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Rapport du 2 septembre 2005 384 e Bulletin Supplément de la Vie économique, La Revue de politique économique Rapport annuel 2005 Commission pour les questions conjoncturelles Conséquences économiques d’une population vieillissante

Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

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Page 1: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport du2 septembre 2005

384e Bulletin

Supplément de la Vie économique,La Revue de politique économique

Rapport annuel 2005Commission pour les questions conjoncturelles

Conséquences économiques d’une populationvieillissante

Page 2: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Membres de la Commission pour les questions conjoncturelles

Président : Kirchgässner Gebhard, Prof. Dr, Université de St-Gall

Vice-président : Jeanrenaud Claude, Prof. Dr, Université de Neuchâtel

Membres : Baltensweiler Marco, Dr dipl. ing. agr. EPFZ, Economie agraire et relations internationales,Union Suisse des Paysans, Brugg

Blank Susanne, lic. rer. pol., cheffe du service politique économique Travail.Suisse, BerneBrulhart Marius, Prof. Dr, Université de LausanneBrunetti Aymo, Prof. Dr, chef de la Direction de la politique économique,

Secrétariat d’Etat à l’économie (seco), BerneGaillard Serge, Dr oec. publ., secrétaire dirigeant à l'Union syndicale suisse,

responsable du secrétariat central USS, BerneGentinetta Pascal, Dr oec. HSG, membre de la direction, economiesuisse, ZurichHoffmann Stefan, lic. rer. pol., membre de la direction de l’Association suisse des banquiers, Bâle Horber Rudolf, Dr rer. pol., secrétaire patronal, Union suisse des arts et métiers, BerneKugler Peter, Prof. Dr, Université de BâleLandmann Oliver, Prof. Dr, Albert-Ludwigs-Universität, Fribourg en BrisgauMasoni Marina, avocate, Conseillère d’Etat du canton du Tessin, BellinzonePeytrignet Michel, Dr ès. sc. écon., directeur, Banque nationale suisse, ZurichPittet Michel, Dr oec., Conseiller d'Etat du canton de Fribourg, FribourgSchubert Renate, Prof. Dr, Ecole polytechnique fédérale de ZurichStutz Vital G., avocat, président de la Fédération des sociétés suisses d’employés, Zurichvan der Haegen Astrid, Conseillère en communication, présidente de Wirtschaftsfrauen Schweiz, Sissach BL

Secrétariat : Secrétariat d’Etat à l’économie (seco), Direction de la politique économiqueBiétry Jules, ing. dipl. EPFZ, Effingerstrasse 1, 3003 BerneTél. 031 322 62 72, fax 031 323 50 01www.kfk.admin.ch

Impressum Activités de la Commission

Selon la loi fédérale réglant l’observation de la conjoncture du 20 juin 1980, la Commission pour les questions

conjoncturelles apprécie de manière suivie l’état et l’évolution de la conjoncture, elle se prononce sur des questions

économiques importantes.

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Rapport annuel 2005

1 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Table des matières

2 Avant-propos

3 Executive Summary

7 1 Introduction

9 2 Situation économique et politique macroéconomique9 2.1 Situation de l’économie mondiale et perspectives

13 2.2 Situation de l’économie suisse et perspectives18 2.3 Evolution des différentes branches24 2.4 Finances publiques, politique financière29 2.5 Situation et politique monétaires

36 3 Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

36 3.1 L’évolution démographique jusqu’en l’an 206039 3.2 Le financement de la prévoyance vieillesse41 3.3 Le besoin d’adapter le financement de l’AVS45 3.4 Problèmes généraux du deuxième pilier47 3.5 L’évolution de l’activité professionnelle (I) : le travail à un âge avancé49 3.6 L’évolution de l’activité professionnelle (II) : le travail des femmes51 3.7 L’évolution des coûts de la santé et des soins53 3.8 Economie politique du processus de vieillissement

56 4 Analyses de thèmes choisis56 4.1 Vie professionnelle à un âge avancé et incitations institutionnelles64 4.2 La prévoyance professionnelle : situation et perspectives71 4.3 Soins de longue durée des personnes âgées77 4.4 Conciliation de la vie familiale et professionnelle

87 5 Perspectives

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2 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

La Commission pour les questions conjoncturelles présente son quatrièmerapport annuel. Elle a en effet décidé, en 2001, d’axer davantage ses travaux sur des questions fondamentales de politique économique et de remettre chaque annéeun rapport au Conseil fédéral.

Comme l’année dernière, la deuxième partie du présent rapport traite un seulthème central. Il s’agit, cette année, des problèmes économiques engendrés par levieillissement de la population. Vu l’importance des défis à relever dans ce domaine,la Commission a estimé qu’il serait bon d’y consacrer son rapport annuel. Elle nes’est pas limitée aux problèmes de financement de la sécurité sociale liés à l’évolutiondémographique, mais a également examiné ceux qui en résultent dans le domaine de la politique du marché du travail, de la famille et de la santé. Les problèmes dé-coulant de cette évolution étaient évidemment trop nombreux pour être tous abor-dés. Nous nous sommes donc concentrés sur les problèmes essentiels pour lesquelsnous avons esquissé des solutions où cela nous semblait possible et judicieux.

La première partie du rapport porte, comme ces dernières années, sur lesperspectives de l’économie suisse à court et à moyen terme. Elle décrit la situationéconomique mondiale, les agrégats macroéconomiques et les indicateurs del’évolution de différentes branches. Elle analyse aussi la politique budgétaire et lapolitique monétaire.

Les considérations émises dans cette partie se basent sur les données qui étaientdisponibles jusqu’au 2 septembre 2005. Seule exception, le chapitre 2.2, qui porte sur la situation et les perspectives de l’économie suisse, tient compte des donnéesdisponibles jusqu’au 9 septembre 2005. Il a ainsi été possible de prendre aussi enconsidération, en particulier, les résultats des estimations trimestrielles du produitintérieur brut du deuxième trimestre 2005.

Le chapitre 3 donne un aperçu de l’évolution démographique et de certainsaspects fondamentaux d’une société vieillissante. Son élaboration a nécessité lerecours à des données non publiées de l’Office fédéral de la statistique qui ont étémises à notre disposition par des collaboratrices et des collaborateurs de cet office.Nous tenons à les remercier de leur soutien, sans lequel le présent rapport n’auraitpu être établi sous cette forme. Nous exprimons aussi notre reconnaissance à toutesles personnes qui, par l’élaboration de premiers projets sur des thèmes déterminésou par des remarques critiques, ont contribué à la réalisation du présent rapport.Nos remerciements s’adressent en particulier aux collaborateurs du Centre de re-cherches conjoncturelles de l’EPF de Zurich et de la Banque nationale suisse, auxprofesseurs Monika Bütler, Claude Jeanrenaud, Regina Riphahn et Renate Schubert,ainsi qu’à Madame Sabina Littmann-Wernli.

Les problèmes abordés sont très variés, tout comme le sont les opinions représen-tées au sein de la Commission. Ceci explique que, si la Commission a approuvé latendance générale des contributions, en particulier les thèmes spéciaux du chapitre4, elle ne souscrit pas nécessairement à toutes les considérations émises.

Par le présent rapport, la Commission espère avoir apporté une contribution,même dans une modeste mesure, à la maîtrise des problèmes engendrés par le vieillissement croissant de la population suisse.

Berne, le 2 septembre 2005

Le Président :Gebhard Kirchgässner

Avant-propos

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Rapport annuel 2005

3 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Le rapport annuel 2005 de la Commissionpour les questions conjoncturelles accorde uneplace centrale aux problèmes économiquesauxquels il faut s’attendre en raison de l’évolu-tion démographique en Suisse. De ce fait, soncontenu se divise en deux parties. La première,au chapitre 2, donne, comme dans les rapportsprécédents, une vue d’ensemble de la situationéconomique. La deuxième partie, qui com-prend les chapitres 3 à 5, est consacrée auxproblèmes économiques d’une populationvieillissante.

Dans la première partie, la présentation dela situation économique mondiale, au chapitre2.1 est suivie, au chapitre 2.2, par une appré-ciation générale de la situation de l’économiesuisse et de ses perspectives. Celle-ci est com-plétée par un aperçu de l’évolution enregistréedans une sélection de branches (chapitre 2.3),avec les résultats des enquêtes sur la marche desaffaires et l’évolution attendue dans l’indus-trie, la construction, le commerce de détail,l’hôtellerie et la restauration ainsi que le sec-teur bancaire. Des indications sont ensuitefournies sur l’évolution de la compétitivité-prix de l’industrie dans son ensemble, de l’in-dustrie chimique, de l’industrie des machinesainsi que de l’hôtellerie et de la restauration.Enfin, une section est consacrée à l’évolutiondans l’agriculture. Cette première partie se ter-mine sur la présentation de la politique finan-cière et monétaire (chapitres 2.4 et 2.5).

Dans la deuxième partie, le chapitre 3 tentetout d’abord de donner un aperçu aussi com-plet que possible des problèmes économiquesliés au vieillissement. Il esquisse aussi les solu-tions envisageables en ayant notamment re-cours aux résultats donnés dans le chapitre 4qui traite de manière approfondie quelquesproblèmes particuliers importants. Il s’agit dela question de l’activité professionnelle des per-sonnes âgées (chapitre 4.1), des problèmes quise posent dans la prévoyance professionnelle(chapitre 4.2), des soins de longue durée despersonnes âgées et d’une éventuelle assurancechargée de les couvrir (chapitre 4.3) ainsi quede la difficulté de concilier famille et vie pro-fessionnelle (chapitre 4.4). Le chapitre 5 résumebrièvement les principaux résultats et indiqueles conséquences politiques qu’il faut en tirer.

L’évolution économique

Evolution de l’économie mondiale Depuis le milieu de l’année 2004, la crois-

sance de l’économie mondiale a une nouvelle

Executive Summary

fois fléchi. Ce phénomène est imputable moins aux Etats-Unis, dont l’économie qui aprogressé à un rythme presque inchangé au2ème semestre 2004 a quelque peu perdu de sondynamisme au cours seulement de la premièremoitié de l’année en cours, qu’à l’UE et auJapon frappés par un ralentissement conjonc-turel. Si, en Chine, le PIB a continué à afficherune hausse sensible, dans bien des Etats duSud-Est asiatique, sa progression a légèrementfaibli. La croissance de l’économie mondialedevrait s’accélérer légèrement au 2ème semestre2005. Il faut toutefois s’attendre à ce que ladynamique perde à nouveau de sa vigueur en2006.

Evolution probable en Suisse La reprise conjoncturelle qui s’est amorcée

vers le milieu de l’année 2003 a nettement per-du de sa vigueur l’an dernier. L’espoir de voirla hausse de la demande sur les marchés desbiens provoquer une amélioration sur le mar-ché du travail a été déçu. A la fin 2004, le PIBsuisse a presque stagné, tout comme l’emploi.Le chômage a certes très légèrement diminué,mais ce recul s’explique essentiellement parl’augmentation du nombre de personnes qui,d’une part se sont retirées du marché du travailet, d’autre part, sont arrivées en fin de droit. Sil’évolution économique est lente, c’est avanttout à cause de la frilosité de la conjoncture enAllemagne, en France et en Italie qui sont lesprincipales destinations des exportations suis-ses. La dépréciation du dollar US et la flambéedes prix des produits pétroliers constituentd’autres facteurs ayant contribué à ce nouveaurafraîchissement conjoncturel en Suisse. L’andernier, le renchérissement en Suisse a étémarqué par l’envolée des prix du pétrole. Alorsque l’indice suisse des prix à la consommation(IPC) a progressé de 0,8 pour cent, le renché-rissement sous-jacent n’a pratiquement pasaugmenté.

Evolution des différentes branches Selon les enquêtes conjoncturelles du KOF

EPF, la situation économique varie d’un sec-teur à l’autre.La conjoncture industrielle a per-du de son dynamisme ces derniers trimestres.La production devrait continuer à progresserdans une modeste mesure au cours du 2ème

semestre. La construction, en revanche, enre-gistre, depuis quatre trimestres, une marchedes affaires plus positive qui devrait encore sepoursuivre ces prochains temps.Dans les bran-ches de services, la situation insatisfaisante des

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Executive Summary

4 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

2003, la Banque nationale a, à deux reprises,soit en juin et en septembre 2004, relevé àchaque fois de 0,25 pour cent le Libor à troismois qui s’établit à 0,75 pour cent. Cela s’ex-plique par la reprise de l’économie suisse qui,avec la croissance rapide des agrégats monétai-res et l’envolée des prix du pétrole, menaçaitd’entraîner, à moyen terme, une hausse destaux de renchérissement. Depuis lors, vu lenouveau fléchissement de la conjoncture, laBanque nationale a renoncé à opérer de nou-veaux resserrements. Dans la mesure où la po-litique monétaire reste inchangée, l’inflationrisque d’augmenter de manière sensible àl’avenir. Il faut donc s’attendre à de nouveauxrelèvements des taux d’intérêt en vue degarantir la stabilité des prix à moyen terme.

En comparaison internationale, la Suisse atoujours des taux d’intérêts, à long et à courtterme, très bas. Par rapport à l’euro, peu dechangements sont, à cet égard, intervenus cesdernières années : s’agissant des taux d’intérêtdu marché monétaire, la différence est aujour-d’hui de 1,3 point de pourcentage ; elle est ain-si très légèrement inférieure à la moyenne àlong terme qui est de 1,5 point. En revanche, ladifférence par rapport au dollar s’est fortementcreusée ces 12 derniers mois : en juillet 2005,les taux d’intérêts américains à 3 mois étaitsupérieurs d’environ 2,7 points de pourcen-tage aux mêmes intérêts suisses, alors que ladifférence était encore d’environ un point depourcentage en juillet 2004.

Problèmes économiques d’une population vieillissante

Evolution générale La Suisse se trouve dans une période de pro-

fonde transformation de la pyramide des âgesdue à deux facteurs dont les évolutions sont, enprincipe, indépendantes l’une de l’autre.D’une part, l’espérance de vie de la populations’accroît et, de l’autre, le nombre des naissan-ces a fortement reculé ces dernières décennies(même en comparaison avec d’autres Etats in-dustrialisés occidentaux). Ainsi, la proportionde personnes actives par rapport au nombre deretraités accuse une baisse sensible, ce qui vaconsidérablement alourdir le fardeau des ren-tes, indépendamment de leur financement. Enparallèle, la part des jeunes dans la populationva probablement se réduire, au moins tempo-rairement. Dès lors, la politique économique etfinancière de la Suisse devra faire face à desproblèmes cruciaux ces prochaines décennies.

On ne peut rien changer au fait qu’en prin-cipe, et sous l’angle économique, les personnesactives doivent, à chaque période, prendre encharge la consommation de celles qui ne sontplus et de celles qui ne sont pas encore actives.Dès lors, seul un allongement de la vie profes-

restaurants attire particulièrement l’attentiondans le secteur de l’hôtellerie et de la restaura-tion. Et aucune amélioration n’est en vue pources prochains mois. Les bureaux d’ingénieurset d’architecture profitent du dynamisme del’activité du bâtiment. Leurs estimations con-cernant l’évolution future se sont plutôt en-core améliorées. Les banques ont enregistré desrésultats très positifs ces trois derniers trimes-tres. Elles s’attendent toutefois à une crois-sance plus modeste au 2ème semestre 2005.

La compétitivité-prix, qui est déterminéeavant tout par la productivité du travail et parles coûts salariaux, peut assez bien être évaluéeau moyen du taux de change nominal, corrigédes prix à la production resp. à la consomma-tion. Alors que l’industrie dans son ensembleet l’industrie des machines ont subi, entre 2001et 2004, une détérioration tendancielle de leurposition concurrentielle, l’industrie chimiqueest parvenue à compenser, par des baisses deprix, les effets de l’appréciation nominale dufranc suisse. Quant à l’hôtellerie et la restaura-tion, elle a réussi, entre 2002 et 2004, à amélio-rer sa compétitivité face aux pays concurrents.

Politique financière La situation des finances publiques s’est

quelque peu améliorée en 2004. Le déficitglobal, qui s’élevait à près de 6 milliards defrancs en 2003, devrait se réduire à environ 4,5milliards de francs (soit un pour cent du pro-duit intérieur brut). En raison notamment dela relance conjoncturelle, les recettes ont ànouveau affiché une progression. Dans unmême temps, la croissance des dépenses a étémodeste suite aux mesures d’économie et auxréductions opérées en vue de diminuer le défi-cit budgétaire. En 2005, le déficit global de laConfédération, des cantons et des communesdevrait encore s’abaisser pour s’établir à 3,5milliards de francs (0,8 pour cent du PIB). Lacroissance des recettes va probablement s’ac-célérer légèrement et celle des dépenses restermodérée grâce aux mesures d’économie. En2006, les recettes de l’Etat devraient poursuivre leur progression à un rythme un peuplus lent. Quant aux dépenses, elles devraientcontinuer à croître faiblement. Dans ces con-ditions, le déficit structurel affiche une baissesur la période qui s’étend de 2004 à 2006,de sorte que les finances publiques exercent un effet légèrement restrictif sur l’évolution de la conjoncture. Les parts au PIB tant des dépenses publiques que des dettes publiquesbrutes, soit la quote-part de l’Etat et le tauxd’endettement brut, devraient également se réduire quelque peu durant cette période.

Politique monétaire Après le net assouplissement de la politique

monétaire intervenu dans les années 2001 à

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Rapport annuel 2005

5 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

sionnelle peut finalement alléger la chargerésultant du vieillissement de la population.Toutes les autres solutions ne font que repor-ter le poids de cette charge essentiellement surles épaules des actifs si l’on augmente lescotisations, sur celles des rentiers si l’on réduitles rentes ou sur les deux groupes si l’on optepour un financement par le biais des impôtsgénéraux. La répartition optimale des chargesne peut être définie scientifiquement. Il s’agitd’une décision politique qui doit bien évidem-ment tenir compte de l’impact de chargessociales plus élevées. Financer les charges àvenir par des prélèvements supplémentairessur les salaires semble peu judicieux, tout aumoins pour l’AVS.

La manière de répartir les charges n’a, dansun premier temps, pas d’effets intergénéra-tionnels (directs). C’est le cas, pour les caissesde pension, lorsque les cotisations et les rentesversées sont fixées de manière correcte sur leplan actuariel : celui qui a payé davantage decotisations peut aussi s’attendre à bénéficierd’une rente plus élevée. En ce qui concernel’AVS, le principe s’applique tant que la struc-ture de la population est stable, peu importeque l’effectif de la population augmente ou di-minue. Dans la phase de transformation quenous allons traverser ces prochaines décennies,les reports de charges entre les générationspeuvent cependant être considérables. C’estaussi valable pour les caisses de pension si,pour quelque raison que ce soit, les réservesfinancières actuelles ne suffisaient pas à satis-faire les prétentions des rentiers de sorte que,par ex., les cotisations des personnes aujour-d’hui actives devraient être adaptées.

Toutefois, l’essentiel n’est pas le report(respectivement la répartition «équitable») descharges, mais leur réduction par un allonge-ment de la vie professionnelle qui devraitintervenir, pour autant que cela soit possible etsensé. Si l’on exclut une forte augmentation del’immigration pour des raisons politiques etaussi parce que ses effets à long terme soulè-vent des questions, deux possibilités s’ouvrentà la Suisse : allonger la durée de la vie active engénéral ou promouvoir l’activité profession-nelle des femmes.

Activité professionnelle à un âge avancé Un allongement de la vie professionnelle en

général exige que l’on abandonne le dogme dela retraite à 65 ans. Bien qu’il ne soit pas néces-saire aujourd’hui, ni ces prochaines années, derelever l’âge de la retraite, il faut clairementfaire comprendre à l’opinion publique que,pour l’AVS, ce relèvement est, à terme, inéluc-table. Lorsqu’une société ne cesse de vieillir,une augmentation permanente de la chargequ’elle doit assumer du fait de la prévoyancevieillesse n’interviendra pas en cas d’augmen-

tation correspondante de l’âge de la retraite. Lefait qu’aujourd’hui une grande partie des actifsprennent leur retraite avant d’avoir atteintl’âge officiel de la retraite n’est pas contradic-toire : l’âge officiel de la retraite joue aussi pources citoyennes et ces citoyens un rôle impor-tant comme grandeur de référence. Son relè-vement aura donc aussi une influence sur leuractivité professionnelle.

Cet allongement de la vie active peut (etdevrait probablement aussi) s’accompagnerd’une flexibilisation qui permettrait, par ex.,aux personnes âgées de travailler à temps par-tiel. On peut également envisager, pour desgroupes déterminés de professions qui exigentun travail physique particulièrement dur, desrèglementations spéciales concernant la re-traite anticipée (par ex. en fonction du nom-bre d’années de cotisation). Tout cela ne doitcependant pas faire oublier que la tendance gé-nérale doit aller vers une extension de la duréede la vie active.

Concilier la vie familiale et la vie professionnelle Les femmes s’engageront davantage dans la

vie active lorsqu’elles auront la possibilité demieux concilier famille et profession. A cet ef-fet,des mesures sont nécessaires sur le plan tantde l’organisation que des finances. D’une part,les horaires dans les garderies, les écoles ma-ternelles et les écoles primaires devraient êtrefixés de manière à ce que, dans une famille,chaque partenaire puisse prendre au moins untravail à la demi-journée. D’autre part, la «pé-nalisation du mariage» dans le système fiscaldoit être supprimée : il convient de remplacerle système traditionnel d’imposition de lafamille par une variante du «splitting» ou parune imposition individuelle. Par ailleurs, lesubventionnement des frais de garde des en-fants devrait être indépendant du revenu et/ouces frais devraient pouvoir être déduits du re-venu imposable : cela n’a aucun sens que, parexemple, deux personnes mariées qui exercentune activité lucrative et qui ont deux enfantssubissent une perte de revenu lorsqu’elles tra-vaillent cinq jours au lieu de trois jours par se-maine.

Une meilleure conciliation du travail et dela famille devrait aussi entraîner une augmen-tation du taux de natalité. Le fait qu’aujour-d’hui en Suisse, 40 pour cent des femmes bé-néficiant d’une formation supérieure n’ont pasd’enfants, ne relève pas du hasard. La politiqueainsi que l’attitude de la société face auxenfants y sont pour beaucoup. Les pays scan-dinaves, où le système de garde des enfants esttrès développé, montrent qu’il est possibled’atteindre des taux de natalité nettement plusforts, même dans les pays où le revenu par ha-bitant est élevé. L’effectif de la population deces pays se réduit certes aussi, mais un peu plus

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Executive Summary

6 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

pour couvrir ces soins, d’introduire une assu-rance obligatoire qui viendrait compléter l’as-surance obligatoire de base. Une autre possibi-lité est de s’en tenir en principe au systèmeactuel selon lequel les frais supplémentairesnon couverts par les assurances maladie doivent être assumés par les personnes concer-nées elles-mêmes ou, si elles ne sont pas en mesure de le faire, par les pouvoirs publics.Dans la perspective d’une politique de réparti-tion, cette solution est tout aussi valable quecelle d’une assurance obligatoire, pour autantque les pouvoirs publics prennent effective-ment tous les frais nécessaires à leur charge.

En résumé, on constate que le vieillissementde la population et la diminution de son effec-tif va poser d’énormes problèmes à la Suisse.Nous avons mis l’accent essentiellement sur lescharges financières qui vont en résulter pourles pouvoirs publics et, en ce qui concernel’AVS, pour la Confédération surtout. Nousn’avons pas voulu ainsi cacher qu’il existe aussid’autres charges ou encore que l’on peut voirdans cette évolution des aspects positifs. Mais,finalement, la population ne peut croître indé-finiment : la survie à long terme de l’humani-té dépend notamment de la stabilisation de lapopulation dans tous les Etats de cette Terre.Le fait que l’évolution démographique de laSuisse va, ces prochaines décennies, poser desproblèmes majeurs en particulier à la politiquede la Confédération n’y change rien. Plus viteelle va s’y attaquer et plus elle prendra encompte les aspects de long terme, mieux ellesera à même de les résoudre de façon satis-faisante. La Commission pour les questionsconjoncturelles estime que les problèmes quinous attendent sont relativement clairs et queles moyens d’en venir à bout sont en principeconnus, même si, au niveau des détails, ilsnécessitent encore des discussions, parfois trèsapprofondies. Le monde politique ferait biend’aborder ces problèmes de manière offensive,même si les solutions proposées sont de primeabord impopulaires. Dans le système de dé-mocratie directe que connaît la Suisse, où toutchangement doit être approuvé par le peuple,les processus de réforme doivent être lancéssuffisamment tôt et les échecs (temporaires),comme des refus en votation populaire, nedoivent décourager personne.

lentement et, ainsi, avec des charges supplé-mentaires plus faibles.

Problèmes de l’AVS et de la prévoyanceprofessionnelle

Indépendamment du montant des pres-tations de la prévoyance vieillesse dont ils vontfinalement bénéficier, les citoyennes et les ci-toyens doivent pouvoir être sûrs de recevoir lesprestations qui leur ont été garanties. Si l’AVSdoit, comme jusqu’ici, couvrir les besoinsvitaux, cela signifie qu’elle aura besoin, mêmeen cas de relèvement de l’âge réglementaire dela retraite, de moyens supplémentaires. Le plusjudicieux serait probablement de les couvrirpar les recettes fiscales générales. S’agissant descaisses de pension, il faut, dans la situationactuelle, procéder tout d’abord à leur assainis-sement. En outre, il convient de veiller de ma-nière stricte au maintien de l’équilibre entre les cotisations et les promesses de prestations.A cet effet, les paramètres de la régulation, enparticulier le taux d’intérêt minimal et le tauxde conversion, doivent être adaptés de manièreautomatique et périodique aux conditions dumarché et à la démographie. Pour les fixer, ilfaudrait, implicitement au moins, s’orientersur des grandeurs réelles et non nominales.L’idéal serait, par exemple, d’indexer le taux deconversion sur les tables actuelles de mortalitéen tenant compte de l’augmentation prévue del’espérance de vie des assurés. Une adaptationautomatique de ces grandeurs permettrait,d’une part, aux personnes concernées demieux planifier leur avenir et, d’autre part,d’éviter des conflits politiques portant sur leurfixation.

Soins de longue durée des personnes âgées En raison du vieillissement de la popula-

tion, la société doit faire face à un accroisse-ment des coûts non seulement de la pré-voyance vieillesse, mais également de la santé.Le fait que les personnes âgées – toutes chosesétant égales par ailleurs – ont davantage re-cours à des prestations médicales est d’une im-portance moindre que les coûts supplémentai-res des soins de longue durée auxquels il fautnous attendre. A côté d’autres facteurs, proba-blement beaucoup plus importants, les coûtsdes prestations médicales supplémentairesentraînent une hausse des coûts de la santé. Ilconviendrait de régler ce problème dans le cadre d’un débat général sur la santé et il seraitpeu judicieux d’y consacrer ici une attentionparticulière. C’est pourquoi, nous ne noussommes pas attachés, dans le présent rapport,aux diverses propositions faites dans ce do-maine. Il en va différemment des soins aux per-sonnes âgées qui engendrent des coûts dontune partie seulement est prise en charge par l’assurance-maladie. Il est en effet possible,

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Rapport annuel 2005

7 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

La modification de la pyramide des âges dela population constitue l’un des grands pro-blèmes de la Suisse. Elle résulte de l’évolutionde deux facteurs, en principe indépendantsl’un de l’autre : d’une part, l’espérance de viede la population s’accroît, d’autre part, le nom-bre de naissance a fortement reculé au coursdes dernières décennies (aussi en comparaisonavec d’autres Etats industrialisés occidentaux).Ainsi, la proportion de personnes actives parrapport aux retraités accuse une baisse sensi-ble, ce qui va considérablement alourdir lefardeau des rentes – indépendamment de leurfinancement. En parallèle, la part des jeunesdans la population va probablement se ré-duire, du moins temporairement. Dès lors, lapolitique économique et financière de la Suis-se devra faire face à des problèmes cruciaux cesprochaines décennies.

Depuis un certain temps déjà, les milieuxscientifiques en particulier ont attiré l’atten-tion sur les problèmes inhérents au vieillisse-ment démographique.1 En Suisse, le débat s’estsurtout focalisé sur l’AVS, premier pilier de laprévoyance vieillesse.2 Jusqu’à présent, l’opi-nion publique (comme le monde politiqued’ailleurs) a toutefois largement sous-estimécette problématique.3 C’est du moins ainsi quel’on peut interpréter l’échec de la votation surla 11ème révision de l’AVS : le peuple n’est pas(encore) prêt à accepter des modifications quiseront à terme inéluctables. Apparemment, lesSuisses espèrent toujours éviter une réforme del’AVS, par exemple grâce à une accélération dela croissance économique. Selon une thèse quirevient sans cesse dans le débat, l’AVS n’auraitaucun problème aujourd’hui si la croissanceéconomique était plus soutenue.4 En réalité,ceci n’est vrai qu’à court terme ou tout au plusà moyen terme. Comme l’ont déjà démontréles considérations émises dans le chapitre 4.2de notre rapport annuel 2004, de tels espoirssont illusoires à long terme.

Lorsque la population vieillit, il faut s’at-tendre à enregistrer un tassement de l’offre detravail, un déclin de l’épargne et un ralentisse-ment de la croissance économique.5 Ce déve-loppement donne lieu à des appréciationsdiverses. Pour autant qu’elle le perçoive,l’opinion publique en Suisse (et dans d’autrespays industrialisés) le ressent essentiellementcomme un problème. Ainsi, un livre paru en1994 déjà était intitulé «Hilfe ! Die Schweizschrumpft»6 (Au secours ! La Suisse se rétrécit).On ne parle plus seulement de conflit de géné-rations. D’aucuns évoquent désormais une

1. Introduction

guerre des générations. Selon un sondaged’opinion, 61 % des Alémaniques estiment quecette guerre est en cours, mais seuls 15% desRomands partagent cet avis.7 De leur côté,quelques observateurs isolés soulignent lesaspects positifs d’une démographie décli-nante. C’est le cas de T. Straubhaar, auteur dece commentaire : «Formidable ! Nous auronsenfin de la place».8

Même sans vouloir nier d’éventuels aspectspositifs, on ne peut ignorer que les problèmesde financement engendrés par une sociétévieillissante constitueront à l’avenir un défimajeur pour la Suisse. Le chapitre 3 présente les résultats de simulations de l’Office fédéralde la statistique montrant que le rapport de dé-pendance des personnes âgées devrait doublerd’ici le milieu de ce siècle. Cette progressions’accompagnera de problèmes colossaux, nonseulement pour l’AVS mais également pour ledeuxième pilier.

Le problème des coûts de la santé doitégalement être pris en considération. Si l’onadmet que ces coûts – toutes choses étantégales par ailleurs – augmentent avec l’âge despatients et si l’on veut maintenir le systèmeactuel, dans lequel des assurances obligatoiresréglementées par l’État assument l’essentiel de ces coûts, il faut s’attendre là aussi à uneaugmentation des dépenses (par rapport auproduit intérieur brut). Et les progrès de la mé-decine renforceront (probablement) la courbeascendante. Si les nouvelles techniques médi-cales permettent d’accroître la longévité, ellesprolongent en effet également la phase de trai-tement intensif, ce qui devrait se traduire parune hausse des coûts des soins aux personnesâgées.

Vu les problèmes de financement qui atten-dent l’État en raison du vieillissement démo-graphique, le système de sécurité sociale devrasubir de profonds changements, seul moyen degarantir sa stabilité à long terme. L’ampleur etla nature des réformes dépendront en premierlieu de l’intensité des variations démographi-ques. Celles-ci reflètent surtout l’évolution dela fécondité, mais également les mouvementsmigratoires. Dans ces deux domaines, la sphèrepolitique peut exercer une influence certaine,bien que passablement restreinte. Les change-ments nécessaires dépendront aussi de l’évolu-tion que connaîtra – pour une structure parâge donnée – la population active. Deux fac-teurs sont déterminants à cet égard : le degréde participation des femmes à l’activité profes-sionnelle et l’âge marquant le passage de la vie

1 Voir OCDE (1999).2 Voir p. ex. BOMBACH G., KLEINEWEFERS H. et WEBER L.

(1978), ABRAHAMSEN Y., KAPLANECK H. et SCHIPS B.(1988), WECHSLER M. et SAVIOZ M. R. (1993) ainsi queSAVIOZ M. R. et WECHSLER M. (1997).

3 Sur les raisons du refoulement de cette problématiquedans l’opinion publique et dans les milieux politiques,voir KAUFMANN F.-X. (2005, p. 34 ss).

4 Voir p. ex. NOVA C. et ZIMMERMANN R., L’AVS est solideet le restera! http://www.sgb.ch/fr/f-download/03pd.doc

5 Sur cette question, voir p. ex. SIEBERT H. (2002, p. 1 ss.).

6 FÜGLISTALLER P. (1994). Voir aussi oFFICE FEDERAL DELA STATISQUE (1996) et MÖCKLI S. (1999).

7 A ce sujet, voir SCHIESSER W, ,Generationenkrieg‘ keinWestschweizer Thema: Andere Sichten diesseits undjenseits der Saane, Neue Zürcher Zeitung n°286 du 8décembre 1999, p. 15.

8 Voir «Für die wenigen wird alles besser» : Straubhaar T.zum Schrumpfen der Bevölkerung, Neue Zürcher Zeitungn°160 du 12. juillet 2005, p. 13.

Page 10: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

1. Introduction

8 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

active à la retraite. Là encore, des possibilitésd’action existent sur le plan politique, maiselles sont limitées.

Face à ces défis qui interpellent précisémentla politique de la Confédération, la Commis-sion pour les questions conjoncturelles a décidéde centrer son rapport annuel sur les consé-quences économiques du vieillissement de lapopulation. Hormis le chapitre 2 qui, commeces dernières années, présente et explique lasituation et les perspectives de l’économiesuisse, l’ensemble du rapport est consacré à cethème. Nous avons tenté, dans le cadre de nosmoyens, de donner une image aussi complèteque possible de la situation. Le vieillissementde la population ne se résume pas à un pro-blème de politique financière, même si celle-cidoit veiller à assurer le financement du sys-tème de la prévoyance vieillesse. Il touche éga-lement, comme nous l’avons déjà indiqué ci-dessus, la politique du marché du travail, dela famille et de la santé.

Dans le chapitre 3, nous nous efforçons dedonner une vue d’ensemble, aussi complèteque possible, des problèmes économiques liésau vieillissement et nous examinons les solu-tions qui pourraient y être apportées. Nousavons recours à cet effet aux conclusions duchapitre 4 dans lequel certains sujets impor-tants sont approfondis. Le chapitre 5 résumeles résultats essentiels et met en évidence lesconséquences politiques que l’on peut en tirer.

Le chapitre 3 présente l’évolution future dela démographie, telle qu’elle se dégage dessimulations réalisées par l’Office fédéral de lastatistique. Il en ressort qu’une augmentationmassive du rapport de dépendance des per-sonnes âgées est attendue jusqu’au milieu de cesiècle. Le système de prévoyance vieillesse seraainsi confronté à des problèmes de finance-ment considérables. Il faut dès lors se deman-der comment les résoudre, c’est-à-dire quelrôle doivent jouer le système de la répartitionet le système de la capitalisation et commentréunir les moyens financiers supplémentairesindispensables.

Les problèmes qui en résultent pour l’AVSont été largement débattus ces dernières an-nées.9 En revanche, les problèmes du deuxièmepilier ont peu retenu l’attention, bien qu’ilssoient tout aussi importants si l’on considèrela situation de plus près. Il a fallu le crashboursier du début de ce siècle pour que l’on enprenne conscience. Le chapitre 4.2 est doncconsacré à la prévoyance professionnelle.Outre l’assainissement des caisses de pensiondont la situation est critique, il aborde aussi laquestion des réglementations auxquelles lescaisses sont soumises, réglementations quidonnent lieu à des débats publics lorsqu’ils’agit de fixer le taux d’intérêt minimal ou letaux de conversion.

Les problèmes de financement ne touchentpas uniquement la prévoyance vieillesse. Ilsvont probablement aussi se manifester dans ledomaine des soins des personnes âgées, un desrares risques à ne pas être couvert aujourd’huipar la sécurité sociale. Cela ne signifie pas quel’introduction d’une assurance obligatoiresupplémentaire s’impose absolument. Le sys-tème actuel pourrait, si on lui apportait quel-ques légers changements, s’avérer une solutiondurable. Mais si une assurance de soins devaitêtre introduite, elle devrait être aménagée defaçon judicieuse. Le chapitre 4.3 indique lespossibilités et les voies qui s’offrent à cet égard.

Mais la discussion ne devrait pas se limiterà la répartition des charges financières liées auvieillissement. Il faut tenter, dans la mesure dupossible, d’alléger ces charges. Pour y parvenir,la voie la plus évidente est d’augmenter la par-ticipation au marché du travail des personnesâgées. Il serait ainsi possible d’augmenter lesrecettes de la prévoyance vieillesse et de dimi-nuer les prestations qui sont à sa charge. Maisprendre une telle décision, c’est aller à l’encon-tre de l’évolution observée ces dernièresdécennies : en dépit de l’augmentation del’espérance de vie, l’âge effectif moyen de laretraite a baissé.

Le chapitre 4.1. aborde donc la question del’activité professionnelle des personnes âgées.Quelles incitations faut-il prévoir pour quel’âge effectif de la retraite cesse de baisser àl’avenir et augmente à nouveau? Bien des per-sonnes âgées seraient disposées à continuer àtravailler, du moins à temps partiel. Mais il fautéviter qu’elles soient alors pénalisées par lesystème des rentes et par le système fiscal. Aucontraire, des incitations positives sous formenotamment de choix plus nombreux devraientêtre développées dans le cadre d’une flexibili-sation de l’âge de la retraite.

Le problème du financement pourrait aus-si être atténué si l’on permettait de mieux con-cilier la vie familiale et la vie professionnelle.C’est le thème du chapitre 4.4. du présent rap-port. Si l’on considère ce qui se passe dansd’autres pays, on constate que cette concilia-tion est plutôt difficile à réaliser en Suisse. Vule modèle de répartition des rôles qui prédo-mine aujourd’hui encore, ce sont avant tout les femmes qui sont pénalisées. Les expérien-ces faites dans d’autres pays montrent que lapossibilité de mieux concilier famille et pro-fession entraîne une plus forte participationdes femmes à la vie active ainsi qu’une augmen-tation du nombre des naissances. Ces deux éléments peuvent contribuer à alléger la char-ge financière du vieillissement.

9 Voir les références correspondantes dans la note 2.

Références bibliographiques :

– ABRAHAMSEN Y., KAPLANEK H. et SCHIPSB. (1988), Die Zukunft der AHV : Einemodellgesützte Analyse der finanziellenEntwicklung der Alters- und Hinterlassenen-versicherung (AHV), Rüegger, Grüsch 1988.

– BOMBACH G., KLEINEWEFERS H. et WEBERL. (1978), Lage und Probleme der schweize-rischen Wirtschaft, Berne 1978.OFFICE FÉDÉRAL DE LA STATISTIQUE(1996), Le défi démographique : perspec-tives pour la Suisse, Berne 1996.

– FÜGLISTALLER P. (1994), Hilfe! Die Schweiz schrumpft : Dei demografischeEntwicklung der Schweiz und ihre Folgen,Orell Füssli, Zurich 1994.

– KAUFMANN F.-X. (2005), Schrumpfende Ge-sellschaft : Vom Bevölkerungsrückgang undseinen Folgen, Suhrkamp, Francfort 2005.

– MÖCKLI S. (1999), Die demografischeHerausforderung : Chancen und Gefahreneiner Gesellschaft lang lebender Menschen,Haupt, Berne et al. 1999.

– OCDE (1999), Wahrung des Wohlstands ineiner alternden Gesellschaft, Paris 1999.

– SAVIOZ M.R. et WECHSLER M. (1997), Wiegross ist der zukünftige Anpassungsbedarfbei der AHV?, Diskussionsbeitrag zum fünf-zigsten Jahrestag der schweizerischen Al-ters- und Hinterlassenenversicherung,Universität St. Gallen, Volkswirtschaft-liche Abteilung, document de discussionno 9720, Saint-Gall, décembre 1997.

– SIEBERT H. (2002), Economic Perspectivesfor Aging Societies : The Issues, in :Siebert H. (ed.), Economic Policy for AgingSocieties, Springer, Heidelberg et al. 2002,p. 1–6.

– WECHSLER M. et SAVIOZ M.R. (1993),Soziale Sicherheit nach 2000. FinanziellePerspektiven und Szenarien für die Schweiz,Rüegger, Grüsch, 1993.

Page 11: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

9 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

2.1 Situation de l’économie mondiale et perspectives

2.1.1 Aperçu de l’évolution conjoncturelle de la fin 2001 à 2004

Après la fin du ralentissement conjoncturelen 2001, la reprise a tout d’abord été hésitantedans la zone OCDE. Dans l’UE et au Japon enparticulier, la croissance est restée modeste.Mais la relance n’a pas non plus vraimentréussi à s’imposer aux Etats-Unis. Tout a chan-gé au cours de l’année 2003. Durant le 2ème

semestre, l’économie a connu à nouveau uneexpansion solide et cette évolution dynamiques’est poursuivie au 1er semestre 2004.

Durant la seconde moitié de l’année 2004,la croissance a une nouvelle fois fléchi. Alorsqu’aux Etats-Unis, l’économie a continué àprogresser à un rythme presque inchangé,dansl’UE la croissance du produit intérieur brut(PIB) s’est presque réduite de moitié. Le Japona même plongé dans une faible récession. Pen-dant le second semestre 2004, la croissance desexportations s’est ralentie tant dans l’UE qu’auJapon. Contrairement à ce qui s’est passé auxEtats-Unis, où la croissance a été essentielle-ment portée par une extension toujours fortede la demande intérieure, la progression del’économie intérieure a été trop faible dans lesdeux autres régions pour compenser suffisam-ment la faiblesse du commerce extérieur.Dans bien des pays de l’Asie du Sud-Est, la fortedynamique de la croissance a faibli. Exceptionnotable, l’économie chinoise a continué àafficher une solide progression. Enfin, leséconomies d’Amérique latine ont aussi connuune expansion sensible l’an dernier.

Dans le sillage de cette solide croissance del’économie mondiale, les prix du pétrole brutont continué à grimper au cours de l’année2004. L’inflation ne s’est toutefois que légère-ment accélérée dans les pays industrialisés. Endépit du changement de cap des taux intérêtsintervenu aux Etats-Unis vers le milieu del’année 2004, les rendements des empruntsd’Etat à long terme sont demeurés à un basniveau.

2.1.2 La situation économique en 2004Etats-Unis

Aux Etats-Unis, la croissance de l’économieenregistrée en 2004 a été essentiellement due àune augmentation à nouveau solide de la con-sommation privée ainsi qu’à la poursuite de la nette reprise des investissements des entre-prises qui s’était amorcée l’année précédente.

Les ménages privés ont, une fois de plus, accrusensiblement leurs dépenses. La hausse notabledes investissements des entreprises a provoquéune avancée de l’emploi. Ainsi, le taux dechômage, qui avait atteint un niveau record de6,3% au milieu de l’année 2003, est tombé à 5,4% à la fin de l’année passée. Cette baisse estpartiellement imputable au fait que des actifspotentiels se sont retirés du marché du travail.En 2004, la participation au marché du travailétait inférieure de près de 0,5 point de pour-centage au niveau atteint durant la période1994–2000. La progression de l’emploi estdonc restée modeste. Les entreprises ont aug-menté leur production et fortement investisans que le nombre de personnes occupéess’accroisse en conséquence. Contrairement àce qui s’était produit les années précédentes,la politique fiscale n’a plus guère fourni d’im-pulsions à la consommation privée. Les petiteset moyennes entreprises en ont, en revanche,encore profité. La forte extension de la de-mande intérieure s’est poursuivie, s’accom-pagnant d’une hausse également prononcéedes importations. Du coup, la contribution ducommerce extérieur a une nouvelle fois éténégative. Le PIB a progressé de 4,2%, contre2,7% l’année précédente.

En dépit de l’évolution vigoureuse de laconjoncture et du renchérissement constantdes biens énergétiques, la hausse des prix estrestée relativement modeste. Le renchérisse-ment annuel moyen a atteint 2,7%, contre 2,3% en 2003. Le taux d’inflation corrigé descomposantes volatiles que sont les denréesalimentaires et l’énergie a progressé modéré-ment, durant la même période, passant de1,5% à 1,8%.

UELa reprise conjoncturelle qui s’est mani-

festée au 2ème semestre 2003 dans l’UE a dé-bouché, une année plus tard déjà, sur unephase de faiblesse. L’augmentation des expor-tations, qui s’est révélée le véritable moteur dela croissance, a fléchi. L’appréciation de l’euro,constante depuis le printemps 2001, sembleavoir tendanciellement freiné les exportationsdes entreprises travaillant dans la zone euro.Elément positif, la reprise de la formationbrute de capital fixe entamée une annéeauparavant s’est également poursuivie au 2ème

semestre 2004. L’augmentation est toutefoisrestée modeste. Quant à la hausse de l’emploi,elle a également été faible. Le déséquilibre surle marché du travail ne s’est que légèrement

2. Situation économique et politique macroéconomique

Page 12: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

2. Situation économique et politique macroéconomique

10 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

comblé. Le taux de chômage, qui avait atteint9,1% au début 2004, a reculé jusqu’à 8,9% seu-lement jusqu’à la fin de l’année. Les ménagesprivés n’ont que modérément augmenté leursdépenses. Les différences entre les pays de l’UEont cependant à nouveau été sensibles. Si laconsommation privée a une nouvelle fois con-sidérablement augmenté au Royaume-Uni et

en Espagne en particulier, elle est restée faiblepour la troisième année consécutive en Alle-magne. Les impulsions données à l’économieintérieure par l’essor des exportations depuisle 3ème trimestre en Allemagne ont, dans l’en-semble, été peu efficaces. Le PIB des nouveauxEtats membres de l’UE a, en revanche, unenouvelle fois solidement progressé. L’augmen-tation de la demande de consommation privéea quelque peu faibli, mais les investissementsont connu une forte expansion. Dans l’ensem-ble, la demande intérieure est demeurée unsupport important de la croissance dans cegroupe de pays. Sur toute l’année 2004, le PIBde l’UE a enregistré une croissance de 2,4%alors qu’il avait progressé de 1,1% seulementl’année précédente.

L’évolution conjoncturelle dans l’ensemblede l’UE a limité la marge dont disposent lesprestataires pour fixer leurs prix. Le renchéris-sement de la consommation a été provoqué es-sentiellement par l’augmentation des prix del’énergie et par le relèvement des prix adminis-trés. Alors qu’au début de 2004, le renchéris-sement par rapport à l’année précédente étaitde 1,9% (zone euro : 1,8%), il a atteint 2,4%(zone euro : 2,3%) à la fin de l’année. L’infla-tion sous-jacente, corrigée des composantesvolatiles que sont les denrées alimentaires, l’é-nergie, le tabac et l’alcool, a légèrement pro-gressé, passant de 1,6% à 1,8%.

JaponTout comme dans l’UE, l’accélération de la

croissance observée au cours de l’année 2003 aété de courte durée au Japon. Le nouveau flé-chissement enregistré en 2004 était imputableau net ralentissement de la progression des ex-portations, conséquence de la stagnation de lademande en provenance des Etats-Unis et del’Asie. De plus, la formation brute de capitalfixe et les dépenses privées de consommationont également diminué, si bien que le PIB s’estcontracté au 2ème et au 3ème trimestre et qu’il n’a que légèrement augmenté du mois d’octobreau mois de décembre. Compte tenu de cetteévolution, le recul du taux de chômage peut àpremière vue surprendre. Celui-ci est passé de5,0% en janvier 2004 à 4,4% en décembre.L’emploi n’a toutefois légèrement augmentéque jusque vers le milieu de l’année, puis il areculé. Comme l’offre de travail diminue pourdes raisons démographiques, elle contribue àcombler le déséquilibre du marché du travail.Cela avait déjà été le cas l’année précédente.Suite à la solide croissance économique obser-vée au début de 2004, la croissance réelle duPIB sur l’ensemble de l’année atteint 2,7%,contre 1,4% l’année précédente.

Pour la première fois depuis cinq ans, le ren-chérissement moyen de la consommation n’apas été négatif en 2004 (0,0%). Contrairement

Variation par rapport au trimestre précédent en pour-cent, annualisée

Graphique 2.2 : UE (25) – évolution du PIB réel

Source : Eurostaat

–2

0

2

4

6

8

10

1994 1996 1998 2000 2002 2004

Variation par rapport au trimestre précédent en pour-cent, annualisée

Graphique 2.3 : Japon – évolution du PIB réel

Source : OCDE

–6

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1994 1996 1998 2000 2002 2004

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1994 1996 1998 2000 2002 2004

Variation par rapport au trimestre précédent en pour-cent, annualisée

Graphique 2.1 : USA – évolution du PIB réel

Source : OCDE

Page 13: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

11 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

année a amélioré quelque peu ces conditions.Compte tenu de l’évolution hésitante de laconjoncture et du faible niveau des taux d’in-térêts réels, la BCE ne devrait modifier ses tauxdirecteurs ni au cours de cette année, ni en2006. Au Japon, les autorités monétaires vontvraisemblablement s’efforcer de maintenir lecours expansif de leur politique cette année etl’année prochaine.

Dans les trois grandes zones économiques,les taux d’intérêts à long terme sont restés à unbas niveau jusqu’à l’été. Dans cette perspectiveaussi, on peut considérer que les conditionsmonétaires générales soutiennent la conjonc-ture.

Il ne faut pas s’attendre, dans les trois zones,à ce que la politique financière donne des im-pulsions positives aux activités économiques.Aux Etats-Unis, la politique financière estmoins axée sur l’expansion que ces annéespassées. La croissance des dépenses devraitlégèrement faiblir. Dans l’UE, la révision duPacte de stabilité et de croissance, au printemps2005, permet aux pays accusant de forts défi-cits de bénéficier de délais plus longs pourramener leur déficit budgétaire sous la limitedes 3% du PIB prévue dans le Traité de Maast-richt. La politique financière devrait doncavoir un effet pratiquement neutre sur laconjoncture cette année et l’année prochaine.Ceci bien que le besoin de consolidation qui sefait sentir dans bien des Etats de l’UE ne se soitguère réduit.

Au Japon, l’endettement de l’Etat a atteint,au cours de cette année, près de 170% du PIB.L’évolution de la demande publique en matièred’investissements devrait donc exercer un effetde frein sur la croissance économique.

2.1.4 Evolution en 2005 et perspectives pour 2006

A première vue, l’année 2005 a démarré de manière relativement favorable sur le planéconomique. Dans la zone OCDE, le PIB aprogressé plus fortement qu’au cours du 2ème

semestre 2004. L’augmentation du PIB dansl’UE a toutefois masqué les tendances con-joncturelles fondamentales. Au Japon, ce sontles effets de rattrapage qui ont manifestementété à l’origine de la très forte croissance de laconsommation privée. Au 2ème trimestre, l’ex-pansion a une nouvelle fois faibli dans la zoneOCDE. Au mois de juin, les indicateurs com-posites avancés de l’OCDE signalent, pour lapremière fois, une croissance à nouveau plusforte après avoir, pendant des mois, dénoté unfléchissement. Aux Etats-Unis, des taux decroissance un peu plus élevés sont attenduspour le 2ème semestre de l’année en cours. AuJapon, les entreprises manifestent une confi-ance toujours plus grande. Dans l’UE, la con-fiance des entreprises et des consommateurs

à ce qui se produit aux Etats-Unis ou dans l’UE,cette évolution est due non pas en premier lieuà la hausse des prix de l’énergie, mais au ren-chérissement des denrées alimentaires. Maismême sans tenir compte des produits alimen-taires frais, la déflation a diminué, passant de0,3% l’année précédente à 0,1% en 2004.

Autres régionsDans les pays émergents d’Asie, le redresse-

ment amorcé au 2ème semestre 2003 s’est pour-suivi. La forte dynamique de la croissance s’esttoutefois aussi un peu tassée au cours de l’an-née. La majeure partie de ces pays ont malgrétout vu leur PIB augmenter de l’ordre de 7% à9 %. Dans la plupart d’entre eux, la croissancede l’économie est due à une progressionsensible des exportations ainsi qu’à une fortedemande intérieure.

Pour les pays d’Amérique latine, dont la si-tuation conjoncturelle s’était stabilisée l’annéeprécédente, l’année 2004 a, économiquementparlant, été l’une des meilleures depuis long-temps. Une forte demande sur les marchésd’écoulement importants liée à une hausse desprix des biens d’exportation essentiels ainsiqu’une demande intérieure soutenue ontcontribué à ce résultat.

2.1.3 Conditions cadres de la politique économique

En raison du dynamisme persistant de lacroissance économique aux Etats-Unis d’unepart, et du fléchissement de la conjoncture encours d’année au Japon et dans l’UE, d’autrepart, l’estimation de la politique économiquemondiale – et en particulier de la politiquemonétaire – n’est plus aussi homogène qu’il ya une année.

La Banque d’Angleterre qui, de novembre2003 à août 2004, avait réduit le degré d’ex-pansion de sa politique monétaire a, en août decette année,abaissé son taux d’intérêt directeurde 25 points de base en réaction au net affai-blissement de la conjoncture intérieure.1 Enrevanche, la Banque centrale américaine (Fed)a été à même de maintenir, dans un premiertemps, la politique monétaire qu’elle suit de-puis juin 2004 et qui consiste à des relèvementssuccessifs du taux directeur. Les taux d’intérêtsréels ne sont que légèrement positifs et la poli-tique monétaire peut encore être qualifiée defaiblement expansive. Dans la zone euro, lestaux d’intérêts réels sont proches de zéro de-puis que la Banque centrale européenne (BCE)a assoupli sa politique monétaire au cours du1er semestre 2003. La nette appréciation, en2003 puis au 4ème trimestre 2004, de la valeurextérieure de l’euro pondérée par le commer-ce extérieur a toutefois eu un impact nettementrestrictif sur les conditions monétaires généra-les. La dépréciation de l’euro au cours de cette1 Voir aussi chapitre 2.5

Page 14: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

2. Situation économique et politique macroéconomique

12 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

récemment baissé à nouveau, si bien que laformation brute de capital ne devrait augmen-ter que modérément en dépit de conditions definancement favorables. On s’attend donc àune augmentation, modeste seulement, del’emploi et des revenus. Dans quelques pays, laconsommation privée a été soutenue par unehausse sensible des prix des immeubles. Lasituation sur le marché de l’immobilier s’estcependant sensiblement calmée, tout au moinsau Royaume-Uni et l’augmentation de la con-sommation privée s’est fortement ralentiejusqu’ici. Dans l’ensemble de l’UE, on s’attendà ce que les facteurs intérieurs de reprise ne serenforcent que légèrement, en raison aussi descours plus élevés du pétrole. Les exportationsdevraient rester un soutien important de laconjoncture. Mais, dans l’attente d’un fléchis-sement de l’économie mondiale, leur pro-gression se ralentit. Ce ne sont pas là desperspectives réjouissantes, en particulier pourl’économie allemande qui a été tributaire des impulsions du commerce extérieur cesdernières années. On ne perçoit pour l’instantguère de signes augurant une reprise de laconsommation et des investissements en Alle-magne. Grâce à une demande intérieure plusrobuste, les économies des nouveaux Etatsmembres de l’UE devraient connaître à nou-veau une expansion plus forte. Le taux decroissance effectif du PIB de l’UE dans sonensemble devrait être légèrement inférieur à lacroissance potentielle.

Au Japon, un léger renforcement de laconfiance est perceptible ces derniers temps. Leclimat des investissements semble stable etl’emploi n’est plus considéré comme trop élevéselon les enquêtes menées dans les entreprises.L’impact sur l’évolution de l’emploi devraitdonc être positif. Cette année, la progressiondes exportations a toutefois été décevantejusqu’ici. Le renforcement de la dynamiqueéconomique des Etats-Unis au 2ème semestre2005 laisse espérer une hausse, provisoire aumoins, des exportations. Il n’est pas certain,pour l’instant, que la consommation privéepuisse effectivement remplacer les exporta-tions en tant que moteur de la croissance.L’augmentation des revenus est restée à latraîne des dépenses des ménages privés qui ontconsidérablement progressé au début de 2005.On s’attend donc à une normalisation, avec deshausses modestes de la consommation privée.Comme les exportations devraient, elles aussi,augmenter modérément, l’économie japo-naise devrait connaître une reprise timide.

Les pays économiquement importants quine font pas partie de la zone OCDE devraient,dans leur majorité, connaître une croissanceforte en dépit d’un certain fléchissement parrapport à 2004. La Chine reste le moteur de lacroissance économique dans la région asiati-

s’est stabilisée en milieu d’année, après avoirété en recul pendant des mois. Les différents indicateurs de l’UE laissent présager, pour ladeuxième moitié de l’année, un renforcementde la croissance. Ils ne signalent toutefois pas(encore) de reprise sensible.

