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Les inondations sont un phénomène récurrent pour la province et correspondent au principal aléa occasionnant des impacts sociaux, environnementaux et économiques dont les coûts et conséquences sont supportés par l’État et la société. Le Québec a un historique d’événements hydrologiques extrêmes (Saguenay 1996, Châteauguay 1998, Rivière-au-Renard 2007, Richelieu 2011, province du Québec printemps 2017) qui illustre les vulnérabilités du territoire et de la société. Les coûts moyens rattachés aux inondations ont été de l’ordre de 70 M$/an ($ de 2012) pour la période 1991-2013, mais les évènements extrêmes, tels que le Saguenay en 1996 et le Richelieu en 2011, ont élevé la facture à plus de 189 M$ ($ de 2012) [13] . Ces derniers ont permis de mieux comprendre les épisodes d’inondations et leurs conséquences, puis d’en tirer parfois des leçons pour une meilleure gestion des risques. Néanmoins, dans un contexte de changements climatiques, de développement territorial et de transformations socio-économiques, les risques d’inondation sont appelés à changer. Ceci exige une meilleure compréhension du phénomène et de ces conséquences tout comme le renouvellement des approches quant à une prévention des risques pour soutenir une société et un territoire résilients. Les inondations sont un phénomène hautement variable, avec ou sans changements climatiques, et les extrêmes hydrologiques sont une réalité au Québec. Il demeure que les changements climatiques modifient le cycle de l’eau en perturbant plusieurs composantes [5,17] . En particulier, les projections climatiques indiquent des augmentations de précipitations en hiver et au printemps presque partout sur le territoire et une augmentation plus importante que les moyennes des événements extrêmes de précipitations [14, 21] . La récurrence et l’intensité des différents types d’inondations (eau libre, embâcle, submersion, remontée de la nappe phréatique (refoulement de conduite) seront également influencées par les changements climatiques, et ce en fonction des saisons. Il n’est donc plus suffisant de s’appuyer sur les statistiques historiques et l’expérience passée pour quantifier les risques futurs. LES INONDATIONS DANS UN CONTEXTE DE CHANGEMENTS CLIMATIQUES COMPRÉHENSION DE L’ALÉA AVIS D’OURANOS SUR UN SUJET CIBLÉ Afin de réduire l’intensité et la récurrence de l’aléa, il est nécessaire de réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’adaptation permettra de réduire ou gérer les impacts résiduels des changements inévitables et déjà amorcés. Étant donné que le risque de catastrophe est fonction de l’aléa, l’exposition et la vulnérabilité [10] , la compréhension du risque d’inondation dans un contexte de changements climatiques doit considérer l’évolution de l’ensemble de ces facteurs afin de mieux prévenir et gérer les risques. RÉDUCTION DE LA VULNÉRABILITÉ ET DE L’EXPOSITION Si l’aléa hydrométéorologique joue un rôle important dans les risques inondations, ce sont les facteurs sociaux, physiques et institutionnels qui influencent la vulnérabilité face aux événements ainsi que la capacité d’adaptation [1, 23] . Il est donc nécessaire d’intervenir sur ces facteurs en agissant à la fois en prévention, préparation, intervention et rétablissement. Bien que la préparation à l’évènement soit primordiale [26] , notamment par l’utilisation de systèmes d’alerte, qui permettent une meilleure prise de décision, une diminution des impacts et une coordination de l’intervention [12] , l’expérience démontre qu’il est plus avantageux pour une société d’investir en prévention des risques que de gérer les situations d’urgence. Il est estimé que chaque dollar investi en prévention se traduit par une économie de six dollars en gestion de l’urgence [16] . Gestion intégrée : la recherche scientifique et l’expérience indiquent également que pour assurer une résilience face aux inondations, une gestion intégrée et intersectorielle est primordiale [18, 20] . Cette intégration doit à la fois se faire entre les échelles administratives et entre les différents acteurs concernés par la question des inondations. En outre, la gestion des inondations doit d’abord être planifiée à l’échelle du bassin versant afin d’aligner l’espace décisionnel à l’échelle des processus physiques du risque [7, 8, 11] . Aléa Vulnérabilité et exposition Risque X = Source: MEDD N/A Eau Libre (Petit bassin versant) Eau Libre (Grand bassin versant) Embâcle Submersion côtière Refoulement de conduite Source: Ouranos (Forum inondation 2017, MDDELCC). Le symbole ? souligne une tendance incertaine. Plusieurs de ces phénomènes sont complexes et ne s’appliquent pas à tous les cours d’eau de la même façon. L’Atlas hydroclimatique du Québec offre de l’information pour 350 cours d’eau. Principales tendances généralement attendues pour l’aléa inondation sur le sud du Québec

