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Compte-rendu de la session Mobilité des personnes âgées : intérêt d’une approche multifactorielle Paris – Centre universitaire des Saints-Pères 9 juin 2015 Session coordonnée par Dagmar SOLEYMANI, Inpes Modérateurs : Dagmar SOLEYMANI, Agathe GESTIN (Fondation de France), Vincent LAPIERRE (Centre Popincourt)

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Compte-rendu de la session Mobilité des personnes âgées :

intérêt d’une approche multifactorielle

Paris – Centre universitaire des Saints-Pères

9 juin 2015

Session coordonnée par Dagmar SOLEYMANI, Inpes

Modérateurs : Dagmar SOLEYMANI, Agathe GESTIN (Fondation de France), Vincent LAPIERRE (Centre Popincourt)

1Oèmes Journées de la prévention et de la santé publique – Mobilité des personnes âgées : intérêt d’une approche multifactorielle

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Introduction Dagmar SOLEYMANI Chargée de mission, Direction de l’information et de la communication, Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes)

L’Inpes travaille sur la thématique du vieillir en bonne santé depuis 1997, notamment en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie au sujet de la formation des professionnels intervenant à domicile, ainsi qu’avec les caisses de retraite. Au cours de cette session, les débats aborderont quatre aspects de l’approche multifactorielle de la mobilité des personnes âgées : explorer les environnements favorables, renforcer les comportements protecteurs, étudier la réciprocité entre mobilité et lien social, et enfin, penser des lieux de vie comme source de mobilité multifactorielle.

Les enjeux de la mobilité pour les personnes avançant en âge Gilles BERRUT Professeur des universités, chef du pôle hospitalo-universitaire de gérontologie, clinique du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, président du Gérontopôle autonomie longévité des Pays de la Loire.

Remarquables par leur fluidité sémantique, les termes de mobilité et de personnes âgées s’inscrivent dans une logique ne comportant aucun point précis ou fixe. Alors qu’elle est pourtant organisée autour d’une géographie mentale, la mobilité constitue le passage entre chacun de ces points. La notion de personne âgée ne correspond, quant à elle, à aucune définition satisfaisante d’une étape inscrite dans le continuum de la vie de chacun.

Retraite, vieillesse et dépendance : trois réalités distinctes

Depuis une trentaine d’années en effet, nous assistons à l’émergence progressive d’un temps après la vie active qui ne coïncide plus avec l’image traditionnelle du vieillissement fortement marquée par le déclin et la dépendance. Or, la dépendance n’affecte que 17 % des personnes âgées de plus de 80 ans, et ce, pendant 18 mois en moyenne. Le discours réducteur assimilant le vieillissement à la dépendance est soutenu involontairement par les politiques de protection du risque lié à la dépendance notamment au niveau des conseils départementaux, oubliant ainsi plus de 83 % des plus de 80 ans. La principale difficulté consiste alors à repenser le grand âge sans basculer automatiquement dans la thématique de la dépendance. Par exemple, les Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont été conçus et sont considérés comme les lieux de la prise en charge de la dépendance, alors que 45 % des gens dépendants (GIR 2) vivent à leur domicile ! En situant la personne âgée au-delà du temps du travail, la définition proposée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous interroge sur les contours de cette notion. En France, l’âge légal de départ à la retraite est fixé à 62 ans, mais seulement 32 % des personnes entre 55 et 64 ans travaillent. Sont-elles alors situées au-delà du temps du travail ?

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Par ailleurs, le passage entre le travail et la retraite à temps plein constitue désormais une situation minoritaire. Estimée entre 86 et 88 ans, l’espérance de vie croît alors que l’on assiste dans le même temps à une modification précoce et variable de la relation au travail à partir de 55 ans. Un nouveau temps de vie, d’une durée moyenne d’environ 25 ans, émerge alors au-delà du temps du travail et précède la période de la dépendance. Parfois animées par un sentiment de culpabilité parce qu’elles perçoivent une retraite sans travailler, ces personnes ne perçoivent pas l’identité ou le rôle de ces nouveaux temps de la vie, et la société ne sait quelle reconnaissance elle pourrait transmettre à cette génération. Entre, d’un côté, la culpabilité et de l’autre, une sorte de situation confortable dont il faudrait tirer profit de manière individualiste, les attitudes sont très variables voire opposées, mais dans les deux cas sont vécues dans une situation de marginalité, car l’appartenance à la société est restée fortement ancrée dans le travail. Alors qu’elles manifestent une fécondité sociale considérable et vitale, ces personnes évoluent dans une période de leur vie qui ne porte aucune identité définie et que j’ai appelé âge de la longévité, uniquement caractérisé par le temps qui passe et sans relation sociale reconnue. Le continent des personnes âgées doit être considéré comme une Terra incognita à redécouvrir sous un œil neuf, en écartant les sempiternelles images de déclin qui sont nos obsessions personnelles et qui ne représentent en aucun cas une politique publique. Réunissant des spécialistes issus de milieux scientifiques, sociaux et médicaux extrêmement variés, le Gérontopôle Autonomie Longévité des Pays de la Loire s’intéresse ainsi aux thématiques de longévité, mobilité et autonomie, dans une animation de la formation initiale et continue, de recherche, de développement économique et de conseil aux territoires.

Quelques périmètres de mobilité

Marqueur fort du vieillissement et préoccupation essentielle du monde de la santé, la mobilité personnelle est gouvernée par trois principaux systèmes. Tout d’abord, le système sensoriel, avec au premier chef la vision et l’audition, essentiels pour assurer un équilibre et une marche normales. Il faut signaler en France une difficulté avérée de prise en charge des personnes âgées au niveau visuel, notamment à cause des possibilités d'accès à des consultations spécialisées et à un suivi adapté au secteur ophtalmologique, limitant l’accès au plus grand nombre des personnes âgées fragiles, notamment celles avec des troubles cognitifs. Le système locomoteur a, quant à lui, connu des progrès considérables en recherche grâce à une meilleure compréhension de la relation entre la marche et les troubles neuropsychologiques. Les troubles neuropsychologiques causent 70 % des chutes. La kinésithérapie traditionnelle, liée aux aptitudes physiques, apparait en effet inadaptée, alors que des méthodes de compréhension de la relation du geste et de la cognition seraient bien plus efficaces, telles qu'elle est approchée notamment par le tai chi. Appliquée au lieu de vie, la mobilité domotique est toutefois soumise à un choix stratégique, entre un aménagement effaçant toutes les difficultés d’utilisation et une architecture d’intérieur composée d’obstacles permettant de préserver les capacités restantes de la personne en faisant appel à sa faculté d’adaptation. Encore trop limitée aux capteurs d’alerte, la domotique devrait construire, en même temps que la mise à disposition d'équipements, une stratégie de réponse adaptée, permettant de traiter ces alertes en lien avec les organisations gérontologiques du territoire.

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La mobilité urbaine s’inscrit quant à elle dans des territoires bénéficiant de niveaux de traitement différents. Soutenu par l’OMS, le programme mondial Villes amies des aînés1 (VADA) témoigne de la réussite d’une adaptation accompagnante. La réforme territoriale engendrera par ailleurs une refonte des territoires en milieu rural, semi-rural et péri-urbain, exigeant des outils de réflexion prospective afin d’engager des investissements appropriés. Le Gérontopôle des Pays de la Loire a ainsi développé un « diagnostic action territoriale environnement longévité » (Datel)2 qui tient compte des prospectives des populations à dix ans afin que la société s’adapte au vieillissement de la population. Personne migrante, la personne âgée change plus souvent qu'on ne le pense de domicile, au moment du départ en retraite, puis à la survenue des premières difficultés physiques, suite à un veuvage. Les personnes âgées changent de lieu de vie, mais aussi d’acteurs de santé et de milieu de prise en charge sans aucune continuité de leur dossier médical. Les personnes âgées de plus de 65 ans représentent aujourd’hui un quart de la population et en constitueront un tiers d’ici dix ans, avec une augmentation notable de leurs problèmes de santé. Seules dix années nous séparent de l’échéance où les baby boomers connaîtront des difficultés de santé et d'autonomie sur une grande échelle, dix années au cours desquelles l’enjeu consistera à préparer l’ensemble de la société française à cette évolution, notamment en termes de politiques de santé, d’urbanisme, d’économie et de services à la personne qui représentent un vivier d’emplois considérables. La question de la mobilité couvre non seulement des équipements à construire et de l’intelligence à déployer, mais aussi des actions de formation adaptées à développer, sans lesquelles les personnes âgées ne seront pas servies et l’emploi ne sera pas au rendez-vous.

                                                                                                                         1 Le programme Villes amies des aînés encourage le vieillissement actif des citoyens âgés grâce à l’adaptation des structures et des services urbains aux capacités et aux besoins des personnes âgées Pour aller plus loin : http://www.who.int/ageing/publications/Guide_mondial_des_villes_amies_des_aines.pdf 2 Le DATEL est décrit sur le site www.gerontopole-paysdelaloire.fr

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La mobilité dans un environnement favorable pour la santé

Cadre international et national pour des pratiques inspirantes

Pierre-Marie CHAPON Docteur en géographie, référent pour la France Villes amies des aînés3 auprès de l’OMS

Pendant très longtemps, les politiques en faveur du vieillissement ont uniquement porté sur le soin. Il s’agissait toutefois d’une logique cohérente face au contexte historique à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, avec des attentes fortes concernant notamment la rénovation des hospices et la lutte contre l’insalubrité. C’est ainsi que peu à peu les constructions d’EHPAD se sont multipliées au détriment des foyers-logements et que la segmentation des actions publiques s’est instaurée de façon parfois simpliste.

Un environnement favorable aux aînés

Afin de mesurer les habitudes quotidiennes des personnes âgées autour de leur domicile, des volontaires ont été équipés de traceurs GPS. Les données montrent que leur environnement quotidien se limite à 500 mètres et qu’à l’intérieur de ce rayon, les lieux les plus facilement visités sont les commerces de proximité. Utilitaires en théorie, les motifs de sortie révèlent pourtant un but tout autre, témoignant d’un fort appétit pour vivre au cœur de la société et maintenir le tissu social. La présence d’un arrêt de transport en commun n’excède pas 150 mètres pour un temps d’attente maximal de 15 minutes, sous peine de devenir source de complexité ou d’inquiétude pour les aînés. Autre élément rassurant dans l’environnement géographique, les bancs ou les assises encouragent ces publics fragilisés à sortir, ainsi que la présence de toilettes publiques.

Figure 1 – La présence de toilettes et de bancs publics est un facteur rassurant (Dijon).

Les ateliers mobilité permettent quant à eux de favoriser la mobilité individuelle (Sceaux)

                                                                                                                         3 Pour aller plus loin : http://www.villesamiesdesaines-rf.fr/

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Repris dans plusieurs rapports, ces éléments annexés au projet de loi sur l’Adaptation de la société au vieillissement4 (ASV) constituent un idéal à confronter à la réalité et à mesurer avec les évolutions constatées dans les transports. L’environnement joue ainsi un rôle préventif de la mobilité des personnes âgées. Toutefois, quelle que soit sa qualité, l’environnement géographique n’aura aucune prise sur une personne souffrant de troubles cognitifs avérés ou de forte dépression. Pas obligatoirement migratrices, les personnes âgées vivent aujourd’hui majoritairement dans un environnement périurbain, territoire soumis à la plus forte croissance par rapport au vieillissement. Attachés à leur logement, les propriétaires connaissent parfois des difficultés affectives et/ou économiques pour changer domicile. S’établissant à 72 %, le taux de motorisation des personnes âgées de plus de 65 ans suit une tendance à la hausse. Conçu à l’échelle de l’automobile, le milieu périurbain s’avère parfois plus adapté aux personnes âgées motorisées que la ville, grâce notamment aux constructions de plain-pied facilitant les sorties en voiture et aux vastes parkings des supermarchés. La situation se complique toutefois lorsque la peur de conduire se développe, isolant d’autant plus la personne qu’emprunter les transports en commun se révèle parfois difficile à mettre en œuvre. Or, en raison de leurs coûts, les politiques de Transport à la demande (TAD) ne peuvent pas s’adresser à une population de masse. Les difficultés surviennent aussi fréquemment suite à une chute ou à tout autre événement déstabilisant, où la personne, coupée de son environnement social, sera alors confrontée à l’urgence de trouver un établissement d’accueil. Ces situations de rupture mériteraient une large anticipation, grâce notamment à la construction de logements adaptés en centre-bourg permettant ainsi le maintien de la personne fragilisée dans son cadre de vie habituel. Ce nouveau maillage de la construction constitue par ailleurs l’objet du programme VADA, proposant de rendre leur centralité et leur vitalité aux territoires périurbains afin d’accueillir sereinement ces personnes.

Villes amies des aînés

Outre les aménagements adaptés qu’il peut offrir, le programme VADA lutte également contre l’âgisme, troisième cause de discrimination en France derrière le racisme et le sexisme. Une acculturation générale à une approche transversale du vieillissement s’avère nécessaire pour résoudre le défi sociétal de 2027.