Aucune détente ne se profile sur les marchéspétroliers. Le prix du baril de Brent de la merdu Nord était supérieur à 60 dollars US enautomne. Du fait des problèmes de capacité auniveau de l’extraction et dans les raffineries etde la poursuite probable de l’expansion trèsdynamique de l’économie, surtout en Asie duSud-Est, les cours du pétrole devraient tendan-ciellement encore légèrement grimper.

L’abandon du lien fixe entre le yuan chinoiset le dollar américain a constitué l’événementde l’été sur le marché des devises. La valeur ex-térieure du yuan sera désormais fixée en fonc-tion d’un panier de devises. La réévaluationtrès modeste de la monnaie chinoise par rap-port au dollar américain n’aura en soi guère derépercussions sur le commerce des biens.

Aux Etats-Unis, le rythme de croissance, en-core élevé au 2ème semestre 2005, devrait faiblirl’an prochain. Mais l’accroissement de la de-mande devrait rester solide. Les dépenses desménages privés resteront probablement unimportant soutien de la conjoncture, même sielles n’augmentent plus de façon aussi soute-nue que dans un passé récent. La progressionde l’emploi ne devrait pas être sensiblementplus forte que l’année précédente. Quant auxinvestissements des entreprises privées qui ontaffiché des taux d’expansion élevés depuis leprintemps 2003, ils devraient perdre de leur vi-gueur. Le taux de croissance du PIB va faiblirpour se rapprocher de la croissance potentielleà laquelle il devrait être légèrement inférieurvers la fin de 2006.

Dans l’UE, la demande économique globalea eu tendance à faiblir dans le courant de cette année.Après s’être améliorée l’an dernier,l’utilisation des capacités dans l’industrie a

Graphique 2.4 : indices de l’OCDE des indicateurs avancés(variations semestrielles en pour-cent, annualisées)

Source : OCDE

–15

–10

–5

0

5

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1994 1996 1998 2000 2002 2004

USA Japon UE

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Rapport annuel 2005

13 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Leur situation s’est ainsi sensiblement amélio-rée, si bien qu’elles ont à nouveau davantage in-vesti dans des extensions. Les investissementsen biens d’équipement ont augmenté. Lesentreprises ont également commencé à revoirleur politique en matière de personnel. A la finde 2003, les réductions de personnel ont éténettement moins nombreuses que ce n’étaitencore le cas en début d’année. Au début de2004, le taux de chômage qui était de tout juste4% a même commencé à baisser légèrement.Bien des facteurs laissaient à penser que la con-joncture suisse reprenait pied. La hausse del’emploi ne semblait plus être qu’une questionde temps.

2.2.2 Nouveau fléchissement conjoncturel en 2004

Mais les attentes ont été déçues. Durant lepremier semestre 2004, le PIB n’a effective-ment progressé que d’un peu plus de 2%, unecroissance trop faible pour nécessiter l’engage-ment de main-d’œuvre supplémentaire. Lesentreprises étaient à même de faire face à lahausse de la demande en augmentant leur pro-ductivité. Au cours de la deuxième moitié del’année enfin, la croissance de l’économiesuisse s’est mise à fléchir sérieusement. Au 4ème

trimestre 2004, le PIB a presque stagné ; l’aug-mentation par rapport au trimestre précédents’est limitée à 0,3%. Sur l’ensemble de l’année2004, le PIB réel a affiché une hausse de 2,1%par rapport à l’année précédente. Une légèrereprise s’est manifestée à partir du 1er trimestre2005. En taux annualisé, le PIB a crû de 0,9%au premier, et de 1,6% au deuxième trimestre.

2.2.3 La faiblesse de l’évolution conjoncturelle àl’étranger freine la croissance des exportations

Ce nouveau fléchissement de la valeurajoutée de l’économie globale s’expliqueessentiellement par la baisse des impulsionsconjoncturelles émanant de l’environnementinternational – en particulier des pays voisinset plus importants destinataires de nos expor-tations que sont l’Allemagne, la France etl’Italie dont la part aux exportations suisses demarchandises atteint près de 40%. Le ralentis-sement de la croissance économique dans cespays s’est directement répercuté sur les expor-tations suisses de marchandises. Par ailleurs,l’appréciation du franc par rapport au dollar aeu un impact défavorable sur les livraisons demarchandises suisses vers la zone du dollar US.Le rythme d’expansion des exportations suis-ses de marchandises,3 qui avait atteint 10% endébut d’année, s’est considérablement ralentipar la suite. Cette évolution a particulièrementtouché les composantes très sensibles à la con-joncture que sont les produits semi-finis et les biens d’investissements. En revanche, lesexportations de biens de consommation ont

2 Sauf indication contraire, le produit intérieur brut etses composantes sont corrigés des variations de prix,ainsi que des variations saisonnières et aléatoires(composante lisse). Les taux de croissance en rythmeannuel (variations par rapport à la période précédente)sont annualisés.

3 Les exportations et les importations ont été corrigéesdes exportations et des importations de métauxprécieux, pierres gemmes, objets d’art et antiquités qui ne sont pas pertinents en termes de conjoncture.Cette correction a un effet neutre sur le PIB.

que et un marché dynamique pour les expor-tations des Etats-Unis et de l’Europe. Lerythme d’expansion soutenu de la productionde l’économie globale chinoise devrait cepen-dant quelque peu faiblir. Dans la plupart desautres pays émergents d’Asie et en Amériquelatine, on s’attend toujours à une extensionsolide des activités économiques. La dynami-que conjoncturelle devrait toutefois continuerà ralentir dans ces régions, tout comme auxEtats-Unis.

Les risques pouvant affecter les prévisionsn’ont guère changé ces douze derniers mois.Les forces internes de reprise dans l’UE et auJapon semblent toujours fragiles et la situationsur les marchés pétroliers reste tendue. Les ren-dements des emprunts d’Etat sont exception-nellement bas et, dans de nombreux pays, lesprix de l’immobilier ont continué à s’envoler.Une correction abrupte affecterait les marchésfinanciers et l’économie réelle.

2.2 Situation de l’économie suisse et perspectives

2.2.1 IntroductionUne reprise conjoncturelle s’est amorcée en

Suisse vers le milieu de l’année 2003. La phasede faiblesse qui durait depuis le 2ème trimestre2001 touchait à sa fin. Au 3e et au 4ème trimestre2003, le produit intérieur brut a progressé de respectivement 2,2% et 3,0%.2 Il a toutefoisdiminué de 0,3% sur l’ensemble de l’année2003, car le recul enregistré au 1er trimestreavait été considérable.La reprise a bénéficié dèsle début d’une large assise. En effet, les impul-sions sont venues tant de l’environnementinternational que de l’économie intérieure. Larelance conjoncturelle aux Etats-Unis et enEurope a entraîné, dès le milieu de l’année2003, un accroissement de la demande de pro-duits d’exportation suisses. Cette évolution aété renforcée par le cours du franc par rapportà l’euro qui est passé d’environ 1,47 à près de1,55 franc/euro, améliorant ainsi la compéti-tivité-prix des exportateurs suisses. Sur le planintérieur, une impulsion essentielle a été don-née par les investissements dans la construc-tion de logements qui ont augmenté de près de17% en 2003. Les indicateurs ont commencé à pointer à la hausse. Les entreprises suisses sesont montrées plus confiantes quant aux pers-pectives de vente. L’indice du climat de con-sommation a de nouveau légèrement progres-sé. Les cours des actions se sont redressés. Versla fin de l’année, la relance a touché la con-sommation privée. Les dépenses de consom-mation ont affiché une hausse de 1,6% au 4ème

trimestre 2003, et de 1,7% au 1er trimestre2004. Le dynamisme de la demande tant inté-rieure qu’étrangère a permis aux entreprises demieux exploiter leurs capacités de production.

Page 16: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

2. Situation économique et politique macroéconomique

14 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

continué à progresser tout en présentant destaux de croissance légèrement plus faibles –surtout au 2ème et au 3ème trimestre 2004.

Toujours faibles en début d’année, les ex-portations de marchandises se sont à nouveaunettement redressées à partir de mars 2005. Lahausse enregistrée est toutefois essentiellementimputable aux exportations de biens de con-sommation, moins sensibles à la conjoncture,qui ont affiché de solides taux de croissance. Enrevanche, les exportations des composantesplus sensibles à la conjoncture que sont les pro-duits semi-finis et les biens d’investissementsont connu une évolution modérée, voire légè-rement négative.

Tout comme les exportations de marchan-dises, les exportations de services (qui repré-sentent près de 28% du total des exportations),ont sensiblement diminué à partir du 2ème tri-mestre de l’année passée, alors qu’elles s’étaientsolidement développées au deuxième semestre2003. Cette baisse est due essentiellement à lastagnation observée sur les marchés des ac-tions, qui a freiné l’évolution du produit desopérations de commissions que les banquessuisses réalisent avec des clients étrangers. Lesdépenses des touristes étrangers en Suisse ont enrevanche augmenté de 3,2%. Les exportationsde services se sont toutefois à nouveau inscritesà la hausse durant l’année en cours. La haussedes cours des actions a, en particulier, stimuléles opérations de commissions des banques.

2.2.4 Consommation soutenue surtout par le climat en 2004

La croissance des dépenses de consomma-tion des ménages privés s’est elle aussi essouffléeau cours de l’année 2004. L’indice synthétiquedu climat de consommation s’est certes amélio-ré une nouvelle fois pour atteindre presque,au début 2005, la moyenne à long terme(1972–2004). Mais les impulsions positives decette embellie du climat sur la consommationprivée ont été atténuées par l’évolutionextrêmement faible des revenus réels dispo-nibles. L’emploi s’est dégradé alors que l’aug-mentation des salaires nominaux n’a été que trèslégèrement supérieure au renchérissement tirévers le haut par les cours plus élevés du pétrole.Moyenne en comparaison historique, la haussede 1,4% des dépenses réelles de consommationa exigé une baisse du taux d’épargne.

2.2.5 Investissements dans le bâtimentstimulés par la construction de logements

L’an passé, la conjoncture suisse a une nou-velle fois bénéficié des impulsions positivesprovenant des investissements dans la cons-truction. Ceux-ci ont augmenté en termes réels de 4,1%. La hausse est essentiellement due aux investisseurs privés (7,2% en termesnominaux) qui ont privilégié les nouvelles

constructions (11,7% en termes nominaux).Les investissements publics n’ont en revancheprogressé, en termes nominaux, que d’un faible1,8% : l’Etat n’a guère été à même de soutenirla conjoncture par le biais des investissements.Si l’on considère les catégories de construc-tions, on constate que l’augmentation des in-vestissements est une fois de plus imputable es-sentiellement à la construction de logements.L’an dernier, celle-ci a affiché, en termes nomi-naux, une progression de 11,3% alors que sapart au total des investissements dans la cons-truction atteint tout juste 50%. Les facteurs dits fondamentaux n’expliquent que partielle-ment le dynamisme de l’expansion des inves-tissements dans la construction de logementsaprès 2003. La nouvelle hausse des rendementsdans la construction de logements, le faible ni-veau des taux d’intérêts et le nombre toujoursrestreint de logements inoccupés ont certaine-ment aussi joué un rôle, tout comme d’ailleursles attentes optimistes des investisseurs. Dansle secteur des constructions à caractère indus-triel ou commercial, en revanche, l’évolution aété plus que modeste puisque les investisse-ments ont diminué de 3,6%, ce qui n’est guèresurprenant au vu du grand nombre de surfacestoujours inoccupées.

2.2.6 La faiblesse de la demande de biensn’exige guère d’investissements d’extension

La reprise de la demande, dès le milieu de l’année 2003, a permis aux entreprisesd’accroître l’utilisation de leurs capacités deproduction. Le risque de voir de nouvelles ca-pacités supplémentaires rester improductives adès lors faibli. De plus, grâce à l’améliorationde leur situation, les entreprises ont disposé demoyens supplémentaires pour financer denouveaux projets d’investissement. Les inves-tissements d’extension ont donc progressive-ment augmenté. Jusque vers le milieu del’année 2004, le pourcentage des entreprisesindustrielles qui, sur le nombre total des parti-cipants à l’enquête du KOF dans l’industrie,ont réalisé des projets d’expansion a, par exem-ple, grimpé à un niveau qui n’avait plus été at-teint depuis l’an 2000. Le secteur financier s’estégalement montré confiant. La situation desaffaires s’est embellie tant pour les banques quepour les assurances. On a dès lors constaté,dans le domaine des technologies de l’infor-mation, une propension à l’expansion légère-ment plus soutenue. Dans le secteur de la cons-truction, les capacités techniques ont été unpeu mieux exploitées sans pour autant que sur-gissent des goulets d’étranglement, comme lerévèle l’enquête du KOF dans la construction.Les capacités existantes ont largement suffi àsatisfaire la demande. Dans la deuxième moi-tié de l’année passée, l’activité d’investissementa toutefois commencé à faiblir. La modeste

Page 17: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

15 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

augmentation de la demande n’a plus exigé quede faibles investissements d’extension. Les tauxde croissance effectifs ont sensiblement dimi-nué. Au 4ème trimestre 2004 et au 1er trimestre2005, les investissements en biens d’équipe-ment se sont à nouveau contractés. En raisonde ce fléchissement, le résultat de l’année 2004,qui s’établit à 2,7%, est faible pour une phasede reprise conjoncturelle. L’évolution actuellesuscite toutefois des espoirs. C’est ainsi qu’au2ème trimestre, les investissements en biensd’équipement ont à nouveau progressé endépit des attentes modérées des entreprisesquant aux ventes possibles : les entreprises ontprobablement fait davantage d’investisse-ments dans le remplacement.

2.2.7 Croissance modérée de la consommationde l’Etat

L’an dernier, la consommation de l’Etat s’estaccrue de 1,4% en termes réels. Cette hausse est nettement plus faible que celle enregistrée

dans les années 2000 à 2003. On peut y voir latrace des mesures d’économie qui, au vu desdéficits croissants, ont été prises en vue destabiliser la quote-part de l’Etat.

2.2.8 Les importations reflètent l’évolutionconjoncturelle

L’évolution des importations a été le refletde celle de la conjoncture suisse. Suite àl’amorce de la reprise, les importations ontcommencé à progresser dans la seconde moi-tié de l’an 2003. Après avoir enregistré des tauxde croissance de plus de 9 % aux 3ème et 4ème

trimestre 2003, elles ont fléchi au cours del’année dernière. Au dernier trimestre de l’an-née 2004, les importations tant de marchandi-ses que de services ont presque stagné. Cetteannée, elles ont continué à faiblir, si bien qu’ilen résulte un recul pour le 1er trimestre. Untournant se dessine à l’heure actuelle. Lesimportations réelles de marchandises sont ànouveau à la hausse depuis le 2ème trimestre.

2.2.9 Recul persistant de l’emploiEn raison de la reprise conjoncturelle,

certains signes laissant présager un revirementde tendance sur le marché du travail se sontmanifestés à la fin 2003 et au début 2004. Mais,il a fallu déchanter au cours de l’année 2004. Lacroissance de l’économie était trop faible pourqu’une main-d’œuvre supplémentaire notablesoit nécessaire. En 2004, l’emploi a presquestagné : le nombre des personnes occupées a af-fiché une progression infime de 0,1% ; expri-mé en équivalents plein temps, l’emploi a, enrevanche, diminué de 0,4%. Si l’on considèreles secteurs, on constate que si l’évolution del’emploi a été faible, c’est essentiellement enraison de la baisse de la demande de travaildans l’industrie.Dans la construction, l’emplois’est à nouveau légèrement accru au second se-mestre 2004, mais en raison de l’évolution en-registrée au premier semestre, on note un légerrecul sur l’ensemble de l’année. Dans le secteurdes services, l’augmentation du nombre despersonnes occupées a considérablement fléchidurant la deuxième moitié de l’année passée.Ce sont la région lémanique et le Nord-Ouestde la Suisse qui ont enregistré le plus fort reculde l’emploi. A Zurich, la baisse a été modérée,alors qu’en Suisse orientale et surtout sur lePlateau, l’emploi a progressé. Au cours du pre-mier semestre de l’année en cours, l’emploi apratiquement stagné.

Du début 2004 à août 2005, le nombre dechômeurs inscrits s’est contracté de manièreconstante, mais faible, si l’on fait abstractiondes facteurs d’influence saisonniers. Il a ainsidiminué de 8000 environ pour s’établir à quel-que 148 500 personnes. Le taux de chômage apassé de tout juste 4% en janvier 2004 à 3,8%.Compte tenu de la stagnation du nombre de

Variations annualisées par rapport au trimestre précédent, en pour-cent (à gauche)

Niveau (en mio. CHF, à droite)

Graphique 2.5 : produit intérieur brut (aux prix de 2001, composante lisse)

Source : seco

–3.0

–2.0

–1.0

0.0

1.0

2.0

3.0

4.0

5.0

6.0

7.0

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

93000

97000

101000

105000

109000

113000

Graphique 2.6 : exportations de biens et demande intérieure (1998 = 100, composante lisse)

Source : seco

70

80

90

100

110

120

130

140

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Exportations réelles de biens Demande finale intérieure réelle

Page 18: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Graphique 2.9 : indice suisse des prix à la consommation (variations par rapport à l'année précédente, en pourcent)

–0.5

0.0

0.5

1.0

1.5

2.0

2.5

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

2. Situation économique et politique macroéconomique

16 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

personnes occupées et du potentiel croissantde personnes en âge d’exercer une activitélucrative, cette évolution est quelque peu sur-prenante à première vue.

On aurait en effet pu s’attendre, dans cesconditions, à ce que le nombre des chômeursinscrits augmente. Le recul du chômage peutéventuellement s’expliquer d’un côté par le faitque des demandeurs d’emploi se soient retirésdu marché du travail, entraînant une dimi-nution de l’offre d’emplois et, de l’autre, par la hausse notable du nombre de personnesarrivées en fin de droit suite à l’entrée envigueur, au milieu de l’année 2003, de laréduction de la durée d’indemnisation del’assurance-chômage. Les étrangers ont étédeux fois plus souvent touchés par le chômageque les Suisses. Le taux de chômage des fem-mes est supérieur de 0,1 à 0,3 point de pour-centage à celui des hommes. Si l’on considèreenfin les différents groupes d’âge, on constateque la catégorie des 15–24 ans est la plusdurement frappée par le chômage. C’est lacatégorie des travailleurs de 50 ans et plus quiprésente le taux le plus faible.

2.2.10 Evolution du renchérissement marquée par l’envolée des prix du pétrole –quasi stagnation des salaires réels

L’évolution des salaires, ces trois dernièresannées, est marquée par le déséquilibre persis-tant sur le marché du travail. En 2004, l’indicesuisse des salaires nominaux calculé par l’OFSa augmenté de 0,8%. Le niveau de salaire sur labase de la CN4 qui, à la différence de l’indicedes salaires nominaux, prend en compte lesvariations salariales découlant d’une modifica-tion de la proportion des travailleurs qualifiésou du déplacement de travailleurs vers desbranches versant des salaires plus élevés, aprogressé de 1,0%. Les salaires ne sont pasparvenus à suivre le rythme de la productivitédu travail, en hausse de 2,5%, si bien que lescoûts salariaux unitaires de l’économie dansson ensemble ont fléchi de 1,5%. Les coûts dutravail n’ont donc exercé aucune pression surles prix.Au contraire, ceux-ci ont eu un effet defrein. L’évolution des taux de change n’a pasnon plus donné d’impulsions à la hausse : la va-leur extérieure nominale du franc s’est mêmelégèrement accrue l’an dernier, tendant ainsi àdiminuer le prix des produits importés. Si lerenchérissement, mesuré par l’indice suisse desprix à la consommation (IPC), s’est malgrétout accéléré en Suisse l’an dernier, c’est enraison de circonstances particulières. Cettehausse est le résultat d’augmentations notoiresdes prix dans certains groupes spéciaux debiens de consommation, à savoir les produitspétroliers, les loyers des logements et les servicespublics. Dans l’IPC, ces groupes réunis repré-sentent un tiers des dépenses. Ils ont contribué

4 Ce niveau de salaire est égal aux revenus d’une activitésalariée divisé par l’emploi en équivalents plein temps(sur la différence entre l’indice des salaires nominaux etle niveau de salaire CN), voir, par exemple, les commu-niqués de presse de l’OFS sur l’indice suisse des salaires.

Graphique 2.7 : emplois en équivalents plein temps (composante lisse)

Source : OFS

–4.0

–2.0

0.0

2.0

4.0

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

2950

3000

3050

3100

3150

Variations par rapport au trimestre précédent (annualisées, à gauche)

Niveau (en milliers, à droite)

Graphique 2.8 : chômeurs et demandeurs d’emploi (composante lisse)

Source : seco

0

50000

100000

150000

200000

250000

300000

1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Nombre de demandeurs d'emploi Nombre de chômeurs enregistrés

Page 19: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

17 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

à raison de 0,7 point de pourcentage au ren-chérissement général de 0,8%. Il convienttoutefois de mentionner que le renchérissementdes loyers est quelque peu surestimé en raisonde l’adaptation de l’échantillon utilisé pour lesloyers. En 2004, le renchérissement sous-jacentcalculé par le KOF (IPC sans le pétrole, les prixadministrés, les médicaments, les loyers) s’estélevé, en moyenne, à 0,1%, soit le niveau le plusbas de ces 25 dernières années. Cette année, lerenchérissement par rapport à l’année précé-dente mesuré par l’IPC sur la base des mêmesfacteurs qu’en 2004, est resté nettement supé-rieur au renchérissement sous-jacent.

Le niveau des prix de l’économie globale –mesuré par le déflateur PIB – a augmenté de0,9% (2004). Les biens de consommation ontcontinué à renchérir. Les prix des investisse-ments dans la construction n’ont pas changé,alors que les biens d’équipement sont devenusmeilleur marché. Les termes de l’échange sesont légèrement détériorés l’an dernier.

2.2.11 PerspectivesSelon les indicateurs avancés des enquêtes

du KOF, on peut s’attendre, en Suisse, à unaccroissement modéré de la valeur ajoutéejusqu’à la fin de l’année en cours. Dans l’in-dustrie suisse, les entrées de commandes ontcontinué à progresser ces derniers mois. Lescarnets de commandes pourraient légèrements’étoffer. Pour les mois d’automne, les plans deproduction sont orientés à la hausse, même sile rythme de l’expansion risque d’être un peuplus lent qu’au cours du 1er semestre 2005.Cette évolution devrait se poursuivre jusquevers la fin de l’année. En raison de la légère re-lance de l’économie mondiale au 2ème semestre,mais aussi de la demande un peu plus soute-nue de biens d’équipement, les entrées de com-mandes dans l’industrie devraient encores’accroître. La construction table aussi sur unnouveau relèvement de la production.Selon lesrésultats des enquêtes, la portée des carnets decommandes s’est à nouveau étendue au 2ème

trimestre 2005. Les entreprises comptent surune augmentation persistante des entrées decommandes jusqu’à la fin de l’année. Cesattentes sont conformes aux projets de cons-truction annoncés : une croissance de 9,9% des investissements dans la construction estprévue pour 2005 ; la construction de loge-ments, avec une hausse de 16,3% restera lemoteur de cette croissance. Dans le secteur desservices, on peut s’attendre, ces prochainsmois, à une nouvelle progression de la valeurajoutée qui devrait toutefois rester modeste. Ledomaine de la santé et d’autres domaines quine dépendent que de loin de la situation con-joncturelle, devraient afficher des hausses tou-jours minimes. Selon les résultats de l’enquêtedu seco sur la consommation, le commerce de

détail compte sur une progression des chiffresd’affaires. L’estimation de la situation finan-cière des ménages privés ces 12 prochainsmois, qui, par expérience est très significativepour la consommation privée, se situe toutjuste au-dessus de sa moyenne pluriannuelle.Les perspectives d’avenir dans l’hôtellerie et larestauration sont jugées avec moins d’opti-misme. 45% des entreprises estiment que leursventes vont rester au même niveau que l’annéeprécédente, mais 30 % craignent un recul.Le secteur financier s’attend, pour le 2ème se-mestre 2005, à une nouvelle progression de lademande qui devrait toutefois être nettementplus faible que durant la première moitié del’année.

Vu la persistance d’un rythme d’expansionpeu soutenu, un renversement de tendance surle marché du travail semble plutôt improbabledans un proche avenir. L’évolution des indica-teurs précurseurs de l’emploi ne permet pas detabler sur une amélioration radicale et rapidede la situation sur le marché du travail. Depuisune année, l’indicateur des perspectives d’em-ploi publié par l’OFS est pratiquement in-changé. Le nombre des places vacantes est restépresque stable depuis le milieu de l’année 2003.En revanche, l’indice de l’emploi Manpower alégèrement reculé ces derniers mois. L’évolu-tion du renchérissement demeure influencéecette année par les cours du pétrole. L’inflationsous-jacente va rester faible.

La croissance modérée de l’économie mon-diale va entraîner une nouvelle progression des exportations suisses en 2006. Les capacités de production pouvant être mieux utilisées, lesentreprises envisagent plus facilement de pro-céder à des investissements d’extension. Lesinvestissements en biens d’équipement conti-nuent à s’accroître et des tendances à la reprisese dessinent aussi dans le secteur des construc-tions à caractère industriel ou artisanal. Danscelui de la construction de logements, en re-vanche, la situation devrait commencer à senormaliser et les taux de croissance à se con-tracter.Aucune impulsion n’est à attendre de laconstruction d’infrastructures. Dans l’ensem-ble, les investissements dans la construction nedevraient donc que faiblement augmenter en2006. La légère, mais persistante, embellie con-joncturelle devrait être perceptible l’an pro-chain sur le marché du travail aussi. On peuts’attendre à une augmentation de l’emploi.Compte tenu du sous-emploi actuel, aucunetension notable ne devrait se manifester sur lemarché du travail. La consommation privée vabénéficier d’impulsions provenant de l’emploidont la situation s’améliore peu à peu. Les tauxde croissance devraient à nouveau être un peuplus élevés. Le niveau suisse des prix ne va quepeu augmenter. Le prix du pétrole demeure unimportant facteur d’incertitude.

Page 20: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

2. Situation économique et politique macroéconomique

18 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

2.3. Evolution des différentes branches

2.3.1 Résultats des enquêtes

Outre des données objectives, les enquêtesconjoncturelles qualitatives contiennent aussiles appréciations subjectives des entreprises.Les résultats agrégés des enquêtes conjonctu-relles du KOF5 complètent dès lors les statisti-ques officielles. Ils donnent une image globaletrès diversifiée de la situation économique ac-tuelle et de la tendance attendue de l’évolutionà court terme.

Industrie Ces 15 dernières années, la conjoncture in-

dustrielle a subi de fortes variations. Selon lesestimations des entreprises, l’année 2000 a étéla période la plus dynamique. C’est ce quemontre l’indicateur de la marche des affaires6

dans l’industrie – un indicateur coïncidantfiable du taux de croissance de la productionindustrielle par rapport à l’année précédente(corrélation 1991–2002 : 0,82). Elle a toutefoisété suivie d’une longue phase de faiblesseconjoncturelle que les attentats terroristes du11 septembre 2001 et ses conséquences ontencore accentuée. Les entreprises axées sur lesexportations et celles orientées sur le marchéintérieur ont été touchées dans une même me-sure. Au printemps 2002, un nombre croissantde firmes comptait sur une fin rapide de la criseau Proche-Orient, de sorte que l’indicateur«entrées de commandes attendues» s’est nette-ment redressé. Leurs espoirs ne se sont toute-fois pas réalisés, ce qui les a contraintes à revoirà la baisse leurs attentes concernant la demandefuture. Au cours de l’année 2003, les signesd’une reprise économique se sont multipliés.Les entreprises ont donc à nouveau considérél’évolution des trois prochains mois avec da-vantage de confiance. Un net redressement dela conjoncture industrielle a effectivement étéobservé du début du 2ème semestre 2003 à la findu 1er semestre 2004. Mais dès le début de 2004déjà, les entreprises ont perçu que la croissancede la demande allait fléchir dans un procheavenir. Selon l’enquête conjoncturelle du KOF,les entreprises industrielles s’attendent, pour le 2ème semestre 2005, à ce que la demandecontinue à progresser, mais dans une mesureplus faible. Les entreprises axées sur les expor-tations sont, en particulier, devenues plusréservées dans leurs estimations.

ConstructionAprès le repli conjoncturel qui s’est amorcé

en automne 2000, la construction a traversé en2002 et en 2003, une phase de récession. Celle-ci a davantage affecté le secteur principal de laconstruction que le second oeuvre. C’est seu-lement au cours de 2004 que l’appréciation dela situation des affaires s’améliore lentement.

Graphique 2.10 : marche des affaires et entrées de commandes attendues dans l’industrie, solde

–40

–30

–20

–10

0

10

20

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

–15

0

15

30

Indicateur marche des affaires, lissée (à gauche) Entrées de commandes attendues, lissées (à droite)

Graphique 2.11 : marche des affaires et entrées de commandes attendues dans la construction, solde

Evaluation marche des affaires, lissée (à gauche) Entrées de commandes attendues, lissées (à droite)

–60

–40

–20

0

20

40

–60

–40

–20

0

20

40

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

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1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Graphique 2.12 : chiffres d'affaires par rapport à l'année précédente et chiffres d'affaires attendus dans l'hôtellerie et la restauration, solde

CA par rapport à l'année précédente, lissé (à gauche) CA attendu, lissé (à droite)

6 Est calculé à partir des soldes résultant des réponsesaux trois questions suivantes : variation des entrées decommandes et de la production par rapport à l’annéeprécédente, appréciation des carnets de commandes.

5 Enquêtes mensuelles et trimestrielles. Elles présententle solde, soit la différence entre les parts de réponsespositives et négatives, sous forme lissée. Le lissage esteffectué avec la procédure CENSUS X12, option X11,composante lissée.

Page 21: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

19 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Celle-ci est maintenant jugée bonne. Ces der-niers trimestres, on ne percevait guère de dif-férences entre le secteur principal de la cons-truction et le second oeuvre. L’évolution del’indicateur de la situation des affaires dans lesecteur principal de la construction suit de trèsprès le taux de croissance annuelle de l’activi-té de ce secteur établi par la Société suisse desentrepreneurs (corrélation 1995–2002 : 0,83).En admettant qu’il existe une relation aussiétroite entre l’activité du second oeuvre et l’in-dicateur de la situation des affaires de ce sec-teur, la production du second oeuvre pourraitaussi s’accroître. Cette évolution dans l’ensem-ble positive s’annonçait au printemps 2003 dé-jà à en juger par les attentes des entreprises de construction en matière de commandes.L’activité de construction devrait aussi pro-gresser au 2ème semestre 2005,car le nombre desentreprises ayant des attentes positives estsupérieur à celui des entreprises moins opti-mistes.

Sélection de branches des servicesHôtellerie et restauration

Dans l’hôtellerie et la restauration, les ven-tes (prestations de la cuisine et boissons dans lesrestaurants et les cafés, nuitées dans l’hôtelle-rie) ont, entre le 3ème trimestre 1997 et le 1er

trimestre 2001, toujours été supérieures aux va-leurs de l’année précédente, sauf durant l’hiver1998/99 pour la restauration. Dès la fin de l’an2000, la conjoncture a toutefois perdu de sonallant dans l’hôtellerie et la restauration. En2002, l’indicateur «chiffre d’affaires par rapportà l’année précédente» a atteint son niveau leplus bas depuis 1997. Le secteur de l’hôtelleriea été le plus gravement touché, ce qui s’expliquenon seulement par la faiblesse de la conjonc-ture, mais aussi par les différents chocs exogènes(11 septembre, pneumonie atypique [SRAS],crise au Proche-Orient) qui ont fait nettementdiminuer les projets de voyage. L’indicateur estégalement resté négatif l’année suivante. En2003, la reprise conjoncturelle s’est montréehésitante avant de subir un coup d’arrêt en été2004 déjà. A ce moment, les restaurants ont vuleurs chiffres d’affaires légèrement baisser alorsque ceux des hôtels stagnaient. Ces derniers tri-mestres, les ventes ont tout d’abord à nouveaufléchi avant de se stabiliser au 2ème trimestre2005. L’évolution enregistrée dans l’hôtellerie atoutefois été très différente de celle constatéedans la restauration. Si les hôtels sont parvenusà accroître leurs chiffres d’affaires, les restau-rants ont vu les leurs chuter. L’abaissement dutaux limite d’alcoolémie au volant n’y est cer-tainement pas étranger. Dans l’ensemble, il nefaut guère s’attendre à une croissance des chif-fres d’affaires au 3ème trimestre. Les prévisionspeuvent toutefois être mises à mal notammentpar les conditions météorologiques. Ce sont lesentreprises des grandes villes qui sont le moinsaffectées par ces conditions. Elles tablent,pour le 3ème trimestre, sur une augmentationmodeste de la demande.

Bureaux d’ingénieurs et d’architectureDans le secteur des projets, la phase de re-

prise et d’essor a duré de 1996 à 2000, selonl’estimation de la marche des affaires faite parles entreprises de la branche. Les bureaux d’in-génieurs ont connu une expansion nettementplus soutenue que ceux d’architecture. L’in-dicateur «Entrées de commandes attendues» acertes cessé de progresser depuis l’automne1999 déjà, mais jusqu’au 1er trimestre 2001, laconfiance primait sur le pessimisme. Par lasuite, les attentes ont été négatives pendantdeux ans et l’indicateur de la marche des affai-res s’est progressivement détérioré. La phase deredressement qui s’est amorcé au 3ème trimestre2003 avait déjà été perceptible, au niveau desattentes, un trimestre plut tôt. Au 1er semestre2005, les attentes ont été nettement positives,

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1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Graphique 2.13 : marche des affaires et entrées de commandes attendues dans le secteur des projets, solde

Evaluation de la marche des affaires (à gauche) Demande attendue (à droite)

Graphique 2.14 : marche des affaires et demande attendue dans les banques, solde

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1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

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Evaluation de la marche des affaires (à gauche) Demande attendue (à droite)

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2. Situation économique et politique macroéconomique

20 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

si bien que la marche des affaires devrait plutôts’améliorer encore légèrement au 2ème semestre2005. Si l’on considère séparément l’évolutiondes bureaux d’ingénieurs et d’architecture, onconstate que les architectes s’attendaient, dès lemilieu de l’année 2003, à une hausse desentrées de commande alors que les ingénieursn’ont fait preuve de cet optimisme qu’à partirdu 2ème trimestre 2005.

BanquesAu cours de la première année de l’enquête,

en 2000, la marche des affaires des banquesétait très positive grâce surtout à la hausse vi-goureuse des opérations de commissions etaux brillants résultats atteints dans la gestionde biens. Les produits d’intérêts ont égalementévolué de manière réjouissante. Mais à la fin del’an 2000, les banques ont essuyé de sérieux re-vers dans la gestion de biens puis, au début2001, dans les opérations de commissions. Parla suite, la situation des affaires est toutefoisrestée satisfaisante, contrairement à ce qui s’estpassé dans la plupart des autres branches del’économie. Au 1er semestre 2002, les banques,tout comme les entreprises industrielles, espé-raient la fin rapide du conflit au Proche-Orient. Mais elles ont rapidement formulé avec plus de circonspection leurs attentes enmatière de demande. En 2003, les perspectivesse sont améliorées. Avec un retard d’un à deuxtrimestres, l’indicateur de la marche des affai-res a donc progressé et il est demeuré à unniveau nettement positif à partir de 2004 jus-qu’à la fin de la période d’observation. Ces troisderniers trimestres, les résultats des produitsd’intérêts, des opérations de commissions et dela gestion de biens ont été favorables. La confi-ance manifestée à chaque fois pour les troismois suivants a toutefois faibli depuis 2004. Iln’est donc pas exclu qu’au 2ème semestre 2005,la demande ne progresse plus aussi nettementque dans un passé récent.

2.3.2 Compétitivité au niveau des prix

2.3.2.1 IntroductionLa compétitivité internationale d’une bran-

che est déterminée d’un côté par des facteursspécifiques aux entreprises tels que la capacitéd’innover, la qualité des produits et le service àla clientèle et, de l’autre, par les atouts de laplace économique. Par ailleurs, le facteur desprix et celui des coûts jouent un rôle capital. Lacompétitivité au niveau des prix dépend deschangements de la productivité, des coûts dutravail et des taux de change. Nous allons nousconcentrer, ci-dessous, sur l’évolution des cestrois derniers paramètres pour d’importantesbranches suisses axées sur les exportations.Nous utilisons à cet effet l’indicateur le pluscourant pour établir la compétitivité-prix, à

savoir le taux de change réel effectif, corrigé desvariations des coûts salariaux unitaires (coûtssalariaux unitaires relatifs pondérés par les ex-portations). Comme quelques-unes des sériesde données nécessaires pour déterminer ce pa-ramètre ne sont disponibles qu’avec un retardpouvant aller jusqu’à quatre ans, nous allonsintégrer dans l’analyse, comme indicateurs dela compétitivité (au niveau des prix), non seu-lement les coûts salariaux unitaires relatifs,mais aussi les indices des prix qui sont rapide-ment disponibles. Dans la mesure où les prixde vente d’une branche évoluent proportion-nellement aux coûts salariaux unitaires (margeconstante), les deux façons d’envisager le pro-blème sont identiques.A court terme toutefois,les entreprises d’une branche peuvent réagir àune appréciation de leur monnaie ou à unehausse des coûts salariaux unitaires plussoutenue que celle de leurs concurrents étran-gers en réduisant leur marge. Elles parviennentainsi à conserver leur compétitivité au niveaudes prix, alors qu’au niveau des coûts, leurposition s’est dégradée par rapport à la con-currence. Une telle attitude n’est pas soutena-ble à long terme, car elle entraîne une érosionconstante des bénéfices.

Nous allons, ci-dessous, considérer, à l’aidedes coûts salariaux unitaires relatifs, l’évolu-tion de la compétitivité de l’industrie dans sonensemble, de l’industrie chimique, de l’in-dustrie des machines ainsi que de l’hôtellerie etde la restauration. Dans une seconde section,nous intégrerons dans l’analyse, pour la margeactuelle, les taux de change déflatés7 au moyendes prix à la production (branches industriel-les), resp. des prix à la consommation (hôtelle-rie et restauration). Les graphiques ci-dessousmontrent aussi, comme grandeurs de référenceou d’orientation, les taux de change nominauxpondérés spécifiques à la branche. Dans le pré-sent rapport, les pays considérés comme con-currents pour les branches de l’industrie sontl’Allemagne, la France, l’Italie, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et le Japon ; dans lesecteur de l’hôtellerie et de la restauration, cesont les quatre pays voisins de la Suisse, à savoirl’Allemagne, la France, l’Italie et l’Autriche,ainsi que l’Espagne.8

2.3.2.2 Industrie dans son ensembleDans l’industrie suisse, la productivité du

travail a connu, au début des années 90, unecroissance relativement forte comparée à celledes six grands pays industrialisés et, par la suite,elle a progressé à peu près au même rythme quedans les pays concurrents. En revanche, lescoûts salariaux relatifs par employé ont, durantles années 90 et jusqu’en 2001 (marge actuelle),présenté une tendance à la baisse,ce qui indiqueune croissance modérée des salaires en Suissepar rapport à l’étranger. Il en résulte, dans

7 Qualifiés, dans les graphiques suivants, de taux dechange réels.

8 Vous trouverez, dans le rapport annuel 2004, p. 21 (encadré «Coûts salariaux unitaires relatifs»),des informations détaillées sur le calcul des taux dechange et des coûts salariaux unitaires, sur les sourcesdes données ainsi que les déflateurs utilisés.

Page 23: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

21 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

l’ensemble, une amélioration tendancielle descoûts salariaux unitaires relatifs et de la com-pétitivité-prix. Le recul des coûts salariaux uni-taires relatifs a fléchi vers la fin de la décennie,mais le point d’inflexion semble avoir été at-teint en l’an 2000 (voir graphique 2.15).

Bien que le franc suisse se soit légèrementdéprécié par rapport à l’euro depuis 2001, l’in-dustrie indigène a dû supporter une apprécia-

tion sensible de la monnaie suisse jusqu’à la fin2004. En effet, le cours du franc a grimpé, surune base annuelle, par rapport au dollar US, auyen japonais et à la livre britannique. Entre2001 et 2004, les produits industriels japonaisont enregistré un recul de leurs prix alors queceux des autres pays concurrents ont affichéune hausse légère (Allemagne, France) ou im-portante (Grande-Bretagne, Italie, Etats-Unis). En Suisse, les prix à la production del’industrie manufacturière n’ont que légère-ment augmenté durant la même période.L’évolution des prix a certes légèrement atté-nué l’appréciation nominale de la monnaiesuisse, sans toutefois parvenir à la compenser.Il semble donc que la compétitivité-prix se soitplutôt détériorée entre 2001 et 2003, mais quela tendance ait pu être stoppée en 2004.

2.3.2.3 Industrie chimiqueJusqu’en 1997, la productivité du travail dans

l’industrie chimique suisse a nettement aug-menté par rapport à tous les pays concurrents,en particulier les Etats-Unis, le Japon et l’Italie.Depuis lors, son évolution a été plutôt inférieureà la moyenne. Dans les années 90, les coûts sala-riaux relatifs par employé ont été en léger recul,ce qui signifie que l’évolution des salaires enSuisse a été quelque peu inférieure à la moyenne.Cette tendance semble s’être accélérée au débutde la nouvelle décennie. La revalorisation no-minale du franc suisse dans la première moitiédes années 90 a neutralisé l’accroissement de laproductivité. En revanche, sa dépréciation arenforcé la position concurrentielle de notrepays entre 1995 et 1997. On peut dès lors obser-ver une diminution relativement marquée descoûts salariaux unitaires durant cette période(voir graphique 2.16). De 1997 à 2000, la posi-tion concurrentielle de l’industrie chimique auniveau des prix ne s’est que très légèrementmodifiée en faveur de la Suisse.

Depuis 2001, l’industrie chimique a elleaussi dû faire face aux effets d’une appréciationdu taux de change nominal pondéré spécifiqueà la branche. Les entreprises de ce secteur onttoutefois réussi à baisser leurs prix. Entre 2001et 2004, les prix suisses à la production de l’in-dustrie chimique ont diminué de plus de sixpour cent alors que les pays concurrents ontenregistré une stagnation ou une hausse deleurs prix. Il semble donc qu’en Suisse, la com-pétitivité-prix de l’industrie chimique ne sesoit pas détériorée entre 2001 et 2004.

2.3.2.4 Industrie des machines (fabrication de machines, industrie automobile, électro-technique, électronique, optique et montres)

Dans l’industrie des machines, la producti-vité du travail a évolué de manière très diffé-rente dans les divers pays concurrents au coursdes années 90. Comparée à l’Allemagne et à

Graphique 2.16 : industrie chimique (Taux de change pondéré, spécifique aux branches, indice 1990 = 100)

Cours de change réel Coûts salariaux unitaires relatifs Cours de change nominal

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Graphique 2.17 : industrie des machines (Taux de change pondéré, spécifique aux branches, indice 1990 = 100)

Cours de change réel Coûts salariaux unitaires relatifs Cours de change nominal

60

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1990 1995 2000

Graphique 2.15 : industrie dans son ensemble (Taux de change pondéré, spécifique aux branches, indice 1990 = 100)

1990 1995 2000

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Cours de change réel Coûts salariaux unitaires relatifs Cours de change nominal

Page 24: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

2. Situation économique et politique macroéconomique

22 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

l’Italie, la Suisse a affiché une croissance plusforte de la productivité. En revanche, par rap-port aux autres pays – et aux Etats-Unis en par-ticulier – elle a accusé un net retard. Au débutdes années 90, la productivité relative du tra-vail pondérée des exportations a augmenté,mais par la suite, elle a constamment été enléger recul jusqu’en 2001. Les coûts salariauxrelatifs par employé n’ont pas cessé de baisserdurant les années 90, mais ils ont à nouveaulégèrement progressé en 2001.Dans cette bran-che aussi, c’est le taux de change nominal pon-déré par les exportations qui a déterminé àcourt terme les coûts salariaux unitaires rela-tifs (voir graphique 2.17). Il en est résulté, audébut des années 90, une amélioration de laposition concurrentielle jusqu’en 1993 qui aété suivie d’une dégradation jusqu’en 1996.Aucune tendance uniforme ne se dégage de-puis lors.

Les entreprises de l’industrie des machinesn’ont guère pu agir contre les effets du francqui a affiché une tendance à la hausse depuisl’an 2001. Les prix des biens suisses n’ont cer-tes que très légèrement augmenté entre 2001 et2004, mais, durant la même période, ceux des biens japonais surtout ont affiché une trèsnette baisse. Le taux de change réel déflaté parles prix à la production a donc accusé unehausse plus rapide que le taux de change no-minal. Au niveau des prix, la compétitivité del’industrie suisse des machines se serait doncplutôt dégradée depuis 2001.

2.3.2.5 Hôtellerie et restauration De 19929 à 1996 et de 1998 à 2002, la pro-

ductivité du travail du secteur suisse de l’hôtel-lerie et de la restauration a évolué au mêmerythme que celle des pays concurrents, alorsque de 1996 à 1998, elle a enregistré une amé-lioration relativement sensible.10 Les coûts sala-riaux relatifs par employé ont eu tendance à secontracter dans la deuxième moitié des années90 avant de rester à un niveau constant de 2000

à 2002. Les coûts salariaux unitaires relatifs ontdonc, après la forte hausse due au taux dechange entre 1992 et 1995, accusé un net reculdurant la seconde moitié des années 90. De2000 à 2002, la compétitivité-prix s’est à nou-veau dégradée en raison de l’appréciation dufranc (voir graphique 2.18).

La valeur nominale du franc suisse parrapport à l’euro s’est, sur une base annuelle,dépréciée de 2002 à 2004. En Suisse – et enAllemagne – les prix à la consommation dansles hôtels, cafés et restaurants ont, durant cette période, relativement peu augmenté encomparaison avec l’Espagne, la France, l’Italieet l’Autriche. Ainsi, notre position concurren-tielle au niveau des prix a dû s’améliorer àpartir de 2002.

2.3.3 AgricultureConformément aux exigences de la politique

agricole 2007, l’agriculture suisse est actuelle-ment engagée dans une nouvelle étape de réfor-mes qui découle finalement de la séparation,partiellement réalisée au début des années 90,de la politique agricole des revenus de celle desprix. Outre l’écologisation de la production etson adaptation aux nouvelles conditions deconcurrence – résultant aussi de l’accord agri-cole conclu avec l’UE (Bilatérales I) – l’agri-culture suisse a procédé à de vastes réformes.Elles vont, aujourd’hui déjà, au-delà de cequ’exigent les accords de l’OMC en vigueur.Les différents acteurs de la filière agroalimen-taire doivent malgré tout effectuer de nouvel-les adaptations. A court terme, la pression surla filière agroalimentaire est exercée par lesnouveaux commerces de détail Aldi et Lidl. Amoyen terme, la suppression du contingente-ment laitier dans le cadre de la PA 2007 exigedes adaptations structurelles dans le secteurlaitier. A partir de 2009, la politique agricole2011, actuellement en préparation et le cycle denégociations de Doha, en cours dans le cadrede l’OMC, vont entraîner de nouveaux chan-gements encore. Mais, les discussions sur unéventuel accord de libre-échange entre laSuisse et les Etats-Unis vont aussi placer lessecteurs agricoles et agroalimentaires devantd’énormes défis.

Si l’agriculture se trouve dans une situationéconomique difficile, cela est essentiellementimputable à la structure défavorable des coûts-recettes. Ces années passées, les marchés de laconsommation intermédiaire et ceux des pro-duits agricoles ont évolué de manière toujoursplus différente. Les marchés des produits agri-coles (céréales panifiables, colza, vin, boissonsalcoolisées, fromage, mise aux enchères descontingents d’importation de viande) se sontlargement plus ouverts que les marchés de laconsommation intermédiaire (refus de la libé-ralisation du marché de l’électricité, révision

9 Compte tenu des données, nous avons choisi ici la base1992 = 100.

10 Cette augmentation de la productivité relative dutravail, en particulier par rapport à l’Allemagne, acontribué de manière décisive à la divergence entrel’évolution des coûts salariaux unitaires relatifs etcelle du taux de change réel après 1996 (voir graphique 2.18).

Graphique 2.18 : hôtellerie et restauration(Taux de change pondéré, spécifique aux branches, indice 1992 = 100)

Cours de change réel Coûts salariaux unitaires relatifs Cours de change nominal

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1990 1995 2000

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Rapport annuel 2005

23 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

retardée de la loi sur les patentes, importationsparallèles, révision du droit des cartels).L’indice des prix à la production des produitsagricoles a chuté de 22% de 1995 au premiertrimestre 2005, alors que l’indice de la con-sommation intermédiaire est resté constant.11

Les marchés des produits agricoles se caracté-risent donc essentiellement par des réductionsde prix. En revanche, les prix résistent sur lesmarchés de la consommation intermédiaire.En 2004, des produits agricoles pour un mon-tant total de 7,04 milliards de francs ont étéimportés en Suisse. 68% de ces produits pro-venaient d’un pays de l’UE. Quant à la Suisse,elle a exporté pour 1,68 milliard de francs deproduits agricoles dont 76% sont partis àdestination d’un pays de l’UE. L’évolution dumarché et des prix dans les pays de l’UE quinous entourent revêt donc une grande impor-tance pour la compétitivité de l’agriculture

suisse. Il nous paraît dès lors indiqué de consi-dérer de plus près les séries d’indices des prix àla production et de la consommation inter-médiaire d’une sélection de pays de l’UE.

Prix à la productionDe 1995 (moyenne annuelle) à 2005 (1er

trimestre), le niveau des prix des produits agri-coles en Suisse a baissé de 22%. Ce pourcentageest supérieur à celui enregistré dans tous lespays de l’UE considérés, exception faite de laGrande-Bretagne (30%) et de la Slovaquie(39%), nouveau membre de l’UE. L’Allemagneet la Belgique ont accusé, au niveau des prix,des pertes de quelque 17% qui sont donc supé-rieures à la moyenne (15%) des 15 anciens paysde l’UE, mais bien moindres qu’en Suisse (gra-phique 2.19).

Consommation intermédiaireEn Suisse, les entreprises qui fournissent des

biens de consommation intermédiaire à l’agri-culture n’ont pas une structure optimale pouroffrir aux exploitations agricoles des condi-tions de concurrence efficaces. Les résultats durecensement des entreprises12 montrent que lamajorité de ces entreprises sont de petite tailleet emploient au maximum 20 personnes, desorte qu’elles sont confrontées à des problèmesstructurels semblables à ceux des entreprisesagricoles. Contrairement à ce qui se passe dansl’agriculture, il existe toutefois dans la plupartdes secteurs de la consommation intermédiairequelques grandes firmes ou associations pro-fessionnelles qui exercent une influence im-portante sur les marchés correspondants.

En Suisse, les prix d’achat déflatés des moyensde production agricole sont restés, quant à leur somme, pratiquement inchangés ces dixdernières années. Cette stabilité résulte de lacompensation entre, d’une part, les augmenta-tions de prix des biens de consommation inter-médiaire du secteur non agricole, notammentles carburants, les combustibles et les lubri-fiants, et, d’autre part, les réductions de prix des biens de consommation intermédiaire dusecteur agricole, notamment le fourrage. Dansl’ensemble, les prix des biens de consomma-tion intermédiaire ont reculé en Suisse de 6%.Mais ce repli a eu lieu uniquement dans les an-nées 1995 à 1998. Dans les pays de l’UE, les prixde ces biens ont suivi des évolutions diverses.En Grande-Bretagne et en Italie, ils sont à lahausse, après une phase de baisse qui a duréjusqu’en 1999. Dans les pays de l’Europe del’Est, membres de l’UE, ils ont accusé une forteaugmentation tout comme les prix à la pro-duction. Dans la plupart des autres pays, lahausse a été plus ou moins continue et modé-rée. L’évolution des prix d’achat des biensd’investissement est beaucoup plus uniforme.Tous les pays considérés ont enregistré une

11 Déflaté ; source : Union suisse des paysans ; voir aussiCommission pour les questions conjoncturelles,rapport annuel 2004 : graphique 2.19, p. 22

12 Source : Office fédéral de la statistique ; voir aussiUnion suisse des paysans, 2004 : Rapport de situation2004, «Une agriculture piégée par les coûts deproduction», Brugg.

5.0

–5.0

–15.0

–25.0

–35.0

–45.0

Graphique 2.19 : variation de l’indice CE des prix à la production des produits agricoles, prix d’achat des moyens de production agricole et termes de l’échange entre 1999 (moyenne annuelle) et 2005 (1er trimestre) ; (déflatés)

Vari

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: 199

5 =

2005

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prix à la production consommations intermédiaires termes de l’échange dans l’agriculture

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1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 1.tri.

UE-15 Belgique Allemagne Royaume-Uni Suisse

Term

es d

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ans

l’agr

icul

ture

Graphique 2.20 : termes de l’échange pour l’agriculture, comme pourvoir d’achat des prix à la production par rapport à la consommation intermédiaire (déflatés, 2000 = 100)

Page 26: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

2. Situation économique et politique macroéconomique

24 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

hausse presque ininterrompue. C’est dans lespays d’Europe de l’Est qui ont adhéré à l’UEqu’elle a été la plus forte. Ces pays sont suivispar l’Espagne et l’Italie. En Suisse, les prix desmachines et des constructions agricoles aug-mentent chaque année de près de 1%, soit àpeu près au même rythme que le renchérisse-ment. Jusqu’en 2005 (1er trimestre), les indi-ces de toute la consommation intermédiairedans les pays sélectionnés ont enregistré unevariation par rapport à 1995 allant de 1%(Allemagne) à –17 % (Slovaquie) (graphique2.19).

Termes de l’échange pour l’agricultureDans l’agriculture, la consommation inter-

médiaire représente près de 60% de la valeurde la production. Le rapport de prix entre con-sommation intermédiaire et produits est doncd’une grande importance. Les termes del’échange pour l’agriculture, qui correspon-dent au quotient de l’indice des prix à laproduction et de l’indice des prix d’achat desmoyens de production agricole (consomma-tion intermédiaire), sont, considérés dans letemps, un indicateur de l’évolution des reve-nus. De plus, ils indiquent aussi l’ampleur desgains d’efficience, car le secteur doit à longterme compenser la perte de pouvoir d’achatdes produits agricoles par une augmentationde la productivité.

En Grande-Bretagne, les termes de l’échangepour l’agriculture ont reculé de 24% (graphique2). Dans la moyenne de toute l’UE des 15, ils ontchuté de 11%. En Suisse, la diminution en-registrée a été nettement plus forte (–17%).Notre pays figure, selon le graphique 1, au 4ème

rang des pays analysés.La nécessité d’accroître laproductivité a donc été nettement plus forte enSuisse que dans la moyenne des pays de l’UE.L’Allemagne, la Belgique et la France ont toute-fois accusé des baisses aussi importantes que laSuisse. Les différents efforts déployés par l’agri-culture suisse en vue d’améliorer sa compéti-tivité ont permis de réduire légèrement l’écartqui la sépare de ses plus proches concurrents.

2.4 Finances publiques, politique financière

2.4.1 Coup d’œil rétrospectif sur l’année 2004L’Etat dans son ensemble

Alors que la situation financière de laConfédération, des cantons et des communesn’avait cessé de se dégrader de 2000 à 2003, unrenversement de tendance s’est opéré en 2004.Le déficit total, proche de 6 milliards de francsl’année précédente, se serait, selon les estima-tions, réduit à 4,5 milliards (1,0% du PIB).13

Suite notamment à la reprise conjoncturelle,les recettes ont à nouveau progressé, même sila croissance plus élevée du PIB ne s’est pas

encore entièrement répercutée sur les impôtsdirects du fait du retard de la taxation. Parailleurs, l’augmentation des dépenses a étémodeste vu les mesures d’économie et les cou-pes sombres décidées pour réduire les déficitsbudgétaires. Si l’on considère les groupes parnature, on constate que ce sont les dépensesaffectées aux investissements (investissementsmatériels et contributions à des investisse-ments, sans les prêts et les participations) quiont été touchées en premier lieu. Leur niveau adiminué en termes absolus. Quant aux dépen-ses de consommation, leur progression s’estnettement ralentie. Seules les contributionscourantes ont augmenté de manière presqueconstante, une évolution due essentiellement àla hausse des dépenses sociales résultant de lasituation défavorable du marché du travail etdu vieillissement démographique ainsi qu’àcelles consenties dans le domaine de la forma-tion et de la santé.

