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COMMUNIQUE Blanchiment : la CEDH pose des questions au gouvernement français sur la compatibilité de la déclaration de soupçon et de ses utilisations ultérieures avec la Convention européenne des droits de l'homme. Affaire Patrick Michaud c. France Requête n° 12323/11 Le Conseil national des barreaux a adopté, le 12 juillet 2007, la décision portant adoption d'un règlement relatif aux procédures destinées à mettre en oeuvre les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux, en application de la directive du 4 décembre 2001. (Décision normative publiée au Journal Officiel du 9 août 2007 et directive du 4 décembre 2001 n° 2001/97/CE.). Me Patrick Michaud, membre du conseil de l'Ordre des avocats de Paris, le syndicat des avocats de France (SAF) et l'Ordre parisien avaient alors saisi le Conseil d'Etat demandant l'annulation de la décision pour excès de pouvoir en estimant notamment que "la notion de soupçon, dont l'absence déclarative entraîne des sanctions pénales, est imprécise et n'est définie par aucune règle juridique et, ce, contrairement aux principes fondamentaux de la division des infractions pénales". Dans sa décision du 23 juillet 2010, le Conseil d'Etat avait estimé que la notion "de déclaration de soupçon (...) ne saurait être regardée comme insuffisamment précise". De même en ce qui concerne la notion de "consultation juridique". Me Patrick Michaud avait alors décidé de se tourner vers la Cour européenne des droits de l'homme pour se plaindre du manque de conformité des règles de déclarations de soupçon avec la Convention. La requête avait été rédigée et déposée à la Cour européenne des droits de l'homme le 19 janvier 2011, par Bertrand Favreau. Elle se fondait notamment sur les statistiques publiées dans les rapports annuels de la cellule française Tracfin. Elle soulignait que les données transmises ne servent in fine qu'à alimenter des fichiers de renseignements. Le caractère disproportionné entre la procédure de déclaration à laquelle ils sont astreints et l'utilisation ultérieure des informations ne peuvent être acceptés par les avocats. La Cour européenne des droits l'homme a décidé de transmettre la requête au gouvernement français. Avant de rendre sa décision elle lui pose quatre questions : L’article 8 de la convention consacre t il un droit au respect de la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients et au respect du secret professionnel des avocats ? Dans l’affirmative, y a t il eu en l’espèce « ingérence « dans l’exercice des droits garantis par l’article 8 de la convention et le requérant peut il se dire victime d’une violation de cette disposition ? La présomption de protection équivalente (Bosphorus Hava Yollari Turism vc Ticaret Anonim Sirketi c.Irlande (GC° n°45036/98 CEDH 2005 VI) s’applique t’elle en l’espèce ?

Communique blanchiment

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Page 1: Communique blanchiment

COMMUNIQUE

Blanchiment : la CEDH pose des questions au

gouvernement français sur la compatibilité de la déclaration de soupçon et de ses utilisations ultérieures avec la Convention européenne des droits de l'homme.

Affaire Patrick Michaud c. France Requête n° 12323/11

Le Conseil national des barreaux a adopté, le 12 juillet 2007, la décision portant adoption d'un règlement relatif aux procédures destinées à mettre en œuvre les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux, en application de la directive du 4 décembre 2001. (Décision normative publiée au Journal Officiel du 9 août 2007 et directive du 4 décembre 2001 n° 2001/97/CE.).

Me Patrick Michaud, membre du conseil de l'Ordre des avocats de Paris, le syndicat des avocats de France (SAF) et l'Ordre parisien avaient alors saisi le Conseil d'Etat demandant l'annulation de la décision pour excès de pouvoir en estimant notamment que "la notion de soupçon, dont l'absence déclarative entraîne des sanctions pénales, est imprécise et n'est définie par aucune règle juridique et, ce, contrairement aux principes fondamentaux de la division des infractions pénales".

Dans sa décision du 23 juillet 2010, le Conseil d'Etat avait estimé que la notion "de déclaration de soupçon (...) ne saurait être regardée comme insuffisamment précise". De même en ce qui concerne la notion de "consultation juridique".

