13
Clay Minerals (1984) 19, 615-627 COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE LA SILICE EN SOLUTION: ETUDE DE LA FORMATION DE LA KAOLINITE P. ESPIAU Ea" G . PEDRO* Centre d'Etudes Phytosociologiques et Ecologiques L. Emberger, BP 5051, 34033 Montpellier Cedex, et *Station de Science du Sol, Centre National de la Recherche A gronomique, Route de St Cyr, 78000 Versailles, France. (Received 9 January 1984) R E S U M E: L'int6r& port~ 5. la synthbse de la kaolinite a ~t+ suscit6 par des preoccupations d'ordre pedologique, qui nous ont amen6s 5. comparer les exp6riences r+alis6es en laboratoire aux situations naturelles consid6rbes comme propices 5. la formation de la phyllite 1/1. I1 apparait essentiel, pour le succ+s des synth6ses, de privil6gier la formation d'ions hydroxyl6s monom6res de AI, pouvant r6agir avec l'acide orthosilicique. La neutralisation lente et partielle de solutions tr6s dilu6es semble garantir ces conditions. Deux s6ries d'essais ont bt~ entrepris. Les r6sultats exp6rimentaux tendent 5. d6montrer la possibilit~ d'obtenir une pr+cipitation de kaolinite 5. partir des ions en solution et par simple neutralisation. Le m6canisme propos6 par Siffert (1962), mettant en jeu la formation d'616ments T-O, semble le plus probable. Ces 616ments prendraient naissance par r6action de l'acide orthosilicique et de l'ion AI (OH)]. Le rapprochement entre l'importance du r61e jou6 ici par ce monom6re hydroxyl6 et la place qu'il occupe dans le sch6ma de dissolution &abli par Sarazin (1979) peut permettre de comprendre que les n6o- formations de kaolinite correspondent 5. des sols relativement bien drain6s. A B S T R A C T : Pedological considerations led us to study kaolinite synthesis and compare data from laboratory experiments with the processes occurring in a natural environment believed to be favourable to the formation of a 1/1 phyllite. In order to obtain successful syntheses, it was first considered necessary to study the formation of AI monomer hydroxylated ions which can react with ortbosilicic acid. These conditions are best provided by the slow and partial neutralization of highly dilute solutions. Two series of tests were conducted. The results show that kaolinite precipitation can be obtained from ions in solution and simple neutralization. The process suggested by Siffert (1962) based on the formation of 7"-0 elements is most likely involved. T-O elements are derived from the reaction between orthosilicic acid and the AI(OH)+ ion. When comparing the important role played here by this hydroxylated monomer with its function in the dissolution scheme determined by Sarazin (1979), it becomes clearer why neogenesis of kaolinite occurs in relatively well drained soils. Des pr6occupations d'ordre p~dologique nous ont conduits fi examiner la possibilit+ d'une synthese 6ventuelle de la kaolinite ~i partir des ions en solution. En effet, lorsqu'elle n'est pas h@itbe, la pr6sence de la kaolinite dans le complexe d'alt~ration de sols varies, surtout des sols temp+rbs acides et bien drain,s pose de nombreuses questions. Ainsi, la pr+sence d'une argile 1/1 en m~me temps que celle de la gibbsite ou d'une smectite de d~gradation dans les sols podzoliques form+s sur ar~ne granitique, conduit/t se demander si les m6canismes qui r~gissent la formation de ces min6raux peuvent &re concomitants ou si chacun d'eux marque une 6tape diff~rente de la p~dogen~se. @ 1984 The Mineralogical Society

COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

  • Upload
    hathuy

  • View
    216

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

Clay Minerals (1984) 19, 615-627

C O M P O R T E M E N T D E S I O N S A L U M I N I Q U E S ET D E LA S I L I C E E N S O L U T I O N : E T U D E D E LA

F O R M A T I O N D E LA K A O L I N I T E

P. E S P I A U Ea" G . P E D R O *

Centre d'Etudes Phytosociologiques et Ecologiques L. Emberger, BP 5051, 34033 Montpellier Cedex, et *Station de Science du Sol, Centre National de la Recherche A gronomique, Route de St C yr, 78000

Versailles, France.

(Received 9 January 1984)

R E S U M E: L'int6r& port~ 5. la synthbse de la kaolinite a ~t+ suscit6 par des preoccupations d'ordre pedologique, qui nous ont amen6s 5. comparer les exp6riences r+alis6es en laboratoire aux situations naturelles consid6rbes comme propices 5. la formation de la phyllite 1/1. I1 apparait essentiel, pour le succ+s des synth6ses, de privil6gier la formation d'ions hydroxyl6s monom6res de AI, pouvant r6agir avec l'acide orthosilicique. La neutralisation lente et partielle de solutions tr6s dilu6es semble garantir ces conditions. Deux s6ries d'essais ont bt~ entrepris. Les r6sultats exp6rimentaux tendent 5. d6montrer la possibilit~ d'obtenir une pr+cipitation de kaolinite 5. partir des ions en solution et par simple neutralisation. Le m6canisme propos6 par Siffert (1962), mettant en jeu la formation d'616ments T-O, semble le plus probable. Ces 616ments prendraient naissance par r6action de l'acide orthosilicique et de l'ion AI (OH)]. Le rapprochement entre l'importance du r61e jou6 ici par ce monom6re hydroxyl6 et la place qu'il occupe dans le sch6ma de dissolution &abli par Sarazin (1979) peut permettre de comprendre que les n6o- formations de kaolinite correspondent 5. des sols relativement bien drain6s.