ConfédérationEn 2004, le compte de la Confédération a

bouclé avec un déficit de 2,6 milliards de francsalors que l’année précédente, celui-ci s’étaitélevé à 3,8 milliards de francs (selon la systé-matique de la statistique financière ; voir notede bas de page 13). Selon le compte financierde la Confédération (1,7 milliard de francs), ledéficit a été supérieur de 1,8 milliard de francsau montant inscrit au budget ; les dépenses ontété inférieures de 1,1 milliard et les recettes su-périeures de 0,7 milliard au budget. La crois-sance effective des recettes (compte 2004 parrapport au compte 2003) s’est élevée à 3,1%.Elle reflète entre autres la reprise conjonctu-relle. S’agissant de l’impôt anticipé dont lesrecettes avaient massivement diminué aprèsl’an 2000, une tendance à la normalisation estapparue. Quant aux droits de timbre, ils ontprofité de la nouvelle ascension des chiffresd’affaires de la Bourse.L’augmentation anticipéede l’impôt sur le tabac a également engendré desrecettes supplémentaires. L’impôt fédéral directa, en revanche, moins rapporté qu’une annéeauparavant lorsque les rentrées de périodes fis-cales précédentes avaient entraîné une haussesensible. Les dépenses n’ont, quant à elles, pro-gressé que de 0,7%. Un effet de frein a été exer-cé par les réductions décidées dans le cadre duprogramme d’allégement budgétaire 2003.Celles-ci ont atteint un montant de 1,4 milliardde francs, ce qui correspond à une part de 3% des dépenses. Par ailleurs, une améliora-tion par rapport au budget a été constatée danstous les groupes de tâches importants, notam-ment la défense nationale et la prévoyancesociale (AVS/AI, aide aux réfugiés en Suisse).S’agissant enfin des intérêts passifs, les agiosqui ont pu être encaissés sur les majorationsd’emprunts existants, en raison de la différence

13 Des valeurs définitives de la statistique financièresont disponibles uniquement pour les années anté-rieures à 2003 (voir Administration fédérale des finan-ces : Finances publiques de Suisse 2003, Statistique dela Suisse, OFS, Neuchâtel 2005). Pour l’année 2004,nous disposons des comptes de la Confédération et descantons ; ces derniers ne sont toutefois pas encoreétablis selon la systématique uniforme de la statisti-que financière. Les données concernant les années2004 et suivantes sont donc des estimations propresqui se basent autant que possible sur les résultats des comptes, les budgets et les plans financiers del’échelon étatique concerné. Les données relatives à laConfédération correspondent – faute d’autres indica-tions – à la systématique de la statistique financière.Par rapport aux données tirées du compte financier dela Confédération, elles contiennent une correctiondont le but est de tenir compte des dépenses effectivesdu Fonds pour les grands projets ferroviaires et dudomaine des EPF (correction FTP et EPF). En outre,elles ne comprennent ni les recettes extraordinairesde la vente des actions Swisscom en 1998 et en 2002,ni les dépenses extraordinaires pour le financementdu découvert technique des caisses de pension de LaPoste, des EPF et de skyguide, ni l’avance en capital àskyguide en 2004.

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Rapport annuel 2005

25 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

entre leurs taux d’intérêt et les taux actuels du marché, sont désormais comptabiliséscomme des diminutions de dépenses. Or, il nes’agit pas d’une économie, car les dépensesd’intérêts augmenteront en conséquence lesprochaines années. Si l’on considère les grou-pes par nature, on remarque que les dépensesde consommation comme celles d’investisse-ment se sont contractées. Quant aux contribu-tions courantes, elles ont continué à augmen-ter, mais à un rythme légèrement moinssoutenu. Parmi les groupes de tâches, ce sontavant tout la formation et la prévoyance socialequi ont participé à l’accroissement des dépen-ses. Comme c’est le cas depuis bien longtempsdéjà, les dépenses en faveur de la défensenationale ont été en recul.

Cantons et communesDans les cantons aussi, la croissance des re-

cettes a, selon les comptes cantonaux 2004, étésupérieure (2,4% au lieu de 1,2%) aux prévi-sions budgétaires tandis que celle des dépenses(1,5% au lieu de 2,4%) leur a été inférieure.Le déficit global des cantons devrait ainsi seréduire de 2,2 milliards de francs l’année pré-cédente à quelque 1,7 milliard (sans tenircompte du fait que le canton du Valais a comp-tabilisé comme recette le versement du produitdes réserves d’or de la BNS). Vu la faibleaugmentation du revenu nominal due à la con-joncture l’année précédente, seule une mo-deste croissance des recettes fiscales était atten-due. Mais les recettes des impôts directs avaientenregistré une chute extraordinaire en 2003qui n’a subi qu’une correction en 2004. Cetteévolution est imputable à des retards variablesdans les entrées d’impôts qui ont rendu diffi-cile toute prévision concernant les recettesd’une seule année. La modeste hausse desdépenses reflète les mesures d’économie et deréduction prises dans pratiquement tous lescantons en réaction à la dégradation des fi-nances intervenue ces dernières années et envue de limiter la quote-part de l’Etat. Les dé-penses d’investissement ont, en particulier, étéinférieures aux prévisions budgétaires, si bienque leur tendance à la baisse, observée depuis2001, s’est poursuivie. Un ralentissement no-table de la croissance a été constaté tant dansles biens et services que dans les contributionsà des dépenses courantes. Les dépenses de per-sonnel ont, par contre, encore affiché unehausse sensible.

Les recettes fiscales des communes évoluentgénéralement de manière très semblable àcelles des cantons. On peut dès lors admettreque la croissance des recettes a été à nouveauun peu plus soutenue en 2004. La progressiondes dépenses, modérée les années précédentes,s’est considérablement accélérée en 2003. Lesexcédents réalisés auparavant ayant ainsi dis-

Tableau 2.1

Soldes budgétaires de la Confédération, des cantons et des communes, en millions de CHF

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

Confédération 3786 –1701 –4198 –3774 –2592 –3100 –2000

Cantons 2624 1292 –301 –2215 –1700 –400 400

Communes 1469 1324 1153 –8 –200 0 0

Etat dans son ensemble1 7879 915 -3346 –5998 –4500 –3500 –1600

1 sans les assurances sociales Sources : AFF : Finances publiques en Suisse 2003 ; 2004–2006 estimations propres

Graphique 2.21 : soldes budgétaires de la Confédération, des cantons communes (en millions de CHF)

Sources : AFF : Finances publiques en Suisse 2003 ; 2004–2006 estimations propres

10000

5000

0

–5000

–10000

–15000

–20000 2006

2005

2004

2003

2002

2001

2000

1999

1998

1997

1996

1995

1994

1993

1992

1991

1990

14%

12%

10%

8%

6%

4%

2%

0%

–2%

Graphique 2.22 : recettes et dépenses de la Confédération, des cantons et des communes ; taux de croissance par rapport à l’année précédente

Sources : AFF : Finances publiques en Suisse 2003 ; 2004–2006 estimations propres

DépensesRecettes

2006

2005

2004

2003

2002

2001

2000

1999

1998

1997

1996

1995

1994

1993

1992

1991

1990

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2. Situation économique et politique macroéconomique

26 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

paru, les communes devraient avoir à nouveaufait preuve d’une plus grande retenue face auxdépenses. Celle-ci devrait toucher surtout lesinvestissements, mais aussi les dépenses depersonnel ainsi que les biens et services. En re-vanche, la progression des contributions cou-rantes n’a vraisemblablement pas subi de coupde frein notable en raison de la hausse des dé-penses sociales. Dans l’ensemble, la croissancedes dépenses devrait avoir légèrement dépassécelle des recettes, provoquant ainsi un légerdéficit des comptes.

2.4.2 Tendances actuelles en 2005L’Etat dans son ensemble

En 2005, le déficit global de la Confédéra-tion, des cantons et des communes va proba-blement continuer à se réduire. La croissancedes recettes devrait encore se renforcer puisquela reprise conjoncturelle va se faire sentir au ni-veau des impôts directs aussi. En raison d’unepart des effets de la progression des impôts surle revenu des personnes physiques qui, comptetenu des budgets déficitaires, ne sont actuel-lement guère compensés par des baisses d’im-pôts, et d’autre part, de la variation cycliquesupérieure à la moyenne des impôts sur les so-ciétés, les recettes de l’Etat devraient augmen-ter plus rapidement que le PIB. Dans le mêmetemps, la croissance des dépenses reste modé-rée grâce aux mesures d’économie et de réduc-tion prévues. Au niveau de la Confédération,on devrait toutefois assister à une accélérationpassagère, car on ne peut plus compter sur unenouvelle amélioration par rapport au budgetcomme cela a été le cas l’an passé (notammenten ce qui concerne les intérêts passifs). La pro-gression des dépenses de consommation de-vrait continuer à fléchir, une évolution impu-table cette fois aux dépenses de personnelsurtout, et les investissements rester presqueconstants. Seule l’augmentation des contribu-tions courantes se poursuivra au mêmerythme. La réduction des déficits est donc dueà l’évolution tant des dépenses que des recet-tes, mais du coté des recettes, l’effet conjonc-turel prime. Sur la base des données budgétai-res disponibles, on peut s’attendre à unediminution de l’excédent de dépenses à 3,5milliards de francs (0,8% du PIB).14

ConfédérationSelon le budget de la Confédération, les

recettes devraient, en 2005, progresser de 5,8%par rapport au budget 2004. Par rapport aucompte 2004, l’augmentation atteint encore4,4%. Cette croissance des recettes est impu-table non seulement à la reprise conjoncturellequi permet notamment d’espérer une nouvellenormalisation dans le domaine des droits detimbre et de l’impôt anticipé, mais aussi auxrentrées supplémentaires découlant de la ma-

joration de la redevance sur le trafic des poidslourds et de l’impôt sur le tabac (qui a déjàpartiellement produit des effets en 2004).S’agissant de ces impôts, la Confédération faitcependant uniquement fonction de passerellepour l’AVS et le fonds FTP, d’où une augmen-tation correspondante des dépenses. En outre,la croissance retenue pour l’impôt fédéraldirect est relativement élevée en raison des re-cettes provenant de périodes de calcul anté-rieures. Il est difficile de prévoir si les délais fixéspour les paiements seront respectés, si bien quele résultat sera peut-être plus faible que prévu.De plus, la progression des recettes pourraitêtre inférieure aux prévisions budgétaires encas de croissance plus modérée du PIB. Les dé-penses devraient augmenter de 2,2% par rap-port au budget 2004, et même de 4,6% (sans la correction FTP et EPF) par rapport aucompte 2004. Ce résultat découle d’une part del’effet de base déclenché par l’amélioration ob-servée par rapport au budget 2004 (notam-ment la comptabilisation des agios dans les in-térêts passifs) et,d’autre part,de l’augmentationdu produit des impôts (RPLP, impôt sur letabac). Hormis ces effets particuliers, la crois-sance des dépenses est freinée par les réduc-tions opérées dans le cadre du programmed’allégement 2003 1,1 milliard de plus, soit unecoupe de 2,5 milliards de francs – et par l’effetpréliminaire du programme d’allégementbudgétaire 2004 qui se chiffre à 900 millions defrancs. Le budget prévoit aussi une diminutiondes dépenses de personnel et des biens et ser-vices. En revanche, les contributions courantescontinuent à augmenter alors que la croissancedes dépenses d’investissement, en tenantcompte des grands projets ferroviaires, s’accé-lère. Sur les principaux groupes de tâches, seulsles domaines du trafic, de la prévoyance socialeainsi que de la formation et recherche affichentdes dépenses en progression. Dans les autresgroupes, les dépenses fléchissent. L’adaptation,à un rythme bisannuel, des rentes à l’évolutiondes salaires et des prix ainsi que la hausse descontributions aux réductions de primes del’assurance obligatoire des soins sont les prin-cipales causes de l’augmentation des dépensessociales. Selon le compte financier, soit sans lacorrection pour les projets FTP et le domainedes EPF, le déficit de la Confédération aug-mente légèrement pour atteindre 1,8 milliardde francs. Cet excédent de dépenses est con-forme aux exigences du frein à l’endettementqui, selon la stratégie de réduction des déficitsfixée dans la loi sur les finances de la Confédé-ration, permettent encore un déficit structurelde 2 milliards de francs. L’estimation del’Administration fédérale des finances (AFF)concernant le manque conjoncturel de recettesse base sur l’hypothèse d’une légère surexploi-tation des capacités de l’économie. En tenant

14 Les revenus de la vente des réserves d’or excédentairesde la BNS distribués à la Confédération et aux cantonsne sont pas considérés ici comme des recettes.

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Rapport annuel 2005

27 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

compte des dépenses effectives du Fonds pourles grands projets ferroviaires (FTP) et du do-maine des EPF, le déficit de la Confédérationdevrait atteindre près de 3 milliards de francsen 2005.

Cantons et communesLes recettes des cantons et des communes

profitent, en 2005, de la reprise conjoncturelle.Dans les cantons, elles devraient, selon les bud-gets, augmenter de 2,1%. En règle générale, laprogression des recettes est sous-estimée dansles phases d’accélération de la croissance éco-nomique. La hausse effective des recettes pour-rait donc être plus élevée. L’extension des dé-penses reste en revanche faible. Les budgetsprévoient une augmentation de 1,7%. De nou-velles améliorations par rapport aux budgets nesont pas improbables, en particulier dans ledomaine des investissements. La progressionprévue des dépenses de consommation reste in-férieure au taux d’inflation et il faut s’attendreà une nouvelle contraction des dépensesd’investissement. La hausse des contributionscourantes est à nouveau supérieure à la moyenne.Le déficit des cantons va donc probablement se réduire à quelque 0,4 milliard de francs.Dans les communes, la croissance des recettesest minime. En raison de la situation financièreplus favorable, on peut s’attendre plutôt à desbaisses d’impôts visant à compenser l’effet de laprogressivité en matière d’impôt direct. Lacroissance des dépenses va probablement con-tinuer à fléchir. Le solde budgétaire des com-munes devrait donc être à peu près équilibré.

2.4.3 Perspectives pour 2006L’Etat dans son ensemble

En 2006, les recettes de l’Etat devraientpoursuivre leur progression à un rythmelégèrement plus lent. Quant aux dépenses,elles devraient continuer à évoluer faiblement.L’augmentation des dépenses de consomma-tion (dépenses de personnel, biens et services)ne va probablement guère dépasser le renché-rissement. Du côté des investissements, ons’attend à un recul dû notamment aux grandsprojets ferroviaires. Enfin, la tendance à lacroissance des contributions courantes fléchit,un mouvement imputable essentiellement àl’évolution observée au niveau fédéral. Dansces conditions, le déficit global de la Confédé-ration, des cantons et des communes sera pro-bablement ramené à quelque 1,6 milliard defrancs (0,3 % du PIB) en 2006.

ConfédérationLe budget de la Confédération pour 2006

prévoit une croissance des recettes de 2,8%. Iltable sur une hausse sensible des rentrées del’impôt fédéral direct surtout, conséquence dela poursuite attendue de la reprise conjonctu-

relle. La progression des dépenses se réduit enrevanche à 0,6% seulement. Les réductions dedépenses opérées selon les programmes d’allé-gement budgétaire 2003 et 2004 atteignent 3,8milliards de francs.15 Alors que les contribu-tions courantes continuent à augmenter, bienqu’à un à rythme plus lent, les dépenses de con-sommation et, en particulier, d’investissementse contractent. Les prélèvements sur le FTPaccusent une chute d’environ 10% due no-tamment à l’achèvement du tunnel de base duLötschberg. Les groupes de tâches «prévoyancesociale» ainsi que «formation et recherche fon-damentale» affichent une hausse supérieure à la moyenne. En revanche, les dépenses desgroupes «trafic» et «agriculture» sont en recul.Le déficit prévu pour l’exercice 2006 atteint 0,7 milliard de francs. Ce montant est très lé-gèrement inférieur à la valeur admissible selonle frein à l’endettement, qui résulte de la ré-duction à 1 milliard de francs du déficit struc-turel et d’une légère surutilisation des capaci-tés selon l’AFF. Il n’est dès lors pas exclu que ledéficit soit légèrement augmenté au cours desdébats parlementaires sur le budget. En tenantcompte du FTP et du domaine des EPF, ledéficit de la Confédération devrait se réduire à2 milliards de francs.

Cantons et communesDans les cantons et les communes, les re-

cettes devraient, en 2006, progresser à peu prèsau même rythme que jusqu’ici. La croissancedes dépenses demeure faible, surtout dans les cantons. Une légère accélération due aurenchérissement n’est toutefois pas exclue. Lesinvestissements affichent une nouvelle fois unelégère baisse tandis que les dépenses de con-sommation n’augmentent que faiblement. Lescontributions courantes poursuivent en re-vanche leur progression. Dans ces conditions,les cantons vont, l’an prochain, enregistrer unléger excédent de 0,4 milliard de francs et lescommunes présenter à nouveau des compteséquilibrés.

Effets conjoncturelsPour évaluer l’influence des finances publi-

ques sur l’évolution de la conjoncture, on nepeut se fonder sur le solde effectif du budget ;il faut également tenir compte des effets con-joncturels. Selon une simple règle générale,l’effet de l’Etat sur la conjoncture est neutre siles fluctuations cycliques des recettes sontacceptées ; dans ce cas, le solde structurel de-meure constant.16 Il n’est toutefois pas faciled’opérer une distinction claire entre la partieconjoncturelle et la partie structurelle du défi-cit public. Le calcul du solde structurel supposeune évaluation de la production potentielle de l’économie dans son ensemble qui permetde déterminer le taux d’utilisation des capa-

15 Il en résulte, avec les mesures prises du côté desrecettes, un effet d’allégement qui atteint au total 4,2 milliards de francs.

16 Cette conception repose sur l’opinion, largementacceptée dans les milieux spécialisés, selon laquelle leseffets directs d’une augmentation du déficit de l’Etatsur la conjoncture sont positifs. Ces dernières années,quelques auteurs ont toutefois évoqué la possibilitéd’effets indirects – notamment sur les attentes desacteurs économiques – qui pourraient agir en sens con-traire. Une réduction du déficit de l’Etat et des dettespubliques pourrait donc avoir un impact positif. Ceseffets «non keynésiens» sont cependant liés à desconditions déterminées (par ex. perte de confiance des marchés financiers dans la solvabilité de l’Etat,existence d’une spirale salaire/prix, etc.), qui ne sontpas réalisées en Suisse.

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2. Situation économique et politique macroéconomique

28 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

cités. On dispose à cet effet de différentes mé-thodes dont les résultats peuvent, selon les cir-constances, considérablement diverger.17 Pourcalculer le plafond de dépenses autoriséesselon le frein à l’endettement, l’AFF utilise unfiltre Hodrick-Prescott (modifié). La tendancedu PIB, qui sert d’indicateur pour la produc-tion potentielle, converge, en fin de série,versle PIB effectif, de sorte qu’un écart de produc-tion a tendance à être sous-estimé.18

On peut admettre schématiquement quel’effet des finances publiques sur l’évolutionéconomique est restrictif (expansif) lorsquesoit les dépenses progressent plus faiblement(fortement) que la croissance potentielle,

soit/ou la quote-part des recettes augmente(diminue). Pour la période 2004–2006, onconstate, selon ces deux critères, une influencelégèrement restrictive (soit une diminution dudéficit structurel). L’évolution des dépensesdemeure modérée sur toute la période en rai-son des mesures d’économie et de réductionmentionnées. Quant aux recettes, elles aug-mentent plus fortement que les revenus à cause de l’effet de la progressivité en matièred’impôts directs et du relèvement de certainsimpôts au niveau fédéral. L’effet devrait toute-fois rester inférieur à une valeur de 0,5% duPIB.

2.4.4 Indicateurs fiscaux en comparaisoninternationale

La quote-part de l’Etat (part des dépensesétatiques au PIB) a nettement augmenté de2000 à 2004. Ce phénomène s’explique par unecroissance relativement élevée des dépenses.Par ailleurs, la faible augmentation du PIB, dueà la conjoncture, a provoqué une hausse du dé-nominateur moins forte qu’elle ne l’est enmoyenne sur le long terme. Une comparaisonavec des pays sélectionnés de l’OCDE montrecependant que le niveau de la quote-part del’Etat en Suisse se situe encore dans la zone in-férieure du milieu du classement.19 En raisonde la croissance probablement plus faible desdépenses et de la reprise conjoncturelle, laquote-part de l’Etat devrait à nouveau dimi-nuer quelque peu jusqu’en 2006.

Le taux d’endettement brut s’est égalementaccru de manière sensible depuis l’an 2000. Onpeut toutefois s’attendre à ce qu’il diminuejusqu’en 2006. Cette augmentation enregistréedepuis l’an 2000 ne peut être entièrementattribuée aux déficits des comptes annuels.Une partie est due à des mesures affectant lebilan hors du compte financier, telles que, parexemple dans le passé, l’augmentation du ca-pital des caisses de pension de la Confédérationet de ses anciennes régies. La comparaisoninternationale montre, là aussi, que la positionde la Suisse demeure relativement favorable.D’autre part, pour estimer la situation descollectivités publiques, il serait plus juste de sebaser sur la dette nette, qui tient compte desdettes par rapport aux valeurs patrimoniales.On ne dispose pas en Suisse de données por-tant sur l’ensemble des collectivités publiques.Il ressort toutefois des informations dispo-nibles pour la Confédération et les cantons quela dette nette est sensiblement plus faible quela dette brute. Une comparaison entre les inté-rêts passifs et les revenus des valeurs patrimo-niales, pour lesquels on dispose aussi de don-nées des communes, fournit une indicationsemblable. Elle montre que, depuis le début desannées 1990, les revenus de la fortune cou-vraient à chaque fois 70% ou plus des intérêts

17 Voir, par ex., Message concernant le programmed’allégement 2003 du budget de la Confédération (PAB 03) du 2 juillet 2003.

18 Ainsi, pour le budget de l’année 2005, l’AFF est parti de l’idée que l’économie suisse parviendrait à nouveauà une situation de surcapacité.

19 Concernant le problème de la comparaison internatio-nale des indicateurs fiscaux, voir le rapport annuel dela CQC 2002, p. 44 ss.

Tableau 2.2

Quotes-parts de l’Etat en comparaison internationale1

Finances publiques et assurances sociales publiques, en pour-cent du PIB

1990 2000 2004 2006

Suisse 30.1 34.0 36.0 35.7

Etats-Unis 37.1 34.2 36.0 36.0

Australie 36.2 35.7 35.5 35.2

Grande-Bretagne 42.2 37.5 44.1 44.8

Japon 31.8 38.3 37.3 37.4

Espagne 43.4 40.0 40.6 40.2

Canada 48.8 41.1 39.4 39.5

Pays-Bas 54.8 45.3 48.6 50.2

Allemagne 44.5 45.8 47.7 46.2

Italie 54.4 46.9 48.6 50.1

Belgique 53.4 49.3 49.4 49.6

Autriche 52.1 51.5 50.6 49.1

France 50.7 52.5 54.4 54.3

Suède 61.7 57.3 57.1 57.2

OECD 40.4 39.3 40.8 40.7

1 Dépenses de l’Etat en pour-cent du PIB. Source : OCDE Economic Outlook, juin 2005, annexe tableau 25.Classement selon le montant de la quote-part de l’Etat 2000

Tableau 2.3

Taux d’endettement en comparaison internationale1

Taux d’endettement Taux d’endettement net2

1990 2000 2004 2006 1990 2000

Australie 23.1 25.3 20.5 17 10.9 9.9

Grande-Bretagne 33.0 45.9 44.2 48.3 14.9 36.9

Suisse 29.9 49.9 55.6 53.1 a.d. a.d.

Etats-Unis 66.6 58.3 63.4 69.1 48.9 39.0

Allemagne 41.5 60.9 70.1 72.6 21.0 42.5

Suède 46.8 64.4 62.1 60.9 –7.8 1.2

France 39.5 66.2 73.2 74.0 17.5 34.9

Pays-Bas 87.8 66.7 65.6 66.3 33.4 35.1

Espagne 48.8 68.0 55.2 49.8 30.7 42.6

Autriche 57.6 69.5 66.9 63.7 35.7 43.5

Canada 74.5 81.8 71.5 65.9 43.3 44.8

Belgique 129.7 115.0 101.0 97.8 116.9 102.5

Italie 112.5 124.7 118.6 121.8 a.d. 99.1

Japon 68.6 134.0 157.6 163.1 24.6 59.1

OECD 57.1 71.1 76.4 79.5 32.8 41.7

1 Dettes brutes et nettes en pour-cent du PIB. En raison de définitions différentes, Sources : OCDE Economic Outlook, juin 2005,les taux d’endettement ne sont pas toujours comparables. annexe tableaux 32–33 ; Suisse : (voir OCDE Economic Outlook) ; classement selon le montant AFF Section Péréquation financière et statistique, juillet 2005.du taux d’endettement brut 2000.

2 Dettes brutes, déduction faite de la fortune financière.

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Rapport annuel 2005

29 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

passifs.20 Comme ces données soulèvent degros problèmes d’évaluation et de délimita-tion, on peut simplement en déduire, d’unemanière générale, que, face à la dette brute del’Etat, on trouve des valeurs patrimonialesd’un montant considérable.

2.5 Situation et politique monétaires

2.5.1 La stratégie monétaire de la Banquenationale suisse

La Banque nationale applique une stratégiemonétaire qui repose sur trois éléments.Premièrement, la politique monétaire vise enpriorité à maintenir la stabilité des prix. Con-crètement, les prix sont considérés commestables lorsque la hausse de l’indice suisse desprix à la consommation est inférieure à 2% parannée. Deuxièmement, la Banque nationalefonde ses décisions sur une prévision d’infla-tion portant sur une période de trois ans. Cethorizon prévisionnel permet de tenir comptedu retard avec lequel les impulsions donnéespar la politique monétaire se manifestent.Troisièmement, sur le plan opérationnel, laBanque nationale fixe pour le Libor à troismois une marge de fluctuation qui est généra-lement d’un point de pourcentage. Pour gérerle Libor à trois mois, elle utilise essentiellementles pensions de titres («repurchase agreement»ou repo) à court terme.

Les prévisions d’inflation de la Banquenationale reposent sur l’hypothèse d’un Liborà trois mois constant durant toute la périodesur laquelle porte la projection. Le fait quel’inflation ainsi pronostiquée ne respecte pas lastabilité des prix, telle qu’elle a été définie, si-gnale qu’il faut s’attendre dans un proche ave-nir à une modification du cours de la politiquemonétaire. Les prévisions d’inflation publiéesne peuvent donc être comparées aux prévi-sions d’autres institutions qui tentent d’antici-per les futures réactions de la politique moné-taire.

2.5.2 Politique monétaire 2004–2005 Dans les années 2001 à 2003, la Banque

nationale a donné à sa politique monétaire uncours de plus en plus expansif. La marge defluctuation du Libor à trois mois, qui était en-core de 3,5% au début 2001, a été ramenée pro-gressivement à 0,25% jusqu’en mars 2003 etelle est restée à ce bas niveau pendant plusd’une année. Cet assouplissement de la poli-tique monétaire a été déterminé par unefaiblesse conjoncturelle persistante qui s’estaussi reflétée dans un net recul de la tendanceau renchérissement. De plus, le franc a subiplusieurs pressions à la hausse en raison des in-certitudes géopolitiques. Dans cette situation,la Banque nationale a jugé bon de maintenir lafaible attractivité des placements en francs

grâce à des taux d’intérêt bas. Faute d’unassouplissement sensible de la politique mo-nétaire, l’économie suisse aurait sans doute étéconfrontée, ces dernières années, à des phéno-mènes déflationnistes.

La politique de l’argent à bas prix a généréune expansion considérable des agrégats mo-nétaires. La masse monétaire M3, par exemple,a connu passagèrement un taux de croissancede près de 10%. La Banque nationale a toute-fois estimé qu’il fallait, pour différentes rai-sons, relativiser les risques ainsi encourus parla stabilité des prix. D’une part, l’évolution descrédits accordés par les banques était trèsmodérée. D’autre part, la forte croissance de lamasse monétaire était imputable en partie àune préférence accrue pour les liquidités ma-nifestée par des investisseurs dont la confianceétait ébranlée. C’est ainsi qu’en 2003, desplacements fiduciaires en francs suisses del’étranger sont revenus sur des comptes à vueen Suisse. Ces fonds parqués en Suisse gonflentla croissance de la masse monétaire, mais ne re-présentent qu’un faible potentiel inflation-niste. Enfin, la Banque nationale a considéréque, même si la production augmentait à nou-veau, l’économie allait, pendant longtempsencore, opérer en dessous de ses limites decapacité et ferait donc preuve de retenue enmatière de hausse des prix.

Sur la base de cette estimation, la Banquenationale s’en est tenue, même dans son ap-préciation de la situation en mars 2004, à unLibor à trois mois de 0,25%. L’économie suissea certes pu à nouveau enregistrer des taux decroissance positifs depuis le milieu de l’année2003 grâce aux conditions monétaires favora-bles et à la reprise de la conjoncture inter-nationale. Mais il n’était pas certain que cetteévolution soit durable. La Banque nationale adonc voulu soutenir ce processus de reprise enmaintenant une politique expansive.

Au printemps 2004, la conjoncture suisse areposé sur une base toujours plus solide. Si leprocessus de redressement a, dans un premiertemps, été soutenu avant tout par les exporta-tions, il a, par la suite, bénéficié aussi de lavigueur de la consommation privée et, en par-ticulier, de l’essor enregistré dans la construc-tion de logements. Dans son appréciation de lasituation de juin 2004, la Banque nationale ta-blait sur une croissance économique proche de2% en 2004 et sur une nouvelle consolidationde la reprise l’année suivante. Dans cette pers-pective, elle a décidé de relever de 0,25 à 0,5 %la marge de fluctuation du Libor à trois mois.La prévision d’inflation publiée en mêmetemps que cette décision indiquait néanmoinsune nette tendance à la hausse à partir du mi-lieu de 2005. Avec un taux de 3,2% à la fin dela période de projection, soit au premier tri-mestre 2007, la stabilité des prix s’annonçait

20 Voir Administration fédérale des finances : Financespubliques en Suisse 2003, Statistique de la Suisse, OFS,Neuchâtel 2005, tableau A 9.1.

Page 32: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

2. Situation économique et politique macroéconomique

30 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

nettement compromise. Aussi, la Banque na-tionale a-t-elle fait comprendre que sa poli-tique monétaire reste toujours nettementexpansionniste et qu’il fallait donc s’attendre àde nouvelles hausses des taux d’intérêt dans unproche avenir.

Au moment de l’appréciation de la situationde septembre 2004, plusieurs indicateurs an-nonçaient en Suisse et en Europe un affaiblis-sement de la croissance. Toutefois, selon l’esti-mation générale, il ne devait s’agir que d’unphénomène passager. La Banque nationale estaussi demeurée optimiste. Elle tablait toujourssur une croissance du PIB réel de près de 2%en 2004 et sur une poursuite de la relance grâceà la reprise des exportations en 2005. Le ren-chérissement de la consommation, qui étaitpresque de zéro début 2004, est passé à 1% enraison de la hausse des prix des produitspétroliers. De plus, le franc a accusé une ten-dance à la faiblesse par rapport à l’euro et ledéveloppement de la masse monétaire a encoreenregistré un excédent de liquidités, légère-ment réduit, mais toujours considérable. Selonla Banque nationale, la pression inflationnisterisquait, en raison de ces facteurs, de s’accroî-tre de manière sensible si la politique moné-taire n’était pas modifiée. Elle a donc décidé, enseptembre 2004, de relever de 0,25 point lamarge de fluctuation du Libor à trois mois etde maintenir le Libor au milieu de la marge defluctuation, c’est-à-dire autour de 0,75%.

L’appréciation de la situation de décembre2004 a été placée sous le signe d’une nette dé-térioration des perspectives conjoncturelles.La croissance de l’économie mondiale s’étaitralentie depuis le milieu de l’année 2004, no-tamment en raison du fort renchérissement dupétrole. En Europe, la faiblesse du dollar a ren-forcé cet effet de frein. La Banque nationaleprévoyait certes toujours une croissance duPIB de 1,5 à 2% pour 2004, mais ne tablait plussur une accélération en 2005. Suite à la haussedu prix des produits pétroliers et des loyers deslogements, l’augmentation des prix à la con-sommation avait entre-temps atteint 1,5%.Par ailleurs, le franc et l’euro s’étaient nette-ment appréciés par rapport au dollar, une évo-lution dont on pouvait attendre des effets defrein sur le renchérissement et la conjoncture.Etablie dans cette situation et basée surl’hypothèse d’un Libor à trois mois inchangé à0,75%, la prévision d’inflation annonçaitjusqu’à fin 2005 des taux de renchérissementun peu plus élevés que ceux pronostiqués enseptembre en raison de la hausse du prix du pé-trole. Par la suite, la pression sur les prix devaitse relâcher en raison de perspectives conjonc-turelles moins optimistes. Dans ce contexte, laBanque nationale a décidé de maintenir leLibor à trois mois à 0,75%. Elle a toutefoisprécisé que cette décision devait être inter-

prétée comme une pause dans le processus denormalisation des taux d’intérêt lancé en juin2004. Elle a en effet indiqué qu’il fallait s’atten-dre à de nouvelles hausses des taux d’intérêtdès que les signes d’une poursuite de la repriseconjoncturelle se multiplieraient.

Libor à trois mois inchangé à 0,75% jusqu’au milieu de 2005

Au début de l’année en cours, la situationconjoncturelle a continué à se dégrader. Dansla zone euro, la croissance s’est nettementralentie vers la fin de 2004. La situation s’estcertes améliorée durant les premiers mois de2005,mais la croissance est restée inégale et fra-gile dans les pays de la zone euro. Hormis laChine, plusieurs pays asiatiques ont égalementété touchés par un ralentissement de la crois-sance. Par contre, la vigoureuse croissance en-registrée aux Etats-Unis a continué à soutenirla conjoncture mondiale. En Suisse, le PIB réels’est légèrement contracté durant le quatrièmetrimestre 2004 avant de stagner au premier tri-mestre 2005. Par conséquent, la situation sur lemarché du travail est demeurée insatisfaisante.

Dans ses prévisions d’inflation de mars et dejuin 2005, la Banque nationale a été modéré-ment optimiste quant à l’évolution de la con-joncture mondiale. Elle a estimé que, la crois-sance restant forte aux Etats-Unis, la situationconjoncturelle devrait lentement s’amélioreren Europe. Le bas niveau des taux d’intérêt réelsdevrait fournir des impulsions positives. Dansces conditions, la Banque nationale s’attendaità ce que la Suisse aussi surmonte sa faiblesseconjoncturelle.L’appréciation de la situation demars 2005 annonçait donc une croissance del’ordre de 1,5% sur l’ensemble de l’année. Dansles prévisions de juin, la croissance du PIBattendue pour 2005 a cependant été ramenée à1%. Les prévisions d’inflation ont donc étérevues légèrement à la baisse par rapport à cellesde septembre et de décembre 2004.

En mars 2005, un renchérissement moyende 1% pour chacune des années 2005 et 2006a été pronostiqué sur la base d’un Libor à troismois constant (0,75%). Selon les prévisions dejuin, l’inflation va reculer, passant de 1% du-rant l’année en cours, à 0,5% en 2006, sous lamême hypothèse de taux d’intérêt inchangés.Une accélération sensible de l’inflation esttoutefois attendue – comme dans les prévi-sions précédentes – vers la fin de la période detrois ans sur laquelle porte la projection. Avecune valeur finale de l’ordre de 2,5%, le dépasse-ment du cadre fixé à la stabilité des prix s’an-nonce cependant relativement faible.La Banquenationale en a conclu qu’un Libor à trois moisde 0,75% ne pouvait être maintenu durable-ment sans avoir d’effet sur l’inflation, même sila reprise conjoncturelle reste modérée. D’au-tre part, la baisse de la pression inflationniste

Page 33: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

31 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

lui a donné la marge de manœuvre nécessairepour continuer à soutenir la faible conjoncturepar une politique monétaire généreuse. Elle adonc laissée inchangée à 0,25% – 1,25% lamarge de fluctuation du Libor à trois mois etelle entend maintenir, jusqu’à nouvel avis, leLibor à trois mois au milieu de la marge de fluc-tuation, soit autour de 0,75%.

2.5.3 Taux d’intérêt suisses à court et à longterme en comparaison internationale

Durant la première moitié de l’année 2004,la phase d’assouplissement de la politique mo-nétaire a pris fin dans les pays industrialisés.Aux Etats-Unis, le taux directeur est resté in-changé à 1% contre 2% dans la zone euro etprès de zéro au Japon. Le comportement desbanques centrales semble refléter les différentsdéveloppements conjoncturels dans les espa-ces économiques concernés. De juin à décem-bre 2004, la FED a, en cinq étapes, relevé de0,25 point de pourcentage à chaque fois le tauxde l’argent au jour le jour pour le porter fina-lement à 2,25%. La Banque d’Angleterre, quiavait amorcé un revirement en novembre 2003déjà, a augmenté son taux directeur de 0,25point de pourcentage à chaque fois en en qua-tre étapes entre février et avril 2004. Celui-ci aainsi atteint 4,75%. Par la suite, comme un ra-lentissement de la croissance économique sedessinait en Grande-Bretagne, elle n’a plusaugmenté les taux d’intérêt jusqu’à la fin del’année. La BCE s’est montrée de plus en plussoucieuse devant le ralentissement conjonctu-rel dans la zone euro et l’appréciation de lamonnaie européenne. Elle a toutefois laissé in-changé à 2,0% le taux d’intérêt des opérationsprincipales de refinancement qu’elle avait ré-duit de 0,25 point de pourcentage pour ladernière fois en juin 2003.

Durant l’année en cours, la FED a poursuivisa politique d’augmentations successives dutaux directeur. Jusqu’au mois d’août, le taux del’argent au jour le jour a été porté, en cinqétapes, à 3,5%. Compte tenu de la robustecroissance de l’économie américaine, il fauts’attendre à d’autres relèvements du taux d’in-térêt. Au mois d’août 2005, la Banque d’Angle-terre a abaissé à 4,5% le taux des pensions detitres qui était fixé à 4,75% depuis environ uneannée. Elle a ainsi réagi à la faiblesse conjonc-turelle qui s’est accentuée ces derniers temps,notamment dans le domaine de la consomma-tion privée. La BCE a subi ces derniers mois despressions politiques afin qu’elle assouplisse sapolitique monétaire. Si la conjoncture est fai-ble dans la zone euro, l’excédent de liquiditésest toujours important. Elle a donc estimé qu’ilétait indiqué de maintenir le taux directeur à 2%. Ce choix a été facilité du fait que l’euro,après une longue période de force, a quelquepeu perdu de sa valeur par rapport au dollar

ces derniers temps. Cette évolution équivaut defait à un assouplissement des conditions mo-nétaires. Confrontée à une pression déflation-niste persistante, la Banque centrale du Japona maintenu sa politique du taux d’intérêt zéro.

Si l’on considère l’évolution des taux d’in-térêt suisses à court terme dans ce contexteinternational, on obtient le tableau suivant :l’écart par rapport à la rémunération servie surl’euro qui se situait au niveau élevé de 1,8 pointde pourcentage du milieu de l’année 2003 au milieu de 2004 en raison de la politiquemonétaire fortement assouplie de la Banquenationale, s’est réduit à 1,3 point de pourcen-tage après les deux relèvements décidés par laBanque nationale en juin et septembre 2004. Ilest ensuite resté constant à ce niveau. L’écart estdonc légèrement inférieur à la valeur moyennehistorique de 1,5 point de pourcentage (pé-riode allant de 1980 à 2004 ; calculé jusqu’en1999 sur la base des taux d’intérêt à court termeallemands). Par rapport au dollar, l’écart, dontla valeur moyenne historique est d’un peu plus de 2 points de pourcentage, est tombéejusqu’au printemps 2004 à 0,8 point de pour-centage suite à l’assouplissement résolu de lapolitique monétaire américaine. Il s’est creuséà nouveau pour atteindre 2,5 points de pour-centage au fil des augmentations successives dutaux directeur auxquelles la FED a procédéjusqu’au milieu de 2005.

Après une hausse passagère au printemps2004, les rendements des emprunts d’Etat ont continué à se contracter dans les pays in-dustrialisés. De juin 2004 à juin 2005, le ren-dement des emprunts d’Etat à 10 ans de la zoneeuro a chuté de 4,4 à 3,3%. En Grande Breta-gne, il est tombé de 5,2 à 4,3% et, au Japon, de1,8 à 1,2% durant la même période. Même auxEtats-Unis où la FED a nettement relevé lestaux directeurs, on a observé un recul des tauxd’intérêt à long terme qui ont passé de 4,7% en juin 2004 à 4,0% en juin 2005. Les rende-ments à long terme ont également baissé dansd’autres pays qui ont durci leur politique mo-nétaire comme, par exemple, l’Australie et leCanada. Cette évolution plutôt atypique peuts’expliquer par les réformes des systèmes derentes entreprises en raison du vieillissementde la population qui ont entraîné une demandeaccrue de placements à long terme. Dans le cas des Etats-Unis, l’accumulation persistanted’avoirs en dollars par des banques centralesasiatiques, notamment par la Banque centralede Chine, pourrait également avoir joué unrôle. Le rendement moyen des obligations dela Confédération, qui était de 3% au milieu del’année 2004, est retombé à 2% vers le milieude l’année 2005. Il a donc évolué parallèlementau taux d’intérêt des titres émis à long termepar l’Etat dans la zone euro, mais à un niveauinférieur d’un bon point de pourcentage. Seul

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2. Situation économique et politique macroéconomique

32 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

le rendement des emprunts d’Etat japonais atoujours été inférieur à celui des obligations dela Confédération. En juillet 2005, les intérêts àlong terme ont légèrement augmenté dans lemonde entier. Le fait que la Chine ait renoncéà lier strictement le yuan au dollar semble avoireu l’effet d’un signal.

2.5.4 Marchés internationaux des devises et cours du franc

Après s’être stabilisé durant la premièremoitié de l’année 2004, le dollar a sensiblementperdu de la valeur sur les marchés internatio-naux des devises entre les mois d’août et de dé-cembre 2004. A la fin de l’année, la déprécia-tion par rapport à l’euro depuis le mois d’aoûtavoisinait 9%. Compte tenu de la dépréciationintervenue depuis le début de l’année 2002, ledollar a cédé au total 35% par rapport à l’euro,26% face à la livre britannique et 22% parrapport au yen japonais. En termes réels etpondérée par les parts aux exportations, lavaleur extérieure du dollar a chuté de 22%entre le début 2002 et la fin 2004. Ce développe-ment s’explique sans doute par le déficit élevéet persistant de la balance des transactions cou-rantes ainsi que par le budget fortement défi-citaire des Etats-Unis. Par effet de symétrie,l’euro s’est nettement apprécié durant cettephase. En décembre 2004, le cours euro/dollars’est inscrit à 1,34, en progression de 10% parrapport au niveau atteint en août 2004 et de54% par rapport à celui de début 2002. L’euro aégalement pris de la valeur par rapport à la livrebritannique et au yen, mais dans une moindremesure que face au dollar. En termes réels etpondérée par les parts aux exportations, lavaleur extérieure de l’euro était, à la fin 2004,supérieure de 5% à son niveau du milieu del’année et de 24% à celui atteint au début 2002.

Durant l’année en cours, le dollar est par-venu, à la surprise de la plupart des obser-vateurs, à se redresser nettement. Il a passé de1,31 dollar/euro en décembre à près de 1,20dollar/euro durant les mois d’été 2005.Par rap-port à la livre britannique et au yen japonais,son appréciation a été plus faible. Ce redresse-ment du dollar peut s’expliquer par une con-joncture américaine plus dynamique et parl’écart des taux d’intérêt qui évolue de plus enplus en faveur des placements en dollars. Pourla zone euro, l’appréciation en termes réels et pondérée par les exportations qui s’estmanifestée jusqu’à fin 2004 a été réduite de 5% jusqu’au milieu de l’année 2005.

Du début de 2004 au milieu de 2005, le francest resté couplé à l’euro de manière relative-ment étroite. L’appréciation intervenue durantla première moitié de 2004 (de 1,57 à 1.52franc/euro) a été suivie par trois légères phasessuccessives de dépréciation. En juillet 2005, lecours franc/euro s’est à nouveau établi à 1,56.

Si ses variations par rapport à l’euro ont étéfaibles, le franc suisse a dans une large mesuresuivi les mouvements de l’euro par rapport audollar. De septembre à décembre 2004, sa va-leur par rapport au dollar a passé de 1,26 à 1,15.Puis il s’est à nouveau déprécié – à nouveau àpeu près au même rythme que l’euro – pourtomber à 1,29 franc/dollar. Par rapport à savaleur extérieure réelle, pondérée par les partsaux exportations, le franc a, entre janvier etnovembre 2004, progressé en deux temps de3,4% au total, en raison tout d’abord de sonappréciation par rapport à l’euro, puis de sonappréciation plus nette, mais moins lourded’effets par rapport au dollar. Jusqu’en juillet2005, la valeur extérieure réelle du franc, pon-dérée par les parts aux exportations, a reculé de5,7% par rapport à novembre 2004. Elle étaitainsi inférieure de 3,7% à la moyenne des dixdernières années.

2.5.5 Cours des actions, recours au marché des capitaux et volume des crédits

La hausse enregistrée sur les marchés desactions après le déclenchement de la guerre enIrak, en mars 2003, a tourné court au prin-temps 2004. Le Swiss Performance Index (SPI),qui avait progressé de près de 50% de mars2003 et avril 2004, a légèrement baissé par lasuite. A partir de l’automne 2004, le SPI atoutefois de nouveau évolué nettement à lahausse. De mars 2003 à juillet 2005, il a fait unbond de 70%. Les plus gros bénéfices sur lescours ont été réalisés dans les secteurs del’énergie et des technologies ainsi que dans lesservices financiers. Mais les titres de la cons-truction et du commerce de détail ont égale-ment connu une progression supérieure à lamoyenne. Par contre, la chimie, la branchealimentaire, les assurances et les télécommuni-cations ont dû se contenter d’avancées inférieures à la moyenne. Contrairement aumarché suisse, les marchés internationaux desactions ont subi, en avril 2005,plusieurs baisseslégères, mais des bénéfices ont à nouveau puêtre engrangés durant les mois d’été. De mars2003 à juillet 2004, les cours des actions enEurope continentale ont bénéficié d’un déve-loppement aussi dynamique qu’en Suisse. Enrevanche, les bénéfices sur les cours ont étélégèrement plus faibles aux Etats-Unis et enGrande-Bretagne.

Le recours au marché des capitaux peut êtredivisé en trois catégories : les émissions nettesd’emprunts en francs de débiteurs suisses et dedébiteurs étrangers ainsi que les émissionsnettes d’actions suisses. Au total, les fondsprélevés sur le marché suisse des capitaux ontsensiblement reculé, soit de 23 milliards defrancs nets en 2003 à 14,3 milliards nets en 2004.La valeur nette des émissions en francs des em-prunteurs étrangers a connu une baisse parti-

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Rapport annuel 2005

33 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

culièrement forte (de 14,1 à 9,2 milliards defrancs). Les émissions en francs lancées par desdébiteurs suisses se sont élevées, quant à elles, à7,7 milliards de francs, soit un niveau pratique-ment inchangé.S’agissant des actions suisses, lesremboursements ont dépassé les nouvellesémissions, si bien que la valeur d’émission netteest tombée de 1,3 milliard de francs en 2003 àmoins 2,5 milliards de francs en 2004.

Au cours du premier semestre 2005, le pré-lèvement net sur le marché des capitaux a étéde 6,2 milliards de francs, soit inférieur demoitié au résultat enregistré durant le premiersemestre 2004. Alors que les débiteurs étran-gers ont prélevé un peu plus de fonds que pen-dant la même période de l’année précédente,les émissions nettes d’emprunts suisses sontpresque tombées à zéro. Pour les actions suis-ses, les remboursements ont, comme l’annéeprécédente, dépassé les nouvelles émissions.

80% des crédits accordés par les banques àdes clients suisses étaient des créances hypo-thécaires et 20% entraient dans la rubrique«autres crédits», soit pour l’essentiel des créditsaccordés à des entreprises. Dans le courant del’année 2004, le volume total des crédits a pro-gressé de 3,4%, soit un peu plus fortement quel’année précédente (2,5%). Tout comme en2003, les crédits hypothécaires ont sensible-ment augmenté (5,0%), tandis que les autrescrédits ont diminué de 2,7%. Jusqu’au milieude l’année en cours, le volume total des créditsa encore progressé de 2,9%, mais les autrescrédits ont cette fois-ci également enregistréune nette hausse.

2.5.6 RésuméAprès un assouplissement marqué de sa

politique monétaire durant les années 2001 à2003, la Banque nationale a fait passer le Liborà trois mois de 0,25 à 0,75% en deux étapes,soit en juin et en septembre 2004. Ce retourvers une politique un peu moins expansion-niste s’expliquait par la reprise conjoncturellede l’économie suisse qui, conjuguée avec larapide croissance des agrégats monétaires et lahausse du prix du pétrole, menaçait de relan-cer l’inflation à moyen terme. Compte tenu dunouveau fléchissement de la conjoncture, laBanque nationale a renoncé depuis lors à denouvelles mesures restrictives. Selon ses prévi-sions d’inflation de juin 2005, le renchérisse-ment tombera l’année prochaine à 0,5%.En cas de maintien de la politique monétaireactuelle, il faudrait cependant s’attendre –comme cela a été établi dans des pronosticsprécédents – à une sensible hausse de l’infla-tion vers la fin de la période de trois ans surlaquelle porte la projection. On peut doncs’attendre à ce que de nouvelles augmentationsdes taux d’intérêt soient nécessaires pourassurer la stabilité des prix à moyen terme.

L’écart par rapport aux rémunérationsservies à court terme sur l’euro, qui a atteint leniveau élevé de 1,8 point de pourcentage du-rant la première moitié de 2004, s’est réduit à1,3 point après les deux relèvements décidéspar la Banque nationale. Il est donc actuelle-ment légèrement inférieure à la valeurmoyenne historique de 1,5 point de pourcen-tage. Par rapport au dollar, le différentiel d’in-térêt, dont la valeur moyenne historique est del’ordre de 2 points de pourcentage, a diminuépendant la phase d’assouplissement résolu dela politique monétaire américaine qui a duréjusqu’au printemps 2004, pour s’établir à 0,8point. Il s’est ensuite à nouveau creusé pour sefixer à 2,7 points de pourcentage au mois d’a-oût 2005, suite au durcissement progressif dela politique monétaire américaine.

Bien que plusieurs banques centrales aientadopté une politique sensiblement plus res-trictive, les taux d’intérêt à long terme ont,dans les pays industrialisés, encore manifestéune tendance à la baisse jusqu’en juin 2005.Cette évolution plutôt atypique pourrait s’ex-pliquer par la demande accrue de placementsde longue durée suscitée par les changementsdémographiques. Dans le cas des Etats-Unis, laconstitution persistante de réserves en dollarspar des banques centrales asiatiques pourraitégalement avoir joué un rôle. En un an, le ren-dement des obligations de la Confédération adiminué, parallèlement à la rémunération desemprunts d’Etat dans la zone euro, pours’établir à 2% en juin 2005. En juillet 2005, lestaux d’intérêt à long terme ont affiché unehausse dans le monde entier, un changementqui peut s’expliquer par la décision de la Chinede renoncer à lier le yuan au dollar.

Sur les marchés internationaux des devises,le dollar a continué de perdre du terrain parrapport à l’euro jusqu’à fin 2004. Malgré le dé-ficit persistant de la balance américaine destransactions courantes, le billet vert a nette-ment récupéré durant l’année en cours. Laconjoncture américaine plus dynamique et ladifférence de taux d’intérêt qui évolue enfaveur des placements en dollars pourraientexpliquer ce phénomène. Le cours franc/euroa été relativement stable ces derniers temps. Lamonnaie suisse a connu une évolution large-ment parallèle à celle de l’euro par rapport audollar ; l’appréciation enregistrée par rapportau dollar jusqu’à la fin de 2004 a été suivie parune dépréciation cette année. En juillet et enaoût 2005, le franc a manifesté quelques signesde faiblesse par rapport à l’euro. Depuis la fin2004, la valeur extérieure réelle du franc, pon-dérée par les parts aux exportations, a nette-ment reculé : elle était, en juillet 2005, infé-rieure de près de 4% à la moyenne des dixdernières années.

Page 36: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

2. Situation économique et politique macroéconomique

34 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Graphique 2.23 :

-4

-2

0

2

4

6

8

croissance du PIB, renchérissement sous-jacent (BNS) et output Gap

%

1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Rench, sous-jacent Output-Gap (écart du PIB eff. au PIB pot.) PIB (var. par rapport à l’année préc.)

Graphique 2.24 : Graphique 2.25 :

-3

-2

-1

0

1

2

3

prix à la consommationVariation par rapport à l’année précédente

%

2001 2002 2003 2004 2005

Total Biens suisses Biens importés

0

0,5

1

1,5

2

renchérissement sous-jacentVariation par rapport à l’année précédente

%

2001 2002 2003 2004 2005

Prix à la consommation Renchér. sous-jacent

Graphique 2.26 : Graphique 2.27 :

-2

0

2

4

6

8

10

12

monnaie centrale et masse monétaire M3Variation par rapport à l’année précédente

%

2001 2002 2003 2004 2005

Monnaie centrale Masse monétaire M3

95

100

105

110

115

évolution du cours du franc, pond. par les exportationsIndice réel jan. 1999 = 100

%

95 96 97 98 99 00 01 02 03 04

Réel Nominal

Page 37: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

35 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Graphique 2.28 : Graphique 2.29 :

1,2

1,3

1,4

1,5

1,6

1,7

1,8

cours de changeCours, en francs, de monnaies étrangères

2001 2002 2003 2004 2005

EUR USD

0

1

2

3

4

taux d’intérêt à court terme

%

2001 2002 2003 2004 2005

Repo à 1 semaine Marge de fluct.

Graphique 2.30 : Graphique 2.31 :

1

2

3

4

5

6

taux d’intérêt à l’étrangerLibor à 3 mois

%

2001 2002 2003 2004 2005

USD EUR CHF

2

2,5

3

3,5

4

4,5

5

5,5

taux d’intérêt à l’étrangerTitres émis à long terme par l’Etat

%

2001 2002 2003 2004 2005

USD EUR CHF

Graphique 2.32 :

0,5

1

1,5

2

2,5

3

prévisions d’inflation de mars 2005, avec Libor à 0,75%, et de juin 2005, avec Libor à 0,75%Glissement annuel de l’indice des prix à la consommation

%

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Inflation Prévision de juin 2005 (0,75%)

Libor à 3 mois

Prévision de mars 2005 (0,75%)

Page 38: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

36 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Comme nous l’avons indiqué dans l’intro-duction, l’évolution démographique suscite uncertain nombre de problèmes qui vont bien au-delà du seul financement. C’est pourquoi nousallons aussi considérer,dans le présent rapport,certains aspects de la politique du marché dutravail, de la famille et de la santé. Nous pré-sentons tout d’abord l’évolution démographi-que attendue jusqu’au milieu de ce siècle tellequ’elle ressort des scénarios de l’Office fédé-ral de la statistique (2002) (chapitre 3.1). Noustraitons ensuite des problèmes fondamentauxdu financement de la prévoyance vieillesse enexaminant la question du système de finance-ment (chapitre 3.2), avant de considérer l’évo-lution et les différents problèmes de l’AVS(chapitre 3.3) ainsi que du deuxième pilier(chapitre 3.4). Le chapitre 3.5 est consacré à l’activité professionnelle des personnes âgéesqui pourrait, tout comme une meilleure con-ciliation de la famille et de la profession (cha-pitre 3.6), alléger le fardeau que le processus devieillissement fait peser sur la société. Nousexaminons enfin l’évolution des coûts de lasanté pour les personnes âgées (y compris lesfrais de soins), car les charges financières de l’évolution démographique se font sentir nonseulement dans la prévoyance vieillesse, maisaussi dans ce domaine (chapitre 3.7). Nous ter-minons cette partie du rapport par quelquesconsidérations politiques et économiques(chapitre 3.8).

3.1 L’évolution démographique jusqu’enl’an 2060

La modification de la structure de la popu-lation est due à deux facteurs : (i) l’augmenta-tion de l’espérance de vie et (ii) la baisse de lafécondité.Alors que l’espérance de vie pourraitencore s’accroître, le taux de natalité, aujour-d’hui déjà très faible, ne va guère encore dimi-nuer. Sur la base d’hypothèses optimistes, onpourrait même envisager une nouvelle légèrerecrudescence des naissances. Et pourtant, lerecul du taux de natalité va déterminer plusfortement l’évolution ces cinquante prochai-nes années que l’augmentation de l’espérancede vie.

