 2.18).

De 2001 à 2002, la valeur nominale du francsuisse par rapport à l’euro s’est, sur une base an-nuelle, légèrement appréciée avant de se dépré-cier l’année suivante. Les prix à la consomma-tion dans les hôtels, cafés et restaurants ontaugmenté, durant cette période, de manière lé-gèrement moins marquée que chez nos quatrevoisins et en Espagne. Ainsi, notre position

concurrentielle au niveau des prix a pu au moinsêtre sauvegardée au début de la nouvelle décen-nie.

2.3.3 AgricultureCes dernières années, l’agriculture a été

confrontée à d’énormes défis. Parmi ceux-ci fi-gurent notamment l’écologisation de l’ensemblede la production dans le cadre de la politiqueagricole 2002, la libéralisation du marché des cé-réales panifiables et des oléagineux, la réductionde 20 %, soit de plus d’un milliard de francs, dusoutien interne, la diminution de 36 % descontributions à l’exportation et l’extension del’accès au marché pour les produits agricolesdans le cadre des accords de l’OMC.

La poursuite de la dérégulation des marchésdans le cadre de la politique agricole 2007, la to-tale libéralisation du marché du fromage parrapport à l’UE d’ici à 2007, la suppression ducontingentement laitier d’ici à 2009 et l’élargis-sement à l’Est de l’UE placent l’agriculture suis-se devant de nouvelles gageures.

Grâce à l’extension de l’accord sur la libre cir-culation des personnes aux dix nouveaux paysde l’UE, les entreprises agricoles suisses de-vraient parvenir à couvrir plus facilement leursbesoins en main-d’oeuvre. Mais, l’intégrationdes nouveaux Etats membres dont le potentielde production est élevé va renforcer encore lapression des prix sur les marchés agricoles euro-péens. Toutefois, la production agricole de cespays doit tout d’abord être adaptée aux stan-dards de l’UE, particulièrement en ce quiconcerne les exigences phytosanitaires ainsi quecelles touchant la santé des animaux et leur pro-tection ainsi que la protection de l’environne-ment.

A l’heure actuelle, les négociations de l’OMCconstituent le facteur déterminant dans l’agen-da de politique agraire. Les conséquences de cesnégociations sur des notions pour l’instant abs-traites (voir glossaire ci-dessous) telles que cellesde «capping», «formule suisse», «boîte orange»ou «boîte verte», vont se manifester concrète-ment par la suite. Les résultats des négociationsvont forger dans une grande mesure la futureagriculture suisse et la politique agricole. Il n’estpas seulement question de savoir comment lescourants commerciaux s’écoulent sur les mar-chés agricoles internationaux. Dans un payscomme la Suisse avec ses spécificités économi-ques, climatiques et topographiques, il s’agitfinalement d’assurer l’existence de l’agricultureet la vitalité des zones rurales.

L’agriculture suisse produit environ troiscinquièmes des denrées alimentaires dont lapopulation a besoin. Aujourd’hui, la sécuritédes produits alimentaires et le caractère du-rable de la production sont souvent jugés plusimportants que la sécurité de l’approvision-nement. Les prestations d’intérêt public ont

Glossaire:

Capping : fixation de tarifs maximaux.Utilisé en rapport avec la réduction desdroits de douane et le soutien interne.

Formule suisse : type particulier de réduc-tion tarifaire selon une formule d’harmoni-sation. Avec la «formule suisse», tous lesdroits de douane seraient progressivementréduits, de manière horizontale, à un pla-fond maximal. Plus les droits sont élevés,plus la réduction est forte. La «formule suis-se» agit comme un capping, car les taux desdroits de douane des produits sensibles pourlesquels les droits sont élevés devraient subirune réduction supérieure à la moyenne.

Catégories : les mesures de soutien interneont été classées en fonction de leur impact etréparties dans trois différentes boîtes.

Boîte orange : mesures de soutien qui in-fluencent notablement les volumes de pro-duction. Elles sont considérées comme desmesures faussant les échanges (par ex. sou-tien des prix) et sont donc soumises aux en-gagements de réduction.

Boîte bleue : mesures de soutien liées à laproduction, autorisées sous réserve de limi-tation de la production et ayant donc moinsd’effets de distorsion que celles de la boîteorange. La Suisse n’a pas de mesures de cegenre. L’UE a plusieurs instruments dans cet-te catégorie, comme les soutiens directs auxrevenus liés aux programmes de réduction dela production (primes par animal et à la sur-face provenant de la réforme de la politiqueagricole communautaire de 1992).

Boîte verte : mesures de soutien considé-rées comme mesures ne faussant pas leséchanges, et donc autorisées sans restric-tion. En Suisse, les paiements directs se trou-vent dans cette catégorie.

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IPC total IPC denrées alimentaires

prix à la production prix des moyens de production

13 Il convient de relever que, dans l’hôtellerie et la res-tauration, certaines prestations ne sont que partielle-ment négociables.

14 Compte tenu des données, nous avons choisi ici la base1992=100.

15 Cette augmentation de la productivité relative du tra-vail, en particulier par rapport à l’Allemagne, a contri-bué de manière décisive à la divergence entre lévolu-tion des coûts salariaux unitaires relatifs et celle dutaux de change réel après 1996 (voir graphique 2.18).

Graphique 2. 19 : évolution des prix de produits agricoles (=prix à la production),moyens de production et biens de consommation (Indice 1990 = 100)

Source : OFS; USP

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Rapport annuel 2004

23 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

gagné en importance. Elles sont, dans leur ma-jorité, fournies comme produits couplés de laproduction.

En dépit des grands progrès réalisés en ma-tière de production écologique et multifonc-tionnelle, la situation économique de bien desexploitations est défavorable et la compétitivitédes produits agricoles sur les marchés nationauxet internationaux est souvent encore insuffisan-te.

Le graphique 2.19 montre l’évolution desprix à la production des produits agricoles, desprix d’achat des moyens de production agricoleet des prix à la consommation des denrées ali-mentaires ainsi que des biens de consommationdans leur ensemble. Depuis 1990, les prix à laproduction ont chuté de près de 25 %. Une légè-re amélioration a été perceptible ces dernierstemps,car la baisse des récoltes de différents pro-duits, due à la sécheresse de l’année 2003, s’estrépercutée sur les prix. Durant la même pério-de, les prix d’achat des moyens de productionagricole sont restés assez stables. Cette stabilitéest due essentiellement au fait que l’agricultureproduit elle-même les matières premières né-cessaires pour une partie de cette consommationintermédiaire (par ex. composants du fourrage)et les cède à un bon prix aux entreprises enamont (par ex. fabricants de fourrage). Les prixdes prestations anticipées qui sont fournies en-tièrement par d’autres branches (par ex. agentsénergétiques et lubrifiants, investissements etentretien des machines et des bâtiments) ontrenchéri (+ 5,7 % depuis 1997;16 source USP).Endépit de l’effondrement, déjà mentionné, desprix à la production des produits agricoles et desmatières premières alimentaires, les prix à laconsommation des denrées alimentaires et desboissons ont augmenté. Selon les calculs effec-tués par la Section Observation du marché del’Office fédéral de l’agriculture, les marges detransformation et de commerce ont, dans les ca-tégories observées (fruits et légumes, viande etlait), sensiblement augmenté depuis 1999. Mal-gré tout, l’influence favorable des prix des den-rées alimentaires a nettement freiné le niveau gé-néral du coût de la vie. Si l’indice de ce coût (IPCtotal) a augmenté de 25 points depuis 1990, lesprix des denrées alimentaires n’ont progresséque de 16 %.

2.4 Finances publiques, politique financière

2.4.1 Tendances actuellesAprès l’excédent positif de 7,9 milliards de

francs au total enregistré en l’an 2000, la situa-tion financière de la Confédération, des cantonset des communes n’a cessé de se dégrader. En2003, ces collectivités ont accusé un déficit quidevrait s’élever à 6,2 milliards de francs (1,4 %du PIB).17 Cette détérioration est due en majeu-re partie à l’évolution des recettes de la Confé-dération qui ont diminué de 8,7 % au total entre2000 et 2003. Les pertes les plus marquées ontété enregistrées dans le domaine de l’impôt an-ticipé et des droits de timbre dont les recettes,dopées par la flambée de la bourse, avaient auparavant substantiellement augmenté. Lesrecettes de nature non fiscale (surtout les rem-boursements de prêts accordés à l’assurance-chômage) ont également été en recul.Rétrospec-tivement,on constate que le résultat favorable del’année 2000 est imputable dans une large me-sure à des influences particulières. De 2000 à2003, les autres recettes fiscales de la Confédéra-tion ont progressé en moyenne de 2,6 % par an-née, contre 1,6 % pour celles des cantons et descommunes. Ainsi, la croissance des recettes, cor-rigée des influences particulières mentionnées, aété supérieure à celle du PIB nominal tempéréepar la faiblesse conjoncturelle qui se manifestedepuis 2001. Ce résultat peut être imputé à l’ef-fet retardé de l’imposition et à la progression desimpôts directs des ménages. Dans le mêmetemps, les dépenses ont, au total, progressé en-core plus fortement, puisque leur croissance an-nuelle a été supérieure à 3 %.En termes réels (dé-flateur PIB), l’augmentation a atteint 2,1 % paran. Elle est à mettre essentiellement sur le comp-te des cantons (4,5 % par an). La progression desdépenses de la Confédération et des communesa en effet été plus modérée, puisqu’elle s’est éta-blie à resp. 2,1 % et, approximativement, 2,4 %par an. Le besoin de rattrapage, notamment auniveau des salaires des employés de l’Etat, qui ré-sulte de la phase d’économies de la deuxièmemoitié des années nonante, peut expliquer lahausse des dépenses. De plus, les apports finan-ciers que les collectivités ont dû verser à leursinstitutions n’ont cessé d’augmenter.Dans le do-maine de la santé, les cantons ont dû faire face àdes dépenses supplémentaires en raison notam-ment de l’augmentation des contributions né-cessaires au fonctionnement des hôpitaux (par-ticipation aux coûts des assurés en privé etsemi-privé).

La tendance négative se maintient en 2004. Ilfaut s’attendre, selon les données budgétairesdisponibles, à un déficit total du budget publicde 9,7 milliards de francs (2,2 % du PIB). Les re-cettes devraient, globalement, enregistrer unefaible croissance estimée à 1,1 %. La récente fai-

Tableau 2.1

variations, de mai 1997 à mai 2004, des prix des biens de consommation, des produits agricoles et des moyens de production agricole, en pour-cent

Prix à la con- Prix agricoles Prix d’une sélection de moyenssommation (IPC) à la production de production

Total Denrées Total Aliments Entretien des Energie et Investisse-alimentaires pour machines lubrifiants ments dans les

animaux machines(notamment)

6.1 9.4 –6.0 1.2 –7.9 13.1 15.6 10.0

16 Suite à la révision de l’indice des moyens de produc-tion agricole intervenue en mai 1997, il n’est pas pos-sible de procéder à une indexation rétroactive pour1990, les groupes étant désormais différents. Les mo-difications de l’indice pour la période allant de 1997 à mai 2004 sont mises en évidence dans le tableau ci-dessous pour permettre d’établir une comparaisondirecte.

17 Nous disposons pour l’année 2002 et les années anté-rieures, de valeurs définitives de la statistique finan-cière (voir Administration fédérale des finances :Finances publiques de Suisse 2002, Statistique de laSuisse, OFS, Neuchâtel 2004). Pour l’année 2003, nousdisposons des comptes de la Confédération et des can-tons ; ces derniers ne sont toutefois pas encore établisselon la systématique uniforme de la statistique finan-cière. Les données concernant les années 2003 etsuivantes sont donc des estimations propres qui sebasent autant que possible sur les résultats descomptes, les budgets et les plans financiers de l’éche-lon étatique concerné. Les données relatives à laConfédération contiennent - faute d’autres indications– une correction dont le but est de tenir compte desdépenses effectives du Fonds pour les grands projetsferroviaires et du domaine des EPF (correction FTP etEPF).

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2. Situation économique et macropolitique

24 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

blesse de la conjoncture se répercute de plus enplus sur les impôts directs. En revanche, la crois-sance des dépenses demeure relativement élevéepuisqu’elle atteint 3 %. La hausse des dépensesde personnel ainsi que des biens et services perdde sa force alors que les dépenses d’investisse-ment se contractent. S’agissant en revanche descontributions courantes, l’accélération sensiblese poursuit. C’est surtout la Confédération qui,cette année, est à l’origine de la croissance desdépenses.

Selon le budget de la Confédération, les re-cettes devraient, en 2004, augmenter à nouveaude 1,7 %, par rapport aux comptes 2003. S’agis-sant de l’impôt anticipé, des droits de timbre etde la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), on s’attendà une embellie par rapport au niveau de 2003 qui

était inférieur à la moyenne pluriannuelle. Lesrecettes des impôts fédéraux directs devraient setasser en raison de la faible croissance des reve-nus, de la réduction des gains des entreprises en-registrés ces dernières années ainsi que des plusfaibles rentrées des périodes précédentes. Il fautaussi tabler sur une nouvelle diminution des re-cettes provenant des investissements. En re-vanche, la croissance des dépenses attenduepour l’année en cours est prononcée – elle atteint(sans la correction FTP et EPF) 5,2 % – surtoutcompte tenu de la réduction de quelque 1 mil-liard de francs des dépenses opérées dans lecadre du programme d’allègement budgétaire03 (800 millions de francs) et du blocage des cré-dits (230 millions de francs) qui touche en ma-jeure partie les contributions courantes et lescontributions aux investissements (dans le do-maine des transports en particulier). Une partconsidérable de l’augmentation est toutefois im-putable aux dépenses extraordinaires, notam-ment pour le transfert dans la caisse de pré-voyance Publica des professeurs de l’EPF soumisencore à l’ancien droit. Sans cette position, laprogression des dépenses serait de 2,9 %. Uneaugmentation sensible est budgétée pour les in-térêts passifs. Les contributions courantes, sansles dépenses extraordinaires, accusent une haus-se de 4 %. Les dépenses de personnel enregis-trent aussi une progression de 3,9 % qui est doncsupérieure à la moyenne,mais celle-ci est en par-tie compensée par les crédits d’achats de biens et services. S’agissant des dépenses de consom-mation, la croissance prévue atteint seulement0,9 %. Quant aux contributions aux investisse-ments, elles enregistrent même un recul.

Le déficit de la Confédération devrait donc,selon ce budget, atteindre 4,6 milliards de francsen 2004 (sans la correction FTP et EPF). Il fautrelever que les dépenses exceptionnelles pour laprévoyance professionnelle que nous avonsmentionnées ne sont pas soumises au frein àl’endettement. Le déficit restant de 3,5 milliardsde francs peut être comparé avec, selon la mé-thode de calcul de l’Administration fédérale desfinances (AFF) pour le frein à l’endettement, unexcédent de dépenses de 500 millions de francs,compatible avec la conjoncture. Afin d’éviterque les dispositions du frein à l’endettementn’exigent d’autres réductions drastiques des dé-penses durant l’année en cours, la loi sur les fi-nances de la Confédération a été révisée de sor-te que la part structurelle du déficit, budgétée à3 milliards de francs, devra être éliminée dans lesannées 2005–2007 seulement, par tranches d’unmilliard de francs. En tenant compte des dé-penses effectives du Fonds pour les grands pro-jets ferroviaires (FTP) et du domaine des EPF, ledéficit 2004 de la Confédération devrait passer àquelque 6 milliards de francs.

Dans les cantons et les communes, la crois-sance des recettes demeure également faible en

10000

5000

0

–5000

–10000

–15000

–20000

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Graphique 2.20 : soldes budgétaires de la Confédération, des cantons et des communes (en millions de CHF)

Sources : AFF : Finances publiques en Suisse 2002 ; 2003-2005 estimations propres.

14%

12%

10%

8%

6%

4%

2%

0%

–2%

–4%

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

Dépenses

Recettes

Tableau 2.2

soldes budgétaires de la Confédération, des cantons et des communes (en millions de CHF)

2000 2001 2002 2003 2004 2005

Confédération 3786 –1701 –496 –3830 –6000 –3000

Canton 2624 1291 –301 –2900 –3600 –2000

Communes 1469 1324 1103 500 –100 100

Etat dans son ensemble1 7879 915 307 –6200 –9700 –4900

1 Sans les assurances sociales. Sources : AFF : Finances publiques en Suisse 2002 ; 2003–2005 estimations propres.A l’exclusion des doubles imputations.

Graphique 2.21 : recettes et dépenses de la Confédération, des cantons et des communes(taux de croissance par rapport à l’année précédente, en pour-cent)

Sources : AFF : Finances publiques en Suisse 2002 ; 2003-2005 estimations propres.

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Rapport annuel 2004

25 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

2004 en raison de la morosité conjoncturelle af-fichée l’année précédente. Au vu des budgetsprovisoires des cantons, il faut s’attendre à uneaugmentation, pratiquement inchangée, de1,7 % des recettes. Quant à la croissance des dé-penses, elle devrait continuer à faiblir pour sefixer à 2,2 %. La hausse des dépenses de consom-mation ne correspond plus guère au taux derenchérissement et il faut s’attendre à une stag-nation des dépenses d’investissement. La pro-gression des contributions à des dépenses cou-rantes demeure supérieure à la moyenne. Ledéficit des cantons va dès lors s’alourdir pour at-teindre probablement près de 3,6 milliards defrancs. Les recettes des communes ne devraientque légèrement se développer. Quant à leurs dé-penses, elles évolueront à un rythme plus faibleque celles des cantons. Le déficit des communesdevrait donc être minime.

2.4.2 Perspectives pour 2005En raison de la reprise économique qui s’est

amorcée, les recettes vont probablement croîtrede manière à nouveau plus soutenue en 2005 etafficher une hausse d’environ 4 %. Du côté desdépenses, les impératifs d’économies qui résul-tent des déficits enregistrés se renforcent.La pro-gression des dépenses devrait donc faiblir, suiteaussi à la disparition des effets de rattrapage. Lesdépenses de consommation et les investisse-ments devraient reculer en termes réels, et le ra-lentissement de la croissance des contributionsà des dépenses courantes devrait être sensible.Selon ce scénario, le déficit global de l’Etat seraprobablement ramené à quelque 4,9 milliards defrancs (1,1 % du PIB) en 2005.

Le budget de la Confédération pour 2005prévoit une croissance de 5,8 % pour les recetteset de 2,2 % pour les dépenses (par rapport aubudget 2004, hormis les dépenses extraordi-naires en 2004 et sans la correction FTP et EPF).L’excédent de dépenses se réduit ainsi à 1,8 mil-liard de francs, montant compatible avec le freinà l’endettement. L’AFF table désormais pour2005 sur une croissance conjoncturelle vigou-reuse qui, selon les règles du frein à l’endette-ment, exige un excédent de 150 millions defrancs, alors que le déficit structurel autorisé envertu du plan de réduction fixé dans la loi sur lesfinances de la Confédération se monte encore à2 milliards de francs. Côté recettes, la croissanceest essentiellement le résultat d’une nouvelleamélioration du produit de l’impôt anticipé etdes droits de timbre ainsi que de l’augmentationenregistrée par la TVA suite à la reprise conjonc-turelle. De plus, les rentrées des impôts fédérauxdirects croissent à nouveau et le produit de la re-devance sur le trafic des poids lourds et de l’im-pôt sur le tabac évolue nettement à la hausse sui-te à une augmentation des taux.

La croissance modérée des dépenses est lefruit des mesures du programme d’allégement

2003 ainsi que d’autres réductions ciblées. Le ni-veau des dépenses est ainsi inférieur de 1,9 mil-liard de franc à celui prévu dans le plan financierde février 2004. Les parts aux recettes fédérales(parts des cantons à l’impôt fédéral et à l’impôtanticipé) augmentent de près de 10 % et lescontributions aux investissements accusent unehausse de 5,5 %. Le budget prévoit en revancheun recul de 1,4 % des dépenses de consomma-tion.Ce sont les dépenses de personnel et d’équi-pement qui vont faire les frais de cette réduction,alors que les charges de biens et de services pro-gressent légèrement. Les contributions cou-rantes (à l’exclusion des dépenses spéciales2004) ne s’accroissent que modérément (2 %),tout comme les intérêts passifs. En incluant lesdépenses extraordinaires en l’an 2004, il fautdonc s’attendre à une stagnation des dépenses enl’an 2005. Le déficit de la Confédération se ré-duit à quelque 3 milliards de francs, correctionFTP et EPF comprise.

Dans les cantons et les communes, l’aug-mentation des recettes sera aussi plus forte enraison de la reprise conjoncturelle qui se mani-feste cette année. Leur progression devrait êtrede respectivement 4 et 3 %. Cette estimationsuppose que, vu la situation déficitaire de leursfinances, les cantons, contrairement aux com-munes, fassent preuve de davantage de retenueen matière de révisions fiscales pour compenserles effets de la progression des impôts sur le re-venu. En matière de dépenses, on peut admettreque la récente dégradation de l’évolution desbudgets, surtout dans les cantons, va entraînerune réduction des dépenses qui va ralentir en-core la croissance. Celle-ci devrait donc at-teindre tout juste 1,7 %. Différents cantons telsceux de Zurich, Lucerne et Saint-Gall ont déci-dé des programmes d’économies. Il faut s’at-tendre à une diminution réelle des dépenses quisera légère dans le domaine du personnel ainsique des biens et services et sensible dans le sec-teur des investissements. Les transferts courantsà des tiers devraient continuer à se développer,mais à un rythme plus faible. Dans ces condi-tions, les cantons devraient voir, l’an prochain,leur déficit se réduire à 2 milliards de francs.Dans les communes, moins concernées par lesmesures d’économie, les dépenses devraientprogresser de 2,4 %, de sorte que les excédentsvont quand même à nouveau très légèrements’accroître.

Pour évaluer l’influence des finances pu-bliques sur l’évolution de la conjoncture, on nepeut se fonder sur le solde effectif du budget ; ilfaut également tenir compte des effets conjonc-turels. Selon une simple règle générale, l’effet del’Etat sur la conjoncture est neutre si les fluctua-tions cycliques des recettes sont acceptées ; dansce cas, le solde structurel demeure constant.18 Iln’est toutefois pas facile d’opérer une distinctionclaire entre la partie conjoncturelle et la partie

18 Cette conception repose sur l’opinion, largement ac-ceptée dans les milieux spécialisés, selon laquelle leseffets directs d’une augmentation du déficit de l’Etatsur la conjoncture sont positifs. Ces dernières années,quelques auteurs ont toutefois évoqué la possibilitéd’effets indirects – notamment sur les attentes des acteurs économiques – qui pourraient agir en senscontraire. Une réduction du déficit de l’Etat et desdettes publiques pourrait donc avoir un impact positif.Ces effets «non keynésiens» sont cependant liés à desconditions déterminées (par ex. perte de confiancedes marchés financiers dans la solvabilité de l’Etat,existence d’une spirale salaire/prix, etc.), qui ne sontpas réalisées en Suisse.

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2. Situation économique et macropolitique

26 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

structurelle du déficit public. Le calcul du soldestructurel suppose une évaluation de la poten-tielle de l’économie dans son ensemble qui per-met de déterminer le taux d’utilisation des ca-pacités. On dispose à cet effet de différentesméthodes dont les résultats peuvent, selon les circonstances, considérablement diverger.19

Pour calculer le plafond de dépenses autoriséesselon le frein à l’endettement, l’AFF utilise unfiltre Hodrick-Prescott (modifié). Celui-ci apour particularité que la tendance du PIB, quisert d’indicateur pour la production potentielle,tend à la limite actuelle vers le PIB effectif de sor-te que l’écart de production a tendance à êtresous-estimé.20

Pour la période 2001–2004,on peut admettreque la détérioration des finances de l’Etat n’étaitque partiellement due à la conjoncture. La poli-tique financière, comme il se doit, soutenu l’ac-tivité économique globale. Pour l’année 2005,son effet sera en revanche restrictif, en raison dela croissance, probablement encore faible, desdépenses. Il en résulte une diminution de la part

structurelle du déficit. La croissance plus élevéedes recettes est, par contre, aussi fonction de laconjoncture.

2.4.3 Indicateurs fiscaux en comparaison internationale

Les quotes-parts financières (quotes-partsfiscale, d’impôt, sociale et de l’Etat) calculées parl’AFF (Section Péréquation financière et statis-tique) ont récemment été révisées. D’une part,les contributions en faveur de l’assurance-mala-die et de la CNA n’entrent plus dans les quotes-parts sociale et fiscale, car, selon les directives del’OCDE, ces institutions ne sont pas considéréescomme des assurances sociales obligatoires pu-bliques. D’autre part, le dénominateur, à savoirle PIB, est désormais établi selon le SEC95 et nonplus le SEC78, ce qui affecte aussi la quote-partdes impôts et la quote-part de l’Etat. Il en résul-te des valeurs plus basses que selon l’ancien mo-de de calcul et la hausse enregistrée depuis 1990est plus modérée,comme le montre le graphique2.22 en prenant pour exemple la quote-part fis-cale. Cette quote-part sert d’indicateur quantaux prélèvements opérés par l’Etat sur les reve-nus.

La quote-part de l’Etat (part des dépensesétatiques au PIB) a nettement augmenté de 2000à 2001. Cette tendance à la hausse devrait per-sister, bien que légèrement atténuée, jusqu’en2004. Ce phénomène s’explique notamment parla croissance relativement élevée des dépenses.Par ailleurs, la faible augmentation du PIB, dueà la conjoncture, provoque une hausse du déno-minateur moins forte qu’elle ne l’est en moyen-ne sur le long terme. Une comparaison avec despays sélectionnés de l’OCDE montre cependantque le niveau de la quote-part de l’Etat en Suis-se se situe encore dans la zone inférieure du mi-lieu du classement.21 En raison de la croissanceplus faible des dépenses et de l’amélioration dela conjoncture, la quote-part de l’Etat devrait ànouveau diminuer en l’an 2005.

Le taux d’endettement brut s’est égalementaccru depuis l’an 2000 et cette tendance va sepoursuivre, elle aussi, jusqu’en 2004. On peutensuite s’attendre à une stabilisation en l’an2005. Cette augmentation enregistrée depuisl’an 2000 ne peut être entièrement attribuée auxdéficits des comptes annuels. Une partie est dueà des mesures affectant le bilan hors du comptefinancier, telles que, par exemple, dans le passé,l’augmentation du capital des caisses de pensionde la Confédération et de ses anciennes régies.La comparaison internationale montre, là aussi,que la position de la Suisse demeure relative-ment favorable. D’autre part, pour estimer lafortune des collectivités publiques, il serait plusjuste de se baser sur la dette nette, qui tientcompte des dettes par rapport aux valeurs patri-moniales. On ne dispose pas en Suisse de don-nées portant sur l’ensemble des finances pu-

40%

35%

30%

25%

20%

ancien

nouveau19

90

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Explication:ancien: y compris l’assurance-maladie/CNA,

PIB selon le SEC78 nouveau: sans l’assurance-maladie/CNA,

PIB selon le SEC95

Tableau 2.3

Quotes-parts de l’Etat en comparaison internationale1

finances publiques et assurances sociales obligatoires (en pour-cent du PIB)

1990 2000 2003 2005

Etats-Unis 36.6 33.7 35.7 35.2

Australie 36.2 35.6 36.4 36.2

Suisse 31.5 36.1 38.9 38.3

Grand-Bretagne 42.2 37.0 42.6 43.3

Japon 31.7 38.2 37.7 36.6

Espagne 43.4 40.0 39.5 39.1

Canada 48.8 41.0 40.1 39.9

Pays-Bas 54.8 45.3 48.9 46.9

Allemagne 44.5 45.7 48.9 47.1

Italie 54.4 46.9 48.9 49.0

Belgique 53.4 49.4 51.4 50.0

Autriche 53.1 52.3 51.2 50.2

France 50.7 52.5 54.5 53.4

Suède 60.7 57.3 58.2 57.9

OCDE 40.1 39.0 40.7 40.1

1 Classement selon le montant de la quote-part Sources : OCDE Economic Outlook, juin 2004 ; Suisse : AFF Section Péréquationde l’Etat 2000 financière et statistique, août 2004 ; 2003/2005 : estimations propres

Graphique 2.22 : quote-part fiscale (recettes fiscales en pour-cent du PIB)

Sources : AFF, Section Péréquation financière et statistique, août 2004.

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Rapport annuel 2004

27 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

bliques. Il ressort des informations disponiblespour la Confédération et les cantons que la det-te nette est sensiblement plus faible que la dettebrute. Une comparaison entre les intérêts passifset les revenus des valeurs patrimoniales, pourlesquels on dispose aussi de données des com-munes, fournit une indication semblable. Ellemontre que les revenus de la fortune couvraienten moyenne 87 % des intérêts passifs entre 1990et 2000.22 Comme ces données soulèvent de grosproblèmes d’évaluation et de délimitation, onpeut simplement en déduire, d’une manière gé-nérale, que, face à la dette brute de l’Etat, ontrouve des valeurs patrimoniales d’un montantconsidérable. S’agissant des assurances sociales,il y a lieu de relever avant tout la position patri-moniale élevée du deuxième pilier. Dans cetteprise en compte, il y aurait lieu toutefois d’in-clure des engagements futurs non couverts, aux-quels il faut s’attendre sous le régime en vigueur,notamment dans l’assurance sociale.

2.5 Situation et politique monétaires

2.5.1 La stratégie monétaire de la Banque nationale suisse

Depuis le début de l’an 2000, la Banque na-tionale applique une stratégie monétaire qui re-pose sur trois éléments. Premièrement, la poli-tique monétaire est axée en priorité sur lemaintien de la stabilité des prix, ce qui signifiequ’elle doit empêcher tant l’inflation que la dé-flation. Concrètement, cet objectif est atteintlorsque la hausse annuelle de l’indice suisse desprix à la consommation se situe entre 0 % et 2 %.Deuxièmement, la Banque nationale fonde sesdécisions de politique monétaire sur une prévi-sion d’inflation pour les trois prochaines années.

Cet horizon prévisionnel tient du retard avec le-quel les impulsions venant de la politique mo-nétaire sont transmises. Troisièmement, sur leplan opérationnel, la Banque nationale fixe pourle Libor à trois mois une marge de fluctuationd’un point de pourcentage. Pour gérer le marchémonétaire, elle utilise essentiellement les pen-sions de titres à court terme.23

La Banque nationale réexamine sa politiquemonétaire à un rythme trimestriel. En cas de dé-veloppements imprévus, elle peut aussi adapterla marge de fluctuation du Libor à trois moissans attendre le prochain examen trimestriel.Une particularité, souvent ignorée, des prévi-sions d’inflation de la Banque nationale est dereposer sur l’hypothèse d’un Libor à trois moisconstant. Ces prévisions indiquent l’évolutionfuture des prix sous la condition que le cours dela politique monétaire demeure inchangé pen-dant trois ans. Elles incluent donc sciemment lapossibilité que la stabilité des prix, telle qu’elle aété définie, ne soit pas respectée pendant la pé-riode sur laquelle porte la projection. De tellesprévisions signalent qu’il faut s’attendre dans unproche avenir à une modification du cours de lapolitique monétaire. Elles ne disent toutefoisrien sur le moment précis et l’ampleur du chan-gement. En revanche, les prévisions d’autres ins-titutions contiennent de façon caractéristiquedes hypothèses concrètes sur les réactions à at-tendre de la politique monétaire pendant la pé-riode sur laquelle porte la projection.

