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Réussissez votre séjour Découvrez l'art de vivre thaïlandais Évitez les faux pas Nouez des relations fructueuses COMPRENDRE LA THAÏLANDE

COMPRENDRE lA THAÏlANDE€¦ · les relations interpersonnelles. La contradiction apparente entre ce laisser-faire et cette importance accordée au respect des normes de cette société

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Réussissez votre séjour

Découvrez l'art de vivre thaïlandais

Évitezles faux pas

Nouez des relations fructueuses

COMPRENDRElA THAÏlANDE

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Ne demeure pas dans le passé, ne rêve pas du futur, concentre

ton esprit sur le moment présent.

Bouddha

L e p l a i s i r d e m i e u x v o y a g e r

COMPRENDRELA THAÏLANDE

Olivier Girard

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Toute photocopie, même partielle, ainsi que toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, sont formellement interdites sous peine de poursuite judiciaire.

© Guides de voyage Ulysse inc.Tous droits réservésBibliothèque et Archives nationales du QuébecDépôt légal – Troisième trimestre 2009ISBN 978-2-89464-738-7Imprimé au Canada

Auteur : Olivier GirardÉditeur : Daniel DesjardinsCorrecteur : Pierre DaveluyInfographistes : Marie-France Denis, Philippe ThomasCartographe : Kirill BerdnikovIllustratrice : Emmanuelle BouetDirecteur artistique : Pascal BietDirecteur de production : Olivier GougeonPhotographie de la page couverture : Marché flottant à Bangkok © Christopher Richards / Alamy

Remerciements :

Je me dois tout d’abord de remercier Daniel Desjardins pour la confiance, l’enthousiasme et le soutien qu’il a insufflés à ce projet depuis le début. C’est toujours plus facile quand l’éditeur connaît le sujet comme le fond de sa poche. Merci aussi à toute la famille d’Ulysse, ancienne et actuelle, qui m’a toujours fait sentir comme chez moi au coin de Rachel et Saint-Denis. Merci à Annabelle Masclet et à Martin Beaulieu, qui ont pavé la voie avec leur ouvrage sur la Chine et le Japon.

Merci aux nombreux Thaïlandais et expatriés rencontrés sur le chemin, qui m’ont fait découvrir et aimer la Thaïlande, en pardonnant toujours mon ignorance. Merci finalement à ma famille et à mes amis, en particulier Yeemon, pour leur amour et leur patience.

Olivier Girard

Guides de voyage Ulysse reconnaît l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour ses activités d’édition.

Guides de voyage Ulysse tient également à remercier le gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Guides de voyage Ulysse est membre de l’Association nationale des éditeurs de livres.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives CanadaGirard, Olivier, 1980- Comprendre la Thaïlande (Comprendre) Comprend un index. ISBN 978-2-89464-738-7 1. Thaïlande - Mœurs et coutumes - 21e siècle. 2. Thaïlande - Guides. I. Titre. II. Collection : Comprendre (Éditions Ulysse).DS568.G57 2009 390.09593’0905 C2006-940487-9

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SOMMAIREPRéFACE 8

HISTOIRE ET CIVILISATION THAÏLANDAISE 11

Histoire des origines à aujourd’hui 11Les Thaïs et les Thaïlandais 12Origines de la civilisation thaïlandaise (de la préhistoire au XIIIe siècle) 12Les royaumes de Lanna et de Sukhothai (XIIIe au XIVe siècle) 13Le royaume d’Ayutthaya (XIVe au XVIIIe siècle) 14La fondation de Bangkok et de la dynastie Chakri (XVIIIe et XIXe siècles) 15Le passage à la modernité (XIXe et XXe siècles) 16

Art et culture thaïlandaise 18Le Ramakien 19Arts plastiques : l’influence bouddhiste et hindoue 19Les postures du Bouddha 20Le Khon 22La littérature 22La musique 22Le cinéma 23Les médias 24

La religion en Thaïlande 25La pratique religieuse en Thaïlande 25Superstitions et croyances populaires 27

Les fêtes traditionnelles et les événements annuels 29Le calendrier thaïlandais 29Nouvel An thaïlandais (Songkran) 29Cérémonie du Labour Royal 30Loy Krathong 30Célébrations bouddhistes 30Jours fériés et autres célébrations 31

La Thaïlande au XXIe siècle 32Organisation politique 32Portrait de la jeunesse thaïlandaise 32Système d’éducation 34Avenir démocratique 34Défis régionaux 36

LE QUOTIDIEN THAÏLANDAIS 37

La langue thaïe 37Présentation générale 38Thaiglish 38écriture 39Prononciation 40

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SOM

MAI

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Les transports 40Taxi 41Autobus et songthaew 42Skytrain et métro 42Bateau et traversier 43Voiture 43Motocyclette 43Train et autocar 44Avion 44

La consommation 44Achats et commercialisation 44Le marchandage 45La restauration 46

Différences et désagréments 47Arnaques et fraudes 47Racisme et préjugés 47Inondations et désastres naturels 48Mendicité 48Prostitution 49

Les soins de santé 50Précautions à prendre 50Système médical thaïlandais 51Massage et soins traditionnels 51

Les loisirs en Thaïlande 52La télévision 52Le cinéma 53Le karaoké 53La plage 53

Téléphonie mobile et internet 54

Les sports et les jeux 55

L’ART DE VIVRE THAÏLANDAIS 57

Apparences et vie publique 58Tenue vestimentaire et langage corporel 58La face 59Cœur froid et cœur chaud 60Mai pen rai 60

La conversation 60Le wai, ou l’art de la salutation 60Noms, prénoms et surnoms 61Sujets de conversation 62Politique et vie publique 62