S’il en est ainsi, c’est parce que la structurede la population ne s’adapte que très lentementà la baisse du taux de natalité ; cette adaptationva prendre encore des décennies. Pour que lapopulation soit stationnaire, c’est-à-dire queson effectif reste constant – à espérance de vieconstante –, il faut respectivement un taux de

3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux 1

natalité d’environ 2.1 et un taux net de repro-duction de un.2 Or, en l’an 2002, le taux de na-talité s’élevait à 1,39 et le taux de reproductionà 0,67.3 Ainsi, à long terme, la population de laSuisse se réduit (sans immigration) d’environun tiers à chaque génération. L’évolution de lapopulation est donc aujourd’hui en Suisse loind’être stationnaire et rien ne permet d’espérerqu’elle le devienne à moyen terme.

Mais une population qui se réduit peut mal-gré tout être stable, à condition que les taux denatalité et de mortalité soient constants à longterme.4 Dans une population stable, le rapportde dépendance des jeunes et le rapport de dépendance des âgés sont constants au fil dutemps.5 Une fois que les problèmes liés au vieil-lissement d’une population sont résolus (demanière satisfaisante), une population stablene connaît ni nouveaux problèmes, ni aggra-vation des problèmes existants. Il en va demême lorsque la population diminue. Mais lapopulation suisse est presque aussi loin d’unesituation stable que d’une situation station-naire, car les effets sur le système du recul mas-sif des naissances depuis les années septantevont durer encore longtemps. Lorsque la po-pulation se réduit, le rapport de dépendancedes personnes âgées peut, lors du passage à une situation stable, être même plus élevé qu’en casd’équilibre à long terme.

Les prévisions à long terme de l’évolutionde la population telles qu’elles sont établies parl’office fédéral de la statistique (1996, 2002),dépendent d’hypothèses concernant l’évo-lution des naissances (fécondité), des décès(mortalité) et des flux migratoires. La fécondi-té et la mortalité ne se modifient que lentementau fil du temps. De plus, la politique n’a, aumieux, qu’une influence indirecte sur ces fac-teurs. Ces hypothèses posent donc relative-ment peu de problèmes et les scénarios qui illustrent les différentes évolutions possibles nedivergent pas trop les uns des autres. Une in-fluence politique peut en revanche s’exercersur les migrations. Mais comme celle-ci estaussi limitée, il n’est pas trop difficile non plusde réaliser des simulations dans ce domaine.

Pour les évolutions présentées ci-dessous,l’Office fédéral de la statistique a notammentretenu les hypothèses suivantes :6

(i) taux de natalité : comme nous l’avons in-diqué ci-dessus, celui-ci était de 1,39 enl’an 2002 contre 1,48 encore en 1999. Ilconvient de préciser que ce taux était de1,27 pour les Suissesses, de 1,51 pour lesétrangères qui vivent en Suisse et vien-

1 Concernant le chapitre 3, vous trouverez une étude deréférence à l’adresse suivante : www.kfk.admin.ch/Etudes / Wirtschaftliche Probleme einer alternden Be-völkerung: Übersicht und grundsätzliche Aspekte,Kirchgässner G., Universität St. Gallen.

2 Le taux de natalité donne le nombre moyen d’enfantsqu’une femme mettrait au monde dans sa vie, si la fé-condité spécifique à l’âge, au cours d’une année donnée,restait constante jusqu’à la fin de la période de procréa-tion. Comme il naît davantage de garçons que de filles,ce chiffre doit être supérieur à 2,0 pour que la popula-tion ne diminue pas. Le taux net de reproduction indi-que le nombre de filles, mises au monde par une femmequi serait soumise aux conditions de fécondité et demortalité observées durant l’année considérée, atteig-nant elles-même en moyenne l’âge de reproduction.Concernant ces définitions, voir Wanders A.-C. et Heiniger M. (2003, p. 25 s.).

3 Voir Annuaire statistique de la Suisse 2005, tableauT1.3.4.2, p. 87.

4 Sur les concepts de population stationnaire et de popu-lation stable, voir, par exemple Hinde A. (1998. p., 164 ss.).

5 Le rapport de dépendance de jeunes est le rapport despersonnes de 0 à 19 ans à celles de 20 à 64 ans ; le rap-port de dépendance des personnes âgées est le rapportdes personnes âgées de plus de 65 ans à celles de 20 à64 ans. Voir Wanders A.-C. et Heiniger M. (2003, p. 17).

6 Concernant les différentes hypothèses, voir Office fédé-ral de la statistique (1996a, p. 13ss. ; 2002a, p. 19ss.).– Outre celles présentées ici, une quantité d’autres va-riantes ont été calculées.

Page 39: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

37 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

2020, et à 3000 personnes après 2045.Dans le scénario «dynamique positive», leflux migratoire est tout d’abord plus éle-vé, mais il se contracte plus fortement parla suite tout en demeurant positif. Dansle scénario «dynamique négative», lesolde migratoire est même négatif entre2005 et 2040.10

Les résultats essentiels des trois scénariosprincipaux de l’évolution démographique sontréunis dans le tableau 3.1.11 Dans un premiertemps, l’effectif de la population va encoreaugmenter. Le scénario «tendance» envisageune croissance jusqu’en 2028 où la populationatteindra son effectif maximum de 7,42 mil-lions de personnes. Par la suite, la populationcommence à décroître pour parvenir, en 2060,à un niveau plus bas qu’actuellement. Dans lescénario «dynamique positive», la populationaugmente de manière continue si bien qu’en2060, son effectif est supérieur de 20% au niveau actuel. Le scénario «dynamique néga-tive» prévoit en revanche une décroissance, dès2006, de la population dont l’effectif est, en2060, inférieur de 21% à la valeur enregistréeen l’an 2000. Ces différentes évolutions n’ontque peu d’influence sur le rapport entre les sexes : la part des femmes augmente certes légèrement dans tous les scénarios, mais laproportion se situe toujours entre 104 à 106femmes pour 100 hommes.

Des différences plus nettes se manifestent sil’on considère la part des étrangers. La crois-sance plus forte de la population résulte nonseulement d’une plus forte fécondité, mais sur-tout d’une plus forte immigration. Dans le scé-nario «tendance», le taux d’étrangers sera, en2030, supérieur de neuf pour cent au niveauactuel, mais le chiffre absolu des Suisses, du faitdes naturalisations, aura aussi augmenté jus-que là. Le scénario «dynamique négative» pré-voit une légère baisse de la part d’étrangers jusqu’en 2030 et un recul de leur nombre absolu à partir de 2007. Dans le scénario «dy-namique positive», en revanche, tant le nom-bre absolu que le taux des étrangers augmentede manière continue.

Les transformations les plus profondes semanifestent toutefois dans la composition parâge. Comme le montre aussi le graphique 3.1, lapart des personnes âgées va augmenter aux dé-pens des jeunes et de la population active. Lerapport de dépendance des personnes âgées,quiétait de 25% en l’an 2000, va, selon tous les scé-narios, progresser jusqu’après l’an 2030 avantde se stabiliser vers 42 à 43 % selon les scénarios«tendance» et „«dynamique positive» et vers 45à 46% dans le scénario «dynamique négative».La croissance plus soutenue prévue par le scé-nario «dynamique positive» n’a manifestementpas de grosse influence dans ce domaine. Il n’en

nent de l’UE ou de l’EEE, et de 2,76 enfinpour les étrangères ne venant pas de lazone UE-EEE.7 Dans son scénario «ten-dance», l’Office fédéral de la statistiqueadmet que le taux de natalité va à nou-veau légèrement augmenter pour attein-dre le niveau de 1,5 auquel il restera. Vula situation actuelle, cette hypothèse pa-raît plutôt optimiste. Parmi les autrespossibilités figurent une baisse du taux denatalité à 1,2 (hypothèse «basse») ou uneaugmentation à 1,8 (hypothèse «haute»).

(ii) quotient de mortalité (espérance de vie) :en 2002, l’espérance de vie à la naissanceétait de 77,6 ans pour les hommes et de83 ans pour les femmes.8 Tous les enfantsde ressortissants de la zone UE-EEE et lesfilles, des autres étrangers avaient uneespérance de vie supérieure à celles desenfants de parents suisses. Dans le scéna-rio «tendance», l’espérance de vie aug-mente jusqu’en 2060 pour s’établir à 82,5ans pour les hommes et à 87,5 ans pourles femmes. Selon l’hypothèse «basse»,elle sera de 79,5 ans pour les hommes etde 85 ans pour les femmes et, selonl’hypothèse «haute», de respectivement85,5 ans et 90 ans.

(iii) migration : en 2002, le solde migratoireétait de 47 655 personnes ; 2 576 Suissesont émigré et 50 231 étrangers ont im-migré.9 Selon tous les scénarios, l’immi-gration va considérablement diminuer.Dans le scénario «tendance», le solde mi-gratoire est inférieur à 4000 dès l’année

Rapport annuel 2005

7 Le nombre des naissances pour 1000 habitants est net-tement plus élevé parmi les étrangers (13,0) que parmiles Suisses (9,0). Si les femmes étrangères ont enmoyenne plus d’enfants, ce n’est pas seulement enraison d’une fécondité différente. En effet, les femmesétrangères ont en moyenne 33,7 ans, soit près de 10 ansde moins que les femmes suisses qui ont, en moyenne 43,4 ans. (Voir : Annuaire statistique de la Suisse 2005, p. 76, tableaux T1.2.1.2.4, p. 89, T1.2.2.2.4.1.)

8 Voir Annuaire statistique de la Suisse 2005, tableauT1.1.1., p. 65 ainsi que l’office fédéral de la statistique(2002, p. 29).

9 A la même place, tableaux T1.2.2.3.2.1 et T1.2.2.3.2.2,p. 96s.

10 Concernant l’explication des soldes migratoires relati-vement faibles qui ont été retenus pour ces prochainesdécennies, voir Office fédéral de la statistique (2002, p. 32ss.).

11 Les chiffres des tableaux et graphiques 3.1 et 3.2 pro-viennent de l’Office fédéral de la statistique (2002) ouont été mis à notre disposition par cet Office.

Tableau 3.1

Evolution attendue de la population, 2000–2060 (données en milliers ou en pour cent)

Année2000 2005 2010 2020 2030 2060

Scénario «tendance»Population au 31.12. 7189 7274 7332 7390 7413 7061Hommes 3512 3553 3582 3610 3616 3455Femmes 3677 3720 3750 3780 3796 3605Suisses 5769 5799 5797 5803 5815 5452Etrangers 1421 1476 1536 1586 1598 1609Proportion d’étrangers 19.8 20.3 20.9 21.5 21.6 22.8Rapport de dépendance des jeunes 37.6 35.6 34.0 32.0 35.6 37.8Rapport de dépendance des personne âgées 25.0 26.3 28.2 33.1 40.8 43.1Rapport total de dépendance 62.6 61.9 62.2 65.1 76.4 80.9

Scénario «dynamique positive»Population au 31.12. 7189 7306 7446 7738 8050 8674Hommes 3512 3568 3639 3786 3939 4271Femmes 3676 3736 3806 3951 4110 4402Suisses 5769 5803 5824 5950 6171 6682Etrangers 1421 1502 1622 1788 1878 1992Proportion d’étrangers 19.8 20.6 21.8 23.1 23.3 23.0Rapport de dépendance des jeunes 37.6 36.2 34.6 34.5 40.8 45.2Rapport de dépendance des personne âgées 25.0 25.9 27.9 32.7 40.5 42.3Rapport total de dépendance 62.6 62.1 62.5 67.2 81.3 87.5

Szenario «dynamique négative»Population au 31.12. 7189 7252 7227 7049 6802 5653Hommes 3512 3542 3529 3439 3309 2740Femmes 3676 3709 3696 3610 3493 2895Suisses 5769 5795 5775 5676 5502 4416Etrangers 1421 1457 1452 1373 1301 1219Proportion d’étrangers 19.8 20.1 20.1 19.5 19.1 21.6Rapport de dépendance des jeunes 37.6 35.9 33.5 29.5 30.6 31.0Rapport de dépendance des personne âgées 25.0 26.0 28.4 33.8 42.1 46.2Rapport total de dépendance 62.6 61.9 61.9 63.3 72.7 77.2

Page 40: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

38 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

va pas de même en ce qui concerne le rapportde dépendance des jeunes. Partant de la valeurde l’an 2000, soit 37,6%, il va, dans le scénariode base, diminuer légèrement dans un premiertemps, puis progresser à nouveau pour attein-dre à peu près le niveau actuel en 2060. Selon lescénario «dynamique positive», ce rapport de-vrait grimper jusqu’à 45,2% alors que, selon ce-lui de la «dynamique négative», il chute à 31%.

Si l’on prend pour indicateur de la chargeles rapports totaux de dépendance, on constateque celle-ci est la plus faible dans le scénario

12 En 2002, le revenu d’équivalence médian des retraitésreprésentait 76% de la valeur de celui des autres ména-ges Calculé selon les données tirées de : Office fédéralde la statistique (éd.), Annuaire statistique de la Suisse2005, tableau T20.2.2.2.1, p. 838.

3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

«dynamique négative», soit lorsque la popula-tion diminue, et la plus forte dans le scénario«dynamique positive», soit lorsque la popula-tion s’accroît. Mais dans les faits, les charges découlant du rapport de dépendance des jeu-nes et du rapport de dépendance des person-nes âgées peuvent être ressenties très différem-ment ; les charges (privées) que représententles enfants et les jeunes sont (aujourd’hui) assumées pour l’essentiel de bon gré alors quela charge que fait peser la population âgée estaujourd’hui sensible pour la plupart surtoutsous forme de prélèvements obligatoires. Ilfaut, d’autre part, tenir compte du fait que lestâches et les dépenses publiques liées au vieil-lissement de la population vont entraîner nonseulement des charges supplémentaires, maisaussi des allégements. Il suffit de songer, parexemple, à l’école et à l’éducation.

Mais l’évolution de la population active estencore plus importante que celle de la popula-tion globale. Le tableau 3.2. présente à cet égarddes indicateurs essentiels. Dans les trois scéna-rios, le taux d’activité global va diminuer,même en équivalents plein temps, bien que letaux d’activité des personnes de 15 à 64 ans va augmenter, en équivalents plein temps aussi,jusque vers l’année 2030 au moins. Le fait quele taux d’activité en équivalents plein tempsaugmente (dans tous les scénarios) un peu plusfortement que le taux d’activité normal mon-tre que les personnes occupées à temps partielvont travailler plus longtemps. Ce phénomèneest certainement imputable à l’intégration crois-sante des femmes dans le monde du travail.

Le nombre de personnes de 65 ans et pluspour 100 actifs de 20 à 64 ans est certainementle plus important. En l’an 2000, il était de 34,5.Dans tous les scénarios, il augmente de ma-nière sensible dès maintenant jusqu’après l’an2030 pour s’établir entre 55 et 60. Si l’on admet, par exemple, que le revenu des rentiersreprésente en moyenne 75% de celui des per-sonnes actives, cela signifie qu’environ trentepour cent du salaire brut doivent être consacrésau financement de la prévoyance vieillesse.12

On peut évidemment remettre en cause les hypothèses retenues pour les scénarios de l’Office fédéral de la statistique. C’est ainsi, parexemple, que dans leurs simulations, R. Münzet R. Ulrich (2001) se basent sur une immigra-tion beaucoup plus forte. Mais le rapport dedépendance des personnes âgées est encoreplus élevé dans leurs scénarios que dans ceuxde l’Office fédéral de la statistique, si bien quela plus forte immigration tend à aggraver leproblème au lieu de l’atténuer.

La comparaison avec l’étranger est égale-ment intéressante. Ainsi qu’il ressort du ta-bleau 3.3., la Suisse a, aujourd’hui déjà, avecl’Italie et après le Japon, l’âge médian le plusélevé des pays considérés. Selon les estimations

Graphique 3.1 : part des différents groupes d’âges dans la population (scénario «tendance»)

100%

80%

60%

40%

20%

0%

2000 2010 2020 2030

part des plus de 64 ans

part entre 20 et 64 ans

part des moins de 20 ans

année

2040 2050 2060

pour

cen

t

0

10

20

30

40

50

60

70

2000 2010 2020 2030 2040 2050 2060

Graphique 3.2 : nombre de personnes de 65 ans ou plus pour 100 actifs en équivalents plein temps de 20 à 64 ans

scénario dynamique négative scénario trend

année

Page 41: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

39 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

des Nations Unies, la Suisse va être encore dépassée par l’Espagne. Mais, un âge médianélevé n’est en soi pas un signal négatif ; il peutsimplement signifier que la population a unelongue espérance de vie. Ce qui est plus pro-blématique, c’est que la Suisse a aussi, après ces trois pays, le plus fort rapport de dépen-dance des personnes âgées attendu pour l’an-née 2050.13 Cela signifie que, de tous les paysconsidérés, c’est la Suisse qui devra faire face àla plus forte charge du fait de l’évolution dé-mographique.

S’il en est ainsi, c’est parce que la Suisse a,en comparaison internationale aussi, un trèsfaible taux de natalité, qui a encore considéra-blement diminué ces trente dernières années.Il convient de relever que, comme nous l’avonsdéjà mentionné plus haut, le taux de féconditédes Suissesses est encore nettement inférieur àcelui des étrangères qui vivent en Suisse.Comme il faut plutôt s’attendre ici à un ajuste-ment vers le bas, l’augmentation à long termedu taux de natalité qui devrait s’établir à 1,5selon le scénario «tendance» paraît plutôt opti-miste. A cet égard, les hypothèses du scénario«dynamique négative» semblent plus réalistes.

Si l’on considère la hausse à laquelle il fauts’attendre jusqu’au milieu de ce siècle, les dif-férences constatées entre les divers scénariosquant au rapport de dépendance des person-nes âgées (et ainsi au nombre attendu en 2060de personnes de 65 ans et plus pour 100 actifsen équivalents plein temps de 20 à 64 ans) sontplutôt insignifiantes. Manifestement, une plusforte migration et/ou une augmentation dutaux de natalité peuvent certes décrisper la situation, mais pas la modifier fondamentale-ment. La comparaison internationale l’attesteaussi : dans d’autres petits pays européenscomme le Danemark, les Pays-Bas et la Suède,qui présentent un taux de natalité plus élevé, lerapport de dépendance des personnes âgées attendu est certes inférieur de 3 à 6 points depourcentage à celui de la Suisse, ce qui réduitd’environ 10 à 20% la charge pesant sur la po-pulation active, mais il reste toujours nette-ment supérieur aux valeurs actuelles corres-pondantes.

3.2 Le financement de la prévoyance vieillesse

A entendre les débats publics, on a parfoisl’impression que le problème du financementde la prévoyance vieillesse concerne, pour l’es-sentiel, l’AVS dans laquelle les personnes âgéessont financées par les jeunes en raison du système de répartition. Il semble beaucoupmoins toucher le 2ème pilier où chacun paie poursoi, si bien que les personnes âgées ne sont pasentretenues par les jeunes, mais vivent de leurspropres économies. Dans cette perspective, il

Rapport annuel 2005

13 Les Nations Unies calculent la part des personnes deplus de 65 ans à l’ensemble de la population alors que le rapport de dépendance des personnes âgées établipar l’Office fédéral de la statistique se réfère aux per-sonnes de 20 à 64 ans. C’est ce qui explique les valeursdifférentes dans les tableaux 3.1 et 3.3.

Tableau 3.2

Evolution de l’activité professionelle, 2000–2060 (données en pour-cent))

Année2000 2005 2010 2020 2030 2060

Scénario «tendance»Taux d’activité global 55.7 56.5 56.8 56.0 53.0 51.9

Taux d’activité global en équivalents plein temps 48.0 49.1 49.8 49.5 46.9 45.8

Taux d’activité des personnes de 15 à 64 ans 80.7 81.1 81.6 82.4 82.5 82.3

Taux d’activité en équivalents plein temps des personnes de 15 à 64 ans 70.1 71.3 72.3 73.9 74.2 73.8

Nombre de personne de 65 ans ou plus pour 100 actifs de 20 à 64 ans 30.1 30.9 33.4 38.9 47.9 50.5

Nombre de personne de 65 ans ou plus pour 100 actifs en équivalents plein temps de 20 à 64 ans 34.5 35.0 37.4 43.1 52.8 55.9

Scénario «dynamique positive»Taux d’activité global 55.7 56.6 56.9 55.6 51.9 50.5

Taux d’activité global en équivalents plein temps 48.0 49.4 50.2 49.5 46.1 44.7

Taux d’activité des personnes de 15 à 64 ans 80.7 81.3 81.9 82.8 82.6 82.2

Taux d’activité en équivalents plein temps despersonnes de 15 à 64 ans 70.1 71.7 73.0 74.7 74.6 73.8

Nombre de personne de 65 ans ou plus pour 100 actifs de 20 à 64 ans 30.1 30.8 33.0 38.3 47.2 49.3

Nombre de personne de 65 ans ou plus pour 100 actifs en équivalents plein temps de 20 à 64 ans 34.5 34.7 36.8 42.2 51.9 54.4

Scénario «dynamique négative»Taux d’activité global 55.7 56.4 56.8 56.4 54.0 52.8

Taux d’activité global en équivalents plein temps 48.0 48.8 49.3 49.3 47.3 46.3

Taux d’activité des personnes de 15 à 64 ans 80.7 81.0 81.4 82.2 82.7 82.8

Taux d’activité en équivalents plein temps despersonnes de 15 à 64 ans 70.1 70.8 71.5 72.9 73.7 73.8

Nombre de personne de 65 ans ou plus pour 100 actifs de 20 à 64 ans 30.1 31.1 33.9 40.0 49.6 54.3

Nombre de personne de 65 ans ou plus pour 100 actifs en équivalents plein temps de 20 à 64 ans 34.5 35.4 38.4 44.9 55.4 60.6

Tableau 3.3

Indicateurs démographiques : comparaison internationale

Part des personnes de plus Âge médian (i) Taux de natalité (ii)

de 65 ans à l’ensemblede la population(i)

2000 2050 2000 2050 1970– 2000–1975 2005

Allemagne 16.3 28.0 39.9 46.8 1.6 1.4Australie 12.3 23.9 35.2 43.7 2.5 1.7Autriche 15.5 30.6 38.3 50.3 2.0 1.3Belgique 17.0 27.2 39.1 46.3 1.9 1.7Canada 12.6 25.7 36.9 45.8 2.0 1.5Danemark 15.0 24.9 38.7 45.3 2.0 1.8Espagne 16.8 35.0 37.4 51.9 2.9 1.2Finlande 14.9 26.4 39.4 45.8 1.6 1.7France 16.0 26.4 37.6 45.1 2.3 1.9Irlande 11.3 24.0 31.9 43.3 3.8 1.9Italie 18.1 34.4 40.2 52.4 2.3 1.2Japon 17.2 36.5 41.3 53.2 2.1 1.3Nouvelle-Zélande 11.8 22.9 34.5 43.7 2.8 2.0Pays-Bas 13.6 24.7 37.6 44.9 2.1 1.7Royaume-Uni 15.9 23.3 37.7 43.8 2.0 1.6Suèd 17.4 27.0 39.6 46.3 1.9 1.6Suisse 16.0 30.8 40.2 50.6 1.8 1.4Etats-Unis 12.3 20.0 35.2 39.7 2.0 2.1

Sources : (i) Nations Unies (ed.), World Population Prospects, The 2002 Revision, New York ; cité selon :Office fédéral de la statistique (ed.), Annaire statistique 2004 pour l’étranger,2004, tableau 1.3, p. 208 ss.

(ii) Nations Unies (ed.), Human Development Report 2004: Cultural Liberty in Today’s Diverse World, tableau 5, p. 152.

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40 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

paraît judicieux de passer à un système entière-ment couvert par le capital ou, tout au moins,de financer ainsi une partie de l’AVS. Onprésume qu’il serait possible, de cette façon,d’éliminer, ou tout au moins d’atténuer lesproblèmes de financement.

Les économies de toute une génération sontainsi considérées de manière analogue à cellesd’un individu en particulier : on part de l’idéeque si une citoyenne ou un citoyen peut épar-gner et ainsi veiller à assurer son propre avenir,toute une génération pourrait faire de même.David Ricardo a, en 1817 déjà, mis en gardecontre cette conclusion erronée, car le com-portement d’un individu isolé est reporté demanière absurde sur tout un ensemble. Sil’analogie n’est pas admissible, c’est qu’en prin-cipe, dans une société, seul ce qui est produit àune période (dans une année) peut être con-sommé durant cette même période. Tout ceque les rentiers consomment doit donc êtreproduit par la population active, quelle que soit la manière dont le financement de la pré-voyance vieillesse est réglé.14 Lorsque les rentessont financées par capitalisation, la populationactive est peut-être davantage disposée à four-nir sa contribution, mais cela ne change rien aufait qu’elle doit la fournir.

Même s’il est financé par capitalisation, ledeuxième pilier doit faire face à des problèmestout à fait semblables à ceux de l’AVS, commeon a pu le constater très clairement ces dernierstemps lors des débats relatifs au taux d’intérêtminimal et au taux de conversion. La capitali-sation ne change rien au fait qu’une partie tou-jours plus faible (en chiffres relatifs et absolus)de la population doit subvenir aux besoins d’une partie toujours plus grande (relative-ment au moins). Le mécanisme est en principele suivant : les retraités vendent leurs papiers-valeurs aux personnes actives et subviennent àleurs besoins grâce au produit de cette vente.Dans les faits, les caisses de pension transmet-tent des retraités aux personnes actives les droits sur les papiers-valeurs (et autres place-ments) qu’elles détiennent.

En outre, les caisses de pension sont con-frontées à un risque supplémentaire. Selon leprocédé de l’indice mixte actuellement en vi-gueur, les prestations de l’AVS évoluent paral-lèlement à l’économie, mais à un rythme pluslent. Le risque résulte de l’évolution économi-que : moins celle-ci est bonne, moins les rentesaugmentent (en termes réels). Il existe en plusun certain risque politique : si, par exemple,l’âge de la retraite était relevé et/ou l’indicemixte supprimé en faveur d’une compensationpure du renchérissement, les revenus que lespersonnes aujourd’hui actives peuvent atten-dre en compensation des cotisations (déjà ver-sées) se réduiraient.15 Les placements des cais-ses de pension courent en plus un risque (qui

dépend certes aussi de l’évolution économi-que) provenant du marché des capitaux : la va-leur des dépôts des caisses de pension varie enfonction de l’évolution des marchés des capi-taux, ce qui a un effet sur les versements que lesassurés peuvent attendre après avoir atteint l’âge de la retraite. On peut dès lors se deman-der quels sont les risques auxquels on peut rai-sonnablement exposer les retraités et com-ment établir des règlements qui atténuent cesrisques s’ils ne parviennent pas à les éliminercomplètement. Parmi ces règlements figure,tout au moins jusqu’ici, la fixation – très con-testée – du taux d’intérêt minimal par le gou-vernement.

Vient encore s’ajouter, pour les rentes fixéesnominalement, le risque d’inflation : en termesréels, l’inflation réduit chaque année la valeurdes rentes versées. Seule une indexation desrentes à l’évolution des prix peut contrer ce ris-que politique.Comme l’indiquent O.Brunner-Patthey et R. Wirz (2005, p. 23), en se référantà l’Office fédéral de la statistique, 24% des assurés ne bénéficient pas d’une telle compen-sation ; seuls 34% sont complètement et régu-lièrement assurés contre ce risque.

Si l’on entend s’attaquer aux problèmes générés par l’évolution démographique dans lesystème de la prévoyance vieillesse, deux ap-proches sont possibles : on peut tenter de chan-ger l’évolution démographique et/ou réagir àcette évolution par le biais du financement dessystèmes de sécurité sociale. Pour modifier l’évolution démographique, il y a en principedeux possibilités :(i) freiner la modification de la structure des

âges par la politique familiale (ii) freiner la modification de la structure des

âges par l’immigration.

Pour réduire la charge financière qui en découle, il est possible de réagir à l’évolutiondémographique de la manière suivante :(iii) réduire les rentes(iv) augmenter les cotisations(v) relever l’âge de la retraite(vi) avancer l’âge d’entrée dans la vie profes-

sionnelle.

Une autre possibilité est de modifier le fi-nancement, comme cela est aujourd’hui déjàpartiellement prévu :(vii) mettre à disposition des moyens supplé-

mentaires grâce aux recettes fiscales gé-nérales

(viii) augmenter la part des rentes financéespar le système de capitalisation.

Une politique responsable en matière deprévoyance vieillesse se doit d’envisager toutesces possibilités, même si elle ne les utilise ef-fectivement pas toutes.

3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

14 Pour être précis, ceci n’est valable que dans une écono-mie fermée. Les dérogations à ce principe qui sontinévitables dans une économie ouverte comme celle dela Suisse seront discutées ci-dessous. Elles n’apportenttoutefois aucune modification décisive à la situationfondamentale (de la Suisse). – Concernant les avanta-ges et les inconvénients du système de capitalisation,voir aussi Sinn H.-W. (2000) et Breyer F. (2001).

15 Nous estimons qu’en Suisse, le monde politique em-pêcherait un effondrement du premier pilier, c’est-à-dire qu’en Suisse, contrairement à ce qui pourrait sepasser dans d’autres pays, un risque de faillite n’existepas.

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41 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Rapport annuel 2005

des prestations et son adaptation à l’évolutionéconomique étaient maintenus. Pour y répon-dre, nous avons recours aux simulations réali-sées par K. Schluep (2003) en se basant sur lessimulations de l’évolution démographiqueprésentées ci-dessus. Le besoin de financementsera, comme c’est généralement le cas, expriméen points de pourcentage de taxe sur la valeurajoutée.18 Nous examinerons ensuite les effetsque pourraient avoir, sur le besoin de finance-ment, des changements opérés du côté desprestations. A cet égard, nous disposons aussides résultats des simulations de K. Schluep(2003). Nous nous demanderons enfin com-ment couvrir ce besoin de financement.

Les résultats essentiels des simulations de K. Schluep (2003) sont présentés dans le ta-bleau 3.4 qui indique non seulement les pointsde TVA, mais aussi les parts au produit inté-rieur brut qui devraient être consacrées au financement. Le scénario de base, qui prévoitle maintien du statu quo, reprend pour l’évo-lution démographique, le scénario «tendance»traité ci-avant. Partant de la situation de l’an-née 2002, durant laquelle les simulations ontété faites, et des attentes pour 2003, on se baseà partir de 2004 sur une croissance des salairesréels de un pour cent par année et sur un tauxd’inflation qui s’élève à 1,5% jusqu’en 2006 età 2% par la suite.19 L’âge normal de la retraiteest de 65 ans pour les hommes et pour les fem-mes dès 2009. Une anticipation de la rente estpossible dès l’âge de 62 ans. Pour que même lespersonnes ayant un revenu modeste puissenten faire usage, les rentes sont réduites en fonc-tion de la durée de l’anticipation et du revenu.Les prestations complémentaires sont inclusesdans les prestations de l’AVS pour autant qu’el-les concernent des rentiers AVS.

Dans le scénario de base, les besoins finan-ciers de l’AVS s’accroissent de 5,7 points depourcentage jusqu’en l’an 2040 pour atteindre16,5 points. Cette augmentation est supérieurede moitié aux besoins actuels. Elle sera encoreplus élevée si la croissance de l’économies’avère plus faible que prévu et/ou si le vieillis-sement s’accélère. En revanche, elle sera plusmodeste si la croissance de l’économie s’avèreplus soutenue et/ou si le vieillissement se ralen-tit. Dans le meilleur des cas, l’augmentation selimitera à environ 3 points de pourcentage et,dans le pire, elle atteindra 10 points de pour-centage. Compte tenu de l’évolution observéedans les années nonante où la Suisse a traverséune période de faiblesse conjoncturelle20 avecun taux de croissance moyen de tout juste unpour cent, l’hypothèse de un pour cent de crois-sance devrait plutôt constituer une limite infé-rieure. Mais on a relevé, ci-dessus, que le vieil-lissement prévu dans le scénario «tendance»était plutôt trop optimiste. Le scénario pour-rait donc être relativement très plausible : en

Au vu des considérations émises ci-dessus,on peut se demander jusqu’à quel point unrenforcement du système de la capitalisationaux dépens du système de la répartition pour-rait réduire le problème du financement de laprévoyance vieillesse. Finalement, la différenceentre le système de capitalisation et celui de la répartition concerne beaucoup moins la répartition entre les générations que la répar-tition au sein des générations. Il existe toute-fois deux possibilités de réduire quelque peu leproblème de la prévoyance vieillesse par le sys-tème de la capitalisation :(i) si le système de la capitalisation entraîne

une augmentation de l’épargne et, parconséquent, des investissements, le stockde capital à disposition par la suite estplus élevé. Les personnes actives doiventtoujours subvenir aux besoins des retraités,mais il est possible – à population activeégale – de produire davantage et donc dedistribuer aussi davantage, ce qui pour-rait désamorcer quelque peu le conflit.16

(ii) si les montants épargnés sont investis àl’étranger, cela signifie que l’on renonceaujourd’hui à consommer, ce qui permet-tra plus tard une consommation supéri-eure à la production à l’intérieur du pays.Des biens de consommation supplémen-taires peuvent être importés et financéspar la dissolution des avoirs à l’étranger.De cette manière, on peut effectivementfaire porter le fardeau à la génération actuelle et alléger celui des générations fu-tures. A long terme, soit au moment où lapopulation est stationnaire, cette possibi-lité, qui se présente surtout en période detransition démographique, n’a, il est vrai,qu’une faible importance. Elle suppose enoutre que, dans les pays où les investisse-ments sont effectués, la modification de la structure des âges ne soit pas aussi dra-matique qu’en Suisse et que ces pays netentent pas d’agir de la même manière (et, par exemple, opèrent des investisse-ments correspondants en Suisse).17

Il est donc tout à fait judicieux de financerpartiellement la prévoyance vieillesse par lesystème de la capitalisation comme c’est au-jourd’hui le cas pour les caisses de pension.Mais l’on devrait éviter de donner l’impressionque le passage à ce type de financement suffi-rait pour résoudre le problème des généra-tions.

3.3 Le besoin d’adapter le financementde l’AVS

Nous allons,ci-dessous,nous demander toutd’abord quel serait probablement le besoin de financement de l’AVS si le système actuel

16 A l’inverse, si le passage du système de la répartition àcelui de la capitalisation n’entraîne pas une hausse del’épargne, il a certes un impact sur la distribution, maisn’apporte aucun gain en termes d’efficience. Il n’y a, àchaque période, rien de plus à distribuer qu’aupara-vant. Voir aussi à ce sujet Bossworth B., Burtless G. etSahm C. (2004, p. 214).

17 Il existe encore un autre effet de report entre les géné-rations lié au système de la prévoyance vieillesse. Parl’introduction d’un système de répartition, la premièregénération est gagnante car elle obtient une rente alorsqu’elle n’a pas ou n’a que peu cotisé. En revanche, ladernière génération, à savoir celle qui vit au momentpar exemple où le système de la répartition est rempla-cé par celui de la capitalisation, est perdante : si lesdroits existants sont respectés, cette génération doitsubvenir aux besoins de la génération des retraités touten versant des cotisations pour sa propre prévoyancevieillesse. Même si l’on admet que le système de la capi-talisation procure des rendements plus élevés et si lepassage se fait en douceur, il n’est guère possible de leréaliser sans que cette dernière génération ne doivesupporter des charges supplémentaires. Comme l’AVSexiste depuis longtemps déjà et qu’à l’heure actuelleaucun changement même partiel de son système de fi-nancement n’est sérieusement envisagé, nous n’allonspas ici approfondir la question. – Sur les possibilités etles coûts d’un tel passage qui, d’une manière généralene peut être réalisé de manière à obtenir un optimum dePareto, voir, par exemple, J.K. Brunner (1996).

18 Il s’agit, pour être précis d’équivalence en points deTVA. La question est de savoir quel devrait être le tauxde TVA pour couvrir les dépenses. Si l’on en déduit l’é-quivalence actuelle en points de TVA estimée à 10,8points de pourcentage, on obtient le besoin supplé-mentaire. L’équivalence actuelle en points de TVA ré-sulte de l’ensemble des dépenses de l’AVS (y compris lesprestations complémentaires) comparé au produit d’unpour cent de TVA. Pour le calcul, voir K. Schluep (2003,p. 10).

19 Concernant les différentes hypothèses, voir Schluep K.(2003, p. 9 s.).

20 Sur la faiblesse de la croissance en Suisse et sur ses cau-ses éventuelles, voir les contributions dans SteinmannL. et Rentsch H. (2005).

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42 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Comme l’a montré le débat suscité par lespropositions allant dans ce sens faites par leconseiller fédéral Pascal Couchepin en 2003,cette voie «politique la plus simple» n’est pasnécessairement la voie «politiquement la plussimple»; différents obstacles politiques s’y op-posent. Certains refusent d’envisager cette solution, car ils estiment que l’on toucheraitainsi à des droits acquis. D’autres contestentl’existence même d’un problème, puisque lebon fonctionnement de l’AVS pourrait être as-suré avec le système de financement et de pres-tations actuelles si la croissance de l’économieétait suffisamment élevée. D’autres encore pré-tendent qu’une telle mesure est contestable duseul fait déjà que l’âge effectif de la retraite estaujourd’hui sensiblement inférieur à l’âge nor-mal et que, vu la situation conjoncturelle ac-tuelle, les travailleurs âgés n’auraient de toutefaçon guère de chances de trouver un emploi.

Si une partie de la population a l’impressionque l’on va porter atteinte à ses droits, c’est engrande partie à cause des milieux politiques(pas seulement en Suisse) qui, ont trop long-temps ignoré les problèmes qui se dessinaientet transmis à la population le message selon lequel les rentes AVS étaient sûres. Il est possi-ble qu’une croissance économique élevée per-mettrait d’éliminer le problème, mais la crois-sance réelle nécessaire à cet effet ne peut êtreatteinte. Une croissance réelle de deux pourcent par année, qui paraît plutôt optimistecompte tenu de l’évolution récente, ne rédui-rait qu’à environ 15 points de TVA le besoin de financement à partir de l’an 2030. Si l’on ad-met – ainsi qu’il ressort de la comparaison decette évolution avec les scénarios «poursuite dustatu quo» – qu’un taux de croissance moyensupérieur d’un pour cent réduirait le besoin definancement d’environ 1,5 point de TVA et sil’on procède à une extrapolation, on constatequ’il faudrait (ces 35 prochaines années) untaux de croissance moyen de près de 5% pourréduire le besoin de financement de l’an 2040à la valeur actuelle. Hormis le fait que l’extra-polation tendancielle linéaire qui a été réaliséeest problématique (et que la croissance effecti-vement nécessaire est probablement sous-esti-mée), une croissance si élevée ne peut enmoyenne jamais être atteinte. Cela ne signifiepas que la croissance n’aurait aucune influence,mais tout comme le relèvement de l’âge nor-mal de la retraite, elle ne peut fournir qu’unecontribution partielle à la solution du problèmedu financement.

Il peut paraître surprenant, au premier abord, qu’une croissance plus élevée – touteschoses étant égales par ailleurs – atténue les problèmes de financement de l’AVS puisque,finalement, l’évolution du rapport de dépen-dance des personnes âgées reste la même. L’ef-fet est le résultat de l’indice mixte. Il est vrai

3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

l’absence d’intervention politique, il faut s’at-tendre à un besoin supplémentaire de plus decinq points de TVA.

La voie politique la plus simple pour allégerla charge de financement supplémentaire est derelever l’âge réglementaire de la retraite. Cettesolution permet d’accroître les recettes, car lespersonnes actives (respectivement les entre-prises qui les emploient) doivent verser descotisations pendant une plus longue période etde réduire le temps pendant lequel les presta-tions doivent être fournies. Il est question, de-puis quelque temps, de relever progressivement l’âge de la retraite à 67 ans. Comme le montrentles simulations, une telle mesure aurait effecti-vement quelques effets : lors du passage à res-pectivement 66 et 67 ans, le besoin de finance-ment se réduirait de respectivement 0,6 et 1,2point de pourcentage. Ceci ne représenterait, ilest vrai, qu’environ 10 respectivement 20% dubesoin supplémentaire, de sorte que la mesurene suffirait à elle seule de loin pas. Comme le précise K. Schluep (2003, p. 21), il faudrait,outre une augmentation de 1,5 point de la taxesur la valeur ajoutée, fixer l’âge normal de la re-traite à 71 ans pour pouvoir continuer à garan-tir le financement sans avoir recours à de nou-velles sources. Il n’est pas dit que, si l’espérancede vie augmente encore, la retraite à 67 ans soitla dernière limite. Mais un relèvement de l’âgede la retraite à bien plus de 67 ans est envisa-geable dans un avenir si lointain qu’il ne revêtpas d’importance dans les considérations ac-tuelles. Il n’en reste pas moins qu’un relèvementde l’âge normal de la retraite peut contribuer àréduire le problème de financement, mais quecette mesure doit être complétée par d’autres.

Tableau 3.4

Besoin d’adaptations dans l’AVS (y compris les prestations complémentaires)(données en équivalence en points de TVA)

Année2000 2005 2010 2020 2030 2040

SimulationPoursuite du statu quo 10.9 10.8 12.0 13.8 16.2 16.5

(7.2) (7.1) (7.8) (9.1) (10.6) (10.8)

Vieillissement plus marqué 10.9 10.8 12.1 14.4 17.8 19.6(7.2) (7.1) (7.9) (9.2) (11.6) (12.8)

Vieillissement moins marqué 10.9 10.8 11.9 13.4 15.1 14.6(7.2) (7.1) (7.7) (8.8) (9.9) (9.5)

Augmentation plus faible du 10.9 10.8 12.1 14.3 17.1 17.7salaire réel (0,5% par année) (7.2) (7.1) (7.9) (9.3) (11.2) (11.6)

Augmentation plus forte du 10.9 10.8 11.8 13.4 15.5 15.5salaire réel (1,5 % par année) (7.2) (7.1) (7.7) (8.8) (9.9) (9.9)

Vieillissement plus marqué et 10.9 10.8 12.2 14.9 18.8 20.9augmentation plus faible du salaire réel (7.2) (7.1) (8.0) (9.7) (12.3) (13.7)

Vieillissement moins marqué et 10.9 10.8 11.7 12.9 14.4 13.7augmentation plus forte du salaire réel (7.2) (7.1) (7.6) (8.4) (9.4) (9.0)

Âge de la retraite à 66 ans 10.9 10.8 11.9 12.3 15.5 16.0(7.2) (7.1) (7.8) (8.6) (10.1) (10.5)

Âge de la retraite à 67 ans 10.9 10.8 11.9 12.5 14.8 15.4(7.2) (7.1) (7.8) (8.2) (9.7) (10.1)

Compensation pure de l’inflation 10.9 10.8 11.8 13.0 14.4 13.1(7.2) (7.1) (7.7) (8.5) (9.4) (9.1)

Les chiffres entre parenthèses sont les parts du produit intérieur brut (en pour-cent) qui devraient êntre consacées au financement.

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43 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Mais le pessimisme n’est pas pour autant demise. Finalement, l’âge normal de la retraite a bien une influence sur l’âge effectif auquel les gens prennent leur retraite, même avec lechômage que l’on connaît. L’introduction del’âge de la retraite à 67 ans entraînerait doncaussi des changements dans l’activité profes-sionnelle qui permettraient non seulement d’augmenter les recettes de l’AVS, comme nousl’avons expliqué dans le paragraphe précédent,mais aussi d’alléger les charges des autres caisses.

Pour se faire une idée des effets possibles, ilconvient de considérer de plus près le travaildes personnes âgées. C’est ce que nous allonsfaire ci-après ainsi que dans le chapitre 4.1.du présent rapport. Nous remarquerons que l’exercice d’une activité professionnelle dé-pend non seulement de l’âge ordinaire de la retraite, mais également de l’âge auquel il estpossible, au plus tôt, d’anticiper la rente. Lapossibilité de prendre une retraite anticipée,qui donne lieu à des discussions dans le cadrede l’AVS, joue donc aussi un rôle important.On en débat depuis longtemps et beaucoupexigent aussi que les personnes dont les reve-nus sont modestes puissent également en pro-fiter grâce à des taux de réduction atténués socialement et non pas établis selon des tech-niques actuarielles.

Compte tenu du problème de financementdes rentes auquel nous allons être confronté, laretraite anticipée n’est, d’une manière géné-rale, pas une bonne solution. Si autrefois les départs anticipés à la retraite ont été favoriséspar des mesures étatiques – de manière exten-sive en République fédérale d’Allemagne, parexemple – on reconnaît désormais que l’on afait fausse route et on essaie, dans la mesure dupossible, de revenir en arrière. D’autre part, ilne faut oublier que certaines professions nepeuvent guère être exercées jusqu’à l’âge de 65 ans, du fait déjà des aptitudes physiquesqu’elles requièrent. Ce sont d’ailleurs des pro-fessions, comme celles du bâtiment par exem-ple, dans lesquelles on entre relativement tôt.Pour ces professions, on pourrait songer à fairedépendre l’âge de la retraite et/ou, en cas derente anticipée, le taux de réduction non pas de l’âge, mais des années de cotisation. Laquestion des conséquences (y compris finan-cières) d’une telle réglementation mérite toutau moins d’être sérieusement examinée. Il enva de même pour la flexibilisation du passageà la retraite (et de sa prise en considérationdans la formule de rentes).

Une entrée plus précoce dans la vie activepourrait avoir des effets semblables, mais plusfaibles, à ceux d’un relèvement de l’âge ordi-naire de la retraite. Elle ne modifierait certespas le nombre des années pendant lesquelles larente est perçue (ceteris paribus au moins),

Rapport annuel 2005

que, plus la croissance réelle des salaires est forte, plus les rentes AVS sont élevées. Mais, parrapport au revenu, elles sont relativement plusfaibles. Cela signifie qu’avec les mêmes recettesprovenant des cotisations, il est possible desoutenir davantage de retraités. Pour le finan-cement de l’AVS, une croissance économiqueplus solide a donc les mêmes effets qu’un plusfaible relèvement des rentes.

L’argument d’un départ à la retraite actuel-lement précoce suppose, d’une part, que la situ-ation conjoncturelle actuelle (avec une deman-de insuffisante de travailleurs âgés) va persisteret, d’autre part, que l’âge normal de la retraiten’a aucune influence sur le départ effectif à la retraite. Suite à la modification de la structuredes âges, on peut toutefois s’attendre à ce que lademande de travailleurs plus âgés augmente ànouveau, en raison du manque de jeunes. Fina-lement, le premier pas vers un relèvement de l’âge de la retraite pour les deux sexes n’est pro-jeté que pour la prochaine décennie.21 A ce mo-ment, la structure démographique aura déjàconsidérablement changé, comme le montrentles simulations présentées sous chiffre 3.1.

Même si l’âge normal de la retraite n’avaitguère d’influence sur le comportement effec-tif de la population âgée, le relèvement de cetâge permettrait à l’AVS de réaliser des éco-nomies considérables. D’une part, bien des personnes qui travaillent aujourd’hui jusqu’àl’âge de 65 ans resteraient dans la vie profes-sionnelle et verseraient donc des cotisations.D’autre part, bien des personnes qui ne tra-vaillent plus à l’âge de 65 ans devraient aussicontinuer à verser des cotisations, même éven-tuellement réduites. Et enfin, tous ne béné-ficieraient de prestations qu’après avoir atteintl’âge de respectivement 66 et 67 ans. Une par-tie de ces économies pourrait toutefois être réduite à néant du fait de l’apparition d’unchômage supplémentaire. C’est ainsi que lespersonnes n’ayant pas encore atteint l’âge ordinaire de la retraite pourraient demanderune aide sociale et/ou des prestations complé-mentaires et les retraités AVS dont la rente estmodeste pourraient faire valoir leurs droits à des prestations complémentaires à l’AVS.Il y a en outre un autre risque : celui de voir,comme c’est déjà le cas aujourd’hui, les per-sonnes concernées rejoindre les rangs des bénéficiaires de l’assurance-invalidité afin d’améliorer leur situation financière. Plusl’âge augmente, plus ce passage devient – ce-teris paribus – simple, si bien que nombreuxsont ceux qui ont recours à cette possibilité. Ilfaut donc s’attendre à ce que les économiessusceptibles d’être réalisées par les pouvoirs publics grâce à un relèvement de l’âge normalde la retraite ne soient pas aussi élevées qu’onpourrait le penser en considérant uniquementla caisse de l’AVS.

21 Selon la proposition faite par le Conseiller fédéralPascal Couchepin en 2003, l’âge de la retraite pour lesdeux sexes devrait passer à 66 ans en 2015 et à 67 ansdix ans plus tard. Voir : Die Rentenalter-Debatte alsSpektakel : Couchepins Spiel mit Vorschlägen zur Zukunft der AHV, Neue Zürcher Zeitung, no 118 du 23 mai 2003, p. 11.

Page 46: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

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pauvreté des personnes âgées.23 Et finalement,comme nous allons l’examiner ci-dessous, lacouverture des besoins vitaux garantie par l’AVS est aussi une condition nécessaire pourpouvoir faire face aux risques encourus dans ledeuxième pilier.

Quelle que soit la combinaison de mesureschoisie, il reste des besoins de financementsupplémentaires qui doivent être couverts. Al’heure actuelle, l’AVS est financée à raisond’environ deux tiers par les cotisations préle-vées sur les salaires, soit les cotisations des em-ployeurs, des travailleurs et des indépendants.En deuxième position figurent les prestationsde la Confédération qui, en vertu de l’art. 112,al. 5, de la Constitution fédérale, doivent être«financées prioritairement par le produit netde l’impôt sur le tabac, de l’impôt sur les bois-sons distillées et de l’impôt sur les recettes demaisons de jeu». L’AVS est enfin financée pardes recettes de la taxe sur la valeur ajoutée af-fectées à ce but. On peut dès lors se demanderlesquelles de ces sources de financement il con-vient de continuer à exploiter et/ou quellesnouvelles sources de financement pourraientêtre exploitées.

Une augmentation des cotisations seraitpréjudiciable, car elle signifierait une haussedes charges salariales. Elle ne devrait doncguère entrer en ligne de compte. Le produitdes impôts spéciaux utilisé aujourd’hui pour financer l’AVS ne peut être augmenté à vo-lonté. Les coûts plus élevés qui ne peuvent être compensés par des économies devraientdonc être plutôt couverts par des recettes fiscales générales comme, par exemple uneaugmentation de la taxe sur la valeur ajoutée.24

L’évolution va d’ailleurs dans ce sens ; une partie de l’AVS est déjà financée de cette ma-nière.25

Le Danemark peut, à cet égard, servir demodèle. Ce pays finance son filet social trèsétendu presque exclusivement par les impôtsdirects et indirects. Il ne connaît pratiquementpas de contributions sociales. Les impôts in-directs ont pour avantage de ne pas affecter lescharges salariales et, les impôts directs pro-gressifs, de ne guère grever le budget de ceuxdont les salaires sont modestes. Ainsi, la diffé-rence entre le salaire brut et le salaire net est fai-ble pour les hauts revenus et presque nullepour les bas revenus. Ceci favorise l’emploi,surtout dans la catégorie des bas revenus où lechômage est le plus fort, en Suisse comme dansles autres pays européens. De fait, le Danemarka, au sein de l’Union européenne aussi, un tauxrelativement faible de chômage et, contraire-ment à la France et à l’Allemagne par exemple,il est même parvenu à le réduire notablementdepuis 1993 où un niveau maximum avait étéatteint. Ceci plaide en faveur d’un financementpar les impôts progressifs directs ou indirects

mais comme les cotisations seraient versées sur une plus longue période, elles pourraient être légèrement réduites. Cela suppose évi-demment que la qualité de la formation n’enpâtisse pas et que la durée de la vie active soiteffectivement allongée de la période corres-pondante à l’entrée anticipée dans la vie active.Cet allongement n’est guère possible dans lesactivités qui, en raison des efforts physiquesqu’elles exigent, prévoient l’âge réglementairede la retraite après un nombre déterminé d’années de travail. Il est en revanche envi-sageable dans d’autres domaines, tels que le secteur universitaire ou le service public. Laqualité de la formation n’en souffrirait proba-blement guère si l’on abaissait l’âge d’entrée àl’école qui, en comparaison internationale, estassez élevé. On pourrait de même condenser laformation universitaire, comme cela a d’ail-leurs déjà été envisagé dans le cadre des réfor-mes de Bologne. Comme seules les cotisationset non les prestations sont concernées etcomme une anticipation de plus d’une annéen’est guère réaliste, l’impact d’un allongementde la vie active est nettement plus faible si lesgens entrent plus tôt dans le monde profes-sionnel que s’ils y restent plus longtemps. Ilserait encore nettement plus faible que celui du relèvement de l’âge de la retraite à 66 ans,ainsi qu’il ressort du tableau 3.4.

La dernière mesure examinée dans les si-mulations présentées ci-dessus est la suppres-sion de l’indice mixte, les rentes étant dès lorsadaptées uniquement à l’évolution des prix.Les rentes AVS ne doivent pas baisser en termesréels, mais elles ne doivent pas non plus augmenter. Elles sont donc complètement dé-couplées de l’évolution économique. Commeles résultats présentés dans le tableau 3.4 lemontrent, cette variante est celle qui permet deréaliser les plus fortes économies. Cela signifiecertes que les rentes AVS vont relativement di-minuer au fil du temps ; elles correspondraientà une part toujours plus faible du revenumoyen. Pour un temps limité, c’est une optionqui mérite d’être examinée. Mais, à long terme,elle impliquerait que même la rente maximalede l’AVS ne couvrirait plus le minimum vital(déterminé par les aspirations culturelles) quireprésente normalement aujourd’hui 40 à 50%du revenu moyen ou médian. Les retraités quidisposent uniquement de l’AVS tomberaientainsi sous le seuil de pauvreté.22 Cette situationserait contraire au mandat formulé à l’art. 112,al. 2 (d) de la Constitution fédérale qui dispo-se que les rentes AVS «doivent couvrir les be-soins fondamentaux de manière appropriée».Il faudrait des prestations complémentairessupplémentaires pour y parvenir. Deuxième-ment, elle remettrait en question un des butssociaux que l’AVS a largement permis d’at-teindre en Suisse, à savoir la disparition de la

22 C’est tout particulièrement le cas des retraités qui per-çoivent moins que la rente maximale. Voir aussi à cesujet Ecoplan (2003, p. 44 ss.).

23 Sur la pauvreté des personnes âgées en Suisse, voir, parexemple, Leu R.E., Burri S. et Aregger P. (1997, p. 133ss.). Selon eux, le taux de pauvreté diminue avec l’âge,avec une légère augmenentation toutefois dans le groupe des personnes de 70 à 79 ans. .

24 Voir aussi à ce sujet Felder S. (1999) ainsi que Abraham-sen Y. et Hartwig J. (2003, p. 62ss.), qui estiment qu’unfinancement par la TVA présente, comparativement,plus d’avantages qu’un financement par des prélève-ments sur les salaires ou par l’impôt sur le revenu.

25 Il convient toutefois de tenir compte du fait que l’AVSn’est pas la seule oeuvre sociale qui doit être partielle-ment financée par le biais de la TVA. Les déficits de l’AIdoivent également être couverts de cette manière. Ain-si, l’augmentation de la TVA, refusée par le peuple enmai 2004 avec la 11ème révision de l’AVS, devait servir enpremier lieu à assainir l’AI (Voir à ce sujet les argumentsofficiels du Conseil fédéral)(http://www.admin.ch/ch/f/pore/va/20040516/ex-plic/f-pp1213.pdf). Pour financer l’AVS, le recours à laTVA n’est donc que partiellement possible.

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et non par les impôts directs proportionnels,même si, pour une grande partie de la popula-tion suisse, les cotisations à l’AVS représententpratiquement un impôt sur le revenu du travail.

Des taxes sur l’énergie et/ou le CO2 tellesqu’elles ont été proposées dans le Concept depolitique économique libérale développé par laCommission pour les questions conjoncturel-les en 1999 à l’attention du conseiller fédéralCouchepin pourraient constituer une solution(partielle) de remplacement.26 A l’époque, ondiscutait d’un transfert des retenues salarialesvers une taxe sur l’énergie et/ou le CO2 sansmodification de la quote-part de l’Etat, toutcomme dans l’article constitutionnel soumisau vote du peuple en septembre 2000. Cette so-lution aurait non seulement réduit les chargessalariales, mais également eu des effets positifssur l’environnement.

Mais les citoyennes et les citoyens ont reje-té cette proposition tout comme la 11ème révi-sion de l’AVS qui prévoyait une modeste réduction des prestations et une augmentationde la taxe sur la valeur ajoutée en vue de finan-cer l’AVS (et l’AI). Ce résultat doit être accep-té, mais cela ne change rien au fait que l’AVSest confrontée à un énorme problème de financement à long terme. Dès lors, des pro-positions semblables seront à nouveau soumi-ses au peuple et ce sera au Conseil fédéral et auParlement de convaincre les citoyennes et lescitoyens de la nécessité de ces mesures. Cecivaut autant pour une augmentation de la taxesur la valeur ajoutée que pour une taxe sur l’énergie et/ou le CO2.

