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INITIATIVES UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 32 CÔTÉ BIODIVERSITÉ QUAND DES ASSOCIATIONS LOCALES ALLIENT PRÉSERVATION ET DÉVELOPPEMENT TORTUES MARINES : L’ESPOIR EN MARCHE HOANI : UN VILLAGE COMORIEN UNI DERRIÈRE SES TORTUES [ page 40 ] ÎLES BARREN : À LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE DURABLE [ page suivante ] ÎLES BARREN : À LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE DURABLE Canal du Mozambique ANTANANARIVO Besalampy Soalala Mahajanga Maevatanana Morafenobe Belo Tsiribihina Morondavia Antsalova Cap Vilanandro Cap Amparafaka Maintirano N S W E Mitsinjo NOSY BARREN Jusqu’à présent, aucune étude scientifique ni aucun travail de conservation n’avaient été consacrés aux tortues marines de la région de l’archipel des îles Barren, au Sud-Ouest de Maintirano, à Madagascar, alors même qu’il s’agit d’un site essentiel dans la dynamique reproductive de cette espèce. Un vide qu’a décidé de combler le Muséum d’histoire natu- relle de Genève (Suisse) en coordonnant ce projet de ter- rain (1) financé, en grande partie, par le Réseau universitaire international de Genève (Ruig). Par Géraud LEROUX Muséum d’histoire naturelle de Genève coordinateur de terrain Mel : geraud.leroux @freesurf.ch Site : www.tortuesiles barren.org (1) Réseau interdisciplinaire pour une gestion durable de la biodiversité marine : Diagnostic environnemental et social autour des tortues marines dans le Sud-Ouest de l’océan Indien. Retour à la mer pour cette tortue capturée par l’équipe locale de recherche. © DR Sauf mentions contraires, les photographies sont de l’auteur © Gérard Guiot Remise à l’eau d’une tortue après baguage, aux îles Barren. © DR

Community Centred Conservation (C3)

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(1) Réseau interdisciplinaire pour une gestion durable de la biodiversité marine: Diagnostic environnemental et social autour des tortues marines dans le Sud-Ouest de l’océan Indien. 32 Muséum d’histoire naturelle de Genève [ page40 ] [ pagesuivante ] Remise à l’eau d’une tortue après baguage, aux îles Barren. © DR © DR ANTANANARIVO Retour à la mer pour cette tortue capturée par l’équipe locale de recherche. © Gérard Guiot Maevatanana Mahajanga Besalampy Morafenobe N S

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Page 1: Community Centred Conservation (C3)

INITIATIVES

UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 32

CÔTÉ BIODIVERSITÉ

QUAND DES ASSOCIATIONS LOCALES ALLIENT PRÉSERVATION ET DÉVELOPPEMENT

TORTUES MARINES :L’ESPOIR

EN MARCHE

HOANI : UN VILLAGECOMORIEN UNI

DERRIÈRE SES TORTUES[ page 40 ]

ÎLES BARREN :À LA RECHERCHED’UN ÉQUILIBRE DURABLE

[ page suivante ]

ÎLES BARREN : À LA RECHERCHED’UN ÉQUILIBRE DURABLE

Canal duMozambique

ANTANANARIVO

Besalampy

Soalala

Mahajanga

Maevatanana

Morafenobe

Belo Tsiribihina

Morondavia

Antsalova

CapVilanandro

Cap Amparafaka

Maintirano

N

S

W E

Mitsinjo

NOSY BARREN

Jusqu’à présent, aucune étude scientifique ni aucun travailde conservation n’avaient été consacrés aux tortues marinesde la région de l’archipel des îles Barren, au Sud-Ouest deMaintirano, à Madagascar, alors même qu’il s’agit d’un siteessentiel dans la dynamique reproductive de cette espèce.Un vide qu’a décidé de combler le Muséum d’histoire natu-relle de Genève (Suisse) en coordonnant ce projet de ter-rain (1) financé, en grande partie, par le Réseau universitaireinternational de Genève (Ruig).

ParGéraud LEROUX

Muséum d’histoirenaturelle de Genève

coordinateur de terrain

Mel : [email protected]

Site : www.tortuesilesbarren.org

(1) Réseauinterdisciplinairepour une gestiondurable de la biodiversitémarine : Diagnosticenvironnementalet social autourdes tortues marinesdans le Sud-Ouestde l’océan Indien.

Retour à la merpour cette tortuecapturée par l’équipelocale de recherche.