Sommaire

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SOM

MAI

RE

Genre et sexualité 62La place des femmes 63L’homosexualité 64Les kathoey, ou le troisième sexe 64

Hiérarchie des relations 65La place de l’étranger 65

La vie sociale 66Visiter les wat et les moines bouddhistes 66L’invitation chez les hôtes 68

La cuisine thaïlandaise 68Les boissons 70étiquette à table 71

Grands événements 72Ordination 72Mariage 72Funérailles 73

LE MONDE DES AFFAIRES ET DU TRAVAIL 75

Portrait économique de la Thaïlande d’aujourd’hui 76Les racines du boom économique 76L’avenir économique 80

S’établir en Thaïlande 81Dénicher un emploi 81Enseigner l’anglais 82Permis de travail et travail illégal 83Démarrer sa propre entreprise 84Les partenaires thaïlandais 85Logement et compte bancaire 85

La culture du travail en Thaïlande 87La vie en entreprise 87Gestion des organisations 88

Négocier avec les Thaïlandais 89

CONCLUSION 91

BIBLIOGRAPHIE 93

INDEX 95

Sommaire

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Doi Inthanon

Ko Tao

Angkor Wat

LacTonle Sap

Ko Pha-Ngan

Ko Samui

KoPhi Phi Ko

Lanta

KoYao Yai

KoSamet

KoChang

Ko KutM

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ndaman

Détroit de Malacca

Golfe deThaïlande

M é k o n g

M é k o n g

Cha-am

Hua HinRayong

Chanthaburi

Trat

PrachuapKhiri Khan

Chumphon

Surat Thani

Nakhon SiThammarat

ThungSong

Trang

Satun

Phuket Krabi

Phangnga

Phatthalung

Songkhla

Pattani

YalaNarathiwat

Lop Buri

Ayuthaya

Takhli

Chaiyaphum

Si Sa Ket

Surin

Buri Ram

Phitsanulok

Phetchabun Kalasin

Roi Et

UbonRatchathani

Sakon Nakhon

Nakhon Phanom

Nan

Uttaradit

SawankhalokSukhothai

TakMae Sot

Sangkhlaburi

Thoen

Lamphun

ChiangRai

Mae Hong Son

Mae Sariang

Chiang Kham

Lampang

Suphan Buri

Ban Pong

Kanchanaburi Krung Thep(Bangkok)

SamutSongkhram

Si RachaPattaya

Chon Buri

Samut Prakan

Phetchaburi

Hat Yai

Ranong

Nakhon Sawan

NakhonRatchasima

KhonKaen

Chiang Mai

UdonThani

Nong Khai

Kota Bharu

Mawlamyine

Bago

Dawei

Mergui

Vientiane

Rangoon(Yangoon)

PhomPenh

MuangPhalan

Louangphrabang

Pakxé

Bătdâmbâng

Siem Reap

RachGia

LongXuyen My Tho

Can Tho

MYANMAR(BIRMANIE)

LAOS

CAMBODGE

MALAISIEMALAISIE

VIETNAM

VIETNAM

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LA THAÏLANDE

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Doi Inthanon

Ko Tao

Angkor Wat

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Ko Pha-Ngan

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Kanchanaburi Krung Thep(Bangkok)

SamutSongkhram

Si RachaPattaya

Chon Buri

Samut Prakan

Phetchaburi

Hat Yai

Ranong

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NakhonRatchasima

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Chiang Mai

UdonThani

Nong Khai

Kota Bharu

Mawlamyine

Bago

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Mergui

Vientiane

Rangoon(Yangoon)

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MuangPhalan

Louangphrabang

Pakxé

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Siem Reap

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LongXuyen My Tho

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LAOS

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LA THAÏLANDE

0 150 300km

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Démographie

Population (estimation 2008) : 65 493 296 hab.

Densité : 127 hab./km2 (Canada : 3,3 hab./km2; France : 112 hab./km2; Belgique : 341 hab./km2)

Population urbaine (estimation 2005) : 32,5%

Les plus grandes villes (agglomérations) : Bangkok (10 100 964 hab.), Chiang Mai (1 108 806 hab.), Pattaya-Chonburi (1 075 522 hab.), Hatyai- Songkhla (959 282 hab.), Nakhon Ratchasima (585 339 hab.)

Langue officielle : thaï

Composition ethnique : Thaïs 75%, Chinois 14%, Malais 4%, Khmers 3%

Religions : bouddhisme théravada 95%, islam 5%

Espérance de vie : hommes 70,5 ans; femmes 75,27 ans

Taux d’alphabétisation (estimation 2000) : 92,6%

Prévalence du VIH/sida (estimation 2005) : 1,4%

Économie

Monnaie : baht

PIB (estimation 2008) : 570 G $US (parité du pouvoir d’achat)

PIB par habitant (estimation 2008) : 8 700 $US (Canada : 40 200 $US/hab., France : 32 700 $ US/hab.)

Nombre de Thaïlandais vivant sous le seuil de la pauvreté en 2006 (1386 bahts/mois) : 6,1 millions (9% de la population)

Les exportations (estimation 2007) : États-Unis 12,6%; Japon 11,9%; Chine 9,7%; Singapour 6,3%; Hong Kong 5,7%; Malaisie 5,1%

Total des exportations pour la Thaïlande en 2008 : 178,4 G $US

Les importations (estimation 2007) : Japon 20,3%; Chine 11,6%; Malaisie 6,2%; Émirats Arabes Unis 4,5%; Taiwan 4,1%

Total des importations pour la Thaïlande en 2008 : 179 G $US

Indications de consommation et de développement

Téléphones portables pour 1 000 hab. : 790 (Canada : 576, France : 790)

Nombre d’usagers d’internet en 2007 : 13,4 millions, ou 20% de la popu-lation (Canada : 84%, France : 49%)