L’introduction d’un impôt national sur lessuccessions pourrait être une autre option va-lable et ce, pour deux raisons. D’une part, sur leplan économique, l’impôt sur les successionsest probablement, hormis les taxes purementincitatives (avec des taux raisonnables), l’impôtle moins dommageable ; il entraîne compara-tivement moins de distorsions que les impôtssur le capital, sur la consommation ou sur le re-venu.27 Deuxièmement, les cantons se livrentaujourd’hui, en matière d’impôt sur les succes-sions, qui est pour l’instant un impôt stricte-ment cantonal au contraire par exemple desimpôts sur le revenu, à une course vers le bas(«Race to the bottom»), tout au moins en ce quiconcerne la charge de la descendance biologi-que,. Comme la perte de recettes subie par lescantons du fait de la baisse ou de la suppressionde l’impôt sur les successions doit être com-pensée par le prélèvement d’impôts économi-quement plus dommageables, une harmonisa-tion sur le plan national serait judicieuse sur leplan économique. La question a déjà été abor-dée il y a quelques années.28 Les réactions dansl’ensemble négatives qui ont alors fusé ont tou-tefois montré que cette option, tout à fait envi-sageable sur le plan économique, n’est politi-

quement pas réalisable dans un proche avenir.Il n’est toutefois pas exclu qu’elle soit repriseplus tard.

Durant la campagne qui a précédé la vota-tion de 2004, la nécessité d’un financementsupplémentaire de l’AVS a été contestée no-tamment avec l’argument que les réserves d’or, respectivement les bénéfices, de la Banquenationale pouvaient être utilisés à cet effet.L’intention était d’employer toutes les réservesexcédentaires, ce qui aurait porté atteinte auxdroits des cantons et n’aurait donc guère étéréalisable. Avec leur référendum contre le pa-quet fiscal, les cantons ont en effet montré, enmai 2004, qu’ils savent défendre leurs intérêts(avec l’aide aussi des votants). Depuis lors, cesréserves ont été distribuées conformément à la situation juridique en vigueur. Pour subven-tionner l’AVS, il reste au mieux à disposition lapart de la Confédération. Or, les bénéfices attribués à la Confédération ne représententqu’une infime partie de ce qui est nécessairepour financer à long terme le découvert. Dèslors, l’utilisation des bénéfices de la Banque nationale en faveur de l’AVS ne changerait rienau problème de principe (et à la nécessité detrouver des sources de financement supplé-mentaires pour l’AVS).

3.4 Problèmes généraux du deuxième pilier29

Nous avons déjà souligné, ci-dessus, que lescaisses de pension, financées à l’aide du sys-tème de la capitalisation, sont tout d’abord également affectées par l’évolution démogra-phique. Cela signifie que les montants des co-tisations et/ou les taux de conversion doiventêtre adaptés à l’évolution démographique.D’autre part, elles sont exposées à des risquessupplémentaires. Pour limiter ces risques, ilfaut soumettre les caisses aux principes actuai-res d’une solution d’assurance avec garantiesde revenu, si bien qu’elles obéissent finalementaux mêmes conditions générales que le pre-mier pilier basé sur le système de répartition.Sur le plan économique, les différences entreles deux systèmes, ne sont pas aussi impor-tantes qu’on ne le suppose généralement.(H. Zimmermann et A. Bubb 2002, p. 24.)

On peut dès lors se demander pourquoi nepas financer l’ensemble de la prévoyance vieil-lesse par répartition. Pourquoi est-il judicieuxde financer le deuxième pilier selon un autresystème que le premier pilier? Pour répondre àces questions, il convient d’examiner les avan-tages et les inconvénients des deux systèmes.

Les deux raisons essentielles qui plaident enfaveur du système de la capitalisation ont déjàété mentionnées ci-dessus. Ce sont générale-ment les rendements plus élevés du système dela capitalisation qui sont cités en premier lieu.

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26 Concernant le financement partiel de l’AVS par une taxe sur l’énergie, voir aussi Kirchgässner G. et SaviozM. (1995).

27 Concernant l’appréciation économique de l’impôt surles successions, voir aussi, par exemple, H.S. Rosen(1988, p. 492 ss.).

28 Voir: V. Spoerry, Die Erbschaftssteuer – ein neuer Zank-apfel: Verlagerung des Steuersubstrats auf Bundes-ebene?, Neue Zürcher Zeitung no 245 du 22 octobre1997, p. 15.

29 Quelques problèmes fondamentaux auxquels les caissesde pension sont confrontées du fait de l’évolution dé-mographique sont abordés dans cette section. Les pro-blèmes actuels de ces caisses tels que, par exemple, lesdécouverts dus à la chute des rendements sur les mar-chés des capitaux au début de ce siècle, seront traitésau chapitre 4.2. du présent rapport.

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3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

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Comme nous l’avons expliqué ci-avant, ce pro-cédé consiste à transmettre des titres de re-venus des rentiers aux personnes actives ; cesdernières paient les titres et les premiers re-çoivent leurs rentes.Comme le capital a été pla-cé et dégage ainsi un rendement réel, la sommeà distribuer aux rentiers est, à chaque période,supérieure aux cotisations prélevées auprès despersonnes actives. Ceci permet de fournir lesmêmes prestations avec des cotisations plusfaibles (ou des prestations plus importantesavec les mêmes cotisations versées).

Le rendement d’un système financé selon larépartition correspond, selon le «paradoxe dela sécurité sociale» de H. Aaron (1966), à lasomme des taux de croissance de la populationet des salaires.30 Lorsque l’évolution est équili-brée, avec un taux de salaires constant et unepopulation constante, il correspond au taux decroissance du produit social. Si la populations’accroît, il est supérieur à ce taux et si la po-pulation diminue, comme cela semble pro-bable en Suisse dans le futur, il est inférieur. Lerendement du système de la capitalisation cor-respond en revanche au taux d’intérêt réel, etcela indépendamment du taux de croissance dela population.31 Plus une population diminue,plus il a tendance, – toutes choses étant égalespar ailleurs – à être supérieur au rendement dusystème financé par répartition ; plus la popu-lation croît, plus il a tendance - toutes chosesétant aussi égales par ailleurs – à lui être infé-rieur. Comme l’effectif de la population va, se-lon toute probabilité,diminuer à l’avenir, la ba-lance penche plutôt en faveur du système de lacapitalisation.

Il faut, il est vrai, tenir compte du fait queles frais administratifs sont considérablementplus élevés dans le système de la capitalisationque dans celui de la répartition.32 Ce phéno-mène réduit le rendement que l’on peut atten-dre. Si l’on considère d’autre part qu’entre1980 et 2000, les rendements réels des obli-gations de la Confédération ont atteint 2,05%,soit 0,61% de plus que le taux de croissance duproduit intérieur brut qui s’est établi à 1,44%,on peut s’attendre à ce que ces prochaines dé-cennies le rendement du système de la capita-lisation soit supérieur à celui du système de larépartition, même si les frais administratifs nesont pas négligeables.

Plus le rendement qu’il permet d’atteindreest élevé, plus le financement par capitalisationest avantageux pour les personnes concernées.Un rendement plus élevé signifie certes aussiun risque plus grand. Mais l’on peut admettrede faire courir aux citoyennes et aux citoyen-nes un certain risque raisonnable puisque (res-pectivement dans la mesure où) le premier pilier financé par répartition (et donc non ex-posé aux risques du marché des capitaux)couvre les besoins vitaux. On peut tout au

moins leur laisser la possibilité de prendrelibrement des risques si ceux-ci promettent unrendement plus élevé (et ainsi des rentes plussubstantielles par la suite). On devrait d’autrepart, donner aussi une sécurité à ceux quisouhaitent un placement sûr. Dans tous les cas,les personnes qui bénéficient déjà d’une rente fixe devraient être assurées contre les risquesdécoulant du marché des capitaux.

La méthode choisie pour garantir une tellesécurité a été, à côté d’autres réglementations,de fixer un taux d’intérêt minimal, qui a étélongtemps de 4% (en termes nominaux).Après l’an 2001, il n’a plus été possible de réa-liser ces 4%, si bien que le taux a dû être réduit,suscitant de très vives réactions dans le publicqui considérait que l’on avait dilapidé en par-tie leurs rentes.33 Depuis lors, la situation s’estquelque peu calmée dans la mesure où les mo-difications du taux d’intérêt minimal ne pro-voquent plus de fortes réactions, mais laquestion n’est pas judicieusement réglée, loins’en faut.Le taux d’intérêt nominal est toujoursfixé de manière discrétionnaire par le seulConseil fédéral.

Cette réglementation présente deux énor-mes points faibles : d’une part, elle s’oriente sur le taux d’intérêt nominal et, de l’autre, elle exige toujours des décisions politiques. Au dé-but des années nonante, l’ancienne réglementa-tion, qui fixait le taux d’intérêt minimal à 4%,était très désavantageuse pour les personnesconcernées. A l’époque, le taux d’inflation étaiten effet souvent nettement supérieur à 4%. En1991, par exemple, où le taux d’inflation a at-teint en moyenne près de 6%, l’octroi du seultaux d’intérêt minimal signifiait une diminu-tion réelle du capital épargné de près de 2%. Parailleurs, les rentes qui ne bénéficiaient pas d’une compensation du renchérissement ont,cette année-là, diminué en terme réel de tout ju-ste 6%. Selon O. Brunner-Patthey et R. Wirz(2005,p.23),près d’un quart des rentiers ont étéaffectés par une telle baisse et 43% d’entre euxont également dû s’accommoder d’une réduc-tion réelle, modeste il est vrai, de leur rente.34

Le deuxième problème, c’est que l’adapta-tion du taux d’intérêt minimal exige à chaquefois un acte politique qui suscite des résistan-ces. Lorsque le taux d’intérêt minimal est ré-duit, comme cela a été le cas ces dernières an-nées, la décision est contestée par ceux quipaient aujourd’hui des cotisations et voientleurs rentes futures s’amoindrir. Lorsqu’il estaugmenté, ce sont les compagnies d’assurancesqui s’insurgent contre la décision. Ces réac-tions pourraient être évitées si l’on passait àune politique obéissant à des règles très préci-ses. Deux possibilités sont envisageables. Onpourrait, premièrement, proposer un tauxd’intérêt réel minimal de un pour cent parexemple. Si l’on admet que le taux d’intérêt réel

30 Voir à ce sujet F. Breyer (1990, p. 22).31 Le taux d’intérêt réel peut toutefois, comme nous allons

le préciser ci-après, dépendre (surtout dans une écono-mie fermée) de la composition de la population (et ain-si, indirectement, de son taux de croissance aussi).Dans cette mesure, l’évolution démographique peutaussi influencer le rendement du système de la capitali-sation. Voir aussi à ce sujet les considérations émises auchapitre 4.2 du présent rapport.

32 Voir à ce sujet O. Brunner-Patthey et R. Wirz (2005, p.45 ss.).

33 Voir, par exemple, à ce sujet : Gewerkschaftskongress inbewegten Zeiten – Grundsatzdebatte: AHV und zweiteSäule, Neue Zürcher Zeitung no 237 du 12 octobre 2002,p. 16.

34 Une indexation des rentes à l’inflation exigerait, il estvrai, un taux de conversion plus bas. La fixation du tauxde conversion tient aujourd’hui implicitement comptequ’avec le temps les rentes de la prévoyance profession-nelle baissent, en termes réels, à cause de l’inflation.

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ne sera guère inférieur à un pour cent parannée, même pour les papiers-valeurs à intérêtfixe, une telle exigence à l’égard des assureursn’est certainement pas exagérée. Ils peuvent fi-nalement y satisfaire, même en pratiquant unepolitique de placement très conservatrice.

Si une telle règle était introduite, la défini-tion du taux d’inflation adéquat pourrait donner lieu à des discussions. Les difficultés ne devraient toutefois pas être insurmonta-bles puisque le même problème se pose pour la compensation du renchérissement au ni-veau des revenus sans soulever de complica-tions majeures. Pour éviter cette discussion, onpourrait aussi lier le taux d’intérêt minimal aurendement des obligations de la Confédéra-tion.35 Comme ce dernier réagi à l’évolution del’inflation, les assurés seraient, au moins du-rant la phase d’épargne, protégés contre les ef-fets du renchérissement. En revanche, le risquedécoulant de l’inflation pour les rentiers ne se-rait pas réglé. Seule une indexation (partielleau moins) des rentes permettrait de le faire.Tout comme dans le cas d’un rattachement àun taux d’intérêt réel, une telle rémunérationdu capital est possible, même avec une straté-gie de placement très conservatrice, et peutdonc être exigée des assureurs.

Le deuxième avantage (éventuel) – men-tionné ci-dessus – d’un financement par ca-pitalisation est la possibilité de reporter effec-tivement dans le futur la consommationd’aujourd’hui. Si l’on investit (uniquement)dans le pays et si – l’effectif de la population devenant toujours plus âgé – les personnes ac-tives ne sont pas disposées à épargner davan-tage que les générations précédentes de sorteque l’épargne diminue, le cours des papiers-valeurs qui seront transmis de l’anciennegénération à la génération active va baisser desorte que le rendement du système de la capi-talisation va aussi diminuer. Cela n’est pas lecas lorsque les papiers-valeurs sont conservéset aliénés à l’étranger.

En opérant des placements à l’étranger, il estdonc possible de reporter la consommation d’aujourd’hui au futur non seulement de ma-nière individuelle, mais aussi pour toute unesociété. Il est bien sûr nécessaire que le paysétranger possède une structure des âges dif-férente et qu’il ne tente pas de procéder de lamême manière. Comme l’évolution va êtrepratiquement la même, à quelques nuancesprès, dans tous les pays de l’OCDE, ainsi qu’ilressort du tableau 3.3, il est nécessaire, pourobtenir l’effet désiré, d’investir dans des payshors OCDE qui ont une population nettementplus jeune. Ces placements sont, il est vrai,exposés à des risques supplémentaires qui doi-vent être pris en considération. De plus, lesrendements sur ces marchés ne sont, jusqu’ici,pas plus élevés que dans la zone OCDE.36 En

outre, les fonds de pension des pays de l’OCDEprivilégient beaucoup les actifs nationaux,même si leurs poids a quelque peu diminuédans les années nonante. En 1996, les actifs extérieurs des pays de l’OCDE que sont la Bel-gique, l’Irlande, le Japon, les Pays-Bas, la Suisse,le Royaume-Uni et les Etats-Unis s’élevaient à 17% seulement. Et seule une partie était in-vestie sur des marchés émergents.37 Même si l’on estime, avec l’OCDE, que cette part vaaugmenter à l’avenir, seule une infime partiedu problème pourra, dans le meilleur des cas,être résolue de cette manière.

Tout ceci ne parle pas en défaveur du sys-tème de la capitalisation comme moyen de fi-nancer la prévoyance vieillesse, surtout si lesbesoins vitaux sont couverts par l’AVS baséesur le régime de la répartition. On constatetoutefois que ce système présente des risquessupplémentaires qui doivent être pris au sé-rieux. Une partie de ces risques peut être com-pensée ou tout au moins fortement atténuéepar une réglementation judicieuse. Une autrepartie est acceptée dans l’attente de plus hautsrendements. Tout dépend de la manière dontles deux systèmes de financement sont combi-nés. L’OCDE (2004a, p. 69) estime aussi qu’àcet égard, le modèle suisse des trois piliers esten principe judicieux. Cela ne signifie toutefoispas que la situation actuelle est optimale ouqu’il ne serait pas indiqué de procéder, toutcomme dans l’AVS à des réformes.

3.5 L’évolution de l’activité profession-nelle (I) : le travail à un âge avancé38

Les considérations émises dans les deux sections précédentes concernaient, en quelquesorte, la manière de guérir les symptômes :le vieillissement attendu de la population et l’augmentation du rapport entre retraités etactifs qui en résulte ont été acceptés et les moyens de financement ont été discutés. Maisune question fondamentale est de savoir si l’on doit tout simplement accepter l’augmen-tation de ce rapport (dans cette mesure tout aumoins) ou s’il y a moyen de réduire ce rapportet ainsi la charge toujours plus lourde qui vapeser sur la population. Nous avons déjà, dansle chapitre 3.2, envisagé diverses possibilités etcelle d’un relèvement de l’âge réglementaire dela retraite a été examinée au chapitre 3.3.

Comme nous l’avons déjà relevé, le passé récent a été marqué par les efforts déployés envue de permettre aux citoyennes et aux citoyensde partir plut tôt à la retraite. Les exigencescroissantes de la vie professionnelle consti-tuaient l’une des raisons invoquées à cet égard.Il a été constaté que bien des travailleurs n’étaient plus aptes, avant même d’avoir atteintl’âge de la retraite, d’exercer leur profession sibien qu’ils ont été mis au bénéfice des presta-

35 Une proposition allant dans ce sens a récemment étéfaite par un groupe d’experts. (Groupe de Réflexion(2005) Elle n’a cependant pas eu un grand succès. Voir à ce sujet H. Ryser, Radikaler Vorschlag zu Pen-sionskassen: Die Ratschläge einer Expertengruppe hät-ten Rentenkürzungen von bis zu 25 Prozent zur Folge,Sonntags-Zeitung no 29 du 17 juillet 2005, p. 59.

36 Voir OCDE (1999, p. 81). 37 Ebenda, p. 82 s. 38 Voir aussi à ce sujet, le chapitre 4.1 du présent rapport.

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3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

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tions de l’assurance invalidité (AI) jusqu’à l’âge de la retraite. D’autre part, la mise à la re-traite anticipée était considérée comme un ins-trument judicieux de la politique du marchédu travail : en quittant prématurément le mondeprofessionnel, les travailleurs âgés libéraientdes emplois pour les jeunes, réduisant ainsi lechômage dans cette catégorie de travailleurs.Au cours des deux dernières décennies, l’âgeeffectif de la retraite a donc baissé alors que,dans le même temps, l’espérance de vie aug-mentait.39 Comme les travailleurs, surtout ceuxqui gagnaient bien, pouvaient se permettre deprendre une retraite anticipée, une partie dudébat de politique sociale sur la révision del’AVS a porté sur les moyens de donner aux bé-néficiaires de revenus modestes la possibilitéde prendre aussi une retraite anticipée (après62 ans) grâce à des aménagements sociaux.

Nous ne contestons pas qu’il peut être judi-cieux, comme nous l’avons signalé ci-dessus,de donner aux travailleurs de certains secteursd’activité exigeant un dur travail physique lapossibilité de prendre la retraite avant que l’âge limite fixé aujourd’hui soit atteint. Sur leplan politique général, il serait contre-produc-tif d’étendre la retraite anticipée au momentoù l’âge ordinaire de la retraite devrait plutôtêtre relevé. Les efforts devraient plutôt se con-centrer sur un allongement de la durée du tra-vail des personnes âgées. Dans ce sens, l’OCDE(1999, p. 21) souhaite, par exemple, que les sys-tèmes de rentes, d’imposition et de prestationssociales soient réformés de façon à supprimertant les incitations financières à quitter pré-maturément le marché du travail que les in-citations négatives en vue de reporter le débutde retraite.

Indépendamment de l’âge réglementaire dela retraite, trois problèmes doivent retenir l’at-tention :(i) les incitations à prendre une retraite anti-

cipée devraient être éliminées sans pourautant que ceux qui envisagent de partirplus tôt à la retraite, même sans de tellesincitations, aient trop de difficultés à lefaire;

(ii) ceux qui souhaitent continuer à travailleraprès avoir atteint l’âge ordinaire de la re-traite doivent avoir la possibilité de le faire;

(iii) il devrait être possible d’aménager ensouplesse le passage de l’activité profes-sionnelle à la retraite. On peut envisager,pour les personnes âgées, des emplois àtemps partiel, même avant l’âge ordinairede la retraite, pour autant que la durée dutravail au-delà de cet âge soit étendue enconséquence.

Mais une question encore plus fondamen-tale est de savoir s’il est nécessaire de fixer unâge réglementaire de la retraite. L’obligation de

mettre fin à l’activité professionnelle (aumoins dans la forme où elle a été exercée jusquelà) à partir d’un certain âge peut être perçuecomme une discrimination en raison de l’âge.40

Aux Etats-Unis, la Cour suprême a, sur la basede cet argument, interdit la fixation de certai-nes limites qu’elle a jugées contraires à la cons-titution.41 Cela n’exclut pas le droit de perce-voir une rente AVS à partir d’un certain âge. Ilparaît judicieux de fixer, à l’avenir aussi, l’âgeréglementaire d’une manière générale ou enfonction des années de cotisation. Cela ne si-gnifie pas qu’il faille nécessairement quitter lavie active pour autant. Celle-ci pourrait, dansde nombreux domaines en tout cas, être éten-due au-delà de cet âge. Tous les revenus du travail réalisés après avoir atteint cet âge limiteseraient soumis à redevance. Un usage étendude cette possibilité permettrait d’alléger beau-coup le financement de l’AVS.

Différentes réglementations sont envisa-geables. Les personnes qui n’ont pas encoredroit à la rente maximale pourraient, si elles ledésirent, continuer à cotiser à l’AVS jusqu’à l’obtention du montant maximal, et ensuiteseulement percevoir leur rente. Il est possible,depuis la 10ème révision de l’AVS de 1997 déjà,d’ajourner le versement de la rente AVS de cinqans au maximum. Rares sont toutefois ceux quien ont fait usage jusqu’ici.42 Elles pourraientaussi toucher leur rente AVS avec une réduc-tion correspondante (actuariellement neutre).Toutes les personnes qui peuvent déjà préten-dre à une rente complète devraient aussi pou-voir la percevoir. Toute autre réglementationinciterait à cesser toute activité professionnelleune fois l’âge réglementaire atteint.

S’agissant du deuxième pilier, en revanche,il serait possible de trouver des réglementa-tions individuelles qui permettent de choisirentre une vie active plus longue avec des coti-sations plus faibles et une vie active plus courteavec des cotisations plus élevées.43 Celles-cidevraient être neutres sur le plan actuariel. Iln’y a aucune raison que l’Etat prescrive un âgeréglementaire déterminé. Aujourd’hui déjà,certaines caisses de pension ont effectivementdifférentes réglementations, mais à l’heure actuelle le droit de percevoir la rente complètepeut être anticipé et non reporté, pour autantque l’âge prévu diverge de l’âge réglementaire.

La réaction des femmes au relèvement de 62à 63 ans de l’âge de la retraite intervenu en 2001(sur laquelle nous reviendrons en détail auchapitre 4.1) montre bien que l’âge réglemen-taire de la retraite exerce une influence consi-dérable sur la durée de la vie professionnelle.Mais même s’il n’y avait plus d’âge réglemen-taire officiel, l’âge à partir duquel naît le droità une rente AVS serait, dans les faits, un âge réglementaire. A cette date, la vie profession-nelle serait considérablement réduite (prati-

39 Voir à ce sujet A. Balthasar et O. Bieri (2003, p. 45) ain-si que P. Wanner (2005, p. 73).

40 Voir à ce sujet B.S. Frey, Altersdiskriminierung ist unge-recht: Der Ausschluss von Senioren aus dem Erwerbs-leben schadet der Wirtschaft, NZZ am Sonntag no 34 du3 novembre 2002, p. 22.

41 Aux Etats-Unis, une loi qui interdit la discrimination enraison de l’âge a été édictée en 1967 déjà. Voir à ce sujethttp://www.dol.gov/dol/topic/discrimination/age-disc.htm.

42 Selon l’étude de A. Balthasar et O. Bieri (2003, p. 167),seul 1,8 % des personnes qui ont atteint l’âge ordinairede la retraite AVS a choisi d’ajourner le versement deleur rente. Toutefois, 9,7 % l’auraient fait si elles enavaient déjà la possibilité au moment de leur départ à laretraite. 8,4 % des personnes qui n’ont pas encore l’âgede la retraite envisagent de différer le versement deleur rente.

43 On peut aussi tenir compte ici du problème mentionnéplus tôt, à savoir que, dans certaines professions, l’u-sure physique est plus grande de sorte qu’un départ à laretraite plus tôt que la moyenne est justifié (voir aussi àce sujet le chapitre 4.1). Le problème est que bien despersonnes exerçant ce genre de professions ne peuventquitter prématurément la vie active, car elles ne béné-ficient d’aucune prestation du deuxième pilier (ou dansle meilleur des cas, d’une rente très modeste seule-ment).

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Rapport annuel 2005

49 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

quement comme c’est le cas avec l’âge régle-mentaire actuel).44 Finalement, si les gens nepartent pas plus tôt à la retraite, bien qu’ils en aient en principe la possibilité, c’est essentiel-lement parce qu’ils ne peuvent financièrementse le permettre.45 Le revenu joue à cet égard unrôle majeur : dans le quartile inférieur (jus-qu’à environ 25 000 francs de revenu annuel),c’est-à-dire là où l’AVS constitue généralementle seul revenu des personnes âgées, le taux deretraite anticipée est de 10,1% seulement alorsque dans le quartile supérieur (revenu annuelsupérieur à 104 000 francs), il atteint 53,7%46.)La possibilité de prendre une retraite anticipéeest utilisée par 41,1% des personnes qui dispo-sent de moyens provenant de la prévoyanceprofessionnelle et par 10% seulement de cellesqui ne bénéficient d’aucune prestation dudeuxième pilier.47 Le deuxième pilier est aussila source de financement essentielle à laquelleces personnes ont recours directement aprèsavoir pris leur retraite anticipée. Il représenteen effet une part de 61,4%.48 «D’une manièregénérale, on constate que plus les avoirs (pro-jetés) de la prévoyance professionnelle sontélevés plus tôt les gens partent à la retraite49.»Dès lors, ce sont surtout les personnes à re-venus modestes qui travailleraient plus long-temps si l’âge de la retraite était relevé. Il est fré-quent, aujourd’hui déjà, qu’elles travaillentau-delà de l’âge légal de la retraite. Il convienttoutefois de préciser qu’il s’agit souvent d’in-dépendants.50

L’âge ordinaire de la retraite n’est pas le seulfacteur important pour la durée de la vie ac-tive. L’âge auquel il est possible pour la pre-mière fois d’anticiper la rente joue égalementun rôle majeur. Comme nous l’avons vu ci-dessus, cette constatation s’applique davan-tage à la prévoyance professionnelle qu’à l’AVS.Il y a un très fort pourcentage de travailleurs àrevenus élevés (et ayant des droits à des rentesélevées) qui saisissent la première possibilitéqui s’offre à eux de prendre la retraite.51 Si l’onveut augmenter le taux d’activité du grouped’âge de 55 à 64 ans, il est donc judicieux,comme l’a fait récemment le Conseil fédéral,de relever l’âge minimum auquel il est possiblede percevoir une rente anticipée.52 Dans la me-sure où la diminution de rente en cas de retraiteanticipée est correcte sur le plan actuariel, il ya conflit avec les principes libéraux : de queldroit peut-on exiger d’une personne qu’ellecontinue à travailler si, une fois qu’elle a mis finà son activité professionnelle, elle entend vivreuniquement de sa propre fortune? Quelle dif-férence peut-on faire entre la fortune privée etla fortune accumulée dans le cadre de la pré-voyance professionnelle?

Mais les mesures qui permettent aux per-sonnes âgées de travailler à temps partiel ou depasser progressivement de la vie active à la re-

traite sont plus importantes, et moins problé-matiques sur le plan éthique. Selon R. Widmeret A. Sousa-Poza (2003, p. 23), 15% des hom-mes et 10% des femmes qui ont dépassé l’âgede la retraite mais ont moins de 75 ans souhai-teraient continuer à travailler.53 Pour prolon-ger la durée de la vie active, le potentiel est doncconsidérable. Toutefois, parmi les personnesencore actives, on trouve beaucoup d’indépen-dants, mais peu de travailleurs aux revenus éle-vés.54 On peut supposer que si des possibilitésd’emplois leur étaient proposées, bien des per-sonnes de ce groupe seraient disposées à con-tinuer à travailler.

Il ne faut toutefois pas oublier qu’en com-paraison internationale, la Suisse occupe uneposition très favorable. Selon l’OCDE (2005,p. 148), rares sont les Etats de l’organisationdans lesquels l’âge effectif de la retraite des tra-vailleurs de sexe masculin, est plus élevé quechez nous où il s’établit à un peu plus de 62 ans.En outre, dans la catégorie des 55 à 64 ans, laSuisse est le pays qui, en comparaison interna-tionale, enregistre le taux de participation à lavie active le plus élevé. Quant aux incitationsfiscales qui ne sont pas favorables à la poursuited’une activité professionnelle à l’âge de respec-tivement 60 et 65 ans, elles sont inférieures à lamoyenne des Etats de l’OCDE. Le fait que biendes personnes seraient disposées à continuer àtravailler à un âge avancé ne signifie pas que lemonde politique doit rester les bras croisés : ilfaut créer des conditions cadres qui rendent at-tractives ou facilitent l’exercice d’une activitéprofessionnelle à un âge avancé.

3.6 L’évolution de l’activité profession-nelle (II) : le travail des femmes

Allonger la durée de la vie active des per-sonnes âgées permet d’alléger le fardeau quefait peser l’évolution démographique. Mais onpeut aussi tenter d’influencer directement cetteévolution. Comme nous l’avons indiqué ci-dessus, cela peut se faire soit par des mesuresvisant à augmenter le taux de natalité, soit parl’immigration. Vu le fort pourcentage d’étran-gers qui vivent en Suisse, une immigrationmassive, même si elle était souhaitable, seraittrès difficile à faire accepter sur le plan politi-que. En outre, comme le montrent les simula-tions présentées au chapitre 3.1, les consé-quences démographiques d’une politiqued’immigration plus agressive seraient plutôt li-mitées. Dans la mesure où les étrangers s’intè-grent et adoptent, en matière de fécondité,le comportement de la population suisse, l’im-migration peut tout au plus atténuer provi-soirement le problème. Et s’ils ne s’intègrentpas, un taux de natalité très élevé dans la po-pulation étrangère provoquerait d’autres pro-blèmes sociaux qu’il serait très difficile de gé-

44 Au moment où l’âge de la retraite AVS est atteint, letaux d’activité recule de 41 à 16% chez les hommes, et de 37 à 9% chez les femmes Voir à ce sujet R. Widmeret A. Sousa-Poza (2003, p. 7) ainsi que A. Balthasar etO. Bieri (2003, p. 37 s.).

45 A. Balthasar und O. Bieri (2003, p. 56) ont demandé aux personnes qui ne prennent pas ou n’ont pas prisune retraite anticipée les motifs de leur décision :39,6% de celles qui n’ont pas encore atteint l’âge de laretraite et 35,6% de celles qui l’on déjà atteint ont dé-claré qu’elles ne pouvaient pas ou n’avaient pas pu, sepermettre d’anticiper la rente pour des raisons finan-cières (plusieurs réponses étaient possibles).

46 Voir A. Balthasar et O. Bieri (2003, p. 70 s.).47 Ebenda, p. 71.48 Ebenda, p 174 s.49 Ebenda, p. 151.50 Ebenda, p. 67 s., 150.51 Ils y sont parfois forcés par leur employeur, ou alors ce-

lui-ci finance leur départ anticipé à la retraite. 10,2%des hommes indiquent qu’ils ont anticipé leur rente enraison de l’offre avantageuse faite par leur employeur.Voir à ce sujet chapitre 4.1, A. Balthasar et O. Bieri(2003, p. 51).

52 Voir : Kein Feierabend vor 58: Bundesrat krebst beimRenten-Mindestalter etwas zurück, Neue Zürcher Zei-tung no 134 du 11 juin 2005, p. 13 – Cela ne signifie évidemment pas qu’un départ anticipé à la retraite soittout à fait impossible. Il peut par exemple intervenir, sil’employeur le souhaite, par le biais de versements fic-tifs en contre partie desquels le travailleur ne doit plusfournir de prestations. Cette solution revient, tout aumoins pour l’employeur, beaucoup plus cher qu’une re-traite anticipée, raison pour laquelle elle ne devrait êtreque rarement choisie. On peut dès lors admettre que l’âge minimum officiel exerce une influence considéra-ble sur le comportement effectif, en dépit de cette possibilité de contourner le règlement. Voir aussi à cesujet OCDE (1999, p. 49 s.)

53 Parmi les femmes et les hommes qui ne sont plus actifsavant même d’avoir atteint l’âge officiel de la retraite,les pourcentages sont nettement plus élevés. – Selon P.Wanner (2005, p. 81), seuls 7% des personnes qui ontdépassé l’âge de la retraite sont encore actives. Selonl’étude de A. Balthasar et O. Bieri (2003, p. 78), 12,7%des femmes âgées de 63 à 71 ans et 19,5% des hommesde 65 à 73 ans exercent encore une profession. Voir aus-si à ce sujet les données fournies dans le chapitre 4.1.

54 Voir à ce sujet A. Balthasar et O. Bieri (2003, p. 79).

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3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

50 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

rer sur le plan politique. Mener une politiqued’immigration pointue n’est pas une solutionvalable pour résoudre le problème démogra-phique.55

On peut dès lors se demander s’il est possibled’augmenter le taux de natalité qui, commenous l’avons vu, est très faible en comparaisoninternationale et, le cas échéant, comment lefaire. La première mesure à prendre est d’amé-liorer les moyens de concilier la vie familiale etla vie professionnelle.56 Si le taux de fécondité estfaible en Suisse,c’est en partie parce qu’il est par-ticulièrement difficile de concilier famille et tra-vail : les conjoints qui souhaitent élever des enfants doivent, en règle générale, renoncer àtravailler les deux à temps complet. Dans lemeilleur des cas, un des deux conjoints peutassumer un travail à temps partiel. Et, dansnotre société, c’est généralement la femme quiprend un emploi à temps partiel. Pour les fem-mes hautement qualifiées, cette solution est peuattractive, car elle réduit massivement, si ce n’estcomplètement, leurs chances de faire unecarrière. Résultat : 40% de toutes les femmesqui, en Suisse, possèdent une bonne formation(formation tertiaire achevée) n’ont pas d’en-fant, comme le relève l’OCDE dans un dernierrapport.57

Permettre aux femmes de mieux concilierfamille et profession leur donnerait l’occasionnon seulement d’avoir davantage d’enfants,mais aussi d’étendre leurs activités profession-nelles.58 Il est vrai qu’en comparaison interna-tionale, la Suisse a des taux d’activité qui sontparmi les plus élevés pour les hommes, maisaussi et surtout pour les femmes avec 73,9% en2004. Ce taux n’est que très légèrement infé-rieur à celui enregistré dans les pays scandina-ves que sont la Suède, la Norvège et le Dane-mark et il ne devrait plus guère augmenter.59

D’autre part, en dépit des horaires officielsrelativement longs que l’on connaît en Suisse,la durée annuelle effective du travail, en heurespar emploi, n’est pas courte en comparaisoninternationale, mais pas spécialement longuenon plus. Elle atteint en effet 1556 heures, cequi, selon l’OCDE, place la Suisse au 19e rang.La durée annuelle du travail n’est plus courteque dans 8 des 27 Etats pris en considération.60

Cela est probablement dû au fait que la part desfemmes qui ne travaillent que quelques heurespar semaine est relativement élevée et qu’elle aaugmenté depuis le début des années nonantealors que la part des femmes qui travaillent àtemps complet a plutôt diminué durant cettepériode. Elle était inférieure à 30% pour lesfemmes âgées de 30 à 50 ans.61 Ainsi, de 1991 à2002, sur toutes les femmes actives, la part desfemmes travaillant à temps complet a chuté de53,4 à 41,1%.62

Il convient en outre de relever que les fem-mes, en particulier celles dont le revenu est éle-

vé, n’ont financièrement souvent pas intérêt,lorsqu’elles ont des enfants, à travailler à tempscomplet. Comme le montre M. Bütler (2005),en se référant à la situation dans le canton deZurich, une femme mariée qui a deux enfantset un revenu de 60 000 francs (alors que son ma-ri gagne 100 000 francs) fait une mauvaise af-faire si elle travaille plus de deux jours par se-maine. Chaque jour de travail supplémentairefait baisser son revenu net. Ce phénomène estdû au système fiscal qui, au niveau fédéral ain-si que dans une série de cantons, est toujoursbasé sur le schéma traditionnel de la famille oùl’époux seul exerce une activité lucrative. Lafemme qui travaille est fortement discriminée.Les frais de garde des enfants pèsent encore pluslourds. A chaque jour de travail supplémen-taire, les frais de garde augmentent alors que ledroit de bénéficier d’un soutien public dimi-nue. De plus, selon la jurisprudence du Tribu-nal fédéral, les frais de garde des enfants ne sont,en principe, toujours pas déductibles.63

Cela signifie que les femmes mariées, enparticulier celles qui bénéficient de revenusélevés et donc de meilleures qualifications aussi, ont une décision singulière à prendre.Soit elles renoncent à avoir des enfants – ce que 40% d’entre elles font aujourd’hui – et peuventainsi se consacrer entièrement à leur dévelop-pement professionnel, soit elles ont des enfantset renoncent entièrement ou partiellement àexercer une activité professionnelle. Consé-quences : dans le premier cas, le nombre desnaissances baisse et, dans le second, la perfor-mance économique de la Suisse diminue àcourt terme et un capital humain précieux seperd à long terme.

Si l’on entend modifier cette situation, laseule solution est de veiller à ce qu’il soit pos-sible de mieux concilier la vie familiale et la vieprofessionnelle. Dans ce domaine, ce sont lespouvoirs publics qui sont interpellés, à savoirdavantage les cantons et les communes que laConfédération. Dans le chapitre 4.4 du présentrapport, nous allons montrer que, parmi lesmesures éventuelles qui y sont discutées, deschangements dans l’offre concrète de places d’accueil extra-familial pour enfants offrent lesmeilleures perspectives pour étendre effective-ment et de manière sensible l’activité profes-sionnelle des femmes et augmenter le taux denatalité (p. 85). Les frais de garde ne doivent pas dépendre trop étroitement du revenu pouréviter l’effet décrit ci-dessus, à savoir une pertede revenus pour les femmes hautement quali-fiées dont le taux d’activité est élevé. Finale-ment, une part considérable des dépenses con-senties par les pouvoirs publics est compenséenon seulement à court terme par un plus forttaux d’activité, mais à long terme aussi par uneréduction de la perte en capital humain que re-présentent les femmes en âge de travailler.

55 Cela n’exclut pas que la Suisse mène une politique ju-dicieuse en matière d’immigration. Il ne faudrait toute-fois pas en attendre une réduction sensible des problè-mes liés à l’évolution démographique.

56 Voir aussi à ce sujet le chapitre 4.4 du présent rapportqui traite en détail de cet aspect.

57 Voir à ce sujet les données présentées dans OCDE(2004), tout particulièrement en comparaison avec cel-les relatives au Danemark figurant dans OCDE (2002).

58 Voir aussi à ce sujet les propositions de l’OCDE dans S. Bühler (2004).

59 Voir OCDE (2005a, p. 240). 60 Voir ebenda, p. 255. 61 Voir, ci-après, chapitre 4.1, graphique 4.2.2.62 Voir Rapport social 2004, chapitre 1, section Activité à

plein temps et à temps partiel, http://www.sidos.ch/socialreport/socialreport04/fr/frc1i07.html

63 Voir Commission d’experts sur l’imposition de la famille(1998, p. 34 s.), ainsi que la jurisprudence du Tribunalfédéral, par exemple Archives 39, 513 ; Archives 56,371. – Ceci n’exclut pas que, dans quelques cantons, cesfrais soient déductibles, en partie au moins.

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51 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Il va de soi que les conditions fiscales doivent aussi être adaptées : la pénalisation dumariage par le système d’imposition doit êtresupprimée. Des modifications au niveau de l’organisation s’imposent aussi.64 Nous avonsbesoin non seulement d’un plus grand nombrede places d’accueil pour les enfants en bas âge,mais aussi d’horaires continus dans les écoleset, pour ceux qui le souhaitent, de prises encharge des enfants à la journée.65 A cet égard,les Etats scandinaves pourraient servir de mo-dèles. Alors qu’ils disposent aussi d’un revenuélevé par habitant, ils parviennent, grâce à unsystème exemplaire de prise en charge des enfants, à conserver des taux de natalité nette-ment plus forts qu’en Suisse, comme le mon-tre le tableau 3.4. L’effectif de ces sociétés se réduit certes aussi, mais de façon plus lente, desorte que le rapport entre retraités et actifs pré-vu pour l’année 2050 est aussi plus bas.

De telles mesures sont efficaces, comme l’ont montré P.Apps et R. Rees (2004) dans uneétude internationale comparative. Dans lespays qui connaissent l’imposition individuelleet un système d’aides financières à la garde desenfants, le taux d’activité des femmes est plusélevé, la part des femmes qui travaillent àtemps complet est plus grande et le taux de na-talité plus fort. Comme nous le verrons dans lechapitre 4.4, une telle combinaison de mesuresaurait, en Suisse, des effets à trois niveaux :(i) dans les familles à bas ou moyens reve-

nus, les conjoints pourraient plus facile-ment être tous deux actifs sans que leurtaux de fécondité baisse ou que la gardedes enfants n’en pâtisse,

(ii) pour les femmes qualifiées bénéficiant derevenus moyens à élevés, une extensionde l’activité à temps partiel ou un emploià plein temps seraient plus attractifs,

(iii) les femmes jouissant d’une bonne for-mation seraient davantage incitées àavoir un ou plusieurs enfants.

En Suisse, une telle politique aurait des ef-fets positifs sur le taux de natalité. En effet, ledésir d’avoir des enfants est plus grand que nele laisse penser le nombre effectif des naissan-ces et, dans les sondages, le motif fréquemmentinvoqué pour expliquer le faible nombre d’en-fants est la difficulté de concilier famille et car-rière professionnelle.66 Mais une telle politiquene changerait pas radicalement la situation dé-mographique en Suisse.Le désir d’avoir des en-fants ne dépend pas uniquement de facteursinstitutionnels tels que les structures d’accueilpour enfants. L’attitude générale par rapportaux enfants est aussi importante et l’on doit sedemander dans quelle mesure celle-ci est posi-tive. Plus une société est âgée, plus les enfantspeuvent être ressentis comme des élémentsperturbateurs, en raison déjà du bruit qu’ils

font. Aujourd’hui déjà, des actions en justicesont parfois intentées pour faire cesser ce bruit.67 On pourrait ainsi voir apparaître uncycle infernal : plus une société est âgée, pluselle a besoin d’enfants pour survivre, maismoins elle se montre tolérante envers les en-fants. La politique devrait donc aussi faire ensorte que notre société soit plus favorable aux enfants, mais ses possibilités sont, il est vrai,très limitées.

3.7 L’évolution des coûts de la santé etdes soins

Avec l’âge, le recours aux prestations du sys-tème de santé augmente de manière sensible.Tant les prestations médicales que celles desoins sont concernées. P. Zweifel (1990, 1990a)a défendu la thèse (étayée par des recherchesempiriques) selon laquelle, contrairement auxapparences, le vieillissement de la populationn’a pas d’influence significative sur les coûts dela santé. En effet, ce sont au cours des deux der-nières années de vie que les coûts sont les plusimportants, quel que soit l’âge du patient aumoment de son décès. Cela n’exclut toutefoispas une influence du vieillissement dans la me-sure où les personnes âgées, même lorsqu’ellesjouissent d’une santé relativement bonne, ontbesoin d’un soutien médical plus importantque les jeunes. Il n’est pas exclu non plus que,du fait des progrès techniques de la médecinequi permettent d’augmenter l’espérance devie, l’évolution démographique ait une in-fluence, indirecte au moins, sur les coûts de lasanté.

F. Outreville (2001) a étudié la question ense basant sur un échantillon d’environ 15 000personnes qui sont assurées par une grande or-ganisation internationale à Genève et vivent,dans leur majorité en Suisse, en France et dansle reste de l’Europe. Il en ressort, d’une part,que pour les personnes de plus de 70 ans quisont décédées, les coûts des soins prodiguésdurant les deux dernières années de vie dimi-nuent nettement, mais que pour celles qui ontsurvécu, ces coûts ont considérablement aug-menté : ils sont trois fois plus élevés pour lespersonnes de 80 à 89 ans que pour celles de 30 à 39 ans. Cela signifie que certes une partconsidérable de la hausse des coûts s’expliqueeffectivement par la mortalité plus élevée avecun âge plus avancé et pas directement par l’âge, mais que l’âge a malgré tout une in-fluence non négligeable.

L’augmentation, avec l’âge, des coûts des soins est toutefois plus importante. En consi-dérant les soins prodigués dans les établisse-ments médico-sociaux et par les organisationsd’aide à domicile (Spitex), on constate qu’ils sesont élevés, en 2003, à 7,2 milliards de francs,qui représentent 14,5% des dépenses de san-

64 Concernant les facteurs institutionnels qui rendent plusdifficiles la conciliation de la vie familiale et de la vieprofessionnelle, voir aussi S. Mühleisen et R. Widmer(2004).

65 Concernant l’harmonisation des horaires scolaires, voirB. Wirz (2004), sur l’impact des écoles à horaire continuqui est positif non seulement pour les mères, mais éga-lement pour les enfants, voir, par exemple, C. Aeberli etH.-M. Binder (2005).

66 Voir à ce sujet A. Küng Gugler (2004, p. 10) ainsi que lesréférences qui y sont citées.

67 Voir, par exemple, à ce sujet : Aus dem Bundesgericht:Der Spielplatz als Lärmquelle – Umweltschutzrechtgrundsätzlich anwendbar, Neue Zürcher Zeitung no 72du 27 mars 1997, p. 16.

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3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

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té.68 Une étude de l’Obsan/Irer (2004) prévoit,pour la période allant de 2001 à 2030, une augmentation réelle de près de 125% (2,7% par année), ce qui donnerait un montant de 12,5 milliards de francs représentant 2,7% du produit intérieur brut. Le niveau élevé descoûts s’explique par le fait qu’aujourd’hui déjà195 000 personnes doivent être soignées à do-micile et 80 000 personnes dans des institu-tions, car elles ne sont plus à même de vivre auquotidien de manière autonome. Il existe ce-pendant des différences considérables entre lescantons. Si un peu moins de 15% des person-nes de plus de 80 ans sont placées en institu-tion dans les cantons de Vaud, du Valais et duJura, plus de 25% le sont dans le canton deSchaffhouse, et même plus de 32% dans le can-ton de Glaris.69

Les coûts ainsi pris en considération ne re-présentent qu’une partie des coûts que sup-porte la société. Il ne faut en effet pas oublierles prestations fournies à domicile par desmembres de la famille. Le vieillissement crois-sant de la population ne va pas seulement en-traîner une augmentation de la proportion depersonnes qui nécessitent des soins. Il faut aus-si s’attendre à ce que la part des soins fournispar les membres de la famille diminue. Cettesituation découle du fait que les personnesâgées nécessitant des soins auront moins d’en-fants susceptibles de les soigner.70 Il faut donccompter sur une hausse des coûts qui sera su-périeure à celle qui est nécessairement liée à l’évolution démographique. Ainsi, B. Fuhrer etal. (2003, p. 18), par exemple, tablent sur uneaugmentation moyenne des coûts de 2,8% parannée jusqu’en l’an 2040. Sur cette hausse quiatteint au total 208%, un bon tiers seulementest de nature démographique. Le reste est dû àd’autres évolutions. A cet égard, les progrèsmédicaux et techniques jouent certainementaussi un rôle.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’as-surance-maladie (LAMal) en 1996, les coûtsdes soins de longue durée sont partiellementpris en charge par l’assurance-maladie obliga-toire, qu’ils soient prodigués dans un hôpital,un établissement médico-social ou à la maison.Sont couverts tant les frais de diagnostic et detraitement que l’aide apportée aux personnesà l’autonomie limitée qui ont besoin de soutienpour accomplir les activités de la vie quoti-dienne. Les autres prestations telles que les aides familiales ou l’hébergement dans un éta-blissement médico-social sont à la charge despatients qui peuvent toutefois obtenir des pres-tations des assurances sociales. S’ils ne dis-posent pas de moyens propres suffisants pourpayer les frais restants, ils ont droit à des pres-tations supplémentaires de l’AVS ou à une aide sociale. La majeure partie des coûts à lacharge des personnes à revenus modestes est

donc couverte par des contributions publi-ques. Pour les personnes disposant d’un reve-nu moyen et d’un peu de fortune, un séjourdans un établissement médico-social peut enrevanche revenir très cher. Il arrive qu’elles per-dent ainsi toute leur fortune et qu’elles se re-trouvent, si leur revenu ne suffit pas, tributai-res des prestations des pouvoirs publics. Enréalité, pour la majeure partie de la population,les économies ne sont pas suffisantes pourpayer les coûts lorsque la personne âgée exigebeaucoup de soins. Les soins de longue duréeconstituent aujourd’hui un des rares risquessociaux à ne pas être suffisamment couvert parla sécurité sociale.

Faut-il dès lors introduire une assuranceobligatoire? Une assurance obligatoire de soinsdevrait couvrir les frais jusqu’ici pris en chargepar l’assurance-maladie, mais surtout ceux qui résultent d’un séjour dans un établisse-ment médico-social. Tout comme l’assurance-maladie obligatoire, elle devrait être basée surle principe de la solidarité : les primes pour-raient (et devraient probablement aussi) êtreéchelonnées en fonction de l’âge d’entrée etnon du risque individuel. Pour éviter un problème d’antisélection, il faudrait, si l’on re-nonce à une caisse unique, prévoir une com-pensation des risques, tout comme dans l’as-surance-maladie. Si tel n’était pas le cas, lesassurances seraient tentées de se renvoyer les«mauvais risques». En outre, les citoyennes etcitoyens disposant de revenus modestes au-raient probablement besoin que l’Etat leur ac-corde une réduction de prime.

On peut toutefois aussi renoncer à une as-surance obligatoire et s’en tenir à la situationactuelle. Une éventuelle assurance complé-mentaire facultative destinée à couvrir lescoûts du séjour dans un établissement médico-social va, pour autant que l’on puisse les esti-mer, fixer les primes en fonction du risque in-dividuel. Les citoyennes et les citoyens ayantdes revenus et/ou une fortune modestes necontracteraient probablement pas une telle as-surance puisque, comme nous l’avons vu, ilssont aujourd’hui assurés dans les faits par l’Etatet que rien ne les incite à payer des primes pour une assurance complémentaire privée.Les seules personnes susceptibles de contracterune telle assurance sont celles qui ont de hautsrevenus et/ou de grandes fortunes et souhai-tent les protéger afin de les léguer. On assiste-rait donc, au sein du groupe des «riches», à uneredistribution entre ceux qui ne nécessiterontpas de soins vers ceux qui en exigeront. Le restede la population ne serait pas touché, maisassuré dans les faits par l’Etat (et l’assurance-maladie obligatoire).71

Dans ce domaine, les assurances privées ontun inconvénient majeur : si elles sont bien ar-mées pour compenser les risques au sein d’une

68 Voir Office fédéral de la statistique, 50 milliards pour lasanté, Communiqué de presse, Neuchâtel, 21 mars2005.http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/the-men/gesundheit/gesundheitsversorgung/kosten__finanzierung/medienmitteilungen.html

69 Voir à ce sujet E. Guilley (2005)70 La baisse de l’importance de la communauté familiale

traditionnelle ainsi que la hausse de la mobilité jouentprobablement aussi un rôle.

71 Il ne serait, en réalité, pas complètement assuré puis-que, aujourd’hui, le montant annuel maximal des pres-tations complémentaires est fixé à 30 000 francs. LeConseil fédéral souhaite que cette limite soit suppriméedans le cadre d’un nouveau régime de financement dessoins. Voir à ce sujet Conseil fédéral (2005).

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Rapport annuel 2005

53 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

cohorte, elles le sont moins pour les risquesauxquels sont exposés tous les membres d’unecohorte. Or, il s’agit d’un aspect essentiel d’uneassurance de soins, car les évolutions au seind’une cohorte ne sont pas indépendantes l’une de l’autre et elles sont en outre corréléesdans le temps. Il n’est effectivement guère pos-sible d’assurer complètement le risque de soinsoù la limite est, en règle générale, fixée par lenombre maximal de jours de soins et/ou lasomme maximale versée.72 Si de telles assuran-ces sont peu intéressantes pour les soins auxpersonnes âgées, elles se prêtent parfaitementpour couvrir, par exemple, des cures. Dès lors,la demande de telles assurances est faible.73 Sil’on n’intoduit pas une assurance obligatoire,la majeure partie de la population n’aura doncpas d’assurance. Cela n’est pas nécessairementun problème dans la mesure où les coûts desoins adéquats sont pris en charge par l’Etat,respectivement la caisse-maladie, lorsque lesindividus ne peuvent y faire face.

Par rapport à la solution d’une véritable as-surance, le système actuel a pour avantage d’inciter plus fortement les personnes, aumoins celles qui jouissent d’un revenu oud’une fortune élevée, à veiller aux coûts. Pourcelles dont la fortune est restreinte, ce systèmeincite à la dépenser puisqu’elle risque d’être ré-duite à néant. Il n’est toutefois pas certain quecet argument ait une grande importance. Fi-nalement, bien des personnes dont les revenussont faibles à moyens épargnent bien que leurséconomies ne seront jamais assez importantespour pouvoir financer les soins nécessairespendant une longue période. Elles ne sont ma-nifestement pas sensibles à cette incitation.

Indépendamment de la question d’une as-surance obligatoire, il est indispensable de réduire autant que possible la hausse des coûtsdes soins (sans en diminuer la qualité pour au-tant). Il s’agit d’accroître l’efficience. Il existedifférentes voies possibles pour améliorer l’ef-ficience. L’une d’elles est la dérégulation. Onpourrait aussi songer à un système de bonséchangeables tel qu’il a été proposé par P. Zwei-fel et al. (1994). Un tel bon n’est rien d’autrequ’un subside qui peut être utilisé uniquementdans un but défini. Il permet toutefois à celuiqui l’a reçu d’acheter le service auprès du four-nisseur de son choix. Il couvre le prix du ser-vice acheté auprès d’un fournisseur efficient sison détenteur ne dispose pas de ressources pro-pres. Si le bénéficiaire est à même d’assumertout ou partie des frais, la valeur du bon est ré-duite. En conséquence, toutes les aides directesaux établissements médico-sociaux ou aux aides familiales devraient disparaître. Les per-sonnes concernées (respectivement les mem-bres de leur famille) ont ainsi, pour autantqu’un choix existe, la possibilité de chercher,dans le domaine des soins, des prestations de

haute qualité à des prix favorables, soit de veil-ler à un bon rapport prix-prestations, et sontincitées à le faire.

On peut encore se demander dans quellemesure l’assurance (ou l’Etat) devrait verserdes indemnités aux membres de la famille quifournissent des soins. Il serait ainsi possible decréer des incitations afin que les personnesâgées soient à nouveau davantage soignées à lamaison. De sérieuses économies pourraientainsi être réalisées puisque les soins à domicilereviennent, en général, bien meilleur marchéque les soins prodigués dans des établisse-ments. Mais il faut se méfier des effets d’au-baine : l’assurance (et/ou l’Etat) devraientpayer pour des prestations qui, jusqu’ici, étai-ent fournies gratuitement.

Quel que soit le financement des soins auxpersonnes âgées, il faut tenir compte du faitque les coûts de ces soins à la charge de la so-ciété vont augmenter si l’on ne veut pas violerle principe selon lequel les citoyennes et les ci-toyens à revenus modestes ont aussi le droit àdes soins conformes à la dignité humaine. Lesmesures visant à accroître l’efficience peuventcertes réduire les coûts, mais elles ne peuventpas neutraliser à long terme la hausse des coûts due à l’évolution démographique. Le fi-nancement des soins doit être considéré nonpas uniquement comme le problème d’une so-ciété vieillissante, mais, d’une manière géné-rale, comme un élément d’une organisation ju-dicieuse de la santé. Il est certain qu’un besoind’agir dans ce domaine se fait sentir en Suisse.Nous ne voulons et ne pouvons toutefois pasaborder cette question dans le présent rapport.

3.8 Economie politique du processus de vieillissement

On a beau tourner le problème dans tous lessens, on n’échappera pas aux changements ra-dicaux qui s’annoncent. Dans le domaine del’AVS comme dans celui du deuxième pilier, ilfaut réduire les prestations en faveur des re-traités, augmenter les cotisations des person-nes encore actives et/ou trouver d’autres sour-ces de financement. Un allongement de la vieactive et/ou une augmentation du taux de natalité peuvent certes en atténuer l’ampleur,mais le fond du problème demeure. Il est en-core aggravé par les charges supplémentairesrésultant du domaine de la santé et, en parti-culier, des soins aux personnes âgées.

En principe, la Suisse a trouvé, avec le sys-tème des 3 piliers, une solution pour la pré-voyance vieillesse qui, de l’avis de l’OCDE,comme de la plupart des économistes, est, depar sa conception de base, très judicieuse.74 Etpourtant, on se demande chez nous aussi com-ment faire accepter, sur le plan politique, leschangements qui s’imposent avant que le sys-

72 Ceci est valable non seulement pour la Suisse, mais éga-lement pour d’autres pays. Voir aussi sur ce point ainsique sur d’autres raisons pour lesquelles le risque dessoins ne peut être complètenent assuré sur le plan pri-vé, D. Cutler (1993).