COMPRÉHENSION DE L’ALÉA - Ouranos · 2018. 2. 15. · De plus, l’implication citoyenne est nécessaire, car elle o˚re une meilleure compréhension locale du risque et favorise

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Page 1: COMPRÉHENSION DE L’ALÉA - Ouranos · 2018. 2. 15. · De plus, l’implication citoyenne est nécessaire, car elle o˚re une meilleure compréhension locale du risque et favorise

Les inondations sont un phénomène récurrent pour la province et correspondent au principal aléa occasionnant des impacts sociaux, environnementaux et économiques dont les coûts et conséquences sont supportés par l’État et la société. Le Québec a un historique d’événements hydrologiques extrêmes (Saguenay 1996, Châteauguay 1998, Rivière-au-Renard 2007, Richelieu 2011, province du Québec printemps 2017) qui illustre les vulnérabilités du territoire et de la société. Les coûts moyens rattachés aux inondations ont été de l’ordre de 70 M$/an ($ de 2012) pour la période 1991-2013, mais les évènements extrêmes, tels que le Saguenay en 1996 et le Richelieu en 2011, ont élevé la facture à plus de 189 M$ ($ de 2012)[13]. Ces derniers ont permis de mieux comprendre les épisodes d’inondations et leurs conséquences, puis d’en tirer parfois des leçons pour une meilleure gestion des risques. Néanmoins, dans un contexte de changements climatiques, de développement territorial et de transformations socio-économiques, les risques d’inondation sont appelés à changer. Ceci exige une meilleure compréhension du phénomène et de ces conséquences tout comme le renouvellement des approches quant à une prévention des risques pour soutenir une société et un territoire résilients.

Les inondations sont un phénomène hautement variable, avec ou sans changements climatiques, et les extrêmes hydrologiques sont une réalité au Québec. Il demeure que les changements climatiques modi�ent le cycle de l’eau en perturbant plusieurs composantes [5,17]. En particulier, les projections climatiques indiquent des augmentations de précipitations en hiver et au printemps presque partout sur le territoire et une augmentation plus importante que les moyennes des événements extrêmes de précipitations[14, 21]. La récurrence et l’intensité des di�érents types d’inondations (eau libre, embâcle, submersion, remontée de la nappe phréatique (refoulement de conduite) seront également in�uencées par les changements climatiques, et ce en fonction des saisons. Il n’est donc plus su�sant de s’appuyer sur les statistiques historiques et l’expérience passée pour quanti�er les risques futurs.

LES INONDATIONS DANS UN CONTEXTE DE CHANGEMENTS CLIMATIQUES

COMPRÉHENSION DE L’ALÉA

AV I S D ’ O U RA N O S S U R U N S U J E T C I B L É

A�n de réduire l’intensité et la récurrence de l’aléa, il est nécessaire de réduire les émissions de gaz à e�et de serre. L’adaptation permettra de réduire ou gérer les impacts résiduels des changements inévitables et déjà amorcés.

Étant donné que le risque de catastrophe est fonction de l’aléa, l’exposition et la vulnérabilité[10], la compréhension du risque d’inondation dans un contexte de changements climatiques doit considérer l’évolution de l’ensemble de ces facteurs a�n de mieux prévenir et gérer les risques.

RÉDUCTION DE LA VULNÉRABILITÉ ET DE L’EXPOSITION

Si l’aléa hydrométéorologique joue un rôle important dans les risques inondations, ce sont les facteurs sociaux, physiques et institutionnels qui in�uencent la vulnérabilité face aux événements ainsi que la capacité d’adaptation[1, 23]. Il est donc nécessaire d’intervenir sur ces facteurs en agissant à la fois en prévention, préparation, intervention et rétablissement. Bien que la préparation à l’évènement soit primordiale[26], notamment par l’utilisation de systèmes d’alerte, qui permettent une meilleure prise de décision, une diminution des impacts et une coordination de l’intervention[12], l’expérience démontre qu’il est plus avantageux pour une société d’investir en prévention des risques que de gérer les situations d’urgence. Il est estimé que chaque dollar investi en prévention se traduit par une économie de six dollars en gestion de l’urgence[16].