A B S T R A C T : Pedological considerations led us to study kaolinite synthesis and compare data from laboratory experiments with the processes occurring in a natural environment believed to be favourable to the formation of a 1/1 phyllite. In order to obtain successful syntheses, it was first considered necessary to study the formation of AI monomer hydroxylated ions which can react with ortbosilicic acid. These conditions are best provided by the slow and partial neutralization of highly dilute solutions. Two series of tests were conducted. The results show that kaolinite precipitation can be obtained from ions in solution and simple neutralization. The process suggested by Siffert (1962) based on the formation of 7"-0 elements is most likely involved. T-O elements are derived from the reaction between orthosilicic acid and the AI(OH) + ion. When comparing the important role played here by this hydroxylated monomer with its function in the dissolution scheme determined by Sarazin (1979), it becomes clearer why neogenesis of kaolinite occurs in relatively well drained soils.

Des p r6occupa t ions d 'o rd re p~dologique nous ont condui t s fi examiner la possibilit+ d 'une

synthese 6ventuelle de la kaolini te ~i par t i r des ions en solution. En effet, lorsqu 'e l le n 'es t pas

h@itbe, la pr6sence de la kaolini te dans le complexe d 'a l t~ra t ion de sols varies , sur tout des

sols temp+rbs acides et bien d ra in , s pose de nombreuses quest ions. Ainsi , la pr+sence d 'une

argile 1/1 en m~me temps que celle de la gibbsite ou d 'une smect i te de d~gradat ion dans les

sols podzo l iques form+s sur ar~ne grani t ique, c o n d u i t / t se d e m a n d e r si les m6can i smes qui

r~gissent la fo rmat ion de ces min6raux peuven t &re c o n c o m i t a n t s ou si chacun d ' eux

m a r q u e une 6tape diff~rente de la p~dogen~se.

@ 1984 The Mineralogical Society

Page 2: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

616 P. Espiau et G. Pedro

De nombreux travaux ont 6t6 consacr~s ~. la synthtse des silicates d'alumine phylliteux. Si plusieurs de ces recherches ont &6 couronntes de succ~s (Siffert & Wey, 1962; Siffert, 1962; Esteoule, 1969; Hem & Lind, 1974; van Oosterwyck-Gastuche, 1978), il semble que seul Harder (1965-1970) soit parvenu ~ une synthtse directe ~ partir des ions en solution, sans autre artifice que la neutralisation. C'est 6galement par simple neutralisation de solutions mixtes renfermant AI et Si que nous avons tent6 de synthttiser la kaolinite.

H Y P O T H E S E S D E T R A V A I L S U R LA S Y N T H E S E D E L A K A O L I N I T E

L'examen des travaux qui viennent d'etre 6voqu~s permet de dtgager quelques aspects qui paraissent essentiels pour le choix des conditions op~ratoires darts les essais de synth~se de la kaolinite.

Concentration des solutions

Les 6checs enregistrts au cours des tentatives de synthtse ~ temptrature ambiante paraissent devoir &re attributs aux conditions optratoires, en particulier aux con- centrations trop 61evtes des solutions de dtpart. Les concentrations en aluminium ont souvent &6 choisies trts suptrieures ~t celles du sol qui sont gtntralement inftrieures 10 -s r~ (Sarazin, 1979).

La ntcessit6 de travailler avec des solutions tr~s dilutes ressort 6galement de l'examen du diagramme &abli par La Iglesia & van Oosterwyck-Gastuche (1978) sur la base de donntes thermodynamiques. Selon ce m~me diagramme la concentration en acide silicique ne devrait gutre dtpasser 10 -4 M.

Pour rtaliser la synthtse de rimogolite, Farmer & Fraser (1979) partent 6galement de solutions dilutes dont ils parviennent cependant ~ accrokre sensiblement la concentration, mais en utilisant un artifice chimique qui s'tcarte notablement des situations naturelles (hydrolyse d'un mblange d'aluminium butoxyde et de silicium tttra&hoxyde en prtsence d'acide perchlorique).

Nature des ions pouvant intervenir dans les premieres r$actions du m$canisme mis en jeu

Dans la gamme des pH des solutions des sols acides (3.5 ~ 5), la silice dissoute se trouve sous forme de H4SiO 4 (Siever, 1970). Dans ces conditions, et pour une concentration convenable d'acide silicique, il est probable que laformation de la kaolinite est davantage influencde par les formes hydroxyl~es de l'aluminium et leurs concentrations que par le comportement de la silice.

D'aprts Siffert (1962), il est essentiel de favoriser la coordinence VI de l'alumin~um et il y a analogie de formation entre les sels basiques et les silicates phylliteux. Les cations AI(OH) 2§ et AI(OH) + participeraient respectivement ~t la formation d'616ments T - O - T ou T-O dont l'association conduirait ~ des structures bidimensionnelles t&ratdre-octatdre- t&ra~dre ou t&ratdre-octa~dre. Finalement la condition essentielle qui prtside au fonctionnement de ce mtcanisme fi partir des ions en solutions, semblerait &re l'existence au sein de cette solution d'ions monom~res hydroxyl$s de raluminium.