2.5.2 Politique monétaire 2003 – 2004Dernier assouplissement en mars 2003

Ces dernières années, la Banque nationale adonné à sa politique monétaire un cours de plusen plus expansif. La marge de fluctuation du Li-bor à 3 mois qui était encore de 3,5 % au début2001 a, jusqu’en juillet 2002, été ramené en cinqétapes à 0,75 %. En mars 2003, elle a encore étéréduite d’un demi-point de pourcentage pour sefixer à 0,25 % . Sur le plan technique, cette dé-marche exigeait un rétrécissement de la margede fluctuation à 0 %–0,75 %,combiné avec la dé-claration d’intention de maintenir jusqu’à nou-vel avis le Libor à 3 mois dans la zone inférieurede cette marge. Ce dernier assouplissement a étédécidé lorsqu’il est apparu que la relance atten-due de la conjoncture serait une fois de plus re-tardée, en raison tout particulièrement de l’im-minence d’une guerre en Irak. En outre, lapression à la hausse exercée sur le franc, liée àl’insécurité de la situation géopolitique, mena-çait d’aggraver les conditions monétaires. Dansces circonstances, la Banque nationale a estiméjudicieux de baisser une fois encore les taux d’in-térêt pour que les placements en francs restentpeu attrayants.

Selon la prévision d’inflation établie en mars2003 sur l’hypothèse d’un Libor à trois moisconstant de 0,25 %, le renchérissement devait at-

Tableau 2.4

Taux d’endettement en comparaison internationale1

Dettes brutes Dettes nettes2

1990 2000 2003 2005 1990 2000

Australie 23.1 25.2 18.2 16.3 10.9 9.9

Suisse 29.9 49.9 55.6 55.8 pas d’indication

Grande-Bretagne 43.4 55.5 51.6 54.0 14.9 34.5

Pays-Bas 76.9 55.9 54.8 58.7 35.5 44.5

Etats-Unis 66.6 58.8 62.8 65.0 49.9 43.0

Allemagne 41.5 60.9 65.1 67.7 21.0 42.4

Suède 46.8 64.2 61.5 60.4 -7.6 1.4

France 39.5 65.2 71.1 76.9 17.5 34.8

Autriche 57.2 67.0 64.9 65.3 37.5 45.1

Espagne 48.8 72.3 65.0 61.5 31.8 42.8

Canada 74.5 82.0 75.6 69.9 43.3 44.9

Belgique 129.1 115.1 105.1 98.4 116.7 102.7

Italie 111.6 120.4 116.7 116.9 81.0 94.9

Japon 68.6 134.1 157.3 168.6 24.6 59.1

OCDE 61.1 71.6 76.0 78.9 35.7 42.2

1 En raison de définitions différentes, les taux d’endettement ne sont pas Sources : OCDE Economic Outlook, juin 2004 ; toujours comparables. (v. OCDE Economic Outlook) ; classement selon AFF Section Péréquation financière et statistique le montant du taux d’endettement brut 2000. août 2004 ; 2003/2005 : estimations propres.

2 Dettes brutes, déduction faite de la fortune financière.

19 Voir, par ex., Message concernant le programme d’allé-gement 2003 du budget de la Confédération (PAB 03)du 2 juillet 2003, FF 2003, p. 5091.

20 Ainsi l’AFF estime que l’économie suisse connaîtra ànouveau une croissance vigoureuse en 2005, si bienque le compte d’Etat devrait présenter un excédent. Si pour estimer l’évolution potentielle, on se base nonpas sur la tendance selon le filtre Hodrick-Prescott,mais sur une croissance de 1,5 % en termes réels, lespertes cumulées en raison de l’évolution économiquerécente atteignent quelque 800 millions de francsdans le seul domaine des impôts fédéraux directs.

21 Concernant le problème de la comparaison internatio-nale des indicateurs fiscaux, voir rapport annuel de laCQC du 6 septembre 2002, p. 44 ss.

22 Voir Administration fédérale des finances : Financespubliques en Suisse 2002, Statistique de la Suisse,OFS, Neuchâtel 2004, tableau A 9.1.

23 Voir Thomas J. Jordan et Michel Peytrignet : la prévi-sion d’inflation de la Banque nationale suisse, Bulletintrimestriel no 2, juin 2001, Banque nationale suisse.L’article explique pourquoi la Banque nationale a choi-si de faire reposer sa politique monétaire sur une pré-vision d’inflation, comment la prévision est établie etcomment il faut l’interpréter. Il présente en outrebrièvement les divers modèles que l’institut d’émis-sion utilise pour établir sa prévision d’inflation.

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2. Situation économique et macropolitique

28 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

teindre des taux se situant entre 0,5 % et 1% jus-qu’au milieu de l’année 2004 puis, jusqu’à la finde l’horizon prévisionnel, s’accélérer pour s’éle-ver à 2,5 %, un taux qui n’est plus compatibleavec la définition de la stabilité des prix. Une tel-le prévision est caractéristique d’une situationdans laquelle la politique monétaire réagit à unegrande faiblesse conjoncturelle en misant surl’expansion. Un niveau très bas des taux d’inté-rêt entraîne nécessairement une expansion tropforte lorsque la situation conjoncturelle se nor-malise vers la fin de la période de projection. LaBanque nationale a toutefois estimé disposer desuffisamment de temps pour procéder, le mo-ment venu, à une correction de la politique mo-nétaire et maintenir ainsi le renchérissementdans la zone de stabilité des prix.

Vu la faiblesse persistante de la conjoncture,la Banque nationale a décidé, lorsqu’elle a exa-miné la situation en juin, septembre et décembre2003, de poursuivre sa politique expansionnisteavec une valeur cible du Libor à trois mois de0,25 %. Après avoir, en mars déjà, ramené à toutjuste un pour-cent le taux de croissance prévupour 2003, elle a, en milieu d’année, tablé surune stagnation et, par la suite, sur un recul duproduit intérieur brut en l’an 2003. Dans cetteperspective, la dépréciation du franc intervenueaprès la décision de mars 2003 concernant lestaux d’intérêt, devait être jugée comme un as-souplissement bienvenu des conditions moné-taires. Mais si le cours du franc a baissé par rap-port à l’euro, il a augmenté par rapport au dollarde sorte que la stimulation de l’économie par lestaux de change a été limitée.

En raison du retard de la reprise conjonctu-relle, les taux de renchérissement pronostiquésen juin, septembre et décembre, dans l’hypothè-se d’un Libor à trois mois constant à 0,25 %,étaient tous légèrement inférieurs aux valeursprévues en mars.Mais ces prévisions signalaient,tout comme celle de mars,une nette accélérationde l’inflation, dépassant la zone de stabilité desprix, vers la fin de la période de projection.

Hausse des intérêts en juin 2004Lors de son appréciation de la situation de

mars 2004, la Banque nationale a estimé que lemoment de donner à sa politique monétaire uncours plus restrictif n’était pas encore venu. Grâ-ce aux conditions monétaires favorables ainsiqu’à l’amélioration de la conjoncture interna-tionale durant la deuxième moitié de 2003,l’économie suisse sentait nettement le vent de lareprise. Mais des doues subsistaient quant à ladurabilité de la relance. Dans cette situation, laBanque nationale ne voulait pas compromettrele processus de reprise par un relèvement pré-maturée des taux d’intérêt.

Le maintien des intérêts à un bas niveau a en-traîné une croissance considérable des agrégatsmonétaires. La Banque nationale a toutefois es-

timé qu’il fallait, pour différentes raisons, relati-viser les risques ainsi encourus par la stabilité desprix. D’une part, l’évolution des crédits accordéspar les banques était très modérée. D’autre part,la forte croissance de la masse monétaire étaitimputable en partie à une préférence accruepour les liquidités manifestée par des investis-seurs dont la confiance était ébranlée. C’est ain-si qu’en 2003, des placements fiduciaires enfrancs suisses de l’étranger sont revenus sur descomptes à vue en Suisse. Ces fonds parqués tem-porairement en Suisse gonflent la croissance dela masse monétaire, mais ne représentent qu’unfaible potentiel d’inflation. Enfin, la Banque na-tionale a considéré que, même si la productionaugmentait à nouveau, l’économie allait, pen-dant longtemps encore, opérer en dessous de seslimites de capacité et ferait donc preuve de rete-nue en matière de hausse des prix.

Ces derniers mois, la conjoncture suisse jouitd’une assise toujours plus large. Si le processusde redressement a, dans un premier temps, étésoutenu presque exclusivement par les exporta-tions, il a, au printemps 2004, bénéficié de plusen plus de l’appui de la conjoncture intérieure.Dans son appréciation de la situation en juin2004, la Banque nationale tablait sur une crois-sance économique proche de 2 % pour l’annéeen cours et, pour 2005, sur une nouvelle accélé-ration vers une situation conjoncturelle norma-le. Compte tenu de cette amélioration des pers-pectives conjoncturelles, la Banque nationale aprocédé, en juin 2004, à un changement prudentde cap. Elle a décidé de relever de 0,25 point lamarge de fluctuation du Libor à trois mois, mar-ge qui passe ainsi de 0 % à 1 %, et de maintenirjusqu’à nouvel avis le Libor à trois mois dans lazone médiane de la marge de fluctuation, c’est-à-dire autour de 0,5 %.

Par rapport à l’examen de la situation demars, ce léger resserrement de la politiquemonétaire n’a eu qu’un très faible impact sur laprévision d’inflation, l’appréciation des perspec-tives économiques réelles étant presque con-cordante.Les taux de renchérissement prévus parla Banque nationale en juin 2004 sont de l’ordrede 1% jusqu’à la fin 2005. En raison de la haussedes produits pétroliers, le renchérissement sera,dans un premier temps, un peu plus élevé queprévu en mars 2004. Mais à partir du deuxièmetrimestre 2005, il sera quelque peu inférieur à cesprévisions à cause de la politique monétaire lé-gèrement plus restrictive. Par la suite, l’inflationfait une nette remontée, conformément aux pré-visions de mars déjà, pour atteindre, à la fin de lapériode de projection (1er trimestre 2007) untaux de 3,2 % dépassant de loin la limite des 2 %.La Banque nationale a dès lors souligné que sapolitique monétaire reste expansionniste etqu’elle devra probablement relever une nouvellefois le Libor à trois mois dans un proche avenirpour assurer la stabilité des prix.

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Rapport annuel 2004

29 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

2.5.3 Taux d’intérêt suisses à court et à longterme en comparaison internationale

Les banques centrales de la plupart des paysindustrialisés ont également poursuivi leur po-litique monétaire expansionniste en 2003. Labanque d’émission américaine (FED) a réduit letaux de l’argent au jour le jour de 0,25 point depourcentage à 1% en juin 2003. La Banque cen-trale européenne (BCE) a baissé son taux direc-teur d’un quart de point à 2,5 % en mars et d’undemi-point à 2 % au début juin. En février et enjuillet, la Banque d’Angleterre a diminué le tauxdirecteur de 0,25 point de pourcentage à chaquefois pour le ramener à 3,5 %, avant de procéder,en novembre 2003, à un léger relèvement de cetaux qui s’est fixé à 3,75 %. La Banque centralejaponaise a poursuivi ses efforts en vue de stop-per la tendance déflationniste et de stimuler laconjoncture en accroissant les liquidités ban-caires.Le taux japonais de l’argent au jour le jour,qui était déjà tombé pratiquement à zéro en2001, est resté à ce niveau plancher.

La phase d’assouplissement de la politiquemonétaire a pris fin au cours du premier se-mestre 2004 dans les pays industrialisés. Le tauxdirecteur est resté inchangé à 1% aux Etats-Unis,2 % dans la zone euro et il est demeuré prochede zéro au Japon. Depuis un certain temps déjà,la FED avait, dans ses communiqués, préparé lesmarchés à un relèvement des taux, dans le silla-ge de la vigoureuse reprise conjoncturelle. Elle adonc, comme on s’y attendait, porté le taux del’argent au jour le jour à 1,25 % en juin 2004 età 1,5 % en août. La Banque d’Angleterre, quiavait amorcé un revirement plus tôt déjà, a rele-vé son taux directeur de 0,25 point de pourcen-tage à chaque fois en février, mai, juin et août.Celui-ci a ainsi atteint 4,75 %. La BCE a en re-vanche estimé que le taux de 2 % était toujoursadapté à la situation conjoncturelle.

Si l’on considère la politique monétaire suis-se dans cet environnement international, onconstate que la Banque nationale a, en périodefaiblesse conjoncturelle, assoupli sa politique demanière relativement rapide et soutenue. Le Li-bor à 3 mois, qui s’établissait encore à 1,75 % audébut de l’année 2002, est tombé à 0,25 % jus-qu’en mars 2003, niveau auquel il est restéconstant jusqu’en juin 2004. Les taux d’intérêtpour les dépôts à trois mois en dollars et en eu-ros ont, durant la même période, accusé un re-cul plus lent et moins marqué, passant respecti-vement de 1,8 % à 1,1% et de 3,3 % à 2,1 %.L’écart entre les rémunérations servies sur le dol-lar et sur le franc ainsi que sur l’euro et sur lefranc s’est tout d’abord creusé. Il s’est toutefoisà nouveau quelque peu réduit suite aux mesuresd’assouplissement prises par la FED et la BCE enjuin 2003. Par rapport au dollar, l’écart qui étaitpratiquement nul au début de l’année 2002 a at-teint près d’un point de pourcentage jusqu’enmai 2003 pour varier ensuite dans une marge

étroite entre 0,7 et 1,1 point de pourcentage.L’écart entre les intérêts servis en euros et enfrancs qui était de 1,5 point au début de l’année2002, a atteint plus de 2,5 points jusqu’en au-tomne 2002. Il est retombé à 1,8 point en juin2003 suite à la baisse des taux d’intérêts en euroet a même chuté à 1,6 point après le relèvement,en juin 2004, du taux directeur en Suisse.

Dans les pays industrialisés, les rendementsdes emprunts d’Etat se sont encore légèrementcontractés au premier semestre 2003. Un ren-versement de tendance s’est manifesté dans lemonde entier en juin 2003. Aux Etats-Unis, lerendement des emprunts d’Etat à 10 ans a aug-menté de manière assez vigoureuse passant de3,3 % en juin 2003 à 4,4 % en août 2003 pours’établir finalement à 4,7 % en juin 2004. Dansla zone euro, le rendement de ces mêmes titres aprogressé de 3,7 % à 4,4 % entre juin et no-vembre 2003. Après un léger fléchissement, ils’est retrouvé à 4,4 % au milieu de l’année 2004.En juillet et en août 2004, les taux d’intérêt amé-ricains et européens à long terme ont toutefoisenregistré à nouveau un léger recul. La rémuné-ration des titres émis par l’Etat japonais n’a ces-sé de s’améliorer entre juin et septembre 2003,passant de 0,6 % à 1,5 %. Durant les mois d’été2004, elle a encore augmenté pour s’inscrire à1,8 %, avant de se contracter quelque peu enaoût. Le rendement des obligations de la Confé-dération, qui était de 2,4 % environ au début de2003, a atteint près de 2,7 % après le début de laguerre en Irak, puis a frisé la barre des 3 % deseptembre 2003 à janvier 2004. Après une phasede faiblesse au printemps 2004, il a grimpé versles 3 %, avant de retomber à 2,7 % en août. Lestaux d’intérêt suisses à long terme ont donc évo-lué presque parallèlement aux mêmes tauxétrangers, tout en affichant une progressiondans l’ensemble légèrement plus faible. L’écartde rendement avec les emprunts d’Etat euro-péens et surtout américains s’est donc quelquepeu creusé depuis le milieu de l’année 2003 jus-qu’en été 2004. Seul le rendement des empruntsd’Etat japonais a toujours été nettement infé-rieur à celui des emprunts de la Confédération.

2.5.4 Evolution du cours du francSur les marchés internationaux des devises, le

dollar a n’a cessé de perdre de sa valeur en 2003et au cours des deux premiers mois de l’année encours. Ce recul est vraisemblablement dû, enparticulier, à l’augmentation du déficit de la ba-lance des transactions courantes américaine ain-si qu’à la détérioration des finances publiques.De décembre 2002 au début de l’année 2004, ledollar a cédé 19 % face à l’euro, 13 % par rapportau yen et 15 % par rapport à la livre britannique.La valeur extérieure réelle du dollar, pondéréepar le commerce extérieur, a diminué de 12 %pendant cette période, après avoir déjà fléchi de5 % l’année précédente. A l’inverse, l’euro s’est

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2. Situation économique et macropolitique

30 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

nettement apprécié. En février 2004, le coursdollar/euro s’est inscrit à 1,27, en progression de24 % par rapport au niveau atteint à la fin 2002.Durant la même période, l’euro a gagné resp.5 % et 8 % par rapport à la livre britannique etau yen. Le dollar est parvenu à se stabiliser cesderniers mois. Son cours par rapport à l’euro estresté assez constant autour de 1,21 depuis lemois de juin 2004.

Pendant plus d’une année, le cours franc/euro a évolué dans une marge étroite de 1,46 à1,48. Après la baisse à 0,25 % du Libor à 3 moisen mars 2003, cette phase de force du franc a prisfin. Jusqu’en juillet 2003, l’euro a renchéri pours’établir à 1,55 franc. Ce nouveau rapport dechange est demeuré assez stable pendant un cer-tain temps. Il a fallu attendre mai et juin 2004pour assister à une appréciation provisoire dufranc. En août 2004, le cours franc/euro s’éta-blissait à nouveau à près de 1,54. Grâce à la dé-préciation du franc par rapport à l’euro pendantles mois de mars à juillet 2003, la croissance pro-gressive de la valeur de l’euro par rapport au dol-lar ne s’est plus guère reportée, durant cettepériode sur le cours franc/dollar. En juillet 2003,le cours du franc avait chuté de 5 % face à l’europar rapport au mois de mars. Il était en revanchepratiquement inchangé face au dollar, à environ1,36 franc/dollar. De juillet 2003 à janvier 2004,le franc a de nouveau évolué plus ou moinsparallèlement à l’euro face au dollar. En jan-vier 2004, le dollar coûtait encore 1,24 franc.Après être grimpé provisoirement à 1,30, lecours franc/dollar a varié autour de 1,25 de juinà août 2004.

La valeur extérieure réelle du franc, pondéréepar les parts aux exportations, a chuté de 5 %entre janvier et septembre 2003, réduisant ainside près de moitié l’appréciation enregistrée lestrois années précédentes. De septembre 2003 àavril 2004, la valeur extérieure réelle est restéeplus ou moins constante, car l’appréciation parrapport au dollar a été contrebalancée par unelégère dépréciation par rapport à l’euro plus for-tement pondéré. Au cours des mois de mai àjuillet, le franc s’est à nouveau quelque peu ap-précié.

2.5.5 Cours des actions, recours au marché des capitaux et volume des crédits

Après deux années de baisse, le Swiss Perfor-mance Index (SPI) a progressé de 22 % en 2003.La tendance négative a toutefois persisté aucours des trois premiers mois de l’année. Maisdepuis le déclenchement de la guerre en Irak, leSPI a entamé une remontée presque ininter-rompue jusqu’en décembre 2003. Ce sont lesbanques, le commerce de détail, ainsi que labranche de l’électricité, des machines et del’énergie qui ont réalisé les plus gros bénéficessur les cours. La hausse sur les marchés des ac-tions a tourné court cette année. Depuis le mois

de mars, aucune tendance claire n’est percep-tible. A la fin juin, le SPI avait, comme en févrierdéjà, un niveau supérieur de 5 % à celui enregis-tré à la fin 2003. Mais en juillet et en août, l’évo-lution a une nouvelle fois été majoritairementnégative. Seuls les secteurs de l’énergie, de laconstruction et des banques sont encore parve-nus à engranger de sensibles bénéfices sur lescours au premier semestre 2004.

Les fonds prélevés sur le marché suisse descapitaux ont été nettement plus importants en2003 que l’année précédente.Le prélèvement netpar les émissions publiques d’actions et d’obli-gations a atteint 23 milliards de francs, contre 17milliards l’année précédente. Son accroissements’explique avant tout par une hausse marquantedes fonds recueillis par des émissions suisses. Lesémissions en francs des emprunteurs suisses ontdoublé, passant de 3,7 à 7,6 milliards de francs.Contrairement à l’année précédente, les émis-sions d’actions ont été supérieures aux rem-boursements. Ainsi le prélèvement net a portésur 1,3 milliard de francs contre -1,7 milliardl’année précédente. La valeur des émissions enfrancs des emprunteurs étrangers est restée pra-tiquement inchangée à 14 milliards de francs.

Au premier semestre 2004, le recours au mar-ché des capitaux a été légèrement supérieur à lamoyenne semestrielle de l’année 2003, puisquele prélèvement net a porté sur 13,3 milliards defrancs. Les émissions en francs lancées par desdébiteurs suisses ont une nouvelle fois vigou-reusement progressé. Elles se sont élevées à 7,5milliards de francs, soit presque le montant at-teint sur l’ensemble de l’année précédente. Leprélèvement net sur le marché des capitaux estresté – avec 0,7 milliard – pratiquement au ni-veau de la moyenne semestrielle de 2003. La va-leur nette des émissions en francs des emprun-teurs étrangers a, en revanche, été nettementplus basse que l’année précédente puisqu’elles’est élevée à 5,1 milliards de francs.

En 2003, les crédits accordés par les banquesà des débiteurs en Suisse ont augmenté de 2,5 %,soit de manière un peu plus soutenue que l’an-née précédente (1,4 %). Ces crédits bancairesétaient constitués à 80 % environ de créances hy-pothécaires et à 20 % de créances sur la clientè-le. S’agissant des créances hypothécaires, la ten-dance positive s’est maintenue puisqu’elles ontprogressé de 4,1%. En revanche, les créances surla clientèle ont accusé un recul de 8,9 %.Jusqu’enmai de l’année en cours, le volume global descrédits accordés à des débiteurs en Suisse a en-core augmenté de 1,8 %. Contrairement à ce quis’est produit en 2003, les créances sur la clientè-le enregistrent, tout comme les crédits hypothé-caires, également une légère croissance.

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Rapport annuel 2004

31 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Graphique 1

-4

-2

0

2

4

6

8

Croissance du PIB, Renchérissement sous-jacent (BNS) et Output Gap

%

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Rench. sous-jacent Output Gap (écart du PIB eff. au PIB pot.) PIB (var. par rapport à l’année préc.)

Graphique 2 Graphique 3

-2

0

2

4

6

Prix à la consommationVariation par rapport à l’année précédente

%

2000 2001 2002 2003 2004

Total Biens suisses Biens importés

0

0,5

1

1,5

2

Renchérissement sous-jacentVariation par rapport à l’année précédente

%

2000 2001 2002 2003 2004

Prix à la consommation Renchér. sous-jacent

Graphique 4 Graphique 5

0

5

10

15

Monnaie centrale et masse monétaire M3Variation par rapport à l’année précédente

%

2000 2001 2002 2003 2004

Monnaie centrale Masse monétaire M3

95

100

105

110

115

Evolution du cours du franc, pond. par les exportationsIndice réel jan. 1999=100

%

94 95 96 97 98 99 00 01 02 03 04

Réel Nominal

Graphique 2.23

Graphique 2.24 Graphique 2.25

Graphique 2.26 Graphique 2.27

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2. Situation économique et macropolitique

32 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Graphique 6 Graphique 7

1,3

1,4

1,5

1,6

1,7

1,8

Cours de changeCours, en francs, de monnaies étrangères

pour 1 EUR pour 1 USD

2000 2001 2002 2003 2004

EUR USD

0

1

2

3

4

Taux d’intérêt à court terme

%

2000 2001 2002 2003 2004

Libor à 3 mois Repo à 1 semaine Marge de fluct.

Graphique 8 Graphique 9

1

2

3

4

5

6

7

Taux d’intérêt à l’étrangerLibor à 3 mois

%

2000 2001 2002 2003 2004

USD EUR CHF

3

4

5

6

7

Taux d’intérêt à l’étrangerTitres émis à long terme par l’Etat

%

2000 2001 2002 2003 2004

USD EUR CHF

Graphique 10

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

Prévisions d’inflation de mars 2004, avec Libor à 0,25%, et de juin 2004, avec Libor à 0,5%Glissement annuel de l’indice des prix à la consommation

%

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Inflation Prévision de mars 2004 (0,25%) Prévision de juin 2004 (0,5%)

Graphique 2.28 Graphique 2.29

Graphique 2.30

Graphique 2.32

Graphique 2.31

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Rapport annuel 2004

33 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Toute discussion sur l’évolution à longterme des finances fédérales devrait prendre encompte deux approches théoriques : la loi de lacroissance naturelle des dépenses publiques,formulée par A. Wagner (1893), et la « théoriede la croissance déséquilibrée » de W. J. Bau-mol (1967). A. Wagner postulait une demanded’activité publique supplémentaire dans le ca-dre du développement économique. Il n’est pasclair s’il faut l’interpréter de manière absolueou relative.Ses considérations n’impliquent pasnécessairement une augmentation de la part del’Etat. Comme d’autre part tous les pays in-dustrialisés ont enregistré au siècle dernier unehausse sensible de la part de l’Etat (qui a étéd’habitude mise en relation avec sa loi), on seréfère encore à lui aujourd’hui lorsqu’il s’agitd’analyser l’évolution de l’activité de l’Etat.

Le modèle de W. J. Baumol (1967) est certesmoins souvent cité, mais pour estimer l’évolu-tion, son importance n’est pas moindre. Il res-sort de ce modèle que les secteurs dont la crois-sance de la productivité est en moyenne plusfaible peuvent croître en termes nominauxtout en se contractant en termes réels. Si l’onadmet que la productivité augmente surtout làoù le capital peut être substitué au travail, quecette substitution est moins facile dans le sec-teur des services que dans la production indu-strielle, et que l’Etat produit pour l’essentiel desservices, l’application de ce modèle au déve-loppement de l’Etat peut expliquer la contra-diction apparente mentionnée en introduc-tion. Comme, d’autre part, l’activité étatique semesure par le biais de l’« input », ce qui n’estguère autrement possible dans de nombreuxdomaines, les statistiques officielles ne mon-trent dans une telle situation que la part crois-sante de l’Etat en « input ». Elles ne permettentpas de voir la part de l’Etat qui diminue simul-tanément dans l’« output » d’une économie.

Le modèle de Baumol se réfère presque ex-clusivement à la consommation publique alorsque la loi de Wagner inclut au moins aussi lesinvestissements publics. Comme nous allonsencore le montrer, ce sont surtout les transfertsopérés par les pouvoirs publics qui ont aug-menté ces dernières décennies en raison essen-tiellement de la montée du chômage et del’évolution démographique. Pour analyserl’évolution des dépenses publiques et ses cau-ses possibles, il faut donc distinguer entre lesdifférentes catégories de dépenses. Dans cecontexte, les considérations globales qui por-tent uniquement sur la quote-part de l’Etat –quelle que soit la définition que l’on en donne

3. L’évolution à long terme des finances fédérales1

– et son évolution ne sont donc pas très signi-ficatives et, surtout, elles ne permettent guèrede formuler des recommandations qui puis-sent être exploitées sur le plan politique.2

Nous allons dès lors procéder en quatre éta-pes.Nous considérerons dans un premier tempsl’évolution générale des finances publiques, ennous limitant pour l’essentiel aux dépenses,mais en distinguant entre les différentes caté-gories de dépenses. Le fait de se limiter aux dé-penses ne signifie en aucune façon qu’il ne fautpas accorder d’importance aux recettes. En cequi concerne l’impact sur le secteur privé d’uneéconomie, le montant des fonds accaparés parl’Etat (par rapport au produit intérieur brut,par ex.) revêt bien moins d’importance queleur structure, et cela non seulement pour lesdépenses mais également, dans une mesure quin’est pas moindre, pour les recettes publiques.La Commission pour les questions conjoncturel-les a déjà abordé ces questions en détail, no-tamment dans le cadre de son Concept de poli-tique économique libérale, publié en 1999.3

Conformément au mandat de la Commis-sion pour les questions conjoncturelles qui est unecommission du Conseil fédéral, nous allonsdans un deuxième temps, considérer en détailles finances de la Confédération. Il s’agit à nou-veau d’un examen sous une forme agrégée, se-lon les catégories de dépenses. Il est intéressantà cet égard d’observer comment les finances dela Confédération ont évolué par rapport à cel-les des cantons et des communes. Là où nousétablissons de telles comparaisons, nous utili-sons, pour éviter les doubles imputations, unconcept net dans lequel (contrairement à la sta-tistique officielle) les transferts entre les dif-férents niveaux sont, pour les recettes commepour les dépenses, inscrits dans les comptes dela corporation territoriale bénéficiaire. Nousavons en effet estimé que les dépenses devaientêtre comptabilisées là où les décisions portantsur les dépenses à effectuer sont prises, mêmelorsque, pour les transferts affectés, un autreéchelon participe au financement.

Nous examinons, dans un troisième temps,différents domaines de dépenses, tels quel’agriculture et de la défense, pour établir dansquelle mesure certains domaines importantsconnaissent une évolution très différente del’évolution générale. Enfin, nous présentonsl’évolution de l’emploi à la Confédération etdans le service public en général. Tout commela quote-part de l’Etat, la quote-part de l’em-ploi est un indicateur de l’influence de l’Etatsur l’économie privée. Comme les deux quo-

1 Concernant le chapitre 3, vous trouverez deux études de références à l’adresse suivante: www.kfk.admin.ch/Studien/Die langfristige Entwicklung der Bundesfinan-zen, 1960 bis 2000, Gebhard Kirchgässner Université deSt. Gall et Evolution de l’emploi dans le secteur public,Claude Jeanrenaud, Université de Neuchâtel.

2 Concernant les problèmes posés par la définition de la quote-part de l’Etat, voir le chapitre 4.1 du présentrapport.

3 Voir aussi, dans ce contexte, le chapitre 3.2.5 du Rap-port annuel 2003 de la Commission pour les questionsconjoncutrelles.

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niveaux ont été supérieurs aux taux de crois-sance du produit intérieur brut réel. Par con-séquent, le volume des finances publiques, parrapport au produit intérieur brut, est passé de16,7 % en 1960 à 29,4 % en l’an 2000.5 Cettehausse s’est faite en deux grandes étapes. Il y aeu tout d’abord, dès le début de cette période,une augmentation forte et continue que la ré-cession du milieu des années 70 a freiné. Lepoint culminant a été atteint en 1976 avec27,2 %. Par la suite et jusqu’à la fin des années80, l’évolution a, pour l’essentiel, été constante.En 1989, la part de l’Etat ainsi calculée se mon-tait à 26,2 %, soit près d’un point de pourcen-tage de moins qu’en 1977. La deuxième pous-sée a eu lieu au début des années 90 avec un picen 1996 où la quote-part de l’Etat a grimpé jus-qu’à 31,1 %. Celle-ci s’est ensuite quelque peucontractée à la fin des années 90 pour aug-menter à nouveau légèrement au début de cesiècle. Il convient de relever que les assurancessociales ne sont pas prises en compte. Si on lesajoute, la quote-part de l’Etat augmente depuis1970 de 5,35 points de pourcentage supplé-mentaires pour s’établir à 36,1 %. Même s’ils’agit d’une valeur encore modérée en compa-raison internationale, elle est bien éloignée decelles enregistrées dans les années 60. La Suissea ainsi connu une évolution semblable à celledes autres Etats européens. Comme elle a ac-cusé la dernière hausse au début des années 90(seulement), l’écart qui la sépare des pays ayantde fortes quotes-parts de l’Etat s’est réduit de-puis les années 80,car ces pays ont plutôt réduitleurs quotes-parts dans les années 90.