Gestion intégrée : la recherche scienti�que et l’expérience indiquent également que pour assurer une résilience face aux inondations, une gestion intégrée et intersectorielle est primordiale[18, 20]. Cette intégration doit à la fois se faire entre les échelles administratives et entre les di�érents acteurs concernés par la question des inondations. En outre, la gestion des inondations doit d’abord être plani�ée à l’échelle du bassin versant a�n d’aligner l’espace décisionnel à l’échelle des processus physiques du risque[7, 8, 11].

Aléa Vulnérabilité et exposition RisqueX =Source: MEDD

N/A

Eau Libre (Petit bassin

versant)

Eau Libre (Grand bassin

versant)

Embâcle

Submersion côtière

Refoulement de conduite

Source: Ouranos (Forum inondation 2017, MDDELCC). Le symbole ? souligne une tendance incertaine. Plusieurs de ces phénomènes sont complexes et ne s’appliquent pas à tous les cours d’eau de la même façon. L’Atlas hydroclimatique du Québec o�re de l’information pour 350 cours d’eau.

Principales tendances généralement attendues pour l’aléa inondation sur le sud du Québec

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CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Considérant les changements climatiques, une adaptation proactive est à privilégier. Le contexte actuel, c’est-à-dire post-événement, est malgré tout l’occasion de prendre des mesures pour réduire les risques et renforcer la capacité d’adaptation en utilisant le concept du « Build back better »[10, 12]. Assurant le maintien de cette impulsion post-évènement, l’instauration de cibles quanti�ées de réduction de vulnérabilité permettrait également d’aligner les objectifs à long terme aux décisions à court terme. Par ailleurs, dans l’objectif de réduire la vulnérabilité du territoire aux inondations et d’accroître la capacité d’adaptation, il est primordial d'assurer un partage d'information et un apprentissage mutuel entre la science et la pratique. Pour ce faire, l’état des connaissances o�re une base pour mieux évaluer les risques et pour servir d’appui au moment de proposer des solutions et soutenir la prise de décision. Étant donné l'existence actuelle du risque, il est possible d’agir maintenant sur la base de ces connaissances, de même qu’en s’appuyant sur les exemples internationaux de plusieurs pays a�ectés par des enjeux similaires, qui ont amorcé une ré�exion et entrepris la mise en œuvre de solutions d’avenir.

Le développement et l’acquisition des connaissances concernant les impacts directs et indirects des inondations sur l’économie, l’environnement, la santé et la société demeurent essentiels à l’élaboration de solutions futures. Cependant, ceci doit se faire de manière plus globale et intégrée en évitant le travail en silo. Pour ce faire, il est maintenant prioritaire de bâtir sur le savoir existant dans l’objectif d’en maximiser les retombées. Cet e�ort requiert un travail collectif entre les gouvernements, le milieu universitaire et les organismes mobilisés sur cette question. Pour cela, la structuration et la mise en place d’un réseau de recherche alliant experts académiques et de la pratique permettrait à la fois de partager les connaissances, de bâtir la recherche sur les savoirs existants et de favoriser un arrimage entre les di�érentes recherches et avec les besoins du milieu.

De plus, l’implication citoyenne est nécessaire, car elle o�re une meilleure compréhension locale du risque et favorise l’identi�cation et la mise en place de solutions durables et acceptées[1, 11, 12, 24]. Étant donnée la complexité de ce jeu d’acteurs et d’échelles et pour assurer cette gestion intégrée des inondations, il importe que les autorités mettent en place un cadre décisionnel dé�nissant clairement la façon dont les acteurs, les usages et les échelles doivent être coordonnés autant en prévention qu’en intervention[4, 11, 15]. Par ailleurs, un schéma de partage des risques (économiques, sanitaires, sociales, environnementales, etc.) permet de répartir équitablement le risque entre les di�érents acteurs et favorise la prévention des risques ainsi que la coordination entre ces acteurs[18]. Le marché privé de l’assurance peut jouer un rôle clé comme c’est le cas dans l’ensemble des pays du G8 (2015), le Canada assumant encore un retard[3].