© DR

• Sauf mentionscontraires,

les photographiessont de l’auteur •

© Gérard Guiot

Remise à l’eaud’une tortue aprèsbaguage, aux îles Barren.

© DR

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INITIATIVES

UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 34

CÔTÉ BIODIVERSITÉ

Dans un premier temps, ce projet a souhaitéétablir un diagnostic biogéographique sur lestortues marines et leur écosystème, mais aussisociologique sur les populations dont la vie estliée à la présence des tortues (2). À partir des ré-sultats obtenus, le projet a tenté de proposerdes stratégies de conservation locale soutena-ble socialement, économiquement et écologi-quement.

Elles se traduisent, d’un côté, par la miseen place d’un réseau œuvrant pour la sensibi-lisation des populations locales envers la bio-diversité marine et en particulier les tortuesmarines et, de l’autre, par le développementd’alternatives de substitution à la pêche auxtortues. Une étude de faisabilité pour la créa-tion d’une aire marine protégée dans la régionde Maintirano sera également prochainementeffectuée.

Cinq espèces de tortuesmarines représentées

SITUÉ AU NORD-OUEST DE MADAGASCAR,Maintirano est une petite ville côtière extrême-ment enclavée et qui jusqu’à présent souffraitfortement de l’absence ou de la vétusté desinfrastructures routières et portuaires qui ladesservent.

L’archipel des îles Barren s’étend entre15 et 65 kilomètres au Sud-Ouest de Maintirano

et se situe à moins de cinq cents kilomètres descôtes africaines. Cet archipel, mais aussil’ensemble du littoral, avec des kilomètres deplages non aménagées, présentent des sitesde prédilection pour les cinq espèces detortues marines qui fréquentent le Canaldu Mozambique : tortue verte, imbriquée,caouanne, olivâtre et luth (lire page suivante).De faibles profondeurs et d’importantes forma-tions coralliennes sont à l’origine d’une vieaquatique particulièrement foisonnante, arbo-rant une fau-ne et une flore singulièrementriches et peu connues. Certaines de cesconstructions coralliennes sont à l’origine descayes qui constituent les îles Barren.

Bien que par le passé, ces îles aient étéponctuellement exploitées par des industriesde pêche ou d’extraction de phosphates, seulsles pêcheurs traditionnels Vezo (littéralement“ceux qui pagayent”) fréquentent encore cesîles durant des campagnes de pêche pouvantaller de quelques jours à plusieurs mois. Le tou-risme y est, lui, très marginal.

Les Vezo et les tortues marines :une tradition ancestrale

ORIGINAIRE DU SUD-OUEST DE MADAGASCAR(entre les fleuves Onilahy et Mangoky) et sou-vent considéré comme semi-nomade marin (3),ce peuple de pêcheurs traditionnels s’est, au

N

S

W E

Maintirano

Nosy Mavony

Nosy Androtra

Bande littorale et îlots

Découvre à marée basse

Hauts fonds

Ligne de sonde des 20 mètres

Ligne de sonde des 100 mètres

Nosy Maroantaly

Nosy DondosyNosy Andrano

Nosy Lava Nosy Manghily

N o s y B a r r e n

0 5 10 km

LA LÉGISLATIONMALGACHE

Les premières loisnationales relativesà la protection des tor-tues marines à Mada-gascar sont apparuesdès 1923. Dès lors, unarrêté stipulel’interdiction de cap-ture des femelles ni-difiantes ayant undiamètre de carapaceinférieur à 50 centi-mètres (décret du 23mai 1923).

Un deuxième dé-cret (24 octobre 1932)déclare “Réserves deponte de tortues ma-rines” Nosy Anambo(Antsiranana), NosyIranja (Nosy Be),Chestesterfield (Mo-rondava), Nosy Trozo-na et Nosy Ve (Toliara)et Europa (France).

Les lois de 1980(décret du 25 février1980) et de 1988(Convention interna-tionale sur le com-merce des espècesmenacées de la fauneet flore sauvages,Cites) prohibentl’exportation des spé-cimens empaillés et lachasse des espèces detortues marines.

Dans cette partiede Madagascar, les îles,

avec leurs kilomètres deplages non aménagées,

présentent des sitesde prédilection

pour les cinq espècesde tortues marines

qui fréquententle Canal du Mozambique.

© DR

Retour de pêchede l’équipe de recherche.Après baguage, lestortues seront relâchéessans aucun dommage.

