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PARIS FÉV. 13-15 | 2018 CONFERENCES WEARABLE LAB PREMIÈRE VISION PARIS FÉVRIER 2018 COMPTE-RENDU DE CONFÉRENCE | 13, 14, 15 février 2018 Fort de sa mission de décryptage des tendances de demain, Première Vision a souhaité accompagner la transformation du secteur de la mode en lançant dès février 2017 le Wearable Lab : un espace au cœur du salon, destiné à mettre en lumière les acteurs de la Fashion Tech. En février dernier, le Wearable Lab s’est agrandi pour devenir un village entièrement dédié à la Fashion Tech. Structurée autour de 4 axes, il a pour objectif de présenter une sélection internationale de de matières, produits et services sources d’expérimentation pour l’industrie de la mode : R&D, matériaux/composants et start-up ; une exposition inspirante mettant en valeur le processus de création de la créatrice Clara Daguin, avec un modèle exclusif conçu pour l’occasion ; et un programme de conférences autour du thème de la mode et de la technologie. Retour sur les 3 tables rondes animées par Vincent Edin qui ont permis aux professionnels d’analyser, de penser et de décoder l’écosystème grandissant de la Fashion tech.

CONFERENCES WEARABLE LAB PREMIÈRE … · liée d’une certaine façon au mouvement et à la ... Nous ne consommons pas d’objets. ... d’autrefois étaient sur ce genre de réflexion,

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CONFERENCES WEARABLE LAB PREMIÈRE VISION PARISFÉVRIER 2018

COMPTE-RENDU DE CONFÉRENCE | 13, 14, 15 février 2018

Fort de sa mission de décryptage des tendances de demain, Première Vision a souhaité accompagner la transformation du secteur de la mode en lançant dès février 2017 le Wearable Lab : un espace au cœur du salon, destiné à mettre en lumière les acteurs de la Fashion Tech.

En février dernier, le Wearable Lab s’est agrandi pour devenir un village entièrement dédié à la Fashion Tech. Structurée autour de 4 axes, il a pour objectif de présenter une sélection internationale de de matières, produits et services sources d’expérimentation pour l’industrie de la mode :

R&D, matériaux/composants et start-up ; une exposition inspirante mettant en valeur le processus de création de la créatrice Clara Daguin, avec un modèle exclusif conçu pour l’occasion ; et un programme de conférences autour du thème de la mode et de la technologie.

Retour sur les 3 tables rondes animées par Vincent Edin qui ont permis aux professionnels d’analyser, de penser et de décoder l’écosystème grandissant de la Fashion tech.

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IMAGINAIRES & CREATIONS DE LA FASHIONTECH13 FÉVRIER – 15H30

Intervenants: Pascal Morand (Président exécutif de la Fédération de la Haute-Couture et de la Mode), Clara Daguin (Créatrice de mode), Bradly Dunn Klerks (Senior Innovation expert for the arts and technology)

Inaugurant ce cycle de conférences, Bradly Dunn Klerks, Pascal Morand et Clara Daguin ont entamé la conversation avec le modérateur Vincent Edin autour du thème de la création.

La conversation s’est tout d’abord portée sur la façon dont les intervenants ont été inspirés par la Fashion Tech. Souvent considérée comme une menace dans l’imaginaire collectif, la technologie peut parfois être considérée comme une dystopie. L’avenir, tel qu’illustré dans les émissions télévisées comme Black Mirror, peut en effet être effrayant. Et la Fashion Tech ? Pour M. Morand, c’est à la fois une menace et une opportunité.