Si l’on considère les taux de croissance desdifférents échelons, on constate que le budgetde la Confédération a nettement moins aug-menté que celui des cantons et des commu-nes, sauf dans les années 80. Que l’on tiennecompte des dépenses brutes (sans correctiondes doubles imputations) ou des dépenses net-tes, le constat reste le même. Ainsi, comme lemontre le graphique 3.2, la part des cantons aprogressé d’environ 8 points de pourcentageentre 1960 et 2000, grimpant de 36,7 à 44,8 %.Celle des communes est passée de 29,0 à 29,9 %,demeurant donc presque constante, alors quecelle de la Confédération a chuté de 9 points depourcentage, de 34,3 à 25,3 %. Ce phénomènemérite d’être signalé puisqu’il réfute l’hypo-thèse couramment retenue d’une tendance à lacentralisation. On peut objecter qu’en raisondu concept net utilisé ici, les dépenses ne reflè-tent pas les marges de manœuvre effectives car,par exemple, la Confédération exerce une in-fluence sur la politique de dépenses des can-tons par les versements affectés. Le fait que lestransferts à d’autres échelons aient représenté65 % des dépenses «propres» en 2000, contre20 % seulement en 1960, vient étayer cet argu-ment. D’autre part, durant la même période,

3. L’évolution à long terme des finances fédérales

34 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Tableau 3.1

Taux de croissance annuels moyens en termes réels (en pour-cent)

Période Conf. Cantons Communes Collectivités Produit in-publiques térieur brut

1961–1970 a) brut 5.92 8.04 7.84 6.87 4.63b) net 5.00 7.62 7.84

1971–1980 a) brut 3.13 3.38 3.85 3.61 1.37b) net 3.74 3.55 3.57

1981–1990 a) brut 2.10 2.70 2.44 2.49 2.18b) net 1.95 2.99 2.34

1991–2000 a) brut 2.66 2.48 1.61 1.89 1.04b) net 1.15 2.67 1.42

1961–2000 a) brut 3.39 4.15 3.94 3.71 2.31b) net 2.96 4.21 3.79

Le concept net saisit uniquement les dépenses que les différents échelons peuvent effectivement décider, ce qui signifie que les trans-ferts à d'autres collectivités publiques ne sont pas pris en considération.

4 Concernant les donnés traitées dans le chapitre 3 etleurs sources, vous trouverez une étude de référence à l’adresse suivante : www.kfk.admin.ch/Studien/,Gebhard Kirchgässner, Université de Saint-Gall.

5 Concernant le calcul des taux réels de croissance, c’estl’indice des prix du produit intérieur brut qui a été uti-lisé pour la déflation.

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

40

30

20

10

0

Communes

Cantons

Confédération

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

100

80

60

40

20

0

Confédération

Communes

Cantons

tes-parts présentent des avantages et des incon-vénients divers, il est utile de les considérer tousdeux et de comparer leur évolution.4

3.1 L’évolution générale des finances publiques

Le graphique 3.1 montre l’évolution de l’ac-tivité publique par rapport à l’activité privée.Quant au tableau 3.1, il met en évidence le faitque,pour l’ensemble des décennies depuis 1960,les taux de croissance réels moyens de tous les

Graphique 3.1: évolution des dépenses publiques des différents échelons comparée au produit intérieur brut (en pour-cent)

Graphique 3.2: évolution des parts des différents niveaux aux dépenses publiques (en pour-cent)

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Rapport annuel 2004

35 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

les dépenses brutes de la Confédération ontaugmenté en termes réels de 3,4 % en moyenne,soit à un rythme nettement plus lent que cel-les des communes, qui ont progressé de 3,9 %,et en particulier celles des cantons, en haussede 4,2 %. Par conséquent, les dépenses brutesdes cantons étaient supérieures à celles de laConfédération de 3,6 % en 1960 et de 27,7 %en l’an 2000. Là encore, aucune tendance à lacentralisation n’est perceptible. En revanche,la part des contributions aux cantons et auxcommunes dans l’ensemble des dépenses de laConfédération est passée de 2,3 % en 1960 à16,4 % en 2000, ce qui peut être le signe d’unecentralisation croissante.6

Le graphique 3.3 et le tableau 3.2 montrentl’évolution des finances publiques selon lesgroupes par nature. Il apparaît ainsi clairementque si la hausse des dépenses publiques est im-putable à une augmentation d’à peine 5 pointsde pourcentage de la consommation de l’Etat,elle est surtout due à une progression de plus de6 points de pourcentage des transferts. A euxseuls, les transferts aux assurances sociales ontaugmenté de 0,6 à 1,8 % par rapport au produitsocial. En revanche, la part des investissementspublics au produit intérieur brut, qui a atteintson maximum en 1972 avec 6,1 %, est retom-bée à 3,5 % en l’an 2000. Depuis les années 60,la charge des intérêts s’est nettement accrue,même par rapport au produit intérieur brut. Ilfaut toutefois considérer que, vu la longue du-rée des titres émis par l’Etat, la charge des inté-rêts réagit avec un certain retard à l’évolutiondes taux d’intérêt et qu’elle pourrait encore

augmenter, même avec un taux d’endettementconstant. On ne peut en effet pas compter queles taux d’intérêt se maintiendront durable-ment au bas niveau de ces dernières années.

3.2 L’évolution générale des finances fédérales

Le tableau 3.3 et le graphique 3.4 présententl’évolution générale des finances de la Confé-dération. Durant la période considérée, les dé-penses totales brutes sont passées de moins de7 % à plus de 11 % du produit intérieur brut. Ilconvient de relever que l’augmentation s’estfaite essentiellement dans les années 60 et 70.Après 1975, ce taux a légèrement reculé avantd’entamer une nouvelle hausse au début desannées 90 dans le sillage de la crise économi-que qui s’installait.

Parallèlement, de considérables déplace-ments sont intervenus dans le budget fédéral,comme le montre le graphique 3.5. Ainsi, lestransferts qui s’élevaient encore à environ 36 %du budget en 1960, représentent aujourd’huiplus de 60 % de toutes les dépenses, les transfertsaux assurances sociales étant inférieurs à 40 %.C’est la part de la consommation totale de l’E-tat (y compris les intérêts) qui a accusé le plusfort recul : d’environ 55 % à 26 %. Comme lapart des intérêts est, pour l’essentiel, restée con-stante, ce recul s’est fait avant tout aux dépensdu reste de la consommation, soit des pres-tations que l’Etat met directement à dispositionde ses citoyens. Leur part au produit intérieurbrut est tombée à environ deux tiers de la valeurqu’elle avait au début des années 60 et leur partà l’ensemble des dépenses de la Confédération achuté à environ 40 % de cette valeur.

La part des investissements s’est elle aussiréduite, tout au moins si l’on établit une com-paraison avec la situation qui prévalait entre1965 et 1975, lorsque (suite notamment à l’ex-tension du réseau des routes nationales) lesinvestissements de la Confédération représen-taient plus de 20 % des dépenses fédérales ettout juste 2 % du produit intérieur brut. Si lebudget fédéral a été, pour la première fois, su-périeur à 10 % du produit intérieur brut en1976 et 1977, ce n’est pas uniquement en rai-son de la crise économique qui a suivi la pre-mière augmentation drastique du prix du pé-trole brut, à la fin 1973. On a en effet assisté,durant la même période, à un recul des inves-tissements qui (par rapport au produit inté-rieur brut) n’a plus été compensé depuis lors.Le graphique 3 ci-dessus montre que l’évolu-tion dans les cantons et les communes n’est pasparvenue à rétablir l’équilibre, contrairement à ce qui s’est passé avec la consommation del’Etat. Au contraire, les investissements de cescollectivités publiques – par rapport au pro-duit intérieur brut – se sont contractés encore

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

3228

24

20

16

12

8

4

0

Transferts

Investissements

Autre consommation de l’Etat

Intérêts

Tableau 3.2

Evolution des dépenses publiques selon les groupes par nature(par rapport au produit intérieur brut, en pour-cent)

Année 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

Dépenses totales 16.74 18.56 20.93 25.57 26.19 26.29 27.01 30.20 29.41

Autre consom. de l’Etat 9.90 10.01 10.12 12.60 13.93 14.61 14.61 15.83 14.83

Intérêts passifs 1.37 1.03 1.37 1.82 1.71 1.53 1.39 2.09 1.91

Investissements publics 2.49 4.16 5.46 5.46 4.13 3.70 3.78 3.62 3.50

Transferts 2.98 3.56 3.99 5.69 6.42 6.45 7.23 8.66 9.17

Graphique 3.3: évolution des dépenses publiques selon les groupes par nature(par rapport au produit intérieur brut, en pour-cent)

6 Certes, une grande partie des transferts provient de lapart des recettes fédérales sur l’utilisation de laquellela Confédération n’a aucune influence, mais cela n’ychange rien. Cette part a presque doublé. Elle repré-sentait 6,3 % seulement des dépenses propres en 1960contre 12,1 % en l’an 2000. Elle a toutefois nettementmoins augmenté que celle des autres transferts de laConfédération aux cantons et aux communes.

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Les recettes et les dépenses de la Confédéra-tion ont évolué de manière assez parallèle. Lesimpôts restent la principale source de recettes.Il y a eu toutefois un net déplacement vers lesimpôts directs.Dans les années 60, leur produitne représentait de loin pas la moitié de celui desimpôts indirects. Aujourd’hui, il dépasse deplus de 60 % les rentrées fiscales indirectesaprès leur avoir même été supérieur de plus de80 % en 1998 et 2000. L’indexation compensecertes les effets de la progression à froid, maismême la croissance relativement faible de laSuisse a plus fortement accru le produit des im-pôts directs que ne l’ont fait, pour les impôtsindirects, l’extension de la base de calcul parl’introduction de la taxe sur la valeur ajoutée etles différentes adaptations de ce taux jusqu’à7,6 %.

Ces derniers temps, l’évolution la plus in-quiétante des finances fédérales est celle de ladette publique. Dans les années 60, les dettes dela Confédération étaient en léger recul, mêmeen termes nominaux ; on observe sur le gra-phique 3.6 qu’elles se sont alors réduites consi-dérablement par rapport au produit intérieurbrut. Bien que, dans le même temps, les dettesdes cantons et des communes aient accusé unenette hausse, l’endettement total de l’Etat (tou-jours comparé au produit intérieur brut) s’estcontracté. Durant la crise économique du mi-lieu des années 70, l’endettement s’est sensi-blement aggravé et l’augmentation de la dettefédérale a été la plus forte, en termes tant ab-solus que relatifs. Par la suite, les dettes se sontà nouveau réduites aux trois échelons, celles dela Confédération ayant affiché le plus fort re-cul dans la deuxième moitié des années 80.L’effondrement de la conjoncture au début desannées 90 a une nouvelle fois gonflé les dettesaux trois échelons, mais dans une ampleur trèsvariée : de 1990 à 2000, les dettes de la Confé-dération ont accusé une hausse réelle de 8,7 %par année, contre 6,1 % par année pour cellesdes cantons et 1,4 % seulement pour celles descommunes. Cette dernière augmentation n’estguère supérieure au taux de croissance réelledu produit intérieur brut qui, comme le mon-tre le tableau 3.1, s’élevait à un peu plus de 1 %.Les dettes des communes n’ont donc guèreprogressé par rapport au produit intérieurbrut. En raison de l’augmentation des dettesdes cantons et en particulier de la Confédéra-tion, la dette globale par rapport au produit in-térieur brut a atteint en 2002 la valeur de54,5 %, après un pic provisoire de 53,1 % en1998. Et la tendance est toujours à la hausse.

3.3 Evolution de différents domainesdes finances fédérales

Les finances fédérales présentent ainsil’image suivante : l’évolution est dominée par

3. L’évolution à long terme des finances fédérales

36 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

14

12

10

8

6

4

2

0

Transferts

Investissements

Consommation de l’Etat

Intérêts

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

100

80

60

40

20

0

Transferts aux assurances sociales

Investissements

Autres transferts

Autre consommation de l’Etat

Intérêts

plus que ceux de la Confédération où une lé-gère tendance à la hausse s’est au moins mani-festée dans les années 90.Alors que,dans les an-nées 90, la consommation globale de l’Etat parrapport au produit intérieur brut était supé-rieure d’environ 50 % au niveau atteint au dé-but des années 70, les investissements publicsétaient inférieurs de plus de 30 %. Il est évidentqu’une telle évolution n’est pas vraiment denature à favoriser la croissance.

Tableau 3.3

Part des finances fédérales au produit intérieur brut (en pour-cent)

Année 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

Dépenses totales 6.70 7.13 8.16 9.18 9.73 9.74 9.65 10.89 11.34

Consommation de l’Etat 3.02 2.75 2.83 2.74 2.83 3.06 2.86 2.72 2.11

Intérêts passifs 0.68 0.32 0.38 0.48 0.61 0.57 0.56 0.81 0.84

Investissements publics 0.58 1.50 1.80 1.90 1.28 1.12 1.07 1.11 1.30

Transferts 2.41 2.56 3.15 4.05 5.01 5.00 6.16 6.04 7.09

aux assurances sociales 0.57 0.62 0.86 1.09 1.35 1.54 1.55 1.86 1.95

autres transferts 1.84 1.94 2.29 3.96 3.66 3.46 3.61 4.18 5.15

Recettes totales 8.48 7.57 8.38 8.31 9.15 9.45 9.97 10.01 12.44

Impôts 6.98 6.68 7.37 7.26 7.93 8.44 8.80 8.63 10.15

Impôts directs 2.02 1.63 2.28 2.58 2.93 3.49 3.92 3.22 5.06

Impôts indirects 4.96 5.06 5.09 4.68 5.00 4.94 4.88 5.41 6.13

Revenus des biens 0.27 0.25 0.22 0.23 0.22 0.17 0.21 0.40 0.36

Déficit –1.78 –0.43 –0.22 0.87 0.59 0.29 –0.32 0.88 –1.10

Dette 25.07 16.58 12.01 14.00 17.59 16.51 12.13 21.99 26.05

Graphique 3.4: évolution des dépenses de la Confédération selon les groupes par nature(par rapport au produit intérieur brut, en pour-cent)

Graphique 3.5: parts des groupes par nature aux dépenses totales de la Confédération (en pour-cent)

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Rapport annuel 2004

37 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

celle des transferts qui ont massivement aug-menté. Les subventions en faveur des assuran-ces sociales de la Confédération n’ont pas étéles seules à prendre l’ascenseur. Les autrestransferts ont affiché des hausses encore plusmarquées. Cette augmentation s’est partielle-ment faite, surtout pendant les années de réces-sion, au prix d’un accroissement considérablede la dette publique. S’agissant des dépenses dela Confédération, les plus fortes réductions ontété enregistrées au niveau de la consommation.Elles ont cependant été plus que compenséespar le développement de la consommation pu-blique des cantons et des communes. La con-sommation de l’Etat s’est donc accrue tant dansson ensemble que comme part au produit in-térieur brut. En revanche, la part des investis-sements dans le produit intérieur brut commedans les dépenses publiques a reculé non seu-lement au niveau fédéral, mais aussi dans l’en-semble. Finalement, les versements d’intérêtssont aujourd’hui encore relativement bas. Ilspourraient toutefois augmenter à l’avenir si leniveau des intérêts augmente.

Si l’on admet que les investissements publicsfavorisent d’une manière générale la croissance,alors que les transferts et la consommation pu-blique l’entravent, du moins à partir d’un cer-tain seuil, cette évolution est inquiétante. Mais,bien que courante, la répartition faite ici entreconsommation de l’Etat et investissements pu-blics soulève des problèmes.Ainsi, on peut con-sidérer les dépenses pour l’éducation commedes investissements (dans le capital humain dela population), même si dans la statistique, ellesapparaissent comme consommation de l’Etat.D’autre part,on peut se demander si tout ce quiest comptabilisé comme investissement public– la construction de casernes, par exemple – fa-vorise effectivement la croissance. Il paraît dèslors judicieux de considérer de plus près cer-tains domaines des dépenses de l’Etat avant detirer des conclusions des chiffres présentés.

Le tableau 3.4 et le graphique 3.7 montrentl’évolution des finances fédérales par fonction,le tableau 3.5 et le graphique 3.8 celle de toutesles finances publiques, tant en parts au produitintérieur brut qu’au budget global. Nous avonscependant retenu uniquement quelques fonc-tions. Ce qui attire tout d’abord l’attention,c’est qu’il y a un grand «gagnant» et un grand«perdant». Les dépenses pour la prévoyancesociale ont enregistré une hausse massive. De1960 à 2000, elles sont passées au niveau fédé-ral de 0,7 à 3 % et dans l’ensemble de 1,5 à 5,5 %par rapport au produit intérieur brut, ce quisignifie qu’elles ont plus que triplé. Elles acca-parent aujourd’hui un quart du budget fédéralet près de 20 % des dépenses de toutes les col-lectivités publiques.7 Il convient de relever queces chiffres ne comprennent pas les dépensesdes assurances sociales qui sont financées par

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

60

50

40

30

20

10

0

Confédération

Communes

Cantons

Graphique 3.6: évolution de la dette publique par rapport au produit intérieur brut (en pour-cent)

Tableau 3.4

Dépenses de la Confédération par fonction

Année 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

en parts au produit intérieur brutAdministrationgénérale 0.26 0.26 0.37 0.32 0.27 0.27 0.33 0.38 0.40

Défense nationale 2.41 2.43 2.07 1.87 1.93 2.08 1.85 1.57 1.20

Formation 0.28 0.39 0.68 0.93 0.83 0.77 0.74 0.85 0.83

Santé 0.16 0.36 0.38 0.43 0.50 0.41 0.34 0.54 0.47

Prévoyance sociale 0.68 0.70 1.00 1.29 1.47 1.63 1.79 2.28 2.98

Trafic 0.40 1.46 1.29 1.48 1.49 1.44 1.43 1.73 1.78

Agriculture 0.86 0.85 0.80 0.88 0.86 0.83 0.82 0.95 0.90

Environnement 0.03 0.04 0.08 0.23 0.18 0.11 0.15 0.16 0.18

Année 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

en parts aux dépenses totalesAdministrationgénérale 4.05 3.47 4.66 3.54 2.78 2.82 3.44 3.43 3.43

Défense nationale 37.01 32.24 25.70 20.58 20.15 22.04 19.14 14.33 10.38

Formation 4.33 5.24 8.42 10.30 8.62 8.14 7.71 7.78 7.17

Santé 2.47 4.81 4.72 4.77 5.25 4.30 3.53 4.90 4.05

Prévoyance sociale 10.45 9.32 12.46 14.18 15.39 17.24 18.58 20.79 25.66

Trafic 6.11 19.46 16.05 16.33 15.53 15.18 14.80 15.74 15.35

Agriculture 13.20 11.31 9.93 9.75 8.97 8.77 8.46 8.63 7.73

Environnement 0.42 0.56 0.97 2.49 1.90 1.21 1.57 1.44 1.55

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

100

80

60

40

20

0

Autre

Défense nationale

Formation

Sécurité sociale et santé

Transports

Agriculture

Graphique 3.7: évolution des parts des dépenses dans le budget fédéral

7 Contrairement à la statistique officielle, la part des assu-rances sociales à la taxe sur la valeur ajoutée est ici calcu-lée avec les dépenses sociales. D’autre part, les dépensespour l’assurance-maladie ont été comptabilisées dans lesdépenses de santé et non dans les dépenses sociales.

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3. L’évolution à long terme des finances fédérales

38 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

d’un quart des dépenses consenties pour la for-mation ou la prévoyance sociale.8

Dans les autres groupes, il est frappant deconstater que s’il y a eu des changements par-fois considérables jusque vers le milieu des an-nées 70, cela n’a plus été le cas depuis le débutdes années 80 au plus tard. C’est le signe d’uncomportement fortement incrémentiel dans lesprocessus budgétaires. L’évolution des dépen-ses publiques découle moins d’un concept poli-tique établi que de modifications marginalesliées au statu quo.9 Des changements parfois trèsimportants étaient intervenus auparavant.C’estainsi que, de 1960 à 1975, les parts des dépen-ses de la Confédération pour la formation et larecherche, ainsi que pour les transports, ont af-fiché une hausse de près de 150 %, alors que lapart correspondant au budget de la politique del’environnement a carrément explosé, avant deconnaître, il est vrai, un très net repli. Par con-tre, tant la part au budget fédéral des dépensespour l’administration générale que celle des dé-penses pour l’agriculture sont aujourd’hui in-férieures à ce qu’elles étaient en 1960. En partsau produit intérieur brut, ces dernières sonttoutefois demeurées presque constantes. Il enva de même lorsque l’on considère les dépensestotales pour l’agriculture. En revanche, la partdes dépenses pour l’administration a nette-ment augmenté. La hausse a même été de 50 %au niveau fédéral entre 1980 et 2000.

La constance des dépenses pour l’agricul-ture par rapport au produit intérieur brut et ladiminution de leur part aux dépenses totalesdes collectivités publiques peut surprendrequand on sait que l’introduction des paiementsdirects a signifié des transferts supplémentairesimportants. La politique est parvenue à lescompenser par la suppression, comme prévu,d’autres avantages. La stagnation des dépensespour la formation et la recherche par rapportaux dépenses totales des ménages publics, quel’on observe depuis 1975, a eu pour consé-quence une contraction des investissements aucours des dernières décennies, si l’on considèreces dépenses comme des investissements dansle capital humain. La structure des budgets pu-blics est ainsi devenue, au fil du temps, moinsfavorable à la croissance. Il faut toutefois rele-ver que ces changements déterminants sontintervenus non pas durant la dernière décen-nie, mais dans les années 70 et 80 déjà.

3.4 Evolution de l’emploi dans le secteur public

Même si l’on opère une distinction entre lesdifférentes fonctions ou groupes par nature, laquote-part de l’Etat, en tant que mesure del’influence de l’Etat sur une économie, n’est pasnécessairement révélatrice. En effet, l’Etatpeut, par ses règlements, intervenir dans le

les contributions des assurés et non par les sub-ventions des collectivités publiques.

Les dépenses pour la santé sont également«gagnantes», elles qui ne revêtaient jusqu’iciqu’une importance secondaire pour la Confé-dération. Si l’on considère l’ensemble des col-lectivités publiques, on constate que ces dé-penses ont très fortement augmenté de 1970 à1975. Par la suite, elles ont progressé plus len-tement, mais de manière assez constante. Ellesreprésentent aujourd’hui près de 13 % des dé-penses totales et plus de 4 % du produit inté-rieur brut. La tendance devrait rester à lahausse. En revanche, les dépenses en faveur dela défense nationale se sont massivement con-tractées, chutant de 37 % à un peu plus de 10 %du budget fédéral. L’ensemble des dépensespour la défense nationale ne représentent plusque 1,3 % du produit intérieur brut, soit moins

Tableau 3.5

Dépenses des collectivités publiques par fonction

Année 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

en parts au produit intérieur brutAdminstration générale 1.26 1.56 1.52 1.73 1.66 1.67 1.84 1.95 1.90

Défense nationale 2.50 2.51 2.28 2.08 2.09 2.27 2.03 1.70 1.30

Formation 2.89 3.21 3.85 5.17 5.08 5.05 5.09 5.70 5.49

Santé 1.49 1.96 2.14 3.10 3.52 3.58 3.74 4.40 4.42

Prévoyance sociale 1.76 1.75 2.15 2.82 3.02 3.28 3.63 4.76 5.45

Trafic 1.85 3.38 3.10 3.19 3.17 2.92 2.80 3.01 3.13

Agriculture 1.04 1.05 0.98 1.05 1.05 1.05 0.98 1.07 1.01

Environnement 0.20 0.64 0.89 1.35 1.24 1.17 1.13 1.20 1.16

Année 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

en parts aux dépenses totalesAdministrationgénérale 7.80 8.27 7.31 6.83 6.44 6.45 6.96 6.56 6.38

Défense nationale 15.47 13.29 10.94 8.23 8.10 8.74 7.69 5.72 4.38

Formation 17.90 16.97 18.52 20.45 19.69 19.48 19.23 19.16 18.45

Santé 9.22 10.36 10.28 12.27 13.65 13.80 14.15 14.76 14.87

Prévoyance sociale 10.90 9.26 10.34 11.16 11.69 12.64 13.72 15.99 18.31

Trafic 11.50 17.87 14.88 12.63 12.28 11.26 10.59 10.11 10.52

Agriculture 6.42 5.54 4.70 4.15 4.08 4.03 3.69 3.61 3.40

Environnement 1.22 3.39 4.26 5.34 4.82 4.50 4.27 4.04 3.90

8 Ces chiffres négligent les coûts économiques globauxde la défense nationale, car le système de milice per-met d’externaliser des coûts importants (mis ainsi à la charge du secteur privé). Comme le système de milicetend à perdre de son importance, ces chiffres sous-estiment plutôt le recul des dépenses globales pour la défense.

9 Au sujet du comportement incrémentiel dans les pro-cessus budgétaires, voir O. A. Davis, M. A. H. Dempsteret A. Wildavsky (1974).

1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

100

80

60

40

20

0

Autre

Agriculture

Transports

Santé

Sécurité sociale

Formation

Défense nationale

Administration générale

Graphique 3.8 : évolution des parts des dépenses à l’ensemble du budget

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Rapport annuel 2004

39 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

cantonales, les entreprises électriques ou lesservices industriels. Conformément à cette dé-limitation, il ressort du recensement des entre-prises effectué en 2001 que 469 000 personnesétaient occupées cette année-là dans le servicepublic au sens étroit, dont 44 000 à la Confé-dération, 113 000 dans les entreprises publi-ques et 3,179 millions dans l’économie privée.La quote-part de l’emploi s’élevait ainsi à12,5 % au sens strict et à 15,5 % au sens large.

Avec un taux de 12,5 % de personnes occu-pées dans les administrations publiques, laSuisse occupe une position plutôt bonne encomparaison internationale, comme le montrele graphique 3.9. Elle se situe à peu près au ni-veau des Pays-Bas et de l’Allemagne. Parmi lespays de l’OCDE pour lesquels de telles donnéessont disponibles, seuls le Japon, la Corée et laGrèce présentent, selon les données de l’OCDE,des valeurs nettement plus basses.

Cela ne change toutefois rien au fait que, de1960 à 2001, l’emploi dans le secteur public amassivement augmenté, comme le montre legraphique 3.10. Il a progressé de 90 % au niveaude la Confédération et de 230 % même dans les cantons et les communes. Cette différenced’évolution s’explique par la progression trèsdiverse des groupes par nature, présentée plushaut. Ainsi qu’il ressort du tableau 3.4, ce sontavant tout les transferts qui ont gagné en im-portance au niveau fédéral, alors que, dans lescantons et les communes, c’est la consomma-tion de l’Etat qui pèse de tout son poids. Or,comme nous l’avons déjà indiqué, cette con-sommation présente un coefficient de main-d’œuvre beaucoup plus important : 37 % desdépenses totales de l’Etat étaient en 2001 desdépenses de personnel.

Le fait que la Confédération d’une part, lescantons et les communes d’autre part, con-naissent en matière d’emploi des évolutions di-vergentes n’est pas une particularité suisse.Ainsi, en Finlande et au Canada, l’emploi dansle service public a régressé de 15 % au niveaucentral entre 1985 et 2000 alors qu’il a nette-ment augmenté dans les collectivités publiquesrégionales et locales, en raison notamment dela décentralisation.

La quote-part de l’emploi a ainsi presquedoublé, passant de 6,4 à 12,5 %. Le léger reculenregistré entre 1985 et 1991 a été suivi d’unenouvelle hausse surtout dans les cantons et lescommunes, mais aussi à la Confédération. Acet égard, il faut relever que la forte poussée del’emploi dans le secteur privé, qui a atteint44 % de 1975 à 1991, a freiné la hausse de cetaux. Par la suite, vu la stagnation enregistréedans le secteur privé, la modification de ce tauxa été imputable presque exclusivement aux va-riations de l’emploi dans le service public.

Si l’on considère la modification de l’emploiau sens large, c’est-à-dire en tenant compte des

cycle économique sans devoir faire des dépen-ses, hormis les frais administratifs. Outre unecharge fiscale extrême, une densité normativetrop forte est également souvent considéréecomme un obstacle à la croissance. Cependant,elle est beaucoup plus difficile à estimer que lacharge fiscale qui pèse sur les citoyens.

La quote-part de l’emploi constitue une al-ternative à la quote-part de l’Etat. Pour que lesrèglements soient mis en œuvre, les employésde l’Etat sont indispensables. En outre, la con-sommation de l’Etat consiste essentiellementen prestations fournies par des employés duservice public. Dans cette perspective, la quote-part de l’emploi convient même mieux que laquote-part de l’Etat pour estimer l’influenceétatique. Le problème est toutefois que les char-ges supplémentaires découlant d’une forte im-position ne s’expriment pas nécessairement parun taux élevé de l’emploi. Comme cet aspect del’activité étatique ne peut être négligé, la quote-part de l’emploi constitue un complément etnon un substitut à la quote-part de l’Etat poursaisir l’ampleur de l’activité étatique.

La quote-part de l’emploi soulève, toutcomme la quote-part de l’Etat, des problèmesde définition : comment délimiter le secteurpublic dont les employés doivent être pris encompte? Par secteur public au sens étroit duterme, nous entendons toutes les unités insti-tutionnelles dont les prestations ne relèventpas de l’économie de marché, ainsi que les cor-porations de droit public qui proposent desbiens ou des services gratuitement ou à un prixqui n’est pas en relation avec les coûts de pro-duction. Pour qu’une unité soit imputée àl’administration, le produit de la vente doit enprincipe couvrir moins de la moitié des coûtsde production. Par secteur public au sens lar-ge, nous entendons en plus les entreprisespubliques, soit les établissements qui, par lavente de leurs prestations, couvrent plus de50 % des coûts de production, mais qui sontcontrôlées par l’Etat comme, par exemple lesentreprises de transports publics, les banques

25

20

15

10

5

0

en pour-cent de l’emploi total

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Graphique 3.9 : comparaison internationale des quotes-parts de l’emploi dans les administrations publiques (1999)

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emploi, les secondes ont procédé à des com-pressions parfois sévères de leur personnel.

A cet égard, deux effets doivent être pris enconsidération.10 D’une part, Swisscom, les CFF,une partie des banques cantonales et de nom-breux services municipaux ont aujourd’huipris la forme de sociétés anonymes. Bien quelargement propriété de l’Etat, ils sont imputésau secteur privé. Dès lors, le secteur public aperdu quelque 80 000 emplois entre 1995 et2001, ce qui a fait reculer la quote-part de l’em-ploi de 2,2 points de pourcentage. Sans ceschangements, le taux aurait gagné quelquespoints de pourcentage au lieu d’en perdre.D’autre part, les entreprises publiques ont ellesaussi, face aux caisses vides, exploité leur po-tentiel de rationalisation. Comme nous l’avonsexpliqué ci-dessus au moyen du modèle deBaumol, les possibilités d’augmenter la pro-ductivité et l’efficience sont relativement limi-tées là où les employés fournissent une presta-tion directe pour le bénéficiaire, comme, parexemple, dans les domaines de l’éducation etde la formation, de la santé, des soins de lon-gue durée ou de la culture. En revanche, il de-vrait être possible, dans tous les domaines quiont considérablement investi dans l’informa-tique et la technologie, comme par exemplel’administration générale, d’exécuter les mê-mes tâches avec moins de personnel. Dansquelle mesure des économies ont-elles effecti-vement été réalisées? Le personnel ainsi libérén’a-t-il pas été simplement engagé pour exécu-ter de nouvelles tâches? Nous ne pouvons pas,faute de statistiques, répondre à ces questions.Certains éléments laissent à penser que le per-sonnel a été engagé pour exécuter de nouvellestâches, surtout dans l’administration fédérale.C’est ainsi, par exemple, que l’application de lataxe sur la valeur ajoutée exige nettement plusde personnel que celle de l’impôt sur le chiffred’affaires. Il en va de même, au niveau can-tonal, pour le passage de l’imposition bisan-nuelle à l’imposition annuelle des revenus. Parailleurs, les parlementaires, au niveau fédéraltout au moins, tendent de plus en plus à don-ner à l’administration des mandats qui néces-sitent aussi du personnel supplémentaire.