Page 3: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

Formation de la kaolinite 617

De simples consid&ations stoechiom&riques permettent d'envisager les r~actions suivantes pour la formation de la kaolinite /t partir des monom~res hydroxyl& de l'aluminium:

2H4SiO , + 2AI(OH) + = AlzSi2Os(OH)4(c) + 3H20 + 2H +

2H4SiO 4 + 2AI(OH) 2+ = A1ESi2Os(OH)4(c ) + H20 + 4H +

AG~ = --14.37 kcal mol -~ (1)

AG ~ = - 2 . 7 9 kcal mole -~ (2)

Les variations des enthalpies libres de ces rbactions fi 25~ sont calcul6es fi partir des AG~ revues par Sarazin (1979). Une r+action (2') peut &re +crite avec le dim&e A12(OH) 4+. Le pK de la r~action de dim~risation donn6 par Stol et al. (1976) permet de calculer AG 7 pour cet ion et d'&ablir AG ~ pour la r6action (2').

2H4SiO 4 + Alz(OH) 4+ = AlzSiEOs(OH)4(c ) + H20 + 4H + AG ~ = +2-33 kcal mole -1 (2')

La consideration des variations d'enthalpies libres de r6action indique que la r~action la plus probable parmi les trois pr~e~dentes est eelle qui eoneerne A l( OH) +.

Une r6action avec un monom~re totalement hydroxyl+ AI(OH)3 pourrait &re envisag&. Ce monom~re est pris en consid6ration par Dalai (1975) et Bottero (1979), mais avec des domaines d'existence et des pK assez diff+rents. Ces divergences semblent provenir de conditions exp6rimentales diff+rentes, mais correspondant les unes et les autres fi des concentrations beaucoup plus 61ev6es que celles qu'il y a lieu de retenir pour tenter la synth~se de la kaolinite. L'intervention d'une r+action mettant en jeu le monom&e AI(OH) 3 ne para~t pas dans ce cas devoir &re prise en consid+ration. Cependant pour Stol et al. (1976), il se formerait ~galement pour des concentrations inf6rieures ~ 5.10 -5 M.

Domaine d'existence des monomkres hydroxyl~s de l'aluminium; eourbes de titration

En fait, ce qui nous int&esse en vue de l'&ablissement d'un protocole exp6rimental, ce n'est pas tant la connaissance du domaine d'existence de ces monom~res, &abli d'apr& des considerations d'6quilibres thermodynamiques, que la possibilitd d'obtenir ces monom~res au cours des manipulations de laboratoire qu'il est toujours difficile de r6aliser dans des conditions d'6quilibre.

Plusieurs m&hodes d'investigations de pointe ont &6 appliqu6es ~ l'&ude des ions aluminiques en solution et plus particuli+rement pour rexamen des hydroxopoly- m+res "infrarouge, diffusion des rayons X aux petits angles, diffusion Rayleigh de la lumi+re, r6sonance magn&ique nucl6aire. Ces diff6rentes &udes aboutissent/t l'~laboration de modules d'ions hydroxopolym+res de formules assez variables et qui, par poly- m6risation plus pouss6e, 6volueraient vers des formes cristallines. Pour eertains, cette 6volution passe par une association en plaquettes, sortes d'~16ments pr6gibbsitiques. Les travaux de Vermeulen et al. (1975), puis de Stol et al. (1976) sont parmi les plus r6cents qui s'inscrivent dans cette ligne, alors que les r6sultats de la r6sonance magn&ique nucl6aire conduisent Bottero (1979) et Bottero et al. (1980) ~ s'opposer it cette conception et fi proposer le passage par une phase d'association tubulaire fi partir d'ions hydroxopoly- m+res dans lesquels un atome A1 occupe une position centrale avec une coordinence IV -- All~(OH)2sOa(H20)~ +.

En fait, il semble que les divergences enregistr&s proviennent avant tout de conditions op6ratoires diff6rentes. Les courbes de neutralisation de l'aluminium fournissent fi cet +gard

Page 4: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

618 P. Espiau et G. Pedro

d'utiles renseignements. Leur allure d~pend effectivement de ces conditions:force ionique, concentration en aluminium, vitesse de neutralisation, concentration du r~actif alcalin (Espiau & Peyronnel, 1976; Frink & Shawey, 1967; Vermeulen et al., 1975). A vitesse suffisamment lente, ces courbes ont la particularit~ de pr6senter un deuxi6me palier. Vermeulen et aL, puis Stol et aL (1976) en donnent une interpretation. Ces auteurs signalent l'absence du second plateau pour des concentrations inf6rieures /t 5.10 -5 M. Seules les esp~ces AI(OH) 2+, AI(OH)~- et AI(OH) 3 seraient alors pr~sentes. Ils indiquent cependant une possibilit6 de dim~risation de l'ion AI(OH) z§ en AI(OH) 4+. Pour des concentrations sup6rieures fi 5 .10 5 M et pour une large gamme du rapport OH/AI (0-5 fi 2-2), il y aurait une polym6risation progressive. Ce ph~nom+ne est invoqu~ par suite de l'irreversibilit~ des courbes d'acidification par rapport /l celles de neutralisation, m~me lorsque celle-ci n'est que tr6s partielle comme l'illustre la Fig. 1. Les solutions de soude et d'acide sont introduites fi la m~me vitesse. Ces courbes correspondent fi la titration de 50 ml d'une solution 5.10 -3 N. I1 n'y a que darts le cas de la Fig. lc que les courbes se superposent. Le rapport de neutralisation OH/AI est alors de 0-12. Pour une valeur double de ce rapport, les compos+s hydroxyl~s ne se d6truisent que tr+s lentement, fi une vitesse nettement infbrieure fi celle de l'addition de l'acide, c'est-fi-dire beaucoup plus lentement qu'ils ne se sont form,s. Ainsi, dans le cas de la Fig. lb, apr~s addition de l'acide et une attente de 18 heures, le pH n'est remont6 qu'~i 3-60 (au lieu de 4-01 en d~but d'exp6rience).