« La première chose à faire est peut-être de définir brièvement ce que nous entendons faire en parlant de Fashion Tech : en français, nous parlons de «technologie de la mode». Ce n’est pas nouveau, le vêtement et le textile, c’était peut-être la première technologie. En fait, on peut dire qu’elle est liée aux 3e et 4e révolutions - à commencer par la révolution digitale, et qui s’étend maintenant à de nombreuses technologies. Et le facteur numérique joue un rôle très important, car sans les énormes progrès digitaux que nous vivons, nous ne pourrions pas faire ce que nous faisons actuellement. Et c’est ça, la Fashion Tech. C’est la partie de la mode liée d’une certaine façon au mouvement et à la révolution de l’Industrie 4.0. » Pascal Morand.

Pour ce qui est de l’imaginaire, selon M. Morand, la Fashion Tech a un rôle considérable. Traditionnellement, dans l’environnement de la mode, la technologie relevait du pratique. Les professionnels du secteur y faisaient face sans difficulté (CAO, machines à tisser, etc..). Aujourd’hui, « de nouvelles portes s’ouvrent ».« Quand on parle du lien entre imagination et technologie, il faut préciser qu’il va dans les deux sens. Parce que la technologie en elle-

même émane d’abord de l’imagination. Mais nous sommes maintenant bien au-delà de cette approche rationnelle traditionnelle. C’est un nouveau facteur issu du XXIe siècle. » poursuit-il.

Concernant l’influence des géants de la technologie sur l’industrie de la mode, M. Morand précise qu’il est nécessaire de se plonger dans le sens même et le concept de ces technologies, puisqu’elles mêlent une nouvelle esthétique aux messages des designers. « l’un des aspects les plus important de la période moderniste du XXème siècle se trouve dans la culture du Bauhaus, le rapport à l’objet, sa fonction. A quoi sert-il ? Il lui faut un joli emballage. Aujourd’hui, tout cela est terminé. Nous ne consommons pas d’objets. Nous consommons des expériences. Dans une expérience, l’aspect esthétique du projet, le produit, tout est liés, et la mode est au premier plan. Et cela s’applique aussi à beaucoup d’autres secteurs. »

Une vision partagée par la designer Clara Daguin qui nous en dit plus sur ses inspirations. À ses yeux, l’inspiration que lui procure la technologie est plutôt une réponse à la nature générale de la société et à la façon dont la technologie est maintenant en quelque sorte ancrée dans nos vies. Il se trouve que le père de Clara Daguin est ingénieur. Et quand elle était jeune, elle trouvait des ordinateurs et des puces partout dans sa maison. C’était le point de départ de son inspiration. Elle explique comment elle a évolué : auparavant embarrassée lorsqu’on lui demandait d’expliquer les fonctionnalités de ses créations, elle en est aujourd’hui très fière :« On m’a posé cette question tant de fois. «Vous mettez un capteur cardiaque dans votre création, à quoi ça sert ? Est-ce qu’il a une fonction ?» Avant je disais que je ne savais pas, mais maintenant je vois ça comme une démarche

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artistique, ça apporte quelque chose de beau, ça donne une émotion. Donc maintenant, je suis plus confiante de dire qu’il n’est pas là pour améliorer votre vie, mais plutôt pour mettre en évidence son aspect esthétique. C’est plus une approche artistique. Et pour moi, ce que je vois dans la Fashion Tech aujourd’hui, c’est qu’il y a toujours un besoin de fonctionnalité. Mes créations ne sont pas utiles au quotidien, elles sont là pour transmettre une émotion. » Clara Daguin

Une déclaration qui a été très bien accueillie par M. Morand, « Ce que Clara dit est très important. Parce que quelquefois, on dit ou on pense que la technologie ou la Fashion Tech mène forcément au fonctionnalisme. Mais si vous avez quelque chose qui n’apporte pas d’émotion, et ne vous donne que de la fonction, c’est très simple, les gens vont s’ennuyer. Et c’est pourquoi les produits de la première génération de certains produits de la Fashion Tech n’ont pas rencontré le succès escompté. Pour les designers la question est, comme toujours, de s’approprier les contraintes, de les utiliser et ensuite de s’en échapper pour développer leur propre univers, ce qui est très émotionnel. Et puis vous voyez la technologie et la valeur émotionnelle se combiner. » Pascal Morand