Une comparaison internationale de l’évolu-tion des quotes-parts de l’emploi, établie sur labase de données de l’OCDE,montre (graphique3.12) que la plupart des pays ont enregistré aucours des années 80 une baisse de cette quote-part dans les administrations publiques. Cerecul s’explique par la forte croissance de l’éco-nomie et de l’emploi ainsi que par les pro-grammes d’économie qui ont été réalisés dansplusieurs pays. En Suisse aussi, la quote-part adiminué, passant de 11,5 % à 10,2 %. Dans lesannées 90, l’emploi a continué de se replier dansquelques pays tels que le Royaume-Uni, l’Alle-magne, l’Irlande et le Canada. En revanche, il a

3. L’évolution à long terme des finances fédérales

40 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

450000

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1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000

Cantons et communes

Confédération

Personnes occupées

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14%

12%

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14.2

15.816.5

17.716.7

15.5

1975 1985 1991 1995 1998 2001

Confédération Cantons et communes

26%

24%

22%

20%

18%

16%

14%

12%

10%

8%

1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999

Irlande Grande-Bretagne Allemagne SuisseFinlande France Canada Espagne

entreprises publiques, la quote-part de l’em-ploi a nettement moins augmenté. Il est passéde 14,2 % à 15,5 % seulement entre 1975 et2001, soit une progression inférieure à 10 %.On constate dans le graphique 3.11 qu’aprèsavoir augmenté jusqu’en 1995, il a nettementfléchi. L’évolution observée dans les adminis-trations publiques a donc été totalement diffé-rente de celle enregistrée dans les entreprisespubliques. Alors que les premières ont, commenous l’avons vu, vigoureusement élargi leur

10 Faute de données comparables, il n’est pas possible dedéterminer ici dans quelle mesure la baisse de la quote-part de l’emploi est « produite » par les modificationsintervenues au niveau de la saisie des données dans le cadre du recensement des entreprises. Ces modifi-cations devraient toutefois avoir joué un rôle. Dès lors,le recul effectif du taux devrait être moindre que nel’indiquent les sources officielles.

Graphique 3.10 : évolution du nombre de personnes occupées dans le service public au sens étroit du terme

Graphique 3.11 : évolution de la quote-part de l’emploi dans le secteur public au sens large

Graphique 3.12 : comparaison internationale de l’évolution des quotes-parts de l’emploi

Page 42: Commission pour les questions conjoncturelles … · ... les agrégats macroéconomiques ainsi que les indicateurs de l ... adaptées aux données disponibles les plus récentes de

Rapport annuel 2004

41 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

tion de l’Etat. Le procédé n’est pas nouveau.Il a déjà été utilisé ces dernières décennies,comme nous l’avons montré ci-dessus. Et cesont essentiellement les dépenses en faveur dela défense nationale qui en ont fait les frais.Même si de nouvelles compressions sont pos-sibles et vont être opérées dans ce domaine, ilest manifeste que, vu la part toujours plus fai-ble de ces dépenses dans le budget fédéral, lamarge de manoeuvre va se rétrécir à l’avenir.Il faudra donc compenser les transferts dansd’autres domaines. Une perspective est offerteà cet égard par les transferts aux cantons quidoivent, avec le nouveau plan financier, être ré-duits afin de séparer plus clairement les tâches.

Le recul des dépenses consenties par laConfédération en faveur de la consommationde l’Etat laisse à penser que, depuis 1985, lesprestations ont été réduites tout au moins à ceniveau. Il ressort du tableau 3.3 qu’en 2000, lapart de la consommation de la Confédérationn’atteignait plus que les deux tiers environ dela valeur de l’année 1985. Il ne faut toutefoispas oublier la hausse de l’emploi enregistrée àla Confédération (sans les entreprises publi-ques) durant cette période, hausse qui s’est no-tamment traduite par une nette progression dela part des dépenses pour l’administration gé-nérale. Il n’est pas possible d’analyser ici lescauses de cette hausse qui a d’ailleurs été net-tement plus soutenue dans les cantons qu’à laConfédération. Une étude séparée serait né-cessaire. Si le budget fédéral doit être équilibréà long terme, c’est dans ce domaine que descoupes paraissent inévitables.

En raison de la progression de l’emploi,l’évolution des finances fédérales ne peut guèreêtre justifiée par l’effet de Baumol. Le volume desprestations mises à la disposition de la popu-lation par la Confédération ne devrait pas avoirdiminué. Si malgré tout la population a l’im-pression d’une diminution, c’est probablementparce que les entreprises publiques, comme laPoste par exemple, ont réduit leurs prestationspour pouvoir survivre dans un environnementconcurrentiel sans le soutien général de l’Etat.Ces entreprises sont encore souvent identifiées àl’activité étatique et on leur attribue un rôle par-ticulier dans le cadre du service public.

Une croissance plus vigoureuse de l’écono-mie peut atténuer, mais pas résoudre les pro-blèmes financiers actuels de la Confédération,qui résultent essentiellement de l’évolution destransferts et se manifestent surtout dans le dé-ficit et dans les dettes accumulées cette dernièredécennie. D’autre part, une consolidation desfinances fédérales peut avoir, à long terme,un effet positif sur la croissance économique.Cette consolidation (et ainsi l’arrêt d’une ten-dance à long terme) sera, durant ces prochai-nes années, au centre des efforts de politiquefinancière de la Confédération.

amorcé une nouvelle remontée en Espagne, enFinlande, en France et en Suisse. Vers la fin desannées 90, les caisses étant vides, on a dû licen-cier du personnel dans tous les pays.Si l’on con-sidère qu’une faible quote-part de l’emploi dansle service public est positive, force est de cons-tater que la Suisse a nettement perdu du terrainces 20 dernières années par rapport aux autrespays pris en considération. Elle jouit toutefoistoujours d’une position relativement bonne.

3.5 Remarques finales

La quote-part de l’emploi a donc évolué demanière semblable à la quote-part de l’Etat (ouà la dette de l’Etat). Les quotes-parts particu-lièrement basses que la Suisse a réussi à affichersont de l’histoire ancienne. En comparaisoninternationale, la Suisse est toujours en relati-vement bonne position, mais elle s’est rappro-chée du niveau des autres pays et se trouve enpartie déjà en milieu de tableau. Il faut releverque les modifications essentielles des quotes-parts de l’Etat et de l’emploi sont intervenuesavant 1990 déjà. Or, les dettes étaient plutôt enrecul jusqu’à cette date. Ce n’est que par la suitequ’elles se sont fortement accrues.

L’évolution dans les cantons et les commu-nes a été très différente de celle enregistrée à laConfédération. Alors qu’à l’échelon fédéral, cesont les transferts avant tout qui ont gagné enimportance, dans les cantons, c’est la consom-mation de l’Etat qui s’est le plus fortementaccrue. Comme cette dernière a un fort coef-ficient de personnel, l’emploi s’est beaucoupplus développé dans les cantons et les commu-nes qu’à la Confédération. Le recul de l’emploiobservé ces derniers temps dans le secteur pu-blic au sens large est dû surtout au fait que lesentreprises publiques ont pris la forme juri-dique de sociétés anonymes qui demeurenttoutefois largement la propriété de l’Etat.

Durant la période examinée, il semble que l’é-volution enregistrée à l’échelon tant de la Confé-dération que des cantons et des communes ob-éisse à la loi de Wagner sur l’expansion naturelledes dépenses,dans sa variante non seulement ab-solue, mais aussi relative. Un changement doitmanifestement se produire : quel que soit le ni-veau jugé «optimal» de la quote-part de l’Etat enSuisse, l’évolution suivie depuis les années 60 nepeut être maintenue longtemps. Vu la concur-rence internationale en matière de fiscalité et desystème, qui n’admet plus que de façon très limi-tée les augmentations d’impôts, les coupes dansles dépenses semblent inévitables.

La Confédération est confrontée à un pro-blème particulier : l’évolution démographiqueva – ceteris paribus – entraîner une nouvelleaugmentation des transferts.11 Pour stabiliserle budget fédéral par rapport au produit inté-rieur brut, il faut donc réduire la consomma-

Bibliographie

– Baumol W.J. (1967), Macroeconomics ofUnbalanced growth: The Anatomy of UrbanCrises, American Economic Review 57(1967), p. 415–426.

– Davis, O.A., Dempster, M.A.H. et Wildavsky,A. (1974), Towards a Predictive Theory ofExpen-diture: U.S. Domestic Appropria-tions, British Journal of Political Science 4(1974), p. 419–452.

– Wagner, A. (1876), Grundlegung der politi-schen Ökonomie, Theil 1: Grundlagen derVolkswirtschaft, Leipzig 1876. (3e édition,Leipzig 1893.)

11 A laquelle vient s'ajouter une nouvelle augmentationprévisible des coûts de la santé qui devrait se fairesentir surtout au niveau des cantons, mais, en partieaussi, à celui de la Confédération.

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42 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

4.1 Lien entre les activités de l’Etat et le développement économique1

4.1.1 Introduction

Le lien entre les activités de l’Etat et le dé-veloppement de l’économie est à la fois un pro-blème scientifique intéressant et un thème po-litique brûlant. C’est tout particulièrement lecas pour la Suisse qui,depuis les années 90,pré-sente en matière de croissance une faiblesseguère contestée s’accompagnant d’une aug-mentation de la quote-part de l’Etat. Ceux quiaimeraient contrôler l’Etat ont intérêt à ce quele lien soit négatif. En revanche, ceux qui sou-haitent transférer à l’Etat de nouvelles tâchesnient l’existence d’un tel lien. En fait, il estpossible, comme nous allons le montrer ci-dessous, d’établir le bien-fondé de (presque) n’importe quel lien. Il suffit de choisir avec ha-bileté les données.

A vrai dire, le débat politique commencedéjà avec la définition de la quote-part del’Etat. Peu importe que l’on retienne, commecritère des activités de l’Etat, les recettes ou lesdépenses. Une quote-part élevée de l’Etat (encomparaison internationale ou dans une pers-pective historique) suggère la nécessité d’uneaction politique, ce qui n’est pas le cas lors-que la quote-part est faible. Pour l’année 2001,l’OCDE, par exemple, indique pour la Suisseune quote-part de l’Etat de 34,8 % et une quo-te-part fiscale de 35,6 %, ce qui place notre paysrespectivement au troisième et au cinquièmerang des 28 Etats considérés. J.-E. Lane (2002)parvient quant à lui, pour la même année, àune quote-part de l’Etat de 63,1 % et à unequote-part fiscale de 58,5 %.2 Difficile de trou-ver des estimations plus divergentes.

Il faut reconnaître qu’il n’est pas aisé de trou-ver une définition de la quote-part de l’Etat quiautorise les comparaisons internationales. Ledeuxième pilier de la prévoyance vieillessesuisse, le système des caisses de pension, doit-il par exemple être mis sur le compte de l’Etatde la même manière que l’assurance de rentesallemande ? Il s’agit certes dans les deux casd’assurances obligatoires, mais en Allemagnel’assurance de rentes relève de l’Etat et est ba-sée sur le système de la répartition alors qu’enSuisse les caisses de pension, bien qu’obéissantà des règles fixées par l’Etat, sont privées et tra-vaillent selon le système de la capitalisation.Et comment faut-il traiter l’assurance-mala-die qui est en Grande-Bretagne un système desanté étatisé, en Allemagne une assurance pri-vée réglementée par l’Etat, dont les primes

4. Analyses de thèmes choisis

dépendent du revenu, et en Suisse une assu-rance privée, également réglementée par l’Etat,mais dont les primes ne dépendent pas durevenu. Selon les éléments pris en compte,la quote-part de l’Etat peut varier énormé-ment.

Quelle que soit la manière dont cette quote-part est définie en particulier, on ne peutcontester, comme cela a été démontré dans le chapitre 3, qu’elle ait nettement progressédepuis 1960, la dernière forte hausse étantintervenue au début des années 90. C’est pré-cisément à cette hausse que l’on impute sou-vent la faiblesse de la croissance depuis lesannées 90. Or, elle a été, pour l’essentiel, laconséquence et non la cause de la faible crois-sance. Ainsi, la vigoureuse montée du chô-mage a nécessité des moyens supplémentairespour venir en aide aux chômeurs au mo-ment même où le produit intérieur brut partête était en régression. Dans une telle situa-tion, la quote-part de l’Etat augmente inévi-tablement, même en l’absence d’une volontépolitique d’étendre les prestations offertes parl’Etat. Comme les rentrées fiscales n’ont putenir le rythme de l’évolution des dépenses,l’endettement s’est sensiblement accru dans lemême temps. En considérant les années 90, laseule question qui peut se poser est de savoir si,au début de la crise économique, la quote-partde l’Etat était déjà si élevée qu’elle a empêchéune relance rapide.

Dans ce contexte, un autre élément doitêtre pris en considération. Il s’agit d’un effetde niveau observé lors des crises écono-miques des années 70 et du début des années90. La dégradation de la situation écono-mique a entraîné une hausse de la quote-partde l’Etat qui, au moment de la reprise con-joncturelle, n’a pas régressé dans la mêmemesure, mais s’est stabilisée à un niveaunettement plus élevé. Une telle évolution n’estmanifestement pas supportable à long terme.Si, à l’avenir, la quote-part de l’Etat s’accroîtà nouveau en période de récession, ce qui estsouhaitable dans la perspective d’une poli-tique anticyclique, il faudra veiller à la réduireau cours de la phase de reprise économique.Il est indispensable alors de comprimer lesdettes publiques provisoirement accumuléespour éviter que le paiement des intérêts nereprésente une part toujours plus forte desdépenses de l’Etat.

S’il est vrai qu’une hausse constante de lapart de l’Etat n’est pas supportable, cela ne sig-nifie pas qu’une quote-part élevée soit néces-

1 Concernant le chapitre 4.1 vous trouverez une étude de référence à l’adresse suivante: www.kfk.admin.ch/Studien zum Zusammenhang zwischen staatlicherAktivität und wirtschaftlicher Entwicklung, GebhardKirchgässner, Université St. Gall

2 Selon la définition de l’OCDE, on entend ici par «quote-part de l’Etat» le rapport entre le total des dépenses publiques (assurances sociales obligatoiresincluses) et le produit intérieur brut, tandis que la«quote-part fiscale» désigne le rapport entre les recettes publiques totales et le produit intérieur brut.Voir à ce sujet OCDE, Economic Outlook I/2004, annexe,tableau 25 s.

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Rapport annuel 2004

43 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

sairement négative. La plupart des économis-tes du monde anglo-saxon et germanophoneplaident en faveur d’un recul de l’Etat provi-dence (et, par là, d’une réduction de la quote-part de l’Etat). Mais d’autres spécialistes de l’économie, qui méritent d’être pris au sérieux,reconnaissent précisément à l’Etat providenceune influence positive sur la croissance écono-mique.3

Quel est le niveau optimal de la quote-partde l’Etat? Tout dépend finalement du modèled’Etat providence accepté dans une société.Comme le montre l’exemple des pays scandi-naves, il est possible d’accepter une quote-partélevée de l’Etat, qui peut aussi aller de pair avecune croissance économique convenable, lors-que l’Etat offre de manière efficiente un vo-lume correspondant de prestations. Des struc-tures d’accueil pour enfants, mises (presque)gratuitement à disposition par l’Etat, permet-tent par exemple aux femmes de concilier plusfacilement famille et profession. Elles entraî-nent ainsi une augmentation non seulement de la natalité (atténuant ainsi le problème dé-mographique), mais aussi du nombre desfemmes actives. Les citoyens sont dès lors dis-posés à payer des impôts relativement élevés.Ils n’acceptent en revanche qu’une chargefiscale plus légère (et donc une quote-part del’Etat plus faible) lorsque l’Etat ne propose pasde telles prestations.

Nous allons, ci-dessous, émettre tout d’abord quelques considérations théoriquessur le rapport entre la quote-part de l’Etat et lacroissance économique (chapitre 4.1.2), avantde résumer brièvement la littérature empi-rique dans la chapitre 4.1.3. Dans la sectionsuivante, nous examinerons plus en détail les (rares) travaux sur le sujet consacrés à laSuisse. Nous terminerons par un résumé et desréflexions sur les conséquences en matière depolitique économique (chapitre 4.1.5).

4.1.2 Quelques considérations théoriquesIl semble banal qu’il n’y ait pas, entre la

quote-part de l’Etat et le développement éco-nomique, un rapport linéaire qui permettraitde dire, par exemple, que plus la quote-part del’Etat est faible – ceteris paribus – plus la crois-sance économie est forte. Une quote-part nulle de l’Etat signifierait l’anarchie, ce quin’est guère compatible avec le développementéconomique. Il en va de même pour une quote-part de l’Etat de 100 % ou plus.4 La quote-part «optimale», celle qui, dans notrecontexte, conduit à une croissance maximalede l’économie, doit se situer quelque part entreces deux extrêmes.5 Nous avons ainsi une sortede «courbe de Laffer» pour le rapport entre laquote-part de l’Etat et le développement del’économie. La seule question sensée qui puissese poser est de savoir si la quote-part effective

d’un pays est supérieure ou inférieure à laquote-part optimale. Dans le premier cas,nous aurions localement un rapport négatifentre la croissance de l’économie et la quote-part de l’Etat alors que, dans le second, ce rap-port serait positif. La réponse à cette ques-tion ne peut être théorique, mais toujoursempirique.

On peut admettre, ceteris paribus, que lesdépenses de l’Etat ont en général des effetspositifs, ou tout au moins pas d’effets néga-tifs, sur le développement économique. C’estcertainement le cas des investissements pub-lics qui constituent des contributions préa-lables à la production privée. Mais cela vautégalement pour des prestations proposéespar l’Etat, considérées comme des assu-rances, qui en raison de la défaillance du mar-ché, ne sont pas offertes par l’économie privée, ainsi que pour des mesures de répar-tition des revenus qui peuvent être perçues,dans une certaine proportion au moins,comme des mesures dont l’effet est d’aug-menter la productivité.6 Le problème est qu’ilfaut à cet effet trouver de l’argent et donc, enrègle générale, prélever des impôts. Cela apour effet – à nouveau ceteris paribus – defreiner le développement économique. Laquestion de l’effet net doit donc être posée.Est-ce que ce sont les conséquences positivesou négatives qui l’emportent ? On peut ad-mettre que plus l’offre de prestations éta-tiques est importante, plus les effets négatifsrisquent de primer.

Pour déterminer les aspects qui prédomi-nent, il faut savoir comment les fonds néces-saires ont été réunis et dans quelle mesure desdistorsions sont ainsi créées. D’une manièregénérale, les impôts sur la consommation pro-voquent moins de distorsions que ceux préle-vés sur le revenu. Et les impôts sur les entre-prises ont plus d’effets négatifs que les impôtssur les personnes. A cet égard, l’aménagementdu système fiscal joue un rôle capital pourconnaître l’impact économique des activités de l’Etat.

On peut finalement se demander si les ac-tivités de l’Etat sont susceptibles d’avoir unequelconque influence sur le taux de croissanceà long terme d’une économie. Si l’on suit lathéorie néoclassique de la croissance, ce tauxest exogène : les activités de l’Etat exercent doncune influence uniquement sur le montant duproduit intérieur brut. Elles n’en ont aucunesur son évolution à long terme. Par contre,la théorie récente de la croissance endogène,lancée par P. M. Romer (1986), admet une influence possible de l’Etat sur le taux de croissance à long terme. Quant à savoir dansquelle mesure la croissance effectivement ob-servée est, dans ce sens, endogène, les avis sontpartagés.7

3 Voir par ex. Atkinson, A. B. (1995), ou Lindert, P.(2004).

4 Une quote-part de l’Etat de plus de 100 %, mesuréecomme dépenses de l’Etat par rapport au produit in-térieur brut, est théoriquement possible lorsque les dépenses publiques incluent les transferts, commec’est généralement le cas.

5 Il pourrait aussi y avoir en principe une zone optimale.Selon les considérations théoriques, cela paraît ce-pendant très improbable. La courbe pourrait d’ailleursdevenir très plate à proximité du point optimal.

6 Voir à ce sujet Kirchgässner, G. (1995).7 Voir à ce sujet, par ex., Evans P. (1997).

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4. Analyses de thèmes choisis

44 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

que si les études transversales internationalesn’aboutissent à aucun résultat significatif, c’estparce que la même relation linéaire a été utili-sée pour les pays riches, où la part de l’Etat estélevée, et pour les pays pauvres où cette part estfaible. Si l’on se base en revanche sur la relationnon linéaire décrite ci-dessus, sous forme de«courbe de Laffer», la relation pourrait êtrepositive pour les pays pauvres et négative pourles pays riches. Ces auteurs limitent donc leurétude aux pays riches. Mais J. Agell, Th. Lindtet H. Ohlson (1997) ont réalisé leur propreétude pour les Etats de l’OCDE qui, en com-paraison internationale, peuvent sans nul doute être qualifiés de pays «riches». Malgrétout, ils n’ont pas pu constater de rapportsignificatif. S. Fölster et M. Henrekson (1997,1999) ajoutent dès lors à leur échantillon unesérie de pays de l’OCDE, également riches se-lon leurs critères, et parviennent ainsi au ré-sultat qu’ils souhaitaient. Ce procédé est trèsproblématique car l’on a manifestement ajou-té à un set de données des observations spé-cialement «influentes» pour obtenir un résul-tat déterminé. J. Agell, Th. Lindt et H. Ohlson(1999) indiquent d’ailleurs à juste titre, dansleur réponse, que S. Fölster et M. Henrekson(1997) ne tiennent pas suffisamment comptedu problème de la simultanéité entre la crois-sance économique et les activités de l’Etat. Ilsmettent ainsi le doigt sur un des problèmesfondamentaux à résoudre pour saisir ce rap-port dans les analyses transversales, mais aussi dans les enquêtes de panel : comment la rela-tion entre la quote-part de l’Etat et la crois-sance économique peut-elle être rigoureuse-ment séparée de sa relation inverse dansl’analyse empirique ?

Le travail récent peut-être le plus inté-ressant est celui de R. La Porta et al. (1999).Comme il ne devrait faire aucun doute qu’un«bon» gouvernement favorise le dévelop-pement économique, les auteurs tiennentcompte de la qualité du gouvernement et cher-chent les facteurs qui le guident. Ils décou-vrent, dans des analyses bivariées, que si elleaccentue le poids des impôts, une quote-partélevée de l’Etat a pour corollaire une dimi-nution de la corruption et des lenteurs bu-reaucratiques ainsi qu’un meilleur approvi-sionnement en biens publics. Leurs résultatsmontrent clairement que des parts plus élevéesde l’Etat s’accompagnent certes d’impôts pluslourds, mais qu’elles améliorent presque tou-tes les performances. Un des résultats clés de cette étude est le fait que des parts plus éle-vées de l’Etat conduisent à des gouverne-ments de qualité supérieure (p. 239). Cela nesignifie toutefois pas – et les auteurs le souli-gnent – qu’il est souhaitable, d’une manière générale, d’étendre les activités gouvernemen-tales.

4.1.3 Lien entre la quote-part de l’Etat et la croissance économique : coup d’œil sur la littérature empirique

L’étude de R. J. Barro (1991) constitue lepoint de départ des travaux empiriques ré-cents. Dans une analyse transversale de 98Etats, l’auteur examine le lien entre le taux decroissance du produit intérieur brut réel partête d’un côté et, de l’autre, la part de la con-sommation publique et des investissementspublics au produit intérieur brut. Il trouve unlien négatif entre la consommation de l’Etat etla croissance de l’économie. Il n’en décèle enrevanche aucun entre les investissements pu-blics et le développement économique. En ou-tre, la stabilité politique favorise la croissancede l’économie, selon son étude, alors que lesdistorsions du marché la contrarient.

S’il existait auparavant déjà quelques étudesempiriques sur ce thème, le travail de R. J.Barro a suscité une foule de nouvelles recher-ches qui n’ont toutefois pas abouti à des ré-sultats probants. Comme l’écrivent J. Agell,Th. Lindt et H. Ohlson (1997, p. 33), ces étu-des ne permettent pas de dire si la relation entrel’ampleur du secteur public est «positive, né-gative ou inexistante». Ces auteurs montrentcomment, par une sélection habile des varia-bles explicatives, on peut aboutir à presquen’importe quel lien.G.Kirchgässner (2001) faitune démonstration semblable en prenant pourexemple un travail de B. Heitger (1998). Lasensibilité des résultats empiriques est aussiconstatée dans l’aperçu de V. Tanzi et H. H. Zee(1997,p.186 ss.).Pour évaluer la robustesse desrésultats possibles, X. X. Sala-I-Martin (1997)a effectué «des millions de régressions». Parmiles variables ayant une significativité solide, iln’a toutefois trouvé, écrit-il, aucun indicateurpour les activités de l’Etat. Enfin, le manque declarté des résultats pour l’ensemble des acti-vités étatiques se manifeste aussi dans une mé-ta-analyse de P. Nijkamp et J. Poot (2004),qui ont pris en compte 93 travaux avec au to-tal 123 méta-observations. Parmi les 41 étu-des qui examinent les effets de la quote-part del’Etat sur la croissance de l’économie, 22 n’aboutissent à aucun résultat évident, 7 con-cluent à des effets positifs et 12 à des effets né-gatifs. Les autres résultats sont plus nets, maisles échantillons étaient beaucoup plus rest-reints : 11 études sur 12 trouvent des résultatssignificativement positifs pour les dépenses en matière d’éducation, 28 sur 39 arrivent aumême résultat pour les dépenses d’infrastruc-ture. Sur 10 études, 6 concluent aux effetsnégatifs de l’imposition et 11 sur 21 aux con-séquences négatives des dépenses en matière de défense.

S. Fölster et M. Henrekson (1997, 1999) ontcritiqué le travail et les déclarations de J. Agell,Th. Lindt et H. Ohlson (1997). Ils estiment

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Rapport annuel 2004

45 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

Un récent travail de D. Romero de Ávila etR. Strauch (2003) est intéressant à un autretitre : lorsque les auteurs font entrer ensemble les dépenses de l’Etat et les impôts dansl’équation de croissance, ils obtiennent sou-vent des valeurs significativement, voire trèssignificativement, positives pour l’influencedes impôts directs. En revanche, ils parvien-nent à des valeurs significativement négativespour la consommation de l’Etat et les transfertset à des résultats significativement positifspour les investissements publics. Ils utilisentun panel pour les Etats membres de l’UE et lapériode allant de 1960 à 2001. Les résultats, enparticulier ceux concernant les impôts, sem-blent à première vue surprenants et infir-ment clairement toutes les considérations théoriques. Comme nous allons le voir ci-des-sous à l’aide du travail de CH. A. Schaltegger(2004), de tels résultats indiquent la domi-nance du lien de causalité inversé de la crois-sance de l’économie vers la quote-part de l’Etat dans la relation estimée. On constatedonc une nouvelle fois que le problème de lasimultanéité entre ces deux paramètres cons-titue la plus grande difficulté à résoudre, au niveau de la méthode, pour saisir de manièreempirique de tels liens.

Il est étonnant de constater le peu d’atten-tion accordée dans tout ce débat à la questionde la non-linéarité. Dans les études considéréesjusqu’ici, seule la distinction opérée entre pays«riches» et «pauvres» par les travaux de S. Föls-ter et M. Henrekson (1999, 2001) indiquel’existence d’une relation non linéaire. G. Kar-ras (1993, 1997) a toutefois examiné spécia-lement cette hypothèse. Dans une analyse depanel portant sur 18 Etats pour la période al-lant de 1968 à 1984, il arrive à la conclusion(1993) que les dépenses publiques de consom-mation sont productives, mais avec un ren-dement marginal qui diminue, si bien que laquote-part optimale, pour laquelle le rende-ment marginal des dépenses de consommationprivées est égal à celui des dépenses publiques,se situe autour de 20 %. En 1997, G. Karrasprend en considération 20 pays européens, surla période allant de 1950 à 1990, et aboutit àune quote-part optimale de la consommationpublique de 16 % du produit intérieur brut ± 3 %. S. Mittnik et T. Neumann (2003) ontprocédé à une analyse comparable pour l’Al-lemagne. Ils constatent une évidence pourl’hypothèse de non-linéarité concernant laconsommation publique, la quote-part opti-male se situant entre 18 et 19 %.

Selon R. Keller, M. F. Bleaney et N. Gemmell(1999), la variété des résultats des différentesévaluations est due au fait que la plupart de cesévaluations ne saisissent pas correctement lacontrainte budgétaire. Il est vrai que souventseules les dépenses ou les recettes/impôts sont

intégrées dans l’équation. Dès lors, si l’on suitles considérations émises ci-dessus et si l’onpart (à juste titre) de l’idée que les différentescatégories sont en corrélation, tous les signespossibles des paramètres peuvent se présenter.Ces auteurs ont mené une étude sur des pério-des de 5 ans,de 1970 à 1995,dans 22 pays mem-bres de l’OCDE. Ils constatent que les impôts(directs) qui ont un effet de distorsion rédui-sent la croissance, alors que les impôts (indi-rects) sans effet de distorsion n’exercent pasune telle influence.A l’inverse, les dépenses pu-bliques productives soutiennent la croissance,tandis que les dépenses improductives ne lefont pas. De tous les travaux présentés jus-qu’ici, c’est celui qui se rapproche le plus des résultats auxquels il faut s’attendre selon lathéorie.

Dans le débat très controversé sur les con-séquences du niveau de la quote-part de l’Etat,il est un élément qui fait l’unanimité : indé-pendamment du montant des dépenses publi-ques, de fréquentes et fortes modifications dela politique nuisent à la croissance. Ainsi, A.Brunetti (1997) montre, pour différentes me-sures de l’orientation de la politique monétaireet financière, que la volatilité de ces politiquesexerce une influence négative et souvent signi-ficative sur la croissance économique. Toute-fois, ici aussi, les résultats sont sensibles auxmodifications des pays inclus dans l’échan-tillon et aux spécifications des équations decroissance.

4.1.4 Résultats pour la SuisseLe premier travail empirique qui traite ex-

plicitement de la Suisse émane de R. J. Sing etR. Weber (1997). La question qu’ils abordentn’est à vrai dire pas celle des effets des dépen-ses publiques dans leur ensemble. Ils s’intéres-sent à certaines catégories de dépenses et à leurcomposition. Sur la base des données annuel-les de 1950 à 1994, ils examinent l’impact desdépenses pour la formation et la recherche,l’infrastructure des transports, la santé, l’aidesociale, la justice et la police ainsi que la défensenationale. Pour les dépenses en faveur de la for-mation et la recherche, ils obtiennent un effetpositif à long terme : une augmentation dura-ble d’un point de pourcentage de la part de cesdépenses au produit intérieur brut entraîne àlong terme une hausse d’environ 0,13 point depourcentage du taux de croissance. En revan-che, une augmentation identique de la part desdépenses de santé fait baisser ce même taux de 0,15 point de pourcentage environ. En cequi concerne toutes les autres catégories, lesauteurs ne parviennent pas à constater d’im-pulsions efficaces pour la croissance à longterme. Les dépenses en faveur des infrastruc-tures de transport et de la défense donnent desimpulsions temporaires : alors que les pre-

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4. Analyses de thèmes choisis

46 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

mières ont des effets positifs à court terme,les secondes freinent passagèrement la crois-sance.