Prix du «Big Mac» (2009) : 1,77 $US (Canada : 3,36 $US, zone euro : 4,38 $US)

Nombre de voitures particulières en 2003 (par 1 000 habitants) : 54 (Canada : 561, France : 492)

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PRÉfACE

La Thaïlande évoque plusieurs images fortes chez les Occidentaux. Ce pays est connu pour ses plages de sable blanc et ses îles tropicales, qui attirent des millions de tou-ristes avides de soleil et d’exotisme. La cuisine thaïlandaise fait aussi l’objet d’un en-gouement planétaire, avec ses currys épicés à la noix de coco, sa salade de papaye verte et son riz gluant. Les rizières, la circulation dans Bangkok, les fêtes de la pleine lune et les quartiers chauds de Pattaya sont autant de fragments sinon de clichés qui frappent l’imagination. Le voyageur curieux, l’étudiant, l’homme d’affaires ou le résidant souhaitera aller au-delà de ces images et découvrir une Thaïlande en proie avec le meilleur et le pire de ce qu’une ouverture sur le monde et le développement économique peuvent apporter.

Comprendre la Thaïlande offre au lecteur un aperçu de la culture du pays, de manière à faciliter le séjour d’un voyageur ou d’un expatrié. Ce passage en Thaïlande est facilité par la tolérance exceptionnelle de ses habitants envers la diversité des mœurs et des modes de vie. Un étranger souhaitant approfondir ses relations avec les Thaïlandais découvre cependant l’importance de comprendre et de s’adapter aux règles régissant les relations interpersonnelles. La contradiction apparente entre ce laisser-faire et cette importance accordée au respect des normes de cette société hautement hié-rarchisée n’en est qu’une parmi tant d’autres qui fascinent et confondent les observa-teurs. La Thaïlande conjugue par ailleurs cette ouverture au monde extérieur avec une féroce défense de l’identité nationale et des institutions ancestrales du pays, comme la monarchie et le bouddhisme.

Tout au long de son histoire, l’élite thaïlandaise a cherché à être à l’égal des puis-sances économiques et culturelles du moment, en adoptant leurs valeurs et leurs technologies. Au début du dernier millénaire, les civilisations khmères, chinoises et indiennes ont été les premières à laisser leurs empreintes sur les habitants de cette région de l’Asie du Sud-Est, y léguant entre autres un héritage spirituel bouddhiste et

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hindou. La capitale d’Ayutthaya et plus tard celle de Bangkok ont été des métropoles cosmopolites, attirant des marchands et des diplomates du monde entier. Sans jamais tomber sous le joug du colonialisme européen, les monarques du royaume se firent néanmoins les ambassadeurs de nouvelles normes venues d’Europe et d’Amérique, qu’il s’agisse de la structure de l’État, de la monogamie et même de la fourchette, promouvant leur adoption au nom de la modernité. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, pendant les années de l’après-guerre, cette volonté de rapprochement avec les puissances mondiales s’est traduite par une alliance avec les États-Unis, lieu de naissance du monarque Rama IX. Aujourd’hui, c’est vers la Chine que se tournent la Thaïlande et sa communauté d’affaires, dont les membres ont d’ailleurs pour la plu-part des ancêtres chinois.

En parallèle, la majeure partie de la population a toujours vécu dans les campagnes près des rizières, contribuant à la prospérité du royaume, subissant de temps à autre les conséquences des ambitions guerrières de l’élite urbaine, mais conservant une bonne part d’autonomie. Aux XIXe et XXe siècles, cette population est devenue beau-coup plus vulnérable aux chocs politiques et économiques à l’échelle régionale ou in-ternationale, au fur et à mesure que le contrôle de l’État thaïlandais sur le territoire national se resserrait.

La croissance économique rapide de la Thaïlande au cours des dernières décennies du XXe siècle a bouleversé les mœurs et causé de profondes divisions aux plans social, économique et politique. L’industrialisation a concentré les richesses entre les mains d’une élite urbaine et d’une petite classe moyenne, accentuant les inégalités et fragi-lisant le mode de vie des agriculteurs. Au plan culturel, les institutions traditionnelles, comme l’ordre monastique bouddhiste, ont mal accepté la libéralisation des mœurs de la jeunesse sur lesquelles elles peinent à maintenir leur ascendance. Au niveau politique, les anciennes élites sont menacées par la montée d’une nouvelle génération d’hommes d’affaires aux ambitions politiques, et mobilisent les symboles sacrés du pays, notamment la monarchie, afin de freiner l’effritement de leur pouvoir. Il en ré-sulte une instabilité politique chronique.

L’ouverture de la Thaïlande aux influences étrangères ne s’est jamais faite au détri-ment d’une identité nationale forte. Les Thaïlandais ont développé l’art de transformer les influences extérieures, pour en faire quelque chose d’authentiquement thaïlandais. Les médias et la culture populaire en fournissent un bel exemple. Bien que la musi-que et les films américains ou britanniques soient largement accessibles, les jeunes Thaïlandais préfèrent largement les vedettes de la chanson et du cinéma thaïlandais.

Ce livre convie le lecteur à s’intéresser aux détails du quotidien, au langage non verbal et aux comportements des Thaïlandais. En portant un regard attentif aux habitudes et aux réactions, on découvre souvent une manière unique et bien thaïlandaise de voir le monde. Chaque chapitre offre des pistes de réflexion à partir desquelles le lecteur peut forger sa propre perception, au fil de ses expériences. Apprendre à connaître une nouvelle culture et s’y intégrer est un art qui ne s’apprend que par la pratique, et ce guide se veut un pas sur ce long chemin, parfois difficile mais toujours enrichissant.