Figure 2 – Soutenu par l’OMS, le programme VADA compte 40 villes françaises

                                                                                                                         4 Pour aller plus loin : http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do?idDocument=JORFDOLE000029039475&type=general&typeLoi=proj&legislature=14  

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Dans le cadre d’une démarche participative, le programme VADA donne en effet la parole aux aînés, experts de leur propre quotidien, afin de combattre la vision tronquée du vieillissement observée par les services décisionnaires. La gouvernance réunit alors les élus responsables des différents services afin de réfléchir aux retours d’usage des aînés concernant huit problématiques de la vie quotidienne5 et amorcer ainsi un véritable dialogue. Cette organisation transversale s’instaure peu à peu, conduisant à la co-construction de projets repensant notamment la mobilité, l’accessibilité et les transports. L’exemple new-yorkais à ce sujet est particulièrement probant. La ville est sillonnée par de larges avenues parfois périlleuses à traverser. Répertoriés grâce aux constats de groupes d’aînés, les endroits les plus difficiles ont bénéficié d’un allongement des feux de circulation doublés d’un décompte pour les piétons et de l’aménagement d’îlots centraux équipés d’assises facilitant ainsi un franchissement en deux temps. Portés par la dynamique, les commerces ont également été incités à disposer des sièges à l’intérieur des boutiques. En France, 40 villes sont inscrites dans cette démarche qui relie tous les secteurs, afin de reconfigurer l’ensemble du tissu urbain. Jusqu’à présent, les documents d’urbanisme qui n’avaient aucun lien avec les différents schémas départementaux concernaient uniquement des seuils d’équipements déconnectés des questions relatives au vieillissement. Grâce à la future loi ASV, les Schémas de cohérence territoriale (SCoT) et les Programmes locaux de l’habitat (PLH) intégreront le vieillissement, entraînant ainsi des répercussions positives sur la mobilité. La prospective permettra de mieux appréhender le vieillissement des quartiers, en redéployant notamment les systèmes de transports en commun ou de navettes de quartiers dans ces lieux. Afin de soutenir l’autonomie des personnes âgées, un partenariat associant la ville de Sceaux au Centre de ressources et d’innovation mobilité handicap6 (CEREMH) a organisé des ateliers préventifs, permettant d’étudier des solutions alternatives favorisant les mobilités individuelles. A Dijon, une navette gratuite, accessible à tous pour ne stigmatiser personne, mise en place dans le centre-ville relie les différents commerces. Le domaine des transports se trouve par ailleurs à l’aube d’une révolution majeure grâce à la voiture sans conducteurs, actuellement en test aux Etats-Unis, qui permettra notamment de rendre le TAD économiquement viable et rentable. Expérimentées en France sur le territoire public, à Lyon, ces navettes peu coûteuses pourront d’ici quelques années modifier considérablement les modes de vie, et rendre ainsi de l’attrait à des territoires jusqu’alors peu favorables.

Mobilité urbaine, stratégies et tactiques des personnes âgées

Florence HUGUENIN-RICHARD Docteur en géographie quantitative, maître de conférences à l’Institut de géographie et d’aménagement de l’université Paris IV-Sorbonne

Fruit d’une enquête réalisée dans le département du Nord, à Lomme, le projet Marche à pied pour les seniors (MAPISE)7 a analysé ce mode de déplacement entre 2011 et 2014. Financé par

                                                                                                                         5 Les huit thématiques abordées par le programme VADA : espaces extérieurs et bâtiments, transports et mobilité, habitat, information et communication, lien social et solidarité, culture et loisirs, participation citoyenne et emploi, autonomie services et soins. 6 Pour aller plus loin : http://ceremh.org/ 7 Le rapport final MAPISE est disponible à cette adresse : www.predit.prd.fr/predit4/document/46385

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le Programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres8 (PREDIT), l’appel à projets concernait le vieillissement de la population ainsi que la qualité et la sécurité des systèmes de transport.

Méthodologie

Associant le laboratoire Espaces, nature et culture9 (ENeC), l’Institut national de la recherche scientifique québécois10 (INRS) et l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux11 (IFSTTAR), MAPISE a déployé son enquête sur trois sites urbains de la région lilloise afin de mener 422 observations non participantes de piétons de tous les âges en situation de traverser. Suite à ces observations, 422 micro-trottoirs ont permis de recueillir l’âge de la personne ainsi que des informations complémentaires.

Figure 3 – MAPISE a étudié trois sites urbains de Lille métropole : Lomme-Lambersart,

le quartier Gambetta à Lille et Croix-Centre Le projet avait l’ambition de proposer des questionnaires longs auprès des plus de 65 ans, afin d’étudier leurs habitudes de mobilité ainsi que leur propre perception de leur état de santé et du risque routier dans l’environnement de marche. Ce volet a malheureusement échoué en raison du manque d’intérêt des répondants pour l’enquête. Au travers de 306 suivis de piétons de tous les âges, une cartographie très fine des déplacements a été réalisée dans un Système d’information géographique (SIG). Enfin, une cartographie du potentiel de marche a touché 1 400 tronçons de rue sur les trois sites étudiés.

Données de cadrage

En dépit d’une mobilité qui diminue au fil des ans, les âgés se déplacent le plus souvent à pied. Dans le grand âge, l’enquête relève une diminution de la fréquence des déplacements, quel que soit le mode de transport utilisé, ainsi qu’une augmentation du risque d’accident. La

                                                                                                                         8 Pour aller plus loin : http://www.predit.prd.fr/ 9 Pour aller plus loin : http://www.enec.cnrs.fr/ 10 Pour aller plus loin : http://www.inrs.ca/ 11 Pour aller plus loin : http://www.ifsttar.fr/

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population des piétons âgés de plus 75 ans compte le plus fort risque d’accidents et connaît le plus grand nombre de décès. Les données de MAPISE montrent un plus grand nombre de chutes dans l’espace public.

Figure 4 – Les personnes âgées marchent davantage que les adultes et se déplacent

le plus souvent à pied

Comportements de traversée

Les comportements prudents augmentent avec l’âge, le piéton âgé mettant alors en place des stratégies de compensation des déclins liés au vieillissement : - ne pas courir à l’approche et au cours de la traversée (compensation du déclin moteur) - attendre sur le trottoir plutôt que sur la chaussée (délégation du choix de traverser à l’infrastructure ou au conducteur) - regarder le sol avant de traverser plutôt que le trafic (compensation de la peur de chuter) - regarder les feux de signalisation (compensation du déclin de la vue et de l’ouïe). Le sexe joue peu sur les comportements, même si les femmes déclarent connaître davantage de difficultés pour traverser. En revanche, le nombre de piétons en attente et la densité du trafic sont apparus comme des facteurs de protection lors des traversées. Par ailleurs, la présence de véhicules stationnés à proximité du passage pour piétons est identifiée comme un facteur de risque. Plus prudents, les comportements s’avèrent aussi plus conformes à la règle chez le piéton âgé, qui évite ainsi de se mettre en danger en préférant le passage protégé plutôt que le plus court chemin.

Figure 5 – La vitesse de marche diminue avec l’âge

Potentiel de marche et freins à la pratique

Des questionnaires et la cartographie de 1 400 tronçons de rue ont permis d’analyser le potentiel de marche des espaces urbains, afin d’établir un indice de marchabilité pour chacun

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des trois sites étudiés. La littérature scientifique distingue plusieurs freins à la pratique de la marche dont, notamment, la présence d’obstacles ou de dénivelés sur la chaussée, l’éloignement des commerces, l’absence de banc, l’insuffisance de l’éclairage, la crainte d’être bousculé, la peur des mauvaises rencontres et le sentiment d’insécurité.

Figure 6 – Indice de marchabilité du centre-ville de Lomme

Composé d’une rue principale récemment réaménagée et animée de plusieurs commerces, avec de part et d’autre des rues résidentielles, Lomme présente un schéma typique de centre de bourg. Sa rue principale présente une excellente attractivité grâce à la présence de bancs publics, mais les rues adjacentes le sont considérablement moins en raison de leur manque d’équipements adaptés. Les questionnaires ont montré que les quartiers des trois sites étudiés sont perçus comme favorables à la marche à pied, mais dénoncent principalement l’importance du trafic automobile, les vitesses de circulation trop élevées, le non respect des feux de signalisation, le manque d’attention et la vitesse des cyclistes comme des autres piétons et enfin la pollution atmosphérique. Le potentiel de marche se révèle relativement bon dans les deux zones urbaines de Lomme étudiées, avec cependant une forte variabilité d’un tronçon à l’autre, sans la garantie d’une bonne accessibilité de porte à porte sur le cheminement. L’étude a également révélé une forte différence de rapport entre le confort et la sécurité, opposant les rues principales bien souvent aménagées, aux rues de desserte locale comportant notamment des trottoirs étroits ou en dévers. L’audit de marchabilité a par ailleurs mis en évidence plusieurs éléments favorables au déplacement des piétons âgés en toute sécurité, en termes d’équilibre et de facilité de traversée : - configurer des traversées les moins larges possibles - diminuer l’encombrement des trottoirs - choisir un type et une qualité des revêtements des trottoirs permettant une marche confortable.

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Figure 7 – Les avancées des trottoirs sur la chaussée permettent de reculer

les espaces de stationnement et de diminuer la distance à traverser Certains secteurs subissent des conflits d’usage de l’espace public entre les piétons, les véhicules ou les aménagements urbains, que seuls des choix politiques pourraient résoudre en affirmant les priorités. De plus, de nombreuses rues lilloises pavées, classées au patrimoine historique de la ville, représentent des freins considérables à la marche pour tous les types de piétons.

Conclusion

Bien plus que l’âge, l’état de santé préside aux choix des modes de déplacements des seniors. La marche à pied est privilégiée à un âge où elle s’avère la plus difficile à mettre en œuvre, en raison notamment des déclins physiques et psychiques. Deux âges semblent bien marqués dans la population hétérogène des personnes âgées. D’une part, les seniors observent des comportements de mobilités comparables à ceux des adultes bien portants. De l’autre, se trouvent les âgés qui éprouvent des difficultés à se déplacer. La marche en tant que mode de déplacement à promouvoir a peu intéressé les âgés enquêtés dans le cadre de MAPISE. Pour autant, la marche n’est pas seulement un mode de déplacement, mais révèle aussi une façon d’être en ville et d’être en vie. Enfin, pour garantir leur efficacité, les futures études sur la mobilité des personnes âgées devraient s’attacher à cibler une population en situation de fragilité, qui n’a pas encore totalement basculé dans la perte d’autonomie, mais qui commence à percevoir les effets du vieillissement.

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Echanges avec la salle

De la salle (Agathe GESTIN, responsable du programme Personnes âgées, Fondation de France) Vous démontrez que les freins à la mobilité ne concernent pas seulement les personnes âgées. Ne serait-il pas plus bénéfique au contraire que les études mettent en avant les spécificités des personnes âgées sous peine de les stigmatiser et d’aggraver la fracture intergénérationnelle ? Pierre-Marie CHAPON Le sujet est en effet complexe. Les études qui se focalisent trop sur une population risquent d’engendrer des erreurs de choix concernant des types d’aménagements allant à l’encontre des desseins initiaux. Le vieillissement doit toutefois être considéré comme un point d’entrée, mais les réponses ne doivent surtout pas uniquement porter sur cet aspect précis. Les politiques globales d’aménagement doivent tenir compte d’une transversabilité. La loi sur l’accessibilité12 de 2005 n’a malheureusement pas intégré d’autres publics pour réfléchir sur ces sujets. Florence HUGUENIN-RICHARD Je travaille actuellement sur un programme de recherche concernant la mobilité des pré-adolescents âgés de 11 à 13 ans. J’ai ainsi remarqué qu’ils regrettaient l’absence de bancs, mais sans doute pas pour les mêmes raisons que leurs aînés. La difficulté de la conception universelle de l’aménagement consiste à intégrer tous les publics. Un focus strict sur les besoins des personnes âgées n’est pas nécessaire parce que certains d’entre eux correspondent à des besoins universels. Je me positionne en faveur d’une ville intégratrice qui s’adresse à toute la population, quel que soit son âge ou son handicap. Nous sommes parfois confrontés à des difficultés au sujet de l’universalité. Pendant longtemps, j’ai proposé de mettre à plat les lieux de traversée en unifiant le contact trottoir-chaussée. Or, je me suis aperçue que les personnes souffrant de déficience visuelle regrettaient l’absence d’un dévers leur signalant leur position sur la chaussée. De la salle (Anne SAINT-LAURENT, Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés, AGIRC-ARRCO) Je remarque d’abord que le programme VADA correspond parfaitement à la dimension universelle des aménagements. Comme les générations montantes n’observent pas les mêmes modes de mobilité et d’usage de la marche, envisagez-vous de conduire une deuxième phase d’études afin de mesurer l’impact générationnel sur la sédentarité ? Celle-ci pose en effet de sérieux problèmes en termes de vieillissement de la population et de qualité de vie. Avez-vous réussi à inciter les individus à modifier leur comportement ? Florence HUGUENIN-RICHARD Il s’agit d’un comportement très générationnel, certaines personnes interrogées au cours de l’enquête avaient marqué peu d’intérêt pour la marche. Nous avons également remarqué que les adultes ayant privilégié une mobilité automobile deviennent des âgés très attachés à la voiture. Nous nous demandons en effet si les générations montantes suivront un comportement plus marcheur que les âgés actuels. Nous réfléchissons également au moyen d’inciter les personnes à se déplacer autrement au moment de leur retraite, pour prendre de bonnes habitudes en leur proposant notamment des programmes d’entraînement à la marche.