De tout ce qui pr~c6de, il r+sulte en d6finitive que le domaine, dans lequel les monom&es existent seuls, est trds restreint. Cette remarque est/1 rapprocher des conditions du milieu naturel off les variations de pH auxquelles sont soumises les solutions du sol restent g6n6ralement tr~s lentes (par rapport aux exp6riences de laboratoire) et en m~me temps de faible amplitude. Cette derni6re caract~ristique est fi opposer/t une simple observation de

pH pH pH

(9

I

I

O,2ml

volume reoctifs

(9 4,40 �9 4,01 ,'x~ "-, 3,9 5 i "N~o~/"'

1 O,4mL

�9 4,41

- 4,01 I I I

-3,49 ~1

|

.............................. ~NoOH 4,40

-4,02 3,79

2,2mi.

.4,29 -4,04

FIG. 1. Courbes de neutralisation partielle et d'acidiflcation en retour. (a) et (b) NaOH et HCI 10 -1 N 1 (c) et (d) NaOH et HC1 10 2 N j 50 ml AIC135.10 -3 N.

Vitesse d'addition des r6actifs = 0.02 ml/minute

Page 5: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

Formation de Ia kaolinite 619

laboratoire: au cours de la neutralisation d'une solution d'aluminium, lorsque le rtactif est introduit assez rapidement, une volute de prtcipit+ se forme ~ la pointe de la burette (pointe immerg~e). Cela s'observe avec des concentrations d~j~t assez faibles (1/3 10 -3 M par exemple). I1 y a formation ponctuelle d'un gel qui est ensuite dispers6 lors de l'agitation du liquide; il devient imperceptible ~ la vue, mais ne se redissout certainement qu'infiniment lentement.

Les remarques prtctdentes nous conduisent donc f prdvoir une neutralisation tr~s lente et partielle de faqon, soit ~. privil~gier les ions hydroxylts monom~res de l'aluminium, soit

n'obtenir que des produits trts faiblement polymtrists ou susceptibles de libtrer assez rapidement des monom~res. Farmer & Fraser (1979) obtiennent l'imogolite en proctdant de faqon analogue, c'est-~-dire en favorisant, par neutralisation partielle, la formation d'espbces hydroxyaluminiques et leur rtaction avec l'acide orthosilicique. La libtration progressive d'ions OH/~ partir de r~sine, comme l'ont rtalis6 La Iglesia et al. (1972), est un moyen permettant d'obtenir une neutralisation tr+s lente. Dans notre travail, nous op~rons par simple apport d'un reactif alcalin dilu6 (NaOH N/100) ~. l'aide d'une burette ~lectrom~canique asservie par un titreur automatique.

P R E S E N T A T I O N D E S E S S A I S ET D E S R E S U L T A T S E X P E R I M E N T A U X

Deux sbries d'essais ont ~te r6alis6s dans des conditions tr6s voisines, la deuxi6me s6rie ayant essentiellement pour but de confirmer les r~sultats de la premiere.

Premidre s~rie d'essais

Modalit~s expdrimentales: L'aluminium est fourni ~t partir d'une solution de A1CI3, ~. 10 -3 ~ pr6parte avec un &alon de Merk: 40 ml de cette solution sont introduits dans un b~cher en pyrex.

La silice est 6galement apportte ~. partir d'une solution -~- 10 -3 Men HaSiO 4. Celle-ci est obtenue par dilution d'une solution saturte et filtr~e sur membrane de porosit~ 0-01 #m. La saturation est obtenue au contact d'un gel fourni par precipitation au sein d'une solution de SiC14. 60 ml de la solution ] . 10 -3 M sont introduits dans le btcher, ce qui donne un rapport Si/A1 ~gal ~, 1.5,

Le volume final de la solution mixte est amen+ ~t 200 ml. La concentration en aluminium est alors 2.10-4 Met celle en Si 10 4 M.

La neutralisation est effectu~e partiellement avec une solution de soude N/100 introduite la vitesse d'environ 0.015 ml par minute. Cette op+ration est effectu+e et suivie ~t l'aide de

l'ensemble Titrimax de Tacussel. Le volume de soude ainsi apport~ est de 0-60 ml, ce qui donne un rapport OH/A16gal ~t 0.45. Le pH initial est de 4 .69-4 .70 et apr+s neutralisation partielle, il atteint respectivement 4-96 et 4-89, en l'absence et en pr+sence de H4SiO 4. Le b+cher est ensuite recouvert d'une feuille de parafilm et abandonn~ pendant trois mois/t la temperature ambiante. Aprts ce temps, la solution est filtr~e sur membrane de 0.01 gm de porositb. L'aluminium est dos~ dans le filtrat et les produits retenus sur la membrane sont examints par microscopie electronique ~t balayage et par microscopie 61ectronique transmission. ParaU~lement ~. cet essai, une prbparation est r+alis~e sans neutralisation, tandis qu'un autre essai est conduit sans apport de silice.

R~sultats. Les r~sultats port,s dans le Tableau 1 traduisent l'+volution des solutions. Au

Page 6: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

620 P. Espiau et G. Pedro

TABLEAU 1. Evolution des solutions.