Bonne lecture, et bonne découverte de la Thaïlande!

PRéF

ACE

Préface

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Organisation du livre

Le présent ouvrage est divisé en quatre chapitres. Le premier brosse un tableau de l’histoire, de la religion et de la culture de la Thaïlande. Ce chapitre décrit également les fêtes traditionnelles qui ponctuent le calendrier thaïlandais, puis s’intéresse à la vie politique et aux enjeux touchant la jeunesse et le système d’éducation. Le deuxiè-me chapitre parle de nombreuses facettes du quotidien thaïlandais, dont la langue thaïe, les moyens de transport, la consommation, les soins de santé et les loisirs. Les désagréments et les précautions à prendre y sont également abordés. Le troisième chapitre est consacré aux relations interpersonnelles, et offre quelques repères rela-tivement aux premières rencontres avec les Thaïlandais, aux normes de la vie sociale et aux relations entre les sexes. Une description de la cuisine du pays de même que des grands événements ponctuant la vie des Thaïlandais complète cette section. Le quatrième et dernier chapitre trace d’abord un portrait de l’évolution économique du pays au cours des 50 dernières années, puis offre quelques conseils aux gens qui souhaitent travailler ou démarrer leur propre entreprise en Thaïlande, ou encore qui doivent transiger avec des entreprises ou des organisations thaïlandaises.

NoteContrairement au mandarin ou au sanskrit, il n’existe pas de système de trans-cription phonétique du thaï faisant l’unanimité. En l’absence de consensus, nous avons retenu la transcription qui nous semblait la plus courante.

Dans le corps du texte, toutes les transcriptions du thaï sont en italique, à l’ex-ception des noms propres s’il y a lieu et des termes devenus familiers aux fran-cophones tel le Bouddha. Bien que la langue palie (pāli) soit celle des écritures du bouddhisme théravada tel que pratiqué en Thaïlande, cet ouvrage a surtout retenu les termes bouddhistes d’origine sanskrite. Par exemple, les termes tels que « nirvana » et « karma » sont ainsi plus familiers aux lecteurs francophones que leurs équivalents nibbāna et kamma.

PRéF

ACE

Préface

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HISTOIRE ET CIVILISATION THAÏLANDAISE

Histoire des origines à aujourd’hui

L’histoire de la Thaïlande, ce pays connu jusqu’au début du XXe siècle sous le nom de Siam, est beaucoup récente que celle d’autres pays d’Asie et d’Europe. N’ayant peuplé les plaines du fleuve Chao Phraya qu’à partir du Xe siècle, les Thaïs ont vécu au carrefour des civilisations chinoise et indienne, et aussi khmère, birmane, laotienne et malaise. L’histoire du pays est indissociable de celle de toute l’Asie du Sud-Est.

Nous avons divisé l’histoire de la Thaïlande en cinq grandes périodes. Nous portons une attention particulière aux événements ayant contribué à l’émergence de la nation thaïlandaise moderne au XXe siècle, ainsi qu’aux contributions culturelles des civilisations desquelles les Thaïlandais sont aujourd’hui les héritiers.

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Les Thaïs et les Thaïlandais

Les Thaïs font partie d’une famille ethnolin-guistique originaire du sud de la Chine, par-lant des dialectes de la famille des langues tai, et dispersée aujourd’hui partout en Asie du Sud-Est continentale. On retrouve les Laos au Laos et au nord-est de la Thaïlan-de, les Shans au nord-est du Myanmar, ainsi que d’autres groupes minoritaires au sud de la Chine et au Vietnam. Cet ouvrage utilise donc les dérivés du mot « thaï » pour décrire l’ethnie et la langue de plus du trois quarts de la population de la Thaïlande, et ceux du mot « thaïlandais » pour décrire les citoyens et la culture du pays.

Le pays a toujours été habité par des groupes d’ethnies et de langues diverses. Environ 10% de la population a des racines chinoises. La diaspora chinoise, surtout présente à Bangkok et dans les zones ur-baines du pays, s’est fortement intégrée à la culture locale, et tous ces Chinois par-lent couramment le thaï. Cet état de fait contraste fortement avec le sort des com-munautés chinoises ailleurs en Asie. Plus d’un million de Malais parlant la langue yawi et pratiquant l’islam vivent dans les pro-vinces de l’extrême sud du pays. Dans les zones frontalières du nord et de l’ouest du pays, on retrouve de nombreuses minorités ethniques, ainsi qu’une importante popu-lation de réfugiés venus du Myanmar. Au nord-est, la plupart des habitants ont des racines laotiennes ou khmères. La culture nationale reflète cependant surtout les préoccupations de la population urbaine thaïe de la capitale, Bangkok.

Origines de la civilisation thaïlandaise (de la préhistoire au XIIIe siècle)

On connaît relativement peu de chose sur la préhistoire de l’Asie du Sud-Est. Des communautés sédentaires de chasseurs-

cueilleurs occupent déjà les zones monta-gneuses et côtières de la région lorsque la culture du riz arrive de Chine il y a un peu plus de 4 000 ans. Le bronze et le cuivre font leur apparition entre les XVe et Ve siè-cles av. J.-C., suivie du fer à partir du Ve siècle av. J.-C.

Les Thaïs sont originaires du sud-est de la Chine. L’arrivée, dans cette région, de Chinois venus du nord et de Vietnamiens venus de l’est au cours des premiers siècles de notre ère pousse les Thaïs à se déplacer plus au sud, d’abord dans le nord du Laos actuel. À cette époque, les Thaïs vivent de la culture du riz dans de petits villages, re-groupés en muang, un réseau social et po-litique assurant aux familles protection en échange de travail manuel et de tribut.