© DR

Cette tortue luth,capturée au filet

accidentellementau cours de la nuit, sera

débitée au petit matin,en présence de toutes

les familles de pêcheurs.

© DR

ÎLES BARREN: À LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE DURABLE

RepérageCaye

Îlot de sable corallien.

(2) Un documentairede 52 minutes, diffusésur RFO (émissionArchipels) et intitulé “Lestortues de Barren”, aété réalisé par JacquesMathou sur ce projet.

(3) Lire, dans UniversMaoré n°4, l’articlede Stéphane Ciccione(Kelonia) et Valérie Lilettesur les usages etperception des tortuesdans la culture des îlesdu sud-ouestde l’océan Indien.

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UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 37

INITIATIVES

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CÔTÉ BIODIVERSITÉÎLES BARREN: À LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE DURABLE

Excepté le braconnage, un desfacteurs les plus inquiétants relevédans la région reste le taux élevéde tortues touchées par le virus “fi-bropapillomonas”. Détectée surprès de 90 tortues vertes étudiées,cette maladie, peu observée jusqu’àprésent, provoque des tumeurspouvant atteindre la taille d’uneballe de tennis sur les partiesmolles. Souvent, le stade avancé decette maladie provoque de telles

tuméfactions autour des yeux queles tortues ont un champ de visionextrêmement réduit, voire nul.Parfois, des larves viennent mêmese nicher dans ces tumeurs…

Plus étonnant : toutes les tor-tues malades ont été pêchées au-tour de Nosy Maroantaly. Sur plusde trois cents tortues vertes captu-rées autour de cette île, un peumoins de 30 % d’entre elles étaientatteints par cette maladie et aucunspécimen malade autour des au-tres îles qui, pourtant, se trouventà une douzaine de kilomètres !

DES TORTUES VERTESATTEINTES DE FIBROPAPILLOMONAS

Autour deNosy Maroantaly,de nombreuses tortuessouffrent d’un viruspouvant conduirejusqu’à la mort.

© DRLe tableau ci-contre recenseles caractéristiques des cinq espècesprésentes dans la région de Maintiranoet les observations effectuées in situ.Elles sont déclinées comme suit :

1• Nom scientifique2• En dialecte Vezo local3• Remarques générales4• Statut de conservation (source UICN)

5• Intérêt pour les pêcheurs locaux6• Régime alimentaire7• Habitat8• Présence de nids dans les Îles9• Nombre moyen d’œufs par nid

10• Mensuration (longueurde la dossière) et poids moyen

1• Eretmochelys imbricata bissa2• fano hara 3• seule espèce dont la carapace

fait localement et ponctuellementl’objet d’un commerce

4• gravement menacée d’extinction5• **6• omnivore7• la plupart des régions tropicales

du monde8• oui9• 50 à 200

10• 90 cm / 60 à 120 kg

1• Dermochelys coriacea2• fano ronto, valo zoro 3• plus rare que les quatre

autres espèces dans la région (cette espèce peut être si grandequ’elle détruit les filets des pêcheurs)

4• menacée d’extinction5• *6• omnivore (méduses principalement)7• dans la plupart des océans

du monde (supporte des eaux à 5°)

8• non9• 150

10• 1,4 à 2 m / 540 à 950 kg max

1• Caretta caretta2• fano apombo 3• moins appréciée car la chair

est fortement odorante4• menacée d’extinction5• **6• principalement carnivore7• la plus répandue après la tortue

verte (elle supporte des eaux relativement froides)

8• non, mais sur le littoral9• 100 (max 160)

10• 115 cm / 160 kg

1• Lepidochelys olivacea2• fano tsakoi 3• -4• menacée d’extinction5• **6• omnivore (carnivore mais se nourrit

régulièrement de végétaux)7• répartition mondiale

mais moins large quecelle des autres tortues marines

8• non, mais sur le littoral9• 30 à 170

10• 75 à 120 cm / 45 kg

1• Chelonia mydas2• fano zato, fano omby (omby = œuf) 3• la plus commune dans la région,

très appréciée pour sa graisseet ses œufs, donc la plus pêchée

4• menacée d’extinction5• ***6• carnivore dans sa jeunesse

(petits invertébrés, œufs de poisson, etc.) puis herbivore

7• toutes les eaux dépassant 20°8• oui (plus grande fréquence de nids)9• 100 (max. 200 ?)