Me Patrick Michaud avait alors décidé de se tourner vers la Cour européenne des droits de l'homme pour se plaindre du manque de conformité des règles de déclarations de soupçon avec la Convention. La requête avait été rédigée et déposée à la Cour européenne des droits de l'homme le 19 janvier 2011, par Bertrand Favreau. Elle se fondait notamment sur les statistiques publiées dans les rapports annuels de la cellule française Tracfin. Elle soulignait que les données transmises ne servent in fine qu'à alimenter des fichiers de renseignements. Le caractère disproportionné entre la procédure de déclaration à laquelle ils sont astreints et l'utilisation ultérieure des informations ne peuvent être acceptés par les avocats.

La Cour européenne des droits l'homme a décidé de transmettre la requête au gouvernement français. Avant de rendre sa décision elle lui pose quatre questions :

L’article 8 de la convention consacre t il un droit au respect de la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients et au respect du secret professionnel des avocats ?

Dans l’affirmative, y a t il eu en l’espèce « ingérence « dans l’exercice des droits garantis par l’article 8 de la convention et le requérant peut il se dire victime d’une violation de cette disposition ?

La présomption de protection équivalente (Bosphorus Hava Yollari Turism vc Ticaret Anonim Sirketi c.Irlande (GC° n°45036/98 CEDH 2005 VI) s’applique t’elle en l’espèce ?

Page 2: Communique blanchiment

L’ingérence dont il est question était elle le cas échéant « nécessaire, dans une société démocratique à la poursuivre de l’un des buts énumérés au second paragraphe de l’article 8 de la convention ?

L'IDHAE considère que les questions posées au titre de l'article 8 de la Convention d'une part, mais aussi au sujet de la présomption de garantie offerte par le droit communautaire en matière de droits fondamentaux revêtent une importance cruciale pour la profession d'avocat non pas seulement en France mais dans l'Europe toute entière.

La profession ne saurait demeurer silencieuse : il convient donc au premier chef que les grandes organisations européennes de défense des droits de l'homme y portent une attention et une vigilance toutes particulières.

L'IDHAE a donc choisi de ne pas s'écarter du grand débat que génèrent les questions posées par la Cour de Strasbourg. Il y va de l'intérêt général de la profession. Compte tenu du court délai qui s'attache à la présentation de la demande, l'IDHAE a sollicité auprès du Président de la Cour, sous la signature du Vice Président Mario LANA et du Secrétaire général Christophe PETTITI, l'autorisation d'intervenir au titre de la Tierce intervention en application de l'article 36 de la Convention et de l'article 44 du règlement de la Cour.

L'IDHAE lance un appel à tous ses éminents membres pour qu'ils participent aux observations qu'il va déposer concernant le contenu et les atteintes relatives au secret professionnel des avocats en Europe.

L’IDHAE propose à la Cour d’établir un mémoire au titre de la tierce intervention, sur le droit au respect de la confidentialité des échanges et le respect du secret professionnel des avocats au regard de l’article 8 de la Convention, en droit comparé. Nous proposons également d’examiner la question de la justification et la proportionnalité de l’ingérence au regard du second paragraphe de l’article 8 de la Convention.

Enfin, nous proposerons à la Cour d’examiner la question de la présomption de protection équivalente au sens de la jurisprudence Bosphorus, étant précisé que l’un des instituts membre de l’IDHAE, l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Paris, était intervenu en qualité de tiers intervenant sur cette problématique dans l’affaire Bosphorus. Notre Institut collaborera pour cette tierce intervention avec deux centres universitaires français ayant, avec l’Institut des droits de l’homme du Barreau de Paris, fait trois tierces interventions devant la Cour : le Centre de recherche sur les droits de l’homme et le droit humanitaire (CRDH) dirigé par le Professeur Paul-Emmanuel Decaux, l’Université Panthéon Assas - Paris II, et le Centre de recherche et d’étude sur les droits de l’homme et le droit humanitaire (CREDHO) de l’Université Paris Sud XI, dirigé par le Professeur Paul Tavernier.

Si vous êtes intéressé(e), Merci de prendre contact de toute urgence avec Christophe PETTITI IDHAE Secrétariat Général – 57 Avenue Bugeaud

75116 Paris, Tel 00.33.1.55.73.30.70 fax 00.33.1.45.05.21.54 Courriel [email protected]

ou [email protected]