Composition de la [AI] = ] . 10 -4 M [A1] = ]. 10 -4 M [A1] = ~. 10 -4 M solution de d~part [Si] = 0 [Si] = 10 4 M [Si] = 10 -4 M

OH Neutralisation R = - - 0.45 0 0.45

AI

avant neutralisation 4- 70 4.69 4- 69 pH apr6s neutralisation 4.96 4.89

en fin d'experiences 4- 81 4.69 4.66

AI au d6part 1.8 1.8 1.8 en pg en fin d'exp6rience 1-71 1.83 1.62

d6part, les pH sont sensiblement les m~mes, avec ou sans silice. Au cours de la neutralisation, l'~lbvation du p H e s t plus marqu6e en l 'absence de silice; puis, au cours de l'bvolution, le pH s'abaisse 16gbrement plus en presence de silice. Dans ce cas 6galement, bien que faible, l 'abaissement de la concentration en A1 est plus prononc6. Les dosages sont effectubs par colorim&rie: les ions de l'aluminium forment un complexe color6 avec l 'briochrome cyanine R et par combinaison avec la c&oamine polycyclique on obtient un complexe stable (Hill, 1966). La mbthode a 6t6 automatisbe (Milhomme, 1979); dans les conditions off nous l 'avons appliqube, l'erreur est 6valu6e fi ACAI ~< 0 .05 / tg m1-1.

L'observation au MEB permet de rep~rer quelques amas d 'apparence min6rale (les dbveloppements microbiens sont plus importants et semblent parfois enrober les produits min6raux). Ces ~lots '6parpill6s' sur la membrane ont une taille de 10 ~ 50/,tm. Comme le montrent les Figs 2 et 3 ils paraissent form6s par l 'amoncellement de petits grains enrob6s dans une sorte de gangue. La bordure de ces amas a parfois un aspect stratifi6.

L'observation au MET est assez laborieuse. La difficult6 r6side surtout dans la mise en suspension des produits form6s, dans un volume d'eau tr6s r6duit, pour r6aliser le d6p6t sur grille. La technique adopt6e introduit de nombreux d6bris de membranes fi l '&at de micro-particules et, comme le montre la Fig. 4 il n'est pas certain que les produits min6raux se s6parent totalement de ces d6bris de membranes. Aussi, bien que la microdiffraction soit pratiqu6e sur les bords les plus minces des cristallites, les clich6s r6v~lent parfois un certain desordre dans la superposition des feuiltets (ou paquets de feuillets). La forme pseudohexagonale des cristallites et la sym&rie hexagonale en diffraction sont bien caract6ristiques des phyllites en g6n6ral. Mais, la qualit6 des clich6s ne permet pas de calculer les param6tres cristallographiques a e t b avec une grande pr6cision. Cependant les calculs effectu6s donnent des valeurs comprises entre 8.73 et 9.26 A pour be t entre 5.15 et 5 . 3 0 / k pour a. Ces r6sultats sont dans la norme de ceux connus pour les phyUites (6cart inf~rieur ~ 4% avec la kaolinite). On peut toutefois, se demander si ces param&res ne pourraient pas &re attribu6s fi la gibbsite mais les valeurs relev6es pour ce min6ral dans les fichiers ATSM se situent en dehors de la fourchette de nos r6sultats (8.659 A et 5.077 A pour une gibbsite du Massachusetts; 8.641 et 5 -070 /k pour une gibbsite pr6cipitSe d'une solution d'aluminate).

Une analyse semi quantitative fi la microsonde indique que ces produits sont compos6s d'A1 et de Si en proportions assez voisines. On trouve K et C1 fi l '&at de traces et parfois Ca. Le chlore est l 'anion qui accompagne A1; il peut 6galement provenir, comme K, de la

Page 7: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

Formation de la kaolinite 621

FIG. 2. Observation des produits form,s au MEB. Grossissement 2000. FIG. 3. Observation des produits form6s au MEB. Grossissement 3600. FIG. 4. Observation d'un cristallite au MET. FIG. 5. Diagramme de microdiffraction electronique du cristallite de la Fig. 4.

Page 8: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

622 P. Espiau et G. Pedro

diffusion de l'~lectrolyte du pont de l'+lectrode de r+f~rence qui sert ~ la mesure du pH pendant la neutralisation. Quant au calcium, il peut provenir de pollutions infimes, soit des solutions, soit de la verrerie, soit enfin des supports (membranes de filtration), car les faibles dimensions des produits analysis font que le volume sollicit6 par l'analyse ~ la microsonde leur est sup6rieur, surtout darts le sens de l'~paisseur. I1 ne faut pas perdre ~galement de vue que la quantit~ de produit form6 est tr+s faible et que celui-ci est retenu sur un filtre de 3.5 cm de diam&re. Si l'on consid+re les r~sultats du Tableau 2 (quantit~ d'aluminium disparu de la solution), on peut calculer que le maximum de min+ral qui a pu se former, si celui-ci est de la kaolinite, est de l'ordre de 0.2 mg. Cette estimation n'est d'ailleurs qu'indicative, la precision des dosages ~tant d'environ 0-05 #g/ml. En outre, il est probable qu'une faible fraction de l'aluminium hydroxyle soit seulement engag~e dans la formation d'un min6ral phylliteux. I1 n'~tait donc pas possible d'envisager une ~tude de ces produits par diffraction de rayons X. C'est l'une des raisons pour lesquelles il a ~t6 proc~d~ ~, une deuxi~me s~rie d'essais.