Concernant le remplacement des designers par des machines et de l’Intelligence Artificielle, Pascal Morand a pris le temps de définir les deux facettes de cette technologie : faire la différence entre l’intelligence symbolique et l’apprentissage en profondeur. Sur le second point, il explique comment l’IA peut composer de la musique ou dessiner des collections, après avoir été nourri d’archives. Mais selon lui, une telle musique serait écoutée une fois avant d’être oubliée, car les gens s’ennuient quand les œuvres manquent d’émotion.

Bradly Dunn Klerks nous rappelle que les designers ne se soucient pas tant des technologies. Ce qu’ils veulent, dit-il, c’est un moyen de créer tout ce qu’ils ont dans la tête. Pour cela, la technologie peut aider et les designers commencent à s’en rendre compte. « Vous mettez en place différentes technologies, pratiquez différents types d’artisanat, et vous utilisez cet ensemble à travers ce qu’on appelle le SCIENCE ART TECH TRIANGLE

– l’interaction entre la science, l’art et la technologie. Cet ensemble triangulaire est très important et je pense que les alchimistes d’autrefois étaient sur ce genre de réflexion, d’invention, de recherche. Je crois que les designers vont maintenant adhérer à cela et s’en inspirer pour devenir ainsi les nouveaux alchimistes.» Bradly Dunn Klerks

Évoquant l’utilisation de la technologie comme outil de pouvoir pour les gouvernements, Bradly Dunn Klerks donne sa vision sur la façon dont la technologie peut aussi être un outil pour recentraliser la production dans nos pays. Pascal Morand, relativisant l’idée, nous rappelle que les technologies ont aussi leurs limites, et qu’il faut les tester pour voir ce qui est possible. En donnant l’exemple des matériaux flexibles dans le domaine de l’impression 3D, il souligne combien de choses sont encore à l’étape de recherche. Il a également mentionné l’automatisation de la robotique, en disant combien il est compliqué d’appliquer ce processus à l’industrie de la mode, en comparaison avec des secteurs comme l’automobile.

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Pour conclure la conversation, Vincent Edin interroge Pascal Morand sur le rythme de l’innovation versus les longues interrogations éthiques qui ralentissent l’adoption de certaines technologies et peuvent faire perdre des marchés.

« Ces questions éthiques sont extrêmement complexes. Nous savons que, d’une manière ou d’une autre, les deux principaux défis actuels sont la technologie et le développement durable, nous devons toujours garder cela à l’esprit. Et le problème, c’est que la technologie est la chose la plus merveilleuse et la plus horrible en même temps. Que pouvons-nous en faire ? Nous savons que c’est aussi un merveilleux champ de possibilités. D’un point de vu créatif, pour nous, et par nous je veux dire la FHCM et Première Vision et l’écosystème de la mode, c’est très important. C’est une bataille pour une vision humaniste de la créativité, c’est enraciné en nous, dans notre culture, dans notre stratégie, dans nos désirs. Nous devons toujours nous demander comment la technologie peut nous aider à être plus humains et créatifs ? Nous avons des mots différents pour cela, en anglais nous disons design, et dans les cultures latines c’est CREATION, ce qui est en quelque sorte mystique... Mais c’est quand même de la créativité. Et maintenant, la question est de savoir comment on travaille là-dessus ? Ce partenariat entre Première Vision et Paris

Fashion Week vise à renforcer la créativité et la technologie de cette ville, en mélangeant les deux, notamment dans le domaine de la mode. » Pascal Morand

Bradly Dunn Klerks souligne l’importance des investissements dans ce domaine : « La technologie coûte cher, il suffit de regarder le téléphone dans votre poche, chaque personne ici, tous les deux ans achète un nouveau téléphone. Donc, quand on parle d’éducation, il faut parler d’investissements, il faut que l’industrie soutienne davantage les écoles, l’université. Il faut travailler dans les deux sens. Ce n’est pas seulement la responsabilité des écoles, parce qu’elles peuvent investir dans des machines, et ces machines deviennent désuètes 4 ou 5 ans plus tard. Nous devons donc entamer la conversation sur la façon dont l’industrie doit appuyer cette mesure. »

Une belle façon de clore la conversation autour de la création et de la technologie, et de passer à celle que nous aurons dans les prochaines années : comment former les futurs designers à des outils en constante évolution ?