Du VIe au IXe siècle, les plaines centrales de la Thaïlande actuelle sont occupées par le peuple môn. Des inscriptions en langue môn et les fouilles archéologiques ont ré-vélé la présence à cette époque d’une civi-lisation dénommée Dvaravati, pratiquant le bouddhisme et contrôlant les routes com-merciales de la région. On connaît cepen-dant peu de chose sur la structure politique et sociale de cette civilisation.

À partir du IXe siècle, les Môns sont gra-duellement marginalisés par de nouveaux empires dont la puissance est jusqu’alors inégalée sur le continent. À l’est, la civilisa-tion khmère est en pleine expansion depuis plus de trois siècles. Les Khmers, originai-res du Cambodge actuel, érigent une so-ciété où le pouvoir politique est de plus en plus concentré entre les mains d’un roi, qui utilise les surplus agricoles pour financer la construction d’imposants monuments reli-gieux et pour étendre son influence. Grâce au commerce maritime, les Khmers entrent en contact avec la civilisation indienne, de laquelle ils adopteront les croyances et rituels hindous. Les rois khmers s’impo-sent alors comme intermédiaires entre

Histoire des origines à aujourd’hui

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le monde des hommes et celui des dieux. Cette conception divine de l’autorité royale influencera profondément les monarchies thaïlandaises qui domineront la vallée du Chao Phraya à partir du XIIIe siècle. À son apogée, l’empire khmer contrôle toute l’Asie du Sud-Est continentale et la pé-ninsule malaise. Des inscriptions khmères de l’époque réfèrent déjà aux plaines du Chao Phraya sous le nom de Siam, nom que conserveront les royaumes de cette région jusqu’au début du XXe siècle.

L’expansion des Khmers force les Môns à se replier vers le Myanmar actuel, où ils prospèreront néanmoins au cours du Xe siècle. À cette époque, les villes môns de Pegu et Thaton sont devenues une plaque tournante du commerce maritime dans l’océan Indien. Les Môns adoptent alors le bouddhisme théravada (terme signifiant « véhicule des anciens ») venu de Ceylan (aujourd’hui le Sri Lanka) et contribuent à son essor dans la région. La culture môn in-fluencera profondément les Birmans, peu-ple qui fondera l’empire de Pagan, à l’ouest de la Thaïlande.

Les royaumes de Lanna et de Sukhothai (XIIIe au XIVe siècle)

À la fin du XIIe siècle, le territoire thaïlandais est morcelé en principautés et en cités-États, la plupart assujetties à l’empire khmer, alors à son apogée. L’affaiblisse-ment de la civilisation d’Angkor à l’est et de celle de Pagan à l’ouest permet aux Thaïs de s’étendre progressivement dans les plai-nes du centre de la Thaïlande et d’affirmer leur pouvoir politique.

Le développement de l’irrigation dans les plaines et l’abondance des récoltes de riz permettent à une élite urbaine d’apparaître. La région demeure cependant faiblement peuplée, et ce, jusqu’au XXe siècle. L’abon-

dance de terres arables fait du territoire un enjeu politique de peu d’importance. Le pouvoir des États thaïs dépend plutôt de la capacité des familles dirigeantes à tisser des relations d’obligation mutuelle avec la population, dont le labeur est essentiel à la culture du riz.

Au XIIIe siècle, les cités-États de la région passent progressivement sous le contrôle de chefs militaires thaïs. Parmi ceux-ci, le roi Ramkhamheng remporte un succès iné-galé. Le troisième d’une dynastie contrô-lant la ville de Sukhothai, Ramkhamheng entreprend à partir des années 1270 de repousser les frontières de son État, au moyen de conquêtes militaires mais sur-tout d’alliances politiques. À son apogée à la toute fin du XIIIe siècle, Sukhothai contrôle un territoire s’étendant jusqu’à la péninsule malaise au sud. Ce contrôle est exercé par les relations personnelles qu’en-tretient Ramkhamheng avec les chefs des nombreuses villes et des petits États qui parsèment son royaume.

Ramkhamheng est à plusieurs égards consi-déré comme le père du peuple thaïlandais. C’est sous son règne que Sukhothai adopte le bouddhisme théravada comme reli-gion d’État. Les historiens créditent le roi de l’invention de l’écriture thaïe, dérivée d’une écriture du sud de l’Inde. Une stèle découverte au XIXe siècle, datant officiel-lement de 1292, est considérée comme le premier document écrit en thaï. Bien que son authenticité soit encore débattue par les historiens, la stèle de Sukhothai décrit le royaume comme une société bouddhiste prospère et juste, et elle est devenue aujourd’hui un puissant symbole associé à la fondation de la nation thaïlandaise.

À la même époque, au nord de Sukhothai, le royaume thaï de Lanna fait son appari-tion. Le fondateur du royaume, Mengrai, réussit à unifier politiquement le nord de la Thaïlande, et à résister militairement

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à la pression de l’empire mongol au nord, auquel il paya néanmoins un tribut au dé-but du XIVe siècle. Mengrai installe d’abord sa capitale à Chiang Rai, puis décide d’en créer une nouvelle, qu’il nomme Chiang Mai, aujourd’hui la deuxième ville en importance de Thaïlande. Une alliance politique entre Sukhothai et le Lanna permet aux deux royaumes de se développer et de consolider l’influence thaïe sur le territoire.