Deuxi~me sdrie d'essais

Protocole experimental Pour obtenir une quantitb plus importante de produits sur ta membrane de filtration et permettre ainsi une observation par diffraction des rayons X, il a ~t~ proc~d6 ~ une nouvelle s~rie d'essais: d'une part, onze essais dans les conditions prbcedemment dbcrites, et d'autre part, deux essais en presence de concentrations cinq fois plus ~lev~es. Dans ces derniers cas, le volume de soude apport~ est ~galement cinq fois plu s ~lev~. Pour se preserver des contaminations par les poussi~res, il a &~ pris un maximum de pr6cautions: b~cher recouvert d'une feuille de parafilm perc~ de deux trous pour le passage des ~lectrodes pendant la neutralisation; fltration sous une enceinte pour ensemencements bact~riologiques; utilisation d'eau bidistill~e et filtr~e ~ 0.01 pm pour le lavage des grilles de microscopic et la preparation des d~p6ts sur ces grilles contr61~es avant usage.

En outre, deux essais t~moins out ~t~ conduits l'un avec l'eau seule, l'autre avec eau plus soude, afin de permettre la distinction entre d~veloppements microbiens et produits min~raux form,s.

Parmi les onze r@btitions indiqubes ci-dessus, cinq ont 6tb rbunies dans un m6me b6cher d'un litre, imm~diatement aprbs neutralisation. Apr~s ~volution s6par~e, trois ont &~ filtr~es sur une m~me membrane et enfin les deux restant sur une autre membrane.

R~sultats. Apr~s filtration l'analyse de solution a r~v616 en moyenne 1.50 #g d'aluminium par millilitre pour les essais identiques ~ celui de la premiere s@ie. Cette variation de concentration en A1 = 0.30 #g/ml, correspond ~t la formation de I mg de kaolinite au maximum, lorsque cinq r~p&itions sont r~unies dans un m~me b6cher.

Pour les concentrations cinq fois plus ~lev~es au d~part, cette variation est relativement plus faible = 0.50 et 0.60 #g/ml, alors que comparativement elle devrait &re de 1.5 pg par ml. Dans le m~me temps, la silice est pass~e de 14 #g/ml ~ 13 et 13.32 #g/ml. soit des variations de 1 #g et 0.68 #g/ml, ce qui correspond ~t plus de silice qu'il n'en faut pour former la kaolinite ~quivalente ~t la disparition d'A1. La silice est ~galement dos6e par colorim&rie (complexe silicomolybdique r~duit) mais la precision est moins bonne que pour l'aluminium ACs~ ~< 0.2 #g ml-~). C'est la raison pour laquelle les variations n'ont pu ~tre appr~ci~es que dans la deuxi~me s6rie d'essais et pour les concentrations les plus ~levbes. I1 y a donc lieu de penser qu'une fraction de cet 61~ment ~volue vers la formation de produits amorphes enrobant les produits cristallis~s comme le laissent appara~tre les photos

Page 9: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

Formation de la kaolinite 623

FIG. 6. Observation des produits form6s au MEB; 2/~me s6rie d'essais. Grossissement 24 000.

Nombre de coups

89000

88000-

87000-

86000-

85000- +Vn ~ - ' "

84000-

85000-

r '1 0 ~ 7,0 7,2 7,4

FI~. 7. Diffraction de rayons-X. Comptage pendant deux minutes tous les 2 /100 ~ de degr~s.

Page 10: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

624 P. Espiau et G. Pedro

de MEB: des particules min~rales aux contours anguleux pseudohexagonaux paraissent enrob+es dans une sorte de gangue, soit minerale, soit microbienne (Fig. 6).

L'observation au MET apporte des r6sultats semblables ~t ceux obtenus pr+c6demment. Avec une vitesse de d~filement du goniom&re assez lente (1 o t~/20 mn), la diffraction des rayons X permet d'enregistrer un tr+s faible signal entre 7-1 ~ et 7.4 ~ 2t~ (Co-Kc0. Un comptage effectu6 tousles 2/100 ~ de degr6s dans cette zone permet de tracer une courbe qui fait apparakre un maximum d6passant la ligne de fond continue d'une valeur six a sept fois sup6rieure ~ l'erreur statistique. Ce maximum correspond h une ~quidistance voisine de 7.1 ~ A (Fig. 7). Dans les m~mes conditions, le passage des membranes correspondant aux essais t~moins ne donne aucun signal.

D I S C U S S I O N

Dans les conditions exp6rimentales adopt6es, l'analyse chimique permet de d+celer qu'une partie de l'aluminium et du silicium disparak de la solution pour former, comme le r~v+le la microsonde, un pr+cipit~ renfermant des formes cristallines lamellaires aux contours pseudohexagonaux, observables au MEB. La microdiffraction indique une structure hexagonale dans le plan d'orientation et les param&res cristallins a e t b semblent correspondre ~i ceux d'une phyllite. Bien qu'elle ne permette pas de conclure de faqon d6finitive, l'6quidistance b, 7.1 A observ~e par diffraction de rayons X s'accorde avec l'individualisation d'un mineral de nature kaolinique.

Dans ce travail, notre premier souqi &ait de d+montrer les possibilit~s de r~action de l'acide orthosilicique avec les rnonom~res hydroxyl~s de l'aluminium et d'~tablir un lien entre nos conditions exp6rimentales et [es conditions naturelles de formation des min+raux argileux. Pour ce faire, les conditions suivantes ont 6t6 retenues:

faibles concentrations en AI et en Si; addition tr~s lente du r+actif alcalin et faible rapport de neutralisation atteint; rapport Si/AI 6gal ~ 1.5, ce qui a fix~ /l 10 -4 M la concentration en Si, c'est-~-dire sup~rieure ~t la limite donn+e par Garrels & Christ (10 -4"7) au-dessus de laquelle la gibbsite ne doit plus se former ~ 25~

Mais, il faut ajouter que des travaux r~cents sur les processus de neutralisation des solutions de chlorure d'aluminium ont montr~ que les monom~res hydroxyl6s ne sont presents qu'en faible quantit6, et seulement en d~but de neutralisation (Bottero et al., 1980). Partant de solutions tr6s dilutes, les quantit+s de produits obtenus ne peuvent alors &re qu'infimes. Si l'on augmentait les volumes pour obtenir davantage de produits, on se heurterait b. de nouvelles difficult~s avec les fltrations. Dans ces conditions, il ne semble gu6re possible d'obtenir des informations plus compl6tes par diffraction de rayons X, en particulier quant ~ l'existence de bandes (hk0). L'utilisation de complexes organiques alumineux a permis ~t plusieurs chercheurs de surmonter ces difficult~s.