                                                                                                                         12 LOI n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

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Pierre-Marie CHAPON Le changement de société a des impacts tout aussi importants sur la mobilité que les effets générationnels. Par exemple, il y a une vingtaine d’années, personne n’avait anticipé le fort taux d’équipement informatique connecté des aînés. Dans 20 ans, les modes de transport et les mobilités auront considérablement évolué, compliquant d’autant les métiers de l’aménagement qui évoluent sur une échelle plus lente et dont les répercussions se mesurent à une échéance trentenaire. De plus, les bonnes pratiques d’hygiène de vie observées pendant la jeunesse influenceront de manière très favorable le vieillissement, c’est pourquoi les leviers d’actions doivent également cibler une population jeune, de plus en plus sujette à l’obésité, au diabète et à la sédentarité. De la salle (Jacques ROUSSEL, médecin-conseil régional, ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports) J’ajouterai, aux aménagements urbains déjà présentés, un abri, protégeant du soleil et du vent. Le déconditionnement physique constitue par ailleurs un frein supplémentaire à la mobilité. Quelles données avez-vous recueillies au sujet des personnes âgées atteintes de ce type de pathologies ? Florence HUGUENIN-RICHARD Nous n’avons pas pu mettre en évidence les problématiques que vous évoquez puisque nous avions choisi de travailler sur la perception personnelle de l’état de santé. De plus, l’échec du questionnaire ne nous a pas permis de récolter suffisamment de données exploitables. De la salle (Gauthier CARON-THIBAULT, Caisse nationale de l’assurance vieillesse – CNAV) Coordonner les multiples offres publiques ou privées de TAD en faveur des personnes âgées autonomes permet de détecter les débuts de fragilités et d’agir ainsi au moment de la rupture. Grâce au développement des plateformes de mobilité, les personnes sont réorientées et apprennent à utiliser de nouveaux types de transports afin d’éviter l’isolement. Au même titre que les aides à l’aménagement de l’habitat, le véhicule individuel bénéficie d’aides techniques permettant son adaptation. A l’étranger, le marketing autour des véhicules connectés s’adresse aux personnes âgées, alors qu’en France il vise plutôt les jeunes. Le CEREMH étudie actuellement des véhicules innovants, à l’image de gyropodes13 adaptés au transport des personnes âgées. Mais encore faudrait-il que la loi les autorise à circuler sur la voie publique. De la salle (Zaya BEDRANI, Agence régionale de santé – ARS Provence-Alpes-Côte-d’Azur) Comment inciter les responsables des collectivités territoriales à tenir compte du vieillissement de la population pour favoriser un espace public sécurisant ? Pierre-Marie CHAPON En portant le message VADA, l’ARS serait en capacité de mobiliser un levier d’action sur les décideurs publics et d’accompagner leur démarche en termes de comité de pilotage. En s’associant au dispositif, la ville engagera des réflexions avec des habitants, facilitant le dialogue et le changement de paradigme. Acteurs importants du dispositif, les décideurs publics comme les villes, les intercommunalités ou les départements doivent être associés dans le comité de pilotage.

                                                                                                                         13 Gyropode : véhicule électrique monoplace, constitué d’une plateforme munie de deux roues sur laquelle l’utilisateur se tient debout, d’un système de stabilisation gyroscopique et d’un manche de maintien et de conduite

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Agir sur la mobilité pour renforcer les comportements protecteurs

Les comportements de santé des 55-85 ans : quelques données issues du Baromètre santé Inpes

Julie BODARD Chargée d’études du programme Vieillir en bonne santé, Direction des affaires scientifiques, Inpes

Alors que la plupart des sondages de marketing limitent l’âge de leur panel à 60, voire 69 ans, l’Inpes a élargi le public de son Baromètre santé à 85 ans montrant ainsi son intérêt pour une population très hétérogène.

Figure 8 – Le Baromètre de l’Inpes étudie les comportements

de santé des 55-85 ans

Méthodologie et présentation de l’ouvrage

Réalisées tous les cinq ans selon une méthodologie identique, les enquêtes des Baromètres santé permettent de mesurer les évolutions des comportements déclarés au fil du temps. Il s’agit d’une enquête téléphonique sur un échantillon tiré au sort de personnes âgées entre 15 et 85 ans. Le panel comptait 27 653 personnes, dont 9 921 âgées de 55 à 85 ans, permettant une large analyse. L’Inpes a décidé de consacrer un Baromètre spécifique aux seniors afin de disposer de suffisamment de données d’observation sur une tranche d’âge concernée par le programme Vieillir en bonne santé14 de l’Institut. Les analyses présentées dans l’ouvrage permettent ainsi d’explorer la santé des personnes âgées pour mieux les protéger, en portant un regard quantitatif et comparatif sur les comportements de santé et leurs évolutions.

                                                                                                                         14 Pour en savoir plus : http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/bien-vieillir/index.asp

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L’approche globale de la santé des personnes âgées est également l’objet du programme Vieillir en bonne santé, avec une prise en compte des déterminants individuels, sociaux et environnementaux. Composé de sept chapitres, le Baromètre présente une analyse en termes de genres, d’âges et d’inégalité sociale, avec une approche incontournable sur les différents comportements de santé. Nous concentrerons les débats de la session sur quatre chapitres : le sentiment d’information et les craintes en matière de santé, les accidents de la vie courante, les pratiques addictives, l’alimentation et l’activité physique.

Sentiment d’information et craintes en matière de santé

Figure 9 – Perception du sentiment d’information sur les grands thèmes de santé

parmi les 55-85 ans en 2010 (en pourcentages)

Chapitre le plus global de l’ouvrage, le sentiment d’information détaillé en 12 questions thématiques de santé recueille un assentiment plutôt bon chez les 55-85 ans. Huit personnes sur dix s’estiment en effet plutôt très bien informées sur les thèmes du tabac, de l’alcool, de la contraception, du cancer et du SIDA. Un sentiment moins bon concerne toutefois la maladie d’Alzheimer, la dépression, les risques liés à l’environnement, les nouvelles épidémies et les maladies professionnelles. Les femmes en revanche sont significativement plus nombreuses que les hommes à se déclarer mieux informées à propos de la contraception et de la dépression. Inversement, les hommes avouent être significativement mieux informés au sujet de l’alcool, des maladies professionnelles et du SIDA. Enfin, le sentiment d’information est meilleur chez les 55-85 ans que dans la tranche d’âge plus jeune des 15-54 ans. En termes de facteurs associés au sentiment d’être moins bien informés, les hommes s’estiment d’une manière générale moins bien informés, ainsi que les non-diplômés, les personnes ayant une mauvaise perception de leur situation financière, celles qui n’ont pas ou peu de participation sociale et enfin les personnes en détresse psychologique. De plus, 16 %

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des 55-85 ans se déclarent plutôt mal ou très mal informés sur au moins six thèmes de l’enquête.

Figure 10 – Craintes en matière de santé chez les personnes âgées de 55 à 85 ans

(en pourcentages) La perception des risques pour la santé a été déclinée sur 10 thèmes de santé. Il s’avère que peu de craintes apparentes concernent l’alcool et le tabac, les maladies professionnelles, les accidents de la vie courante et les nouvelles épidémies. En revanche, la maladie d’Alzheimer et les accidents de la route suscitent une crainte très élevée de la part de cette tranche d’âge, puisque plus de la moitié des personnes interrogées disent craindre pas mal ou beaucoup cette pathologie et les accidents de la circulation. En termes de facteurs associés à la perception des risques pour la santé, 22,5 % des 55-85 ans expriment une crainte à propos d’au moins six thèmes parmi les dix proposés. Si la différenciation par genre n’est pas présente, les craintes sont en revanche plutôt liées à l’âge. D’autres facteurs influencent la perception des risques : un diplôme inférieur au baccalauréat, une mauvaise perception de la situation financière, être atteint d’une maladie chronique ou souffrir d’un handicap. L’étude a également porté sur l’utilisation d’Internet pour des raisons de santé. Ses résultats contredisent le stéréotype des personnes âgées ne consultant pas Internet, puisque plus de 40 % d’entre elles déclarent avoir utilisé Internet au cours des 12 derniers mois. Parmi ces internautes, 50 % ont recherché des informations au sujet de la santé. Par ailleurs, les femmes utilisent plus souvent Internet pour des questions de santé que les hommes. Enfin, les recherches les plus fréquentes concernent les facteurs d’incapacité physique et psychique.

Les accidents de la vie courante

Les accidents de la vie courante amènent à une réflexion beaucoup plus globale autour de la mobilité physique. Près de 57 % des personnes mentionnent que le dernier accident au cours des 12 derniers mois était dû à une chute, contrairement à 14 % qui déclarent un choc et 9 % une coupure ou une piqûre. Par ailleurs, 64 % des femmes contre 47 % des hommes

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déclarent une chute. Enfin, les hommes âgés de 75 à 85 ans sont plus sujets aux chutes que les hommes plus jeunes, alors que chez les femmes, il s’agit de la tranche d’âge intermédiaire entre 65 et 74 ans. Dans 45 % des cas, l’accident survient à l’intérieur du domicile. Les résultats montrent une baisse de la prévalence des chutes depuis la précédente enquête (23,1% en 2005 vs. 20,6% en 2010 sur les 55-75 ans).

Figure 11 – Principaux mécanismes accidentels déclarés parmi les 55-85 ans lors du dernier

accident, selon le sexe et l’âge, en 2010 (en pourcentages) Le Baromètre s’est également intéressé aux chutes survenues au cours des 12 derniers mois. Dans un premier temps, les répondants sont invités à se prononcer sur le nombre d’accidents ayant occasionné une visite chez le médecin ou une consultation hospitalière. Au cours de la seconde phase, la question est posée de manière directe aux plus de 55 ans uniquement. Les résultats indiquent que 21,6 % rapportent une chute au cours des 12 derniers mois, avec une fréquence toutefois plus élevée pour les femmes. Les plus âgés présentent par ailleurs un taux de chutes plus important, suivies pour 30 % des cas d’une consultation. Les données indiquent malgré tout une baisse de la prévalence des chutes entre 2005 et 2010. En raison du poids du genre dans la survenue des chutes, des analyses plus précises ont été réalisées afin de déterminer les facteurs associés. Parmi les hommes, la consommation quotidienne d’alcool est un facteur de risques significatif dans la chute, alors que pour les femmes, ces facteurs se portent sur les maladies chroniques et le surpoids. Pour les hommes comme pour les femmes, un niveau élevé d’éducation était par ailleurs associé à un risque plus élevé de chuter. Les analyses ont également révélé une relation entre la survenue d’une chute et des difficultés cognitives et d’autres liées à la mobilité, les victimes éprouvant ensuite des difficultés notables pour accomplir une démarche administrative. Il est toutefois impossible de déterminer si la chute constitue un facteur de risques pour la capacité, ou si la diminution des capacités provoque la chute.

Pratiques addictives

Facteur de risques chez les hommes, la consommation quotidienne d’alcool augmente de manière continue avec l’âge. Dans la tranche d’âge 55-85 ans, 40 % des hommes et 16 % des

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femmes consomment de l’alcool quotidiennement. Les analyses témoignent également d’un effet générationnel, puisque le vin est la boisson alcoolisée principalement consommée.

Figure 12 – Prévalence de la consommation quotidienne d’alcool par sexe et par âge

parmi les 15-85 ans en 2010

Alimentation et activité physique

Facteur de risque chez les femmes, le surpoids touche 40 % des individus âgés de 55 à 75 ans et frappe davantage les hommes. L’obésité concerne quant à elle 14 % de la tranche d’âge. Ces deux états ont par ailleurs tendance à augmenter avec l’âge. Par ailleurs, 1,5 % des individus sont maigres. Enfin, l’évolution des connaissances des 55-75 ans au sujet des recommandations du Plan national nutrition santé (PNNS) suit globalement une tendance comparable au reste de la population. Nombreux à connaître les repères relatifs à la consommation des fruits et légumes, aux viandes poissons et œufs, ils le sont beaucoup moins à propos des produits laitiers ou des féculents. Indissociable de la nutrition, l’activité physique entre également dans le cadre de l’étude. Selon une série de questions qui leur ont été posées, 40 % des 55-75 ans pratiquent une activité physique à un niveau élevé et 28 % à un niveau modéré, alors que 31 % observent un niveau limité. Par ailleurs, 74 % de la tranche d’âge citent spontanément la recommandation du PNNS concernant l’activité physique, contre 58 % de la tranche 18-54 ans. Mais des discordances existent entre les connaissances et la pratique, puisqu’un quart de la population citant correctement les recommandations observe un niveau d’activité physique limité.

Conclusion

Enquête de grande ampleur, le Baromètre permet de cibler les comportements, les connaissances et les attitudes en matière de santé des 55-85 ans et porte également un regard comparatif avec les plus jeunes. Les travaux identifient par ailleurs les facteurs associés, notamment les variables socio-démographiques, ainsi que celles relatives au lien social, à la limitation physique ou psychique. Les données confirment ainsi la nécessité d’une approche multifactorielle renforçant le développement des actions de prévention. Les résultats pointent une inégalité des comportements de santé liée au genre, ainsi qu’à l’âge, nécessitant une approche adaptée des actions à mener. Fortement marquée par le passage à la retraite, la tranche d’âge des 55-64 ans constitue également une période charnière en termes de comportements et d’attitudes de santé. L’Inpes avait publié à ce

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sujet Les sessions de préparation à la retraite15 destiné à sensibiliser les salariés aux comportements protecteurs permettant de vieillir en bonne santé. Les différentes actions ne doivent pas négliger non plus les inégalités sociales de santé. C’est pourquoi les partenariats engagés depuis 2011 avec les caisses de retraites, la CNAV, la Mutualité sociale agricole (MSA), le Régime social des indépendants (RSI) et l’AGIRC-ARRCO permettent de développer des actions s’adressant aussi aux personnes autonomes les plus fragilisées.

Accompagner les professionnels pour favoriser la mobilité des personnes âgées : le rôle de l’Inpes

Dagmar SOLEYMANI Afin d’accompagner les professionnels pour favoriser la mobilité des personnes âgées, l’Inpes s’appuie sur trois principaux piliers : - réduire le risque de maladies ou dysfonctionnements - maintenir les capacités physiques ainsi que les fonctions cognitives - renforcer l’engagement des personnes dans la vie.

Approche écologique de la mobilité multifactorielle

Indissociables de l’activité physique et cérébrale, la mobilité et l’autonomie s’inspirent également du lien social et entretiennent un lien très fort avec l’alimentation, l’aménagement du lieu de vie ainsi que le contexte urbain ou rural. Cadre de référence du programme Vieillir en bonne santé de l’Inpes, cette approche écologique s’appuie sur différents milieux d’intervention permettant d’éclairer des interactions complexes entre les personnes, au sein de réseaux et au sein de leur environnement physique et social. Il s’agit en outre d’identifier des actions complémentaires organisées au plus près des personnes, jusqu’aux niveaux régionaux et nationaux. Les stratégies d’intervention agissent quant à elles sur les déterminants individuels comme sur les déterminants socio-environnementaux.