La Suisse est également mentionnée dans le travail de G. Karras (1997) dont il a étéquestion ci-dessus. Comme il retient, pour no-tre pays, la valeur moyenne de 7,5 % sur la pé-riode considérée allant de 1950 à 1990 (en rai-son des données du tableau mondial de Pennsur lesquelles il base ses estimations), il en con-clut que les prestations publiques offertes enSuisse sont trop peu nombreuses. Mais si l’onconsidère – selon les résultats de la section 3 –que la valeur effective de cette quote-part at-teint 16 % à la fin de la période sous enquête et16,7 % en l’an 2000, ses conclusions ne sontplus pertinentes à l’heure actuelle, même si l’on ne peut parler (comme dans d’autres pays)d’un excès de prestations.

La Suisse est également prise en comptedans le travail de A. Bassanini et S. Scvarpetta(2001). Ces auteurs évaluent les équations decroissance pour 21 Etats de l’OCDE pendant lapériode allant de 1971 à 1998. Selon eux, laconsommation de l’Etat et les investissementspublics exercent des influences significative-ment positives sur le taux de croissance. Lesimpôts ainsi que la relation entre impôts di-rects et indirects ont en revanche des influen-ces significativement négatives. Comme tou-jours, ces résultats ne résistent toutefois pas à l’intégration d’autres variables. Ainsi, unéchantillon plus important, où il n’est pas tenucompte des investissements publics et des im-pôts, donne, pour la consommation de l’Etat,un résultat significativement négatif sur lacroissance au niveau de 5 %.8 Avec ce modèle,les auteurs tentent dans un deuxième temps de saisir l’écart des différents pays par rap-port à la moyenne de l’OCDE. Si on prend lamoyenne des années 1974 à 1977 comme pointde départ et la moyenne des années 1994 à 1997comme point d’arrivée, le taux de croissanceannuel de ces pays a été en moyenne de 1,55 %.La Suisse s’écarte nettement de cette moyenneavec un taux de croissance annuel de 0,81 %seulement. Les auteurs expliquent cet écart es-sentiellement par le niveau de départ élevédans les années 70 ; selon ces calculs, la faiblepart du secteur public en Suisse a même eu un impact positif sur la croissance, en compa-raison avec les autres pays de l’OCDE.

L’étude la plus récente consacrée à la Suissea été réalisée en 2004 par Ch. A. Schaltegger.A l’aide d’une analyse de panel sur la périodeallant de 1981 à 2001, celui-ci examine si laquote-part de l’Etat, définie comme dépensesdes cantons et des communes en part au pro-duit intérieur brut, ou la quote-part d’impôtont eu des effets significatifs sur la croissancede l’économie dans les 26 cantons. Il conclutque la quote-part de l’Etat a eu une influence

négative hautement significative alors que laquote-part d’impôt a eu au mieux une in-fluence négative de signification marginale.

La différence entre les résultats concer-nant la quote-part de l’Etat et ceux relatifs à la quote-part d’impôt, que l’on a pu égale-ment observer dans l’étude de D. Romero deÁvila et R. Strauch (2003), indique l’existenced’un lien de causalité inversé. Les dépenses de l’Etat sont toujours fixées une année àl’avance dans le plan budgétaire, en fonction de l’évolution attendue. Si la conjoncture évo-lue de manière plus favorable que prévu, laquote-part de l’Etat diminue. Si l’évolution est moins favorable, la quote-part augmente.Cette corrélation négative, qui se retrouve dans les résultats, est interprétée comme in-fluence négative de la quote-part de l’Etat surla croissance économique. S’agissant des recet-tes fiscales, la situation est plus complexe. Cesrecettes dépendent de l’évolution effective,mais elles sont encaissées avec un retard d’un à deux ans en raison de l’imposition selon le système praenumerando. Lorsque l’évolu-tion est cyclique, il peut en découler, ici aussi,un rapport négatif qui devrait toutefois êtremoins prononcé que pour les dépenses. Il n’estdès lors pas étonnant qu’il n’y ait pas de signi-ficativité.

Cet effet découle du fait que, dans la quote-part de l’Etat et la quote-part d’impôt, le pro-duit national par tête (et donc la variable dé-pendante) est contenu dans le dénominateur.Pour l’éliminer, on peut utiliser commevariable explicative les dépenses de l’Etat (resp. les impôts) par tête, au lieu de la quote-part de l’Etat. Il en résulte des effets positifstant pour les dépenses de l’Etat que pour lesimpôts. Une extension des activités de l’Etatsemble dès lors renforcer la croissance écono-mique. On peut toutefois, ici aussi, invoquerl’argument de la causalité inverse : les cantonsà forte capacité économique ont non seule-ment des rentrées fiscales par tête plus élevées,mais peuvent aussi se permettre de mettre da-vantage de prestations à disposition des ci-toyens. Afin que cela débouche sur un lienentre le taux de croissance de l’économie d’unepart et les dépenses de l’Etat et les recettes fis-cales par tête d’autre part, les cantons qui pré-sentent un produit intérieur brut élevé par têtedoivent aussi croître davantage. En réalité,nous observons pour la période allant de 1981à 2001 une corrélation de 0,51 entre le taux decroissance moyen et le produit intérieur brutmoyen par tête dans les cantons. Une telle cor-rélation positive ne va cependant pas de soi,tout au moins si l’on se base sur la théorienéoclassique de la croissance : l’hypothèse«Catch up» de cette théorie retient une conver-gence du développement, si bien que l’on de-vrait plutôt s’attendre au lien inverse. Dans les

8 Voir Bassanini, A., et Scvarpetta, S. (2001, tableau 3, p. 28).

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Rapport annuel 2004

47 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

estimations présentées par Ch. A. Schaltegger(2004, p. 5), les valeurs retardées du produitintérieur brut ont effectivement des coeffi-cients négatifs significatifs, ce qui parle en fa-veur d’une telle convergence. On peut, il estvrai, se demander à quelle vitesse une telleconvergence se réalise. Les coefficients estimésimpliquent que la durée d’adaptation moyen-ne est de 7 à 12 ans. Ainsi, un lien positif entrele niveau du produit intérieur brut par tête etle taux de la croissance économique est aussiconciliable à long terme.

La corrélation positive entre le produit in-térieur brut par tête et son taux de croissancesignale que l’effet essentiel du lien mesuréentre le taux de croissance réel et les dépensesde l’Etat devrait résulter avant tout de la struc-ture fédéraliste de la Suisse. Les cantons à fortecapacité économique et à forte croissance éco-nomique peuvent faire bénéficier leurs citoyensd’un nombre relativement élevé de prestationstout en ayant des taux d’imposition compara-tivement faibles. Pour pouvoir fournir à leurscitoyens des prestations analogues, les cantonspauvres doivent avoir des taux d’impositionbeaucoup plus lourds, ce qui augmente la quo-te-part de l’Etat. Mais si les cantons ne propo-sent pas tous les mêmes prestations, ils doiventtous fournir un minimum de prestations, par

exemple dans le domaine scolaire et éducatif,dans ceux des transports ou de l’administra-tion générale. Cela signifie que les dépenses partête seront plus faibles dans les cantons les pluspauvres. A cela s’ajoute l’effet de frein des sa-laires : en règle générale, les cantons pauvresversent à leurs employés et fonctionnaires dessalaires inférieurs à ceux que paient les cantonsà forte capacité économique. Tout cela n’estcependant pas suffisant pour permettre à cescantons de fixer des taux d’imposition aussibas que dans les cantons plus aisés.

Afin de mettre en évidence ce lien, nousavons représenté sous forme de graphique laquote-part des dépenses, les dépenses réellespar habitant et les taux de croissance réelle, endonnant les valeurs moyennes pour les diffé-rents cantons de 1981 à 2001. Le graphique 4.1montre le rapport entre la quote-part des dé-penses et la croissance économique ; ce rapportest négatif, comme on pouvait s’y attendre ; lecoefficient de corrélation est de –0.27. Le gra-phique 4.2 présente par contre le rapport entreles dépenses réelles de l’Etat par habitant et lacroissance économique ; ce rapport est positif,le coefficient de corréla-tion étant de 0.31. Cesrésultats devraient eux aussi (comme les résul-tats de régression abordés plus haut) découlerde la causalité inverse du développement éco-nomique sur les activités de l’Etat ; ils ne per-mettent de tirer aucune conclusion sur la ma-nière dont un niveau déterminé de laquote-part de l’Etat agit sur le développementéconomique.

On ne peut dès lors pas savoir si la haussede la quote-part de l’Etat est de quelque façonresponsable, en Suisse aussi, de la faible crois-sance enregistrée ces derniers temps. L’analysecritique du travail de Ch. A. Schaltegger (2004)montre en outre que les estimations faites pourdes Etats membres (resp. des cantons) d’unEtat fédéral se prêtent encore moins que lesévaluations internationales transversales ou depanel pour établir l’existence d’un lien de cau-salité négatif entre la quote-part de l’Etat et lacroissance économique. S’il en est ainsi, c’estessentiellement parce que le principe de l’uni-formité des conditions d’existence – qui n’estcertes pas souvent complètement réalisé – estplus fort au sein d’un Etat qu’entre des Etatsindépendants, ce qui accentue encore le pro-blème de la simultanéité. De plus, même si untel lien pouvait être clairement prouvé au ni-veau des cantons, on ignore s’il aurait des ef-fets sur le développement général en Suisse ou s’il provoquerait uniquement des déplace-ments entre les cantons.

4.1.5 Résumé et remarques finalesNi les études internationales (assez nom-

breuses), ni les (rares) travaux sur la Suisse nepermettent de dire si une réduction de l’activi-

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0

–0.5

–1.0

12

Quote-part des dépenses

16 20 24 28 32

Taux de croissance du PIB réel par tête

2.5

2.0

1.5

1.0

0.5

0.0

–0.5

–1.0

4000

Dépenses de l’Etat par tête

5000 6000 7000 8000 9000 10000 11000

Taux de croissance du PIB réel par tête

Graphique 4.1: lien entre la croissance économique et la quote-part de l’Etat, valeurs moyennes, 1981–2001

Graphique 4.2: lien entre la croissance économique et les dépenses de l’Etat par habitant, valeurs moyennes, 1981–2001

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4. Analyses de thèmes choisis

48 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

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Si une relation statistiquement sûre entre leniveau de la quote-part de l’Etat et la croissanceéconomique ne peut être prouvée, cela ne si-gnifie pas qu’une telle relation n’existe pas, nique le besoin d’agir sur le plan politique ne sefasse pas sentir. D’une part, l’insignifiance sta-tistique ne signifie pas qu’une relation n’existepas. Elle indique seulement que cette relationne peut être prouvée avec la sécurité désirée. Lefait qu’une influence positive soit mise en évi-dence dans plusieurs cas doit nous inciter à unecertaine retenue.

D’autre part, la nécessité de prendre desmesures politiques ne résulte pas en Suisse duniveau absolu de la quote-part de l’Etat qui, sil’on se base sur la définition de l’OCDE, est en-core assez modeste en comparaison interna-tionale. Elle découle avant tout de la constanteprogression de cette quote-part – évoquée dansla section 3 – depuis les années 60 et d’un effetde niveau, mentionné ci-dessus, que l’on a ob-servé après les crises économiques des années70 et 90. Quelle que soit la manière dont onestime l’effet du niveau atteint aujourd’hui parla quote-part de l’Etat, une poursuite de l’évo-lution actuelle ne serait guère judicieuse car, àpartir d’un certain niveau – difficile à détermi-ner, il est vrai – des effets négatifs se manfestentinévitablement. Compte tenu de la modifica-tion de la pyramide des âges et des nouvellesexigences financières du secteur de la santé,une stabilisation à long terme de la quote-partde l’Etat au niveau actuel est une entreprisepolitique qui n’est pas simple à réaliser.

Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier qu’ils’agit moins de l’ampleur de l’activité étatiqueque du rapport prix-prestations : les citoyen-nes et les citoyens sont prêts à payer des impôtsdans l’ampleur requise si on leur offre en con-trepartie des prestations de qualité adéquate.En outre, le système fiscal devrait être aménagéde façon à favoriser la croissance. Les initiativespolitiques prises dans ce domaine (de mêmeque celles visant à stabiliser la dette publique)sont au moins aussi importantes que les effortsdéployés en vue de stabiliser la quote-part del’Etat.

4.2 Viabilité à long terme de la politiquebudgétaire : utilité des comptes degénération9

4.2.1 IntroductionLes indicateurs budgétaires traditionnels

tels que le déficit ou la dette publique donnentune image instantanée de la situation finan-cière et des déséquilibres. Ils ne disent rien surles conséquences futures des décisions prisesaujourd’hui, ni sur la viabilité à moyen et à long terme de la politique budgétaire actuelle.Quand les décisions financières des collectivi-tés publiques se fondent sur de tels indicateurs,

té étatique entraînerait une augmentation dela croissance économique. Ceux qui réclamentune diminution de la quote-part de l’Etat nepeuvent donc prendre pour argument les con-naissances scientifiques actuelles. Cela tient àdes difficultés de nature conceptionnelle etméthodique :

(2) Il n’existe entre la quote-part de l’Etat et la croissance économique aucune causalitéunilatérale : si les activités étatiques ont deseffets sur la croissance économique, le dé-veloppement économique influence lui aussi la quote-part de l’Etat. Dans les études autanttransversales que de panel, il est extrêmementdifficile d’opérer une distinction entre ces deuxorientations des effets. Bien des travaux pré-sentés ne tentent même pas de le faire.

(3) Le rapport entre la quote-part de l’Etat et la croissance économique est nécessaire-ment non monotone. Il existe donc en principeune quote-part de l’Etat optimale pour lacroissance économique. Le niveau de cettequote-part optimale dépend du type d’Etatsocial : dans l’Etat providence de type scan-dinave, il est nettement plus élevé que dans lemodèle anglo-saxon. En conséquence, dans le premier système, une quote-part de l’Etat estconciliable avec une croissance convenable del’économie, alors qu’elle conduirait à la stag-nation dans le second cas. La question est doncde savoir si la quote-part d’un pays déterminéest supérieure ou inférieure à la quote-part op-timale donnée du système social en vigueur.

(4) Les études comparatives internationa-les ne posent guère la question en ces termes.Elles partent généralement d’un simple rapportlinéaire. Elles ne tiennent en outre pas comptedu fait que le niveau de la quote-part optimalede l’Etat dépend de facteurs institutionnels. Iln’est pas étonnant, dans ces circonstances, queles résultats soient contradictoires ou que, suiteà des manipulations, les études parviennentpresque toujours au résultat souhaité.

(5) Si au lieu de procéder à une comparai-son internationale, on examine le développe-ment des collectivités publiques au sein d’unEtat fédéral, il n’y a plus de problèmes liés auxdifférences de systèmes sociaux. En revanche,comme nous l’avons vu à l’exemple de la Suisse, le problème qui s’accentue est celui deséparer les deux orientations des effets : en sup-posant que tous les cantons visent à offrir à peuprès le même volume de prestations publiques,les cantons à forte capacité économique ontune quote-part de l’Etat plus faible que les au-tres cantons si cette quote-part n’exerce aucuneinfluence sur le développement économique.Par ailleurs, on ne sait toujours pas si une in-fluence négative prouvée de la quote-part del’Etat a un effet de frein sur la croissance dansl’ensemble de la Suisse ou si elle ne provoqueque des déplacements entre les cantons.

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Rapport annuel 2004

49 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

élevée sur les générations futures que sur cellesqui vivent aujourd’hui ? Quelle est la dette im-plicite – conséquence des droits acquis – qu’ilfaudrait ajouter aux engagements financierspour connaître la vraie dette de l’Etat ? Enfin,s’il y a un déséquilibre entre générations, quelchangement faudrait-il apporter aux politi-ques actuelles pour rétablir la situation ?

Les comptes sont construits en admettantque les générations présentes et à naître serontsoumises à la politique budgétaire actuelle(respect des droits acquis). Pour chaque classed’âge, un compte distinct est établi pour leshommes et pour les femmes. Le compte d’unegénération correspond au paiement net – im-pôts moins transferts reçus – d’un individu re-présentatif sur toute la durée de vie restante.Toutes les générations ont le même profil de ta-xes et de transferts par âge, au taux de produc-tivité près. Ces hypothèses permettent d’esti-mer le montant net qu’une personne devra enmoyenne payer à l’Etat jusqu’à la fin de sa viesur la base de la politique budgétaire actuelle.La méthode est ainsi orientée vers l’avenir et ne comporte aucune estimation rétrospective.Pour toutes les classes d’âge nées avant l’annéede référence, le paiement net se rapporte auxannées de vie restantes. Les montants ne sontdonc pas comparables puisqu’ils concernentdes périodes de vie différentes.

Toutes les valeurs estimées dans les comp-tes de génération – transferts, impôts, dépen-ses de consommation de l’Etat – sont ramenéesà l’année de base par un calcul d’actualisation.Le taux d’actualisation reflète non seulement lapréférence pour le présent, mais aussi le risqueassocié au versement de cotisations pour desrentes qui ne seront peut-être jamais touchées.La pratique est d’utiliser un taux constant même si le coût du risque varie probablementselon l’âge et selon la génération (CBO 1995).

Contrainte budgétaire de long termeLa contrainte budgétaire de long terme à la-

quelle sont soumises toutes les administrationspubliques indique que les paiements des géné-rations actuelles et à naître devront couvrir lesdépenses futures de l’Etat ainsi que la dettenette de l’année de base. S’il reste un solde im-payé, celui-ci devra l’être par les générationsfutures. La contrainte budgétaire intergéné-rationnelle correspond à l’égalité suivante :

A + B = D

où A représente le paiement net actualisé desgénérations présentes sur les années de vierestantes, B celui des générations futures et Dla dette nette.10 L’équilibre exige donc que ladette s’annule à long terme. En principe, Ddevrait englober tous les actifs – financiers etréels – moins les engagements de l’Etat. En fait,seuls les actifs financiers sont pris en compte.

elles ont de fortes chances d’être biaisées en faveur du présent. Les décideurs sont eneffet tentés de mettre en œuvre des pro-grammes de dépenses qui bénéficient àleurs électeurs – les générations présentes –et dont le financement sera à la charge desgénérations à naître.

Le principal problème des indicateurstraditionnels tient au fait que les lois et denombreuses décisions budgétaires ont unelongue durée de vie. Sans changement depolitiques, les choix actuels pèseront en-core sur les charges budgétaires dans plu-sieurs dizaines d’années. La combinaisondes droits acquis et du vieillissement dé-mographique risque de créer des déséquili-bres difficilement supportables. On estimeainsi que les dépenses liées à l’âge devraientcroître de 6 à 7 points de pourcentage duPIB jusqu’à l’horizon 2050 (OECD 2002).Les générations actuelles bénéficient del’amélioration des systèmes de retraite etdes progrès des technologies médicales sansen avoir entièrement payé le prix sousforme de cotisations ou de primes d’assu-rance tout au long de leur vie active.

La politique budgétaire de la Suisse est-elle viable, autrement dit peut-elle êtrepoursuivie indéfiniment sans qu’il en ré-sulte des déséquilibres insupportables, né-cessitant tôt ou tard soit une remise enquestion des droits acquis soit une aug-mentation des prélèvements de l’Etat ? Lecompte générationnel, dont les résultatsont été publiés en juin 2004, vise précisé-ment à répondre à cette question. D’autresméthodes d’analyse des effets à moyen etlong terme des politiques budgétaires, telsl’écart primaire ou l’écart fiscal à moyen etlong terme, ont été proposées par l’OCDEet pourraient constituer une alternative à lacomptabilité de génération. Les argumentsen faveur de l’une et l’autre de ces deuxapproches seront examinés.

4.2.2 Comptes de générationOrigine et principe de la méthode

La comptabilité générationnelle est unenouvelle méthode d’analyse des effets à trèslong terme de la politique budgétaire. Lespremiers travaux remontent au début desannées 1990 et sont l’œuvre de trois écono-mistes nord-américains : Alan Auerbach,Jagadeesh Gokhale et Laurence Kotlikof(1991). A l’origine, la méthode visait à ré-pondre à quatre questions plus ou moinsétroitement liées les unes aux autres : la po-litique budgétaire actuelle est-elle viable ence sens qu’elle pourrait être poursuivie in-définiment sans nécessiter un changementde politique ? Les politiques budgétaires nefont-elles pas peser une charge nette plus

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9 Concernant le chapitre 4.2, vous trouvez une étude deréférence à l’adresse suivante: www.kfk.admin.ch/Stu-dien/Viabilité à long terme de la politique budgétaire :utilité des comptes de génération/Claude Jeanrenaud,Université de Neuchâtel

10 L’équilibre à long terme du budget suppose que la detteactualisée s’annule à l’infini.

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4. Analyses de thèmes choisis

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Dette explicite Dette implicite Vraie dette

La contrainte budgétaire de long terme nedoit pas être interprétée comme un scénarioprobable. Son but est simplement de montrerles problèmes auxquels il faudra faire face si au-cune mesure n’est prise. Elle permet de répon-dre aux questions suivantes : en supposant quela politique reste inchangée, quelle serait lacontribution nette des générations présentes etquel serait le montant de la facture laissée auxgénérations à naître ?

Enfin, une manière très parlante de présen-ter le déséquilibre consiste à mesurer soit la réduction uniforme des transferts, soit l’aug-mentation uniforme des impôts qui seraitnécessaire pour retrouver l’équilibre. Une va-riante consiste à n’appliquer ces mesures qu’auxgénérations présentes ou alors aux seules gé-nérations futures (Masson 2002). La méthodese prête donc bien aux exercices de simulationde différentes politiques.

Dans les travaux récents, les dépensesd’éducation sont le plus souvent répartiesentre les classes d’âge supposées en bénéficier.Les autres dépenses – consommation et inves-tissements – sont distribuées également entreles cohortes.

Dans les premières versions des comptes de génération, les générations actuelles sontseules à bénéficier des droits acquis et le gou-vernement n’a ainsi pas d’autre choix que de «se retourner contre les successeurs» (Masson2002). Par contre, la convention adoptée dansles travaux plus récents consiste à traiter les générations actuelles et futures de manière symétrique, en faisant bénéficier des droits acquis les générations vivantes comme les générations futures. Les paiements nets des générations vivantes et à naître sont obtenus dela même manière. Le déséquilibre s’obtient encomparant à la dette initiale les paiements netsfuturs des générations présentes (A) et futures(B). L’écart (T) entre les paiements et la detteinitiale correspond au déséquilibre génération-nel. Si T est positif, la politique actuelle n’estpas viable et devra tôt ou tard être modifiée.

Dette publique intertemporelle = T = D – (A+B)

Pour cet indicateur, on dispose de donnéescomparatives pour la Suisse et pour quelquespays européens. Il n’y a toutefois pas d’estima-tions comparables plus récentes que celles del’année 1995. Avec une dette totale représen-tant 50 % du PIB, la Suisse figure parmi les paysles moins endettés.

4.2.3 Comptes de génération pour la SuisseUne première application de la comptabili-

té générationnelle en Suisse a été réalisée parStefan Felder (1997). L’auteur utilise la mé-thode originale de Auerbach et al. (1991) pourestimer les transferts intergénérationnels en-gendrés par l’AVS. Il mesure la dette implicitede l’AVS pour différents scénarios (statu quo,augmentation des cotisations, augmentationde la TVA). Un compte de génération pour les différentes cohortes vivantes est égalementestimé.

Une comptabilité générationnelle pour l’en-semble des administrations publiques et des as-surances sociales a été établie pour la premièrefois en Suisse par Raffelhüschen et Borgmann(2001) sur mandat du secrétariat d’Etat à l’éco-nomie. Les auteurs sont alors arrivés à la con-clusion que la politique budgétaire de la Suissene satisfaisait pas au critère de viabilité (annéede base 1997). A la dette financière nette de 135milliards (36 % du PIB), il fallait encore ajouterune dette implicite découlant de la législationactuelle et représentant 39 % du PIB.

Les résultats d’une nouvelle étude com-mandée aux mêmes auteurs par le secrétariatd’Etat à l’économie ont été publiés en juin 2004(Borgmann et Raffelhüschen 2004). Le comp-te générationnel a été calculé pour l’année2001. Comme on pouvait s’y attendre, les ré-sultats ne sont pas fondamentalement diffé-rents de ceux de la première étude, le déficit dedurabilité étant toutefois un peu plus faible.

Méthode et hypothèsesL’analyse est menée selon les règles usuelles

de la comptabilité de génération, le but étantde savoir si la politique budgétaire des collec-tivités publiques en Suisse est viable, autrementdit si elle peut être poursuivie sans laisser unefacture impayée aux générations futures. Lesauteurs font l’hypothèse d’une politique bud-gétaire constante, tant pour les générationsactuelles que pour les générations futures. Demême, toutes les dépenses de l’Etat, y comprisla consommation de biens et services et les in-vestissements, sont réparties entre les diffé-rents groupes d’âge.

Dans l’établissement d’un compte de géné-ration, la première opération consiste à savoircomment les recettes et les dépenses de l’Etat

Graphique 4.3: Déficit de viabilité : dette explicite et implicite en pour-cent du PIB(1995)

Source : Raffelhüschen et Borgmann (2001)

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Rapport annuel 2004

51 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

se répartissent aujourd’hui entre les différen-tes classes d’âge. Cela permet de définir le pro-fil des paiements nets par tête pour les dif-férents groupes d’âge à l’année de référence.C’est un problème classique d’incidence bud-gétaire. La mesure de l’incidence des impôts etdes transferts repose sur une exploitation spé-cifique de l’enquête sur le revenu et la consom-mation en 1998 (OFS 1998; Ecoplan 2001). Lesdépenses d’éducation et de santé sont impu-tées aux bénéficiaires directs. Quant aux autresdépenses et recettes, elles sont réparties sur labase d’un montant identique par tête.

La prévision postule une politique budgé-taire constante pour les générations présenteset à naître. Cette hypothèse signifie simple-ment que le profil des paiements nets par âgerestera identique à l’avenir, les dépenses et lesrecettes augmentant au rythme de la produc-tivité. Les prévisions des dépenses de l’AVS etde l’AI ainsi que de l’assurance chômage repo-sent toutefois sur des hypothèses spécifiques.Comme les rentes AVS et AI sont adaptées surla base de la moitié de la hausse réelle des sa-laires (indice mixte), ces dépenses augmen-teront deux fois moins vite que la producti-vité. Des modifications législatives projetées – 12e révision de l’AVS en particulier – ont étéintroduites sous forme de scénarios afin d’enévaluer les conséquences pour la viabilité de lapolitique budgétaire.

En l’absence de modifications législatives(politique constante), ce sont les changementsdémographiques – naturels ou migratoires –qui influencent les comptes générationnels et,par là, la viabilité de la politique budgétaire. Lesprévisions démographiques à très long terme(horizon 2200) jouent donc un rôle central.Pour la période allant jusqu’en 2060, les au-teurs adoptent les prévisions démographi-ques officielles (OFS 2001). L’allongement de l’espérance de vie – 5 ans pour les femmes,5,6 ans pour les hommes – aggrave le déficit deviabilité, alors que les migrations ont l’effetcontraire, puisque les migrants sont le plussouvent de jeunes actifs.

Les indicateurs de viabilité de la politiquebudgétaire ont été calculés pour plusieurs scé-narios. Le scénario de référence prévoit un gainannuel de productivité de 1 % et un taux d’ac-tualisation de 3 %. Les prévisions démogra-phiques correspondent au scénario A00-Trend2000. La 11e révision de l’AVS – refusée par lepeuple – est prise en compte dans le scénariode référence.

RésultatsL’analyse conclut à un déficit de viabilité de

la politique budgétaire des collectivités publi-ques suisses. Si l’on tient compte des droits acquis par toutes les générations vivantes et ànaître, la valeur actualisée de tous les engage-

ments non couverts équivaut à une detteimplicite égale à 24,5 % du PIB (18,6 % si la 11e révision de l’AVS avait été acceptée). Pourconnaître le vrai montant des engagements, ilfaut y ajouter la dette financière nette à l’annéede départ (161,7 milliards ou 39 % du PIB). Lavraie dette représente 63,5 % du PIB, elle estdonc plus élevée que celle qui figure dans lescomptes des collectivités publiques suisses. Encomparaison internationale, elle reste cepen-dant modérée. A noter que la vraie dette nepeut pas être interprétée comme une factureimpayée découlant du comportement des gé-nérations vivantes et transmise aux généra-tions futures. En effet, avec la méthode adop-tée, les générations futures contribuent audéficit de viabilité, car elles bénéficient aussides droits acquis. Par ailleurs, une partie de ladette à l’année de référence est attribuable auxgénérations éteintes.

Le deuxième indicateur de viabilité s’ob-tient en comparant le paiement net de la géné-ration (présente) née en 2001 avec celui de lagénération (future) à naître en 2002. Sur sa vieentière, un représentant de la génération néeen 2001 touchera environ 70 000 francs detransferts nets de plus qu’un représentant desgénérations futures, compte tenu de la haussed’impôts que ces dernières devront accepterpour résorber le déséquilibre (scénario de ré-férence). Cet indicateur révèle un déséquilibregénérationnel.

Le troisième indicateur de viabilité, peut-être le plus parlant, est l’augmentation desimpôts qu’il faudrait imposer aux générationsfutures pour effacer le déficit de viabilité. Cetteaugmentation est de 8 % dans le scénario deréférence.

Options de politique budgétaireSi l’on fait porter le poids de l’ajustement

aux seules générations futures, celles-ci de-vraient accepter une augmentation généraledes prélèvements de l’Etat de 8 %. Par contre,si l’on demande un effort symétrique à toutes les générations, la résorption du déficit de via-bilité exigera l’une ou l’autre des mesures sui-vantes : augmentation ad aeternam de 2 pointsde TVA, hausse permanente de tous les pré-lèvements de 2,9 % ou baisse du même pour-centage de toutes les dépenses.

La méthode de la comptabilité génération-nelle est aussi très utile pour simuler des mo-difications concrètes de la législation et en apprécier les conséquences sur la viabilité de lapolitique budgétaire. Porter l’âge de la retraiteà 67 ans réduirait le déficit de viabilité de63,5 % du PIB à 32 %. Abandonner l’indicemixte pour l’indexation des rentes AVS après laretraite – les rentes seraient uniquement inde-xées sur les prix – réduirait le déficit de viabi-lité de 17 points de pourcentage du PIB. Com-

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4. Analyses de thèmes choisis

52 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

biner ces deux mesures (prévues dans la 12e ré-vision de l’AVS) en maintenant le taux de TVAà son niveau actuel permettrait de ramener la dette intertemporelle à 15 % du PIB, soit nettement au-dessous de la dette financièrenette actuelle.

Robustesse des résultats et critiquesL’étude de Raffelhüschen et Borgmann ne le

montre pas explicitement, mais l’on sait que lesrésultats sont sensibles à la situation conjonc-turelle de l’année de référence. En effet, ce sontles dépenses et les recettes effectives de l’annéede base qui sont extrapolées, et non les dé-penses et les recettes corrigées des variationsconjoncturelles. Un déséquilibre à l’année debase se répercute donc à l’infini sur les comptesdes générations successives. De ce point de vue,ni l’année 1997 (première étude) ni l’année2001 (seconde étude) ne sont de bons pointsde référence. En 1997, la production se situaitau-dessous de son niveau de long terme, en2001 assez nettement au-dessus. La conjonc-ture à l’année de référence explique sans doute assez largement la diminution de la det-te implicite entre 1997 et 2001.11 C’est pour-quoi il est difficile de comprendre pourquoi lesdépenses et les recettes effectives à l’année deréférence sont utilisées pour la projection. Lesrecettes sont supérieures et les dépenses infé-rieures au niveau qu’elles auraient atteint dansune conjoncture équilibrée.