10• 80 cm à 130 cm / 160 à 250 kg (jusqu’à 400 kg)

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© Tony CROCETTA

© Stéphane CICCIONE Kelonia

fil des décennies, établi sur une grande partiede la frange littorale de l’Ouest de Madagascar,jusqu’au Nord de Mahajanga. De mémoire Vezo,la pêche à la tortue marine, ainsi que la récoltedes œufs, ont toujours été pratiquées. Selon latradition, la tortue était destinée exclusivementà la consommation personnelle et il fallait res-pecter plusieurs procédés coutumiers lors desa consommation. Suivant sa taille, elle étaitsoit partagée en famille soit avec les autresmembres du village.

Cependant, depuis plusieurs années, elleest à l’origine d’un commerce local pouvants’avérer très lucratif. De prime abord, une es-timation du nombre de tortues adultes consom-mées aux alentours de Maintirano, toutesespèces confondues, peut être comprise entre300 et 500 spécimens chaque année (si l’ontient compte des jeunes spécimens, ce chiffre

pourrait aisément doubler).Les tortues marines étant encore nom-

breuses dans la région, l’alarme n’a pas encoreété donnée au niveau local. Plusieurs facteursjustifient cependant une intervention urgente :

• une pression démographique de plus enplus élevée (les Vezo ont des familles trèsnombreuses où les enfants arrêtent l’écolesouvent entre 12 et 15 ans pour s’adonnerà la pêche) ;• un attrait accru pour des gains rapides audétriment des coutumes et des traditions ;• la réhabilitation actuelle de la route reliantAntananarivo à Maintirano et, avec elle, ledésenclavement géographique progressifde la région.

Méthodologie : une démarcheparticipative privilégiée

LA MÉTHODOLOGIE RETENUE POUR CE PROJETinterdisciplinaire pour la conservation des tor-tues marines dans la région de Maintirano com-bine une approche scientifique interdisciplinairesciences naturelles et sciences humaines-mais avant tout une démarche participative avecles populations locales concernées. Dans unesprit de collaboration globale, le projet dis-pose de plus d’une douzaine de partenariatsavec des instituts nationaux et internationaux,ainsi qu’avec des sociétés privées et des as-

RepérageDémarche

participativeMéthode permettantd’associer tousles acteurs concernés.

LES PARTENAIRES DU PROJET

Le projet Diagnostic environnemental etsocial autour des tortues marines dans leSud-Ouest de l’océan Indien (Desat), financémajoritairement par le Réseau universitaireinternational de Genève (Ruig), associe leMuseum d’histoire naturelle de Genève (coor-dinateur du projet), au World wide fund for na-ture (WWF) de Madagascar et West indian oceanprogram office, à l’Institut français de recherchepour l’exploitation de la mer (Ifremer), à l’Unioninternationale pour la conservation de la nature(IUCN), au Centre d’études et de découvertesdes tortues marines de La Réunion (CEDTM)ainsi que l’Institut universitaire d’études et dedéveloppement à Genève. Des institutions mal-gaches sont également représentées telsl’Institut halieutique et des sciences marines del’Université de Toliara et la Faculté des lettreset sciences humaines de l’Université d’Anta-nanarivo. Les partenaires locaux sont consti-tués des autorités locales, régionales (chef derégion) et nationales (différents ministèresconcernés), des associations de pêcheurs, del’American peace corps et de sociétés privées.

Ce partenariat vise à proposer une stratégiede conservation soutenable socialement et éco-logiquement qui se traduira par des actions deterrain et pourra servir de modèle pour d’autresprojets de protection de la biodiversité marine.

sociations qui apportent leur soutien en fonc-tion de leurs possibilités.

Sur le terrain, cette première année et demid’existence du projet a, avant tout, été consa-crée à la collecte de données et à la sensibili-sation, un ensemble de données non seulementbiogéographiques sur les cinq espèces de tor-tues marines et leur écosystème, mais aussisociologiques sur les populations qui vivent au

Tortues vertes"saines"

Tortues vertestouchées parfibropapillomonas

Tortues imbriquées

Tortues olivâtres

Tortues caouannes

Tortues luth

Recaptures

Tortuesvenues pondre

© Stéphane CICCIONE Kelonia

© Stéphane CICCIONE Kelonia

© Michel CLÉMENT Naturalistes

Page 4: Community Centred Conservation (C3)

UN CŒLACANTHESORTI DES EAUX

Le point fort de cette expédi-tion reste la découverte d’uncœlacanthe ramené par des pê-cheurs de requins, le 18 juin2006, au Sud de Nosy Lava et par140 mètres de profondeur.Mesurant 1,71 mètre, les pê-cheurs ont affirmé qu’il était vi-vant lors de la sortie de l’eau,mais mort à son arrivée sur laplage.