                                                                                                                         15 Bourdessol H., Dupont O., Pin S., Signorini É., Verheye J.-Ch., Vincent I. Les sessions de préparation à la retraite. Un enjeu citoyen. Saint-Denis : Inpes, coll. Santé en action, 2011 : 148 p

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Figure 13 – Le modèle écologique dans les programmes de prévention

et de promotion de la santé La représentation graphique du modèle écologique dans les programmes de prévention et de promotion de la santé permet de comprendre l’articulation globale des stratégies d’action en intersectorialité, du niveau local jusqu’au niveau international. Ce modèle illustre les différentes stratégies de promotion, avec comme indicateur de qualité des interventions sur plusieurs cibles avec une diversité de stratégies d’intervention, dans une variété de milieux. Par exemple, au niveau supranational, l’action de l’OMS est relayée par le réseau francophone VADA. La fonction publique hospitalière ou la fédération nationale des Maisons d’accueil rurales pour personnes âgées16 (MARPA) agissent quant à elles au niveau national pour rayonner ensuite au niveau local. Les associations interviennent par ailleurs au niveau de la communauté en déployant leurs différents programmes, comme l’association A la Découverte de l’âge Libre17 (ADAL) avec son projet D-marche. Enfin le dernier niveau de l’organisation est représenté par les associations qui interviennent à un niveau très local.

Guide d’aide à l’action pour le développement d’actions collectives

La réflexion de l’Inpes au sujet des leviers d’action permettant d’améliorer la mobilité des personnes âgées est également prise en compte par les régimes de retraite dans le cadre d’un projet commun autour des pratiques professionnelles et de leur harmonisation. Une analyse des actions collectives de prévention, le fruit de ce travail, se retrouve dans l’ouvrage Actions collectives « Bien vieillir » - repères théoriques, méthodologiques et pratiques18, publié par l’Inpes. L’ouvrage a ainsi étudié les actions collectives (axées autour d’ateliers collectifs, de conférences ou de forums organisés par les régimes de retraite) qui exposent un certain nombre d’intérêts pour les personnes retraitées. Tout d’abord, le collectif permet de travailler sur les représentations partagées afin de contribuer activement à l’évolution des

                                                                                                                         16 Pour aller plus loin : http://www.marpa.fr 17 Pour aller plus loin : http://adal.fr/adal  18 Barthélémy L., Bodard J., Feroldi J. dir. Actions collectives « Bien vieillir » : repères théoriques, méthodologiques et pratiques. Guide d’aide à l’action. - Saint-Denis : Inpes, coll. Santé en action, 2014 : 108 p

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comportements favorables des personnes âgées pour la santé. Ces actions collectives offrent aussi la possibilité aux personnes retraitées d’identifier des personnes ressources afin de créer de l’échange avec des professionnels, des bénévoles ou d’autres participants. Un autre levier du collectif est la lutte contre la solitude intégrant les personnes âgées dans un temps d’ouverture de soi et d’ouverture aux autres. Largement favorisés par le lien social, la transmission et le partage d’informations entre pairs s’organisent au cours de ces actions collectives. Fruit d’une coopération entre l’Inpes et la CNAV, la MSA, le RSI, l’AGIRC-ARRCO et l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC), le guide d’aide à l’action associe les différents acteurs, professionnels et associatifs, à la réflexion. Les enquêtes ont porté sur différentes actions au sujet de thématiques très variées autour de l’alimentation, l’activité physique, la mémoire, ou encore la prévention des chutes. La conception particulière du guide prévoyait d’associer des professionnels à la rédaction, mais aussi de pré-tester l’ouvrage auprès de son public utilisateur afin de s’assurer de sa conformité aux attentes. A l’issue de la publication de l’ouvrage, l’Inpes et ses partenaires ont décidé de mettre en place une formation afin de favoriser l’appropriation du guide et d’en diffuser largement les contenus. La première partie de l’ouvrage identifie les repères théoriques, alors que la seconde s’intéresse plutôt aux repères méthodologiques et pratiques permettant de déployer une action collective et mettant à disposition des outils. Le site Internet de l’Inpes 19 propose également ces outils nécessaires pour concevoir, déployer et évaluer ce type d’action. En effet, les questionnaires à destination des professionnels et des participants, ainsi que les fiches d’évaluation et de bilan complétent efficacement le guide.

Des outils pour les professionnels et le public

Figure 14 – L’Inpes propose plusieurs guides pratiques à l’usage des professionnels et

du grand public au sujet de problématiques relatives au vieillissement

                                                                                                                         19 Pour aller plus loin : http://www.inpes.sante.fr/

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Le programme Vieillir en bonne santé présente plusieurs brochures et ouvrages disponibles sur le site de l’Inpes. Exploitables dans le cadre d’action de prévention de la perte d’autonomie, certains outils sont destinés à soutenir les professionnels dans la mise en place d’actions collectives de prévention favorisant la mobilité et permettre une harmonisation des pratiques. D’autres s’adressent plus spécifiquement au grand public dans une approche transversale et permettent en outre un langage commun et interactif entre un professionnel et son public. De plus, le site Internet Réponses-bien-vieillir20 met en scène de façon ludique 15 approches du vieillissement sous forme d’une web-série et renseigne les jeunes seniors sur les comportements à adopter. Enfin, un livret d’accompagnement permettra aux professionnels d’exploiter la web-série, en présentant notamment des références scientifiques au sujet des problématiques abordées ainsi que des conseils et des astuces pour chacun des épisodes. Enfin, les caisses de retraite ont organisé plus de 700 actions collectives en 2013 réunissant plus de 250 000 participants.

Echanges avec la salle

De la salle (Camille MAIRESSE, Responsable du pilotage et du développement à la Prévention retraite Ile-de-France - PRIF) En Ile-de-France, le PRIF a déployé 362 ateliers de prévention auprès du public senior, avec des partenaires tels que l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique (UFOLEP), l’ADAL, le Comité départemental d’éducation pour la santé de l’Essonne (CODES 91). Obéissant à une approche multifactorielle, ces actions qui concernent à la fois l’aménagement du domicile, les activités physique et cognitive ou encore l’alimentation, se basent toutes sur le renforcement du lien social. A l’issue de l’atelier équilibre en mouvement, courant sur 12 semaines, 83 % des participants affirment remonter du sol avec davantage de facilité, prouvant ainsi le bénéfice de l’activité physique sur la prévention des chutes.  

Table ronde Mobilité et lien social, quelle réciprocité ? Modératrice : Agathe GESTIN, Fondation de France Dagmar SOLEYMANI Grâce à l’Université virtuelle du temps disponible (UVTD)21, cette table ronde sera ouverte à la participation de personnes âgées par l’intermédiaire d’une visioconférence, alors que les Journées de la prévention et de la santé publique sont habituellement réservées à un public de professionnels. Je suis ainsi ravie d’accueillir un groupe du Centre local d’information et de coordination gérontologique (CLIC) de Rennes ayant participé à l’élaboration d’un guide destiné aux seniors, ainsi qu’un groupe de Butry-sur-Oise ayant suivi

                                                                                                                         20 Pour aller plus loin : http://www.reponses-bien-vieillir.fr 21 Pour aller plus loin : http://www.uvtd.fr/

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un atelier dédié aux tablettes numériques. Je vous invite à échanger entre professionnels et seniors pour profiter de cette ouverture des Journées vers le public.

Présentation de l’Université virtuelle du temps disponible

Edith MOIGNE Présidente de l’UVTD

Soutenue par la Fondation de France, l’UVTD propose quotidiennement des web-conférences interactives et en direct, afin de contribuer au partage des connaissances entre seniors, de favoriser l’enrichissement intellectuel et de lutter contre l’isolement.

Figure 15 – L’UVTD propose gratuitement des conférences sur des thèmes variés,

ainsi que des jeux, des cours d’anglais et de la musique

Alain SEBAOUN Cardiologue, UVTD

Lorsque je dirigeais un service de convalescence cardiologique, j’ai remarqué que l’isolement social des personnes âgées, une fois de retour chez elles, entraînait un déclin cognitif en raison d’une activité intellectuelle faible. Président du Collège national des cardiologues français (CNCF), j’organisais régulièrement des formations médicales continues sur Internet, au moyen d’un dispositif de visioconférence. C’est ainsi qu’à l’occasion d’une réunion avec Mme MOIGNE, cette dernière a eu l’idée d’utiliser cet outil afin de développer des conférences et permettre aux personnes âgées de nouer des contacts avec les conférenciers ou d’autres personnes âgées. Edith MOIGNE L’UVTD organise tous les jours une nouvelle conférence et sa médiathèque compte plus de 500 conférences inédites sur les sujets les plus divers, comme la littérature, l’histoire de l’art, l’initiation à l’art contemporain, l’astronomie ou encore l’égyptologie afin d’attiser la curiosité des adhérents. Grâce au dispositif de visioconférence, les gens se voient mutuellement, conversent en direct et peuvent également interroger le conférencier. L’association propose aussi des cours d’anglais ancrés sur les sujets d’actualité, ainsi que des jeux culturels et de la musique. L’Université a également monté un projet intergénérationnel avec les

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élèves d’un lycée qui ont accompagné les premiers pas des personnes âgées sur Internet et leur ont appris à se connecter. Enfin, afin de témoigner sa solidarité et son soutien aux malades atteints de pathologies rares, l’UVTD organise également des conférences pratiques thématiques diffusées dans 12 pays.

Agathe GESTIN Responsable du programme Personnes âgées, Fondation de France

Créée en 1969 et reconnue d’utilité publique, la Fondation de France a pour mission de favoriser le développement de la philanthropie et du mécénat en accompagnant notamment sous égide. Sa deuxième mission consiste à recueillir et redistribuer des fonds à travers des programmes de soutien à des associations ou des structures d’intérêt général, dans différents domaines, notamment en faveur des personnes âgées ou en situation de handicap, mais aussi en faveur de l’emploi, de l’habitat, de l’insertion sociale des malades psychiques ou encore de la santé des jeunes. La Fondation a par ailleurs ouvert récemment un programme concernant le sport et la santé en milieu rural. Je bannis volontairement de mon vocabulaire les termes à la mode de « seniors » ou « âgés », qui occultent la notion de personne. Ouvert en 1975, le programme de la Fondation de France à destination des personnes âgées soutient toutes les actions menées par les professionnels ou les bénévoles de terrain permettant d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées autour de deux appels à projets. Vieillir acteur et citoyen de son territoire finance des actions permettant aux personnes âgées de participer aux décisions et aux projets qui les concernent sur leur territoire, de prendre part à l’élaboration et à la mise en œuvre de nouvelles technologies au service des liens sociaux, de contribuer à l’anticipation et à la prévention des ruptures subies dans les parcours de vies. Cœur de l’appel à projet, la citoyenneté des personnes âgées entretient des liens étroits avec les territoires et la mobilité. Un second appel à projet intitulé Vivre ses choix, prendre des risques jusqu’à la fin de sa vie encourage les initiatives visant à mieux accepter une prise de risque chez les personnes âgées. Outre le seul environnement matériel, la qualité de vie est également déterminée par le regard que porte l’entourage sur les capacités des personnes. Désirant protéger ses aînés, l’entourage peut toutefois porter atteinte à leur autonomie physique ou morale. C’est pourquoi la Fondation de France soutient des actions concrètes et des formations auprès des personnels ainsi que des réflexions menées avec l’entourage afin de relativiser la question des risques et d’engager des démarches de prévention préservant une marge de liberté.

Un exemple d’actions collectives : le programme « L’Equilibre, où en êtes-vous ? »

Léa BOILLAUT Chargée de prévention gérontologique, Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) de Bourgogne et Franche-Comté

Afin de préserver l’autonomie des personnes et de renforcer le lien social, la CARSAT de Bourgogne – Franche-Comté mène des actions de prévention dans le cadre d’un partenariat fort avec la MSA et l’ARS mais également la Mutualité Française Bourgogne. Créé dans les années 1990 suite au constat de médecins gériatres bourguignons, le programme de prévention des chutes « L’Equilibre, où en êtes-vous ? » a d’abord été appliqué en Bourgogne avant de rayonner au niveau national, puis d’essaimer dans des pays frontaliers francophones.

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Figure 16 – Développé en Bourgogne, le programme « L’Equilibre, où en êtes-vous ? »

vise à réduire les chutes des personnes âgées

Objectifs et contenu

Afin de prévenir les chutes, le programme s’attache à stimuler les fonctions d’équilibration et à réassurer les déplacements des participants afin de diminuer l’impact psychologique de la chute en travaillant notamment le relevé du sol. La chute effraie considérablement les personnes âgées qui parfois n’avouent pas facilement qu’elles sont tombées, alors que la discussion permettrait de comprendre les raisons de leur chute. Pour répondre à cette problématique, l’atelier apprend aux personnes à se relever en toute sécurité et à savoir donner l’alerte de façon efficace. Enfin, l’action collective de prévention favorise le lien social entre les participants. L’atelier se compose d’une séance individuelle d’évaluation des capacités de la personne, puis de dix séances collectives conduites sur le principe de la pédagogie différenciée. En tenant compte des individualités, la méthode propose ensuite un projet de groupe où chacun disposera d’exercices adaptés lui permettant de progresser. Enfin, l’atelier se clôture par une dernière séance d’évaluation individuelle permettant à chacun de mesurer les progrès accomplis. Intégré à des programmes régionaux multi-thématiques, « L’Equilibre, où en êtes-vous ? » est associé :

- En Bourgogne, au programme Prévention Santé Seniors Bourgogne qui comporte des ateliers consacrés à la mémoire, à la nutrition, au sommeil, aux médicaments, ainsi qu’un atelier concernant le bien vieillir En Franche-Comté, au programme PAPA (Préservation de l’Autonomie des Personnes Âgées), au sein duquel des thématiques similaires sont abordées, mais également des actions collectives axées sur l’aide aux aidants et la bientraitance.