Les résultats sont aussi très sensibles auchoix des hypothèses. Dans une étude récenteconsacrée à la France, Bonnet (2002) observeque le déséquilibre générationnel varie de 1 à 4 selon les hypothèses. En ce qui concerne laSuisse, avec une diminution de 1 point du tauxd’actualisation – 2 % au lieu de 3 % –, le défi-cit de viabilité est totalement résorbé. Or, untaux de 2 % peut parfaitement se justifier pourla Suisse en raison du faible niveau des tauxd’intérêt réels. En conservant le taux d’actuali-sation du scénario de référence (3 %), mais ensupposant que la croissance sera un peu plus

forte (1,5 % au lieu de 1 %), le déficit de via-bilité est également éliminé. Enfin, les hypo-thèses sur lesquelles reposent les prévisionsdémographiques influencent elles aussi le ré-sultat. Selon les scénarios démographiques, ladette intertemporelle est très élevée ou trèsfaible; elle peut aussi devenir négative.

La méthode utilisée pour établir un comptegénérationnel postule que les impôts payés par une classe d’âge sont fonction du nombred’individus concernés et de l’évolution de laproductivité. Par hypothèse, le taux d’activitéaux différents âges est supposé rester constant.Cette hypothèse introduit un biais dans l’esti-mation du déséquilibre générationnel s’il y aune tendance à l’augmentation du taux departicipation – des femmes en particulier – à lavie active. En Suisse, la participation des fem-mes reste faible en comparaison avec des payscomme la Finlande, le Danemark et la Nor-vège, où les taux de participation des hommeset des femmes sont presque identiques.12 Si laparticipation des femmes en Suisse devait serapprocher de celle observée dans ces pays, ilen résulterait une réduction significative dudéséquilibre générationnel.13

Dette implicite envers les caisses de pensionDans le calcul de la dette implicite (Borg-

mann et Raffelhüschen 2004), les auteurs onttenu compte des dépenses futures non couver-tes de l’AVS (1er pilier), mais pas du déficit decouverture des caisses de pension (2e pilier).Selon une étude de SWISSCA (2003), le tauxde couverture des caisses publiques était de79,7 % à fin 2003.14 A noter qu’une insuffisancede couverture est tolérée pour les caisses pu-bliques, l’hypothèse étant que les ressourcesdes collectivités et l’argent des contribuablesconstituent un bon substitut aux ressourcespropres de la caisse (Zimmermann 2004).

Le déficit de couverture des caisses depension publiques équivaut à un déséquilibregénérationnel au même titre qu’un déficit definancement des futures rentes AVS ou des dé-penses de santé. Tôt ou tard, le déséquilibredevra être corrigé, probablement par les con-tribuables. Selon une étude de Zimmermannet Valda (2003)15, l’insuffisance de capital pourcouvrir les engagements futurs atteignait 41,3milliards de francs, dans le meilleur des cas,à la fin du premier semestre 2002. Ce montantsous-estime cependant l’importance des enga-gements non couverts. En effet, les caisses pu-bliques qui fonctionnent selon le système de laprimauté des prestations utilisent, pour calcu-ler le capital de couverture nécessaire et fixerles cotisations, un taux technique qui ne cor-respond pas aux conditions du marché.16 Cefaisant, les caisses surestiment les rendementsfuturs et sous-estiment le capital nécessairepour garantir les prestations. Le taux de cou-

Bilan générationnel 2001

Bilan générationnel 1997

Indices, 100 = équilibre106

104

102

100

98

96

94

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Graphique 4.4 : indicateur conjoncturel Créa

Source: Créa (2003)

11 Une valeur de l’indicateur Créa proche de 100 traduitune conjoncture normale; une valeur inférieure à 100,une faible activité; une valeur supérieure à 100, uneforte activité.

12 En Suisse, il existe un potentiel d’augmentation destaux d’activité féminins dans les tranches d’âge 25–54ans (maternité et éducation des enfants) et 55–64 ans.Voir Wanner et al. (2003).

13 Bovenberg et Ter Rele (2000) observent pour les Pays-Bas une importante diminution du déséquilibre géné-rationnel lorsque l’on prend en considération l’aug-mentation prévisible de la participation des femmes au marché du travail. L’augmentation nécessaire des impôts indirects passe de 4,2 à 1,1 point de pourcentage du PIB.

14 L’estimation se fonde sur un échantillon de 40 caisses,le degré de couverture n’étant toutefois connu que pour 19 d’entre elles. Ce dernier varie beaucoup d’uneannée à l’autre selon l’évolution des marchés financiers(voir Complementa 2003).

15 L’étude a été réalisée sur mandat d’Avenir Suisse. Les données de base proviennent de l’enquête Swissca 2003.

16 Zimmermann et Valda (2003) estiment le taux appro-prié à 3,0 et 2,4 % pour 2002 et 2003 respectivement.Le taux généralement utilisé est de 4 %.

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Rapport annuel 2004

53 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

verture donne alors une image biaisée de lasituation réelle de la caisse. Selon les calculs des deux auteurs, l’insuffisance de couverturedes caisses en régime de primauté des pres-tations, estimée avec un taux technique con-forme aux conditions du marché, serait de 51,0 milliards, contre 25,9 milliards sans cetajustement. Globalement la dette implicite descaisses de pension se monterait à 66 milliards,soit 15,8 points de pourcentage de PIB. La vraiedette des administrations publiques – impliciteet explicite – atteindrait ainsi 79,3 points depourcentage de PIB et non 63,5 comme estimépar Borgmann et Raffelhüschen (2004). Ceschiffres doivent toutefois être considérés avecprudence, car les taux de couverture qui ontservi à estimer la dette implicite vis-à-vis descaisses de pension sont influencés par des fac-teurs accidentels (chute des marchés bour-siers).17

DiscussionLa comptabilité générationnelle est d’abord

un bon outil pédagogique. Elle montre leslimites des indicateurs traditionnels que sontle déficit budgétaire ou le niveau des enga-gements financiers. Elle vise à sensibiliser lesdécideurs aux dangers d’adopter, sans se pré-occuper du financement, des mesures dont lescoûts se feront sentir à très long terme.

Il ne s’agit pas d’une analyse coûts-béné-fices et les dépenses autres que les transfertssont imputées aux différentes cohortes enfonction de la responsabilité supposée dans lescoûts et non sur la base des avantages obtenus.Cela pose un problème pour les investisse-ments : les grands travaux réalisés en 2001 –NLFA par exemple – sont imputés aux indivi-dus vivant à l’année en question, ce qui est con-forme à la méthode. Or, les bénéfices revien-dront surtout aux générations futures. Si lesgénérations présentes cessaient d’investir etd’entretenir l’infrastructure, la comptabilitégénérationnelle interpréterait le résultat –diminution du déficit de viabilité – comme unavantage pour les générations futures, ce quiest évidemment absurde.

Finalement, il faut se demander si l’indicede viabilité est le bon indicateur du déséquili-bre générationnel. Pourquoi devrait-on trans-mettre aux générations futures une situationsans dette ? Ne devrait-on pas plutôt, commele fait l’OCDE (voir ci-dessous), adopter la sta-bilité du rapport d’endettement (dette nette/PIB) comme norme de viabilité ?

4.2.4 Mesures de viabilité : comptes degénération ou méthode utilisée par l’OCDE

ComparaisonsUne seconde approche de la viabilité à long

terme des politiques budgétaires a été dévelop-pée au début des années 1990. Elle repose sur

les travaux de Blanchard (Blanchard 1990) et aété adoptée par l’OCDE. Cette méthode pré-sente de nombreux points communs avec lescomptes générationnels, mais aussi quelquesdifférences.

Dans les deux cas, la viabilité est définie àpartir d’une contrainte budgétaire inter tem-porelle. Pour juger de la viabilité de la politiquebudgétaire, il s’agit de se demander s’il est pro-bable que les autorités soient contraintes demodifier les recettes ou les dépenses futurespour éviter une crise de la dette. Dans l’appro-che de l’OCDE, l’accent est mis sur le caractèresoutenable ou non de la dette, alors que dansla comptabilité générationnelle, c’est le traite-ment identique des générations présentes etdes générations à naître qui constitue le critèrecentral.

Les deux approches se distinguent aussi parl’horizon temporel : horizon infini dans lacomptabilité générationnelle contre des pério-des de un, trois, ou même trente à cinquanteans dans la méthode de l’OCDE. Dans cettedernière, la politique budgétaire est viable si lerapport entre la dette et le PIB reste constantsur la période. Le fait qu’une dette subsiste enfin de période est donc compatible avec la con-dition de viabilité, pour autant que le poidsrelatif de la dette n’ait pas augmenté. La comp-tabilité générationnelle considère que laisserune dette impayée aux générations futures –dette financière ou implicite – est une violationde la condition de viabilité.

Indicateurs de viabilité à court et long termeBlanchard, l’initiateur de la méthode adop-

tée par l’OCDE, propose trois indicateurs deviabilité : écart primaire, écart fiscal de moyenterme et écart fiscal de long terme. Ces indica-teurs peuvent être calculés pour une collecti-vité particulière, pour un niveau de gouverne-ment ou pour l’ensemble du secteur public.Pour la Suisse, il n’existe que des estimationspour des collectivités particulières.18

– Ecart primaireCet indicateur a l’avantage de la simplicité,

car il n’exige pas de prévision des recettes etdépenses futures. Il définit la condition néces-saire pour que le rapport d’endettement ne sedétériore pas.

Si le taux de croissance est supérieur au tauxd’intérêt et si les recettes couvrent les dépenseshors intérêts passifs (absence de déficit pri-maire), il n’y a pas de risque d’explosion de ladette. En revanche, si le taux d’intérêt dépassele taux de croissance, un excédent primaire est nécessaire pour garantir la viabilité de lapolitique budgétaire. L’écart primaire révèlel’amélioration du budget primaire nécessairepour que la politique budgétaire soit viable. Ils’agit d’un indicateur myope, car il ne tient

17 Faute de données pour 2001, la dette implicite vis-à-vis des caisses de pension est donnée pour 2002. De lamême manière que la dette implicite pour l’ensembledes engagements de l’Etat dépend de la conjonctureéconomique, le taux de couverture des caisses de pen-sion et la dette implicite correspondante dépendentde la situation sur les marchés financiers. Pour cetteraison, la dette implicite envers les caisses de pensionpubliques estimée par Zimmermann et Valda (2003)est surestimée.

18 Weinmann (1997) a estimé l’insuffisance de recettes(«short and medium-term tax gap») et le niveau de dépenses soutenable («short and medium-term spen-ding gap») en utilisant les indicateurs de Blanchard.Egli et Leu (1995) ont mené une étude comparableportant sur les finances du canton de Berne. Burgat et Jeanrenaud (1989 et 1991) proposent une autreméthode pour mesurer la viabilité de la politique budgétaire, qui postule également la stabilité durapport d’endettement.

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4. Analyses de thèmes choisis

54 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

compte ni des effets du vieillissement ni des ris-ques que les droits acquis font peser surl’équilibre à long terme.

– Ecart fiscal à moyen et long termeL’écart fiscal correspond à la différence

entre le taux de prélèvement fiscal nécessairepour stabiliser le rapport d’endettement à l’is-sue de la période choisie et le taux effectif deprélèvement. Cette mesure de la viabilité ren-seigne sur la hausse des recettes (en points depourcentage du PIB) nécessaire pour stabiliserle rapport d’endettement. Le fait que l’indi-cateur soit défini en termes de prélèvementsplutôt qu’en termes de dépenses est une sim-ple convention qui ne dit rien sur la manièredont l’équilibre doit être rétabli, par une baissedes dépenses ou par une hausse des impôts.C’est donc l’écart entre le taux effectif de pré-lèvement et le taux nécessaire à la stabilisationde l’endettement qui permet de savoir si la po-litique budgétaire est viable.

En ce qui concerne l’écart fiscal à moyenterme, on retiendra la période de planification– généralement 4 ans – pour laquelle on dis-pose de prévisions. Pour une vision à plus long terme, l’auteur recommande un horizonde 20 à 50 ans qui permet de tenir compte des changements démographiques. Le calculde l’indicateur nécessite une prévision à trèslong terme des dépenses et des recettes. Lesconséquences du vieillissement sur les dépen-ses de prévoyance, de santé et d’éducation sontprises en compte. L’estimation des recettes sefonde sur l’hypothèse que leur rapport au PIBrestera constant.

4.2.5 ConclusionsLe déficit budgétaire – déficit financier ou

de fonctionnement – ne permet pas de juger dela viabilité de la politique actuelle. Un budgetéquilibré ne donne pas l’assurance qu’il n’yaura pas demain un déséquilibre insuppor-table sous l’effet combiné des droits acquis etdu vieillissement démographique. De même,la dette publique ne dit rien des engagementsfuturs découlant de la législation actuelle.

Les règles budgétaires adoptées par de nom-breux pays – limite du déficit ou de la dette en valeur absolue ou en pourcentage du PIB,plafond à la croissance des dépenses – ne ser-vent pas à prévenir les politiques budgétairesnon viables. Si la règle du frein ä l’endettementétait appliquée strictement, elle permettaitd’éviter les déficits structurels. La règle ne vatoutefois pas empêcher le Parlement de voterdes lois risquant de mettre en péril l’équilibrefinancier à long terme. Quant à la comptabilitéde génération et aux indicateurs de viabilité del’OCDE, s’ils permettent de reconnaître suffi-samment tôt les risques de déséquilibre à longterme, ils ne sont en revanche pas de bons ins-

truments de prévention des dérapages bud-gétaires à court terme. Comptabilité de géné-ration et frein à l’endettement ne sont pas des substituts mais des outils complémentairesrépondant à des objectifs différents.

Il existe deux familles de méthodes pourmesurer la viabilité de la politique budgétaire :la comptabilité générationnelle et les indica-teurs proposés par l’OCDE. Les deux appro-ches ont de nombreux points communs. Cequi les distingue, c’est d’abord le critère pourdécider si une politique est viable ou non, c’estensuite l’horizon temporel. La comptabilité degénération juge que la politique budgétaire estviable si les générations vivantes ne laissent pasune dette impayée aux générations futures. Lecritère central est donc l’existence ou non d’undéséquilibre générationnel. La méthode del’OCDE adopte un critère de viabilité différent: la politique budgétaire est jugée viable si lerapport de la dette publique au PIB demeureconstant. Les indicateurs proposés par l’OCDEindiquent aux autorités si la politique budgé-taire peut être maintenue sans risque d’une ex-plosion de la dette. Par ailleurs, dans la comp-tabilité de génération, l’horizon est infini etl’on postule que la politique actuelle sera ap-pliquée à l’infini sans changement. Dans l’ap-proche de l’OCDE, les indicateurs de viabilitésont calculés pour un horizon fini : 1 an, 3 ou4 ans (période de planification) pour la viabi-lité à moyen terme et 20 à 50 ans pour la via-bilité à long terme. Blanchard considère quel’indicateur de viabilité à moyen terme est leplus important; c’est celui sur lequel l’OCDEet les gouvernements devraient concentrer leurattention.

Quelle que soit l’approche adoptée – comp-tabilité de génération ou méthodes de l’OCDE–, les autorités disposeront d’une informationpertinente sur la viabilité à long terme de la po-litique budgétaire actuelle. Un bon indicateurde politique budgétaire devrait être aisémentcompréhensible, relativement simple à établiret dépendre le moins possible d’un modèle,autrement dit, reposer sur une analyse posi-tive plutôt que sur des jugements normatifs(Gramlich 1990); les avertissements que don-nent les indicateurs sur les risques futurs de-vraient être crédibles. Ni la comptabilité de gé-nération ni les indicateurs de viabilité à moyenet long terme de l’OCDE ne sont simples àcalculer. L’une des difficultés de la comptabi-lité générationnelle est de savoir à quelle clas-se d’âge il faut attribuer les différentes dé-penses et recettes de l’Etat. Cette question estrésolue plus simplement avec la méthode del’OCDE, laquelle, il est vrai, ne fournit pas lamême information détaillée sur le déséquilibregénérationnel. Dans les deux cas, tant le cri-tère de viabilité que la méthode de calcul sontaisément compréhensibles. Le fait que les in-

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Rapport annuel 2004

55 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

augmentation de la charge fiscale, grandeurmoins abstraite que la dette implicite. Iln’est pas nécessaire et serait sans doute con-tre-productif d’établir chaque année unemesure du déséquilibre générationnel. Il estpar contre important que les dépenses oules recettes à l’année de base ne soient pasinfluencées par des facteurs conjoncturels.Au besoin, on utilisera des valeurs corrigéesde l’influence de la conjoncture.

Le compte de génération établi pour laSuisse donne une information sur la viabilitéde la politique budgétaire pour l’ensemble desadministrations publiques et des assurancessociales. L’indicateur de viabilité se résumedonc à un seul chiffre, sans que l’on sache quel-le part du déséquilibre générationnel doit êtreattribuée aux domaines de compétence de laConfédération et quelle part est attribuable àla politique budgétaire des cantons et des com-munes. Dans ces conditions, il est probable queles cantons et communes ne se sentent pas trèsconcernés par l’annonce d’un déséquilibre gé-nérationnel. Il serait souhaitable de publier uncompte pour la Confédération et un compteséparé commun aux cantons et aux commu-nes. Il serait également judicieux que les can-tons mettent en place individuellement desoutils d’analyse permettant d’évaluer la viabi-lité des politiques budgétaires à moyen terme.L’indicateur de l’OCDE – écart fiscal de moyenterme – conviendrait tout à fait. Enfin, la dettedes collectivités publiques vis-à-vis des cais-ses de pension devrait être intégrée dans l’analyse.

4.3 Un référendum financier au niveau fédéral19

Chances, risques et aménagement

4.3.1 IntroductionLa situation financière de la Confédération

suisse est préoccupante. De 1990 à 2002, l’en-dettement de l’Etat, comme part au produit in-térieur brut, est passé de 30,9 à 53,8 %, essen-tiellement en raison des finances fédérales.20 Le2 décembre 2001, le peuple suisse a approuvél’introduction d’un frein à l’endettement de-stiné à contenir cette évolution. Toutefois, l’ef-ficacité du frein à l’endettement est parfoismise en doute et l’introduction d’un référen-dum financier au niveau fédéral est proposéecomme mesure supplémentaire en vue de li-miter l’endettement. Cette proposition se fondenotamment sur les expériences positives faitespar les cantons avec leur référendum financierobligatoire.

Le débat concernant l’introduction d’un ré-férendum financier à l’échelon fédéral n’est pasnouveau. Lors de la première tentative d’intro-

dicateurs de l’OCDE s’inscrivent dans un ho-rizon temporel fini et que cet horizon puisseêtre choisi est un argument en leur faveur. Il estprobable que les autorités n’accepteront pas deprendre des mesures impopulaires – augmen-ter les prélèvements fiscaux ou réduire les pres-tations – si les risques concernent un avenirtrès lointain. Un horizon à 20 ou 30 ans estquelque chose de plus concret qu’un horizoninfini. De même, l’idée de vouloir stabiliser lerapport entre la dette et le PIB (OCDE) paraîtun objectif plus raisonnable que de vouloirlaisser un environnement sans dette aux géné-rations futures (comptabilité de génération).Les méthodes de l’OCDE offrent donc un cer-tain nombre d’avantages par rapport à lacomptabilité de génération. L’intérêt de cettedernière serait de fournir une information pluscomplète.

Le système d’information dont disposentles autorités fédérales et cantonales pour con-naître l’orientation à moyen terme de la poli-tique budgétaire et pour juger de la viabilité decette politique à plus long terme est aujour-d’hui déficient. Pour l’améliorer, il convien-drait de compléter les données existantes. Lapalette d’outils pourrait comprendre les indi-cateurs suivants :– Des mesures instantanées : solde financier

et solde primaire (données existantes), plusles mêmes soldes corrigés des variationsconjoncturelles (données existantes, maisnon publiées), afin d’apprécier l’orienta-tion de la politique budgétaire. Pour que lesolde budgétaire ait une réelle significationéconomique, il est essentiel que la comp-tabilité publique soit établie conformé-ment aux normes comptables internatio-nales pour le secteur public (IPSAS);

– Un ou plusieurs indicateurs renseignant surl’évolution de la pression fiscale, tels que laquote-part fiscale ou la quote-part de l’Etat.Il s’agit d’éviter que le poids de la fiscalitéréduise la croissance à long terme, accen-tuant ainsi le déséquilibre générationnel;

– Des mesures de viabilité à moyen terme :un indicateur de viabilité à moyen terme (4 ans) devrait être établi en suivant la mé-thode de l’OCDE. Cet indicateur renseignesur l’écart entre le niveau effectif des prélè-vements fiscaux et le niveau nécessaire pourmaintenir stable le ratio de la dette publi-que au PIB;

– Une mesure de viabilité à long terme : il s’agit de choisir entre la comptabilité de génération et l’écart fiscal de long terme.L’avantage de la seconde méthode est depermettre de choisir un horizon pas tropéloigné – 20 ou 25 ans par exemple – afinque les décideurs se sentent concernés.Dans les deux cas, le déséquilibre à longterme peut s’exprimer sous la forme d’une

– Swissca (2003), Les institutions de prévoy-ance suisses: prestations, financement,défis actuels, Swissca, Zürich.

– Wanner, P., Gabadinho, A., Ferrari, A.(2003), La participation des femmes aumarché du travail, Office fédéral des assu-rances sociales, Berne.

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– Zimmermann, H. (2004), «Zur Unter-deckung von Pensionskassen: ein kriti-scher Überblick», Der Schweizer Treu-händer, no. 3, p. 173–178.

19 Concernant le chapitre 4.3, vous trouverez une étudede référence à l’adresse suivante: www.kfk.admin.ch/Studien/ Ein Finanzreferendum auf Bundesebene –Chancen, Risiken und Ausgestaltung, Lars P. Feld,Philipps-Universität Marburg.

20 Voir Kirchgässner (2004).

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4. Analyses de thèmes choisis

56 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

duire un frein aux dépenses, qui s’est soldée parun échec en 1953, il a déjà été question du ré-férendum financier comme mesure institu-tionnelle complémentaire. En vue de recentrerles droits populaires sur l’essentiel, le Conseilfédéral a lancé en 1996 une nouvelle offensivequi prévoyait entre autres mesures l’introduc-tion d’un référendum financier facultatif.21 Surle train de réformes proposées, seules l’initia-tive populaire générale et l’extension du réfé-rendum en matière de traités d’Etat ont finale-ment été soumises au peuple, qui a accepté leurintroduction en 2003.

Donnant suite à une initiative parlemen-taire de l’UDC, la Commission des institutionspolitiques du Conseil national s’est prononcée,le 14 novembre 2003, en faveur de l’instaura-tion du référendum financier facultatif au ni-veau fédéral. Ce référendum doit être lancé par50 000 électeurs et non par une minorité del’Assemblée fédérale. Sans indiquer avec préci-sion le montant limite à partir duquel les nou-veaux projets de dépenses doivent être soumisau référendum financier facultatif, la Commis-sion a manifesté l’intention de fixer un seuil fi-nancier relativement élevé pour que la consul-tation populaire porte sur des enjeux vraimentimportants.22 Ce référendum, qui est perçucomme un nouvel instrument susceptible defreiner l’endettement, a déjà été mis à l’épreuvedans les cantons. Pour la première fois depuiscinquante ans, on peut envisager que le Parle-ment soutienne le référendum financier.

Le Conseil fédéral a encore rejeté en juin2003 une intervention similaire émanant desrangs du PRD.Il a estimé que des mesures ponc-tuelles n’étaient pas judicieuses.23 Les change-ments institutionnels devraient, selon lui,intervenir sur un plan général. En outre, les ex-périences faites dans les cantons ne pourraient,pour diverses raisons, être appliquées tellesquelles à l’échelon fédéral. En raison de la partélevée des dépenses de transfert, la structuredes dépenses fédérales est fondamentalementdifférente de celle des dépenses cantonales, sibien qu’un problème de surréglementationpourrait se poser. Ce serait le cas si les citoyensacceptaient en votation populaire une loi pré-voyant des dépenses, mais qu’ils rejetaient l’ar-rêté financier correspondant.

Dans ce contexte, il est judicieux de résumerles arguments favorables et défavorables à l’ins-tauration d’un référendum financier au niveaufédéral. L’impact que pourrait avoir un réfé-rendum financier sur les finances publiques(chapitre 4.3.2) et les expériences faites jus-qu’ici avec le référendum financier (chapitre4.3.3) sont donc au cœur de la présente étude.Le mode d’action est analysé pour pouvoirdonner des indications générales sur les effetsdu référendum financier à l’échelon fédéral.Les expériences réalisées jusqu’ici ont été sys-

tématiquement exploitées dans une série d’étu-des qui se réfèrent avant tout aux cantons etaux communes suisses.

Une question essentielle est celle de la trans-position à l’échelon fédéral de cette institutioncantonale qu’est le référendum financier. Peut-on s’attendre aux mêmes résultats au niveaufédéral? En fait, la structure des dépenses n’estpas du tout la même au niveau fédéral qu’àl’échelon cantonal ou local. Il faut en outre te-nir compte du fait qu’il existe aujourd’hui déjà,au niveau fédéral, la possibilité de voter sur de(grands) projets de dépenses. La présente con-tribution indique quel pourrait être l’apportsupplémentaire d’un référendum financier ex-plicite au niveau fédéral par rapport aux pos-sibilités existantes (chapitre 4.3.4). Enfin, lesmoyens d’aménager le référendum financier àl’échelon fédéral sont multiples (chapitre 4.3.5).

4.3.2 Mode d’action d’un référendum financier

On qualifie de «référendums financiers» lesvotations populaires dans lesquelles des acteslégislatifs sont soumis au référendum unique-ment en raison de leur caractère financier.24 Lemontant de la dépense, de l’emprunt ou detout projet financier doit être expressémentcalculé. Dans les cantons, toutes les décisionsportant sur des dépenses, des emprunts, desimpôts, des participations à des entreprises oudes affaires immobilières sont soumises au ré-férendum financier. La forme la plus impor-tante est le référendum financier obligatoire,qui, en règle générale, concerne toutes les dé-penses nouvelles, non affectées, uniques ou ré-currentes, qui dépassent un montant limite(limite de dépenses).

Le référendum financier sert à contrôler lesdécisions financières prises dans la partie re-présentative du système politique. Grâce auréférendum financier, les citoyens peuvent re-fuser des projets de dépenses qui leur sontprésentés par le Parlement et le gouvernementet qui ne répondent pas à leurs désirs. Les di-vergences entre la volonté du souverain et cellede ses élus se manifestent pour des raisonsdiverses. Elles peuvent résulter, par exemple,de l’intérêt propre des politiciens ou de l’in-fluence exercée par des groupes d’intérêts. Lesprojets soumis au vote populaire peuvent pré-voir des dépenses supérieures ou inférieures àce que souhaitent les citoyens.

Appelés à se prononcer par référendum fi-nancier, les citoyens sont prêts à accepter, dansune certaine mesure, de tels écarts. En cas deréférendum obligatoire, les nouveaux projetsde dépenses qui dépassent un montant déter-miné, peuvent s’écarter du niveau souhaité parles citoyens dans la même mesure que la situa-tion de départ, le statu quo, s’écarte des préfé-

21 Voir à ce sujet Conseil Fédéral (2000, p. 4295 ss.).22 Voir à ce sujet le communiqué de presse du Secrétariat

de la Commission des institutions politiques du Conseilnational du 14 novembre 2003: Le référendumfinancier au niveau fédéral est accepté de justesse,http://www.parlament. ch/f/homepage/mm-medien-mitteilung.htm.

23 Voir à ce sujet le communiqué de presse du Conseil fédéral du 16 juin 2003: Le Conseil fédéral rejette l’introduction du référendum financier,http://www.efd.admin.ch/f/dok/medien/medien-mitteilungen/2003/06/finanzref.htm.

24 Voir au sujet de cette définition Trechsel et Serdült(1999, p. 37).

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rences des citoyens en matière de dépenses.L’existence d’un référendum financier ne per-met donc pas de satisfaire parfaitement les dé-sirs des citoyens. Une correction est toutefoisfaite dans cette direction.

Dans le cas d’un référendum financier fa-cultatif, l’écart maximal toléré par les citoyenss’accroît des coûts de la récolte de signatures. Amontant limite égal, le référendum financierfacultatif est donc moins restrictif que le réfé-rendum financier obligatoire. Cette différenceest toutefois (plus que) compensée par un ab-aissement du montant limite.Si celui-ci est sen-siblement plus bas pour le référendum faculta-tif que pour le référendum obligatoire, lepremier a un effet plus restrictif. Lorsque cesdeux instruments existent, ils peuvent se ren-forcer réciproquement à condition que le cho-ix de la limite de dépenses soit approprié pourles deux et que le nombre de signatures néces-saire pour le référendum facultatif soit adéquat.

Une initiative législative ou constitution-nelle peut aussi avoir pour effet de limiter lesdépenses. C’est le nombre de signatures requi-ses qui détermine si l’initiative est plus restric-tive qu’un référendum financier obligatoire.Une relation de substitution peut ainsi se déve-lopper entre les deux instruments. Les citoyensrecourent plus fréquemment à l’instrumentqui est pour eux le meilleur marché. A la diffé-rence de l’initiative, le référendum financiern’est pas en butte à des problèmes de mise enœuvre. En cas de référendum financier, les ci-toyens peuvent refuser un projet entraînant unvolume de dépenses qu’ils jugent trop élevé outrop faible. Avec l’initiative, ils peuvent propo-ser de nouveaux projets de dépenses ou des ré-ductions de dépenses. En matière de référen-dum financier, les citoyens sont liés au projetdu Parlement et du gouvernement.

La limite de dépenses à partir de laquelle denouveaux projets déclenchent un référendumfinancier détermine le degré de restrictivitéd’un référendum financier. Pour que celui-cipuisse avoir un impact sur les finances publi-ques, la limite ne devrait pas être trop élevée.Mais les limites ont aussi pour fonction d’ex-ploiter les avantages de la délégation de pou-voir aux députés et au gouvernement, avanta-ges qui découlent de la répartition du travail etde la spécialisation dans le processus politique.Elles ne devraient donc pas être fixées à un tropbas niveau. Il existe ainsi entre les deux objec-tifs un conflit qu’il faut résoudre en recher-chant un équilibre intelligent.

Compte tenu de l’asymétrie dans la distri-bution des informations, l’influence de grou-pes d’intérêts peut provoquer des distorsions.Ces groupes disposent de deux avantages enmatière d’informations : ils sont d’une partmieux informés des désirs des citoyens que lespoliticiens et d’autre part mieux informés des

projets des politiciens que les citoyens. Vu leurpremier avantage, ils peuvent convaincre les re-présentants du peuple de s’écarter davantagedes souhaits des citoyens qu’ils n’en avaientl’intention au départ. Selon l’évidence empiri-que disponible, ils peuvent inciter les citoyensà rejeter un projet, plutôt qu’à l’accepter.25 L’ef-fet de frein sur les dépenses que l’on attend duréférendum financier est donc préservé. S’agis-sant du deuxième avantage, il faut relever quele processus démocratique direct est en règlegénérale capable d’assurer la transparence despositions politiques des différents groupes d’in-térêts. Cet avantage se dilue donc dans la con-currence que se livrent les groupes d’intérêts.

Les restrictions qu’un référendum financierapporte à la politique financière sont relativesau niveau de dépenses souhaité par les citoyens.En théorie, les dépenses peuvent être plus éle-vées ou plus faibles dans les collectivités publi-ques qui connaissent le référendum financier,comparées à celles qui ne disposent pas de cetinstrument.Cela dépend de l’aménagement duréférendum financier pour les dépenses uni-ques ou récurrentes.