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TECHNOLOGIES EMERGENTES ET MUTATIONS DE L’INDUSTRIE DE LA MODE14 FÉVRIER – 15H30

Intervenants: Kirsty Emery (Unmade), Muchaneta Kapfunde (Fashnerd), Philippe Ribera (Lectra)

La 2ème table ronde a débuté par une rapide tentative de cartographier les origines de la révolution Fashion Tech dans le monde d’aujourd’hui. Mais peut-on considérer que les capitales de l’innovation de la mode existent déjà ?

Pas encore, selon Muchaneta Kapfunde, rédactrice en chef de FashNerd, c’est un phénomène mondial. « En ce moment, l’innovation en termes de mode n’est pas concentrée en un seul endroit. Chaque ville construit la technologie de différentes manières : en fin de compte, quand il s’agit de technologie, elle ne se produit pas seulement dans une partie spécifique du monde, elle se produit partout : tout le monde contribue à la Fashion Tech, ce qui en fait un phénomène plus global et atomisé qu’un phénomène concentré dans une région spécifique du monde. Cependant, il semble que les véritables précurseurs de la révolution Fashion Tech sont les nouveaux, les petits acteurs, avec beaucoup de nouvelles compagnies qui apparaissent en ce moment. Aussi, de plus en plus d’universités à travers le monde créent actuellement des programmes Fashion Tech, ce qui signifie que les futurs designers qui deviendront bientôt des professionnels, auront à la fois un background et des expériences à la fois en technologie et en mode. »

Tentant de démêler les bénéfices de l’intégration de la technologie dans la mode pour les consommateurs à travers le prisme de la personnalisation, Philippe Ribera, Vice-Président Innovation de Lectra, estime qu’il sera nécessaire d’intégrer les besoins des consommateurs dans le processus de fabrication. « l’Industrie 4.0 est un projet pour les 20 à 50 prochaines années. Il est donc difficile d’évaluer le temps que cela prendra. Rien ne finira dans 3 à 5 ans. Mais pour que cela devienne une réalité, nous devons avancer pas à pas. Processus par processus. Tout le monde ou toute entreprise est-elle prête à produire sur demande ? Pas du tout. Existe-t-il un marché pour que tout le monde puisse produire à la demande ? Probablement pas. Pour moi, tout dépend de qui vous visez, quand voulez-vous les cibler et comment vous le faites. Dans les 3 à 5 prochaines années, vous verrez des changements, mais le plus important se produira surtout dans 5 à 10 ans. » Philippe Ribera.

Une telle conversation conduit inévitablement à la question des données. Le problème n’est pas les données elles-mêmes, ou l’obtention de ces données, mais plutôt la quantité de renseignements que l’on met dans la compréhension et l’utilisation de ces données pour en tirer quelque chose. Pour cette raison, il est essentiel de définir un objectif précis dans l’utilisation des données pour commencer à travailler sur ce que Philippe Ribera appelle un «modèle prédictif». Ainsi, du point de vue des données, le principal enjeu n’est donc pas de les collecter mais de les analyser de manière à définir un modèle précis pour s’assurer que les marques disposent de la bonne information et l’utilisent de manière pertinente.