73 Voir aussi à ce sujet M.V. Pauly (1990).74 Voir à ce sujet OCDE (2004a, A. 69).

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3. Problèmes économiques d’une population vieillissante : aperçu général et aspects fondamentaux

54 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

tème ne s’effondre.75 Dans le passé, le mondepolitique a plutôt évité la question au lieu delui apporter des réponses. Et là où il l’a fait –comme pour la proposition de relever l’âge réglementaire de la retraite à 67 ans – il n’a pasrencontré un franc succès auprès de l’opinionpublique. Cela est valable que l’on touche aux cotisations ou aux prestations, comme l’amontré le refus de la 11ème révision de l’AVS.

Dans une démocratie, tout changementfondamental de politique doit recevoir l’avalde la majorité des votants. Ce principe s’appli-que explicitement dans une démocratie directecomme la Suisse, mais il est également valabledans des systèmes purement représentatifscomme l’ont montré les débats sur les réformesde la sécurité sociale qui ont eu lieu en Franceet en Allemagne. L’évolution démographique adonc aussi des incidences sur l’acceptance po-litique des propositions de réformes des systè-mes de sécurité sociale et, en particulier, de laprévoyance vieillesse.

A cet égard, il y a en principe, dans une so-ciété, divergence d’intérêts entre les «vieux» etles «jeunes». Si, pour assainir à long terme uneassurance sociale, il faut choisir entre une réduc-tion des prestations en cours et une augmen-tation des cotisations, les personnes âgées onttendance à préférer une hausse des cotisationstandis que les jeunes optent plus volontierspour une réduction des prestations.76 Parmi lesâgés figurent non seulement les personnes quiont déjà quitté le monde du travail, mais aussicelles qui vont prendre leur retraite dans unavenir plus ou moins proche, soit toutes cellesque la réduction future des prestations gênedavantage que l’augmentation des cotisationsencore à verser jusqu’à l’âge de la retraite. Plusune société est âgée, plus grande est la part deceux qui s’opposent à une réduction des pres-tations ou en réclament même l’extension.

La situation est différente en cas de relève-ment de l’âge de la retraite, car ceux qui ont dé-jà quitté le monde du travail ne sont pas con-cernés. Si l’entrée en vigueur de la réforme estprévue pour un avenir un peu plus lointain, lespersonnes qui vont prendre la retraite dans lesprochaines années ne se sentent pas non plusconcernées. Ainsi, le relèvement de l’âge de laretraite est encore la réforme la plus simple àfaire passer sur le plan politique, comme l’amontré M. Bütler (2000) dans un modèle de si-mulation.

Dans cette «guerre des générations»,comme on l’appelle parfois aujourd’hui, ontrouve d’un côté les vieux qui revendiquentleurs droits acquis et qui font d’ailleurs aussifront contre le ,«culte de la jeunesse» qui ca-ractérise notre société,77 et, de l’autre, les jeu-nes qui font valoir un large droit au produit deleur travail. Si, suite au refus de réformes, lescotisations qu’ils doivent verser augmentaient

fortement, ils pourraient être tentés de réduirecette charge, par la voie légale ou non, en selançant par exemple dans le travail au noir ouen émigrant. Cela pourrait déclencher un cycle infernal : la réduction des cotisationsentraînerait des taux plus élevés pour pouvoirmaintenir les prestations, ce qui inciteraientencore davantage les jeunes à travailler au noir.

Plus une société est âgée, respectivementplus on attend, comme en Suisse, de prendreles mesures nécessaires et plus il est difficile desatisfaire les intérêts des vieux comme des jeu-nes. Il serait donc indiqué de s’attaquer aussirapidement que possible aux réformes indis-pensables, même si aucun besoin d’agir ne sefaisait actuellement sentir (par exemple pourl’AVS).78 Dans 10 ans, il sera déjà beaucoupplus difficile de faire accepter politiquement lesmesures indispensables.

75 Concernant la réforme des rentes sous l’angle de l’éco-nomie politique, voir, par exemple, G. Casamatta, H.Cremer et P. Pestieau (2001), V. Galasso et P. Profeta(2002), ainsi que la vue d’ensemble dans G. de Walque(2005).

76 Ce conflit est particulièrement dur dans une période detransition démographique, soit avant que la structurede la population ne se stabilise à nouveau. Comme nousl’avons indiqué plus haut, le rapport entre retraités etactifs est particulièrement élevé durant cette période.Le conflit est spécialement marqué dans un système financé par répartition, mais il se produit aussi dans lesystème de la capitalisation – tout au moins lors del’entrée en vigueur de certains règlements.

77 Voir, par exemple, à ce sujet J. Schirrmacher (2004, 63ss.), qui parle d’une «conspiration» ou d’un «complot»,ou les activités du Bureau contre la discrimination enraison de l’âge, en Allemagne (http:// www.altersdiskriminierung.de/).

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56 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

4.1 Vie professionnelle à un âge avancé et incitations institutionnelles

4.1.1 Introduction

L’Office fédéral de la statistique prévoit unfort vieillissement de la population ces pro-chaines décennies. Le rapport de dépendance,soit le rapport entre les personnes de plus de64 ans et celles de 20 à 64 ans, qui était de 25%en l’an 2000 atteindra plus de 40% à l’hori-zon 2030 (OFS 2002). Alors qu’on compte,aujourd’hui, un retraité pour quatre personnesen âge de travailler, ce rapport sera bientôt in-férieur à un pour 2,5. Les conséquences de cetteévolution démographique affectent de nom-breux domaines de la société, en particulier lesassurances sociales et le marché du travail.

Dans cette situation, la participation destravailleurs âgés à la vie active mérite une at-tention particulière. Parmi les effets du pro-cessus de vieillissement de la société, elle oc-cupe une position clé. Elle constitue en effet undéterminant du flux comme du reflux d’argentdans les systèmes de prévoyance vieillesse. Plusles gens travaillent longtemps et de manière intensive, plus les institutions de prévoyancevieillesse encaissent des contributions élevéeset sur une longue période et moins elles doi-vent verser de rentes et de pensions.

Ce chapitre s’attache dès lors à décrire et àanalyser les comportements des travailleursâgés sur le marché du travail en Suisse. Nousallons tout d’abord examiner les taux d’acti-vité des hommes et des femmes en considérant

l’évolution enregistrée durant la dernière décennie. Pour l’aménagement institutionneldes systèmes de prévoyance vieillesse ces pro-chaines années, la question cruciale est de savo-ir si et dans quelle mesure des mécanismesd’incitation permettent de modifier le compor-tement des travailleurs. Les deux sections sui-vantes y sont consacrées. Nous donnons toutd’abord un aperçu des résultats des étudeseffectuées dans le monde sur la réaction destravailleurs âgés aux incitations du régime d’assurance pension. Puis, nous analysons lesdonnées suisses qui attestent de l’impact des modifications des règlements concernant laperception anticipée de la rente AVS sur le com-portement en matière de départ à la retraite cesdernières années. Nous évaluons enfin, dans ladernière section, les conséquences à tirer de cesrésultats en vue d’apporter éventuellementd’autres modifications aux règlements des in-stitutions suisses de prévoyance vieillesse.

4.1.2 Etat des lieux : activité professionnelledes travailleurs âgés en Suisse et modèle deretraite anticipée

En comparaison internationale, la popula-tion suisse manifeste une forte tendance à tra-vailler. Ce constat vaut autant pour les hom-mes que pour les femmes et, particulièrement,pour les groupes d’âge plus élevés. Le graphi-que 4.1 présente la participation moyenne à lavie active des groupes d’âge de 55 à 64 dans unesélection de pays de l’OCDE. Les différencesentre les pays sont parfois considérables. Alorsque, pendant la période retenue, plus de 70%de la population suisse était active, les tauxétaient d’environ 38% en Allemagne et enFrance et même de 27% seulement en Italie.

Les graphiques 4.2 et 4.3 présentent les modèles de participation à la vie active qui ontprévalu en Suisse entre 1991 et 2003 en diffé-renciant la population active en fonction del’âge, du sexe et du degré d’activité.

Pour les hommes occupés à plein temps,une comparaison entre les différents groupesd’âge donne l’image attendue. C’est entre 31 et50 ans que les hommes ont le taux d’activité le plus élevé. Plus ils vieillissent, plus ce taux diminue pour tomber à moins de 10% après 65 ans. Les développements enregistrés aucours de la dernière décennie sont intéressants.La tendance à exercer une activité lucrative à plein temps a diminué dans tous les grou-pes d’âge ; elle a même chuté d’environ un cinquième, passant de 54 à 43%, parmi les per-sonnes de plus de 60 ans. Cette tendance à quit-

4. Analyses de thèmes choisis

Graphique 4.1 : participation à la vie active des personnes de 55 à 64 ans en comparaison internationale (moyennes 1996–2000)

70.9

66.463.6 63.5

57.2 55.751.6

48.945.7

43.8 42.238.3 37.8

33.7 33.5

28.9 27.423.2

0

10

20

30

40

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70

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Rapport annuel 2005

57 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

ter prématurément le marché du travail poseun problème du fait précisément du vieillisse-ment démographique.

S’agissant des femmes, les taux d’activité àplein temps sont, dans tous les groupes d’âge,nettement plus faibles que chez les hommes.C’est dans le groupe d’âge le plus jeune, soitentre 15 et 30 ans, que les femmes travaillent le plus à plein temps. Le pourcentage diminueensuite avec l’âge. Fait intéressant, on ne cons-tate pas, comme c’est le cas chez les hommes,de tendance clairement négative avec le temps.

Les différences entre les sexes se manifestenttout particulièrement dans les graphiques 4.4 et 4.5 qui donnent un aperçu de l’activité àtemps partiel.1 Comme on pouvait s’y attendre,les valeurs sont nettement inférieures pour leshommes que pour les femmes. Dans le groupedes 51 à 60 ans, environ 7% des hommes tra-vaillent à temps partiel contre 45% des fem-mes. L’écart se réduit nettement dans le groupedes personnes de 61 à 65 ans : 13% des hom-mes et 24% des femmes de ce groupe exercentune activité à temps partiel. Une légère ten-dance à la hausse a été constatée ces dernièresannées pour les deux sexes.

Comme un recul de l’activité à plein tempspeut être compensé par une augmentation del’activité à temps partiel, il est intéressant deconsidérer l’évolution de la somme des taux d’activité dans le temps. Le tableau 4.1 pré-sente les taux d’activité globaux du grouped’âge le plus élevé pour trois années de lapériode considérée. Les résultats montrentclairement que le recul, chez les hommes, del’activité à plein temps ne peut être compensépar les hausses de l’activité à temps partiel.Chez les femmes, l’accroissement de la ten-dance à travailler tant à plein temps qu’à tempspartiel entraîne une participation plus forte aumarché du travail pour les groupes de moinsde 66 ans.

Pour expliquer l’hétérogénéité des modèlesprésentés, on peut considérer séparément lestrois régions linguistiques. Les graphiques 4.6et 4.7 montrent les taux d’activité à plein tempsdes hommes et des femmes âgés de 51 à 65 ans.S’agissant de la participation professionnelledes hommes, les tendances à la baisse sontsemblables dans les trois régions linguistiques,mais les différences de niveau sont sensibles. Laplus forte participation à la vie active est enre-gistrée en Suisse alémanique et la plus faible enSuisse italienne. Des différences régionales semanifestent aussi quant aux taux d’activité àplein temps des femmes. Là aussi, c’est le Tes-sin qui affiche les taux les plus bas, mais la Ro-mandie accuse des taux légèrement plus élevésque la Suisse alémanique.

Vu la tendance à quitter prématurément lemarché du travail, on peut se demander quelssont les motifs qui incitent les travailleurs à faire ce pas. Pour pouvoir répondre à cettequestion, les personnes concernées ont été,dans le cadre de l’enquête suisse sur la popula-tion de 2002, interrogées pour la première fois sur les raisons qui les avaient poussées àprendre une retraite anticipée (voir aussi Wan-ner et al., 2004). Le tableau 4.2 réunit les ré-sultats pour les hommes et les femmes séparé-ment, selon les régions linguistiques. Plusieursréponses pouvaient être données.

Dans l’ensemble, nous constatons qu’unquart de tous les hommes interrogés indi-

Graphique 4.2 : taux d’activité à plein temps, hommes

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Jahr

Age 15–30 Age 31–50 Age 51–60 Age 61–65 Age 66–70

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Année

Age 15–30 Age 31–50 Age 51–60 Age 61–65 Age 66–70

Tableau 4.1

taux d’activité des travailleurs âges dans le temps

Hommes Femmes

Age 51–60 Age 61–65 Age 66–70 Age 51–60 Age 61–65 Age 66–70

1991 94.1% 63.5% 28.4% 61.1% 25.9% 16.9%

1997 91.4% 56.7% 18.4% 66.2% 24.1% 13.0%

2003 88.4% 55.9% 20.4% 69.3% 29.9% 10.6%

Source : Enquête suisse sur la population active (ESPA), analyse propre.

1 Dans les graphiques, sont classées dans la catégoriedes personnes travaillant à temps partiel, celles dont le taux d’occupation est inférieur à 90% ; celles dont letaux d’occupation est de 90% au moins sont considé-rées comme travaillant à plein temps.

Page 60: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

4. Analyses de thèmes choisis

58 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

quent avoir pris une retraite anticipée pourdes raisons liées à l’entreprise (fermeture del’entreprise, suppression de postes, restructu-rations). La proportion de femmes indiquant

ce motif est plus faible puisqu’elle n’est que de17%. Des différences sont également percep-tibles entre les régions linguistiques. C’est enSuisse alémanique que les hommes toutcomme les femmes invoquent le plus souventce motif. L’état de santé (accident, maladie,invalidité) est la seconde raison avancée par les personnes interrogées. Il joue un rôle im-portant puisqu’il est à l’origine de la décisiond’un quart des hommes et d’un cinquième desfemmes. La très forte proportion d’hommesde la Suisse italienne entrant dans cette caté-gorie est intéressante. La possibilité financièrede se retirer de la vie active est un motif invo-qué en troisième position par les hommes eten deuxième par les femmes. L’importanced’une offre intéressante faite par l’employeuren matière de retraite varie sensiblement selonle sexe. De telles offres ont incité 10% deshommes, contre 4% des femmes, à se retirerdu marché du travail. Elles semblent en outreavoir davantage de poids en Suisse romandeque dans les deux autres régions linguistiques.Les obligations familiales ont, pour les fem-mes, une importance 30 fois plus grande quepour les hommes.

D’une manière générale, les motifs qui incitent à quitter prématurément la vie activesont très divers, mais les facteurs liés à l’entre-prise, ainsi que la situation financière et l’étatde santé demeurent les critères déterminants.Cette analyse semble à première vue nier l’importance des incitations institutionnelles.Nous allons examiner de plus près cettequestion dans les deux prochaines sections.

4.1.3 L’importance des conditions cadresinstitutionnelles sur la décision de partir à laretraite dans la littérature internationale

L’analyse empirique des facteurs qui dé-terminent le départ à la retraite et l’offre de travail des personnes âgées occupe, depuisquelques décennies déjà, les spécialistes de l’économie du marché du travail. Cette sectionprésente, en trois étapes, les travaux réalisés jusqu’ici. Elle retrace tout d’abord brièvementl’évolution des approches théoriques, met en-suite en évidence, sur la base de récentes études de cas nationales, l’influence des condi-tions cadres institutionnelles avant de consi-dérer les ouvrages consacrés à l’importance deces conditions pour le départ individuel à la re-traite en comparaison internationale.

Outre la qualité des données et les métho-des empiriques, les approches théoriques vi-sant à modéliser les déterminants institution-nels du départ à la retraite se sont égalementdéveloppées avec le temps. Gruber et les coau-teurs (Coile et Gruber 2000, Baker et al. 2003)décrivent une évolution en quatre étapes. Dansles premières études, la recherche empiriques’appuyait sur des modèles linéaires simples de

Graphique 4.4 : taux d’activité à temps partiel, hommes

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Année

Age 15–30 Age 31–50 Age 51–60 Age 61–65 Age 66–70

Source : enquête suisse sur la population active (ESPA), analyse propre.

Tableau 4.2a

Motifs du départ anticipé à la retraite exprimés en pour cent – hommes (âge 55–64)

Région linguistique

D F I Total

Raison liées à l’entreprise 27.26 23.66 16.87 25.92

Age trop élevé pour le poste 2.65 3.03 1.52 2.68

Accident/maladie/invalidité 25.81 17.15 43.45 24.83

Offre intéressante de l’employeur 9.42 14.50 3.65 10.24

Exercice d’une activité indépendante/autres raisons 10.77 15.91 13.17 12.02

Raison fiscale/ possibilités financières/plus besoin de travailler 23.73 25.21 21.33 23.93

Obligations familiales 0.37 0.54 0.00 0.39

Total 100.00 100.00 100.00 100.00

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Rapport annuel 2005

59 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

de pension. Dans le cadre de cette approche, ona utilisé des procédés toujours plus complexeset des données toujours plus précises. Mais leprocédé considérait la situation de décision àun seul moment concret. Cet inconvénient aété éliminé par la suite.

Un groupe important d’autres études a in-tégré, dans la modélisation du comportementen matière de retraite individuelle, la restric-tion budgétaire pendant tout le cycle de vie. Laquestion essentielle est de savoir comment lesindividus font leur choix entre, d’une part lesplus grandes possibilités de consommer qu’of-fre l’exercice d’une activité lucrative et, d’autrepart, les plus grandes possibilités de loisirsqu’offre la retraite. Gustman et Steinmeier(1986) évaluent les paramètres des fonctionsd’utilité pour lesquelles ils retiennent uneforme fonctionnelle concrète (CES). Par ail-leurs, quelques auteurs ont commencé à mo-déliser le comportement décisionnel des per-sonnes âgées par programmation dynamiquestochastique. Il convient de mentionner à cetégard les travaux de Berkovec et de Stern(1991) ainsi que de Rust et coauteurs (par ex.Rust et Phelan 1997). La réflexion fondamen-tale qui sous-tend ces modèles est que les indi-vidus font à tout moment un choix entre l’a-vantage tiré d’un départ immédiat à la retraiteet l’avantage futur incertain d’un départ à la re-traite à un moment ultérieur indéterminé.3 Lepoint faible de ces modèles extrêmement exi-geants sur le plan mathématique, c’est qu’ilsnécessitent des hypothèses fortement simplifi-catrices pour résoudre les modèles.

Certains auteurs en sont restés aux modèlesde forme réduite qui ont toutefois été dévelop-pés par rapport à la première génération. C’estainsi, par exemple, qu’Hausman et Wise (1985)de même que Sueyoshi (1989) ont pris en con-sidération la croissance nette des droits auxprestations de l’assurance lorsque la vie pro-fessionnelle est prolongée d’une année : l’ob-jectif est d’établir, à chaque moment du cyclede la vie, ce que peut rapporter le fait de pour-suivre son activité professionnelle. Cette mo-délisation a pour inconvénient de ne refléterque très indirectement les incitations dynami-ques à la retraite.

Stock et Wise (1990) choisissent une ap-proche nettement plus populaire. Sur la based’hypothèses simplificatrices, les auteurs mon-trent que les incitations institutionnelles à lapréretraite peuvent se mesurer à l’avantage quel’on peut retirer, en termes d’utilité, lorsque l’on prend la retraite non pas immédiatement,mais plus tard, à savoir au moment optimal entermes d’utilité. Ils montrent, tout comme lesauteurs de plusieurs études semblables, que l’avantage en termes d’utilité ou la «valeur del’option de l’ajournement de l’accès à la rente»contribue de manière substantielle à expliquer

Graphique 4.6 : taux d’activité à plein temps des hommes de 51 à 65 ans selon la région linguistique

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Année

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1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

AnnéeA F I

Source : enquête suisse sur la population activ (ESPA), analyse propre.

Tableau 4.2b

Motifs du départ anticipé à la retraite exprimés en pour cent – femmes (âge 55–62)

Région linguistique

D F I Total

Raison liées à l’entreprise 20.66 10.20 12.61 17.47

Âge trop élevé pour le poste 2.95 4.20 6.02 3.45

Accident/maladie/invalidité 20.85 23.12 10.45 20.82

Offre intéressante de l’employeur 3.23 6.07 3.67 3.99

Exercice d’une activité indépendante/autres raisons 13.56 18.48 33.04 15.99

Raison fiscale/ possibilités financières/plus besoin de travailler 27.18 26.21 20.19 26.52

Obligations familiales 11.57 11.74 14.02 11.76

Total 100.00 100.00 100.00 100.00

Source : enquête suisse sur la population active (ESPA), analyse propre.

2 Contrairement aux modèles structurels, les modèles de forme réduite ne prétendent pas pouvoir identifierles paramètres des fonctions d’utilité.

3 Lumsdaine et Mitchell (1999) donnent une brève des-cription de ces approches.

forme réduite2 : la décision de quitter le mar-ché du travail était analysée en tant que fonc-tion des droits accumulés, au moment de la décision, dans l’assurance de rente et la caisse

Page 62: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

4. Analyses de thèmes choisis

60 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

le départ à la retraite. Un des points faibles decette approche, relevé par Coile et Gruber(2000), est qu’elle ne permet pas de différen-cier les diverses sources de revenus après lamise à la retraite ; celles-ci entrent toutes dansle calcul de la valeur de l’option.

Les approches mentionnées se distinguentpar la façon théorique d’envisager la décisionde prendre une retraite anticipée.4 Les résultatsconfirment ici le rôle des incitations institu-tionnelles pour expliquer le comportement en matière d’accès à la rente. Il est égalementpossible d’évaluer cette influence par les ex-périences naturelles. Il y a expérience naturellelorsque nous pouvons directement observer lecomportement adopté en réaction à une modification inattendue des incitations. Cetteméthode permet d’obtenir des indicateurs fia-bles sur le comportement en matière d’offresde travail qui seraient difficiles à établir sansune situation expérimentale. Krueger et Pisch-ke (1992) ont observé que, suite aux réformesprécipitées du droit des assurances sociales desEtats-Unis, les hommes nés entre 1917 et 1921ont fait valoir des prétentions nettement plusfaibles à l’égard de l’assurance-pension améri-caine que leurs prédécesseurs et leurs succes-seurs. Mais comme les hommes nés au coursde ces cinq années ont eu un comportementsemblable aux autres en matière d’accès à larente, les auteurs en concluent que l’influencedes conditions générales institutionnelles nepeut être très importante.

Ce résultat est toutefois inhabituel dans lalittérature. Tant les études qui rapportent lesexpériences réalisées dans différents pays quecelles qui établissent des comparaisons au ni-veau international trouvent en règle généraleune forte pertinence des effets des incitationsinstitutionnelles sur le comportement indivi-duel. Trois récentes études de pays scandinavesvont dans ce sens. Pour la Norvège, Bratberg et al. (2004) révèlent qu’après l’introduction,dans une série de branches, d’un programmede préretraite pour les travailleurs âgés, les tra-vailleurs de ces branches ont, de manière si-gnificative, quitté le marché du travail plus tôtque les travailleurs d’autres branches. Bingleyet Lanot (2004) examinent le cas d’un pro-gramme de préretraite au Danemark dans latradition des modèles de programmation dy-namique. Ils observent que lorsque de fortesincitations émanent des programmes publicsd’assurance-pension, les employeurs doiventdébourser davantage pour influencer le com-portement des travailleurs par des programmede deuxième pilier contre les incitations desprogrammes publics. Karlstrom et al. (2004)confirment, pour le cas des travailleurs sué-dois, que le comportement en matière de dé-part à la retraite est marqué par les incitationséconomiques dues aux institutions. Ils signa-

lent toutefois – comme Lumsdaine et Mitchell(1999) pour le cas des Etats-Unis – que les nor-mes sociales relatives à un âge «normal» de laretraite influencent le comportement des indi-vidus.

Alors que les études sur les Etats-Unis con-firment en principe les effets incitatifs de l’as-surance-pension publique, l’ampleur de ceux-ci sont souvent modestes (voir Chan et Stevens[2004] qui fournissent la contribution la plusrécente allant dans ce sens). Baker et al. (2003)analysent les réactions des travailleurs cana-diens aux incitations à la préretraite et consta-tent que celles-ci sont fortes : pour la périodeconsidérée, allant de 1978 à 1996, les modifi-cations des règles institutionnelles de l’assu-rance-pension publique expliquent plus d’uncinquième des changements de comportementobservés.

Il existe, pour l’Allemagne aussi, une séried’études portant sur les effets incitatifs liés à des modifications apportées aux règlementsinstitutionnels. C’est ainsi que Riphahn etSchmidt (1997) présentent les modificationsintervenues dans le règlement de l’assurance-pension allemande de 1971 à 1991 et exa-minent si les réactions auxquelles on peut s’attendre en matière de départ à la retraite seproduisent effectivement. Les auteurs consta-tent une corrélation nette et significative entreles modifications institutionnelles et l’accèsobservé à la rente. Börsch-Supan (1998) seconcentre sur l’analyse des mécanismes d’inci-tation liés à la réforme allemande du systèmede pension de 1972 et conclut (p. 24) «Workersresponded consistently and strongly to theeconomic incentives to retire earlier».

S’agissant de la pertinence des effets des incitations institutionnelles sur le comporte-ment individuel en matière de départ à la re-traite, il convient encore de signaler les résul-tats des études internationales comparatives.Une première étude de grande envergure de cetype est décrite par Gruber et Wise (1998). Deschercheurs de 11 pays ont relevé les taux d’ac-tivité calculés d’après les âges ainsi que l’accrois-sement, par âge, du patrimoine retraite en casde poursuite de l’activité lucrative.Les résultatsmontrent de manière impressionnante que,dans tous les pays, le rapport entre le taux d’activité et l’accroissement des avoirs de vieil-lesse est nettement positif. La tendance à exer-cer une activité lucrative est la plus faible là oùil vaut le moins la peine de continuer à travail-ler. Dans une deuxième phase de ce projet,Gruber et Wise (2002) analysent, avec 12 équi-pes nationales, l’ampleur du rapport entre l’incitation à quitter la vie active et le taux d’activité. Il ressort des simulations, enmoyenne de tous les pays, qu’un report de troisans de l’âge de la retraite augmenterait jusqu’à36% le taux d’activité des hommes de 56 à 65

4 Lumsdaine et Mitchell (1999) débattent des autres points faibles de ces approches et esquissent l’orienta-tion que devrait prendre la recherche à l’avenir.

Page 63: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

61 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

ans. Ceci confirme les énormes effets que l’onpeut attendre des réformes allant dans ce sens.

Duval (2003) a réalisé une autre étude de niveau international pour l’OCDE dont cetteorganisation a présenté une nouvelle fois leséléments essentiels en 2005. Pour son étude,Duval prend en considération un plus grandnombre de pays que ne le font Gruber et Wise(1998, 2002), mais, sur le plan économétrique,il procède de la même manière. Les taux d’ac-tivité sont à nouveau régressés des change-ments dans le patrimoine retraite liés à l’exer-cice d’une activité professionnelle (qualifiésd’«impôt sur les rentes»). S’il vaut la peine decontinuer à cotiser à l’assurance-pension, c’estune incitation positive à rester dans la vie ac-tive. Comme on pouvait s’y attendre, Duvalconstate que l’»impôt sur les rentes» exerce uneforte influence sur le comportement, mais pré-cise que d’autres facteurs, tels que la situationdu marché du travail, infléchissent aussi lecomportement professionnel. Selon ces cal-culs, les modifications apportées à l’âge de laretraite et au système d’imposition sont, dansl’ensemble, responsables d’environ un tiers durecul du taux d’activité des travailleurs âgés observé sur le plan international. Duval consi-dère dès lors que la réforme des institutions d’assurance-pension et, en particulier, les ré-ductions actuarielles justifiées en cas d’antici-pation de la rente, sont un moyen appropriépour faire face à la baisse du taux d’activité destravailleurs âgés. Dans son rapport, l’OCDE(2005) précise en outre qu’il ne suffit pas demodifier certaines voies permettant de quitterprématurément la vie active (l’invalidité ou lechômage par exemple), car les travailleurs em-prunteraient alors la voie qui reste, celle de lamise à la retraite anticipée.

Contrairement aux études de Gruber et Wise (1998 et 2002), celle de l’OCDE prendaussi en considération la Suisse. En comparai-son internationale, celle-ci se place en bonneposition en ce qui concerne tant l’impositionimplicite que la participation des personnesâgées à la vie professionnelle. Selon les simula-tions de l’OCDE, une suppression des distor-sions des incitations fiscales aurait pour effet,en Suisse, d’augmenter d’environ 10 points depourcentage le nombre de travailleurs de 55 à64 ans susceptibles de rester dans la vie active(67 au lieu de 56% de participation à la vie active pour l’année 2025). Dans le cas de l’Alle-magne, des changements politiques sembla-bles permettraient de pratiquement doubler laproportion de personnes actives.

Ces simulations établies en comparaisoninternationale se basent sur des hypothèses so-lides et sur des simplifications parfois auda-cieuses. Il est dès lors intéressant d’analyser enplus l’évidence directe des réactions des per-sonnes actives de Suisse.

4.1.4 Réactions aux changements apportés enSuisse à l’âge ordinaire de la retraite pour lesfemmes dans l’AVS

La littérature internationale ayant insistésur l’importance des conditions générales ins-titutionnelles pour expliquer le comportementdes travailleurs en matière de retraite, on peutse demander si des données factuelles attestentd’une telle réagibilité en Suisse aussi. Il ressortde la deuxième section que le taux de retraiteanticipée a sensiblement augmenté pendant les années 1990. Il est naturel d’expliquer cephénomène par les éventuelles modificationsintervenues dans les conditions cadres institu-tionnelles. Dorn et Sousa-Poza (2003) ont étu-dié la question et sont parvenus à la conclusionque l’augmentation des départs à la retraiteanticipée est essentiellement due à une plé-thore d’offres sur le marché suisse du travail.Gaillard (2003) partage cet avis, mais souligneque ce sont en particulier les grandes entrepri-ses qui ont poussé leurs collaborateurs âgés àquitter la vie active en leur proposant des plansde retraite généreux. Bien que la politique me-née par le gouvernement suisse depuis la findes années 1990 tende à une plus forte flexibi-lisation de l’accès à la rente, les modificationsapportées aux règlements concernés ne peu-vent à elles seules expliquer l’évolution obser-vée dans les années 1990.

Les modifications des règlements pouvantavoir un impact sur le comportement des as-surés ont été adoptées avec la 10ème révision del’AVS en 1991. Elles visent deux objectifs :l’harmonisation de l’âge ordinaire de la retraitepour les deux sexes et la possibilité de perce-voir une rente avant d’atteindre l’âge légal de laretraite. Alors que l’âge ordinaire de la retraitea toujours été fixé à 65 ans pour les hommes,la quatrième révision de l’AVS de 1956 a abais-sé l’âge de la retraite pour les femmes à 63 anset la sixième révision de 1964 l’a encore réduitd’une année pour le ramener à 62 ans. La 10ème

révision de l’AVS a changé la donne pour lesfemmes. Celles-ci atteignent l’âge ordinaire dela retraite à 63 ans depuis 2001, et à 64 ans de-puis 2005.

Si le droit d’ajourner le versement de larente jusqu’à cinq ans est prévu depuis la 7e ré-vision de l’AVS de 1967/68 déjà, la possibilitéd’obtenir un versement anticipé de cette renten’a été introduite qu’au cours de la 10ème révi-sion de 1991. C’est ainsi que les hommes peu-vent, depuis 1997, percevoir leur rente AVS à 64au lieu de 65 ans, mais celle-ci est alors rédui-te de 6,8% de manière permanente. Depuis2001, ils peuvent obtenir leur rente à l’âge de63 ans déjà à condition toutefois de renoncerdéfinitivement à 13,6% de son montant. Pourles femmes, les règles en matière d’anticipationont été introduites parallèlement à l’augmen-tation de l’âge de la retraite en l’an 2001.

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Page 64: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

4. Analyses de thèmes choisis

62 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Depuis lors, les femmes peuvent égalementanticiper la rente d’une année et la percevoirdonc à l’âge de 62 ans si elles s’accommodentd’un taux de réduction de 3,4%. Depuis 2004,la rente peut être anticipée, avec le même tauxde réduction, à l’âge de 63 ans puisque l’âge or-dinaire de la retraite a été relevé d’une année.Le tableau 4.3 donne une vue d’ensemble desmodifications des règlements.

Ces modifications devraient – si les constatsde la littérature internationale sont égalementpertinents pour la population suisse – entraînerles adaptations de comportement suivantes :(i) Le relèvement de l’âge de la retraite des

femmes de 62 à 63 ans devrait entraînerune diminution des départs à la retraite à62 ans et une augmentation à l’âge de 63ans. La possibilité d’anticiper la rente at-ténue cet effet. Elle est toutefois moins intéressante puisque, depuis 2001, pren-dre sa retraite à 62 ans signifie renoncer à3,4% de la rente prévue.

(ii) Comme la possibilité, pour les hommes,d’anticiper la rente a été introduite pourla première fois en 1997, il faut s’attendre,à partir de cette date, à une augmentationdes départs à la retraite à 64 ans. Depuis2001, les hommes peuvent même anti-ciper la rente à 63 ans si bien que les dé-parts à la retraite à 63 ans devraient êtreplus nombreux dès cette date. Comme lesdeux possibilités d’anticipation entraî-nent des réductions considérables desrentes (6,8% à 64 ans, 13,6% à 63 ans), laréaction risque d’être faible.

(iii) Nous nous attendons à ce que les travail-leuses dont les droits à une rente sont mo-destes tendent plutôt à reporter leur dé-part à la retraite. Les réductions de renteles affectent en effet davantage que lespersonnes au bénéfice d’une meilleureprotection grâce au deuxième et au troi-sième piliers ou grâce aux revenus de leur partenaire. Quant aux hommes, ceuxdont la situation est aisée devraient réa-gir plus fortement à la possibilité d’anti-ciper la rente et être moins sensibles auxpertes de revenus découlant de cette anti-cipation.

Pour évaluer la réaction des travailleurs âgésaux modifications des règles institutionnelles,nous avons recours à deux sources de don-nées : l’Enquête suisse sur la population activeainsi que les analyses de l’Office fédéral desassurances sociales (Donini et Nussbaum2003).

L’enquête suisse sur la population active(ESPA) interroge les individus sur leur sta-tut d’activité. En comparant ce statut dans letemps, on parvient à déterminer la part des in-dividus d’un âge donné qui passe de la vie

active à la retraite. Pour examiner si les travail-leurs âgés ont changé leur comportement con-formément aux attentes formulées ci-dessus,les probabilités de passage de la vie active à laretraite sont présentées, séparément pour leshommes et pour les femmes, selon l’année civile et l’âge dans le tableau 4.4. Bien que lesdonnées de l’ESPA ne permettent pas de faireune distinction entre les rentes AVS et les pen-sions du deuxième pilier versées aux retraités,elles permettent toutefois de constater si leschangements de comportement attendus sonten corrélation avec les modifications des règle-ments de l’AVS.

Pour les femmes, nous nous attendons, dès2001, à ce que la probabilité d’un départ à la retraite diminue à l’âge de 62 ans et augmenteà 63 ans. C’est précisément ce qui ressort du tableau 4.4. De toutes les femmes encore acti-ves à 61 ans, environ 38% ont, jusqu’en l’an2000, pris leur retraite l’année suivante. Aprèsla mise en œuvre de la modification institu-tionnelle en 2001, ce pourcentage est tombé àun peu moins de 20%, soit de près de la moi-tié. A l’inverse, la probabilité du départ à la re-traite entre 62 et 63 ans a passé de 26,7 à plusde 48%. Cette évolution est conforme aux réactions attendues.

Pour les hommes, nous nous attendons, dèsl’année 1997 où l’anticipation de la rente à l’âge de 64 ans est devenue possible pour la pre-mière fois, à une hausse de la probabilité dupassage à la retraite à cet âge. Les données del’ESPA ne confirment pas notre hypothèse. Laprobabilité du départ à la retraite est mêmetombée de 16,9 à 12,6%. En l’an 2001, les hom-mes ont eu la possibilité d’anticiper la rente dedeux ans. La probabilité du départ à la retraiteà 63 ans a effectivement légèrement progressé,passant de 10 à près de 16% de la catégorie d’âge. La hausse de la probabilité d’un départà la retraite à 64 ans, attendue plus tôt, s’est finalement manifestée à partir de 2001. Dansl’ensemble, les données confirment le reportattendu pour les hommes, mais celui-ci n’a paseu une ampleur aussi nette que pour les fem-mes.

Quels groupes de travailleurs font usage dela possibilité d’anticiper la rente? Les taux depassage résultant de l’Enquête suisse sur la po-pulation active ne fournissent encore aucuneréponse à cette question. Une analyse de don-nées détaillées des caisses de pension suissespermettent à Bütler et al. (2004) d’affirmer quece sont effectivement les personnes les mieuxassurées qui profitent de la possibilité de pren-dre une retraite anticipée.

Dans une étude de l’Office fédéral des assu-rances sociales, Donini et Nussbaum (2003)analysent le comportement en matière d’anti-cipation de la rente des femmes nées en 1939et des hommes nés en 1937 en utilisant les don-

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Rapport annuel 2005

63 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

entre les femmes et les hommes est particuliè-rement sensible dans les catégories de revenusélevés où les taux d’anticipation des femmespassent de moins de deux à plus du double decelui des hommes (voir la dernière colonne dutableau 4.5). On peut en déduire que le taux deréduction, moitié moins élevé pour les fem-mes, entraîne le recours plus fréquent à l’anti-cipation tout particulièrement lorsque la tra-vailleuse dispose d’un revenu élevé.

Il ressort également de l’étude que les fem-mes mariées demandent l’anticipation de leurrente beaucoup plus souvent que les célibatai-res. Il n’est toutefois pas possible d’en tirer desconclusions sur la situation de revenu de cesfemmes. Il est intéressant de constater que cessont les hommes ayant le statut d’indépendantqui présentent le taux d’anticipation le plusélevé ; dans la catégorie des hommes non actifs,ce taux n’est que moyen. Les auteurs en con-cluent qu’il n’y a pas nécessairement de corré-lation entre l’anticipation de la rente et la sor-tie de la vie active chez les hommes. Dansl’ensemble, les premières analyses de Donini etNussbaum semblent confirmer l’autre évi-dence qui ressort des données suisses, à savoirque ce sont en particulier les travailleursbénéficiant d’une position financière assuréequi font usage de l’anticipation de la rente (voiraussi à ce sujet Bütler et al. 2004, Bieri et al.2003, Widmer et al. 2003).5

4.1.5 ConclusionsCe chapitre a été consacré à l’évolution de

l’activité professionnelle des travailleurs âgésainsi qu’à l’impact des incitations institution-nelles sur cette évolution. Les données confir-ment le recul de l’activité professionnelle destravailleurs âgés en Suisse. Mais, selon les dé-clarations des personnes concernées et selon lalittérature, cette évolution n’est pas (encore)essentiellement due à la plus grande flexibili-sation de l’accès à la retraite découlant de la 10ème révision de l’AVS. Les résultats concer-nant le comportement adopté en réaction auxréformes sont conformes aux prévisions éco-nomiques. Les travailleuses, en particulier, ontajourné leur départ à la retraite depuis que l’anticipation est devenue «payante» par le biais de la réduction de la rente. Les résultatsattestent que les travailleurs âgés plus fortunésfont davantage usage de la possibilité d’antici-per leur rente, ce qui correspond aux expé-riences faites aux Etats-Unis.

L’image globale de la situation suisse et lespistes fournies par la littérature internationale,qui met en évidence des réactions parfois for-tes aux modifications des règles institutionnel-les, permettent de présumer qu’un nouveaudurcissement des règles concernant l’accès à larente AVS entraînera un report du départ à laretraite. Le relèvement à 64 ans de l’âge de la

Tableau 4.3

Réglementation de l’âge de la retraite et de l’anticipation suite à la 10ème révision de l’AVS

Hommes Femmes

Age ordinaire de Anticipation possible dès Age ordinaire de Anticipation possible dèsla retraite (% réduction de la rende): la retraite (% réduction de la rente):

1996 65 – – 62 – –

1997 65 64 (6.8%) – 62 – –

1998 65 64 (6.8%) – 62 – –

1999 65 64 (6.8%) – 62 – –

2000 65 64 (6.8%) – 62 – –

2001 65 64 (6.8%) 63 (13.6%) 63 62 (3.4%) –

2002 65 64 (6.8%) 63 (13.6%) 63 62 (3.4%) –

2003 65 64 (6.8%) 63 (13.6%) 63 62 (3.4%) –

2004 65 64 (6.8%) 63 (13.6%) 63 62 (3.4%) –

2005 65 64 (6.8%) 63 (13.6%) 64 63 (3.4%) 62 (6.8%)

2006 65 64 (6.8%) 63 (13.6%) 64 63 (3.4%) 62 (6.8%)

Tableau 4.4

Probabilités du passage de la vie active à la retraite (en pour-cent)

Femmes Année

Age 1992–2000 2001–2004

60–61 8.6 9.362 37.9 19.963 26.7 48.464–68 27.9 34.9

Hommes Année

Age 1992–1996 1997–2000 2001–2004

60–62 8.3 10.0 10.663 10.6 10.7 16.064 16.9 12.6 20.265 52.3 39.8 49.766 36.1 26.6 39.3

Source : enquête suisse sur la population active (1991–2004, calculs propres)

nées provenant du registre des rentes de l’AVS,des statistiques relatives aux prestations com-plémentaires de l’Office fédéral des assurancessociales et de l’ESPA. Ils constatent que le tauxd’anticipation des femmes est nettement supé-rieur à celui des hommes (20,6% pour les fem-mes contre 6,7% pour les hommes). Il convientde relever que les femmes nées en 1939 ont étéles premières à pouvoir demander le versementanticipé de leur rente. Les hommes, eux, peu-vent le faire depuis 1997, si bien que la premi-ère cohorte concernée est celle née en 1933. Letaux d’anticipation a depuis lors sans cesseaugmenté en dépit de la réduction de 6,8% dela rente.

Donini et Nussbaum (2003) comparent lescomportements de retraite anticipée des céli-bataires, hommes et femmes, dont le revenuindividuel donne une image plus précise deleur situation financière que celui des person-nes mariées. On constate à nouveau que la pro-portion de femmes qui anticipent leur renteest, dans l’ensemble, nettement supérieure àcelle des hommes (19,2% contre 6,1%). Le ta-bleau 4.5 présente les taux d’anticipation enfonction du revenu déterminant. La différence

5 Les auteurs ont exclu de l’analyse les rentiers AI, desorte qu’il n’y a pas de chevauchement.

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4. Analyses de thèmes choisis

64 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

retraite pour les femmes dès 2005 devraitdonner une nouvelle incitation à prolonger lavie active. Il convient toutefois de préciserqu’en comparaison internationale, la tendancedes travailleurs âgés à exercer une activité pro-fessionnelle est déjà élevée en Suisse. Il est doncpossible que, face à de nouvelles modificationsréglementaires, les réactions soient plus faiblesen Suisse que dans les autres pays. Alors quemoins de personnes aisées vont profiter de lapossibilité d’ajourner le versement de leurrente pour prolonger leur activité profession-nelle, il faut s’attendre à ce que les personnesdotées d’une bonne couverture financièreoptent pour une anticipation de la rente,mêmesi celle-ci est alors réduite. Dans l’ensemble, unrelèvement de l’âge réglementaire de la retraitepermettrait donc d’augmenter l’âge effectifmoyen du départ à la retraite ainsi que les re-cettes provenant des cotisations et de réduireles versements de rentes.

Sous l’angle scientifique, une étude por-tant sur les différences entre les incitations provenant des règlements du premier et dudeuxième pilier et sur leur interdépendanceserait d’une grande utilité. Récemment, descontributions intéressantes allant dans ce sensont été publiées sur la situation aux Etats-Unis.Comme les systèmes de prévoyance vieillessedes Etats-Unis et de la Suisse semblent compa-rables – avec un premier pilier qui offre uneprotection de base et un deuxième qui permetle maintien du standard de vie – le développe-ment de ce secteur de la littérature devrait per-mettre à la Suisse d’acquérir des connaissancessupplémentaires dans ce domaine.

4.2. La prévoyance professionnelle : situation et perspectives6

4.2.1 Vue d’ensembleUne première partie de la première révision

de la loi sur la prévoyance professionnelle(LPP) est entrée en vigueur le 1er janvier 2005,soit tout juste 20 ans après l’introduction du

régime obligatoire de la prévoyance profes-sionnelle. Contrairement à l’AVS, le deuxièmepilier n’a, pendant longtemps, pas suscité degros problèmes. La situation a dramatique-ment changé avec l’effondrement des rende-ments sur le marché des capitaux qui a laissédes traces dans les caisses de pension. Plusieursd’entre elles ont, au début des années 2000,commencé à présenter des découverts. Cesdeux dernières décennies, la Suisse a égalementconnu une crise de la croissance, des change-ments démographiques avec une augmenta-tion de l’espérance de vie et une baisse de la fécondité, ainsi qu’une certaine transforma-tion des formes de vie qui s’est traduite par unaccroissement notable de la participation desfemmes au marché du travail. La fin de la pre-mière révision de la LPP est l’occasion idéalede jeter un coup d’oeil sur les développementsintervenus jusqu’ici et sur les défis que le sys-tème devra relever à l’avenir.

La présente contribution expose briève-ment les caractéristiques essentielles de la pré-voyance professionnelle suisse et les élémentsqui alimentent les débats à son sujet. Après unaperçu du développement et de la situation actuelle des caisses de pension suisses, nousaborderons les problèmes qui se posentaujourd’hui. Nous esquisserons brièvement,dans la dernière partie, les réformes éventuel-les du deuxième pilier. Cette partie du rapportne traitera que de manière marginale des avan-tages généraux et des problèmes du système decapitalisation dans une société vieillissante.Ceux-ci ont déjà été examinés en détail dans lechapitre 3.7

4.2.2 Statu quo : coup d’œil rétrospectif sur les 20 dernières années

En 1985, la prévoyance professionnelle estdevenue obligatoire pour tous les salariés dontle revenu est supérieur à un certain montant.Toutefois, près de la moitié des travailleursétaient, à l’époque déjà, assurés, sous uneforme ou une autre, dans une caisse de pension

Tableau 4.5

Perception de la rente selon le sexe et la catégorie de revenus

Femmes Hommes Rapport entre letaux d’anticipation

Revenu Age Anticipation Taux Age Anticipation Taux des femmes et déterminant normal d’anticipation normal d’anticipation des hommes

Jusqu’à 12 360 205 14 6.4% 103 4 3.7% 1.73

12 361–24 720 161 27 14.4% 204 17 7.7% 1.87

24 721–37 080 303 70 18.8% 265 23 8.0% 2.35

37 081–49 440 385 100 20.6% 392 30 7.1% 2.90

49 441–61 800 482 100 17.2% 420 27 6.0% 2.87

61 801–74106 356 102 22.3% 251 7 2.7% 8.26

Plus de 74160 312 110 26.1% 283 16 5.4% 4.83

Tous 2204 523 19.2% 1918 124 6.1% 3.15

Source : Donini et Nussbaum (2003, diagramme 2).

6 Concernant le chapitre 4.2, vous trouvez deux études deréférence à l’adresse suivante : www.kfk.admin.ch/Etudes/»Annuities in Switzerland» et «High PensionWealth Triggers Early Retirement even in a FundedScheme», Bütler M., Université de St-Gall.

7 Le rapport complet et illustratif de Brunner et Wirz(2005) montre les différences entre l’AVS et la PP sousl’angle économique. Bütler & Ruesch (2005) présententd’autres analyses de la situation de la prévoyance pro-fessionnelle en Suisse.

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Rapport annuel 2005

65 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

(voir graphique 4.8). L’objectif du deuxièmepilier de la prévoyance vieillesse était et est tou-jours de permettre de maintenir le niveau devie antérieur après la mise à la retraite ainsiqu’en cas de décès du soutien de famille. La génération d’entrée a bénéficié de réglemen-tations transitoires généreuses qui sont échuesdepuis lors. Les bonifications de vieillesse léga-les, échelonnées selon l’âge, étaient conçuespour mieux intégrer les travailleurs âgés dansles caisses de pension. Vu la tension qui règneaujourd’hui sur le marché du travail, ces bo-nifications constituent souvent un obstacle àl’engagement de travailleurs âgés.

Jusqu’à la fin des années 90, bien des caissesde pension ont joui d’une situation financièreconfortable grâce aux rendements élevés quiétaient parfois très nettement supérieurs autaux d’intérêt minimal fixé par la loi. En outre,la plupart des caisses bénéficiaient, grâce à laphase de mise en place, d’une structure d’âgefavorable avec des versements relativementmodestes (rentes, prestations en capital etprestations de libre passage). L’une des raresmodifications importantes apportées à la LPPces 20 dernières années a été l’introduction du libre passage intégral en cas de changementd’emploi. En conséquence, la primauté desprestations, qui dominait au début, a été de plus en plus remplacée par la primauté descotisations. Ce système, bien plus simple, offre,en cas de changement d’emploi, une beaucoupplus grande transparence. Aujourd’hui, près de 80% des travailleurs sont assurés par unecaisse gérée selon la primauté des cotisations.Le lien historique entre prévoyance profes-sionnelle et employeurs a conduit en Suisse à une forte segmentation du deuxième pilier.La concentration considérable à laquelle on a

assisté ces dernières années n’a guère changé ladonne.

Suite à l’introduction du régime obliga-toire, la proportion de personnes assurées asensiblement augmenté, tout comme d’ailleursle capital vieillesse épargné (voir graphique4.9). Le recul des avoirs de vieillesse après l’an2000 est dû en premier lieu à la chute des ren-dements sur les marchés des capitaux. En rai-son de la baisse des rendements obtenus sur lemarché, la plupart des caisses de pension n’ontplus été à même de réunir les moyens néces-saires pour financer le taux d’intérêt minimal.Le nombre des caisses présentant un découverta augmenté de façon dramatique.8

D’autres changements ayant un impact surla prévoyance professionnelle se sont produitsces 20 dernières années. Le plus important,l’augmentation de l’espérance de vie, a direc-tement affecté la situation financière. D’autrepart, la plus grande mobilité des travailleurssur le marché de l’emploi, l’affaiblissement dumodèle traditionnel du soutien de famille setraduisant par une participation plus forte desfemmes à la vie active, l’augmentation du tra-vail à temps partiel ainsi que les réformes del’AVS ont également eu des effets sur l’aména-gement optimal du deuxième pilier. La pre-mière révision de la LPP a dû tenir compte deces changements ainsi que du besoin accru deflexibilité.

Personnes assurées et prestations La LPP obligatoire assure les salaires coor-

donnés supérieurs à 19 350 francs pour un tra-vail à plein temps et jusqu’à trois fois la renteindividuelle AVS maximale.10 Alors que le seuilinférieur d’accès est presque toujours atteint,la plupart des caisses assurent, dans le domainedit surobligatoire, les revenus supérieurs ausalaire annuel maximal formant la rente.L’abaissement, depuis 2005, du seuil d’accèspermet désormais une meilleure coordinationavec l’AVS pour les salaires plus bas et les per-sonnes occupées à temps partiel aussi. Commeune certaine part de la prévoyance surobliga-toire est aussi assurée avec le fonds de garantie(jusqu’à 150% de la limite supérieure de co-ordination), la répartition entre les domainesobligatoire et surobligatoire n’est pas tout à fait conséquente et incite d’une certainemanière les caisses à conclure des assurancesplus élevées.

Au moment de la retraite, les avoirs de vieil-lesse épargnés sont transformés en une rente àvie dont le montant est défini par le taux deconversion qui est indépendant du sexe et del’état civil. Le taux de conversion prévu par laloi s’applique à la partie obligatoire. Mais cetaux peut, dans certaines circonstances, être inférieur surtout lorsque la caisse utilise lesmoyens libérés pour améliorer les rentes.

8 Voir à ce sujet les considérations émises dans le chapitre4.2.3.

9 Le recul apparent de la couverture après 1989 est dû à laréduction des doubles versements.

10 Les 19 350 francs sont déterminants pour la couvertured’assurance. Jusqu’à 25 800 francs, le salaire coordonnéest d’au moins 3225 francs ; au-delà, le salaire coordon-né correspond à la différence par rapport à 22 575francs.

Source : calculs propres basés sur les données de la Statistique suisse des caisses de pension 2002.

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

1970 1972 1974 1976 1978 1982 1984 1987 1989 1992 1994 1996 1998 2000 2002

Total Hommes Femmes

Graphique 4.8 : travailleurs bénéficiant de la prévoyance professionnelle, en tant que part des personnes actives9

Page 68: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

4. Analyses de thèmes choisis

66 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Comme nous l’avons déjà mentionné, le tauxde couverture de la prévoyance professionnelleest élevé chez les hommes. Mais ce qui frappele plus ce sont les très forts taux de remplace-ment11 que permettent d’atteindre les rentescombinées des premier et deuxième pilier encas de carrière ininterrompue. Le taux de rem-placement brut visé, qui est de 50 à 60%, donnedes taux de remplacement nets après impôts dequelque 75% même pour les hauts revenus. Entenant compte des rentes supplémentaires, letaux de remplacement net peut même dépas-ser 100% (voir tableau). Il est possible que cestaux de remplacement élevés soient en partieresponsables de l’augmentation des retraitesanticipées (voir ci-dessous).

La prévoyance professionnelle assure aussil’invalidité et les survivants des assurés. Le faitque, dans la LPP, le droit aux prestations s’ap-plique aux membres proches de la famille etaux concubins (partenaires en cas de décès,enfants mineurs en cas d’invalidité, de décès etde vieillesse) n’entraîne pas des coûts plus élevés pour les assurés ayant des bénéficiaires.La prévoyance professionnelle ne corresponddonc pas à un véritable système de rentes via-gères comme dans d’autres pays (Angleterre et

Chili, par exemple), mais implique des répar-titions,principalement à la charge des hommesseuls.13

1. Révision LPP :La première révision de la loi sur la pré-

voyance professionnelle qui est entrée en vi-gueur à partir du 1er janvier 2005 touche diffé-rents aspects du deuxième pilier.L’accent a toutd’abord été mis sur l’abaissement du seuild’entrée dans l’assurance obligatoire ainsi quesur une diminution de la déduction de coordi-nation. La première mesure doit permettre detenir compte des modifications décrites ci-des-sus du comportement sur le marché du travail(plus forte participation des femmes et reculdu modèle dit du pourvoyeur ou de «MonsieurGagne-pain») et d’étendre la protection de l’assurance aux revenus plus modestes. Une diminution de la déduction de coordinationcompense en quelque sorte l’abaissement dutaux de conversion, mais revient toutefois àune augmentation des cotisations.

L’adaptation de la LPP à l’AVS réviséeconstitue le deuxième point fort de la réforme.Il s’agit notamment du relèvement à 64 ans del’âge de la retraite des femmes ainsi que del’introduction d’une rente de veuf. Cette der-nière est relativement favorable au niveau descoûts. En effet, même si la participation desfemmes au marché du travail a augmenté, lesrentes de veuf sont, en raison de la plus longueespérance de vie des femmes, rarement sollici-tées et elles sont en moyenne modestes.

Le troisième point fort de la révision, et leplus important pour la santé financière descaisses, est la baisse de 7,2 à 6,8% du taux deconversion ces 10 prochaines années et l’exa-men périodique de ce taux. Il s’agissait de pren-dre en compte, partiellement au moins, l’aug-mentation de l’espérance de vie. Toutefois,l’adaptation est trop faible, du point de vue actuariel. Elle ne compense guère plus que l’augmentation de l’espérance de vie de toutefaçon prévue pour les 10 prochaines annéesMême avec un taux d’intérêt à long terme re-lativement élevé de 3,5%, un taux de conver-sion de 6,8% est trop élevé d’au moins 10%(voir Bütler & Ruesch [2005]).

Parmi les autres modifications importan-tes, il convient de signaler l’extension possibleaux couples de même sexe des prestations sur-obligatoires de survivants, l’introduction de l’option capital, une plus grande transparencepour les assurés ainsi que certaines adaptationsen matière de restrictions d’achat.

AVS et LPP considérés ensemble : qui supporte les risques?

Comme cela a déjà été mentionné au chapi-tre 3, les deux assurances que sont l’AVS et laPP sont, en raison de leurs méthodes de finan-

Source : calculs propres basés sur les données de la Statistique suisse des caisses de pension 2002.