Et pourtant, le référendum financier a uneasymétrie propre qui a pour effet de limiter lesactivités de l’Etat. Le référendum financierportant sur les dépenses uniques est un instru-ment de veto permettant de refuser des nou-veaux projets entraînant des dépenses. En casde rejet, le projet n’est pas réalisé et n’a doncpas d’impact sur le budget, quelle que soit laraison pour laquelle les citoyens l’ont refusé (ilspréféraient des dépenses plus élevées ou moinsélevées). Lorsque les politiciens proposent desdépenses plus élevées que les souhaits des ci-toyens, le référendum financier entraîne ten-danciellement un volume des dépenses plusfaible que si la décision avait été prise selon lesystème démocratique purement représentatif.En revanche, lorsque les politiciens proposentdes dépenses moins élevées que les citoyens nele souhaitent pour un projet déterminé, maisque celui-ci est accepté de justesse, le volumedes dépenses a tendance à être plus faible quesi la décision avait été prise par un système depure démocratie directe. De par sa construc-tion, le référendum financier portant sur desdépenses uniques est donc susceptible de di-minuer au lieu d’augmenter les dépenses. Lescompressions de dépenses proposées par leParlement et le gouvernement ne sont pas su-jettes au référendum financier. Elles ne peu-vent donc être torpillées que par le biais d’unréférendum législatif ou constitutionnel facul-tatif ou par le lancement ultérieur d’une initi-ative. A l’inverse, les citoyens ne peuvent pasinitier des réductions budgétaires par un réfé-rendum financier.

S’agissant des dépenses récurrentes, il estpossible, mais improbable, qu’un référendum

25 Voir à ce sujet Gerber (1999), Gerber et Phillips (2004)ainsi que Kirchgässner, Feld et Savioz (1999).

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4. Analyses de thèmes choisis

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financier porte sur une révision d’acte législa-tif en vue de corriger vers le bas le volume desdépenses d’un projet adopté précédemment etprévoyant des dépenses périodiques.Lorsqu’u-ne majorité parlementaire présente une pro-position réduisant le volume financier, les ci-toyens vont la rejeter si, par rapport au statuquo, elle s’écarte davantage du niveau de dé-penses qu’ils souhaitent. En l’espèce, une ré-duction de dépenses serait rejetée par le biaisdu référendum financier sur des dépenses pé-riodiques. Ce cas est peu vraisemblable, car leniveau initial des dépenses périodiques devraitêtre tellement supérieur à la valeur seuil, quemême après son abaissement, il dépasserait en-core cette valeur seuil.

Des considérations semblables peuvent êtrefaites quant au lien entre référendum financieret endettement de l’Etat. Le référendum finan-cier tend à maintenir la dette de l’Etat à un basniveau. Bien qu’en vote référendaire la décisionsur un nouveau projet concret entraînant desdépenses ne soit pas explicitement liée à son fi-nancement, les propositions de financementfaites lors des débats qui ont précédé la déci-sion de politique financière exercent une in-fluence sur l’adoption ou le rejet du projet. Parconséquent, la vérité sur les coûts est en règlegénérale plus grande, permettant ainsi de me-ner une politique financière plus durable. Surle plan de la fiscalité, les citoyens sont souventplus conservateurs que leurs députés et fontpreuve de prudence.

4.3.3 Expériences de la démocratiedirecte dans les questions financières

Dans les cantons et les communes suisses, leréférendum financier obligatoire va de pairavec des dépenses et des recettes plus faibles.Sur le plan quantitatif, l’effet du référendum fi-nancier est considérable. Pour la période allantde 1980 à 1998, les dépenses publiques par ha-bitant et par année sont inférieures de 1314francs dans les cantons qui connaissent le réfé-rendum financier obligatoire.26 Ces résultatssont confirmés par différentes enquêtes indé-pendantes. Il n’est pas possible de prouver, avecune certitude statistique, une influence sur lesdéficits budgétaires cantonaux et locaux. L’évi-dence tend toutefois à démontrer que le niveaude l’endettement est significativement plus fai-ble dans les cantons et les communes ayant leréférendum financier obligatoire.27

Concernant le rapport entre la structure desdépenses et le référendum financier, aucuneconclusion fiable n’a pu être établie. Nous dis-posons uniquement d’études qui utilisent unindice de la démocratie directe. Cela vaut éga-lement pour l’examen des effets distributifs dela démocratie directe. Ces résultats signalenttoutefois, d’une certaine manière, que les reve-

nus sont distribués de façon plus ciblée dansun système de démocratie directe.28 S’agissantde la structure des recettes, il s’avère que lescantons disposant du référendum financierobligatoire financent leurs dépenses plutôt pardes taxes et des contributions que par les im-pôts.29 Ce résultat est mis en évidence par lesétudes portant sur la péréquation financière.Les cantons qui connaissent le référendum fi-nancier obligatoire reçoivent significativementmoins d’aides financières avec participationpropre.30

Plus les valeurs seuils fixées pour le référen-dum financier obligatoire sont élevées, moinscelui-ci a d’effet restrictif sur les dépenses can-tonales. Ce qui n’empêche pas que, lorsque lesvaleurs seuils sont relativement élevées, com-me à Saint-Gall où cette valeur est supérieureà 15 millions de francs, les réductions de dé-penses restent quantitativement considérableset statistiquement significatives.31

Il existe une relation de substitution par-tielle entre l’initiative législative et le réfé-rendum financier.32 L’effet du référendum fi-nancier est, pour un montant limite donné,d’autant plus restrictif que le nombre de sig-natures requises pour l’initiative législative estélevé. Les citoyens ont recours à l’instrument àdisposition qui est comparativement le plusavantageux pour eux. A cet égard, le référen-dum financier prend le pas sur l’initiative lé-gislative : c’est l’instrument relativement leplus restrictif dont l’effet de frein sur les dé-penses est le plus robuste. Ce résultat est com-patible avec les supposés problèmes de mise enœuvre que pose l’initiative législative.

Aucune enquête sur les interactions entreréférendums financiers obligatoire et facultatifn’a encore été menée jusqu’ici. Un référendumfinancier obligatoire peut toutefois se transfor-mer en référendum facultatif par le choix ap-proprié des valeurs seuils et du nombre de sig-natures requises. Il est impossible, sans fairedes calculs approfondis, de dire à partir dequelles valeurs seuils et quel nombre de signa-tures cela serait le cas.

4.3.4 Problèmes liés à la transpositionde l’institution «référendum financier»à l’échelon fédéral

Les connaissances acquises sur les effets desdroits populaires directs en Suisse peuvent-el-les être transposées sans autre à l’échelon fédé-ral? Cette transposition se heurte à trois diffi-cultés. D’une part, la structure des dépenses dela Confédération diffère de celle des cantons etdes communes. La Confédération procède àdavantage de transferts que les cantons. D’au-tre part, le Conseil fédéral fait état d’un pro-blème de surréglementation. Il serait en effetpossible que le peuple adopte des lois prévoyant

26 Voir à ce sujet Feld et Matsusaka (2003).27 Voir à ce sujet Feld et Kirchgässner (1999, 2001,

2001a), Schaltegger et Feld (2004) ainsi que Freitag et Vatter (2004).

28 Voir à ce sujet Feld, Fischer et Kirchgässner (2003).29 Voir à ce sujet Feld et Matsusaka (2003a).30 Voir à ce sujet Feld et Schaltegger (2004).31 Voir à ce sujet Feld et Matsusaka (2003).32 Voir à ce sujet Feld et Matsusaka (2003).

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Rapport annuel 2004

59 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

des prestations financières, et refuse ensuite,par vote référendaire, les dépenses décidées envertu de ces lois. Finalement, les référendumsseraient utilisés comme instruments de veto. Ilen découle la crainte d’une éventuelle politiquede blocage menée par les citoyens au niveaufédéral.

En fait, la Confédération dépense davanta-ge pour les transferts que les cantons et lescommunes. Sans tenir compte des transfertsentre les collectivités publiques, 32,2 % des dé-penses de la Confédération ont été consacréesen 2001 à la prévoyance sociale et à l’agricul-ture. Durant la même année, les dépenses con-senties en faveur de ces secteurs ont représenté22,3 % du budget des cantons et 14,3 % de ce-lui des communes.33 Ce calcul ne prend pas enconsidération une série d’autres dépenses detransfert et d’allègements fiscaux. Proportion-nellement, le domaine propre de la Confédé-ration est donc restreint.

De par sa construction, le référendum fi-nancier est semblable à une décision simuléed’achat de biens privés. Le citoyen se voit pro-poser un projet de dépenses, pour des infra-structures par exemple, d’un ordre de gran-deur donné. Sur la base des informations quilui sont fournies, il décide des voies de finan-cement possibles, en procédant à une compa-raison implicite des coûts et des avantagesd’une prestation publique. Cette comparaisonest plus facile à établir pour les biens de con-sommation que pour les investissements, oùles aspects intertemporels sont plus impor-tants. Elle est particulièrement difficile à fairelorsqu’il s’agit de programmes visant à une re-distribution des revenus. Dans ce dernier cas,les citoyens se trouvent presque devant une dé-cision d’assurance sur les risques-vie qui nepeuvent pas ou pas suffisamment être garantissur le marché. Le calcul nécessaire pour pren-dre une décision rationnelle est individuelle-ment difficile. En raison de la redistributiondes revenus, il faut s’attendre à ce que les con-tributeurs nets de ces programmes se pronon-cent contre le projet en vote référendaire. Lesbénéficiaires nets peuvent tenter de forger desmajorités pour exploiter ceux qui perçoiventles revenus les plus élevés ou possèdent les plusgrandes fortunes. Il peut théoriquement en ré-sulter des cycles de redistribution qui seraientprobablement instables.

Si l’on jette un regard sur la réalité suisse, onconstate qu’il existe, aujourd’hui déjà, une sé-rie de programmes de redistribution des reve-nus, qui ont été adoptés ou modifiés avec laparticipation du peuple. On ne peut pas parlerd’instabilité, dans le sens de modificationsconsidérables et fréquentes du droit. En dépitde la complexité de ces décisions, les citoyenssont à même de défendre leurs intérêts.34 Il y aégalement de nombreux cas où les citoyens,

face à des décisions de ce genre à l’échelon fé-déral, ont remis en question leur position in-dividuelle rationnelle et se sont prononcés enfaveur d’une solution collective raisonnablequi allait à l’encontre de leurs intérêts ration-nels à court terme.35

Par ailleurs, les cantons procèdent aussi àune certaine redistribution des revenus, mêmesi ce n’est pas dans la même ampleur que laConfédération. Il est donc possible d’en tirerau moins certaines conclusions quant aux ef-fets du référendum financier sur les dépensesde transfert. Rien n’indique que la politique deredistribution des revenus soit déraisonnabledans les cantons régis par une démocratie plu-tôt directe. La redistribution est certes signifi-cativement plus faible dans ces cantons. Maislorsque les différences entre les hauts et les basrevenus deviennent trop importantes, la redis-tribution est relativement plus forte dans cescantons. La redistribution des revenus sembledonc plus ciblée lorsque la démocratie est di-recte.36

De nombreux arguments plaident en faveurde décisions populaires, précisément dans lesquestions de politique de répartition. Les par-lementaires et le gouvernement disposent d’in-formations lacunaires sur les préférences descitoyens en matière de répartition. Sur les ques-tions délicates de politique de répartition, ilssont exposés à l’influence considérable desgroupes d’intérêts, qui tous se targuent de mie-ux représenter les intérêts de la population.Dans ces conditions, un référendum financiercontribue à rationaliser les décisions.

Toutefois, les citoyens pourraient, lors d’unréférendum législatif facultatif, approuver uneloi sur les prestations qui prévoit des dépenseset, par la suite, refuser les dépenses décidées surla base de cette loi (problème de « surrégle-mentation »). On redoute que ce problème pu-isse conduire à un processus budgétaire (en-core) plus complexe et plus difficile à prévoir.Le cas échéant, il faudrait se demander pour-quoi les citoyens agissent ainsi. Ces décisionspourraient découler de l’irrationalité des ci-toyens ou de la différence des structures de par-ticipation entre les deux scrutins. Le problèmeserait alors inhérent au référendum financier.D’une manière générale, l’évidence concernantles référendums financiers dans les cantons (etdans les Etats des Etats-Unis) n’indique pasqu’il y ait eu des irrationalités particulières. Leproblème dit de « surréglementation » pour-rait aussi résulter du fait que les citoyens tien-nent à juste titre à des projets moins onéreux.Une politique déterminée peut se pratiquer àdes coûts différents. Le problème de « surré-glementation » serait le résultat d’une restric-tion escomptée de la marge de manœuvre despoliticiens par le référendum financier. Celadevrait compliquer dans les faits le processus

33 Voir Administration fédérale des finances (2003).34 Voir Bütler (2002).35 Voir Pommerehne et Schneider (1985).36 Voir Feld, Fischer et Kirchgässner (2003).

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4. Analyses de thèmes choisis

60 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

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budgétaire, même si des problèmes véritablespourraient être minimisés par une planifica-tion budgétaire prudente. Etant donné que lesnouveaux projets de dépenses devraient êtresoumis au référendum financier, les problèmesde budgétisation devraient être, dans les faits,maîtrisables. La réponse la plus simple au pro-blème de « surréglementation » devrait être deconcrétiser de nouvelles prestations financiè-res dans le budget qu’une fois la barrière du ré-férendum financier franchie avec succès. Dansle cas d’un référendum financier facultatif, leConseil fédéral pourrait de sa propre initiativesoumettre des projets importants au référen-dum et cela afin de préserver une sécurité dansla planification.

Instaurer le référendum financier à l’éche-lon fédéral pourrait être problématique du faitque ce référendum vient se greffer sur un sys-tème existant de redistribution des revenus.Ainsi, de nouvelles décisions de dépenses dé-coulant de programmes de répartition exis-tants pourraient être refusées. Cette situationnécessiterait probablement la révision de sériesde lois, avec tous les risques que cela comporte.Mais une telle révision offre aussi des chances.Elle permettrait de réexaminer la nécessité etl’efficacité de postes du budget qui n’ont jamaisété remis en cause.

Dans bien des cas, la Suisse s’adapte pluslentement que d’autres pays aux exigences dechangements venues de l’extérieur. En prin-cipe, un référendum financier est moins ap-proprié qu’un référendum législatif pour blo-quer des changements nécessaires au niveaufédéral. Dans le sens du problème de «surré-glementation» mentionné ci-dessus, il peutcertes arriver que certains retards se produi-sent. Mais les résistances aux changements semanifestent probablement davantage à traversle référendum législatif facultatif lancé par descitoyens qui ne veulent pas d’une certaine po-litique. A cet égard, le référendum financier,qui serait un instrument supplémentaire, nechangerait pas grand-chose, car il peut être uti-lisé pour attaquer des décisions qui affectent lebudget seulement au-delà d’une certaine va-leur seuil. Compte tenu de l’objectif visé, quiest de freiner les dépenses, le référendum fi-nancier convient tout à fait. Le référendumfinancier est un instrument de veto qui permetde refuser les projets entraînant de nouvellesdépenses. S’ils sont refusés, ces projets ne sontpas réalisés et n’affectent donc pas le budget.De par sa construction, le référendum finan-cier est à même de restreindre les dépenses. Ila certainement, mais dans une moindre me-sure, le caractère d’un instrument de blocage.

Du côté des recettes, la marge de manœu-vre de la Confédération est aujourd’hui rest-reinte puisqu’en règle générale, les augmenta-tions d’impôts doivent être acceptées par le

peuple sous forme même de référendum con-stitutionnel obligatoire. Du côté des dépenses,les restrictions de démocratie directe sont cer-tes moins fortes, mais elles sont tout de mêmeconsidérables. C’est ainsi que chaque révisionde l’AVS est soumise au référendum législatiffacultatif. Lorsque les décisions portent sur desrecettes affectées, comme le relèvement dupourcentage de taxe sur la valeur ajoutée parexemple, un référendum constitutionnel estparfois obligatoire. La nouvelle péréquation fi-nancière qui remplace un vaste programme deredistribution au niveau fédéral par un autrevaste programme de redistribution, doit êtredécidée dans un référendum constitutionnel.De telles restrictions existent dans une séried’autres programmes de dépenses. De plus, lefrein à l’endettement agit essentiellement com-me une règle de dépenses, étant donné que desadaptations du côté des recettes fédérales sontdifficiles à réaliser.

Toutefois, les citoyens estiment manifeste-ment que ces restrictions de démocratie direc-te ne sont pas suffisantes. C’est la raison pourlaquelle ils ont parfois recours à l’initiative con-stitutionnelle pour limiter les dépenses fédéra-les. Un référendum financier rend superfluesces constructions juridiques souvent douteusesqui sont utilisées pour tenter d’empêcher cer-taines dépenses par le biais de dispositions con-stitutionnelles. On a pu le constater dans le casde l’initiative de Rothenthurm et de l’initiativesur les F/A-18, par exemple. De telles modifica-tions constitutionnelles sont plutôt probléma-tiques, non seulement parce qu’elles dérangentla systématique de la Constitution, mais aussiparce qu’une fois acceptées, elles sont difficilesà changer, toute révision de la Constitution exi-geant la majorité du peuple et des cantons.

Le référendum financier devrait, surtoutpour les grands projets d’infrastructure, êtreassorti de restrictions supplémentaires. Latransparence des décisions financières se trou-verait améliorée par un référendum financierdans lequel un certain crédit est accepté et toutenouvelle dépense soumise à l’approbation po-pulaire. Il en va de même des grands projets desubventions. Les expériences faites au niveaucantonal attestent que les citoyens peuvent trèsbien estimer l’utilité des subventions. Une po-litique plus raisonnable en matière de dépen-ses devrait ainsi être mise en place.

Outre les effets directs qu’un référendumfinancier peut avoir à l’échelon fédéral, il fautégalement prendre en considération ses effetsindirects. D’une part, les députés et le gouver-nement voudront tenir compte des souhaitsdes citoyens avant de prendre des décisionsayant une incidence sur le budget. En raison del’incertitude qui règne quant aux préférencesdes citoyens, ils vont faire preuve de prudencedans leurs calculs et essayer de proposer des

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Rapport annuel 2004

61 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

projets entraînant de faibles coûts, afin de nepas risquer une défaite en vote référendaire.Cette anticipation d’une éventuelle défaiteélectorale va réduire la marge financière desdifférents projets. D’autre part, les décideursau Parlement et au gouvernement vont tenterde rester en-deçà de la valeur seuil prévue pourle référendum financier en «saucissonnant»éventuellement un projet. Ce danger est réel etde telles réactions d’esquive peuvent être con-statées au niveau des cantons. L’expérience descantons montre toutefois que le référendumfinancier est suffisamment restrictif.

Le frein à l’endettement et le référendumfinancier se répercutent de différentes maniè-res sur le processus budgétaire. Le frein à l’en-dettement laisse aux instances politiques unemarge de manoeuvre considérable lors de la fi-xation des recettes et des dépenses, alors que leréférendum financier permet d’agir de maniè-re plus ciblée au niveau des crédits pour desdépenses particulières. Au contraire du frein à l’endettement, le référendum financier estorienté sur un autre horizon de planification.Il devrait ainsi venir compléter le frein à l’en-dettement. L’évidence au niveau des cantonsmontre que le frein à l’endettement et le réfé-rendum financier ne se trouvent pas dans unerelation de substitution. Alors que les freins àl’endettement cantonaux contribuent princi-palement à la réduction des déficits cantonaux,le référendum financier entraîne des dépenseset des recettes plus faibles.37

4.3.5 Aménagement d’un référendumfinancier à l’échelon fédéral

La solution la plus raisonnable consisteraità soumettre au peuple pour approbation lesnouvelles dépenses (uniques et récurrentes)qui dépassent un montant déterminé. Que l’oninstaure un référendum financier facultatif,obligatoire, ou les deux à la fois, n’est pas dé-terminant. Selon le montant limite et le nombrede signatures requises, les deux instrumentspeuvent être équivalents. Le projet actuel deréférendum financier facultatif semble doncacceptable. Le nombre de signatures prévu(50 000 électeurs), qui se calque sur le référen-dum législatif facultatif, est également judicie-ux, car il se rattache à une pratique ayant faitses preuves à l’échelon fédéral.

Qui doit cependant se prononcer sur cequ’est une «nouvelle» dépense? Dès qu’il s’agitd’une extension des dépenses dans le temps, lesdépenses globales des projets concernés (à par-tir d’un certain montant) devraient être sujet-tes à référendum. Comme il reste encore unelarge marge d’aménagement, il devrait en ou-tre être possible d’avoir recours au référendumfinancier lorsque la somme retenue est infé-rieure à la valeur seuil, mais qu’une très forte

minorité du Parlement le demande. Si l’on en-tend donner au peuple la possibilité de con-trôler, par le biais d’un référendum financier,la politique du Parlement et en particulier lecomportement de celui-ci en matière de dé-penses, il serait judicieux de prévoir un quo-rum dans l’une des deux Chambres pour lelancement d’un référendum financier faculta-tif. On pourrait envisager de limiter le quorumà un quart des membres d’un conseil.

Reste la question de la valeur seuil. A la dif-férence de ce qui se passe dans la plupart descantons, il est pertinent de prévoir des limitesrelatives de dépenses. La valeur seuil devraitêtre indiquée en pour-cent d’une moyenne desdépenses de l’année précédente. Ainsi le réfé-rendum financier ne deviendrait pas plus res-trictif à mesure que les dépenses augmentent.Si l’on se base sur la médiane des valeurs seu-ils du référendum financier obligatoire pourles dépenses uniques, qui entraîne une nettecompression des dépenses publiques au niveaucantonal38, et que l’on met ce paramètre en re-lation avec les dépenses du canton concerné en1998, il en résulte une valeur seuil de 0,15 %.En prenant pour exemple le canton de Saint-Gall, dont le montant limite est situé au 75e

centile, on obtiendrait un montant limite de0,45 %. Pour un référendum financier faculta-tif, les valeurs devraient être plus basses. Si l’onprend encore une fois l’exemple du canton deSaint-Gall, alors une valeur seuil de 0,1 % dev-rait être fixée.Compte tenu des expériences fai-tes avec la NLFA au niveau fédéral, il semble in-diqué de fixer à un niveau relativement bas lesvaleurs seuils pour le référendum financierportant sur des dépenses récurrentes. Une ré-glementation, qui semble fonctionner au ni-veau cantonal, fixe la limite des dépenses à undixième de la valeur prévue pour le référen-dum sur les dépenses uniques.

4.4 Désenchevêtrement des assurancessociales et du compte de l’Etat39

4.4.1 IntroductionL’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et

l’assurance-invalidité (AI) sont étroitementliées au budget de la Confédération sur le plan financier, mais aussi statistique. Contrai-rement à ce qui se passe dans la plupart des autres pays, ces deux assurances n’ont pas decompte propre dans le bilan des comptes na-tionaux. Le Conseil fédéral envisage toutefois,à moyen terme, de séparer l’AVS et l’AI du bud-get fédéral. Le projet a été provisoirement re-poussé après l’échec de la 11e révision de l’AVSen votation populaire le 16 mai 2004. Le dé-senchevêtrement des comptes de la Confédé-ration et des assurances sociales poursuit deuxobjectifs. Le premier est d’améliorer la trans-parence des recettes et des dépenses de la Con-

37 Cf. Schaltegger et Feld (2004).38 Voir Feld et Matsusaka (2003).39 Concernant le chapitre 4.4, vous trouverez une étude

de référence à l’adresse suivante: www.kfk.admin.ch/Studien/Entflechtung von Sozialversicherungen undStaatsrechnung Monika Bütler, Université de Saint-Gall.

– Pommerehne, W.W. und Schneider, F.(1985), Politisch-ökonomische Überprü-fung des Kaufkraftinzidenzkonzepts: EineAnalyse der AHV-Abstimmungen von 1972und 1978, in: Brugger, E.A, et Frey, R.L.(éds.), Sektoralpolitik versus Regionalpoli-tik, Rüegger, Diessenhofen 1985, 75–100.

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4. Analyses de thèmes choisis

62 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

fédération et des assurances sociales. Le secondest d’avoir une vue d’ensemble plus claire dusystème de subventionnement des assuran-ces sociales par les pouvoirs publics. Le désen-chevêtrement des assurances sociales et ducompte d’Etat est ainsi comparable à la réfor-me proposée de la péréquation financière et dela répartition des tâches entre la Confédérationet les cantons (RPT).

Les dépenses de l’AVS et de l’AI vont for-tement augmenter ces prochaines décennies,pour des raisons démographiques avant tout.A partir de 2010 environ, les recettes de l’AVSne pourront plus suivre le rythme des dépen-ses. Ce phénomène existe depuis déjà plus dedix ans dans l’AI. Aujourd’hui, environ 20 %des dépenses de l’AVS et 50 % de celles de l’AIsont financées par les pouvoirs publics (Con-fédération et cantons).40 Si les ressources géné-rales de la Confédération doivent continuer àl’avenir de payer un pourcentage légalementprescrit des rentes, les contributions aux deuxassurances sociales vont, comme le montre legraphique 4.5, accaparer une part toujours plusimportante des recettes de la Confédération etdu produit intérieur brut.411 En outre, la parti-cipation proportionnelle des pouvoirs publicsaux prestations des assurances sociales pro-voque un automatisme des dépenses qui com-prime potentiellement d’autres tâches fédéra-les et peut conduire à des conflits relatifs à laredistribution. Toutefois, la tenue de comptesséparés pour les assurances sociales AVS et AIdans le bilan des comptes nationaux ne permetpas non plus de résoudre ce problème. Il seraitdès lors judicieux, lors d’un éventuel désen-chevêtrement, de discuter aussi de l’aménage-ment des subventions des pouvoirs publics.

La présente contribution expose, sous l’an-gle économique et dans le contexte internatio-nal, les chances et les problèmes liés à un dé-senchevêtrement. Dans la première partie,nous examinerons les différents aspects d’undésenchevêtrement ainsi que la réglementa-tion en vigueur en Suisse et dans quelques pays

industrialisés. Un désenchevêtrement et, enparticulier, un réaménagement du finance-ment par la Confédération nécessite des révi-sions de la Constitution fédérale ainsi que deslois sur l’AVS et l’AI. Nous aborderons doncaussi, sous forme d’analyse, les aspects depolitique économique.42 Pour terminer, nousdébattrons de quelques problèmes concrets dé-coulant d’une séparation éventuelle de l’AVS/AI et du compte d’Etat en Suisse.

4.4.2 Les termes du problèmeLe désenchevêtrement des grandes assuran-

ces sociales et du compte d’Etat pose deux pro-blèmes fondamentalement différents. Le pre-mier touche au type de comptabilisation desassurances sociales dans les comptes natio-naux. Le second concerne l’aménagement destransferts des ressources générales de la Con-fédération aux assurances sociales, soit de lapart du financement qui ne provient pas descontributions des assurés.

Sous l’angle des comptes nationaux, on dis-tingue essentiellement trois critères pour lecompte d’exploitation des grandes assurancessociales.

1) Le critère de distinction de loin le plusimportant est celui de la séparation : il con-vient de déterminer si des comptes propressont tenus pour les assurances concernées ou si celles-ci entrent directement dans lescomptes de l’Etat. Il s’agit d’un critère pure-ment comptable qui ne touche pas les aspectsde financement (que ce soit la part des contri-butions ou celle des prestations).

2) Les comptes de l’assurance de rentes et del’assurance-invalidité peuvent être tenus sépa-rément ou ensemble. La question est impor-tante, car certaines prestations des assurancesne peuvent plus, à la fin de la vie active, être ran-gées clairement dans l’une ou l’autre assurance.

3) Une question essentielle est celle du typede gestion et de comptabilisation des réserves.On peut songer à de petites réserves fluctuan-tes, mais aussi à une véritable réserve consti-tuée en périodes favorables pour fournir lesmoyens financiers nécessaires en périodes dé-favorables. Comme nous le verrons ci-dessous,la question des réserves est aussi liée au type detransferts étatiques aux assurances sociales.

Les contributions des assurés ne couvrentpas toujours la totalité des dépenses des assu-rances de rentes et d’invalidité. Une part im-portante des prestations est financée par lesressources générales de l’Etat. Ce financementpeut être lié ou discrétionnaire. Dans le secondcas, le financement est redéfini, respectivementnégocié, chaque année. La garantie du déficitde la Confédération pour les assurances socia-les occupe une position particulière. En cas debalance complète des comptes, la formation deréserves revient généralement aux assurances

40 Selon la nouvelle péréquation financière RTP, les cantons ne doivent plus participer directement au financement de l’AVS et de l’AI. Leurs contributions(selon la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants) doivent être entièrement prises en chargepar la Confédération.

41 Les contributions des pouvoirs publics s’élèvent au-jourd’hui à quelque 10 milliards de francs et représen-tent ainsi près de 20 % du budget de la Confédération.Comme le montrent le tableau 3.4 et le chapitre 3 duprésent rapport annuel, on a enregistré ces dernièresannées une hausse sensible de ces contributions enpart des dépenses publiques et par rapport au PIB.

42 «Pour avoir une chance devant le peuple, les projets de politique financière doivent jouir d’un large consensus», a relevé récemment le conseiller fédéralMerz dans un exposé.

AVS AI

Dépenses en % du PIB1.9

1.7

1.5

1.3

1.1

0.9

0.7

0.5

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020

Graphique 4.5 : contribution de la Confédération au financement de l’AVS et de l’AI

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Rapport annuel 2004

63 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

correspondantes. Pour les transferts liés de l’Etat aux systèmes d’assurance, on retientpour l’essentiel les caractéristiques suivantes :

a) Les contributions de l’Etat sont directe-ment fonction des recettes de l’assurance so-ciale dans le sens de «matching funds». Ce typede financement a jusqu’ici été appliqué surtoutpour les projets de recherche et d’investisse-ment, car il incite fortement à exploiter dessources de financement alternatives. Commeles assurances sociales ont peu de contrôle surleurs recettes, ce type de financement n’a pasgrand sens.

b) L’Etat fournit une part déterminée desrecettes publiques aux assurances. Un exempleimportant est la cession de pourcentage de taxe sur la valeur ajoutée aux institutions cor-respondantes. Les recettes provenant d’impôtsaffectés tombent aussi sous ce critère de finan-cement. Outre la taxe sur la valeur ajoutée, onpeut songer également aux impôts écologi-ques, aux impôts sur l’énergie, aux taxes sur l’alcool et le tabac ainsi qu’aux impôts sur lesmaisons de jeux. Ce type de financement estaussi totalement indépendant des prestationsd’assurances, comme mentionné sous lettre a).

c) L’Etat participe avec un pourcentage dé-terminé aux prestations des assurances. Il peuts’agir d’un pourcentage déterminé de la som-me totale des dépenses ou du financement decertaines prestations (par exemple, coûts desretraites anticipées). Contrairement aux deuxmodèles de financement précédents, l’Etatsupporte dans ce cas une partie du risque desdépenses.

d) Les assurances sociales bénéficient d’unsoutien financier selon une formule détermi-née qui peut comprendre, outre les recettes et les dépenses, d’autres aspects encore (nom-bre d’assurés, conjoncture, renchérissement).Pour l’Etat, le risque lié aux dépenses dépendde l’aménagement de la formule.

e) En cas de garantie de déficit, l’Etat com-pense toute la différence entre les recettes et lesdépenses de l’assurance sociale. C’est particu-lièrement le cas lorsque l’Etat finance toutes lesprestations de rentes par les ressources fiscalesgénérales et supporte ainsi la totalité du risquelié aux dépenses.43

Le subventionnement des assurances socia-les peut aussi consister en une combinaison deplusieurs des règles mentionnées ci-dessus.C’est ainsi que le financement par les recettesd’impôts affectés peut, par exemple, être lié àune complète balance des comptes.