Cartographie du risque : a�n d’assurer une gestion intégrée et e�cace des inondations, il est d’abord nécessaire de comprendre ce phénomène et ces conséquences. À cet e�et, la cartographie est un élément incontournable qui, en illustrant le risque, o�re un outil pour la sensibilisation, la plani�cation du territoire et le soutien à la prise de décision et à l’action. Plusieurs méthodologies de cartographie du risque existent (cote d’inondation, espace de liberté, etc.) et illustrent les di�érentes composantes (exposition, vulnérabilité sociale, vulnérabilité physique, etc.). La centralisation de ces cartes est nécessaire a�n d’en faciliter l’accès et d’o�rir la possibilité de sélectionner l’information en fonction de l’utilisation. Il importe donc que ces cartes partagent un langage commun, en plus d’o�rir des résultats cohérents et comparables, a�n d’éviter la confusion et faciliter la prise de décisions[15, 18].De plus, la cartographie doit dorénavant être dynamique a�n de considérer l’évolution temporelle du risque, notamment avec les changements climatiques [4, 15, 18]. Des mécanismes règlementaires doivent être en place et respectés a�n de garantir la mise en œuvre, le suivi et la mise à jour de ces cartes. L’accès à l’information pour l’ensemble des parties prenantes, la di�usion et la communication du risque demeurent prioritaires pour maintenir une conscience collective et une gestion e�ective des risques[18, 22, 25]. En Angleterre, un site Internet met à la disposition des citoyens une cartographie intéractive de risque.

Aménagement du territoire : l’aménagement du territoire doit être pensé à di�érentes échelles temporelles et spatiales a�n d’éviter la maladaptation aux risques d’inondation. De ce fait, la cartographie des risques favorise la plani�cation écosystémique, en permettant une meilleure compréhension des processus physiques et sociaux pour la prise en compte de ces dynamiques dans l’aménagement du territoire. Elle permet aussi de di�érencier les niveaux de risques, pour appliquer des méthodes et outils urbanistiques di�érents en fonction de ces niveaux. Dans plusieurs situations, les mesures de protection (digue, enrochement, arti�cialisation des berges) sont à reconsidérer puisqu’elles ont souvent pour e�et d’ampli�er les risques d’inondations [4, 15, 19]. L’éducation est donc nécessaire quant aux rôles et limites des ouvrages structurels de protection (p.ex. les barrages) a�n d’éviter de faux sentiments de sécurité. À l’inverse, la mise en place de mesures résilientes, dont les résultats peuvent générer des co-béné�ces pour d’autres enjeux, permet de réduire les risques et d’éviter des investissements signi�catifs dans un contexte d’incertitudes, notamment pour les secteurs déjà bâtis[10]. Parmi ces mesures, la protection, la conservation et la restauration des milieux humides contribuent de manière considérable à la résilience du territoire face aux inondations, en stockant temporairement les eaux de crues et en régulant les débits[2, 9]. Pour favoriser cet aménagement résilient du territoire et éviter la construction en zone inondable, une révision des mécanismes de �nancement des municipalités est souhaitable. Les approches d’éco�scalité o�rent une alternative intéressante à la �scalité municipale actuelle a�n de diversi�er les revenus des municipalités tout en favorisant une prise en compte adéquate du risque dans l’aménagement du territoire[6]. Par ailleurs, la prise en considération des risques d’inondations dans les orientations en matière d’aménagement du territoire et les mécanismes de gestion adaptative dans l’utilisation des outils classiques d’aménagement (plan d’urbanisme, règlements de zonage, etc.) permettent la mise en œuvre de mesures d’adaptation et leur ajustement continuel en fonction des nouvelles connaissances. Dans tous les cas, les mécanismes juridiques doivent soutenir les mesures mises en œuvre pour mieux gérer les risques d’inondation.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Cette �che synthèse s'appuie sur un travail collectif avec les experts du réseau d'Ouranos ainsi que sur des références dont la liste est disponible à:

https://www.ouranos.ca/publication-scienti�que/Inondations-references.pdf