Graphique 4.9 : évolution de la somme du bilan des caisses de pension suisses, mesurée par rapport au produit intérieur brut (1 = 100%)

Avoirs de vieillesse par rapport au produit intérieur brut

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1.0

1.2

1.4

1987 1989 1992 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002

Tableau 4.6

Taux de remplacement de la prévoyance vieillesse suisse12, en cas de carrière interrompue, dans unecaisse de pension dont l’objectif de prestation est de 50% du dernier salaire assuré (avec déduction decoordination, mais sans limite supérieure)

Etat civil Taux de remplacementbrut net

Revenu brut célibataire 0.65 0.7550 000 CHF marié et 2 enfants 1.07 1.18

Revenu brut célibataire 0.63 0.75100 000 CHF marié et 2 enfants 0.98 1.11

Revenu brut célibataire 0.56 0.75200 000 CHF marié et 2 enfants 0.84 0.98

Source : calculs propres, Bütler & Ruesch (2005)

11 On entend par taux de remplacement, le montant de larente vieillesse en pour cent du salaire (sans les cotisa-tions aux assurances sociales et à la prévoyance profes-sionnelle). Le salaire pertinent pour le calcul du taux de remplacement est, soit le salaire moyen atteint du-rant toute la période de cotisation, soit le dernier sa-laire touché avant le départ à la retraite. Pour obtenir letaux de remplacement, net les impôts sont déduits desdeux revenus.

12 Hypothèses retenues pour les calculs : dans le cas «ma-rié et deux enfants», on admet que la partenaire nereçoit (encore) aucune rente AVS. La caisse de pension verse une rente dont le montant atteint 50% du derniersalaire assuré (primauté des prestations ou primautédes cotisations avec l’objectif correspondant). Imposi-tion en ville de Zurich.

13 Les bénéficiaires de la redistribution dans la LPP sontnon seulement les femmes, mais, en particulier aussi,les hommes mariés dont les revenus sont confortables.Ces derniers jouissent d’une espérance de vie supé-rieure à la moyenne et ont souvent encore des enfants àl’âge de la retraite. Dans le système actuel, les famillesqui ont des enfants tard sont, sur le plan financier,fortement privilégiées par rapport aux jeunes familles.Il convient de relever qu’à l’âge de la retraite, les en-fants ne constituent pas un risque et qu’une assurancen’est donc pas indiquée. Voir aussi à ce sujet Bütler &Ruesch (2005).

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Rapport annuel 2005

67 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

cement différentes, exposées à des risques dif-férents aussi. D’une manière générale, les va-riations et les fluctuations conjoncturelles surle marché des capitaux ne posent pas de grosproblèmes, quel que soit le système de finan-cement, car des réserves suffisantes permettentde les gérer. Il n’en va pas de même des grandschangements démographiques attendus – enpremier lieu la forte augmentation du rapportde dépendance des personnes âgées suite à labaisse de la natalité, le vieillissement de la gé-nération du baby-boom et une espérance devie toujours plus longue – dont les conséquen-ces sont plus lourdes.

Dans un système dit de répartition commecelui de l’AVS, les jeunes toujours moins nom-breux doivent subvenir aux besoins de rentierstoujours plus nombreux. Les changements démographiques affectent le deuxième pilierde manière indirecte, par le biais de leur in-fluence sur les rendements du marché des capitaux. Si ces rendements étaient constantsdans une moyenne à long terme, la démogra-phie ne toucherait pas le deuxième pilier demanière sensible dans la mesure où le taux deconversion est lié à l’espérance de vie. Le vieil-lissement de la société influence le changementdémographique, mais aussi le prix des facteursde production (voir Bohn [2005]). Du fait dela diminution de la population active, le rap-port entre capital et travail augmente, d’où unetendance à des salaires plus élevés et des ren-dements plus faibles sur le marché des ca-pitaux. Alors que la hausse des salaires atténuedans une faible mesure les problèmes de fi-nancement de l’AVS (pour autant que les ren-tes ne soient pas entièrement couplées aux salaires), la réduction des rendements sur lemarché des capitaux implique des rentes net-tement moindres dans le système dit de ca-pitalisation. Mais la Suisse n’est pas une éco-nomie fermée. Il est toutefois très difficile deprévoir dans quelle mesure les variations de sa-laire et de rendement des capitaux induites parla démographie peuvent être atténuées par la migration internationale de capitaux et –élément moins important – du travail. Börsch-Supan, Ludwig et Winter (2005) considèrentque cette possibilité est relativement impor-tante même si des changements démographi-ques semblables – peut-être même retardésdans le temps – sont attendus dans la plupartdes pays. La démographie va de toute façon dé-grader la situation de financement de la pré-voyance vieillesse, mais on ignore l’ampleurexacte. Un système comprenant plusieurs pi-liers permet tout au moins une certaine diver-sification des risques.

L’Etat joue un rôle important dans la com-pensation des risques entre les différentes gé-nérations. Outre les fluctuations liées à la dé-mographie qui se ressentent plutôt sur le long

terme, il doit aussi prendre en compte les risques encourus à court terme du fait du mar-ché des capitaux. Si, par exemple, le taux deconversion était déterminé directement par lemarché, il y aurait de fortes différences dans lesrentes perçues par des générations pour le reste comparables, comme c’est le cas au Chi-li. Ces différences peuvent sans autre être de l’ordre de 20%.Une certaine compensation desrisques est indiquée pour assurer une égalité detraitement aux différentes générations. Mais,dans la mesure où elle s’accompagne d’une régulation proche du marché, elle peut aussiempêcher que les générations qui obtiennent,au moment de la retraite, une rente modeste enraison du bas niveau des taux d’intérêt ne grè-vent le budget de l’Etat en sollicitant des pres-tations complémentaires du premier pilierpour couvrir leurs besoins.

4.2.3 Problèmes actuels/points de discussionLe débat actuel s’articule autour de trois

domaines. Premièrement, la solution des pro-blèmes de financement qui existent aujour-d’hui déjà. Deuxièmement, la réglementationet la surveillance des caisses en vue d’éviter detels problèmes. Et, troisièmement, la flexibili-sation plus forte de la prévoyance vieillesse.S’agissant des problèmes actuels de finance-ment, il faut surtout résorber les découverts descaisses de pension apparus ces dernièresannées. Sous l’angle individuel des assurés, laflexibilisation de la structure relativementrigide de la LPP semble prioritaire en vue demieux répondre aux différents besoins.

Comment une CP peut-elle résorber un découvert?

L’effondrement des rendements sur le mar-ché des capitaux dans les années 2001 et 2003a entraîné une sévère baisse du degré de cou-verture des caisses de pension. Il y a découvertlorsque la fortune ne permet plus de couvrir lavaleur actuelle des engagements futurs. En l’an2002, près de 35 % des assurés étaient affiliés àune caisse présentant un découvert. Et 10%étaient même dans une caisse ayant un taux decouverture inférieur à 90%.14 Depuis lors, la situation semble s’être améliorée, même si leschiffres précis font encore défaut.

Une fois qu’une caisse de pension présenteun découvert, différentes mesures d’assainisse-ment sont juridiquement possibles. Les plusimportantes sont le prélèvement de cotisationsd’assainissement auprès des assurés (et, à desconditions très restrictives, auprès aussi despersonnes qui perçoivent des rentes), la réduc-tion du taux d’intérêt en dessous du taux minimal légal, la suspension des versementsanticipés destinés à l’encouragement de la pro-priété de logement ainsi que les contributionsde l’employeur fiscalement déductibles. Les

14 Source : Bütler & Ruesch (2005) sur la base de donnéesde l’Office fédéral des assurances sociales et de la Sta-tistique des caisses de pension. Les chiffres sont à con-sidérer avec prudence, car il n’existe pas de donnéesfiables sur toutes les caisses.

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4. Analyses de thèmes choisis

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deux dernières mesures augmentent certes lesliquidités de la caisse à court terme, mais necontribuent pas à assainir une caisse. Enfin,dans les caisses de droit public bénéficiant d’une garantie de l’Etat, les contribuables peu-vent être mis à contribution pour combler leslacunes de financement.15

Les différentes mesures d’assainissement affectent plus ou moins les assurés. A titre d’exemple, prenons le calcul d’une caisse ayantune structure d’âge bien équilibrée : une réduction du taux d’intérêt minimal de 0,5%pour une année correspond à peu près à unecontribution d’assainissement de 1,5% du sa-laire assuré moyen.La facture varie toutefois be-aucoup selon les divers groupes d’âges : unebaisse du taux d’intérêt minimal d’un demipoint de pourcentage représente 0,2% (0,7%)du salaire assuré pour une personne de 30 (40)ans, contre respectivement 1,6% et 2,9% du salaire assuré des personnes de 50 et 60 ans.Même si l’on tient compte du fait que les écartsse creusent avec le temps par le biais des intérêtset des intérêts des intérêts, les coûts relatifs de l’assainissement au moyen du taux d’intérêt minimal, mesurés en pour cent du capital-vieil-lesse possible, vont de 0,06% pour les personnesde 30 ans à 0,5% pour celles de 65 ans. Si le tauxd’intérêt accordé demeure inférieur au taux mi-nimal pendant quelques années, les réductionsde rente pour les travailleurs âgés peuvent, selonles circonstances, se situer autour de un pourcent. Lorsque les rentes existantes ne peuventêtre adaptées, un assainissement par le biais d’une réduction du taux d’intérêt revient à traiter les personnes qui se trouvent juste avantou après la mise à la retraite de façon très inégale. Les cotisations d’assainissement préle-vées directement auprès des assurés sont donc,dans tous les cas, plus transparentes.

Réglementation I : taux de conversionA l’âge de la retraite, le capital constitué est,

pour autant qu’il ne soit pas versé, transforméen une rente à vie au moyen du taux de con-version uniforme en vigueur à ce moment. Cetaux n’est pas indexé à l’espérance de vie et estindépendant de la composition des assurés se-lon le sexe et l’état civil. Le taux de conversiona été calculé, au moment déjà de l’introductiondu régime obligatoire, en se basant sur des tauxde mortalité plutôt trop élevés. Depuis lors,l’espérance de vie a continué à augmenter desorte que la nécessité de réduire ce taux n’estaujourd’hui plus guère contestée même si ladécision et sa mise en oeuvre depuis 2005 sontvenues trop tard et que sa portée est trop res-treinte.

Comme nous l’avons déjà mentionné, unecaisse de pension peut appliquer un taux deconversion inférieur à celui prescrit par la loi siles moyens ainsi libérés servent à améliorer les

prestations. Un certain nombre de caisses ontdéjà eu recours à ce procédé qui a pour avan-tages de donner une plus grande marge de ma-nœuvre financière à l’institution et d’accroîtrela flexibilité des prestations. C’est ainsi, parexemple, que l’adaptation à l’inflation permetplus que de compenser l’inconvénient d’unerente de départ plus faible pour les assurés. Leprincipal inconvénient est qu’il peut manquerde transparence quant aux bénéficiaires desprestations supplémentaires. Ainsi, certains assurés peuvent, selon les circonstances, en ti-rer un profit disproportionné.

Le taux de conversion devrait tenir comptenon seulement de l’augmentation déjà atteintede l’espérance de vie, mais également de lamodification des taux de mortalité pronos-tiquée pour les assurés actuels. Ceci pour évi-ter qu’il prenne du retard sur l’évolution de l’espérance de vie et afin de ne pas créer des dis-torsions dans les les prestations de la pré-voyance professionnelle en faveur des jeunesgénérations. Lorsque le taux est le même pourtous les groupes de la population (comme en Suisse), il faudrait en outre considérer quela composition du collectif des assurés peutchanger avec le temps, car les différentsgroupes reviennent plus ou moins cher auxcaisses.

Réglementation II : taux d’intérêt minimalLe taux minimal détermine la rémunéra-

tion minimale du capital vieillesse accumulé.Comme le montre le graphique 3, le taux minimal fixé à 4% a été, pendant des années,inférieur au rendement moyen des obligationset des actions. Jusqu’en 1996 environ, le tauxminimal était plus bas que le taux d’intérêt àcourt terme et il a même été en dessous du tauxd’inflation pendant quelques années. Il n’estdonc pas étonnant que les caisses soient parve-nues, à cette époque, à accumuler de grosses réserves et à financer ainsi des plans de rentesparfois généreux. La situation a brusquementchangé lorsque d’une part les cours des actionsont chuté et, d’autre part, les intérêts à longterme sont tombés nettement en dessous dutaux minimal. C’est à l’issue de vifs débats po-litiques que le taux minimal a été adapté ainsiqu’il ressort du tableau 4.7.

Rien d’étonnant à ce que la réduction dutaux d’intérêt minimal soit impopulaire. Unebaisse permanente du taux minimal de 4 à 3%,sur tout un cycle de vie, réduit le capital vieil-lesse épargné de quelque 15 à 20% (hypothè-ses : bonifications de vieillesse légales, crois-sance salariale de 2% par année). Toutefois, lescaisses ne doivent pas non plus verser, sur unelongue période, davantage que ce qu’elles en-caissent. En principe, les variations des rende-ments du capital devraient être absorbées parl’accumulation de réserves en périodes fastes.

15 Les caisses de pension bénéficiant d’une garantie del’Etat présentent plus souvent que la moyenne des dé-couverts et ceux-ci sont en outre généralement plus importants. Ces découverts sont toutefois dus à d’au-tres facteurs encore tels que, par exemple, des pre-scriptions plus restrictives en matière de placements.

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69 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Par le passé, cette possibilité s’est toutefois ré-vélée peu adaptée pour deux raisons. D’unepart, lorsque les réserves sont élevées, la pres-sion exercée en vue d’améliorer les rentes àcourt terme ou de réduire les cotisations estforte. D’autre part, le problème des prétentionsrésiduelles sur les réserves ainsi accumulées sepose, surtout en cas de changement d’emploi.

Le taux minimal prescrit reste fixé par leConseil fédéral. Une telle adaptation discré-tionnaire du taux d’intérêt recèle un danger :celui de l’influence unilatérale que pourraientexercer des groupes d’intérêts. C’est ainsi, parexemple, que les assurés sont moins bien or-ganisés que les assureurs. Il leur est donc plusdifficile d’imposer une hausse du taux d’inté-rêt qu’aux assureurs d’obtenir une baisse.L’exemple de ces 20 dernières années en té-moigne. Il serait donc de loin plus judicieux delier le taux d’intérêt minimal aux rendementsdu marché.

Une discussion sur le taux minimal seraitincomplète s’il n’était pas fait mention du rap-port avec le taux d’intérêt technique. Celui-ciest utilisé comme un facteur d’escompte desfutures prestations et cotisations et permet ain-si de déterminer les obligations d’une caisse. Letaux d’intérêt technique est déterminant enparticulier pour le calcul du taux de conver-sion. Contrairement au taux d’intérêt mini-mal, le taux d’intérêt technique devrait donccorrespondre au rendement réalisable à longterme sur le marché des capitaux. En cas de

baisse durable des rendements, une réductionde ce taux serait inévitable. L’opération seraittoutefois douloureuse pour les assurés. Unebaisse du taux d’intérêt technique de 4 à 3%entraînerait une baisse du taux de conversionet, par là, des rentes d’environ 8 à 9%.16

Assouplissement de la retraiteUne majorité des caisses (surtout les plus

grandes) offrent aujourd’hui déjà la possibilitéde prendre une retraite anticipée et il en est faitlargement usage. Les règlementations vont desversement anticipés avec une réduction actua-rielle des rentes jusqu’aux prestations inté-grales à un âge inférieur à celui officiel de laretraite (le plus souvent 62 ans) accompagnéesde rentes AVS transitoires qui doivent être en-tièrement ou partiellement remboursées dèsque les assurés ont atteint l’âge de 65 ans. Enpériodes de hauts rendements sur le marchédes capitaux, les solutions en partie très géné-reuses qui étaient proposées étaient financéesessentiellement par les excédents. Cette formede financement n’est toutefois plus possibleaujourd’hui et les caisses qui ont déjà pris desengagements sont maintenant confrontées àde graves problèmes (surtout du fait des tauxde conversion trop élevés).

Les études empiriques (Gruber & Wise 2004en comparaison internationale, Bütler, Hugue-nin & Teppa 2005 pour la Suisse) montrentclairement que les possibilités d’anticiper larente entraînent une baisse de l’âge moyen dela retraite, même lorsque les réductions actua-rielles pour versement anticipé sont correctes.Beaucoup d’assurés partent donc à la retraitele plus tôt possible. En Suisse aussi, l’âge moyen de la retraite a fortement baissé ces 15dernières années. Cette évolution n’est pas uni-quement la conséquence de l’accroissementdes possibilités de retraite anticipée offertespar les caisses de pension. Elle est égalementdue au fait que les assurés sont toujours plusnombreux à pouvoir se permettre de quitterprématurément la vie active grâce au dévelop-pement du deuxième pilier (et les forts taux deremplacement qui en résultent, même pour leshauts revenus). Nous en voulons pour preuveque plus l’âge moyen de la retraite est d’autantplus bas, que le capital de caisse de pensionépargné est élevé. Il en résulte que les salariéshautement qualifiés peuvent se retirer et se retirent souvent plus tôt de la vie active que lestravailleurs qui ne bénéficient pas d’une bonneformation.

Capital ou rente?Jusqu’à la 1ère révision de la LPP, le verse-

ment en espèces de l’avoir de vieillesse n’étaitpossible que dans certaines caisses. Depuis le1er janvier, les caisses doivent, à la demande del’assuré, lui verser au moins 25% du capital

Tableau 4.7

Evolution du taux d’intérêt minimal LPP depuis 1985

Années 1985–2002 2003 2004 2005

Taux minimal LPP 4% 3.25% 2.25% 2.5%

Graphique 4.10 : comparaison du taux d’intérêt minimal avec différents rendements du marché (1 = 100% par année). Information plus complètes dans Bütler & Ruesch (2005).

–0.3

–0.2

–0.1

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004

Taux minimum LPP Indice des actionsCH Pictet

Indice des obligations Pictet

Taux des bons decaisse sur 10 ans

16 La valeur exacte dépend des taux de mortalité qui sontappliqués. Les effets du taux d’intérêt technique se dif-férencient en fonction de la primauté des prestations etde la primauté des cotisations. Pour les détails, voirkeel, Frauendorfer et Jakoby (2003).

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4. Analyses de thèmes choisis

70 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

épargné. Théoriquement, le choix entre renteet capital peut, selon les circonstances, susciterdes problèmes de sélection adverse, car les as-surés ayant une espérance de vie inférieure à lamoyenne obtiennent une valeur monétaireplus élevée en choisissant l’option-capital, sur-tout parce que le versement en capital est en-core plus avantageux sur le plan fiscal. Les cais-ses seraient ainsi affectées par les «mauvaisrisques». L’expérience montre toutefois quecette crainte est infondée (voir Bütler & Teppa[2005]). C’est ainsi, par exemple, que les hom-mes non mariés qui ont une espérance de vieplus brève et qui n’ont pas de descendants ayant droit à la rente choisissent, de manièresupérieure à la moyenne, la rente à vie bien quela valeur monétaire de l’option-capital seraitplus élevée dans la plupart des cas.

Le fait que le versement d’une partie du capital réduit la rente vieillesse semble être lefacteur déterminant. Dans les cas extrêmes, larente qui en résulte est inférieure au minimumvital et l’assuré peut, après avoir utilisé tout soncapital, toucher des prestations complémen-taires de l’AVS. C’est une situation qui se pré-sente plutôt rarement si l’on s’en tient aux 25%prescrits par la loi. Elle se produit en revancheplus souvent lorsque les caisses, et elles sontnombreuses, versent l’intégralité du capital enespèces.17 La réglementation rigide des 25%,qui se limite en outre à la partie obligatoire,n’est donc pas très heureuse. Il serait préféra-ble de limiter le versement du capital de ma-nière à ce que le revenu de l’ensemble des rentes(AVS et LPP) ne soit pas inférieur à un certainmontant (par exemple 1,5 fois la rente maxi-male AVS). Il serait ainsi possible de s’assurerque l’Etat ne doive pas compenser plus tard pardes prestations complémentaires les presta-tions en capital versées plus tôt.

4.2.4 Réformes éventuelles et perspectives Les points aujourd’hui débattus fournissent

des indications sur les améliorations et les réformes auxquelles pourrait être soumise laprévoyance professionnelle à l’avenir. Les pro-positions de réforme vont des améliorations ausein du système existant jusqu’à un change-ment radical de la philosophie qui guide les réglementations en passant par une améliora-tion de la flexibilité du deuxième pilier. Les ob-jectifs sont notamment d’augmenter l’effi-cience du système en l’harmonisant mieuxavec le premier pilier et de mieux répondre auxbesoins des assurés.

Les paramètres de la régulation, en parti-culier le taux d’intérêt minimal et le taux de conversion, devraient être périodiquementadaptés aux conditions du marché et à la dé-mographie. Ce point n’est pas très contesté.L’idéal serait d’indexer le taux de conversionaux tables de mortalité actuelles en tenant

compte de l’augmentation pronostiquée de l’espérance de vie des assurés. Si la réglemen-tation n’est pas suffisamment proche du mar-ché, les caisses doivent faire face, en matière deprestations, à des promesses qu’elles ne peu-vent financer. Autre conséquence : les assu-reurs-vie ne seraient plus intéressés par la pré-voyance professionnelle, ce qui est aujourd’huidéjà partiellement le cas.

Pour et contre le libre choix de la caisse de pension

Il est également possible de flexibiliser laprévoyance professionnelle par le biais du librechoix de la caisse. L’avantage évident d’unsystème où l’assuré peut choisir librement sacaisse est la concurrence qui règne entre lescaisses, une concurrence susceptible d’amélio-rer les conditions, en particulier de réduire les coûts, et de mieux répondre aux désirs des as-surés. Il permettrait en outre de diminuer lescharges administratives et financières des peti-tes entreprises occupant peu d’employés, ensupprimant certains coûts fixes. Les chargesadministratives des moyennes et grandes en-treprises pourraient en revanche s’alourdir puisque des conditions différentes et poten-tiellement changeantes pourraient s’appliquerà chacun des employés. Tant que les entreprisesjouent le rôle d’intermédiaire dans le deuxièmepilier (ce qui n’est pas absolument nécessaire),il y a danger que les économies éventuellementréalisées par les caisses soient compensées parles charges supplémentaires que les firmesdevraient supporter.

Les exemples du Chili et de l’Australie mon-trent aussi que les frais administratifs et sur-tout les frais de marketing consécutifs à l’in-troduction du libre choix peuvent être élevés.En Australie, les assurances de groupe affichent(tout comme dans le système suisse) des coûtsplus faibles que les assurances individuelles.Les frais administratifs entraînent une réduc-tion de la rente de vieillesse réalisable de 15 à33% au Chili, d’environ 15 à 20% en Australie(en cas de libre choix de la caisse) et de moinsde 10% en Suisse (Batesman, Kingston et Pig-gott [2001]).18 En se basant sur les expériencesfaites depuis de longues années avec les plans401 (k) américains, qui se rapprochent beau-coup d’un système de libre choix de la caisse de pension, Munnell et Sundén (2004) font enoutre valoir que la plupart des assurés sontcomplètement dépassés lorsqu’ils doivent pla-nifier leur prévoyance vieillesse. Les auteursparviennent aussi à la conclusion qu’une com-posante d’épargne forcée, sans possibilité dechoix, est une solution idéale pour beaucoupd’assurés.19

La sélection des assurés ayant des caractéris-tiques semblables (surtout en ce qui concernel’espérance de vie) qui est implicitement inhé-

17 C’est ainsi que, dans les petites caisses, la perceptionde prestations en espèces est la forme dominante.

18 L’imputation des coûts administratifs (y compris lesfrais de gestion de fortune) est très difficile à réaliser etest entachée d’erreurs. Elle dépend en outre pour unetrès grande part de la forme d’organisation des caisses.C’est ainsi, par exemple, que les caisses autonomespeuvent profiter du service d’administration du person-nel de la firme qui doit de toute façon tenir à jour lesdonnées et les déductions sociales pour tous les colla-borateurs.

19 Pour les assurés, il est encore plus difficile de choisirune caisse de pension qu’une caisse-maladie. Contrai-rement à l’assurance-maladie, le deuxième pilier est,par essence, dynamique et la phase des cotisations etcelle des prestations ne coïncident pas.

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Rapport annuel 2005

71 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

rente à la prévoyance professionnelle suisseprésente aussi des avantages incontestables. Lesystème généreux de retraite anticipée en vi-gueur dans l’industrie du bâtiment a notam-ment pu être mis en place parce que l’espérancede vie inférieure à la moyenne et la réductiondes prestations d’invalidité versées aux travail-leurs âgés ont permis de compenser en partieces coûts supplémentaires. Sans une sélection,un système de capitalisation implique des re-distributions non désirées en faveur des richeset génère aussi, selon les circonstances, des fraisimportants pour l’assurance invalidité et lesprestations complémentaires de l’AVS.

Le système suisse ne prive de toute façon pasles assurés de tout choix puisque la caisse de pension constitue une partie importante de l’offre de prestations d’une entreprise. C’estaussi, il faut le noter, une des raisons principa-les de la création spontanée (sans interventionde l’Etat) du système de prévoyance pro-fessionnelle dans bien des pays. Il ne faut en outre pas oublier que tout changement de sys-tème entraîne des coûts de passage qui peuventêtre élevés.

Dynamisation du taux de conversion par sexe etpar état civil aussi?

Indépendamment du libre choix de lacaisse, la nécessité d’une plus grande flexibili-sation de la prévoyance professionnelle sembleincontestée. Le taux de conversion uniforme,autrefois considéré comme l’expression d’uneégalité de traitement entre les sexes, entraîneune profonde inégalité de traitement entre lespersonnes dont les conditions de vie diffèrent.La rente de veuve obligatoire a certes réduitmassivement la pauvreté qui touchait ces per-sonnes et qui est toujours répandue aux Etats-Unis par exemple. On ne voit cependant pasnécessairement pourquoi cette rente qui con-cerne le couple devrait être cofinancée par lesautres assurés. Un assuré jouissant d’une bonnesituation qui a une femme plus jeune que lui etdes enfants mineurs obtient, dans certainesconditions, une rente qui, par franc payé, estdeux fois plus élevée que celle d’un travailleurvivant seul qui devra éventuellement deman-der à bénéficier de prestations complémentai-res de l’AVS. Un taux de conversion uniformereprésente plus une source d’inégalité de trai-tement entre des modèles de vie et de travaildifférents qu’un système équitable.

Quelle serait la situation si le taux de con-version variait en fonction de critères indi-viduels observables (sexe, état civil, différenced’âge par rapport au partenaire coassuré)?Contrairement à ce que l’on pense générale-ment, les femmes ne seraient, en moyenne, pasmoins bien loties qu’aujourd’hui en cas dechangement de système. Il y aurait en revanchemoins de redistribution des hommes seuls vers

les personnes mariées. Fixer le taux de con-version de manière plus conforme au marchépermettrait non seulement de tenir mieuxcompte de la diversité des formes modernes devie, mais faciliterait aussi la gestion des risquespour les assurés.

4.2.5 Remarques finalesLa prévoyance vieillesse est un chantier. Et

vu les grandes incertitudes qui règnent quantà l’évolution économique et démographiquefutures dans le monde, elle risque de le resterencore longtemps. Il y aura toujours des lacu-nes de financement même dans le deuxièmepilier régi par le système de la capitalisation. Endépit de tous les problèmes, la prévoyance professionnelle de la Suisse se positionne bien en comparaison internationale. Les problèmesqui se posent peuvent sans autre être résolusdans le cadre existant. Au delà de la discussionsur les découverts des grandes caisses (surtoutpubliques), on a souvent oublié qu’une majo-rité des caisses de pension affiche une bonnesanté financière et propose une prévoyancevieillesse généreuse en ayant des frais adminis-tratifs relativement faibles. Une réglementa-tion trop éloignée du marché et des prestationsminimales trop élevées posent des problèmesdans le domaine obligatoire, en particulier auxassurances qui, bien souvent, assument la pré-voyance professionnelle de petites entreprises.

Lorsque l’Etat oblige les gens à épargner,comme cela se passe en Suisse dans un cadretrès large, une réglementation et une surveil-lance des caisses de pension sont inévitables,même en cas de libre choix de la caisse. L’évo-lution enregistrée ces vingt dernières annéesainsi que les expériences faites dans d’autrespays ont montré qu’il est aussi difficile pour lesassurés que pour les assureurs de juger des con-trats qui portent sur plusieurs décennies. Uneréglementation souple, beaucoup plus axéeque jusqu’ici sur les conditions du marché, uneindexation des prestations sur l’espérance devie ainsi qu’une meilleure coordination de laprévoyance professionnelle avec le premier pi-lier seraient donc souhaitables.

4.3 Soins de longue durée des personnes âgées20

4.3.1 ContexteDe 2000 à 2030, l’espérance de vie à 60 ans

passera de 20,7 à 22,1 ans pour les hommes etde 25,1 à 26,7 ans pour les femmes. L’effet del’allongement de la durée de vie sur la propor-tion de personnes très âgées viendra encore accentuer les conséquences de l’arrivée de lagénération du baby-boom à l’âge de la retraite.Ainsi, le nombre de personnes ayant de ma-nière durable besoin de soins et d’assistancepour accomplir les tâches de la vie quotidienne

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20 Concernant le chapitre 4.3, vous trouvez une étude deréférence à l’adresse suivante : www.kfk.admin.ch/Etudes//Soins de longue durée des personnes âgées,Jeanrenaud C., Université de Neuchâtel.

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4. Analyses de thèmes choisis

72 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

devrait croître fortement d’ici 2030. L’ampleurdu phénomène est cependant incertaine car ilest malaisé de prévoir l’évolution de la santé etles besoins d’assistance des personnes âgées aucours des prochaines décennies.

Les personnes de plus de 80 ans forment lamajorité de la population nécessitant des soinset une assistance régulière. Sur les 76 000 per-sonnes âgées qui séjournent dans un établisse-ment médicosocial, près de 80% ont plus de 80 ans. La plus grande part des personnes âgéesest cependant autonome : dans la tranche al-lant de 65 à 79 ans, 94% sont autonomes et 6%nécessitent des soins ; au-delà de 80 ans, envi-ron trois personnes sur quatre sont autonomeset un quart nécessite des soins et une assistance(Höpflinger et Hugentobler 2003).

Les soins de longue durée comprennent à lafois des prestations médicales et d’autres servi-ces visant à aider les personnes concernéesdans les tâches quotidiennes qu’elles ne peu-vent plus accomplir seules. Traditionnelle-ment, l’assistance aux personnes âgées étaitfournie par les proches, sans charge pour lebudget de l’Etat. Des changements sociaux oul’évolution des structures familiales – augmen-tation de la proportion de personnes vivantseules, élévation du taux d’occupation desfemmes, dispersion géographique des familles– font que la probabilité de devoir recourir àune aide formelle – soins à domicile (SAD) ouséjour dans un établissement médicosocial(EMS) – est aujourd’hui plus importante quepar le passé.

Le coût des soins de longue durée est im-portant et constitue une lourde charge, tantpour l’Etat que pour les ménages. En 2003, il aatteint 7,2 milliards de francs, soit 14,5% del’ensemble des dépenses du système de santé.Ce montant n’inclut pas les soins informelsfournis par la famille ou des bénévoles. De1995 à 2003, les dépenses pour les soins de lon-gue durée ont augmenté plus vite que l’en-semble des dépenses de santé. La dynamiquedes besoins dus au vieillissement n’est qu’unfacteur explicatif. L’entrée en vigueur de la loisur l’assurance-maladie LAMal (1996) a sansdoute provoqué un effet de rattrapage. Depuiscette date en effet, les EMS et les SAD sont reconnus comme fournisseurs de soins et l’as-surance-maladie prend en charge les mêmesprestations que lors d’un traitement ambula-toire. Il est probable que les dépenses pour lessoins de longue durée continueront de croîtreplus rapidement que les dépenses de santé engénéral, et ceci pendant plusieurs décennies.Une récente estimation montre que le coût dessoins de longue durée devrait augmenter de130% en francs constants entre 2001 et 2030,passant de 1,5 à 2,7% du PIB (Irer/Obsan 2004).A noter que la croissance prévue des dépensesdans les pays de l’OCDE est encore un peu plus

forte – un doublement de la part des dépensesau PIB est envisagé (Bains et Oxley 2004). Encomparaison internationale, la Suisse se trouveà mi-chemin entre les pays où les dépenses sonttrès élevées (Norvège, Pays-Bas, Danemark) et ceux où elles sont plus modestes (Italie,France, Japon).

Le niveau élevé des coûts s’explique d’abordpar le grand nombre de personnes qui ne sontplus à même de vivre au quotidien d’une manière autonome (195 300 personnes ont re-cours aux SAD, près de 80 000 sont institu-tionnalisées), puis par le besoin important d’assistance et enfin par les caractéristiquestechniques du service (forte intensité en travailet difficulté de réaliser des gains de producti-vité). D’autres facteurs contribuent égalementà la hausse des coûts : le fonctionnement dé-faillant du marché, le manque de concurrence,le fait que ceux qui tiennent les leviers de dé-cision – cantons et assureurs – ne semblent pasfaire une priorité de l’efficience sur le plan descoûts, l’absence de bons mécanismes incitatifs,le comportement des assurés (aléa moral) ain-si que le manque de structures intermédiaires(entre les soins à domicile et les homes médi-calisés). Les différences entre cantons dans letaux de recours aux soins stationnaires sontsurprenantes et ne sauraient s’expliquer par laseule variation de l’état de santé des personnesâgées : si un peu moins de 15% des personnesde plus de 80 ans sont institutionnalisées dansle canton de Vaud, plus de 30% le sont dans lecanton de Glaris. Les différences observéesdans la durée du séjour entre cantons devraientinterpeller : alors qu’un patient séjourne 2,5années en moyenne dans un EMS en Suisse,dans certaines régions la durée du séjour estdeux fois plus longue (Guilley 2005b).

Dans la perspective d’une gestion efficace etefficiente, les principales questions que sou-lèvent les soins de longue durée portent sur lasubstitution entre les divers types de soins (uneaugmentation des soins ambulatoires va-t-elleréduire la demande de soins stationnaires net-tement plus coûteux ?), l’adoption d’un sys-tème de financement qui responsabilise mieuxles différentes parties prenantes et la mise en place de mécanismes de concurrence. Le financement des soins de longue durée re-présente l’un des seuls risques sociaux impor-tants qui n’est pas bien couvert par le système d’assurances sociales. En moyenne, le coût duséjour dans un établissement médicosocial excède 70 000 francs par année (Irer/Obsan2004). Or, la part qui n’est pas prise en chargepar le système d’aide et d’assurances sociales etqui est donc supportée par les patients est pro-che de 50%.A ce rythme, pour ceux qui ne tou-chent pas une pension élevée, le patrimoine accumulé au long de la vie est vite consomméet l’on peut se demander s’il est acceptable de

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Rapport annuel 2005

73 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

demander à celui qui a épargné d’utiliser sonpatrimoine – ou de contracter une assuranceprivée – alors que celui qui a choisi de tout consommer peut compter sur le filet de pro-tection sociale. L’aménagement du système d’assurances – sociales et privées – pour lessoins de longue durée est donc une questionimportante.

4.3.2 Structure et évolution des dépensesLes soins et l’assistance peuvent être fournis

par des membres de la famille, des proches oudes bénévoles (soins informels). Lorsque la famille n’est pas à même de fournir l’assistancenécessaire, les personnes dépendantes sont prises en charge par des structures profession-nelles (soins formels), soit une organisation

d’aide et de soins à domicile (Spitex) ou un éta-blissement médicosocial (EMS).

La population institutionnalisée est com-posée en majorité de femmes. Celles-ci repré-sentent trois quarts de toutes les personnesâgées séjournant en EMS. Entre 80 et 84 ans,les femmes sont trois fois plus nombreuses queles hommes à y séjourner et le rapport croîtavec l’avancement en âge. Ainsi, 27% chez lesfemmes et 16,0% chez les hommes entre 80 et84 ans vivent dans un EMS. Cette différence estdue à la surreprésentation des femmes dans ces classes d’âge. L’explication est à rechercherdans le fait que les femmes vivent plus souventseules que les hommes : comme le relève Sau-vain-Dugerdil (2005), la vie solitaire est unespécificité féminine : entre 75 et 79 ans, plus dela moitié des femmes ne vivant pas en institu-tion sont seules, contre 20% des hommes.

La durée moyenne des séjours en institutiondiffère aussi selon le sexe. Guilley (2005a) es-time la durée de séjour dans un EMS à trois anspour les femmes et à un an pour les hommes,soit 2,5 années en moyenne puisque les fem-mes forment trois quarts de la population enétablissement médicosocial.21 Cette valeur estplus faible que celle qui ressort des statistiquessur les soins de longue durée des cantons quiont adopté l’outil d’évaluation «Plaisir» (Vaud,Genève, Neuchâtel et Jura) : la durée moyennedu séjour écoulé à fin octobre 2004 était de 3,7 ans. La valeur effective n’est pas connuemais elle est évidemment plus longue (Com-mission technique intercantonale Plaisir 2004).

De 1995 à 2003, le coût des soins de longuedurée a augmenté plus rapidement que les dé-penses de santé en général. Il apparaît aussi quela hausse des dépenses est nettement plus ra-pide que celle de la population de plus de 80ans, ce qui tend à confirmer l’hypothèse selon laquelle il y a eu un effet de rattrapage au moment de l’introduction de la nouvelle loisur l’assurance-maladie (LAMal).Les dépensespour les soins à domicile et les soins institu-tionnalisés ont évolué au même rythme.

Les dépenses par tête sont plus élevées pourles soins en établissement que pour les soins à domicile, ce qui s’explique par le fait que les personnes séjournant en EMS sont enmoyenne des cas plus lourds. Pour que la com-paraison des coûts ait un sens, il faut comparerdes cas de même gravité. Une étude canadien-ne a montré qu’une économie de 25% à 60%peut être obtenue en substituant des soins àdomicile aux soins de longue durée lorsque letype de soins et le niveau d’assistance requissont constants (Hollander 1999).

4.3.3 Comparaison internationaleDe nombreux facteurs expliquent les écarts

observés entre pays dans les dépenses pour lessoins de longue durée aux personnes âgées.

Graphique 4.11 : population institutionnalisée selon l’âge et le sexe, 2000

0

5000

10000

15000

20000

65–69 ans 70–74 ans 75–79 ans 80–84 ans 85–89 ans 90–94 ans 95 ans et plus0%

20%

40%

60%

80%

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Source : OFS, Recensement de la population, exploitation spéciale.

Graphique 4.12 : évolution comparée du coût des soins de longue durée depuis 1995

100

110

120

130

140

150

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Établissements médico-sociaux Soins à domicile Coûts du système de santé

PIB Population de plus de 80 ans

en in

dice

s : 19

95 =

100

Sources : OFS (2002, 2004, 2005) et BNS (2005).

21 Les données du recensement doivent être utilisées avec quelques précautions car la question porte sur lavie en communauté et non sur les seuls séjours dans unétablissement médicosocial. Dans les tranches d’âgeélevées toutefois, la vie en communauté se résume essentiellement au séjour dans un EMS.

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4. Analyses de thèmes choisis

74 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Parmi ces facteurs, il y a d’abord le nombre depersonnes très âgées22, la proportion de per-sonnes âgées vivant seules, le taux d’activité desfemmes – qui détermine la capacité à fournirdes soins informels – et la politique mise enœuvre par les gouvernements (services dispo-nibles, modes de financement). En Suisse, auRoyaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande,une partie au moins des prestations estfournie sous condition de ressources. En Suèdeet au Danemark, les services sont gratuits et fi-nancés par l’impôt, alors qu’en Allemagne, lecoût des prestations est couvert par une assu-rance sociale de soins (Karlsson et al. 2004).

4.3.4 Substitution ou complémentaritéLa recherche d’une combinaison optimale

entre les soins informels, l’aide à domicile et leplacement en institution est un paramètre im-portant de la politique de santé pour les per-sonnes âgées. Les soins informels – fournis parles proches – le sont à titre bénévole et ne grè-vent pas le budget de l’Etat. Ils jouent un rôleimportant dans le système des soins de longuedurée. Mais imaginer réduire le coût des soinsde longue durée en sollicitant davantage les familles peut être un faux calcul, car les soinsinformels ont un coût économique réel, puis-qu’ils sont souvent dispensés par des person-nes qui exercent une activité professionnelle àplein temps. Il arrive aussi que des personnesayant la charge d’un proche dépendant doiventréduire leur taux d’activité. Il existe peu d’étu-des empiriques sur le coût relatif des soins àdomicile et en institution et les conclusions ne sont pas convergentes. Toutefois, les quel-ques travaux qui se fondent sur une méthoderigoureuse – comparaisons portant sur des cassemblables – concluent que les soins ambula-toires sont significativement moins coûteux(Hollander 1999).

Une question importante concerne la rela-tion entre ces différents types de soins : s’agit-il d’une relation de substitution ou de complé-mentarité ? S’il y a substitution, il est alorspossible de remplacer des services coûteux pardes services moins chers. La possibilité de rem-placer des soins professionnels à domicile pardes soins bénévoles est limitée (Bell et al. 2002),ces deux types de soins étant essentiellementcomplémentaires. La politique des cantons estd’éviter que la mise à disposition de structuresprofessionnelles incite les familles à réduire l’aide informelle. L’aspect le plus importantporte toutefois sur l’évaluation du potentiel desubstitution entre SAD et EMS. Le but est deréduire les coûts tout en permettant aux per-sonnes âgées de mener une vie indépendanteen recevant des soins à leur domicile plutôtqu’en institution. Il faut relever à ce propos queparmi les pays pour lesquels on dispose dedonnées, la Suisse est celui qui fournit le plusfaible effort relatif pour les soins à domicile.

La comparaison des données entre régionssuisses fournit des informations intéressan-tes à propos de la possible substitution des soinsà domicile aux soins en institution. Chaquecanton mène en effet sa propre politique en matière d’assistance aux personnes âgées.L’hypothèse d’une relation négative entre laproportion de personnes de plus de 80 ans bé-néficiant d’aide à domicile et le taux d’institu-tionnalisation (patients en EMS / ensemble despatients) est confirmée visuellement sur le gra-phique 4.14. Toutefois le lien n’est pas très netcar il est influencé par de nombreux autres fac-teurs (structure familiale, taux d’activité desfemmes, état de santé de la population âgée …).

Une étude en cours a montré l’existence d’un lien négatif entre les soins à domicile etles soins en institution pour les personnes deplus de 80 ans une fois que l’on a tenu comptedes variables de contrôle telles que les séjoursde longue durée à l’hôpital, le degré d’urbani-sation et la densité d’EMS (Obsan/Irer à paraî-tre). On constate une relation de substitutiond’une ampleur limitée suggérant que les SADsont une alternative aux EMS, mais pour unefrange relativement limitée des personnes dé-pendant de soins. Cette conclusion est impor-tante car elle montre qu’une politique visant àaméliorer l’offre de soins ambulatoires peut,sous certaines conditions, réduire le recoursaux soins stationnaires, avec une baisse descoûts et une amélioration de la qualité de viedes personnes âgées ayant besoin d’aide et desoins.

4.3.5 Choix de politiquesOffre de soins de longue durée

L’industrie des soins de longue durée – 1300établissements et 700 organisations régionalesde soins à domicile – fonctionne-t-elle de ma-

Graphique 4.13 : comparaison des dépenses pour les soins de longue durée, en % du PIB (2003)

0.40.6 0.7 0.7

0.8 0.9

1.4 1.51.6 1.7

2.5

2.83.0

3.9

0.0

0.5

1.0

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2.0

2.5

3.0

3.5

4.0

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du

PIB

Sources : Bains et Oxley (2004) et Economic Policy Committee – EPC (2001).

22 La croissance de ce groupe de population est très varia-ble selon les pays : pour la période 1960–2040, la crois-sance de l’effectif des plus de 80 ans est estimée à 400%en Suisse, 600% en Finlande, 800% aux Etats-Unis et1300% au Japon (Royal Commission on Long Term Care1999).

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Rapport annuel 2005

75 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

nière efficiente et efficace, autrement dit four-nit-elle les prestations attendues au moindrecoût ? L’évaluation de l’efficience techniquedans ce domaine est une opération délicate enraison de la complexité des services. Chaquefournisseur a une clientèle différente avec undegré de dépendance et un besoin de soins etd’assistance particuliers. Ses coûts sont in-fluencés non seulement par la qualité de lagestion mais encore par la composition des cas («case mix»). Crivelli, Filippini et Lunati(2001) ont analysé les homes pour personnesâgées en Suisse sous l’angle de l’efficience à par-tir d’une frontière de coût, qui définit la meil-leure pratique compte tenu des caractéristi-ques des établissements.Les résultats de l’étudemontrent que de nombreux établissementssont trop petits pour utiliser de manière opti-male leurs équipements et leur personnel. Lataille idéale serait de 70 à 80 lits et la moitié en-viron des homes aurait une taille trop faible(inefficience d’échelle). Le supplément de coûtdans les homes de petite taille est cependantmodéré et l’on peut se demander s’il n’est pascompensé par une amélioration de la qualitéde vie des patients. Les auteurs constatent éga-lement des différences parfois importantesdans l’efficience des coûts. Pour la moitié des établissements, le surcoût par rapport à lameilleure pratique est inférieur à 15%. Dans lesétablissements les moins efficients, les surcoûtssont élevés et révèlent des performances insa-tisfaisantes. Il n’existe pas d’évaluation de l’ef-ficience technique pour les soins à domicile enSuisse (sur cette question voir Zhou et Suzukià paraître).

L’industrie des soins de longue durée auxpersonnes âgées est très réglementée et les mé-canismes de marché pour orienter la demande

sont peu présents. L’un des moyens utilisés parles cantons pour contrôler les dépenses est lerationnement de l’offre, avec pour consé-quence la formation de files d’attente (Crivelliet al. 2001). Cette politique peut se révélercontre-productive, car la demande est alorsexcédentaire et les fournisseurs font moinsd’efforts pour adopter de bonnes pratiques degestion et contrôler leurs coûts (Nyman 1994).En revanche, l’expérience montre qu’uneaugmentation de la concurrence conduit pres-que toujours à une amélioration de la qualitéet à une baisse des coûts (Gertler et Waldman1992). Il peut sembler paradoxal de vouloircréer une situation de concurrence dans unenvironnement très réglementé. Pourtant,réglementation du marché et concurrence nesont pas incompatibles. Une première mesureconsisterait à donner la liberté aux assureurs dechoisir les fournisseurs de prestations, ce quiveut dire que les moins performants devraientaméliorer leur gestion ou disparaître. Cettemesure devrait être accompagnée d’un renfor-cement du contrôle de qualité. Il s’agit là d’une concurrence effective. Celle-ci seraitrenforcée si les aides publiques étaient toujoursallouées aux personnes plutôt qu’aux institu-tions.

Il existe une autre voie, à la fois simple etefficace, pour créer un environnement deconcurrence. La rémunération des fournis-seurs de soins peut être déterminée sur la base de faits observés chez le producteur (sescharges, le profil et l’intensité de soins despatients) ou à partir d’indicateurs mesurésdans l’ensemble de l’industrie. Dans ce der-nier cas, les fournisseurs – EMS et SAD –reçoivent pour leurs prestations un prix for-faitaire calculé sur la base du coût (moyen parexemple) observé dans des unités compara-bles sur l’ensemble du territoire. Chacun estalors incité à adopter des pratiques efficienteset à comprimer ses coûts. Créer de cettemanière un environnement de concurrence(«yardstick competition») nécessite unebonne connaissance des coûts et des presta-tions dans l’industrie. Or, cette conditionn’est pas remplie. Le fait que presque chaquecanton ait adopté son propre outil de mesurereprésente non seulement un coût inutile,mais aussi un obstacle à la création d’un en-vironnement concurrentiel dans le secteurdes soins de longue durée.

Le contrôle de l’évolution des coûts nepeut être obtenu que par des mesures visant à augmenter l’efficience. Celles-ci doivent êtreaccompagnées d’un renforcement de la pré-vention et d’une promotion des soinsambulatoires. Les résultats du programmenational de recherche 32 montrent qu’unepolitique de prévention (visites préventives àdomicile) auprès de personnes âgées en

Graphique 4.14 : substitution entre soins à domicile (SAD) et soins en institution (EMS), 2003

0

10

20

30

40

50

Taux de recours aux SAD 80 ans et +%

Taux de recours aux EMS 80 ans et +%

SZ AI UR

NW GL TI LU SH AR ZG GR AG ZH TG BE SG SO NE BL VS BS FR VD GE JU OW

Sources : OFS, Statistique des hôpitaux et des établissements non hospitaliers, exploitation spéciale, et OFAS (2004).

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4. Analyses de thèmes choisis

76 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

bonne santé permet de réduire le besoin desoins, l’institutionnalisation, et plus générale-ment les dépenses (Schmocker et al. 2000).Une augmentation de l’offre de soins à domi-cile et de structures intermédiaires devraitpermettre de réduire le besoin d’institution-nalisation. L’expérience de la Hollande mon-tre que la tendance au placement en établis-sement peut être inversée moyennant desmesures adéquates. Dans ce pays, la part de lapopulation de plus de 80 ans institutionnali-sée est passée de 27,5% au milieu des années1980 à 17% dix ans plus tard. La comparaisonde l’effort relatif consenti en faveur des soinsà domicile est instructive : en Hollande, lessoins à domicile représentent 42% des dé-penses pour les soins de longue durée, enSuisse 13%.

Financement des soins de longue duréeLe système actuel de financement est com-

plexe et peu transparent. Il ne favorise pas laconcurrence entre les fournisseurs de soins. Ilne donne le plus souvent pas de bonnes inci-tations aux agents concernés. Le financementdes soins de longue durée pèse en outre lour-dement sur l’assurance-maladie et, par là, surles jeunes et les actifs. Ce n’est pas vraiment le rôle d’une assurance-maladie d’assurer des risques liés à l’âge. Les limites du systèmede financement actuel sont reconnues et di-vers autres modèles ont été proposés (voirnotamment Conseil fédéral 2005, p. 36 ss.,Zweifel et al. 1994). Par le nouveau régime definancement des soins, le Conseil fédéral veutéviter d’alourdir la charge supportée parl’assurance-maladie découlant des soins four-nis aux personnes âgées. La solution proposéedans le modèle consiste à séparer les soins detraitement des soins de base dont le but est depermettre aux personnes d’accomplir les acti-vités de la vie quotidienne. L’assurance-mala-die couvrirait les soins de traitement et selimiterait à allouer une contribution pour lessoins de base. La logique du nouveau modèleest essentiellement financière : il faut déchar-ger l’assurance-maladie, tout en prenant desmesures complémentaires pour éviter que despersonnes ayant besoin de soins se trouventdans une situation difficile. Il n’apporte toute-fois pas de réponse – ou qu’une réponse par-tielle – aux autres insuffisances du système :manque de concurrence, inefficience techni-que, absence de bons mécanismes incitatifs,distorsions de concurrence, mauvaise adéqua-tion entre l’offre et les besoins, complexité etopacité.

Il existe sans aucun doute plusieurs maniè-res de concevoir un modèle de financement fa-vorisant l’efficience. Le modèle décrit ci-aprèsest donc l’une des voies possibles pour amélio-rer les performances dans la fourniture des

soins de longue durée, mais non la seule. Lessoins de longue durée – soins médicaux etsoins de base – seraient couverts par une assu-rance sociale spécifique obligatoire fonction-nant selon un principe de solidarité (pas de dif-férenciation des primes en fonction du risque).L’assurance étant obligatoire, le problème del’antisélection ne se pose pas. Pour des raisonsd’équité, un mécanisme de compensation desrisques devrait être prévu. Seraient affiliés à l’assurance toutes les personnes à partir de l’âge limite convenu (si l’âge limite est élevé, lesprimes le sont également). Il conviendrait deveiller à ce que la concurrence entre les assu-reurs ne se fasse pas par la sélection des risquesmais par une bonne gestion des cas. Dans cetteperspective, les assureurs devraient avoir laliberté de passer des contrats avec les fournis-seurs de leur choix. L’avantage d’une assurancesociale par rapport à une assurance privée estde permettre de garantir les risques intertem-porels. Les assureurs ont en effet la possibilitéd’augmenter les primes si le risque augmentepour l’ensemble des assurés. L’assurance cou-vrira les prestations, qu’elles soient fourniespar un établissement médicosocial ou par unservice d’aide à domicile. La question de savoirsi les bénéficiaires doivent pouvoir choisircomme prestation d’assurance le versementd’une indemnité à un proche ou à une autrepersonne fournissant les soins bénévolement –comme c’est le cas dans le modèle allemand –est plus délicate. L’idée d’une telle assurance desoins a été proposée par l’Association des pe-tits et moyens assureurs-maladie de Suisse(RVK).

Pour couvrir les frais d’hébergement et d’aide familiale, on peut envisager un systèmede bons échangeables («vouchers») auprès desfournisseurs de soins agréés (voir Zweifel et al.1994). Un tel bon n’est rien d’autre qu’un sub-side qui ne peut être utilisé que dans un but défini. Dans la logique du système, toutes lesaides directes aux établissements ou aux struc-tures d’aide à domicile devraient disparaître.Le bon est un instrument économique quipermet à celui qui l’a reçu d’acheter le serviceauprès du fournisseur de son choix. La valeurdu bon doit couvrir le prix du service achetéauprès d’un fournisseur efficient si la personnen’a pas de ressources. Si le bénéficiaire peutassumer tout ou partie des frais, la valeur dubon est réduite.

Les personnes qui souhaitent protéger leurpatrimoine peuvent contracter une assuranceprivée. Comme il s’agit d’un contrat à très longterme, l’assuré devrait bénéficier d’une protec-tion particulière. L’expérience des pays quiconnaissent une assurance privée des soins de-puis de longues années montre la nécessité d’une telle protection. Aux Etats-Unis, beau-coup de personnes qui ont conclu des assu-

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Rapport annuel 2005

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rances privées pour les soins de longue duréen’ont jamais pu recevoir de prestations car elles se sont trouvées, à un moment ou à un au-tre, dans l’impossibilité de payer les primes, etle contrat a pris fin. Le déficit d’information estun cas d’échec du marché qui appelle une réglementation de l’Etat : protection contre lerisque de sous-assurance, standardisation desproduits pour améliorer leur lisibilité, clausesde non-déchéance.

La réglementation de l’assurance soulèveplusieurs questions délicates dont celle de lasolidarité : faut-il imposer aux assureurs privésde ne pas différencier les primes selon le risque(primes identiques pour les hommes et lesfemmes), quitte à provoquer un mécanismed’antisélection ? Il faut aussi s’interroger sur l’intérêt public d’une telle assurance : devrait-on favoriser le développement de ce type d’as-surances par des mesures incitatives telles queles crédits d’impôt, sachant que la clientèle in-téressée par ce type de produits a un niveau derevenu supérieur à la moyenne ? Il s’agit d’unequestion délicate à laquelle l’économiste n’apas de réponse tranchée.

4.4 Conciliation de la vie familiale etprofessionelle23

4.4.1 Point de la situationComme beaucoup d’autres pays industria-

lisés, la Suisse est confrontée au problèmed’une population vieillissante : d’une part, letaux de natalité baisse, si bien que la part rela-tive de la population âgée s’accroît ; d’autrepart, dans un même temps, l’espérance de viemoyenne de chaque génération augmente, desorte que la population vieillit aussi de ce fait. En raison de ce phénomène du «doublevieillissement», le rapport entre actifs et retrai-tés devient toujours plus défavorable, générantainsi à moyen et à long terme des problèmesconsidérables pour la politique économique etfinancière de la Suisse.

Pour résoudre ce problème, on peut pren-dre des mesures de politique économique et financière. Mais il est aussi possible d’avoir re-cours à des mesures de politique familiale pourtenter notamment d’influencer l’évolution dé-mographique. L’objectif est, d’un côté, d’aug-menter le taux de natalité et, de l’autre, d’en-courager l’activité professionnelle des mères enpermettant de mieux concilier la vie profes-sionnelle et la vie familiale.

En Suisse, les moyens à disposition pourconcilier la famille et la profession sont effec-tivement plutôt limités par rapport à d’autrespays. Le fait que la majorité des mères travail-lent à temps partiel durant toute leur vie pro-fessionnelle et que leurs horaires de travail sontle plus souvent nettement inférieurs à 25 heu-res par semaine en témoigne.

4.4.2 Taux de natalité, activité professionnelledes femmes et conciliation de la vie familiale etprofessionnelle en Suisse et en comparaisoninternationale

Evolution du taux de natalitéL’évolution du taux de natalité en Suisse

peut être divisée en deux phases. Durant la pre-mière phase, de 1964 à 1978, le taux de natalitéa chuté brutalement de 2,7 à 1,5, alors que pen-dant la seconde, de 1978 à aujourd’hui, le reculs’est poursuivi si bien que l’on a atteint la va-leur de 1,4 actuellement.