Intervenant sur ces deux territoires, la Carsat Bourgogne – Franche-Comté organise des programmes de prévention. Grâce aux coordonnateurs départementaux de ces deux programmes, la Carsat facilite l’inscription des retraités sur ces actions collectives sur l’ensemble des cantons de ces deux régions.

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Programme D-marche

Olivier DAILLY Président fondateur de l’association ADAL

Créée en 1992, l’ADAL a pour ambition d’améliorer les capacités d’agir de chaque individu sur ses modes de vie. Afin de favoriser les changements de comportements, l’association s’appuie sur le concept de prévention globale, partagée entre l’investissement collectif et l’engagement individuel. Alors que les messages de santé de l’Inpes relatifs à l’alimentation et à l’activité physique sont connus de tous, la sédentarité touche pourtant plus de la moitié des Français. En invitant chacun à augmenter durablement son nombre de pas au quotidien, le programme D-marche souhaite favoriser le bien-être individuel et impacter la santé publique. Dissociée des notions de temps ou de distance, la D-marche offre alors un argumentaire simple plus acceptable pour le public sédentaire. Développé dès 2009 et soutenu par la CNAV, les fédérations AGIRC-ARRCO, AG2R LA MONDIALE, certains ministères…, le programme est par ailleurs l’objet d’une recherche biomédicale et d’une étude d’utilité sociale. Désormais déployé au niveau national, le programme D-marche est un outil de prévention au service de tous les publics.

Composition du programme

Afin de motiver et de sensibiliser les futurs participants aux bienfaits de la marche au quotidien, une formation initiale collective préalable réunit une quinzaine de personnes. A cette occasion, leur est remis le kit D-marche composé, notamment, d’un livret pédagogique et d’un podomètre grâce auquel les D-marcheurs évalueront leur quantité de pas quotidienne. Le programme n’impose aucune distance minimale à parcourir, mais incite plutôt les D-marcheurs à prendre conscience de leurs capacités de marche. L’ADAL accompagne les participants pour améliorer leur quantité moyenne de pas par l’intermédiaire d’un site Internet dédié22 regroupant la communauté des D-marcheurs, du podomètre connecté dont le biofeedback stimule la motivation et des partenaires territoriaux associés au programme. Véritable outil de santé, le podomètre permet une évaluation individuelle permanente, provoquant un phénomène de motivation et d’émulation. Initiés à son fonctionnement durant la session de formation, les D-marcheurs personnalisent les paramètres individuels de poids et d’amplitude de pas, afin d’obtenir un biofeedback fidèle. Le site Internet propose une dimension communautaire accessible à tous les publics, ainsi qu’un espace personnel où, outre l’incrémentation des données individuelles, le D-marcheur peut créer des parcours virtuels, lancer des défis individuels ou collectifs, ainsi que des challenges solidaires. Certaines structures ont ainsi rassemblé les pas de l’ensemble de leurs salariés afin de soutenir le financement d’actions caritatives.

                                                                                                                         22 Pour aller plus loin : http://www.d-marche.fr

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Figure 17 – Le programme D-marche invite à augmenter la quantité de pas quotidienne

Accompagnement territorial : gage d’efficacité et de lien social

Le site Internet permet également une fonction cartographique, en lien direct avec les territoires. A Champigny-sur-Marne, les D-marcheurs seniors ont ainsi pu participer aux politiques de prévention de la mobilité à l’échelle communale. A Nancy, une cartographie, présente dans le livret d’accueil des nouveaux résidents du foyer logement, leur permet de développer le lien social et de découvrir leur lieu de vie pour mieux se l’approprier. Les salariés de l’entreprise Imerys Talc à Luzenac ont, quant à eux, permis à un enfant malade de réaliser son rêve grâce à un don à l’association Petits Princes, dont le montant était fonction du nombre de pas collectifs. Au travers de l’étude d’utilité sociale, le programme a démontré son utilité écologique, puisque 87 % des répondants affirment que D-marche les a motivés à marcher davantage, 27 % ont observé des améliorations possibles des infrastructures urbaines, 44 % utilisent moins leur automobile, 70 % sortent davantage. Outre la santé physique et la santé sociale, le programme incite 50 % des D-marcheurs à modifier leur comportement alimentaire alors que le sujet n’est pas abordé dans la formation initiale…

Evaluation et résultats

Après 15 années de campagne, une évaluation du programme, conduite par l’Observatoire Régional de la Santé (ORS) de Bourgogne, a montré que les motivations des participants étaient reliées à une sensation d’instabilité, à la crainte de tomber, ainsi qu’à des chutes récentes. L’ORS a également souligné l’efficacité du programme, avec notamment une amélioration durable de l’équilibre, un relevé de sol facilité, des déplacements sécurisés et des sorties plus fréquentes, ainsi qu’une dimension sociale affirmée au sein du groupe. A l’issue du programme, certains participants poursuivent ensemble des ateliers de gymnastique adaptée ou se retrouvent tout simplement pour marcher ensemble. L’évaluation du programme global Prévention Santé Seniors Bourgogne a souhaité mesurer l’intérêt des ateliers « L’Equilibre, où en êtes-vous ? » sur la santé et les comportements. Neuf répondants sur dix déclarent être en capacité de se relever seuls à la suite d’un atelier d’équilibre. Par ailleurs, un participant sur deux affirme avoir repris ou augmenté son activité physique et sept personnes sur dix remarquent une amélioration de leur vie sociale. Enfin, les

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impacts positifs sur la santé et les comportements sont encore meilleurs lorsque les personnes participent à plusieurs ateliers de prévention différents. Autrement dit, pour accroître le bénéfice d’un atelier « L’Equilibre, où en êtes-vous ? », il importe pour chaque participant de poursuivre sur une autre action collective et de s’inscrire dans un véritable parcours préventif. C’est tout le sens des deux programmes régionaux : Prévention Santé Seniors Bourgogne et PAPA en Franche-Comté.

L’Odyssée, la bibliothèque du troisième lieu

Emmanuelle KALFA Directrice de l’Odyssée, médiathèque de Lomme

Au cœur de la ville de Lomme, l’Odyssée est une médiathèque de troisième lieu23 qui bat des records de fréquentation depuis son ouverture en 2002, privilégiant le lieu plutôt que les collections autour d’une offre étendue de programmation et d’animations. Idéalement située à proximité d’un EHPAD et du village des aînés, l’Odyssée a ainsi déployé depuis 2006 un axe en faveur des personnes âgées porté par l’ensemble de l’équipe, avec un agent consacrant 25 % de son temps à ces actions spécifiques.

Actions développées

L’Odyssée se déplace une fois par mois au sein des établissements, transportant ainsi certaines des actions développées au sein de la médiathèque. Des rencontres intergénérationnelles entre les enfants des crèches et des écoles avec les personnes âgées ont été organisées. Grâce à une subvention du conseil général, un biographe a également collecté les récits de vie des personnes en EHPAD afin de réaliser un recueil de mémoires qui a ensuite été présenté à la médiathèque.

Figure 18 – Depuis 2006, l’Odyssée développe un axe en faveur des personnes âgées

Dans le cadre d’actions spécifiques, l’Odyssée accueille en son lieu des groupes issus des établissements d’accueil, qui sont alors encadrés par les animateurs et par les familles. Mêlées au public classique, ces personnes fragilisées participent aux différentes animations, bénéficient de lectures et assistent à des projections de fictions ou de documentaires au sein

                                                                                                                         23 Bibliothèque de troisième lieu : véritables lieux de vie, centres culturels communautaires, les bibliothèques dites de troisième lieu fédèrent leurs usagers autour de projets sociaux et culturels, et proposent une offre élargie autour de services novateurs.

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de l’auditorium. Certaines personnes âgées sont toutefois accueillies en comité restreint, en raison de leur fragilité et d’attentions particulières qui en découlent, et ont par ailleurs tissé des rapports affectifs très étroits avec des membres de l’équipe. S’adressant aux seniors les plus mobiles, l’Odyssée organise également des sorties au musée, au théâtre ainsi qu’à l’opéra, afin de mixer les publics et renforcer le lien social dans une démarche redynamisante. Par exemple, malgré la crainte des familles, en raison de la longueur du spectacle, une récente sortie à l’opéra a conduit 52 personnes âgées à une représentation de Madame Butterfly, enthousiasmant même les plus amorphes d’entre elles.

Lutte contre l’isolement

Marie-Béatrice PALACIOS Directrice, association Tout autre chose

Située dans le 9e arrondissement parisien, l’association Tout autre chose24 a pour objet le développement du lien social de proximité, ainsi que l’écoute et l’accompagnement des personnes en difficulté. Ne disposant d’aucun centre social, le 9e arrondissement compte en outre la plus importante population de personnes âgées isolées de Paris. Née en 2007 sous la volonté de sa présidente, l’association se définit comme un lieu d’accueil sans clivage permettant à chacun de se retrouver, ou de bénéficier d’un accompagnement, d’un conseil ou d’une écoute.

Figure 19 – Attachée au renforcement du lien social, Tout autre chose privilégie

également les actions de prévention dans le domaine de la santé Après sept ans d’existence, Tout autre chose propose un éventail d’une vingtaine d’activités différentes animées par une centaine de bénévoles qui s’adressent à un public de tous les âges, de 7 à 97 ans. Déclinées selon les thématiques sociales et culturelles, éducatives et préventives, les actions concernent également les secteurs des loisirs et de l’accompagnement à domicile. Les membres de l’association affirment par ailleurs apprécier énormément l’ouverture et rencontrer ainsi des personnes de toutes conditions et issues de tous les milieux. Une fois parvenus à l’âge de la retraite, de nombreux salariés éprouvent en effet un profond malaise causé par la perte de leur identité professionnelle et par la

                                                                                                                         24 Pour aller plus loin : http://www.toutautrechose.fr/

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caricature institutionnelle dans laquelle ils sont parfois enfermés. C’est pourquoi ils apprécient les activités de l’association, ouvertes à tous, favorisant la mixité. Tout autre chose organise des sorties chaque mercredi, ainsi que des activités intergénérationnelles, mais privilégie toutefois les actions de prévention collective concernant la santé, l’alimentation et l’économie familiale. Grâce à un partenariat engagé avec le CLIC, l’association intervient également à domicile afin de provoquer l’ouverture et rompre l’isolement des personnes âgées signalées. Ces visites poursuivent un double but : accompagner les personnes à sortir dans leur quartier, mais aussi signaler les risques potentiels aux familles ou aux caisses de retraites, afin de préserver un maintien au domicile le plus long possible. D’autres services favorisent la mobilité vers l’extérieur grâce à une initiation informatique aux nouvelles technologies de communication afin de maintenir le lien social. Principalement situés dans le champ du partage intergénérationnel, les gains se mesurent en termes de vitalité chez les personnes âgées, mais ont aussi un impact sur l’emploi grâce notamment à un financement de la Fondation de France en 2011. Enfin, parce qu’ils évitent un placement coûteux en maison de retraite, les maintiens à domicile accompagnés par l’association ont également un impact économique tout en favorisant l’émergence d’une reprise de confiance en soi.

13’Sâges : réseau d’acteurs pour l’intégration des seniors migrants

Sarahi GUTIERREZ Chef de projet, coordinatrice de projets, association Batik international

Créée en 1998, Batik international lutte contre la pauvreté et l’injustice sociale. Suite aux constats d’une étude pilotée par la Mairie de Paris, l’association a développé un projet de café social, baptisé 13’Sâges, afin d’améliorer l’intégration des seniors asiatiques du 13e arrondissement parisien, par la mise en réseau des acteurs ressources en lien avec ces personnes. Ce quartier accueille en effet une forte population d’origine asiatique, bien souvent constituée d’anciens réfugiés arrivés dans les années 1970 et 1980 qui ont investi des habitations alors restées vacantes. Aujourd’hui, cette population vieillissante affronte des difficultés d’intégration considérables, en raison de l’effet de réseau entre migrants qui a confiné la plupart d’entre eux à un cercle ethnique restreint. C’est ainsi qu’aux côtés de seniors asiatiques, très actifs dans le réseau social, cohabitent des personnes au contraire bien moins intégrées, maîtrisant peu ou pas le français, ignorant souvent leurs droits et parfois même ne bénéficiant d’aucune couverture sociale.

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Figure 20 – Café social itinérant, le projet 13’Sâges s’intéresse aux seniors asiatiques isolés

Grâce à la dynamique du tissu associatif du 13e arrondissement, de nombreuses activités d’accompagnement ou d’accueil sont mises en place en faveur des personnes âgées, dont les seniors asiatiques ignorent toutefois l’existence. Depuis août 2013, Batik international a souhaité engager des actions transversales permettant de décloisonner les différents acteurs des services publics, par la mise en place de réseaux inspirés de la pratique du café social itinérant. Le projet 13’Sâges propose ainsi un accompagnement articulé autour de trois volets : - la mémoire, et notamment le recueil de récits de vie, réorientée vers des cours d’apprentissage adaptés de la langue - l’accès aux droits, grâce à des séances d’information traduites et en présence d’une personne compétente - la convivialité et le lien social, afin de rompre l’isolement, grâce à des activités variées, adaptées au public asiatique, avec notamment des karaokés, des repas, voire des thés. Peu après le lancement des 13’Sâges, Batik international a rapidement remarqué l’absence de mobilisation des associations communautaires, alors qu’elles disposaient des ressources linguistiques qui manquaient aux autres associations maillant le territoire et d’une base sociale principalement composée de seniors. Avant d’engager un travail avec ces nouveaux partenaires, les acteurs du projet se sont efforcés de construire au préalable une relation de confiance très forte, basée sur les personnes identifiées au cours du développement du projet. Appelées par la suite Ambassadeurs 13’Sâges, ces personnes âgées, relais d’origine asiatique relevant du premier cercle socialement actif, ont alors appuyé spontanément les actions permettant un accès aux associations communautaires, mais aussi de repérer les personnes en situation d’isolement.