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Cependant, de graves menaces pèsent encore sur l’industrie, car les grands concurrents technologiques comme Amazon et Alibaba savent déjà ce que les gens veulent dans le monde entier et sont efficaces pour le leur fournir. On peut douter qu’ils soient capables de l’appliquer à l’industrie de la mode, mais ces acteurs ont en effet les données, savent comment les utiliser de manière pertinente et ont un sérieux avantage du point de vue du marketing numérique, ce qui en fait un risque crédible pour l’industrie de la mode. Néanmoins, ces concurrents pourraient avoir du mal à rivaliser avec les maisons de mode dans le domaine de la créativité, ce qui pourrait s’avérer plus difficile. À l’heure actuelle, de nombreuses entreprises de technologie (comme IBM) connaissent déjà diverses façons d’exploiter les données pour stimuler la créativité. De tels cas montrent que l’IA est une chose que les concepteurs finiront par implémenter dans leurs produits à l’avenir, en les aidant à créer ce qui est réellement désirable par opposition à ce qu’ils croient que les gens veulent. « L’intelligence artificielle nous aime. Elle s’améliore au fur et à mesure qu’elle progresse. Elle jouera un rôle très important dans l’industrie de la mode et aidera également les créateurs à utiliser les données pour créer des produits qui correspondent réellement à ce que les consommateurs veulent porter. » Muchaneta Kapfunde.

De retour sur le thème de la personnalisation, après une brève introduction d’Unmade par Kirsty Emery, les panélistes ont discuté de la soif du consommateur pour les produits personnalisés. Si l’on considère les résultats de Nike sur le segment (20 à 30% des ventes en ligne de Nike sont des produits personnalisés), il est raisonnable de considérer que la soif actuelle de personnalisation est infinie. Segment de marché en constante croissance depuis son lancement, Nike iD est actuellement l’une des premières plates-formes de personnalisation d’envergure qui est existe. « Je suis aussi un designer, j’aime avoir le choix, mais j’ai l’impression que c’est écrasant d’avoir tant de possibilités à ma disposition. De plus, Nike iD est si ouvert qu’il est aussi ouvert à la création de designs peu esthétiques. La différence avec Unmade, c’est qu’on se positionne sur la personnalisation plutôt que sur le design. » Kirsty Emery.

Mais quelle est le poids de la tendance à la personnalisation ? Muchaneta Kapfunde pense que la technologie nous donne d’abord et avant tout le choix, le choix de faire ce que nous voulons faire. Par conséquent, elle croit que la personnalisation sera massive à l’avenir, en particulier dans le secteur de la vente au détail. Un point de vue globalement partagé par Philippe Ribera : « Nous avons oublié pendant un certain temps qu’au cœur du business se trouve le consommateur. Si nous ne revenons pas vers lui, il n’y aura plus de business. Le défi est de fournir les outils, les processus, les compétences nécessaires pour aider les marques à parler avec leurs consommateurs. Nous ne pouvons pas oublier que tout outil qui vous aide à communiquer avec votre clientèle est un bon outil pour votre entreprise. Nous devons collaborer. C’est un travail de co-création à tous niveaux. Même en termes de technologie. Et dans la Mode, je pense que c’est le principal enjeu. » Philippe Ribera.