Le royaume d’Ayutthaya (XIVe au XVIIIe siècle)

Après la mort de Ramkhamheng en 1298, le royaume de Sukhothai se désintègre ra-pidement, les nombreux États vassaux ne reconnaissant plus son autorité. Sukhothai, tout comme le royaume de Lanna, n’attei-gnit jamais la puissance et la sophistication des empires d’Angkor et de Pagan. Il faut attendre quelques décennies pour qu’appa-raisse une nouvelle cité, Ayutthaya, capable d’unifier à nouveau le territoire thaïlandais et de devenir une puissance régionale en Asie du Sud-Est.

fondée en 1351 par le roi U Thong, Ayut-thaya occupe une position stratégique sur une île au confluent du fleuve Chao Phraya et des rivières Lobpuri et Pra Sak. Les rois d’Ayutthaya purent ainsi profiter de l’essor du commerce maritime liant l’Inde et la Chine, et faire de leur capitale un port d’es-cale pendant plusieurs siècles, et l’une des plus riches cités d’Asie.

Tout comme Sukhothai, Ayutthaya fait du bouddhisme théravada la religion d’État. La religion et le système politique d’Ayut-thaya s’inspirent également des traditions hindoues de l’empire khmer voisin, alors en déclin. La richesse d’Ayutthaya permet à ses rois de financer la construction d’in-frastructures publiques et de temples. Au XVIIIe siècle, le bouddhisme théravada est si prospère à Ayutthaya que Ceylan y dépêche

une délégation, demandant l’aide du royau-me afin de restaurer leur communauté monastique mise à mal par le colonialisme portugais et hollandais. Les Thaïs repaient ainsi symboliquement leur dette au pays dont ils avaient importé la religion.

La structure politique et les rituels de la cour d’Ayutthaya empruntent généreuse-ment aux Khmers. Le nom de la cité s’ins-pire d’ailleurs de la ville indienne d’Ayodhya, lieu de naissance du dieu Rama, dont le roi U Thong prend également le nom. Les rois d’Ayutthaya élaborent aussi des lois qui resteront en usage jusqu’au XVIIIe siècle. Certaines de ces lois officialisent la hiérar-chisation de la société, établissant de fines distinctions de pouvoir et de statut entre tous les types de professions. Cette stra-tification sociale demeure une caractéristi-que importante de la Thaïlande moderne.

L’expansion du royaume d’Ayutthaya est acquise au prix d’incessantes guerres avec ses voisins. En 1431 et 1432, les armées d’Ayutthaya envahissent et pillent Angkor, mettant définitivement un terme à l’empire khmer, en déclin depuis déjà deux siècles. Quelques années plus tard, Ayutthaya fi-nit par annexer ce qu’il reste du royaume de Sukhothai, après un siècle de conflits. Ayutthaya n’est cependant pas exempte d’agressions, subissant à son tour les raids des armées birmanes, khmères et d’autres royaumes thaïs du nord à plusieurs reprises au cours de son histoire. En 1569, les Bir-mans envahissent et pillent une première fois la ville, mais quelques années plus tard, le roi Naresuan réussit à reprendre Ayut-thaya et à repousser les envahisseurs.

Les Thaïs entrent en contact pour la pre-mière fois avec l’Occident par l’entremise de marchands portugais au début du XVIe siècle. En 1598, le roi Naresuan signe un ac-cord commercial avec les Espagnols, et au début du XVIIe siècle les compagnies mar-chandes anglaise et hollandaise établissent

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des comptoirs commerciaux à Ayutthaya. Au XVIIIe siècle, la population de cette mé-tropole cosmopolite atteint un million, ce qui en fait l’une des plus grandes villes du monde à l’époque.

Tout au long de son histoire, Ayutthaya, comme tous les royaumes de l’Asie du Sud-Est, est perpétuellement affaiblie par les guerres de succession, les coups d’État et les usurpations de trône. Au milieu du XVIIIe siècle, les armées birmanes pren-nent le royaume par surprise et envahis-sent plusieurs provinces. En 1767, voyant son royaume affaibli par la famine et les épidémies, le roi d’Ayutthaya décide de se rendre, mais les Birmans préfèrent piller et raser Ayutthaya, qui ne se relèvera jamais de cette cuisante défaite.

La fondation de Bangkok et de la dynastie Chakri (XVIIIe et XIXe siècles)

Les Birmans n’établirent jamais une pré-sence importante au Siam. Occupés à combattre les Chinois au nord de leur em-pire, ils laissent peu de troupes à Ayutthaya après la destruction de la cité. Le territoire thaïlandais est à nouveau morcelé et insta-ble, marqué par une forte criminalité.

Plusieurs princes, nobles et gouverneurs de l’ancien royaume tentent de prendre le pouvoir et de rebâtir l’empire déchu. Parmi eux, Taksin, fils d’un père chinois et d’une mère thaïe, et gouverneur de la province de Tak au moment de la chute d’Ayutthaya, réussit à imposer son leadership et à res-taurer l’ordre sur le territoire.

En 1767, quelques mois seulement après la destruction d’Ayutthaya, Taksin s’installe à Thonburi, sur la rive occidentale du Chao Phraya, au sud d’Ayutthaya. Il utilise dès lors ses liens familiaux avec la communauté marchande chinoise pour s’approvisionner et mener la guerre à ses rivaux. Moins de

trois ans plus tard, Taksin reconquiert le territoire de l’ancien empire d’Ayutthaya.

En 1782, un ambitieux général dénommé Chakri, maître d’œuvre des conquêtes de Taksin au cours des années précédentes, chasse du pouvoir le roi, devenu impo-pulaire. Chakri se proclame monarque et prend le nom de Rama, comme le premier roi d’Ayutthaya d’il y a 400 ans. Il crée ainsi une dynastie portant son nom et qui rè-gne encore aujourd’hui sur la Thaïlande. Il déménage la capitale sur la rive voisine du Chao Phraya et fonde Krungthep, la cité des dieux, aussi connue sous le nom de « Bangkok ». Il restaure la discipline et le prestige de l’ordre monastique bouddhiste, tombé en décrépitude sous le règne de Taksin, et réforme les lois thaïlandaises.