Echanges avec la salle

De la salle Quel argument emploie l’UVTD pour inciter les personnes âgées à surmonter leurs craintes liées à la technologie afin de rejoindre les webconférences ? Edith MOIGNE L’UVTD propose son programme, mais ne force personne à allumer sa webcam pendant les conférences ou à intervenir durant les échanges. Progressivement, les nouveaux venus prennent la parole naturellement avant de se montrer à l’écran, voire à prendre en charge

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eux-mêmes une conférence. Organisé par cycle, le programme prévoit par ailleurs une visite du site menée par le conférencier en fin de cycle. Attirés par des disciplines identiques, les adhérents parviennent à entretenir des liens et à s’échanger des livres alors qu’ils ne se rencontreront sans doute jamais dans la vie. Comme certains ne disposent d’aucune connexion Internet à leur domicile, ils se retrouvent même dans des lieux connectés afin de suivre les conférences. Les différents programmes réussissent ainsi à éveiller la curiosité et à ouvrir un appétit culturel en poursuivant des objectifs à la portée de tous. Sarahi GUTIERREZ Les ateliers numériques organisés par les 13’Sâges ont également connu un franc succès auprès des seniors asiatiques qui se sont avérés très demandeurs. J’estime par ailleurs que ces outils disposent d’un potentiel considérable, notamment auprès des aidants. Edith MOIGNE La Mobilisation nationale contre l’isolement des âgés25 (MONALISA) mènera prochainement une expérience à Angers en invitant des personnes extrêmement isolées à des conférences-débats afin de les inciter à poursuivre les discussions entre elles. Emmanuelle KALFA L’Odyssée dispense également des cours d’informatique à destination des seniors, qui manifestent un appétit grandissant pour les objets connectés. Des ateliers « domptez votre… » spécifiques à chaque appareil ont ainsi été mis en place afin de répondre précisément à ces demandes de plus en plus pointues. De Butry-sur-Oise, par visioconférence (Claude MIGNON) En lien avec l’UVTD, un cours de formation sur les tablettes numériques a connu un grand succès en début d’année dernière, à tel point qu’en fin d’année, le groupe s’était totalement équipé. La demande en formation est par ailleurs très forte au sujet de l’informatique, de la connectivité et de l’interactivité. De Butry-sur-Oise, par visioconférence Comme beaucoup de personnes âgées, j’éprouvais de fortes difficultés pour marcher et je m’essoufflais rapidement. Je suis très satisfaite d’avoir fréquenté les séances de gymnastique douce adaptée aux seniors qui permettent de pratiquer une activité et surtout de réaliser les gestes de la vie courante sans se faire mal. De Butry-sur-Oise, par visioconférence Grâce à l’UVTD, j’ai découvert des conférences au contenu extrêmement riche. Agée de 52 ans, j’affirme qu’il n’y a pas d’âge limite pour s’intéresser à Internet, être présent sur les réseaux sociaux ou assister à des visioconférences. J’espère que votre aide nous permettra de développer les initiatives engagées sur nos territoires, parce que des cours existent à côté de chez nous. Mais nous éprouvons des difficultés à y attirer le public. De Rennes, par visioconférence Validé par la ville de Rennes, l’office des sports et le service de médecine sportive du CHU, le programme Sport-santé insiste sur le caractère sportif et ne concerne pas exclusivement les retraités. Le sport contribue en effet à la convalescence et permet d’éviter la récidive. Décliné sur les quatre principaux clubs sportifs de la ville et un club de retraités rennais fort de 700 adhérents, Sport-santé invite les personnes n’ayant pas pratiqué de sport ou ayant cessé leur pratique pour cause de maladie ou de handicap, à reprendre le sport. Dans chacun des clubs supportant le programme, un référent suit le développement du projet, ainsi que                                                                                                                          25 Pour aller plus loin : http://www.monalisa-asso.fr /

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l’intérêt des populations visées. Une première évaluation est prévue à l’échéance d’un an. Si quatre clubs étaient intéressés lors de son lancement il y a quelques mois, Sport-Santé en intéresse aujourd’hui plus d’une quarantaine. De la salle (Danielle GELISSE, médecin généraliste) Dans le cadre de mes interventions en centre de santé, j’ai constaté que certaines personnes autonomes souffrant toutefois de troubles cognitifs ou sensoriels légers éprouvent des difficultés considérables à se resituer dans les parcours de soins hospitaliers. La tendance est par ailleurs renforcée par le virage ambulatoire amorcé par la santé publique. Si certaines municipalités mettent en place des services de mobilité en faveur d’un public fragile, cette problématique nécessite cependant de construire une réponse plus adaptée, parfois grâce à l’action d’un aidant naturel. Je souhaitais savoir si Tout autre chose, engagée dans une démarche de vigilance en partenariat avec les pharmacies et le CLIC, avait déjà réfléchi à ce sujet. Marie-Béatrice PALACIOS Les missions d’accompagnement entreprises par l’association sont assurées par ses salariés qui prennent en charge le transport et l’organisation du parcours de soins. Les examens médicaux se prolongent souvent très longtemps, notamment les tests de mémoire liés à la maladie d’Alzheimer, et peu de bénévoles sont disponibles en journée pour accompagner les personnes. De la salle (Mélanie ROUDAUT, association Unis-Cités) Je souhaite réagir à la question posée, en précisant que le temps d’accompagnement des personnes âgées ou fragilisées pourrait constituer une mission de service civique, un dispositif d’Etat permettant aux associations et aux collectivités d’accueillir des jeunes à cette fin. De la salle (Vincent LAPIERRE, psychologue, centre Popincourt) Piloté par l’ARS d’Ile-de-France, le dispositif Personnes âgées en risque de perte d’autonomie (PAERPA) vient en complément du Plan personnalisé de santé (PPS) afin de motiver les médecins généralistes à pratiquer eux-mêmes cet accompagnement du parcours de soins en leur allouant 150 euros supplémentaires par suivi. De la salle (Laurence NADEAU, chargée des sports senior, UFOLEP) Quel dispositif est prévu pour inscrire les personnes qui ont suivi le programme « L’Equilibre, où en êtes-vous ? » dans la pratique régulière d’une activité physique par la suite ? Léa BOILLAUT Les ateliers équilibre constituent une incitation ponctuelle, la décision de poursuivre le sport revient aux personnes concernées qui déplorent parfois le manque d’activités adaptées sur leurs territoires. Parce qu’il est très apprécié par ses bénéficiaires, la CARSAT souhaite proposer des suites à l’atelier équilibre. Face à une forte demande sur certains territoires isolés n’offrant aucune activité physique adaptée, la CARSAT s’efforce de dégager des subventions permettant de financer et de pérenniser l’action. De la salle (Véronique MEYER, médecin, Fédération française d’escrime) Les fédérations sportives construisent actuellement des programmes d’activités physiques sportives adaptées à différents publics présentant des problèmes de santé, proposées dans un maximum de lieux et correspondant aux goûts des personnes.

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Table ronde Le lieu de vie comme source de mobilité multifactorielle ? Modérateur : Vincent LAPIERRE, Psychologue, responsable du pôle psycho-gérontologie du Centre thérapeutique Popincourt Vincent LAPIERRE Géré par une association d’utilité publique, le Centre médico-psychologique (CMP) Popincourt lutte contre l’isolement et le suicide. Structure sanitaire et hospitalière, le centre se présente plutôt comme un centre d’accueil, voire un centre social accueillant les personnes en détresse psychique. Intégré à un ensemble de réseaux, le centre travaille avec les acteurs du champ de la santé mentale. Issu d’une unité de psychiatrie pour personnes âgées, je souhaite engager une réflexion sur les actions de prévention des tendances suicidaires chez les sujets âgés. Il s’agit en effet d’une problématique majeure, car un tiers des suicidés en France est âgé de plus de 60 ans. Le centre comptant toutefois très peu de seniors dans des files actives, il s’agissait de trouver un moyen pour les atteindre. J’ai ainsi rencontré plusieurs acteurs de terrain et notamment les CLIC qui nous ont alors expliqué que l’enjeu concernait plutôt la mobilité des acteurs de terrain, puisque la majorité des personnes âgées en détresse visitées à leur domicile n’engageait aucune démarche pour aller consulter, malgré une bonne connaissance des structures de soin ou d’accueil. Un deuxième enjeu concerne la mobilité psychique. Parce que les personnes âgées très isolées sont souvent figées à l’intérieur d’une capsule de temps, le psychologue cherche à leur impulser un mouvement en travaillant notamment la notion d’émotion, réaction intérieure se communiquant vers l’environnement. Tous les acteurs apportent ainsi un élément au sein d’une synergie visant à enclencher une mobilité psychique chez ces personnes souffrant de grand isolement, afin de commencer à tisser des liens vers l’extérieur.

L’ergothérapie : sa place pour un lieu de vie source de mobilité

Isadora DONY Ergothérapeute, Caisse régionale d’assurance-maladie d’Ile-de-France (CRAMIF)

Objectif principal de l’ergothérapeute spécialisé en réadaptation, le maintien de l’autonomie de la personne dans son cadre de vie se traduit par une sécurisation de l’habitat. Construit à l’échelle des besoins comme d’une famille, le bâti doit ensuite évoluer pour s’adapter aux capacités et aux envies de la personne, par différentes transformations, notamment celle de la baignoire en douche. Afin d’assurer une circulation en toute sécurité, des aides techniques – canne simple ou tripode, relateur/rollator – complètent les aménagements du logement – escaliers sécurisés, seuils – ainsi qu’une attention portée à la luminosité au cours du cheminement. Par ailleurs, des chaussures garantissant un bon maintien faciliteront la marche. Outre l’effort porté sur le bâti, l’ergothérapeute s’attache également à sécuriser les habitudes de vie par l’apprentissage des bonnes pratiques de tous les gestes du quotidien ainsi que par le choix d’un mobilier courant adapté. A l’écoute de la personne, le praticien

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favorise la mobilité tout en respectant ses souhaits mais aussi ses capacités afin de sécuriser, maintenir et valoriser l’autonomie. Reconnue société savante26, l’Association nationale française des ergothérapeutes (ANFE) défend la place de l’ergothérapie dans les différents projets de santé et diffuse également des informations auprès du grand public. Par ailleurs, des référents territoriaux répondent aux appels des professionnels et usagers et permettent de mieux orienter les usagers. Mis en place par la CRAMIF, l’Espace de conseils pour l’autonomie en milieu ordinaire de vie (ESCAVIE) constitue un lieu de rencontres pour professionnels et usagers. Les ergothérapeutes du service travaillent avec des show rooms présentant les différentes aides techniques au quotidien. Afin de répondre au nombre de personnes âgées qui manifestent de sérieux troubles de la vision, l’antenne ESCAVIE de Savigny-le-Temple s’ouvre à la déficience visuelle. Aménagé dans le show room, un simulateur de logement grandeur réelle permet par ailleurs d’étudier et d’essayer les aménagements qui pourraient compenser la perte d’autonomie.

Figure 21 – Un espace de démonstration présente les aménagements à taille réelle

La mission de l’ergothérapeute s’articule autour de trois sujets qui concernent la personne bénéficiaire : 1° difficulté-capacité et souhait de la personne elle-même, 2° son environnement familial, 3° l’environnement technique (en tenant compte de ses difficultés, de ses capacités et de ses souhaits, ainsi que des environnements familial et technique).

Les Intergénéreux et son action Passeurs de mémoire

Mélanie ROUDAUT Chef de projet, Unis-Cité

Association pionnière du service civique, Unis-Cité incite chaque jeune à consacrer un moment de sa vie à la collectivité sur des projets d’intérêt général. Dispositif d’Etat depuis 2010, le service civique s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans de tous niveaux et venant de tous horizons, pour leur permettre d’accomplir des missions de six à neuf mois au sein d’associations ou de collectivités. Unis-Cité est par ailleurs la seule association dont l’unique objet consiste à proposer des missions de service civique.                                                                                                                          26 Société savante : association regroupant des experts et des amateurs éclairés dont les travaux de recherche et les réflexions font avancer la connaissance dans leur domaine d’activité.

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En raison du vieillissement de la population, de l’éclatement de la cellule familiale et de l’isolement des personnes âgées, Unis-cité a investi très tôt le champ des missions de solidarité intergénérationnelle. Ainsi, les jeunes sont d’abord intervenus au sein de structures de type EHPAD et plus récemment, Unis-Cité a déployé des visites à domicile dont l’objectif, outre celui de briser l’isolement, visait également à contribuer au maintien des personnes âgées à leur domicile. Dans ce cadre et forte d’une solide expérience de terrain, l’association a engagé une réflexion sur son ingénierie de projet pour que les volontaires proposent une approche globale aux personnes âgées au travers d’activités variées, destinées à leur offrir davantage de stimulations, mais aussi à les rendre actrices de la dynamique ainsi instaurée. Créé en 2008, le projet « Les Passeurs de mémoire » représente la première mission d’ampleur nationale montée par Unis-Cité. Les binômes formés pour rendre visite aux seniors réunissent deux jeunes aux origines et parcours différents leur permettant de se plonger dans la diversité et de créer une dynamique d’équipe. Ces derniers vont à la rencontre des aînés en leur proposant d’évoquer leurs souvenirs et de collecter leur mémoire. La particularité du projet est que le recueil des témoignages n’est pas la fin en soi, mais le prétexte déclenchant la rencontre et permettant à la solidarité intergénérationnelle de se mettre en action. L’impact observé est multiple et réciproque, en participant aux transmissions entre aînés et jeunes, à l’élimination de préjugés intergénérationnels réciproques facilitée par les rencontres, à l’instauration d’un lien de confiance… Cette action est ensuite le point de départ pour proposer d’autres activités aux personnes visitées : sorties, jeux, ateliers cuisine… Depuis fin 2014, le projet « Passeurs de Mémoire » a été intégré à une grande mission nationale intitulée « Les Intergénéreux » et construite autour de cinq axes aux objectifs complémentaires : - bien vivre avec joie et en forme, cherchant à réduire la solitude des personnes âgées - bien vivre ensemble, visant à encourager la participation à la vie sociale locale - bien vivre dans le monde d’aujourd’hui, afin de mieux comprendre le monde actuel et stimuler la citoyenneté - bien vivre dans ma ville, cherchant à favoriser la mobilité des personnes et l’accès aux activités - bien vivre chez soi dans un logement adapté, visant à renforcer l’information sur l’accès aux droits et services, et à réduire les risques de chutes à domicile et les accidents domestiques. Par leur action et le temps qu’ils accordent aux seniors auxquels ils rendent visite, les volontaires en service civique cherchent à développer la joie et le bien-vivre des personnes sans s’enfermer dans la lutte contre l’un ou l’autre des facteurs d’isolement ou de dépendance. Ils contribuent ainsi à stimuler et prolonger l’autonomie de ces personnes tout en véhiculant une vision positive du grand âge.

