Daniela Rizo est opposée à l’installa-tion des compteurs Linky.

« Un soir, j’ai ressenti des symptômestrès poussés, très douloureux, j’étaisen train de mourir. C’était une caco-phonie d’images dans ma tête, descrises d’angoisse, des chocs électriquesau niveau du cerveau. Je me voyais sor-tir de mon corps, mon cœur s’arrêtaitde battre ». C’était fin 2010. DanielaRizo, chargée de communication àLorient, consulte alors son médecingénéraliste. Burn-out ? Surmenage ?« On évoquait beaucoup de chosessauf de l’électrohypersensibilité »,raconte-elle. On l’aiguille vers un psy-chologue, un cardiologue… « Pendant6 mois, je ne savais pas ce que j’avais(…) C’est en envoyant au mail au Crii-rem*, que j’ai mieux compris et,ensuite, en rencontrant le docteur Bel-pomme (NDLR : professeur de cancéro-logie à l’université Paris-Descartes). J’aiappris que ça pouvait toucher tout lemonde ».Avec le recul, elle se souvient de res-sentir des douleurs et « une chaleur àl’oreille » lorsqu’elle se servait de sontéléphone portable. « En fait, depuis2009, je n’allais pas bien, des sensa-tions de vertige, picotements, descéphalées intenses, irritabilité, pertede mémoire. J’ai appris ensuite que lesondes ouvrent la barrière hémato-encé-

phalique qui a le rôle de nous protégerdes toxines ».Quel remède ? « La première chose àfaire, c’est de se couper des ondes.C’est la base… et ce n’est pas facile.Les EHS (électrohypersensibles)recherchent les zones blanches ». Sor-tir de chez soi relève alors du parcoursdu combattant. « On ne peut pas beau-coup sortir, je ne peux plus faire d’acti-vités culturelles, sportives, quand jevais à la bibliothèque avec les enfants,le wifi me brûle la peau… et quand jesors, je dois me couvrir d’un tissu blin-dé composé d’argent et de cuivre pour

empêcher les ondes de passer ».

« ON A DÉJÀ TROP D’ONDES »Et Linky dans tout cela ? Pour DanielaRizo, qui a dû déménager à la cam-pagne, à Priziac, et n’utilise plus de wifini de portable, le nouveau compteurest la goutte de trop. « On a déjà tropd’ondes, d’appareils connectés ». Avecdes amis, elle a créé le collectif interre-actions dans le Pays du Roi Morvan oùles poses de compteurs doivent débu-ter dès juillet prochain.Qu’en pense le professeur Belpomme,en pointe sur les questions d’hyperélec-trosensibilité ? « Linky utilise les CPLqui sont extrêmement dangereuses etil n’y a pas systématiquement de blin-dage aux câbles, cela va donc créer deschamps électromagnétiques. Les élec-trohypersensibles ne les tolèrent pas.Je délivre régulièrement des certificatsmédicaux pour mes hypersensibles etaucun n’a eu de compteurs Linky d’ins-tallés. Linky se rajoute à tout le reste.On estime en France, qu’il y a entre 2et 5 % d’hyperélectrosensibles. À la findu siècle, ce serait entre 25 et 50 %dans le monde ».*Centre de recherche et d’informationindépendant sur les rayonnements électromagnétiques non ionisants.

Le collectif Stop Linky Pays Roi Morvan a été créé par Lidwien Veeger, Daniela Rizo et Simon Kooistra.

Daniela Rizo, électrohypersensiblene veut pas du compteur Linky

Linky : il a un nom de personnage dedessins animés, que l’on imagine plu-tôt gentil et bienveillant. Mais les des-criptions qu’en font ses opposants,relèveraient davantage d’un vraimonstre. Le compteur Linky, remplace-ra bientôt votre bon vieux compteurélectrique. Un boîtier, dit intelligent,qui doit permettre de mieux évalueret gérer votre consommation d’électri-cité. Fini les contrôleurs qui relèvent lecompteur. Linky « le compteur com-municant d’ERDF », communiquera jus-tement les données de votre consom-

mation d’électricité à distance (lire ci-dessous). Le signal circule dans lescâbles du réseau électrique basse ten-sion (technologie des courants por-teurs en ligne : CPL), jusqu’au postede distribution du quartier où est logéle concentrateur.35 millions de compteurs et 700.000concentrateurs (équipés d’ordinateurset d’antennes-relais « GPRS ») doiventainsi être installés d’ici 5 ans enFrance, « pays leader de cette avan-cée technologique », rappelle BernardLaurans, directeur ERDF Bretagne.

À ce jour en Bretagne, 50.000 Linkyont été posés (300 emplois prévus en2017 pour les installateurs). Plus de95 % de la pose programmée (installa-tions qui auront lieu jusqu’en 2020) adéjà été effectuée selon ERDF.

DE NOMBREUSES INQUIÉTUDESPas l’ombre d’un Linky en Kreiz Breizhque, déjà, il suscite la méfiance. Deuxcollectifs sont nés récemment du côtéde Berrien - Huelgoat et dans le Paysdu Roi Morvan. Plusieurs collectifsnationaux ont Linky dans le viseur.