Au cours des 20 premières années de son règne, Rama Ier réussit à repousser de nou-velles attaques birmanes, et à consolider son pouvoir. Au début du XIXe siècle, la ca-pitale du Siam est à nouveau une société cosmopolite. Le commerce avec la Chine est florissant, et la population de Bangkok continue d’augmenter grâce à l’immigra-tion chinoise. La plupart de ces immigrants fuient la pauvreté et arrivent en Thaïlande les poches vides. Ils s’installent surtout en ville et travaillent comme coolies, en éco-nomisant peu à peu l’argent nécessaire au démarrage d’un petit commerce. La plupart des immigrants sont des hommes. Ils ma-rient des femmes thaïes, et de leurs unions émerge graduellement une nouvelle popu-lation sino-thaïe.

Les premiers monarques de la dynastie Chakri encouragent le développement des arts et de la culture. Rama Ier écrit une nou-velle version de l’épopée indienne Ramaya-na, et fait traduire plusieurs classiques asiatiques en thaï, qui font maintenant partie de la littérature classique du pays. Son fils et successeur, Rama II, devient un poète célèbre.

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Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la monarchie Chakri est surtout préoccupée par ses re-lations avec ses voisins birmans à l’ouest, khmers et vietnamiens à l’est, laotiens au nord et malais au sud. En 1827, Rama III écrase une rébellion de l’État vassal du Laos et détruit Vientiane, à l’exception de ses monastères bouddhistes. Au cours des années 1830 et 1840, le Siam et le Vietnam se disputent le contrôle du Cambodge, un État faible que finit par dominer Bangkok à la suite d’un traité de paix signé en dé-cembre 1845.

L’arrivée des puissances coloniales fran-çaise et britannique en Asie du Sud-Est continentale au début du XIXe siècle pose cependant un nouveau défi de taille. De 1823 à 1826, une première guerre oppose les Birmans aux Britanniques, qui sou-haitent également contrôler la péninsule malaise. Conscient de sa propre vulnérabi-lité, le palais royal signe un premier traité commercial et diplomatique avec l’Empire britannique.

Le passage à la modernité (XIXe et XXe siècles)

Le roi Mongkut (Rama IV), qui règne de 1851 à 1868, est le premier à s’intéresser acti-vement à l’Occident. Il apprend l’anglais, le latin et les sciences modernes, et procure à son fils et successeur, Chulalongkorn, une éducation combinant savoirs thaïlandais et occidental. Un des tuteurs du jeune Chu-lalongkorn est la Britannique Anna Leo-nowens, dont les mémoires ont inspiré le roman Anna et le Roi, qui fut adapté plu-sieurs fois sur scène et au cinéma.

En 1855, le Royaume-Uni signe avec le roi Mongkut le traité de Bowring, un deuxième pacte commercial qui libéralise le commer-ce international avec le royaume de Siam. Désireux de préserver l’indépendance du pays, Mongkut signe des ententes similai-

res avec plusieurs puissances occidentales, dont la france et les États-Unis.

Le long règne de Chulalongkorn (Rama V), de 1868 à 1910, est caractérisé par la ré-forme complète de l’État. Chulalongkorn modernise l’administration publique, en créant des ministères et des départements suivant la manière occidentale. Il abolit l’es-clavage, qui existait depuis le début de la civilisation thaïlandaise. Un premier institut d’enseignement supérieur destiné à former les fonctionnaires de l’État est créé, ins-

Anna Leonowens

Anna Harriette Leonowens est née au pays de Galles le � novembre 1���. Après le décès de son mari, qui était un officier en poste à Sin-gapour, elle est engagée comme institutrice à la cour du roi du Siam de 1�62 à 1�67. À la suite de son expérience de gouvernante auprès des enfants du roi, elle écrit un livre marquant : The English Governess at the Siamese Court being Recollections of Six years in the Royal Palace at Bangkok (1�70). En 1�76, Anna Leo-nowens s’installe dans la capitale de la Nouvelle-Écosse, Halifax, où elle fait campagne en faveur de l’éta-blissement d’une école d’art qui sera fondée en 1��7, aujourd’hui le Nova Scotia College of Art and Design. Dix ans plus tard, en 1��7, elle quitte le Canada pour aller vivre en Allema-gne, avant d’y revenir pour s’établir définitivement à Montréal, où elle décède le 1� janvier 1�1�. Sur sa pierre tombale, au cimetière Mont-Royal, on peut lire : Duty was the guide of her life and the love of her heart. To her, life was beautiful and good. She was a benediction to all who knew her. A breath of the spirit of God. (Le devoir était le guide de sa vie et l’amour de son cœur. Pour elle, la vie était belle et bonne. Elle était une bénédiction pour tous ceux qui l’ont connue. Un souffle de l’esprit de Dieu.)

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titution qui deviendra en 1917 l’université Chulalongkorn, la première et la plus pres-tigieuse du pays. Chulalongkorn modernise également les forces armées, qui vont de-venir un acteur politique incontournable au XXe siècle.

Au cours du règne du monarque, les rela-tions entre la noblesse thaïe et la commu-nauté immigrante chinoise s’approfondis-sent. La prospérité de la couronne dépend des taxes sur les exportations des entrepri-ses chinoises, et sur les biens de consom-mation de la population urbaine, largement chinoise et sino-thaïe. Des familles chinoi-ses prospères se rapprochent de l’aristo-cratie en formant quelques partenariats d’affaires, en particulier dans le domaine de la transformation et de l’exportation du riz. Les Chinois et Sino-Thaïs jouent également un rôle dans l’administration publique, en servant de percepteurs de taxes. En pro-mouvant les intérêts économiques et po-litiques de cette influente minorité, le roi Chulalongkorn réussit habilement à mitiger l’emprise des Européens sur le commerce, et donc le colonialisme.