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Les obstacles restants peuvent provenir du coût de la personnalisation. Mais cela mis à part, le marché de la personnalisation pourrait représenter un véritable tournant dans notre façon de consommer la mode en tant qu’individus : « Je pense que la plus grande question ici est la suivante : « Dans quel monde voulons-nous vivre ? ». Et en même temps, Primark est en pleine expansion. Probablement 80% des consommateurs dans le monde sont très heureux d’aller à Primark. Nous avons parlé de ce nombre très limité de personnes aujourd’hui en mesure de payer un prix supérieur pour acquérir des vêtements personnalisés, mais la réponse n’est pas dans la technologie, ni la marque, mais réside dans la question «quelle vie voulez-vous avoir dans les 5 à 10 prochaines années ? » Philippe Ribera. En discutant des prix des produits, personnalisés ou non, les panélistes sont inévitablement amenés à exprimer leur opinion sur la Fast Fashion. Montrer la différence entre un produit Primark et votre marque suffit-il ? Est-ce que cela aidera les consommateurs à prendre de meilleures décisions, même si nous savons déjà que ces décisions ne sont pas motivées par le seul fait qu’elles sont moins coûteuses ? En ce qui concerne les prix, Muchaneta Kapfunde croit qu’il s’agit en fin de compte d’éducation : les consommateurs ont besoin de connaître leurs options pour pouvoir prendre de meilleures décisions, en ne se basant pas uniquement sur des critères de prix. Une approche que les Millenials et la génération Z ont peut-être déjà adoptée naturellement :« Je crois que les jeunes générations ont un tout autre raisonnement : elles sont plus conscientes, elles veulent de la transparence, elles veulent savoir de quoi sont faits leurs produits et d’où elles viennent. Les jeunes sont très conscients qu’ils doivent protéger leur planète. C’est quelque chose qu’ils apprennent maintenant, en tant que jeunes gens à un jeune âge et parce que nous avons été élevés dans des sociétés de consommation, qui nous montre que nous devons recâbler nos cerveaux et changer notre façon de penser. Le bon côté, c’est qu’en raison de ses nombreux problèmes et grâce à ces jeunes, la Fast Fashion meurt d’une mort lente. » Muchaneta Kapfunde.

En effet, la responsabilité et la durabilité au sein d’une entreprise peuvent être des éléments clés pour que les marques de mode se démarquent des géants de la Fast Fashion. Cependant, comme l’a dit un jour le fondateur de VEJA, Sébastien Kopp, la responsabilité en tant que croyance n’est pas bonne pour les ventes, car dans l’esprit du consommateur, cela implique des collections moins esthétiques. Ainsi, des efforts sont encore nécessaires pour positionner le développement durable et la responsabilité d’entreprise comme une réelle valeur ajoutée pour les marques, et en fin de compte, pour convaincre les consommateurs qu’ils peuvent acheter durablement tout en restant à la mode. « La durabilité est quelque chose de vraiment important. Elle devrait être intrinsèquement liée à l’industrie de la même manière que le design l’est au vêtement. Si quelque chose est bien conçu, que ce soit un vêtement ou autre chose, vous ne devriez pas être en mesure de voir cet effort. Cela devrait être là, ça se passe et ça se passe en arrière-plan. C’est un plus supplémentaire, il s’agit d’avoir quelque chose qui n’est plus seulement la cerise sur le gâteau. C’est quelque chose qui est intégré partout. » Kirsty Emery.

Pour conclure cette table ronde, les panélistes ont été invités à exprimer leur point de vue sur l’acceptabilité sociale de ces technologies et la confiance dans le port de textiles connectés. Comme nous l’avons constaté lors de récents fiascos autour de la data et des nombreuses fuites d’informations (Strava, Uber, etc.), de nombreuses préoccupations subsistent quant à la garantie de la vie privée des personnes. Les panélistes semblent s’entendre pour dire que cette question pourrait être confiée à la technologie de ma blockchain. Cependant, bien qu’il soit reconnu qu’elle est impossible à pirater, notre expérience de la technologie nous a appris que rien n’est infaillible. Mais le degré de confiance que nous pouvons accorder à cette innovation équivaut à notre volonté de partager nos données. La croyance commune est que les jeunes générations n’ont pas peur de partager ces informations précieuses. Mais cela signifie-t-il vraiment que les jeunes ne se soucient pas des données ? Certains pourraient être en désaccord…

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LES TERRITOIRES ECONOMIQUES ET STRATEGIQUES DE LA FASHION TECH15 FÉVRIER – 11H30

Intervenants: Camille Benech (Google, Global Brand Lead for Luxury and Beauty en France), Cédric Lowenbach (Bpi France), Bradley Quinn (EIRL Bradley Quinn).