Logistiquement, il fut malheu-reusement impossible del’amener à Maintirano rapide-ment et des échantillonnages (6)ont été effectués sur place etquelques écailles conservées dansde l’alcool. La tête a elle été pla-cée dans une glacière, mais elleétait malheureusement fenduedans le sens de la longueur. Sonestomac ne contenait que desrestes de méduses baignant dansun liquide blanc et visqueux.

Tous les pêcheurs présentssur l’île affirmant n’en avoir ja-mais vu auparavant, ils hésitaient

entre en faire de l’appât pour lapêche aux requins ou le faire sé-cher afin de le revendre, commeils le font avec les autres pois-sons, au village de pêcheursd’Ampassimandroro. C’est cettedernière solution qui a été fina-lement retenue. Par ailleurs, laconsommation de sa chair, tropgrasse, avait provoqué des pro-blèmes digestifs à tous ceux quiavaient tenté de manger de cepoisson préhistorique.

UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 39

INITIATIVES

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CÔTÉ BIODIVERSITÉÎLES BARREN: À LA RECHERCHE D’UN ÉQUILIBRE DURABLE

rythme des tortues.Les tortues sont capturées à l’aide d’un filet

à large maille, au moment où elles viennent senourrir sur le récif entourant chaque île. Cettepêche, méthodique et physique, nécessite plu-sieurs marins pêcheurs chevronnés et se pra-tique uniquement en pirogue traditionnelle. Leprojet emploie ainsi quatre marins pêcheursdont trois sont d’origine Vezo, tous ayant déjàtravaillé dans la pêche ou la commercialisationdes tortues marines. Après capture, les tortuessont mesurées, baguées, puis des échantillonsprélevés pour analyse génétique avant relâchedes tortues en mer. La technique employée estinoffensive pour les animaux.

Chaque expédition dure une dizaine de jourset nécessite un bivouac dans les îles et le trans-port de tout le matériel nécessaire par bateaudepuis Maintirano (eau potable, vivres, maté-

riel de camping, de recensement et d’analyses,carburant, etc.). Durant la saison de ponte (dedécembre à mars), la surveillance des sites deponte est en outre renforcée par la collabora-tion d’une douzaine de volontaires du Corps dela paix américain (4).

Les tortues étudiéeset les résultats

POUR 2006-2007, PAS MOINS DE 500 TORTUESont été capturées, étudiées, puis relâchées dansles environs des îles Barren, dont une dizainede femelles venues pondre. Une base de don-nées originale a ainsi pu être établie pour unchiffre qui pourrait être doublé dans l’année àvenir. Actuellement, trois étudiants réalisent desmémoires de thèse ou de DEA sur des sujetsconcernant la problématique du projet et unpeu plus de 150 échantillons de tissus de tor-tues marines provenant des îles Barren sont encours d’analyse (génétique) dans les labora-toires de l’Ifremer à la Réunion.

Mais après plus d’un an et demi de présencesur site, la grande satisfaction tient à l’évolutiondes comportements face aux tortues marines.Ainsi, bien que dans les îles les tortues et leursœufs soient encore consommés par certainspêcheurs, il est actuellement très rare que destortues soient revendues à Maintirano. Un im-mense progrès quand on sait qu’avant que le

(4) www.usmission.mg/pc/pcbackfr.htm

L’équipe de recherche,après éclosion, examinele pourcentage d’œufséclos, mort-néset non-fécondés.

© DR

projet ne débute, il était possible de consom-mer tous les jours de la tortue marine chez les“bouchers de tortues” à Maintirano.