Bien que le royaume réussisse à demeurer le seul pays d’Asie du Sud-Est à ne pas tom-ber sous le contrôle d’une puissance colo-niale, il ne parvient pas à contrer entière-ment l’influence européenne dans la région. La france force Chulalongkorn à abdiquer son influence sur le Cambodge et le Laos, qui sont intégrés à l’Indochine française. Au sud du pays, les Britanniques s’emparent de plusieurs États de la péninsule malaise sous le contrôle de Bangkok. Cette tension permet au Siam de définir l’étendue pré-cise de son territoire, qui constitue pour la première fois un enjeu politique important. Cette définition des frontières du pays permet au gouvernement d’étendre son pouvoir aux zones rurales les plus reculées, en imposant taxes, lois, conscription, ainsi qu’une culture nationale.

La minorité chinoise à l’heure du nationalisme

thaïlandais

Au cours de la première moitié du XXe siècle, la dépendance de l’élite thaïlandaise envers la communauté chinoise a fait place à une crainte et à un ressentiment nourris par un nationalisme grandissant. L’État aux tendances fascistes accuse les Chinois d’être les Juifs de l’Orient, craignant surtout que l’agitation politique secouant la Chine, aux pri-ses avec la montée des mouvements communistes et républicains, gagne le pays.

Des années 1��0 aux années 1��0, les gouvernements militaires ten-tent de limiter le pouvoir économi-que des immigrants, en interdisant l’accès aux étrangers à près d’une trentaine de professions, en aug-mentant les taxes des entreprises chinoises et en baissant les quo-tas d’immigration. Des entreprises d’État sont également mises sur pied dans le but de diminuer le pou-voir des firmes étrangères.

Cette animosité est cependant beaucoup plus faible qu’ailleurs en Asie, où les Chinois, accusés de col-laborer avec les puissances colonia-les, feront l’objet de massacres, de déportation et de sévère discrimi-nation économique par les nouvelles élites nationales au moment de la décolonisation. L’État thaïlandais visa d’abord et avant tout à assi-miler les Chinois. À partir de 1�11, le roi permet à tous ceux qui sont nés en Thaïlande, d’origine thaïe ou non, d’obtenir la citoyenneté. On oblige également les Chinois à adopter des patronymes thaïlandais. Les écoles chinoises sont fermées, forçant les immigrés à envoyer leurs enfants à l’école thaïlandaise. Ce dernier fac-teur contribua fortement à l’identifi-cation des immigrants de deuxième et troisième générations à leur nou-velle patrie.

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Les successeurs de Chulalongkorn, Rama VI et VII, ne réussissent pas à maintenir l’ascendance de la monarchie sur le monde politique. Ils introduisent de nouvelles ré-formes, notamment l’abolition de la polyga-mie et l’instauration de l’éducation primaire obligatoire, mais une nouvelle classe de bu-reaucrates et de militaires ne tolère plus les excès de la monarchie absolue. En 1932, un groupe d’officiers se rebelle, saisit le palais et transforme le pays en une monarchie constitutionnelle.

Les années 1930 sont le témoin d’une montée du nationalisme thaïlandais. En 1939, un gouvernement militaire d’inspira-tion fasciste adopte le mot « Thaïlande », le pays des Thaïs, en lieu de Siam comme nom officiel du pays. Durant la Seconde Guerre mondiale, le Japon envahit la Thaïlande, qui conserve son indépendance en échange d’une alliance militaire contre les Alliés. Lorsque la défaite du Japon est imminente, le gouvernement thaïlandais réussit à évin-cer ses éléments collaborationnistes et à négocier une paix avec les Alliés.

Dès la fin des années 1940, la Thaïlande est devenue rapidement un proche al-lié des États-Unis dans la lutte contre le communisme. Malgré la tenue d’élections démocratiques, des coups d’État ramènent au pouvoir un gouvernement militaire, qui

bénéficie d’un appui financier américain important. Durant la guerre du Vietnam, plusieurs bases américaines sont construi-tes en Thaïlande, et près de 11 000 soldats thaïlandais prêtent main-forte aux Améri-cains et à leurs alliés sur le terrain.

Tous les Thaïlandais ne supportent cepen-dant pas l’autoritarisme et les politiques pro-américaines de leur gouvernement. En octobre 1973, les étudiants descendent dans les rues et réussissent à faire tomber le régime militaire, inaugurant une courte période de démocratie et de renouveau culturel. Trois ans plus tard, un nouveau coup d’État ramène au pouvoir un gouver-nement autoritaire.

À partir du début des années 1980, la Thaïlande bénéficie d’une croissance éco-nomique exceptionnelle et transforme son économie, jusqu’alors basée sur l’exporta-tion de produits agricoles, en une puissance manufacturière de calibre mondial. Le boom entraîne avec lui de nombreux change-ments sociaux, dont une urbanisation mas-sive, l’émergence d’une classe moyenne et de nouvelles attentes par rapport au gou-vernement. En 1997, la crise asiatique met un frein sévère aux ambitions économiques du pays, mais l’adoption d’une nouvelle constitution progressiste et démocratique donne espoir aux Thaïlandais.

Art et culture thaïlandaise

La culture thaïlandaise, tout comme l’histoire du pays, a été influencée au fil des siècles par les civilisations dominantes avec lesquelles elle est entrée en contact. À l’époque de Sukhothai et d’Ayutthaya, les cultures chinoise, indienne, khmère et cingalaise marquent profondément les arts et la religion de la région. Les temples bouddhistes, ou wat, regor-gent aujourd’hui de peintures, de statues et de gravures qui permettent de mieux com-prendre l’art thaïlandais classique.

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