4.4.3 Réglementation en vigueur en Suisse et dans une sélection de pays

SuisseLa Suisse ne tient pour l’instant pas de

comptes séparés pour les deux grandes assu-rances sociales que sont l’AVS et l’AI dans le

bilan des comptes nationaux. L’Office fédéralde la statistique tient cependant les comptescorrespondants hors du bilan des comptes na-tionaux. De plus, l’Office fédéral des assuran-ces sociales présente chaque année de manièretrès claire les revenus et les engagements del’AVS et de l’AI. En Suisse comme dans la plu-part des autres pays, les assurances de rentes et d’invalidité sont comptabilisées séparément.

En Suisse, 20 % des prestations AVS et 50 %des dépenses de l’AI sont financées par la Con-fédération et les cantons. Ce financement, fixédans la loi, se compose des recettes des im-pôts affectés sur le tabac et les spiritueux, depour-cent de la taxe sur la valeur ajoutée et desressources générales de l’Etat. La nouvelle péréquation financière entend simplifier la répartition complexe de ces subventions entrela Confédération et les cantons. Ces derniers ne devraient plus participer directement auxcoûts de l’AVS et de l’AI.

La Confédération suisse n’équilibre pas lescomptes des assurances sociales, mais compta-bilise les soldes comme réserves ou commedettes. Les réserves de l’AVS en Suisse corres-pondent à peu près aux dépenses d’une année.Elles sont donc nettement supérieures à des ré-serves purement fluctuantes, mais pas assezimportantes pour couvrir en grande partie lesfutures dépenses supplémentaires. L’AI, poursa part, a déjà accumulé des dettes représentantenviron 45 % des dépenses annuelles (2002).A l’heure actuelle, l’endettement annuel nou-veau correspond déjà à plus de 10 % des dé-penses.

Sélection de pays industrialisésUn coup d’oeil sur quelques pays indus-

trialisés importants figurant dans le tableau4.144 indique que la comptabilisation des assu-rances sociales dans le compte d’Etat est plutôtinhabituelle, en comparaison internationale.Seule la Grande-Bretagne n’a pas de comptesinstitutionnalisés pour les assurances socia-les dans le bilan des comptes nationaux. Toutcomme la Suisse, elle dresse les dépenses et lesrecettes de l’assurance de rentes dans un autrecadre, mais elle le fait seulement à interval-les irréguliers et de manière très peu transpa-rente.

Dans la plupart des pays, les assurances derentes et d’invalidité sont comptabilisées sépa-rément. L’Allemagne et l’Autriche constituentà cet égard des exceptions. Aux Pays-Bas, l’in-validité est imputée sur le compte de l’assu-rance-chômage. Dans quelques pays, tels quela France et l’Allemagne par exemple, descomptes séparés sont tenus pour les assuran-ces de rentes des différents groupes profession-nels. Dans ces cas, des paiements compensa-toires sont souvent opérés entre les assurancescorrespondantes.

43 Dans ce type de transferts, les excédents éventuelsvont soit à l’Etat, soit à un fonds de réserve. En réalité,il est rare que le second cas se présente.

44 En annexe à la version complète de cette contribution,vous trouverez une description détaillée de la situa-tion dans les pays sélectionnés (ainsi que de nombreuxliens Internet). Elle peut être consultée à l’adresse suivante: www.kfk.admin.ch/Entflechtung von Sozial-versicherungen und Staatsrechnung, Monika Bütler,Université de St. Gall. Il faut relever que les pays ontété choisis notamment en fonction des informationsdisponibles. La sélection n’est donc pas représentati-ve. Les pays retenus sont plutôt ceux dont la compta-bilité des assurances sociales est relativement trans-parente.

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4. Analyses de thèmes choisis

64 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

De véritables réserves des assurances socia-les sont constituées uniquement dans les paysoù l’Etat ne compense pas entièrement lescomptes correspondants (voir ci-dessous).Toutefois seuls les Etats-Unis (implicitement)et les Pays-Bas (explicitement) constituent devéritables réserves dans la perspective desfuturs changements démographiques. AuxPays-Bas, un transfert annuel de l’Etat permetd’accumuler des réserves. Celui-ci est financé,comme les rentes courantes, par le produitgénéral des impôts. Aux Etats-Unis, une ré-serve importante est constituée par les excé-dents courants versés dans le «Social securitytrust fund». La constitution d’une telle réservepar des excédents a aussi lieu en France, maisdans une mesure beaucoup plus faible. L’Al-lemagne dispose d’un fonds de réserve trèsmodeste qui peut tout au plus servir de réser-ve fluctuante.

Dans aucun des pays sélectionnés, les assu-rances sociales parviennent à fonctionner sanstransferts des pouvoirs publics. Dans bien descas, ces transferts ont lieu sous forme d’une ga-rantie de déficit implicite ou explicite sur unebase annuelle, tout au moins pour une partiedes prestations. La Grande-Bretagne limitecette compensation à 17 % des dépenses de

l’assurance. La France et l’Allemagne équi-librent uniquement les comptes de certainesbranches des assurances de rentes. En Alle-magne, l’aide financière de l’Etat inclut impli-citement aussi des aspects de la couverture dedéficit. Tout comme la Suisse, le Japon couvreaussi une part déterminée des dépenses (1⁄3 jus-qu’ici, mais cette part sera portée à 50 % de2004 à 2009) par les ressources générales del’Etat. La France et l’Allemagne utilisent aussile produit d’impôts indirects affectés (TVA) etde taxes (en particulier sur le tabac et les spiri-tueux ainsi que sur les énergies non renouve-lables) pour financer les assurances sociales.

Les assurances sociales et le compte d’Etatsont donc étroitement imbriqués dans tous lespays. La tenue de comptes séparés ne garantitpas à elle seule la transparence de la situationfinancière des assurances. C’est ainsi qu’il a ététrès difficile d’obtenir des informations sur laplupart des pays sélectionnés.45

4.4.4 Une analyse des aspects relevant de la politique économique

Un désenchevêtrement des assurances so-ciales et du compte d’Etat comprend unecomposante comptable et une autre de poli-tique financière. Le chapitre suivant traite tout

45 «UK pension accounting is a mess, in common withmost other countries», a déclaré le professeur RichardDisney, de l’Université de Nottingham, un éminent expert international en assurances sociales.

Tableau 4.1

Systèmes de financement des assurances étatiques de rentes et d’invalidité dans une sélection de pays

Pays Compte AR/AI Transferts liés Transferts discrétionnaires Remarques Réserves pour le vieillis-séparé séparées sement démographique

Allemagne oui non •aide financière générale: Equilibrage des comptes pour •Baisse drastique des réserves nonselon formule la prévoyance vieillesse dans minimales ces dernières années

•aide financière supplé- l’agriculture et pour les •La prévoyance vieillesse desmentaire: 1 % TVA, impôts mineurs fonctionnaires fait partie duécologiques. budget de l’Etat

France oui oui •impôts indirects •Equilibrage des comptes de La prévoyance vieillesse des (oui). Financées par les•impôts affectés branches spéciales (chemins fonctionnaires fait partie du excédents de la caisse de

de fer, mines, navigation,ect.) budget de l’Etat rentes et les taxes•Prise en charge de tous les sociales

versements aux invalides

Japon oui oui •1⁄3 des dépenses, par la suite Financement par les ressources du non1⁄2 (comprend l’AI lorsque budget général des prestationsl’assuré a travaillé avant de pour les personnes ayant un handi-devenir invalide) cap physique ou psychique durable

Pays-Bas oui oui Equilibrage complet des comptes Taux d’invalides très élevé Oui. Jusqu’en 2020, seuls lesversements provenant des im-pôts généraux sont autorisés

Autriche oui non Equilibrage complet des comptes non

Royaume- non oui •Aide financière de l’Etat si Système extrêmement opaque nonUni nécessaire, max. 17 % des

dépenses•Prise en charge des verse-

ments aux invalides

Etats-Unis oui oui Transferts de l’Etat Oui. Fonds fiduciaire auxpas transparents réserves élevées.

Suisse non oui Règle actuelle Option non(option: •20 % des dépenses de l’AVS •environ 1 p. de % de TVA pour oui) •50 % des dépenses de l’AI l’AVS Equivalence pour les

recettes jusqu’ici affectées del’impôt sur l’alcool et le tabac

•environ 1,8 p. de % de TVA pour l’AI

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Rapport annuel 2004

65 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

d’abord séparément ces deux aspects, bienqu’ils soient interdépendants, comme nous l’avons mentionné ci-dessus.

La comptabilisation des assurances socialesLe premier pas pour désenchevêtrer le bud-

get des assurances sociales de celui de l’Etat estde tenir des comptes séparés pour les assu-rances dans les comptes nationaux. Ce chan-gement, qui doit améliorer la transparence dela situation financière des assurances socialescomme des autres postes du budget, ne génèretoutefois en soi aucune valeur ajoutée. Maiscomme, en règle générale, l’acquisition et l’ex-ploitation d’informations ne sont pas gratui-tes, une comptabilisation plus transparente desrecettes et des dépenses des assurances socialeset de l’Etat réduit les coûts de l’information.Elle présente dès lors le caractère d’un bienpublic. Dans le débat politique, une séparationclaire entre les assurances sociales et les autrestâches de l’Etat permet de se concentrer plusfacilement sur le véritable problème. S’il fautdisposer d’un budget global de l’Etat compre-nant les assurances sociales – comme le de-mande par exemple l’Union européenne pourle calcul du déficit pertinent selon les critèresde Maastricht – il est simple d’agréger les dif-férents comptes.46

Le marketing joue, dans le processus poli-tique aussi, un rôle qu’il ne faut pas sous-esti-mer. Un exemple actuel tiré de la politique so-ciale suisse nous permet de l’attester (voirBütler, 2004) : en novembre 2000, deux initia-tives pratiquement identiques visant à abaisserl’âge de la retraite ont réalisé, en votation, desscores bien différents.47 Deux facteurs peuventexpliquer ces différences. D’une part, la pré-sentation des faits revêt une importance capi-tale.48 D’autre part, le mouvement dont pro-vient la proposition joue également un rôle.Si l’on applique les connaissances acquises parl’analyse à la question de la comptabilisationdes assurances sociales, on parvient aux con-clusions suivantes : premièrement, des comp-tes séparés peuvent conduire à une meilleureperception de la situation financière (présen-tation des faits). Deuxièmement, la comptabi-lisation standardisée dans les comptes natio-naux laisse moins de marge de manœuvre pourdes interprétations différentes de la situationfinancière des assurances sociales.

On ignore si une séparation comptable en-traîne à elle seule une augmentation ou unediminution des dépenses des assurances so-ciales et des autres tâches fédérales. Tout dé-pend aussi notamment de l’acceptance poli-tique des différents postes du budget. D’unepart, les éventuels problèmes de financementpeuvent être attaqués là où ils se manifestent,soit, en l’espèce, dans les assurances sociales.Ceci devrait plutôt réduire tendanciellement

les dépenses générales. D’autre part, avec descomptes séparés, les autres tâches de l’Etat ris-quent moins de figurer comme un résidu dansle budget de l’Etat. La pression visant à réduireles dépenses sociales,qui augmentent en raisonde l’évolution démographique, est plus faibleen cas de désenchevêtrement sans mesure d’accompagnement. Cet effet est encore ren-forcé lorsqu’un éventuel frein aux dépenses in-stitutionnalisé se limite au budget de l’Etat sansles assurances sociales. Dans ce cas, on pour-rait prévoir pour certaines assurances socialesune règle propre de frein aux dépenses. Si parailleurs l’acceptance politique des dépenses so-ciales est relativement élevée, une comptabi-lité séparée tend à aboutir à des dépenses to-tales plus élevées. Les résultats de la votation du 16 mai 2004 montrent que l’acceptance desdépenses en faveur des rentes vieillesse est éle-vée – la 11e révision aurait réduit les rentes de groupes déterminés de personnes – maisqu’en revanche celle de transferts supplémen-taires du budget de l’Etat est faible – un pourcent supplémentaire de TVA en faveur de l’AVSa été rejeté. Ces deux décisions ne sont pas fa-ciles à concilier.49 Elles montrent aussi combienil est difficile d’établir des prévisions fiables sur l’évolution du budget, avec ou sans comptes séparés pour les assurances sociales.

L’établissement d’un compte séparé peutaussi être interprété comme un premier pasvers une plus grande autonomie financière desassurances sociales. C’est le cas uniquement sile subventionnement des prestations de l’as-surance par les recettes fiscales générales n’estpas simultanément soumis à un automatismede dépenses, comme c’est le cas par exempleavec une garantie de déficit ou une participa-tion de l’Etat aux dépenses selon un pourcen-tage fixé.

Bilan intergénérationnel et réservesUn compte séparé pour les assurances so-

ciales dans le bilan des comptes nationaux peutcertes mettre en lumière les recettes et dépen-ses courantes. Mais il ne reflète pas les engage-ments à long terme, respectivement leur valeuractuelle. La transparence du compte d’exploi-tation actuel est, il est vrai, importante. Ce-pendant, elle ne fournit qu’une fraction desinformations pertinentes pour la politiquesociale. C’est tout particulièrement le cas del’assurance de rentes (et dans une moindre me-sure de l’assurance-invalidité), car les contratsde générations courent sur plusieurs décen-nies. Un budget équilibré ne signifie donc pas nécessairement que le problème de finan-cement est réglé. Ce n’est qu’en établissant,de manière intertemporelle, les contributionsaux assurances sociales et les prestations, com-me cela se fait dans les comptes génération-nels ou «generational accounting», que l’on

46 En Suisse, il faudrait se demander, en cas de désen-chevêtrement des assurances sociales et des finances publiques, à quels domaines s’appliqueraient le freinaux dépenses et le frein à l’endettement. Voir aussi àce sujet la section 4.4.5

47 A titre de rappel: les deux initiatives ont été soumisesau vote du peuple le 26 novembre 2000. L’initiative de la Société suisse des employés de commerce («pour un assouplissement de l’AVS – contre le relèvement del’âge de la retraite des femmes») a recueilli 39,5 % deoui, celle du Parti écologiste suisse («pour une retraiteà la carte dès 62 ans, tant pour les femmes que pourles hommes») 46 % environ. Les médias ont imputé la différence entre les deux initiatives au fait que ladeuxième permettait un retrait progressif de la vieactive grâce à des rentes partielles. Or, ce retrait au-rait été tout à fait compatible aussi avec le mandatconstitutionnel de la première initiative.

48 Voir aussi à ce sujet Jacoby (2000).49 Le rejet de la 11e révision de l’AVS est vraisembla-

blement aussi dû au fait que ses opposants l’ont présentée comme un premier pas vers un démantè-lement social, ce qui parle en faveur d’une assez grande acceptance de l’AVS.

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4. Analyses de thèmes choisis

66 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

peut rendre compte de la situation financièreeffective des assurances sociales. Voir aussi à ce sujet le chapitre 4.2 du présent rapport an-nuel.

Si l’Etat n’équilibre pas les comptes desassurances sociales, la gestion des réserves ac-quiert une importance particulière. La comp-tabilisation transparente des éventuelles réser-ves ou dettes de l’assurance concernée est dèslors au moins aussi importante qu’une comp-tabilisation séparée des dépenses et des recet-tes courantes. Les réserves constituent un lienentre les comptes des assurances sociales dedifférentes périodes. Un bilan intergénéra-tionnel permet en outre de calculer les provi-sions nécessaires pour assurer à long terme lefinancement des assurances sociales.

Un budget séparé pour quelles assurances sociales ?

Les raisons que nous avons invoquées enfaveur d’une comptabilisation séparée de l’as-surance de rentes et de l’assurance-invaliditésont également valables en substance pourd’autres assurances sociales. Une comptabili-sation transparente – même pour le comptecourant seulement – s’avère aussi judicieusedans d’autres domaines de la politique sociale.Les assurances de rentes et d’invalidité possè-dent toutefois des caractéristiques qui les dis-tinguent des autres assurances sociales. Pre-mièrement, les dépenses de ces deux branchesreprésentent un multiple des dépenses d’autresdomaines de la politique sociale d’un Etat.Il est dès lors essentiel d’avoir une bonne vue d’ensemble de leur situation financière.Deuxièmement, les aspects intertemporels sontd’une importance capitale dans l’assurance derentes et, dans une moindre mesure, dans l’as-surance-invalidité. Pour les assurés, les phasesde cotisations et de prestations sont strictementséparées dans l’AVS et généralement séparéesdans l’AI. Elles n’alternent pas comme dans l’assurance-chômage par exemple.

Les comptes de l’AI et de l’AVS doivent-ilsêtre tenus séparément, comme en Suisse, ouensemble, comme en Allemagne et en Autrichepar exemple ? Les deux systèmes assurent certes des risques différents, soit l’âge et l’inva-lidité, mais en réalité, il est souvent problé-matique de séparer l’invalidité du passage pré-maturé à la retraite. En Suisse comme dansd’autres pays, l’assurance-invalidité sert au-jourd’hui de substitut à un aménagement plussouple de l’âge de la retraite.

Pour avoir une vue d’ensemble de toutes les activités de l’Etat dans le domaine de lasécurité sociale, il faudrait en principe teniraussi des comptes séparés pour les assurancessociales réglées par l’Etat, mais organisées parl’économie privée (caisses-maladie et caissesde pension, par exemple). Ceci n’est toutefois

pas réaliste. Pour les caisses de pension finan-cées selon le système de la capitalisation, il sepose en outre la question de la délimitationentre les domaines obligatoire et surobliga-toire de l’assurance.

L’aménagement du subventionnementtransversal

Il suffit de jeter un coup d’oeil sur ce qui se passe dans d’autres pays pour constaterqu’une comptabilisation séparée des assuran-ces sociales ne suffit pas pour supprimer ou li-miter au maximum l’imbrication avec les fi-nances générales de l’Etat. L’aménagement dusubventionnement des assurances sociales parles recettes fiscales générales joue dès lors unrôle important dans la discussion sur le désen-chevêtrement. Bien des modèles de finance-ment possibles génèrent, comme nous l’avonsvu au chapitre 4.4.3, une étroite interdépen-dance financière, même en cas de comptes sé-parés, car les dépenses des assurances déter-minent dans une très large mesure le montantdes contributions de l’Etat.

C’est tout particulièrement le cas avec unegarantie de déficit implicite ou explicite par la-quelle la Confédération équilibre année aprèsannée les comptes des assurances. Mais, il y aaussi un automatisme des dépenses si l’Etatcouvre un pourcentage déterminé des dépen-ses de l’assurance, comme c’est le cas en Suisseet au Japon ou s’il existe un financement mixtequi dépend au moins partiellement des pres-tations de rentes et d’invalidité. Dans un tel cas,la politique sociale affecte directement le bud-get fédéral. L’incitation à utiliser les fonds demanière économe est faible pour les assuran-ces sociales. L’automatisme des dépenses quiaccompagne un tel financement rend plusdifficile la planification du budget global del’Etat. La forte hausse des dépenses des assu-rances sociales due à l’évolution démographi-que peut susciter des conflits indésirables rela-tifs à la redistribution dans les autres domainesde tâches de l’Etat. Les fluctuations conjonctu-relles dans le reste du budget de l’Etat ont enoutre tendance à se renforcer car, en périodesde récession, les cotisations des assurés dimi-nuent alors que les prestations de rentes aug-mentent, surtout dans l’assurance-invalidité.La plus forte flexibilisation de l’âge de la re-traite qui est prévue va entraîner temporaire-ment des dépenses supplémentaires dans l’AVSaussi, si les conditions générales de l’économiesont défavorables, alors même que, sur le plande la technique d’assurance, les réductions desrentes sont neutres.50

Si les transferts de l’Etat aux assurances so-ciales ne sont pas couplés aux prestations, cetautomatisme des dépenses disparaît. Dans cecas, les assurances sociales supportent un ris-que de financement plus élevé et, en particu-

50 L’importance d’une comptabilisation intertemporelledes prestations des assurances sociales se manifeste ànouveau. Opération neutre sur le plan de la techniqued’assurance, une adaptation de la rente en cas de retraite anticipée ne modifie pas la valeur actuelle desprestations de rente perçues par un individu. La per-ception anticipée des prestations entraîne cependant,dans le compte courant, des dépenses supplémen-taires (qui seront compensées ultérieurement par une diminution des dépenses).

Bibliographie

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– Tversky Amos & Kahneman Daniel, «Ratio-nal Choice and the Framing of Decisions»,Journal of Business, 1986, vol. 59(4).

– Autres sources dans l’étude de référence.

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Rapport annuel 2004

67 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

lier, une plus grande partie des fluctuationsconjoncturelles (qu’elles supportent déjà detoute façon avec les cotisations). Pour autantqu’il ne résulte pas de changements démogra-phiques, ce risque peut être écarté par une bon-ne gestion des réserves. L’augmentation cesprochaines années des rentes à verser, causéepar l’évolution démographique, pose un pro-blème plus important que le risque de voir lesdépenses et les recettes s’accroître. En aban-donnant les transferts de l’Etat basés sur les dé-penses au moment où les prestations de rentetendent à augmenter, on aggrave les problèmesde financement des assurances sociales. Les dé-penses supplémentaires dues à l’évolution dé-mographique sont d’ailleurs faciles à prévoir etdonc à planifier. Une politique sociale clair-voyante devrait s’attaquer à temps à ces pro-blèmes. Pour des raisons politiques, cela s’im-pose d’autant plus lorsque les transferts del’Etat en cas de dépenses supplémentaires aug-mentent de manière moins automatique.

Un financement indépendant des presta-tions de rentes ne signifie pas nécessairementque le subventionnement transversal ne va passuivre le rythme des dépenses. Ce qui disparaît,c’est l’augmentation automatique des trans-ferts en cas de dépenses supplémentaires des

assurances sociales. Une adaptation des sub-sides devrait être décidée dans le processuspolitique. Il faut partir de l’idée qu’un tel pro-cédé freine tout au moins la dynamique desdépenses.

4.4.5 Une proposition de désenchevêtrementpour la Suisse

Après l’échec de la 11e révision de l’AVS envotation populaire, le désenchevêtrement desassurances sociales et du budget de l’Etat a étérelégué au second plan.51 Il reste toutefois im-portant dans la perspective d’une garantie àlong terme du financement de l’AVS et de l’AI.La proposition de désenchevêtrement com-prend plusieurs points. Le premier est la tenuede comptes séparés pour l’AI et l’AVS dans lebilan des comptes nationaux. Comme l’Officefédéral de la statistique et celui des assuran-ces sociales établissent aujourd’hui déjà lescomptes d’exploitation de manière transpa-rente, il ne s’agirait pas d’une grande inno-vation sur le plan de la technique d’infor-mation. Le désenchevêtrement doit aussi êtreconsidéré en rapport avec la réforme de la pé-réquation financière et de la répartition destâches entre la Confédération et les cantons(RPT) puisque désormais les cantons ne de-vraient plus participer directement au finan-cement des assurances sociales. Si la RPT de-vait être rejetée lors de la votation populaire du28 novembre 2004, un désenchevêtrement ju-dicieux des finances de la Confédération et del’AVS/AI devrait aussi tenir compte des trans-ferts des cantons.

Une réforme des transferts des pouvoirs pu-blics aux assurances sociales aurait davantaged’importance et serait plus explosive sur leplan politique. Au lieu d’assumer une part desdépenses, la Confédération transférerait auxassurances un nombre déterminé de points depourcentage du produit de la taxe sur la valeurajoutée. Les recettes affectées de l’impôt sur l’alcool et le tabac pourraient être portées aucrédit des assurances sociales soit directement,soit converties en point de taxe sur la valeurajoutée. Une question importante dans le dé-bat sur le désenchevêtrement est de savoir si lefrein aux dépenses de la Confédération doits’appliquer au budget global ou seulement à lapartie qui ne comprend pas les assurances so-ciales. Dans le second cas, le frein aux dépen-ses serait en fait assoupli, car les dépenses desassurances sociales ont tendance à augmenterdavantage que celles des autres tâches de l’Etat.Comme alternative, on pourrait prévoir pourcertaines assurances sociales une règle proprede frein aux dépenses.

En cas de désenchevêtrement, le finance-ment devrait être neutre durant l’année de pas-sage. Les équivalents en points de taxe sur la valeur ajoutée seraient calculés cette année-là

51 Voir à ce sujet le communiqué de presse du Départe-ment fédéral de l’intérieur du 30 juin 2004.

Dépenses et recettes en Mio. de CHF44000

42000

40000

38000

36000

34000

32000

30000

28000

26000

24000

1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020

Dépenses

Recettes (structure de financement actuelle)

Recettes (avec désenchevêtrement)

Dépenses et recettes en Mio. de CHF14000

13000

12000

11000

10000

9000

8000

7000

6000

5000

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010

Dépenses

Recettes (structure de financement actuelle)

Recettes (avec désenchevêtrement)

Graphique 4.6 : évolution des dépenses et des recettes de l’AVS

Graphique 4.7 : évolution des dépenses et des recettes de l’AI, avec ou sans désenchevêtrement

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4. Analyses de thèmes choisis

68 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2004

sur la base des dépenses pronostiquées de l’AVSet de l’AI, et ils resteraient à ce niveau par la suite. Les graphiques 4.6 (AVS) et 4.7 (AI)montrent les effets d’un tel changement si lepassage d’un système à l’autre avait lieu en2006 et que les autres conditions restaientidentiques.52

Après un désenchevêtrement financier, lestransferts ne suivraient plus le rythme des dé-penses des assurances sociales puisqu’ils aug-menteraient uniquement avec les recettes de lataxe sur la valeur ajoutée, soit à peu près avecle PIB. Un coup d’œil sur les graphiques 4.6(AVS) et 4.7 (AI) permet toutefois de consta-ter que l’abandon de l’automatisme actuel desdépenses ne serait responsable qu’en faiblepartie des lacunes croissantes du financementdes assurances sociales. Ce sont le vieillisse-ment démographique et l’absence de réservessubstantielles des assurances qui constituent leproblème essentiel. Pour assurer le finance-ment de l’AVS et de l’AI à long terme, d’autresmesures – avec ou sans réforme des subven-tions aux deux institutions – sont encorenécessaires en matière de prestations et/ou definancement.

Le fort endettement de l’assurance-inva-lidité – qui va atteindre près de 6 milliards defrancs à la fin de cette année – est un problèmede taille pour la mise en œuvre d’un projet dedésenchevêtrement financier. Comme les re-cettes courantes (y compris les transferts del’Etat) ne couvrent aujourd’hui déjà pas les en-gagements courants, la dette accumulée cons-titue une grosse hypothèque pour l’assainisse-ment de l’AI à long terme. En vue d’accroîtrel’acceptance politique d’un désenchevêtre-ment, sans compromettre la plus grande auto-nomie (et responsabilité propre) que l’on sou-haite accorder à la politique sociale, il faudraitalléger, sous certaines conditions, quelque peucette charge.

4.4.6 ConclusionsSous l’angle économique, il n’y a guère

d’objections à soulever contre des comptes sé-parés pour les grandes assurances sociales quesont l’AVS et l’AI. La séparation statistiqueaugmente la transparence et facilite la plani-fication à long terme. Le désenchevêtrementreste toutefois limité à un changement comp-table si une partie fixe des dépenses continue àêtre couverte par les ressources générales de laConfédération. Dans le sens d’une plus grandeautonomie financière et d’une plus grande sé-curité du budget pour d’autres tâches de l’Etat,il vaudrait la peine d’envisager de passer à destransferts dont le montant serait axé sur lesrecettes de l’Etat (ou de la taxe sur la valeurajoutée). De telles mesures ne permettenttoutefois pas d’améliorer la transparence desengagements intertemporels des assurances

sociales. Il serait donc judicieux d’établir pé-riodiquement, à côté du compte d’exploitationcourant de l’AVS et de l’AI, un bilan intergéné-rationnel tel que nous l’avons décrit au chapi-tre 4.2 du présent rapport.

Abandonner les subventions de la Confédé-ration basées sur les dépenses n’augmenteraitque légèrement la lacune de financement desassurances sociales. Le problème essentiel estcelui du bouleversement démographique et del’augmentation du taux d’invalides dans tousles groupes d’âge. Le vieillissement démogra-phique touche non seulement l’AVS, mais aus-si l’AI, car les travailleurs âgés sont nettementplus exposés au risque d’invalidité. Il ne suf-fit pas d’une participation proportionnelle del’Etat aux dépenses des assurances socialespour éliminer ce problème. Une comptabilisa-tion séparée et transparente des assurancessociales, ajoutée à des règles de financementclaires, constituent cependant une base essen-tielle pour une politique sociale durable.

52 Les prévisions reflétées par les graphiques reposentsur des estimations de l’auteur qui se basent sur desdonnées et des prévisions de l’Office fédéral des assu-rances sociales. Evidemment, ces calculs dépendentdes hypothèses retenues pour l’évolution de la crois-sance, des prix, des taux d’intérêt et de la population.Les petites variations dans les prévisions des dépensesdes assurances sociales dépendent du moment del’adaptation des rentes au renchérissement et de lacroissance des salaires. Les prévisions se basent sur un réexamen des rentes tous les deux ans. Le paiementdes intérêts est inclus dans les dépenses de l’AI.

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Impressum Activités de la Commission

Selon la loi fédérale réglant l’observation de la conjoncture du 20 juin 1980, la Commission pour les questions conjonctu-

relles apprécie de manière suivie l’état et l’évolution de la conjoncture, elle se prononce sur des questions économiques

importantes.

Membres de la Commission pour les questions conjoncturelles

Président Kirchgässner Gebhard, Prof. Dr, Université de St-Gall

Membres Baltensweiler Marco, Dr dipl. ing. agr. EPFZ,Economie agraire et relations internationales,Union Suisse des Paysans, Brugg

Blank Susanne, lic. rer. pol., chef du ressort politique économique Travail.Suisse, Berne

Brunetti Aymo, Prof. Dr, chef de la Direction de la politique économique, Secrétariat d’Etat à l’économie (seco), Berne

Bütler Monika, Prof. Dr, Université de St-GallGaillard Serge, Dr oec. publ., secrétaire dirigeant à l’Union

syndicale suisse, responsable du secrétariat central USS, BerneGentinetta Pascal, Dr oec. HSG, membre de la direction,

economiesuisse, ZurichHoffmann Stefan, lic. rer. pol., membre de la Direction

de l’Association suisse des banquiers, BâleHorber Rudolf, Dr rer. pol., secrétaire patronal, Union suisse

des arts et métiers, BerneJeanrenaud Claude, Prof. Dr, Université de NeuchâtelKugler Peter, Prof. Dr, Université de BâleMasoni Marina, avocate, Conseillère d’Etat du canton du Tessin,

BellinzonePeytrignet Michel, Dr ès. sc. écon., directeur, Banque nationale suisse,

ZurichPittet Michel, Dr oec., Conseiller d’Etat du canton de Fribourg,

FribourgRiphahn Regina T., Prof. Dr, Université de BâleStutz Vital G., avocat, président de la Fédération des sociétés suisses

d’employés, ZurichVan der Haegen Astrid, Conseillère en communication,

présidente de Wirtschaftsfrauen Schweiz, Sissach BL

Secrétariat Secrétariat d’Etat à l’économie (seco)Direction de la politique économiqueBiétry Jules, ing. dipl. EPFZEffingerstrasse 1, 3003 BerneTél. 031 322 62 72, Fax 031 323 50 01www.kfk.admin.ch