Activitéset élargissement du projet

ACTUELLEMENT, APRÈS UN AN ET DEMI DE COL-lecte de données, d’études et de sensibilisation,la priorité reste de mettre en place des straté-gies et des activités de conservation en vue deperpétuer le travail accompli (des problèmes ad-ministratifs et financiers, actuellement résolus,avaient retardé ces aspects du projet) :

• proposer des activités de substitution à lapêche aux tortues ;• organiser des ateliers de travail dans le do-maine de la sensibilisation à la protection del’environnement, de l’amélioration ou de la mo-dification de certaines techniques de pêche ;• travailler en collaboration avec les médiaset les écoles ;• instaurer et maintenir des réglementations ;• créer des organes de contrôle, tels qu’uncomité de gestion et une équipe d’écogardes.Au vu des énormes potentiels écologiques

que possède, aujourd’hui encore, la région étu-diée, et de la quasi-inexistence de programmesde recherches ou de conservation, une des am-bitions serait de ne plus se limiter à la protec-tion des tortues marines dans les îles Barrenmais d’élargir les activités à d’autres espèceset écosystèmes de la côte. Dans cet esprit, leprojet encourage actuellement la création d’unComité de gestion des îles Barren et du littoralde la région du Melaky avec les autorités régio-nales et nationales, tout comme l’apport d’uneaide logistique à des chercheurs ou étudiantssouhaitant travailler dans cette région côtièredifficile d’accès.

Ci-dessous,de gauche à droite :• Une tortue capturéepour étude par l’équipedes marins pêcheurs.• Elle sera ensuitebaguée et mesurée…

Page suivante :• …puis relâchéepour retournerà son élément naturel.• La sensibilisationde la population estrestée un des mots-clésde l’action sur le terrain,relayée en celapar les autorités locales .Ici, le chef de région avecGéraud Leroux, lorsd’une course de piroguesorganisée par le projet.

© DR

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UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 41

UNI DERRIÈRE SES TORTUES

INITIATIVES

Bien que ne bénéficiant pas de la même pu-blicité ni des avantages des villages partenairesdu Parc marin du Sud de Mohéli - notammentla collaboration des gendarmes (voir page sui-vante), les villageois de Hoani ont créé cette as-sociation pour lutter contre le braconnage detortues de mer, espèces menacées et proté-gées par les lois nationales comoriennes.

Malgré la réglementation en place,l’application de la loi reste ici en effet limitéeet, bien souvent, les villageois interviennenteux-mêmes sur les plages à la place de la gen-darmerie pour arrêter les braconniers. Ces der-niers sont ainsi chassés des sites de ponte, lesassociations villageoises s’organisant bénévo-lement pour les rondes de nuit durant la saisonde nidification. L’intervention des villageois pourla protection des tortues de mer est actuelle-ment le moyen le plus efficace contre les ac-tions destructrices de ces braconniers.

Un véritable projetd’écotourisme

LES EFFORTS DE L’ASSOCIATION HUPPE NE SElimitent pas à la préservation des tortues demer puisqu’elle organise aussi des opérations desensibilisation dans les villages pour informer lespopulations localessur l’importance del’environnement et laprotection des espèces.

UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 40

CÔTÉ BIODIVERSITÉ

Au Nord de l’île de Mohéli (Union desComores), un petit village traditionnelse bat pour la sauvegarde de son patri-moine naturel et plus particulièrementpour la protection des tortues de mer etde leurs habitats. La population deHoani (1 635 habitants répartis en 241ménages résidant dans cinq quartiers),

soudée et unie, a créé, depuis 1990, sapropre association villageoise, la Fédé-

ration des associations de Hoani pour lesport, l’éducation, la culture et les activités

du développement (Fadevicho). Et c’est sousl’égide de Fadevicho qu’est née l’association

Hoani uni pour la protection de l’environnement(Huppe).

HOANI : UN VILLAGE COMORIEN par

MouzidalifaISSOUF BOUNOU

contrôleurde l’association Hoaniuni pour la protection

de l’environnement(Huppe)

etRozenn LE SCAO

chargée de missionpour l’association

Conservation centréesur la communauté

(C3)Mail : [email protected]

Conservation cen-trée sur la commu-nauté (C3) est uneorganisation à butnon lucratif fondéeen 2002 par un grou-pe international deconsultants spéciali-sés dans la protectionde l’environnementmarin. Son objectifaux Comores estd’associer les associa-tions villageoises dansla gestion des res-sources naturelles etdu développement du-rable.

C3-COMORES

BP 8310Iconi, Grande Comore,

Union des ComoresTél. : +269 73 75 04

Site : www.c-3.org.uk

Une scène désormaisplus rare sur les plagesde Hoani.

© DR

À Hoani, la populationa pris en mains

la défense deson environnement et

la protection des tortuesvertes. Ici, elles pondent

la majeure partiede l’année sur les plages

proches du village.