Les r~sultats exp~rimentaux qui viennent d'&re pr~sent~s tendent h d~montrer la possibilit6 d'obtenir la formation d'un min6ral de nature kaolinique fi partir des ions en solutions et par simple neutralisation. Des r~sultats analogues ont 6t6 obtenus ant~rieure- ment par Harder (1965-1970). Pour expliquer le m~canisme de formation du min6ral, cet auteur bmet l'hypoth~se d'une adsorption de silice sur les hydroxydes d'aluminium. Nos conditions de neutralisation, qui privil~gient les formes monom~res ou faiblement polym6ris~es de l'aluminium nous incitent ~ une certaine r~serve quant ~ cette hypoth~se. I1

Page 11: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

Formation de la kaolinite 625

apparak alors qu'un m6canisme comme celui propos6 par Siffert (1962) avec formation de 'monom6res' silicoalumineux semble plus probable. Ainsi, suivant que l'acide silicique r6agit avec l'ion AI(OH) 2+ ou l'ion AI(OH)2 +, on obtiendrait soit des 616ments T-O-T, soit des elements T-O. Pour ces derniers, la r6action de formation serait la suivante:

H 0 ~ . H 0 . . / OH H+ H 0 -- Si--0H + AI(0H) + -~ H 0 - - Si--0-A1 ~. +

HO / HO / OH

La diminution de pH constat6e exp6rimentalement pourrait correspondre fi une telle r6action. Les 616ments T-O ainsi form6s s'associeraient ensuite pour constituer le r6seau avec 61imination d'eau et r~arrangement des OH.

Selon le sch6ma propos6 par Siffert, la formation des 616ments T-O-T, 'pr6curseurs' des smectites faisant intervenir l'ion AI(OH) 2+, devrait se produire ~ un pH inf6rieur ~ celui de la formation des 616ments T-O, premier stade de l'6volution de la kaolinite. Or, ceci est en contradiction avec les observations classiques qui montrent que les n6oformations de kaolinite correspondent fi des milieux toujours plus acides que celles des smectites.

De ce fair, pour rester en accord avec les observations des naturalistes, l'hypoth6se de la formation de monom6res silicoalumineux, semble ne pouvoir 6tre avanc6e que pour la kaolinite, tandis que pour les smectites il pourra~t ~tre fait appel fi une autre conception otl l'6dification du feuillet r6sulterait par exemple du d6veloppement de couches t&ra6driques sur une couche octa6drique pr6alablement form6e. Comme le font remarquer Hem & Lind (1974) tenants de cette hypoth6se, si la structure gibbsitique 6tait trop d6velopp6e, la quantit6 n6cessaire de r~arrangements et d'6jections de mol6cules d'eau pour obtenir A1-O-S i serait tr6s difficile ~ obtenir. Aussi, dans cette hypoth6se, peut-on envisager le 'greffage' de mol6cules Si(OH)4 sur des 616ments pr6gibbsitiques tels que ceux imagin6s par Stol et al. (1976) et form6s ~t partir du dim6re A12(OH)~ +.

Aussi, dans le cas des min6raux 1/1, les consid6rations qui pr6c6dent, ainsi que les donn6es thermodynamiques, tendent ~ accr6diter comme &ant le plus plausible, le m6canisme r6actionnel faisant intervenir l'ion AI(OH) + et le passage par un monom6re siticoalumineux.

Il est alors int6ressant de faire un rapprochement entre l'importance du r61e jou6 ici par le monom6re dihydroxyl6 de l'aluminium et la place qu'il occupe dans le sch6ma &abli par Sarazin (1979) au sujet des ph6nom6nes de dissolution: la voie qu'il d6signe comme 'sous-saturation' est caract6ris~e par l'existence d'un seul monom6re hydroxyl6, pr6cis6- ment l'ion AI(OH)2 +. C'est ce qui permettrait de comprendre que les n~oformations de kaolinite correspondent fi des sols relativement bien drain6s, or] les percolations sont suffisantes pour maintenir un r6gime de soussaturation correspondant fi l'existence de l'ion AI(OH)2 +.

C O N C L U S I O N

I1 parak donc possible d'obtenir la formation d'argiles 1/1 par simple neutralisation de solutions d'aluminium et de silice sans recours ~t tout autre artifice tel que l'utilisation de complexes organiques (Siffert, 1962; Linares & Huertas, 1971; La Iglesia & Martin Vivaldi, 1972; Hem & Lind, 1974), la dissolution lente d'une phase cristalline (Esteoule, 1969; Kittrick, 1971) ou d'un gel (De Kimpe etal., 1961).