Lieux de vie collectifs – Les MARPA

Laura LEVEQUE Chargée de mission, Fédération nationale des Maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie (FN MARPA)

Né  en  1986  sous  l’impulsion  de  la  Mutualité  Sociale  Agricole  (MSA),  l’objectif  initial  des  MARPA  était  d’offrir   aux   aînés   ruraux   des   structures   d’hébergement   adapté   leur   permettant   de   rester   sur   leur  territoire.  Les  MARPA  ont  été  ensuite  développées  sur  la  base  de  deux  postulats  :  les  représentations  

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que   l’on   porte   sur   la   vieillesse   sont   essentielles   dans   la   question   de   l’organisation   de  l’accompagnement   et   de   la   prise   en   charge   de   la   personne   âgée,   et   la   prévention   de   la   perte  d’autonomie  passe  prioritairement  par  une  attention  portée  à  l’environnement  de  la  personne  âgée.  Fort   de   ces   constats,   la   MSA   a   développé   en   milieux   rural   et   péri-­‐urbain   une   offre   alternative  d’hébergement  pour  personnes  âgées  de  format  petite  unité  de  vie    (24  places  maximum),  à  taille  humaine  et  familiale.  Plutôt  que  d’imposer  un  projet  de  soins,  les  MARPA  privilégient  au  contraire  le    projet  de  vie  et  d’accompagnement  personnalisé.  Construits  selon  un  concept  architectural  et  social  favorisant  la  culture  du  domicile,  les  logements  ne  sont  pas  médicalisés  en  interne,  offrant  ainsi  aux  résidents  la  liberté  de  recourir  aux  intervenants  de  leur  choix.    

Afin de favoriser la mobilité des personnes âgées, chaque MARPA conjugue des espaces collectifs et privatifs situés de plain-pied, dans une logique de domicile. L’intimité de chacun est également assurée grâce, notamment, à un accès intérieur et extérieur aux appartements. Elaborée sur place dans des cuisines semi-ouvertes, la restauration ne fait appel à aucun prestataire extérieur. Installée en cœur de village, chaque MARPA s’inscrit dans un projet de territoire et entretient un dialogue permanent avec la commune. Destinées au soutien des personnes âgées fragilisées, autonomes ou en perte d’autonomie (GMP moyen de 327), ces structures permettent en outre la prévention de la dépendance. Les MARPA accueillent un public d’un âge moyen de 86 ans et s’efforcent d’intervenir sur les facteurs de fragilité en lien avec la mobilité, agissant notamment sur les pertes d’autonomie évitables et sur le vieillissement erratique.

Figure 22 – Les MARPA permettent aux personnes âgées de vivre comme à domicile

Pensé pour favoriser la stimulation de la personne âgée, le concept social et architectural garantit l’adaptation des espaces privatifs mais aussi collectifs aux besoins des aînés. Les MARPA mettent en œuvre les animations traditionnelles des EHPAD, mais également des ateliers innovants, par exemple relatifs aux nouvelles technologies tel le programme de stimulation cognitive sur tablette tactile. Afin de préserver les liens sociaux et une communication avec l’extérieur, la MARPA peut accompagner les déplacements ou laisser les résidents conserver leur automobile. Grâce à sa structure de taille humaine, la MARPA construit une relation de confiance au travers d’un accompagnement au quotidien personnalisé et continu. De plus, contrairement aux cadres rigides des institutions traditionnelles, la place laissée à l’imprévu favorise la mobilité et préserve l’autonomie.

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La créativité manuelle et artistique pour renforcer les fonctions cognitives

Mathilde SABBAGH Présidente, association Philomène

Face à un foisonnement d’initiatives différentes s’adressant à eux, l’enjeu pour les seniors consiste à parvenir à profiter de cette offre considérable. Une fois l’âge de la retraite atteint, les personnes manifestent en effet un certain appétit pour pratiquer toutes sortes d’activités, mais au fur et à mesure du temps qui s’étiole, chacun est finalement rattrapé par l’âge. Malgré le nombre d’activités mises à leur disposition, les personnes âgées de 75 ans et plus manquent parfois de courage pour aller les pratiquer ou éprouvent une peur qui inhibe leur volonté. Alors qu’un médecin prescrirait un traitement afin d’évacuer cette détresse, Philomène a inventé un antidépresseur non médicamenteux à l’adresse de ces personnes. L’association prend en effet la personne chez elle pour la ramener progressivement vers la mobilité psychique et géographique. Maillon de la mobilité, la démarche de Philomène consiste à s’enquérir des envies des personnes avant de reconstruire avec chacun et pour chacun un projet individuel afin de les exaucer. Au travers d’expériences réussies qu’elle a accomplies, la personne âgée redécouvre sa propre utilité sociale, notamment parce qu’elle a désormais ses aventures du quotidien à partager.

Figure 23 – Construit en synergie avec les intervenants, le programme de Philomène est un

maillon de la mobilité intellectuelle des personnes âgées

Indispensable, la stimulation cérébrale des seniors passe par la culture et les loisirs, ainsi qu’au travers d’une ouverture aux arts. Action sur mesure, le service individuel de Philomène prend en charge les personnes âgées à domicile qui s’ennuient à en mourir pour les ramener vers la vie collective.

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L’écoute conviviale Au bout du fil

Alain THOMAS Secrétaire général, association Au bout du fil

Témoins d’une profonde dégradation du lien social, l’isolement extrême de nombreuses personnes âgées et l’absence de solidarité entre citoyens ont été l’une des causes majeures de la catastrophe sanitaire relative à la canicule de 2003. Or, les progrès technologiques couplant la téléphonie et l’informatique étaient en plein essor, permettant notamment une grande souplesse d’utilisation avec des coûts réduits. Face à ce double constat, Philippe Conerady et 3 autres personnes ont élaboré un concept innovant pour créer Au bout du fil en 2007, soutenu par la CNAV Ile-de-France et la Fondation d’entreprise de la RATP. Au contraire des plateformes d’écoute, les bénévoles d’Au bout du fil téléphonent eux-mêmes aux personnes âgées bénéficiaires du service, leur proposant de partager une conversation amicale et chaleureuse, une ou deux fois par semaine. En outre, grâce à son service de mise en relation, l’association permet également à ses bénéficiaires de s’appeler entre eux. Depuis 2014, Au bout du fil a mis au point un autre service : les ateliers du « bien vivre ». Il s'agit de conférences téléphoniques partagées par une douzaine d’auditeurs, autour d'un animateur compétent, selon des thématiques telles que la mémoire, le sommeil, la nutrition et les aidants familiaux. En fin d’année 2015, les conférences téléphoniques seront élargies à d'autres thématiques (histoire, culture ...) et certaines personnes âgées pourront elles-mêmes faire partager leurs connaissances sur un sujet donné auprès des bénéficiaires de l’association. Principal service développé par Au bout du fil, l’écoute active se veut empathique, non directive et non intrusive. Valorisante pour l’appelé, la conversation engagée par un bénévole formé ne doit verser ni dans la condescendance, ni dans le conseil. Chacun des 1 400 bénéficiaires profite d’une conversation hebdomadaire d’une durée comprise entre 15 et 20 minutes. Gratuit, le service est financé grâce à des partenariats conclus avec les caisses de retraites et les mairies.

Figure 24 – Pour lutter contre l’exclusion et la solitude, les bénévoles téléphonent

aux bénéficiaires au moins une fois par semaine

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Agés de plus de 75 ans, les bénéficiaires résident majoritairement en Ile-de-France et ont en général peu de liens sociaux, en raison d’un isolement provoqué par un veuvage, un déracinement, voire un handicap. Si une petite majorité des 200 bénévoles est retraitée, la part des actifs ou des jeunes est significative (45% environ). Au bout du fil manifeste d'ailleurs une volonté d’ouverture vers les jeunes, afin de favoriser un lien intergénérationnel productif. Rappelons que l’association recrute des bénévoles pouvant consacrer deux heures hebdomadaires (2 fois 1 heure) à parler et à écouter les personnes en situation d’isolement. Le rythme actuel est de 6 000 appels donnés par mois.

Echanges avec la salle

Vincent LAPIERRE Je souhaiterais savoir comment se déroule la sortie du dispositif Au bout du fil. Alain THOMAS Nous demandons à nos bénévoles un engagement moral d’un an, mais les bénéficiaires peuvent sortir du dispositif quand ils le souhaitent. Vincent LAPIERRE J’ai compris que l’intimité était l’une des préoccupations majeures des MARPA. La liberté de choix n’est-elle toutefois pas conditionnée par la structure ? Le personnel est-il formé, non seulement pour respecter l’intimité de chacun, mais aussi pour veiller à faire respecter l’intimité entre résidents ? Laura LEVEQUE Tous les établissements d’hébergement sont confrontés à la difficulté de concilier les espaces collectifs avec les espaces privatifs. Selon sa logique du domicile, le concept des MARPA s’attache en effet à protéger l’intimité de ses résidents, notamment grâce à l’attitude quotidienne du personnel qualifié et formé intervenant au sein des structures. Les résidents circulent à leur guise, dans un respect des normes d’hygiène et de sécurité en vigueur dans un établissement médico-social autorisé. Les agents en revanche ne disposent pas de cette liberté, s’appliquant par exemple à demander l’autorisation d’entrer, et ne détiennent aucune clé des logements. Vincent LAPIERRE Puisque la MARPA constitue un lieu de vie collectif, dispose-t-elle d’un référent au sein de chaque structure ? Laura LEVEQUE Les MARPA disposent en effet de référents sur certains sujets. Par exemple, les agents les plus sensibles aux questions d’animation deviendront naturellement les référents sur ce thème précis. En revanche, la notion de référent résident n’existe pas. Vincent LAPIERRE Je voudrais savoir comment Philomène traite avec l’entourage des personnes âgées prises en charge. Mathilde SABBAGH Il s’agit en effet d’un aspect très particulier des interventions de Philomène. Nous sommes parfois désespérés de constater la façon dont les enfants s’occupent de leurs parents, mais

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nous rencontrons cependant des enfants, des tuteurs ou des associations extrêmement sympathiques. J’estime que l’argent est au cœur du problème, puisque toutes ces personnes craignent de s’engager et de dépenser de fortes sommes. C’est pourquoi Philomène s’attache à parler très librement de ces soucis, afin de rassurer les enfants et les futurs bénéficiaires. Il s’agit d’un problème récurrent chez la personne âgée, pour qui parler d’argent n’est pas naturel. De la salle (Julie HUGUES, CNAV) Unis-Cité évoque des partenariats, notamment avec les CLIC et les conseils généraux qui orientent vers des personnes âgées isolées ou concernées par les actions menées. Je souhaiterais davantage de précisions sur des méthodes ou des outils de repérage de ces personnes. Mélanie ROUDAUT Le projet développé par Unis-Cité concerne 22 villes où chaque antenne noue ses propres partenariats locaux afin d’engager une dynamique territoriale puis de contribuer à l’animer. C’est pour cette raison qu’Unis-Cité a signé la charte Monalisa en décembre 2014. Le repérage des personnes âgées suit différents cas de figure. Sur les territoires de ville moyenne, le Centre communal d’action sociale (CCAS), qui a une connaissance fine de ses bénéficiaires les plus fragiles, grâce notamment aux divers dispositifs de prévention, oriente alors les personnes âgées vers Unis-Cité. Dans certaines grandes villes, les volontaires des CCAS, qui participent parfois à un service civique, contribuent à identifier des personnes en situation d’isolement qui ne sont pas connues des services concernés. Unis-Cité pratique par ailleurs le porte-à-porte, dépose des affichettes chez les commerçants, informe les médecins de ville du dispositif mis en place. Dans le cadre d’un contact spontané, Unis-Cité s’inscrit dans une dynamique de copilotage local regroupant tous les acteurs afin de présenter les nouvelles personnes identifiées, qui pourraient potentiellement intégrer le projet après l’assentiment collectif des professionnels. Les volontaires d’Unis-Cité contribuent au repérage et à l’identification des personnes âgées, mais l’association ne se place à aucun moment en situation de responsabilité sur ce sujet. Julie HUGUES Malgré les actions collectives mises en place sur le territoire, les caisses de retraite sont aujourd’hui confrontées à des personnes isolées qui ne se déplacent pas pour bénéficier de ces activités. Si Au bout du fil brise la solitude en pénétrant l’intimité des personnes, il est toutefois très difficile d’inciter les personnes à sortir de leur domicile, et à ce titre, je découvre que Philomène pourrait constituer un relai intéressant pour amener progressivement les personnes vers des actions collectives. Mathilde SABBAGH Tout à fait. Philomène a noué des accords avec les caisses de retraite ou les groupements mutualistes qui informent leurs bénéficiaires de l’existence de l’association ou les encourage à prendre contact. Cette procédure de recommandation est très efficace en raison du sentiment de confiance qu’elle inspire à la personne âgée. Julie HUGUES Grâce à leurs fichiers, les caisses de retraites connaissent en effet parfaitement leurs bénéficiaires. Les CARSAT disposent par ailleurs de l’Observatoire des fragilités et lancent également des expérimentations en partenariat avec La Poste : les facteurs se rendent au domicile des personnes âgées pour les évaluer et leur proposer des offres de services. Malgré ces initiatives, certaines personnes isolées échappent toutefois aux tentatives de contact.