© DR

N

S

W E

0 30 60 90 km

Mwali(Mohéli)

Ngazidja(Grande Comore)

Nzwani(Anjouan)FONBONI

MOUTSAMOUDOU

MORONI

Océan Indien

HOANI

• Sauf mentionscontraires,

les photographiessont des auteurs •

Page 6: Community Centred Conservation (C3)

UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 43

“Univers Maoré” aconsacré, dans sonnuméro 4 daté d’août2006, dix-huit pagesà un état des lieux dela situation des tor-tues marines dans leSud-Ouest de l’océanIndien.

2006 ayant été dé-clarée “Année de latortue” par Indianocean and south eastAsia (Iosea), ce dos-sier présente les cinqespèces et les usageset perception dans laculture des îles decette région (Stépha-ne Ciccione et ValérieLilette), le rôle joué àMayotte par les her-biers marins (AlineLoricourt), l’écologiealimentaire des tor-tues vertes sur le sitede N’Gouja à Mayotte(Katia Ballorain), le tra-vail effectué par l’Ob-servatoire des tor-tues marines (MireilleQuillard) et la Brigadenature de Mayotte(Franck Charlier).

Mail : [email protected]

Comores, la consommation de viande de tor-tue et des œufs reste la cause principale demortalité de ces espèces (2). La consommationlocale n’est pas importante, la chair des tortuesbracon-nées étant surtout destinée aux îles deGrande Comore et d’Anjouan. Avec la créationde l’association Huppe, les Hoaniens ont doncdécidé de réagir face à ce véritable trafic orga-nisé allant jusqu’à arrêter eux-mêmes les bra-conniers et en prenant souvent de gros risques,car ces derniers sont parfois armés.

À Hoani, avec le financement de “BPConservation Programme” (3), C3 a pu ensuiteformer des écogardes dans le cadre d’un ate-lier sur les espèces menacées et l’environne-ment marin. C3 élabore aujourd’hui un manueltechnique sur le suivi de la nidification des tor-tues de mer et s’est engagé à former les villa-geois à la surveillance de la ponte de tortuesde mer et des nids.

Malheureusement, l’association manque deressources financières et logistiques permet-tant de promouvoir ce site à destination del’extérieur. S’il est reconnu que les associationsvillageoises comoriennes demandent à êtresoutenues dans leurs démarches (4), C3 espèredévelopper à Hoani, en relation avec une orga-nisation internationale, un vaste programme desurveillance de la nidification des tortues demer et de promotion de l’écotourisme. Dans cecadre, ses membres bénévoles participerontau programme de surveillance et seront pro-chainement formés par les gardes de Hoanipour le suivi de la ponte des tortues vertes etimbriquées.

Ce nouveau programme devrait générer desrevenus pour l’association et ainsi permettre derelancer l’économie du village, dans le cadred’échanges culturels renforcés entre acteurslocaux et touristes.

UNIVERS MAORÉ Numéro 8 Novembre 2007 42

CÔTÉ BIODIVERSITÉHOANI: UN VILLAGE COMORIEN UNI DERRIÈRE SES TORTUES

En 2000, un plan d’action pourla conservation des tortues mari-nes aux Comores a été élaboréavec pour objectif de renforcerles efforts des associations localespar la formation, de développerl’écotourisme et de surveiller lesplages de ponte des tortues (1).

Dans l’esprit de ce pland’action, Conservation centrée surla communauté (C3), organisationenvironnementale britannique tra-vaillant aux Comores, et Huppe ontpassé un accord de collaborationen 2006 pour y mettre en place unvéritable projet d’écotourisme àHoani.

Avec l’aide de C3 et des fondsobtenus dans le cadre de l’Annéede la tortue (Iosea), Huppe a ainsipu, dans un premier temps, réno-ver le Centre de la protection del’environnement de Hoani qui serttour à la fois de bureau, de centred’information pour les touristes etde logement pour les écogardes.Des objets artisanaux commetapis, corbeilles tressées élaboréesà partir de raphia et de coco tresséet autres poteries y sont ici vendus

et les recettes intégralement rever-sées à l’association pour ses pro-jets environnementaux.

En 2005, grâce à la participa-tion bénévole de ses membres,Huppe a pu construire deux bun-galows pour accueillir les écotou-ristes, à proximité de la plage deHakodiné. Élaborés à partir de ma-tériel local, tous disposent d’unedouche et de toilettes et offrent lapossibilité aux touristes de goûterà la cuisine traditionnelle locale aufeu de bois. La nuit, ces dernierssont guidés sur la plage afind’observer la ponte des tortuesvertes et imbriquées.