Motif parmi d’autres* de cette contes-tation : l’inquiétude concernant leCPL. L’UFC Que choisir la juge « légi-time » et rappelle que le « Centreinternational de recherche sur le can-cer (CIRC) a classé les ondes des radio-fréquences dans la catégorie cancéro-gène possible ». « C’est une technolo-gie éprouvée. Linky génère le mêmechamp électromagnétique que l’an-cien compteur (…) Tout a été vérifié »,rappelle Bernard Laurans.La CLCV du Finistère reste « prudenteet vigilante ». « Le compteur renforcele bain életromagnétique dans lequelon est plongé. À l’image des pesti-cides, on ne mesure pas l’incidence ducocktail », explique Yvon Thomas,conseiller à la CLCV, qui rappelle qu’unprotocole de mesure va être mené pro-chainement de manière « indépen-dante » (Protocole établi entre le Crii-rem, centre de recherche indépen-dant, l’Ademe et l’Agence nationaledes fréquences).D’autres inquiétudes ont été formu-lées récemment, le 17 mars, par l’asso-ciation des maires de France. « En rai-son de sa qualité de concessionnaireet intervenant directement dans lapose des compteurs, la parole d’ERDFne suffit pas à lever les inquiétudes.Une expression de l’État est urgenteet nécessaire pour, d’une part, infor-mer les maires sur les limites de leurcapacité à agir dans ce domaine et,d’autre part, fournir de manière objec-tive et transparente aux habitantsinquiets les réponses qu’ils

attendent », a écrit François Baroin,président l’AMF), dans un courrier auPremier ministre.

REMPLACEMENT OBLIGATOIREUne question se pose. Peut-on refusercette installation que l’on soit particu-lier ou commune ? Pour les collectifs,oui. Pour ERDF non. « Le remplace-ment du compteur a un caractèreréglementaire. C’est une décision dulégislateur. Nous sommes bordés juri-diquement », rappelle Bernard Lau-rans, directeur d’ERDF Bretagne. Undéputé du Morbihan (P. Noguès) arécemment posé la question à Ségo-lène Royal, ministre de l’écologie. Pasencore de réponse claire de la part del’État. « L’idée qui m’est insuppor-table, c’est cette impossibilité de refu-ser », peste Pierre Bobe, du collectifStop Linky Kreiz Breizh. « ERDF amené jusqu’ici une stratégie de com-munication basée sur l’intimidation »,estime Daniela Rizo, du collectif Inter-ractions. Des opposants qui secontentent aujourd’hui d’écrire parlettre avec accusé de réception leurrefus à ERDF et au maire de la com-mune. « On a l’impression d’être prisdans une toile dont on ne peut pluss’extraire », estiment Martine Gillet etPierre Bobe. Le boîtier intelligent auraencore fort à faire pour rassurer.

FRANÇOIS LE DÛ

*La Ligue des droits de l’Homme estimeque Linky, en cours de déploiement,pourrait présenter des risques pour la vieprivée des citoyens.

Stop Linky Kreiz Breizh se joindrasamedi 7 mai, à 11 h, à un grandrassemblement pour refuser l’instal-lation des compteurs, devant la mai-rie de Brest. Départ en covoituragede Collorec à partir de la mairie à9 h. Dans la partie morbihannaisedu Kreiz Breizh, une soirée est orga-nisée, à la salle des fêtes du Faouët,avec la diffusion de Take back yourpower sous-titré en francais, avecensuite un débat organisé par StopLinky Pays Roi Morvan, le 7 mai,à 20 h. Entrée libre.

La contestation s’organise

Bernard Laurans, directeurd’ERDF Bretagne, rappelle lespoints forts de Linky : « Linky estune modernité technologique quioffre l’accès à la donnée dans lecadre de la transition énergé-tique. Le compteur ne commu-nique que les Kwh (…) Ensuite,contrairement à aujourd’hui,ERDF facturera sur index réel. Ilfaut savoir que 70 % de nos récla-mations portent sur des index

estimés soit trop ou pas assez éle-vés. Le troisième avantage, est lafacilité opérationnelle ». L’inves-tissement Linky (5 milliards d’¤)aura-t-il un impact sur la facturedu client ? « Aucun. Il y aura desgains opérationnels. L’investisse-ment s’équilibre sur 20 ans ». Unnuméro vert, spécialement dédiéaux questions sur le nouveaucompteur, est dédié(0.800.05.46.59).

Le calendrier des poses du compteurLinky est disponible (www.erdf.fr/linky-bientot-chez-vous).Carhaix. De juillet 2017 àdécembre 2017.

Le Faouët, Gourin, Langonnet. Dejuillet 2016 à décembre 2016.Callac. De juillet 2017 à décembre 2017et de juillet 2020 à décembre 2020.Rostrenen, Gouarec. De janvier 2020 à

décembre 2020.Huelgoat et Châteauneuf-du-Faou. Dejanvier 2018 à juin 2018.Scaër. De janvier 2020 à juin 2020.Pleyben. De janvier 2017 à juin 2017.

À Collorec, comme dans une cen-taine d’autres communes fran-çaises, le conseil municipal s’estprononcé contre la pose des comp-teurs Linky. Une délibération a étéprise il y a un mois. « Tant quenous n’aurons pas plus d’informa-tions sur ces fameux compteurs,où l’on a renoncé à son installa-

tion en Allemagne, que l’on désins-talle au Québec… on est en droitde se poser des questions »,explique le maire, Patrick Nicot,qui estime que « la populationn’est pas suffisamment informée.J’ai rencontré des techniciensd’ERDF mais on attend plus de pré-cisions ».

Collorec prend position : contre

Compteurs Linky : de la tension dans l’air...Pas encore installé en Kreiz-Breizh, Linky, le nouveau compteur électrique que déploie ERDF dans toute la France, suscite déjà l’inquiétude.Compteur intrusif, nocif ? Des collectifs s’opposent, des communes également. Un mouvement qui enfle alors qu’ERDF souhaite rassurer.

ERDF souhaitefaire de la pédagogie

Le calendrier des installations en Kreiz Breizh

LE DOSSIER DE LA SEMAINE

2 LE POHERSemaine du 27 avril au 3 mai 2016