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Mélanie ROUDAUT Il s’agit en effet d’un sujet très compliqué et Unis-Cité est souvent confronté à de fortes difficultés. Grâce à ses activités d’assurance-santé et de retraite complémentaire, le partenaire financier d’Unis-Cité, Malakoff-Médéric, dispose d’un fichier considérable et sollicite l’association pour l’aider à identifier les plus fragiles de ses ressortissants. Après avoir proposé des réunions d’information, Unis-Cité a rapidement constaté que les personnes susceptibles de bénéficier de son accompagnement étaient justement celles qui n’avaient pas assisté à la réunion. C’est pourquoi l’association va désormais s’attacher à contacter ces personnes soupçonnées fragiles grâce à la combinaison de critères croisés, en prenant toutefois garde au contexte, notamment en cas de décès du conjoint. Vincent LAPIERRE Outre la temporalité de l’action, la manière de se présenter à l’autre est également très compliquée. Les psychologues sont connus pour leur neutralité bienveillante. Or, ils ne sont jamais neutres, bienveillants certes, mais pas neutres. Il n’y a pas besoin d’être psychologue pour se positionner en tant qu’être humain face à un autre être humain, seulement un besoin d’être humain afin d’éprouver ce sentiment. Mais qu’est-ce qu’être humain ? Il me semble que c’est une bonne question. Le Centre Popincourt a fait appel à des jeunes en service civique volontaire. J’étais très intéressé, mais j’ai connu quelques expériences malheureuses. Comment un jeune qui n’a jamais été déprimé peut-il comprendre ce que vit quotidiennement la personne qu’il va rencontrer ? Il s’agit d’un sujet d’une complexité incroyable. L’expérience de la vie peut favoriser la connaissance de l’état de l’autre, mais certaines personnes peuvent traverser toute une vie sans être déprimé. Comment vont-ils alors rencontrer la dépression de l’autre ? Les expérimentations sont certes intéressantes, mais à trop vouloir généraliser, elles diluent malheureusement le facteur humain peu à peu. Les psychologues évoquent souvent la notion de recherche-action qui intervient simultanément à plusieurs niveaux, puisqu’il s’agit de se comporter à la fois comme un clinicien, comme un humain face à un autre être humain, comme un chercheur, comme un philosophe et enfin, comme un professionnel capable de généraliser et de produire du savoir utile à tous à partir d’une solution individuelle. C’est une gageure. Je n’ai pas de solution. J’estime toutefois que le champ de l’expérimentation est vaste. Mélanie ROUDAUT Unis-Cité a constaté que l’action du binôme est plus efficace que celle d’un visiteur unique. Représentatifs d’une différence, les deux jeunes doivent d’abord nécessairement s’accorder et se responsabiliser entre eux. Face au binôme, la personne visitée prend conscience que deux personnes se sont déplacées pour elle et perçoit leurs différences. De la salle (Pascale ECHARD-BEZAULT, Inpes) En entendant les différentes interventions et en particulier ce repérage des personnes âgées isolées en retrait de la communauté et des services, je me demande où est la différence entre l’intrusion et l’assistance à personne à danger ? J’estime qu’il s’agit d’une véritable problématique concernant l’action publique, car le mode d’intervention de chacun doit en effet tenir compte de limites à ne pas franchir. Vincent LAPIERRE De nombreux professionnels ont engagé une réflexion à ce sujet, puisque toutes les interventions de l’action sociale sont traversées de problématiques éthiques. Les débats du jour portent par ailleurs cette question en filagramme, témoins de la co-construction éminemment éthique de la culture de la gérontologie par ses principaux acteurs. Je m’interroge cependant sur le bien-fondé de l’initiative engagée avec La Poste, incitant les

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facteurs à solliciter les personnes repérées comme isolées afin de leur transmettre un questionnaire. Il sera toutefois intéressant d’analyser cette expérience. De la salle (Jacques ROUSSEL, médecin) Je suis satisfait de vous entendre évoquer la déontologie préservant le secret médical et professionnel, ainsi que l’éthique concernant la structuration des dispositifs. Nous autres médecins sommes en effet très attachés à cette préoccupation et nous travaillons constamment sur ces dimensions. Alain THOMAS Je souligne qu’Au bout du fil dispose d’une charte. Les bénévoles, qui respectent une confidentialité ainsi qu’un anonymat de rigueur, veillent à ne pas se montrer intrusifs au cours de leurs conversations téléphoniques. Vincent LAPIERRE La gérontologie occupe un champ transversal, en témoignent la séance et les débats de cette session, rassemblant différentes professions qui opèrent selon différents moyens d’action. Si du côté médical le secret partagé est une évidence, je regrette en revanche que certains travailleurs sociaux observent une pratique extrêmement cloisonnée. Je parlais précisément d’éthique, notion qui sous-tend un caractère souple et universel, alors que la déontologie renvoie plutôt au métier avec les codes professionnels en vigueur. Je suis toutefois d’accord avec votre intervention, ces mots doivent être prononcés. De la salle (Eva VIDALES, stagiaire à l’Inpes) Que pensez-vous du risque de dépendance des personnes âgées en situation d’isolement face aux initiatives développées notamment par Au bout du fil, Philomène et Unis-Cité, ainsi que face aux liens créés avec les intervenants ? Mélanie ROUDAUT Unis-Cité a engagé une réflexion sur le sujet, puisqu’une mission de service civique dure en moyenne huit mois. L’association est toutefois interpellée sur la question inverse, à savoir s’il existe un dispositif permettant de pallier l’absence des volontaires une fois leur mission terminée. Unis-Cité a ainsi monté des partenariats, en s’inscrivant notamment dans la démarche Monalisa, afin de poursuivre l’intervention. L’association anticipe très amont la fin des missions de service civique auprès de ses bénéficiaires en insistant particulièrement sur la notion de volontariat réciproque des jeunes comme des personnes visitées. Le cadrage de l’action permet la mise en place de modalités pratiques et prépare la personne à gérer la suite, en l’incitant notamment à entretenir elle-même les liens tissés à l’occasion de la mission. Alain THOMAS Afin d’éviter la création d’une éventuelle dépendance, le planning informatique est paramétré pour ne jamais attribuer le même interlocuteur aux bénévoles, mais prévoit toutefois une procédure de rappel exceptionnelle. Mathilde SABBAGH Philomène observe une procédure similaire pour éviter une dépendance dangereuse et inutile. Comme la personne âgée sollicite Philomène pour construire un projet, l’association veille à varier les intervenants au cours du programme. Les bénéficiaires et leur entourage sont ainsi en contact permanent avec la structure de l’association.

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De la salle Changer fréquemment d’interlocuteur est parfois bénéfique, mais serait toutefois susceptible d’user la personne, ainsi obligée d’engager de nouveau le contact. Les personnes âgées éprouvent en effet des difficultés pour entrer en contact, notamment en raison d’une temporalité décalée avec celle des personnes plus jeunes dans la force de l’âge. Vincent LAPIERRE Le temps institutionnel est différent. Malgré des premières conversations parfois déroutantes où le bénéficiaire contacté par Au bout du fil devra répéter son histoire, je pense toutefois que l’institution est rapidement identifiée et que la convivialité s’instaure. J’estime également qu’il ne faut pas craindre la dépendance, à condition qu’elle soit anticipée et travaillée. Alain THOMAS Les bénévoles d’Au bout du fil ont suivi une formation initiale les préparant à gérer ces questions et disposent d’une note téléphonique décrivant les particularités du bénéficiaire qu’ils appellent. Ils veillent également à ne pas faire raconter des banalités à leurs interlocuteurs, mais s’efforcent plutôt de trouver un angle d’attaque permettant d’emmener la conversation sur un terrain valorisant le bénéficiaire.

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Conclusion Martine DUCLOS Professeur, CHU de Clermont-Ferrand

L’activité physique représente un moyen de renforcer la mobilité sur tous les plans. Gilles Berrut évoquait au début de cette session la notion de fluidité physique, cognitive ou sociale. Parmi les nombreux travaux publiés sur le sujet, je voudrais exposer une étude portant sur des sujets âgés de 65 à 89 ans fragiles et non fragiles, dont le seul critère d’exclusion était la démence ou une incapacité à pratiquer une activité physique, répartis de manière randomisée en deux groupes. Par rapport au groupe contrôle, le groupe expérimental pratiquait une activité physique individualisée, progressive et supervisée par un professionnel, à raison de trois séances hebdomadaires d’une durée moyenne d’une heure, pendant 12 semaines. Chaque séance se composait d’un échauffement préalable suivi d’un cycle d’endurance et de renforcement musculaire, avant de se terminer par une phase de récupération et d’étirements. Les résultats montrent une amélioration significative de la cognition sur le groupe expérimental, portant à la fois sur la mémoire de travail, sur la vitesse d’exécution et surtout, sur les fonctions exécutives qui sont physiologiquement les plus atteintes par l’âge. La pratique d’une activité physique a ainsi permis d’améliorer les fonctions de la vie courante qui contribuent à préserver l’autonomie et à maintenir un lien social. Il est par ailleurs intéressant de remarquer une efficacité identique, quelle que soit la fragilité des sujets. Les sujets âgés entraînés physiquement présentent de meilleures performances aux tests cognitifs que les sujets âgés qui ne sont pas physiquement actifs. L’imagerie fonctionnelle permet de constater que davantage de zones du cerveau s’activent, et de manière plus intense pendant les tâches cognitives chez les sujets entraînés. Zone du cerveau où les neurones se multiplient encore en dépit de l’âge, l’hippocampe joue un rôle central dans la mémoire et la navigation spatiale. L’imagerie montre également que l’hippocampe est bien plus développé chez le sujet âgé entraîné que chez le sujet âgé non entraîné. Quant aux zones où les neurones ne se multiplient plus, l’entraînement provoque une augmentation du nombre de synapses, de leur durée de vie et du nombre de connexions avec les neurones. L’intensité de l’activation observée en imagerie fonctionnelle lors de taches cognitives est corrélée aux capacités physiques des sujets âgés, et cette observation se vérifie au-delà de 80 à 85 ans. Outre leurs capacités cognitives augmentées grâce à l’activité physique, les sujets âgés entraînés voient également une amélioration significative de leur qualité de vie psychique et sociale, de leur santé, ainsi que de leurs capacités physiques. Le simple fait de bouger a ainsi élargit le périmètre de vie moyen de 500 mètres (distance moyenne parcourue tous les jours en dehors de la maison). L’activité physique, le plus souvent pratiquée en groupe, détient par ailleurs un rôle de socialisation extrêmement important. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a également démontré que deux séances hebdomadaires de 15 minutes d’exercices de coordination diminuaient de 30 % le risque de chutes chez les personnes âgées. Il est désormais prouvé que la condition physique, en endurance comme en souplesse, prédit le risque de risque de chutes. La condition physique prédit par ailleurs la dépendance future pour les activités de la vie quotidienne. Un sujet âgé qui pratique une activité physique réduit ainsi son risque de dépendance et la retarde d’une dizaine d’années.

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Thérapeutique non médicamenteuse, l’activité physique permet de renforcer la mobilité, mais aussi de diminuer la consommation de médicaments, ainsi que le risque de survenue des maladies d’Alzheimer et de Parkinson à hauteur de 40 %. Les recommandations d’activité physique pour les personnes âgées préconisent une pratique modérée mais quotidienne de la marche, ainsi que des exercices de coordination et un renforcement musculaire utilisant uniquement le poids du corps. Lorsque leur état de santé contraint les personnes âgées à limiter leur activité physique en deçà des recommandations, elles devraient toutefois s’efforcer d’être aussi actives que leur état et leurs capacités le permettent. Parce qu’elle implique de multiples acteurs, la mobilité multifactorielle est l’aboutissement de stratégies multiples à combiner et dont la plupart restent à inventer.

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Sigles ADAL (association) : A la découverte de l’âge Libre AGIRC-ARRCO : Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés ANFE : Association nationale française des ergothérapeutes ARS : Agence régionale de santé ASV (loi) : Loi d’Adaptation de la société au vieillissement CARSAT : Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail CCAS : Centre communal d’action sociale CEREMH : Centre de ressources et d’innovation mobilité handicap CHU : Centre hospitalier universitaire CLIC : Centre local d’information et de coordination gérontologique CMP : Centre médico-psychologique CNAV : Caisse nationale de l’assurance vieillesse CNCF : Collège national des cardiologues français CODES 91 : comité départemental d'éducation pour la santé de l’Essonne CRAMIF : Caisse régionale d’assurance maladie d’Ile-de-France EHPAD : Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ENeC : laboratoire Espaces, nature et culture ESCAVIE : Espace de conseils pour l’autonomie en milieu ordinaire de vie IFSTTAR : Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux Inpes : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé INRS : Institut national de la recherche scientifique INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale IRCANTEC : Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques MAPISE (projet) : Marche à pied pour les seniors MARPA : Maison d’accueil rurale pour personnes âgées MONALISA : Mobilisation Nationale contre l’isolement des âgés MSA : Mutualité sociale agricole OMS : Organisation mondiale de la santé ORS : Observatoire régional de la santé PAERPA : Personnes âgées en risque de perte d’autonomie PLH : Programme local de l’habitat PNNS : Plan national nutrition santé PPS : Plan personnalisé de santé PREDIT : Programme de recherche et d'innovation dans les transports terrestres PRIF : Prévention retraite Ile-de-France RSI : Régime social des indépendants SCoT : Schéma de cohérence territoriale SIG : Système d’information géographique TAD : Transport à la demande UFOLEP : Union française des œuvres laïques d’éducation physique UVTD : Université virtuelle du temps libre VADA : Villes amies des aînés