Cette baisse en deux temps du taux de na-talité n’est pas un phénomène exclusivementsuisse. Tous les pays européens, ainsi que le Japon et les Etats-Unis ont enregistré une évo-lution semblable. La diminution a néanmoinstoujours été nettement moins forte durant ladeuxième phase, mais dans des proportionsdifférentes. Si en Suisse, en Allemagne, en Au-triche, en Espagne, en Italie, en Grande-Bre-tagne et au Japon, la tendance à la baisse s’estpoursuivie ou le taux de natalité s’est stabiliséà un bas niveau, en France, en Finlande, enNorvège, aux Etats-Unis, aux Pays-Bas et auDanemark, les taux de natalité ont à nouveauaffiché une légère hausse.

Le taux de natalité est cependant influencénon seulement par le nombre d’enfants par famille, mais aussi par l’évolution de la pro-portion de femmes sans enfant. En Suisse, lenombre de femmes sans enfant ne cesse d’aug-menter (DFI 2004, p. 30). Et ce qui est particu-lièrement alarmant, c’est que plus les femmesont un niveau de formation élevé, moins ellesont d’enfants (OCDE 2004). Sur 100 femmesayant achevé des études universitaires, 40 res-tent aujourd’hui sans enfant. Il en va de mêmepour les femmes exerçant un métier presti-gieux ainsi que pour les femmes et les couples bénéficiant d’un revenu élevé (Masia 2004,BFSFJ 2005). Toutefois, pour une même annéede naissance, la proportion des femmes ayantenfanté est toujours nettement plus élevée quecelle restées sans enfant. Aussi, la décision d’avoir ou non encore d’autres enfants in-fluence-t-elle dans un premier temps davan-tage le taux de natalité que le renoncement volontaire ou involontaire à un enfant (DFI2004, 30). De 1960 à 1980, la proportion defemmes ayant mis au monde trois enfants vivants et plus a diminué de moitié pour tom-ber de 34 à 17%. Depuis, le nombre moyend’enfants par ménage familial est d’un peu moins de deux enfants (DFI 2004, 27).

Activité professionnelle des femmes (mères) en Suisse

Le nombre de femmes exerçant une activi-té lucrative en Suisse a sans cesse augmenté depuis les années soixante. Le taux d’activitédes femmes atteint 71%, ce qui est exception-

23 Concernant le chapitre 4.4, vous trouvez une étude deréférence à l’adresse suivante : www.kfk.admin.ch/Etudes/Wirtschaftliche Auswirkungen einer alternden Bevölkerung – Teil f: Vereinbarkeit von Familie und Er-werbsleben, Schubert R., Littmann-Wernli S., Ecole poliytechnique Fédérale Zurich.

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4. Analyses de thèmes choisis

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nellement élevé par rapport aux autres payseuropéens où ce taux n’est que de 55% enmoyenne (OFS 2005a). La part des femmes à lapopulation active s’est ainsi considérablementaccrue. En 1960, les femmes représentaient33% de la population active ; ce taux a passé à39% en 1990 et à près de 50% en l’an 2000.Cette évolution s’explique avant tout par lecomportement des femmes mariées et desmères sur le marché du travail : 16% des fem-mes mariées exerçaient une activité lucrativeen 1960, 51% en 1990 et 67% en 2000 (OFS2005b). La part de mères ayant des enfants en bas âge a particulièrement progressé : en2001, le taux d’activité des mères ayant desenfants de moins de 15 ans s’élevait à 71%, soit3 points de pourcentage de moins seule-ment que celui des femmes sans enfant (OFS2003).

L’activité professionnelle des femmes enSuisse se caractérise par la forte proportion defemmes travaillant à temps partiel ainsi quepar les courts horaires de travail. 57% des fem-mes actives sont occupées à temps partiel ; cetteproportion atteint même 80% chez les femmesayant des enfants de moins de 15 ans. Plus dela moitié des mères exerçant une activité lucrative travaillent aujourd’hui moins de 25heures par semaine, souvent même beaucoupmoins. Entre 1970 et 2000, le nombre de mèresactives ayant un petit horaire de travail aaugmenté de 184 000 (Schubert/Littmann-Wernli 2005). Durant la même période, la partdes mères travaillant à plein temps a diminuéde moitié. Il semble qu’en Suisse il ne soit pos-sible de concilier la famille et l’activité profes-sionnelle que moyennant un travail à tempspartiel. Un récent rapport de l’OCDE sur laSuisse relève que la durée et le volume de l’acti-vité à temps partiel peuvent réduire les chan-ces de faire une carrière professionnelle. Letravail à temps partiel est souvent considérécomme un «tueur de carrière» (Adema/Théve-non 2004). Selon un récent rapport du Foruméconomique mondial, la Suisse figure dans lesderniers rangs d’un classement internationalportant sur la situation des femmes (Foruméconomique mondial 2005).

Concilier la famille et la vie professionnelleL’offre publique d’institutions d’accueil

pour enfants de différents âges est très res-treinte en Suisse. Ce n’est qu’à partir de l’âge del’école enfantine (5 ans) que 84% environ desenfants sont pris en charge dans des institu-tions publiques. Chez les plus jeunes, seul untiers bénéficie d’un tel accueil alors que 7%seulement des enfants de moins de 3 ans dis-posent de places dans des structures d’accueil.Ces chiffres sont nettement inférieurs à ceuxd’autres pays de l’OCDE (OCDE 2004). Ils ré-vèlent aussi qu’en Suisse la famille et les enfants

sont considérés avant tout comme une affaireprivée.

Des études ont montré que la majorité desfamilles recourt de ce fait à des solutions pri-vées. Dans la plupart des cas, ce sont de pro-ches parents, en particulier les grands-mères,qui assument une grande partie de la garde(DFI 2004, 57). La loi fédérale sur les aides financières à l’accueil extra-familial pour en-fants est un premier pas vers l’amélioration del’offre de prise en charge. Jusqu’en janvier2005, plus de 5000 nouvelles places d’accueilont été créées dans le cadre des demandes ac-ceptées (OFAS 2005). Toutefois, à en croire lesrésultats d’une récente étude du PNR52, ilmanque encore en Suisse au moins 50 000 pla-ces d’accueil pour faire face à la demande (Tas-sinari et al. 2005).

Si l’accueil extra-familial des enfants en Suisse est problématique, c’est non seulementparce que le nombre absolu de places est in-suffisant, mais aussi parce que la durée de l’ac-cueil laisse à désirer. Pour pouvoir exercer uneactivité régulière à temps partiel, il faut que lesenfants puissent être accueillis au moins pen-dant une demi-journée. Il est en principe pos-sible de placer les enfants de 0 à 6 ans dans unecrèche (dont l’offre est très modeste) ou unegarderie organisée sur une base privée pendantun demi-jour, voire un jour entier. Ce n’est enrevanche que rarement le cas dans les écolesenfantines et, surtout les écoles primaires. Laplupart des écoles enfantines et des écoles pri-maires ne proposent ni horaires continus, nigarde des enfants en dehors des heures declasse. L’accueil pour le repas de midi etl’occupation des enfants en dehors des heuresde classe sont plutôt l’exception, en particulierdans les régions rurales. Les familles ayant desenfants en âge de scolarité doivent donc sou-vent combiner plusieurs solutions de gardequand les deux parents doivent ou veulentexercer une activité lucrative. Cette situationpourrait expliquer le fait que si les mères enSuisse recommencent très vite à travailler aprèsla naissance de leur enfant, elles exercent ensuite une activité à temps partiel presquejusqu’à la fin de leur vie active.

Si l’on compare ce que fait l’Etat pour per-mettre de mieux concilier famille et travail enSuisse et dans d’autres pays, on constate que lapart du produit intérieur brut (PIB) mise à disposition pour financer des structures d’ac-cueil extra-familial pour les enfants est plutôtfaible en Suisse. Si elle est relativement élevée en France (1,3% du PIB) et au Danemark(2,3%), elle n’est que de 0,2% en Suisse. Unecomparaison des mesures politiques prisesdans ces deux pays révèle qu’en France les parents exerçant une activité lucrative sont sur-tout soutenus par des allocations pour la gardedes enfants ainsi que par d’importants allège-

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ments fiscaux (Onnen-Isemann 2003), alorsqu’au Danemark, l’accent est mis avant tout surl’égalité des sexes (OECD 2002) : pour que lespères et les mères aient la possibilité de travail-ler à plein temps, l’Etat met à disposition un im-portant dispositif d’accueil pour les enfants dèsl’âge de six mois déjà. Le taux d’imposition ef-fectif y est certes très élevé en comparaison eu-ropéenne, mais il est plus bas pour les person-nes travaillant à plein temps que pour cellesexerçant une activité à temps partiel.

Les mesures prises au Danemark et enFrance visent avant tout à soutenir et à encou-rager l’activité professionnelle des femmes etdes mères. Les pères et mères qui travaillent àtemps complet bénéficient soit d’une vaste of-fre de structures d’accueil pour leurs enfants,soit de subventions ou d’allègements fiscauxqui compensent les frais de garde. Il est mani-festement aussi important que le système fiscalet de sécurité sociale soutienne les différentesformes d’activité lucrative.

4.4.3 Lien entre la conciliation de la vie fami-liale et professionnelle d’une part, et l’activitéprofessionnelle des femmes et le taux de nata-lité, d’autre part

Pour atténuer les problèmes démographi-ques esquissés ci-dessus, il faudrait d’une partque les femmes, resp. les couples, soient plus nombreux à décider d’avoir un enfant (deplus). D’autre part, les femmes n’exerçant pas d’activité professionnelle ou travaillant àtemps partiel devraient (pouvoir) accroîtreleur offre de travail afin que la tendance à labaisse du nombre de travailleurs soit com-pensée par une hausse du nombre d’heures de travail par personne. On en arrive ainsi à laquestion capitale : est-il vrai qu’une meilleureconciliation de la vie professionnelle et fami-liale a pour effet d’augmenter l’offre de travailde la part des mères et, à long terme, de releverle taux de natalité.

Déterminants du taux de natalitéDans la décision d’avoir un enfant (de plus),

les facteurs d’influence individuels et liés aucouple jouent aujourd’hui un rôle détermi-nant. Si l’on se limite tout d’abord au plan éco-nomique, on constate que ce sont les coûts directs et indirects liés au fait d’être parentsainsi que l’avantage économique que les en-fants offrent à leurs parents qui influencent lechoix. En raison des systèmes de sécurité so-ciale en place, l’avantage économique directque représentent les enfants pour leurs parentsest pratiquement nul. Par contre, les coûts desenfants, soit, par exemple, les dépenses supplé-mentaires qu’ils entraînent au niveau du lo-gement, des loisirs et de l’entretien, sont da-vantage pris en considération. Si l’on considèreuniquement les coûts directs des enfants, les

familles bénéficiant de revenus élevés de-vraient avoir plus d’enfants que les familles àrevenus modestes. Or, des études empiriques révèlent que le nombre de ménages sans enfantaugmente parallèlement au revenu par per-sonne. Ce paradoxe «démographico-économi-que» se retrouve non seulement au niveau desménages individuels, mais aussi au niveauagrégé et en comparaison internationale : plusle revenu par habitant est élevé, plus le taux na-tional de natalité est bas (Dickmann 2003, 13).

Cette évolution est expliquée par le fait queles coûts indirects et les coûts d’opportunitédes enfants augmentent parallèlement au re-venu par personne quand, par exemple, lesfemmes sont contraintes de choisir entre uneactivité professionnelle et l’éducation de leurenfant en raison de l’absence d’institutions d’accueil pour les enfants. Plus les femmes in-vestissent dans leur formation professionnelle,plus leurs chances sont grandes sur le marchédu travail et plus les coûts d’opportunité desenfants sont importants. Le fait d’avoir des en-fants paraît donc – toutes choses étant égalespar ailleurs – moins attractif. Les données dis-ponibles en Suisse établissent parfaitement celien.Alors que les femmes sans formation post-obligatoire mettent en moyenne 2,2 enfants aumonde, celles ayant une formation universit-aire n’en ont que 1,2 et 40% des universitaires n’ont pas d’enfant du tout.

Les changements qui interviennent dans lecomportement des femmes en matière de for-mation et d’activité professionnelle consti-tuent donc un des facteurs essentiels de l’évo-lution du taux de natalité en Suisse.Les femmessont de plus en plus nombreuses à bénéficierd’une formation tertiaire et donc de meilleu-res possibilités de revenus. Pour ces femmes aubon niveau de formation, les coûts d’opportu-nité de la fondation d’une famille et de l’édu-cation des enfants sont particulièrement im-portants, du fait aussi que le revenu moyen dela main-d’œuvre qualifiée est comparative-ment élevé en Suisse. Si l’offre de structures d’accueil extra-familial ne s’oriente pas suffi-samment sur les exigences d’une activité pro-fessionnelle qualifiée, la décision de renoncer àavoir des enfants paraît logique.

Mais au-delà de la perspective économique,de nouvelles études empiriques réalisées en Allemagne (Forsa 2005, institut de démoscopieAllensbach 2004) font planer quelques doutessur l’influence déterminante qu’aurait lemanque de crèches et de jardins d’enfants sur la planification familiale. L’élément décisifsemble plutôt être l’absence d’un partenaireadéquat (argument invoqué par 44% des per-sonnes interrogées, Institut de démoscopie Al-lensbach 2004). En outre, la satisfaction qu’of-fre une vie sans enfant joue un rôle important,tout comme la sécurité de l’emploi et, d’une

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4. Analyses de thèmes choisis

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manière générale, le climat hostile aux enfantsrégnant dans la société.Seuls 9% des Allemandsinterrogés indiquent qu’ils auraient plus d’en-fants s’il était plus facile de concilier l’activitéprofessionnelle et la famille (Forsa 2005).

Déterminants de l’activité lucrative des femmesSous l’angle économique, le montant de la

rémunération qu’il est possible d’obtenir sur lemarché du travail figure parmi les facteurs es-sentiels déterminant la décision de travailler.La rémunération dépend avant tout de la for-mation, de l’expérience professionnelle et, par-tant, de la productivité escomptée d’un em-ployé. En principe, l’offre de travail augmenteparallèlement à la hausse du revenu réalisable,pour les hommes comme pour les femmes. Ilest vrai qu’en Suisse les taux d’activité et les revenus moyens des hommes et des femmesévoluent en parallèle jusqu’à l’âge de 30 ans en-viron. Par la suite, le taux d’activité des femmesbaisse parce qu’après la naissance de leur pre-mier enfant, bon nombre d’entre elles se reti-rent, partiellement au moins, de la vie profes-sionnelle pour se consacrer à l’éducation de cetenfant.

En principe, le salaire qu’il est possible d’ob-tenir sur le marché du travail constitue, pour lesmères aussi, un des facteurs les plus importantspris en considération au moment de décider de travailler. Mais lorsqu’elles ont un ou des en-fants à charge, d’autres facteurs entrent en lignede compte : l’offre et le coût des structuresd’accueil extra-familial, le souhait de s’occuperelles-mêmes de leurs enfants et les exigences dumarché du travail sur le plan de la disponibili-té et de la mobilité professionnelle.

Il est évident que la mise à disposition destructures d’accueil appropriées est susceptibled’influencer considérablement l’offre de tra-vail des mères. Plus le nombre de places d’ac-cueil est restreint, plus les horaires d’ouverturede ces institutions sont courts et plus le nom-bre d’heures de travail par jour ou par semaineque les mères peuvent offrir sur le marché dutravail est limité.

Le système tarifaire en vigueur et les frais degarde jouent également un rôle non négligeable.Le coût de la prise en charge extra-familiale desenfants est en effet mis en rapport avec le pro-duit de l’activité lucrative, soit le revenu réali-sable. On peut s’attendre à une offre de travail àpartir du moment où le prix de la garde desenfants est nettement inférieur au revenu réali-sable. Il est donc évident que les institutionsd’accueil appliquant des tarifs en fonction durevenu attirent surtout les familles à faibles etmoyens revenus qui y placent leurs enfants afind’améliorer leur situation financière grâce à undeuxième salaire. Pour les parents disposantd’un revenu plus confortable, la situation estmoins claire. Les conditions fiscales générales

doivent alors aussi être prises en compte. Si,comme en Suisse, les revenus des parents sontimposés globalement, le taux d’imposition et laprogression peuvent grever le deuxième revenude manière disproportionnée. Une étude révèleen effet qu’en matière de répartition de l’activitélucrative dans le couple, le modèle du pour-voyeur unique est financièrement toujours leplus avantageux (Knupfer/Knöpfel 2004). Si les frais de la garde des enfants ne sont pas dé-ductibles des impôts, les charges totales peuventdépasser le produit de l’activité lucrative, si bienque les femmes, surtout si elles disposent d’unebonne formation et peuvent prétendre à un re-venu moyen à supérieur, préfèrent rester à lamaison ou décident tout simplement de ne pasavoir d’enfants.

Plusieurs incitations financières négativescompliquent manifestement la décision quedoivent prendre les mères. Celles qui, en raisonde leur formation et de leur expérience profes-sionnelle, peuvent prétendre à un revenu élevé,ne peuvent généralement l’obtenir que si elles font preuve d’une très grande disponibili-té. Plus l’offre d’accueil pour les enfants estmince, plus les horaires d’ouverture des insti-tutions de garde sont restreints, et moins lesmères peuvent accepter des postes exigeant unegrande disponibilité. Pour les femmes haute-ment qualifiées, le problème est presque in-soluble : si le métier choisi ou la situation deconcurrence sur le marché du travail tendent àimposer un emploi à plein temps ou si ce mar-ché n’offre pas ou n’offre qu’un petit nombred’emplois à temps partiel hautement qualifiés,alors que parallèlement les attentes tradi-tionnelles incitent les mères à s’occuper elles-mêmes de leurs enfants en bas âge ou que lesplaces d’accueil appropriées font défaut, il de-vient difficile de concilier famille et la vie pro-fessionnelle et carrément impossible de conci-lier famille et carrière. Si elles s’aperçoivent duproblème après avoir déjà entamé une carrière,le risque est grand qu’elles refoulent leur éven-tuel désir d’enfant jusqu’à ce que celui-ci de-vienne irréalisable. Les données disponibles enSuisse confirment fort bien ce lien : les femmesau bénéfice d’un diplôme universitaire souhai-tent moins d’enfants que les femmes au niveaude formation plus bas. Leurs souhaits d’enfantssont, de surcroît, plus fortement revus à labaisse, avec l’âge, que celui des autres femmeset finalement les femmes universitaires mettentdeux fois moins d’enfants au monde qu’elles n’avaient prévu initialement (DFI 2004).

En tenant compte des facteurs d’influencementionnés plus haut, on peut définir les con-ditions suivantes en vue d’augmenter l’offre detravail des femmes et de relever le taux de na-talité en Suisse :1. Dans l’ensemble, les femmes peuvent plus

facilement exercer une activité lucrative

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si l’offre de places d’accueil extra-familialpour les enfants est augmentée et si les ho-raires d’ouverture de ces institutions sontmieux adaptés aux conditions de travail desparents.

2. Les mères aux revenus modestes et les per-sonnes élevant seules leurs enfants peuventavoir recours aux offres d’accueil extra-familial uniquement lorsque les tarifs desinstitutions s’échelonnent en fonction durevenu.

3. Pour les mères ayant un revenu moyen à su-périeur, la décision d’exercer une activité lu-crative et le volume de travail qu’elles peu-vent offrir dépendent essentiellement ducoût de la garde des enfants ainsi que desconditions fiscales générales. L’extension del’offre de travail ne peut être envisagée quesi des mesures telles que l’imposition indi-viduelle et la déductibilité des frais de gardedes enfants permettent de mieux concilierla vie familiale et professionnelle au niveaudes coûts.

4. Le taux de natalité ne peut être augmentéque si les coûts d’opportunité de la gardedes enfants sont réduits, en particulier pourles femmes hautement qualifiées. Pour at-teindre cet objectif, il faut des conditionsfiscales plus avantageuses, une offre destructures d’accueil extra-familial qui soitfiable pour les mères travaillant à tempscomplet ainsi qu’un nombre suffisantd’emplois qualifiés à temps partiel.

Il ressort de ces conditions que,dans la pers-pective économique, l’offre et le coût de l’ac-cueil extra-familial ainsi que les conditions fiscales générales constituent des facteurs dé-terminants pour gérer l’offre de travail desmères en Suisse. On peut s’attendre à une plus forte participation des femmes à la vie profes-sionnelle à condition d’augmenter le nombrede places d’accueil, d’adapter les heures d’ou-verture des structures aux horaires de travaildes mères, de pouvoir déduire les frais de gardedes impôts et de bénéficier, pour le deuxièmerevenu, d’une imposition individuelle et non d’un taux progressif. Une combinaisonjudicieuse de ces facteurs permet de réduire lescoûts d’opportunité de la fondation d’une fa-mille et ainsi, d’augmenter à long terme le tauxde natalité.

4.4.4 Coût et utilité d’une meilleure concilia-tion de la vie familiale et professionnelle

Une fois définies les conditions permettantd’accroître la participation des femmes à la vie active et le taux de natalité à long terme, laquestion qui se pose est celle du coût et de l’utilité d’une meilleure conciliation de la viefamiliale et professionnelle. Dans une perspec-tive démographique, il ne faut évidemment pas

que la hausse de l’offre de travail des femmesse fasse aux dépens de la fondation de familles.C’est la raison pour laquelle il est souventquestion, à côté d’une modification de l’offrede structures d’accueil et du système fiscal,d’un congé parental payé ou encore de l’adap-tation des horaires de travail aux besoins desfamilles (Küng Gugler 2004). Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, d’autres facteurs,qui échappent largement à l’influence de la po-litique, déterminent aussi le souhait d’enfantset l’offre de travail. Aucune étude détaillée n’aencore été réalisée sur ce sujet en Suisse. Il pa-raît donc d’autant plus important d’analysersoigneusement le coût et l’utilité des mesurespermettant de mieux concilier la famille et l’activité professionnelle.

UtilitéPour définir l’utilité, on distingue habituel-

lement entre utilité directe, utilité indirecte etavantage intangible. Si les mesures énuméréessont efficaces, c’est-à-dire si elles permettenteffectivement de mieux concilier famille etprofession et augmentent dès lors – toutes cho-ses étant égales par ailleurs – l’offre de travaildes femmes et le taux de natalité, il y a utilitédirecte en ce sens que les problèmes de politi-que économique et financière mentionnés plushaut ne se manifestent pas ou alors seulementsous une forme atténuée. L’extension de l’acti-vité lucrative des femmes entraîne directementune augmentation du produit social et, parconséquent, une hausse des recettes fiscales et des cotisations aux assurances sociales. Deplus, elle évite des pertes de capital humaindues au fait que des femmes ayant une (bonneformation) restent inactives au moins tempo-rairement.

Si l’activité professionnelle des femmes s’accroît alors que celle des hommes reste cons-tante, cela signifie que davantage d’enfantsdoivent être confiés, pendant une plus longuepériode, à des institutions d’accueil extra-familial. On le constate d’autant mieux lorsquele taux de natalité augmente. La garde des en-fants peut être assurée par des structures d’ac-cueil supplémentaires, publiques ou privées,dont les frais sont fiscalement déductibles. Lamultiplication des offres d’accueil augmentel’utilité directe générée par le plus fort taux d’activité des femmes, par des emplois et créa-tions de plus-values dans les institutions d’ac-cueil ainsi que par des rentrées fiscales et so-ciales supplémentaires.

Une autre utilité résulte du fait que le per-sonnel qualifié des institutions d’accueil con-tribue à améliorer à court, moyen et long termel’intégration et la socialisation des enfants. Ilest ainsi possible de créer des potentiels de revenus futurs des enfants et de réduire d’éventuels coûts sociaux ultérieurs, liés par

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exemple à la lutte contre la criminalité desjeunes.

Enfin, la Suisse dans son ensemble et lescantons et communes en particulier pour-raient accroître leur attractivité économiqueen offrant des structures d’accueil supplémen-taires pour les enfants. Ces lieux d’accueil ainsique les conditions fiscales générales faites auxparents exerçant une activité lucrative, fontpartie des facteurs locaux «souples» qui ne sontcertes pas pris en considération en priorité,mais peuvent néanmoins être décisifs dans lechoix du domicile des parents ou de l’implan-tation d’une entreprise. Les cantons et les com-munes bénéficient ainsi de rentrées fiscalessupplémentaires et la Suisse dans son ensem-ble jouit d’un pouvoir d’attraction accru sur lesentreprises et la main-d’œuvre qualifiée.

Aucune estimation quantitative de l’utilitédirecte d’une meilleure conciliation de la viefamiliale et professionnelle n’a été faite jus-qu’ici. Cette lacune s’explique notamment parla complexité des calculs nécessaires pourdéterminer les différentes composantes men-tionnées. Il faudrait établir, pour chaque can-ton et pour la Suisse dans son ensemble, lavaleur ajoutée supplémentaire ainsi que lesrentrées fiscales et cotisations sociales supplé-mentaires découlant du revenu supérieur desparents et du revenu des employés des lieuxd’accueil pour enfants. Cette analyse devraitaussi tenir compte des différences au niveau dela formation des personnes concernées, de lapart concrète que prend l’accueil extra-familialdes enfants ainsi que des taux d’imposition descommunes et des cantons. Si l’on part du prin-cipe que les parents veulent exercer une activitélucrative pendant la période où leurs enfantssont gardés, il faut également prendre en con-sidération la capacité d’absorption des mar-chés du travail des différentes régions et dansles différentes branches. Par ailleurs, il faudraitretenir une multitude d’hypothèses quant aucomportement et aux préférences des femmeset des familles durant les décennies à venir. Ils’avère que le calcul de l’utilité directe chiffréeen francs de mesures permettant de mieuxconcilier famille et profession est une tâche ardue. Cela dit, il faut disposer d’appréciationsau moins approximatives de l’utilité prévisiblesi on veut prendre des décisions politiquesconcernant des mesures concrètes (Schubert/Littmann-Wernli 2005).

L’utilité indirecte d’une meilleure compati-bilité entre famille et profession est égalementdifficile à quantifier. Elle correspond, pour l’es-sentiel à l’avantage, pour une société, d’avoir un plus grand nombre d’enfants. Plus d’enfantssignifient un potentiel futur supplémentaire devaleur ajoutée. Pour estimer ce potentiel, il fautétablir des hypothèses sur le futur nombre d’en-fants en Suisse. Pour les prochaines 50 années,

ce potentiel exprimé par une valeur moyenneannuelle semble plutôt faible (Schubert/Litt-mann-Wernli 2005).

En jugeant l’utilité de ces mesures, il fautaussi tenir compte de leur avantage intangible.Dans le contexte des mesures visant à concilierfamille et profession, l’avantage intangible ré-sulte essentiellement du fait que le nombred’enfants par rapport à celui des personnesâgées influence l’existence à long terme, maisaussi la qualité de vie d’une société. Selon unsondage, les enfants apportent à la société de l’optimisme, de la foi dans l’avenir, de la forcenovatrice et de la créativité (FORSA 2005), au-tant de capacités essentielles auxquelles une société moderne ne devrait pas renoncer si elle veut survivre à long terme et rester com-pétitive.

Si l’on dresse un bilan prudent des avan-tages, on constate que l’utilité des mesures ré-sulte surtout du potentiel d’activité profes-sionnelle supplémentaire des mères qu’offrel’extension de l’offre d’accueil extra-familialpour les enfants. On peut admettre que l’uti-lité chiffrée est de l’ordre d’un à plusieurs di-zaines de milliards de francs suisses avec uneprise en charge extra-familiale des enfantsd’environ 60%. (Schubert/Littmann-Wernli2005). Si l’offre d’accueil est trop faible ou n’estpas exploitée dans les proportions mention-nées ou si les parents ne trouvent pas tous unemploi adéquat sur le marché du travail durantla période où leurs enfants sont gardés, l’utilitésera plus basse. Mais il ne faut pas oublierd’ajouter à l’utilité directe les avantages indi-rects et intangibles qui sont difficiles à quanti-fier sur le plan monétaire. Il s’agit notammentde la meilleure intégration et socialisation desenfants par le personnel qualifié des institu-tions d’accueil, de la plus grande attractivité dela place économique suisse et, enfin, du rôleessentiel que les enfants jouent pour la survied’une société.

CoûtsJusqu’ici, en Suisse, les instances de l’Etat, à

tous les niveaux, ont consacré chaque année autotal environ 0,2% du PIB, soit près de 0,85milliard de francs, aux structures d’accueilpour les enfants (OCDE 2004, Adema/Théve-non 2004). En outre, la formation scolaire desenfants de 6 à 15 ans coûte environ 11 000francs par enfant (OFS 2002), soit quelque 8,8milliards de francs par an au total. Dans l’en-semble, l’Etat affecte donc à ce domaine prèsde 9,65 milliards de francs par année. Il con-vient de relever que les dépenses pour la for-mation scolaire consistent principalement encharges de personnel. Compte tenu des horai-res usuels dans les écoles suisses, on ne sauraitparler ici d’un dispositif d’accueil des enfantsà la journée.

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Rapport annuel 2005

83 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Outre l’Etat, deux autres grands groupes, àsavoir les entreprises et les familles, financentles mesures visant à concilier vie de famille etvie professionnelle. Plusieurs entreprises pro-posent aujourd’hui déjà des horaires de travailflexibles et des places d’accueil, ou soutiennentfinancièrement des institutions qui disposentde telles places. De plus, les entreprises partici-pent au financement du congé de maternité.Les dépenses affectées chaque année en Suisseà la maternité et aux enfants se montent à en-viron 1,1% du PIB, soit 4,8 milliards de francs(OCDE 2004, Adema/Thévenon 2004).

Mais les coûts des mesures permettant de concilier famille et profession sont surtoutsupportés par les familles elles-mêmes : ellespaient les crèches et les jardins d’enfants pri-vés, les heures de garde des enfants, les campsd’été, les cours de vacances, etc. La plupart deces dépenses sont consenties en vue de per-mettre aux pères et aux mères d’exercer une ac-tivité lucrative. De plus, les familles ont aussides dépenses indirectes générées, par exemple,par une activité professionnelle réduite des parents ou l’engagement de membres de la pa-renté (les grands-parents, surtout). Nous nousconcentrons cependant ici sur les dépenses di-rectes pour la garde extra-familiale des enfants.Celles-ci sont estimées, en moyenne, à 0,135milliard de francs par an (Schibert/Littmann-Wernli 2005).

Si l’on additionne les dépenses effectuéesmaintenant déjà par les différents groupes, onparvient à un montant total de 14,6 milliardsde francs par an. Ce montant ne suffit manifes-tement pour permettre de concilier de manièresatisfaisante une activité lucrative et la vie defamille.

Pour profiter réellement du potentiel décritci-dessus et en tirer un rendement pour la so-ciété, il faut augmenter l’offre d’accueil extra-familial pour les enfants. Les coûts annuels d’une telle mesure ne sont pas négligeables. Ilsdevraient toutefois être moins élevés que lasomme des différents profits (Schubert/Litt-mann-Wernli 2005). Compte tenu des dépen-ses consenties aujourd’hui déjà, le besoin de financement supplémentaire devrait être légè-rement inférieur aux coûts. Le montant corres-pondant devrait être fourni surtout par l’Etaten raison des effets externes positifs qu’une ac-tivité lucrative plus soutenue des femmes et unnombre plus élevé d’enfants exercent sur la so-ciété dans son ensemble.

Analyse de l’efficienceCompte tenu du rapport coût/bénéfice

présenté ci-dessus, il paraît judicieux d’investirdans des mesures permettant de mieux con-cilier famille et profession en Suisse. Il faut ce-pendant se demander quelle est la «meilleure»mesure. On peut estimer que la meilleure me-

sure est celle qui offre une efficience particu-lièrement élevée. L’efficience se juge selon troiscritères.– l’efficacité de la mesure dans la perspective

du but poursuivi, à savoir l’augmentationdu taux de natalité et une plus forte partici-pation des femmes à la vie active,

– les coûts administratifs de la mesure et– les coûts de mise en œuvre de la mesure.

S’agissant de l’efficience, il faut aussi veillerà ce qu’au niveau du financement, les intérêtsdes bénéficiaires des mesures concordent –mieux que ce n’est le cas aujourd’hui – avec ceuxdes financiers. Ainsi, l’incitation à améliorerl’offre de prestations sera suffisamment forte.

Modification du système fiscalIl serait possible, comme nous l’avons déjà

mentionné, d’envisager concrètement l’impo-sition individuelle des conjoints ainsi que ladéductibilité complète des frais de la gardeextra-familiale des enfants. Prise isolément,une telle mesure n’aurait probablement qu’uneefficacité moyenne. Les mesures fiscales de ce type favorisent certes l’activité profession-nelle des femmes et réduisent les frais de gardeà la charge des familles, mais leur efficacité estlimitée tant que la situation financière n’est pasle critère décisif de l’exercice d’une activitéprofessionnelle ou de la maternité. Il est no-tamment fort improbable que cette mesure aitun effet sur le taux de natalité. En outre,l’efficacité des mesures fiscales restera faibletant que les offres d’accueil extra-familial pourlesquelles une déduction fiscale est possibleseront insuffisantes. Elle sera même très res-treinte si les milieux privés, en l’occurrence lesfamilles et les entreprises, doivent continuer àprendre en charge les frais d’organisation de lagarde des enfants.

Les coûts administratifs d’une modificationdu système fiscal ne devraient pas être trop éle-vés, le travail supplémentaire incombant alorsà l’administration fiscale étant limité. Les coûtsde sa mise en œuvre se mesurent à la baisse desrecettes fiscales provoquée par le changementdu mode d’imposition. Si les frais de gardeextra-familiale des enfants peuvent être entiè-rement déduits des impôts, la société doitassumer au maximum les coûts des structuresd’accueil supplémentaires.

S’agissant de la concordance des intérêts des financiers et des bénéficiaires, les mesuresfiscales semblent plutôt positives puisque cesont les personnes confrontées à la difficulté deconcilier famille et profession qui bénéficienteffectivement des allégements fiscaux. De plus,comme nous l’avons constaté ci-dessus, la société toute entière profite finalement du faitque les pères et les mères peuvent concilier plusfacilement le travail et la famille. Dans l’en-

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4. Analyses de thèmes choisis

84 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

semble, les mesures fiscales présentent donc unbon rapport coût/bénéfice et elles sont très ef-ficaces à condition que l’offre de structures dequalité accueillant les enfants toute la journéesoit suffisante.

Modification des horaires de travailL’efficacité d’un assouplissement des horai-

res de travail devrait être aussi élevée que celledes mesures fiscales, sans mesures supplémen-taires visant à la création de lieux d’accueil. Lasouplesse des horaires de travail ne constituepas, ainsi que nous l’avons relevé, un facteurdéterminant pour l’activité professionnelle desfemmes. Mais elle joue tout de même un cer-tain rôle, de sorte que l’on peut admettre queson efficacité est moyenne.

Les coûts administratifs de cette mesure in-combent avant tout aux employeurs. Ils nedevraient toutefois pas être très élevés, car laplupart des entreprises disposent de systèmesde saisie horaire. Les coûts directs, par contre,paraissent plus importants. Ils résultent de lacoordination des horaires à laquelle doiventprocéder les entreprises en fonction de leurmode de travail. Ils ne devraient cependant pasêtre plus élevés que les coûts d’implémentationdes autres mesures.

Les intérêts de ceux qui financent cettemesure et de ceux qui en profitent ne divergentpas trop. Parmi les financiers, on trouve toutd’abord les entreprises, puis les consomma-teurs dans la mesure où le coût de l’assouplis-sement des horaires peut être reporté sur leprix des produits ; les bénéficiaires de la mesuresont les familles qui, dans ce cas, assument unepart des frais en leur qualité de consomma-teurs, et indirectement la société. Le rapportcoût/bénéfice d’un assouplissement des horai-res de travail paraît donc également bon dansl’ensemble, mais à un niveau d’efficacité plutôtfaible.

Congé parental/Allocation parentaleDes mesures telles que le congé parental

payé ou l’allocation parentale (en Allemagne,par exemple, il est question d’une allocationcorrespondant au deux tiers du revenu netpendant une année) sont sans doute plus effi-caces que celles dont nous avons parlé jus-qu’ici, car elles constituent un transfert derevenu direct en faveur des familles. Elles sebasent toutefois aussi sur l’hypothèse selonlaquelle la situation financière des familles avecenfants a une influence déterminante sur l’ac-tivité lucrative des femmes et, en particulier,sur le taux de natalité. Qu’une certaine in-fluence puisse s’exercer est incontestable. Mais,si l’on considère les coûts d’opportunité élevésde la garde des enfants, il paraît fort impro-bable qu’une garantie du revenu pendant uneannée incite un plus grand nombre de femmes

à fonder une famille, notamment s’il s’agit defemmes jouissant d’une bonne formation pro-fessionnelle.

Les coûts administratifs de ces mesures nedevraient pas être trop élevés, car elles de-vraient, en grande partie, être mises en œuvredans le cadre des structures existantes desadministrations fiscales ou des services du per-sonnel des entreprises. Les coûts directs, en re-vanche, sont plus lourds (Schubert/Littmann-Wernli 2005). En fonction de la durée du congéet du salaire versé, le congé parental est plus oumoins cher qu’une allocation parentale. Uncongé parental de durée plutôt réduite est pré-férable pour des raisons économiques. Cepen-dant, quand les femmes reprennent le travailaprès ce congé, des places d’accueil supplé-mentaires sont nécessaires pour les enfants, cequi engendre forcément des coûts.

C’est l’Etat avant tout qui finance ces me-sures, notamment parce que les principaux bénéficiaires en sont non seulement les famil-les, mais toute la société. Il paraît aussi raison-nable d’y faire participer dans une certaine me-sure les entreprises qui profitent du plus forttaux d’activité des femmes. Mais ces entre-prises s’acquittent de toute façon de leur dû enpayant leurs impôts.

Offres d’accueil extra-familial pour les enfantsL’augmentation de l’offre d’accueil extra-

familial consiste concrètement à créer des pla-ces supplémentaires dans les crèches et jardinsd’enfants ainsi qu’à promouvoir les écoles dejour. Comme nous l’avons expliqué ci-dessus,c’est incontestablement cette mesure qui a leplus d’effet sur le taux d’activité profession-nelle des mères. Comme la conciliation de lavie familiale et professionnelle devient ainsioption réaliste pour les couples et les familles,il est possible d’en attendre un effet positif àlong terme sur le taux de natalité. Il ressortd’une étude empirique réalisée en Allemagnede l’Ouest que, pour avoir un effet significa-tivement positif sur la décision de fonder une famille, l’offre de lieux d’accueil pour les en-fants doit être sensiblement étendue (Hank etal., 2003).

Le coût administratif du développement desinstitutions d’accueil extra-familial publiqueset privées devrait être, dans l’ensemble, un peuplus élevé que celui des autres mesures. Cer-taines structures devront en effet être créées et d’autres étendues, notamment pour la forma-tion du personnel supplémentaire qui sera né-cessaire ou encore pour les procédures d’auto-risation et de contrôle des lieux d’accueil.

Le coût total de même que les coûts sup-plémentaires de l’accueil extra-familial des en-fants durant, par exemple, quatre jours par semaine ne sont pas négligeables. Ils sont ce-pendant compensés par le degré d’efficacité

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Rapport annuel 2005

85 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

élevé de ce groupe de mesures ainsi que par l’importante utilité complémentaire générée.Le rapport bénéfice/coût est dans l’ensemblepositif puisqu’une nette extension de l’offre d’accueil extra-familial est la mesure la plus ef-ficace dans la perspective d’une augmentationdu taux d’activité des femmes et du taux de na-talité.

La concordance des intérêts des financierset des bénéficiaires d’une augmentation de l’offre d’accueil pour les enfants constitue ce-pendant un certain problème. Les bénéficiairessont les familles et la société dans son ensem-ble. En Suisse, où l’accueil public des enfantsdoit être organisé au niveau communal, les fi-nanciers seraient, d’une part, les communes etleurs contribuables, d’autre part, les privés,c’est-à-dire les familles et les entreprises.

Il faut relever, dans ce contexte, que le fi-nancement peut s’effectuer soit directement,par la mise en place effective de structures d’accueil, soit de manière indirecte,par un sub-ventionnement des mères ou des pères. Outrela déductibilité fiscale des frais de garde dont ila été question ci-dessus, on pourrait aussi en-visager de distribuer aux parents des bons quileur permettraient de choisir, respectivement«d’acheter», le mode de garde des enfants quileur convient le mieux. Ce procédé aurait sansdoute des effets positifs sur la qualité et les coûts des offres d’accueil.L’impact de cette me-sure sur le taux d’activité des femmes serait ac-cru si les subventions étaient liées au volumede travail des parents et non pas au niveau durevenu, comme c’est habituellement le cas.

Comme nous venons de le constater, cettemesure engendre une certaine divergence entreles intérêts des financiers et ceux des béné-ficiaires. Cette divergence n’est guère étonnantecompte tenu des externalités positives d’unemeilleure conciliation de la vie familiale et pro-fessionnelle. Elle constitue toutefois un obsta-cle à la concrétisation de ce projet. Il faudraitdonc envisager des mesures d’accompagne-ment au niveau de la péréquation financièreentre la Confédération, les cantons et les com-munes (Vesper 2005). Il serait ainsi possible, lecas échéant, de réduire aussi les grandes diffé-rences qui existent entre les cantons et les com-munes au niveau de l’offre de prestations. Dansce contexte, il faut rappeler une fois de plus l’importance des structures d’accueil extra-fa-milial pour l’attractivité économique d’uncanton et d’une commune.

RésuméSi l’on considère les appréciations des diffé-

rentes mesures examinées, on constate que lesmesures portant sur un développement con-cret de l’offre de structures de prise en chargeextra-familiale offrent les meilleures perspec-tives d’entraîner effectivement une augmenta-

tion notable du taux d’activité des femmes ainsi que du taux de natalité (cf. aussi Ade-ma/Thévenon 2004 ; Apps/Rees 2004). Ce type de mesure présente aussi un rapport coût/bénéfice convaincant, surtout si l’on tientcompte des avantages indirects et intangiblesque présentent, pour la société, l’activité pro-fessionnelle des femmes et l’existence des enfants, même si ces avantages sont presqueimpossibles à chiffrer.

Parallèlement à l’extension de l’offre deprise en charge, il faudrait procéder à quelquesmodifications du système fiscal. Seul l’aban-don du régime actuel de l’imposition familialepermettrait aux ménages de bénéficier effecti-vement du produit de l’activité professionnellesupplémentaire des femmes. Une compensa-tion fiscale des frais de garde des enfants enfonction du volume de travail des parentsdonnerait en outre la possibilité aux parents detoutes les classes de revenus d’utiliser vraimentles offres d’accueil extra-familial.

Vu le temps nécessaire pour que se mo-difient tant le comportement des femmes surle marché du travail que le taux de natalité, ilserait souhaitable d’étendre rapidement l’offred’accueil extra-familial. Mais cette démarchenécessite des investissements considérables.A côté des mécanismes de financement habi-tuels, il faut donc aussi rappeler les possibilitésdu «frontloading» : par ce procédé, l’Etat n’in-tervient que progressivement dans le finance-ment direct ou indirect des places d’accueilsupplémentaires et tente, dans une premièrephase, de couvrir les besoins d’investissementpar des prestations financières des marchés descapitaux. On pourrait envisager de recourir àdes emprunts d’Etat. Grâce à ces «émissions fa-miliales», l’extension de l’offre d’accueil pour-rait être lancée rapidement et sur un mode no-vateur.

4.4.5 ConclusionLa baisse du taux de natalité en Suisse est un

facteur élémentaire de la deuxième phase de la transition démographique imputable aussibien aux modifications des conditions socio-économiques qu’au changement fondamentaldes valeurs de la société. En raison du faibletaux de natalité et de l’offre de travail plutôtrestreinte des femmes, la Suisse est confrontée,aujourd’hui déjà, à de sérieux problèmes éco-nomiques et sociaux qui iront en s’aggravant.

Pour résoudre ces problèmes, il est possibled’améliorer la conciliation des activités fami-liales et professionnelles. Cette solution, la plusintéressante en termes d’efficience, consiste àdévelopper considérablement l’offre de struc-tures d’accueil extra-familial de qualité et àprévoir des tarifs de garde en fonction du re-venu. Cette mesure gagne encore en efficacitési l’on adapte, en parallèle, les conditions fisca-

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4. Analyses de thèmes choisis

86 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

les générales. Cette combinaison aurait un tri-ple effet : premièrement, les familles à revenusmodestes à moyens seraient mieux à même d’avoir un deuxième revenu sans que leur tauxde natalité baisse pour autant ; deuxièmement,les femmes qualifiées ayant un potentiel de re-venu moyen à supérieur auraient davantage in-térêt à étendre leur horaire de travail, voire àoccuper un poste à temps complet ; et, troisiè-mement, les femmes au bénéfice d’une bonneformation seraient davantage incitées à avoirun enfant ou plus.

Il ne faut cependant pas attendre des mira-cles de ces mesures, notamment en ce qui con-cerne le taux de natalité. D’autres raisons en-core que celles évoquées ici peuvent dissuaderles femmes et les hommes d’avoir un ou plu-sieurs enfants. Le fait de ne pas trouver le «bonpartenaire» ou des craintes diffuses face à l’avenir, soit en particulier la peur du chômageet de la pauvreté familiale qui pourrait en résulter, peuvent également jouer un rôle important. C’est là une raison de plus pour concentrer les mesures politiques visant à ré-soudre les problèmes démographiques surl’encouragement de l’activité professionnelledes femmes et des mères. Plus l’activité profes-sionnelle et l’offre de prise en charge des en-fants pourront être adaptées aux préférencesindividuelles des couples et des familles, plusgrande sera la probabilité de voir un nombrecroissant de femmes et de mères augmenter(ou pouvoir augmenter) leur taux d’activité, etun nombre croissant de couples oser faire lepas et fonder une famille.

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Page 89: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

Rapport annuel 2005

87 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

Le présent rapport a mis en évidence les pro-

blèmes colossaux qui résultent du vieillissement de

la population suisse pour la politique sociale et

financière, en particulier en ce qui concerne le fi-

nancement de la prévoyance vieillesse. Il est vrai

que les problèmes de l’AVS, par exemple ne se

poseront dans toute leur acuité que dans 25 ans en-

viron. Mais plus nous attendons, plus il sera diffi-

cile de trouver des solutions susceptibles de faire

l’objet d’un consensus général.Le monde politique

serait bien avisé de ne pas continuer à différer le

traitement de ces problèmes, mais de les aborder

de manière offensive, même si sa popularité doit

en souffrir. Dans le système de démocratie directe

que connaît la Suisse où tout changement doit être

approuvé par le peuple, les processus de réforme

doivent être lancés suffisamment tôt et les échecs

(temporaires), comme des refus en votation po-

pulaire, ne doivent décourager personne.

On ne peut rien changer au fait qu’en principe,

et sous l’angle économique, les personnes actives

doivent, à chaque période, prendre en charge la

consommation de celles qui ne sont plus et de

celles qui ne sont pas encore actives. Dès lors, seul

un allongement de la vie professionnelle peut

finalement alléger la charge résultant du vieillisse-

ment de la population. Toutes les autres solutions

ne font que reporter le poids de cette charge

essentiellement sur les épaules des actifs si l’on

augmente les cotisations, sur celles des rentiers si

l’on réduit les rentes ou sur les deux groupes si l’on

opte pour un financement par le biais des impôts.

La répartition optimale des charges ne peut être

définie scientifiquement. Il s’agit d’une décision

politique qui doit bien évidemment tenir compte

de l’impact de charges sociales plus élevées. Finan-

cer les charges à venir par des prélèvements

supplémentaires sur les salaires semble donc peu

judicieux, tout au moins pour l’AVS.

La manière de répartir les charges n’a, dans un

premier temps, pas d’effets intergénérationnels

(directs). C’est le cas, pour les caisses de pension,

lorsque les cotisations et les rentes versées sont

fixées de manière correcte sur le plan actuariel :

celui qui a payé davantage de cotisations peut aus-

si s’attendre à bénéficier d’une rente plus élevée.En

ce qui concerne l’AVS, le principe s’applique tant

que la structure de la population est stable,peu im-

porte que l’effectif de la population augmente ou

diminue. Dans la phase de transition que nous

allons traverser ces prochaines décennies, les

reports de charges entre les générations peuvent

cependant être considérables. C’est aussi valable

pour les caisses de pension si, pour quelque raison

que ce soit, les réserves financières actuelles ne suf-

fisaient pas à satisfaire les prétentions des rentiers

5. Perspectives

de sorte que, par exemple, les cotisations des per-

sonnes aujourd’hui actives devraient être adaptées.

Mais l’essentiel n’est pas le report (resp. la

répartition «équitable») des charges, mais leur

réduction par un allongement de la vie profes-

sionnelle qui nous paraît judicieux. Si l’on exclut

une forte augmentation de l’immigration pour des

raisons politiques et aussi parce que ses effets à long

terme sont sujets à caution, deux possibilités

s’ouvrent à la Suisse : d’une part, allonger la durée

de la vie active en général et, d’autre par, promou-

voir l’activité professionnelle des femmes.

Un allongement de la vie professionnelle en

général exige que l’on abandonne le dogme de la

retraite à 65 ans. Bien qu’il ne soit pas nécessaire

aujourd’hui, ni ces prochaines années, de relever

l’âge de la retraite, il faut clairement faire com-

prendre à l’opinion publique que, dans l’AVS, ce

relèvement est, à terme, inéluctable. Lorsqu’une

société ne cesse de vieillir, la seule façon d’empê-

cher une augmentation constante de la charge

qu’elle doit assumer du fait de la prévoyance vieil-

lesse est d’augmenter en conséquence l’âge de la re-

traite. Le fait qu’aujourd’hui une grande partie des

actifs prennent leur retraite avant d’avoir atteint

l’âge officiel de la retraite n’est pas contradictoire :

l’âge officiel de la retraite joue aussi pour ces ci-

toyennes et ces citoyens un rôle important comme

grandeur de référence. Son relèvement aura donc

aussi une influence sur leur activité professionnelle.

Ce relèvement de la l’âge réglementaire de la re-

traite peut (et devrait probablement aussi) s’ac-

compagner d’une flexibilisation qui permettrait

par exemple aux personnes âgées de travailler à

temps partiel. On peut également envisager, pour

des groupes déterminés de professions qui exigent

un travail physique particulièrement dur, des

règlementations spéciales concernant la retraite

anticipée (par exemple en fonction du nombre

d’années de cotisation). Tout cela ne doit cepen-

dant pas faire oublier que la tendance générale doit

aller vers une extension de la durée de la vie active.

Les femmes s’engageront davantage dans la vie

active lorsqu’elles auront la possibilité de mieux

concilier famille et profession. A cet effet, des

mesures sont nécessaires sur le plan tant de l’orga-

nisation que des finances. D’une part, les horaires

dans les garderies, les écoles maternelles et les éco-

les primaires devraient être fixés de manière à ce

que, dans une famille, chaque partenaire puisse

prendre au moins un travail à la demi-journée.

D’autre part, la «pénalisation du mariage» dans le

système fiscal doit être supprimée : il convient de

remplacer le système traditionnel d’imposition de

la famille par une variante du splitting ou par une

imposition individuelle. Par ailleurs, le subven-

Page 90: Commission pour les questions conjoncturelles Rapport

5. Perspectives

88 Commission pour les questions conjoncturelles Rapport annuel 2005

tionnement des frais de garde des enfants devrait

être indépendant du revenu et/ou ces frais de-

vraient pouvoir être déduits du revenu imposable

: cela n’a aucun sens que, comme dans l’exemple

cité, deux personnes mariées qui exercent une

activité lucrative et qui ont deux enfants subissent

une perte de revenu lorsqu’elles travaillent cinq

jours au lieu de trois jours par semaine.

Une meilleure conciliation du travail et de la

famille devrait aussi entraîner une augmentation

du taux de natalité. Le fait qu’aujourd’hui en

Suisse, 40 pour cent des femmes bénéficiant d’une

formation supérieure n’ont pas d’enfants,ne relève

pas du hasard. La politique ainsi que l’attitude de

la société face aux enfants y sont pour beaucoup.

Les pays scandinaves, où le système de garde des

enfants est très développé, montrent qu’il est pos-

sible d’atteindre des taux de natalité nettement

plus forts, même dans les pays où le revenu par ha-

bitant est élevé. L’effectif de la population de ces

pays se réduit certes aussi, mais un peu plus lente-

ment et, ainsi, avec des charges supplémentaires

plus faibles.

Indépendamment du montant des prestations

de la prévoyance vieillesse dont ils vont finalement

bénéficier, les citoyennes et les citoyens doivent

pouvoir être sûrs de recevoir les prestations qui

leur ont été garanties. Si l’AVS doit, comme jus-

qu’ici, couvrir les besoins vitaux, cela signifie

qu’elle aura besoin, même en cas de relèvement de

l’âge réglementaire de la retraite, de moyens

supplémentaires. Le plus judicieux serait pro-

bablement de les couvrir par les recettes fiscales.

S’agissant des caisses de pension, il faut, dans la

situation actuelle, procéder tout d’abord à leur

assainissement. En outre, il convient de veiller de

manière stricte au maintien de l’équilibre entre les

cotisations et les promesses de prestations.A cet ef-

fet, les paramètres de la régulation, en particulier

le taux d’intérêt minimal et le taux de conversion,

doivent être adaptés de manière automatique et

périodique aux conditions du marché et à la dé-

mographie.Pour les fixer,il faudrait (implicitement

au moins) s’orienter sur des grandeurs réelles et

non nominales. L’idéal serait, par exemple, d’in-

dexer le taux de conversion sur les tables actuelles

de mortalité en tenant compte de l’augmentation

prévue de l’espérance de vie des assurés.Une adap-

tation automatique de ces grandeurs permettrait

d’une part aux personnes concernées de mieux

planifier leur avenir et, d’autre part, d’éviter des

conflits politiques portant sur leur fixation.

Comme nous l’avons relevé à plusieurs repri-

ses, les coûts de la prévoyance vieillesse ne sont pas

les seuls à augmenter du fait du vieillissement de la

population. La société devra aussi faire face à une

augmentation des coûts de notre système de la san-

té. Le fait que les personnes âgées – toutes choses

étant égales par ailleurs – ont davantage recours à

des prestations médicales est d’une importance

moindre que les coûts supplémentaires des soins

de longue durée auxquels il faut nous attendre. A

côté d’autres facteurs (probablement beaucoup

plus importants), les coûts des prestations médi-

cales supplémentaires entraînent une hausse des

coûts de la santé. Il conviendrait de régler ce pro-

blème dans le cadre d’un débat général sur la san-

té, lui consacrer ici une attention particulière serait

peu judicieux. C’est pourquoi, nous ne nous som-

mes pas attachés, dans le présent rapport, aux di-

verses propositions faites dans ce domaine. Il en va

différemment des soins aux personnes âgées qui

engendrent des coûts dont une partie seulement

est prise en charge par l’assurance-maladie. Il est

en effet possible, pour couvrir ces soins, d’intro-

duire une assurance obligatoire qui viendrait com-

pléter l’assurance obligatoire de base. Une autre

possibilité est de s’en tenir en principe au système

actuel selon lequel les frais supplémentaires non

couverts par les assurances maladie doivent être

assumés par les personnes concernées elles-

mêmes ou, si elles ne sont pas en mesure de le

faire, par les pouvoirs publics. Dans la perspective

d’une politique de répartition, cette solution est

aussi valable que celle d’une assurance obligatoire,

pour autant que les pouvoirs publics prennent

effectivement tous les frais nécessaires à leur

charge.

En résumé, on constate que le vieillissement de

la population (et la diminution de son effectif) va

poser d’énormes problèmes à la Suisse.Nous avons

mis l’accent essentiellement sur les charges finan-

cières qui vont en résulter pour les pouvoirs

publics et, en ce qui concerne l’AVS, pour la Con-

fédération surtout. Nous n’avons pas voulu ainsi

cacher qu’il existe aussi d’autres charges ou enco-

re que l’on peut voir dans cette évolution des

aspects positifs. En effet, la population ne peut

croître indéfiniment : la survie à long terme de

l’humanité dépend notamment de la stabilisation

de la population dans tous les Etats de cette Terre.

Cela ne change poutant rien au fait que l’évolution

démographique de la Suisse va, ces prochaines

décennies, poser des problèmes majeurs à la poli-

tique de la Confédération. Plus vite elle va s’y atta-

quer et plus elle prendra en compte les aspects de

long terme, mieux elle sera à même de les résou-

dre de façon satisfaisante. Les arguments politi-

ques et économiques pertinents à cet égard sont

présentés. Le présent rapport, qui a tenté de met-

tre en évidence les problèmes et d’indiquer les

solutions possibles, entend fournir une aide. La

Commission pour les questions conjoncturelles

estime que les problèmes qui nous attendent sont

relativement clairs et que les moyens d’en venir à

bout sont en principe connus, même si, au niveau

des détails, ils nécessitent encore des discussions

(parfois très approfondies). Il appartient main-

tenant avant tout au monde politique d’agir.