Relancerl’économie du village

SI, À HOANI, LES TORTUES VERTESpondent la majeure partie del’année sur les plages proches duvillage (Hakodiné et Fomboni-Hoani), la haute saison de pontese situe de juin à septembre. Cesplages sont situées à proximité dela route côtière et malheureuse-ment accessibles facilement auxbraconniers de tortues. Aux

(1) Ben Mohadji, F. etParis B. (coord.) (2000),in “Plan d’action pour laconservation des tortuesmarines en Républiquefédérale islamiquedes Comores”,Direction généralede l’environnement,Projet Biodiversité(PNUD et FEM / UICN).

LE PARC MARINDE MOHÉLI

Le Parc marin deMohéli, première ré-gion protégée aux Co-mores, a été créé le19 avril 2001, inauguréle 17 octobre 2002 et areçu le prix de l’Initia-tive Équateur par lesNations unies. Sur unesuperficie de 40 400hectares dans la partieSud de l’île, il s’étendde Miringoni à l’Ouestà Itsamia à l’Est. Il in-clut la ligne de rivage,ses plages, ses man-groves et les îlots de lazone et aussi dix réserves de pêche.

Entre le récif frangeant et la côte,le fond marin présente des formationsà posidonies et autres angiospermesmarines qui servent de pâturage auxdugongs, mammifères siréniens envoie de disparition. Les côtes de Mohélisont parmi les plus fréquentées de toutl’océan Indien par les tortues marines

pour leur reproduction. Le Parc marincomprend également des îlots inhabi-tés de différente taille, couverts de sa-vanes à Hyparrhenaria qui servent delieux de reproduction pour les oiseauxmarins. Le plan d’eau lui-même abritede très importantes colonies de madré-pores ainsi qu’une grande diversitéd’invertébrés et de poissons.

Pour plus d’informations :http://whc.unesco.org/en/tentativelists/5107/

LES BUNGALOWS DE HOANI

• Nombre de bungalows : 2• Capacité d’hébergement : 1 lit doublepar bungalow, soit 4 personnes.• Équipement : face à la mer, ils disposentde douche et toilettes avec eau courante,mais pas d’électricité.• Option : possibilité d’installer uneou deux tentes de camping sur la propriété.• Acheminement : à l’aéroport de Mohéli,prendre un taxi pour le site(compter environ 500 FC par personne).• Renseignements : Maison de l’écotourismede Mohéli ou appeler directementNema, secrétaire de l’assocation Huppe(tél. +269 72 04 62) ou Djanzati Bakar,vice-présidente (tél + 269 72 03 13).

(2) Mortimer (2002), in“A strategy to conserveand manage the seaturtle resources of thewestern indian oceanregion”. Rapport préparépour IUCN, WWF etThe Ocean conservancy.

(3) Le BP ConservationProgramme est unpartenariat entre lacompagnie BP, Birdlifeinternational, fauna& flora international,Conservationinternational et la wildlifeconservation society.Site : http//conservation.bp.com.

(4) Malleret, D. (2004)appendix 3, “Comoroscountry report -alternative sustainablelivelihoods for coastalcommunities”.IDL Group, rapportsoumis à l’UICN.

(août 2006)

(4)

UNIVERS MAORÉ, la revue des Naturalistes,Historiens et Géographes de Mayotte — Océan Indien

ISSN

: en

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: 6,0

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TORTUESMARINES:

le long CHEMIN de la VIE

TORTUESMARINES:

le long CHEMIN de la VIE

BIODIVERSITÉ OCÉAN INDIEN

ÉCOSYSTÈME ÎLE ÉPARSE

EUROPACETTE BELLEINCONNUE…

LAGON MAYOTTE

ENCOREUN ESPOIRPOUR LE DUGONG?

PATRIMOINE COMORES LE COCOTIER : HISTOIRE D‘UN PILIER DE L‘ÉCONOMIE RÉGIONALE

L’équipe des écogardeset leurs formateurs.

© DR

Sur le site, l’artisanatlocal est mis en valeur.

© DR

N

S

W E

0 1 2 3 4 5 km

Parc marin de Mohéli

Domoni

Yamaore

Mbatse

Mtakoudja

Bangoma

BandaressalamDjoyezi

ZiroudaniOuanani

Kangani

Itsamia

Hamavouna

Hagnamouada

FONBONI

HOANI

HambaChiconi

Miringoni

Ouallah IOuallah 2

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