Les deux conditions essentielles qui semblent assurer la r6ussite de ces exp6riences

Page 12: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

626 P. Espiau et G. Pedro

sont la lente 6volution du pH et l'~tat tr+s dilu+ des solutions. Finalement, le processus physico-chimique commun ~ toutes les variantes de pr+cipitation de la kaolinite en milieu acide parait &re la formation de monom6res silicoalumineux fi partir de l'ion AI(OH)2 + et de l'acide orthosilicique Si(OH)4.

Le rapprochement de ces diverses conditions op+ratoires et des situations de terrain devrait permettre de mieux appr6hender les m~canismes naturels de la formation de ce min6ral argileux.

R E M E R C I E M E N T S

Une large collaboration a 6t6 assur~e par Mme M. Pioch pour la conduite des exp+riences et des analyses chimiques. La di-ffractom~trie de rayons X a &~ effectu~e par M. H. Mercadier. Les observations et photos en microscopic electronique ~ balayage ont &+ effectu~es par MM. D. Riviere et J. F. Bresse, l'examen par microscopic fi transmission a ~t6 conduit par MM. J. P. Seizner et A. Rossi. Nous les remercions tous chaleureusement.

B I B L I O G R A P H I E

BOTTERO J.Y. (1979) Etude de I'hydrolyse des solutions aqueuses de chIorure d'aluminium. Th~se, Institut National Polytechnique de Lorraine, Nancy.

BOTTERO J.Y., CASES J.M., FIESSlNGER F. & POIRIER J.E. (1980) Studies of hydrolysed aluminium chloride solutions: 1. Nature of aluminium species and composition of aqueous solutions. J. Phys. Chem. 84, 2933-2939.

DALAL R.C. (1975) Hydrolysis products of solutions and exchangeable aluminium in acid soils. Soil Sci. 119, 127-131.

DE KIMPE C., GASTUCHE M.C. & BRINDLEY G.W. (1961) Ionic coordination in alumino-silicic gels in relation to clay mineral formation. A m. Miner. 49, 1-16.

ESplAU P. & PEYRONNEL A. (1976) L'acidit6 d'echange dans les sols: m&hode de d&ermination de l'aluminium ~changeable et des protons ~changeables. Science du Sol 3, 161-175.

ESTEOULE J. (1969) Contribution ~ la gen~se des argiles diocta~driques dans les conditions de surface. Th~se Univ. de Rennes, s~r. B, order no 102, s~ries no 55, 116 pp.

FARMER V.C. & FRASER A.R. (1979) Synthetic imogolite, a tubular hydroxyaluminium silicate. Proc. Int. Clay Conf. Oxford, 547-553.

FRINI~ C.R. & SAWI-INEY B.L. (1967) Neutralization of dilute aqueous aluminium salt solution. Soil Sci. 103, 144-148.

HARDER H. (1965) Experiences sur la precipitation de l'acide silicique. Geochim. Cosmochim. Acta 29, 429-442.

HARDER H. (I 970) Kaolinit-synthese bei niedrigen Temperaturen. Naturwissenschaften, 57-193 HEM J.D. & LIND C.J. (1974) Kaolinite synthesis at 25~ Science 184, 1171-1173. HILL V.T. (1966) New direct spectrophotometric determination of aluminium in steel, smelter and iron ores.

Analytical Chemistry 38, 654-656. KITTKICK J.A. (1971) Soil solution composition and stability of clay minerals. Soil Sci. Soc. Am. Proc. 35,

450-454. LA IGLESIA A. & MARTIN VIVALDI J.L. (1972) A contribution to synthesis of kaolinite. Proc. lnt. Clay Conf.

Madrid, 173-185. LA IGLESlA A. & 'CAN OOSTERWYCK-GASTUCHE M.C. (1978) Kaolinite synthesis: I. Crystallization conditions

at low temperatures. II. A review and discussion of the factors influencing the rates process. Clays Clay Miner. 26, 397-408 et 409-417.

LirqA~S J. & HUERXAS F- (1971) Kaolinite: synthesis at room temperature. Science 171, 896-897. MILHOMME H. (1959) Mdthodes et techniques d'analyses courantes par colorimdtrie automatis~e.

Document no 88 CEPE, CNRS, Montpellier, France. SARAZIN G. (1979) Gdochimie de l'aluminium au cours de l'alt~ration des granites et des basaltes sous climat

temp&d. Th~se Univ. Paris VII, 169 pp. SIEVER R. (1970) Handbook of Geochemistry. (K. Wedepohl, editor), 2, 14-H. 1. Springer Verlag, Berlin.

Page 13: COMPORTEMENT DES IONS ALUMINIQUES ET DE …minersoc.org/pages/Archive-CM/Volume_19/19-4-615.pdf · clay minerals (1984) 19, 615-627 comportement des ions aluminiques et de la silice

Format ion de la kaolini te 6 2 7

SIFFERT B. (1962) Quelques r6actions de la silice en solution: la formation des argiles. M~m Serv. Carte G~ol. Alsace-Lorraine 21, 86 pp.

STOL R.J., VAN HELDEN A.K. & DE BRUYN P.L. (1976) Hydrolysis-precipitation studies of aluminium (III) solutions. 2. A kinetic study and model. J. Colloid Interface Sci. 57, 115-131.

VERMEULEN A.C., GEUS J.W., STOL R.J. & DE BRUYN P.L. (1975) Hydrolysis-precipitation studies of aluminium (III) solutions: I. Titrations of acidified aluminium nitrate solutions. J. Colloid Interface Sci. 5 l, 449-458.

WEY R. t~, SIFFERT B. (1962) R~actions de la silice monomol~culaire en solution avec les ions Al 3+ et Mg 2+. Colloque sur la gendse et la synthdse des argiles, CNRS 105, 11-23.