Tout en énumérant les principaux changements qui se produisent dans l’industrie de la mode en termes d’énergie (solaire, énergies renouvelables) et comment cela pourrait changer l’approche du marché, Bradley Quinn soulève un point surprenant : aux Etats-Unis, la mode est plutôt en marge de cette révolution pour le moment. Lorsque les pionniers américains parlent de du marché de la Wearable Technology, le plus évident pour eux semble être le sportwear/activewear, ce qui est fondamentalement logique si l’on considère que les applications des technologies actuellement disponibles qui alimentent le mouvement sont principalement axées sur la santé, la commodité et les performances personnelles. À un certain moment, il pourrait alors devenir nécessaire pour l’industrie de la mode et les entrepreneurs de changer de voie et de prétendre que le consommateur de mode est un public cible. Pourtant, c’est aux grandes entreprises de travailler avec les startups pour surmonter les risques et que les choses aillent de l’avant : rendre la technologie lavable, trouver une source d’énergie sûre et durable.... « Il y a de très gros problèmes à surmonter pour l’industrie du vêtement. Les grandes marques ont des budgets pour un tel développement, mais elles ne sont pas vraiment conscientes ou n’ont pas encore la volonté de faire face à ces obstacles. Ce qui est inspirant pour l’avenir, c’est que ce grand écart entre les start-ups et les grandes entreprises commence très lentement à se réduire. Une fois cette lacune comblée, je pense que la technologie portable aura l’occasion de vraiment trouver un marché. » Bradley Quinn.

Pour financer ces efforts et surmonter les obstacles actuels, le BPI a créé deux fonds dédiés à la Mode : un fonds baptisé «Mode et Finance» (dédié aux petites entreprises en démarrage avec plus de 500 000 € de chiffre d’affaires, comme par exemple AMI Paris, Christophe Lemaire, Bonne Gueule...) et un autre fonds baptisé «Patrimoine et Création» qui contribue à soutenir la croissance des entreprises plus développées (entreprises dont le chiffre d’affaires atteint 100 M€). Pour s’assurer que ces investissements sont bénéfiques, les KPI les plus surveillés actuellement pour obtenir ces soutiens financiers sont le niveau de chiffre d’affaires, le soutien des petites marques par au moins deux partenaires et, surtout, le business model. En effet, BPI suit l’évolution des entreprises innovantes de la mode avec une grande attention depuis des années: depuis 2005, elles sont passées de la vente en gros au développement de leur propre réseau de détaillants et enfin, à la vente par voie digitale et communautaire. Pourtant, alors que de nombreuses opportunités financières existent dans le pays, la principale entrave à la croissance des start-ups françaises pourrait être la trop grande prudence des entrepreneurs: C’est pourquoi BPI les pousse à internationaliser leurs entreprises, même à un stade très précoce, en particulier dans le secteur de la Mode (qui est évidemment viable, compte tenu du fait que de telles start-ups doivent déjà s’approvisionner ou produire hors de France, et sont par là déjà des entreprises internationales). Pour avoir une meilleure vue d’ensemble de l’écosystème Wearable Tech et savoir comment le faire fonctionner, Camille Benech nous donne un aperçu de l’approche de Google à travers son équipe d’Advance Technology and Projects (ATAP), l’unité qui a donné vie au projet Jacquard.

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En bref, cette unité est constituée d’une très petite équipe dédiée à l’innovation dans un délai très court, afin de s’appuyer sur des technologies qui vont créer de grands changements dans les 3 à 5 prochaines années. Dès aujourd’hui, l’ATAP a participé à plus de 600 projets et Jacquard se positionne comme une plateforme qui fournit les fils technologiques à ses partenaires et leur apporte toute l’expérience à 360° - l’application, les ingénieurs et le travail autour des UX qui sont absolument nécessaires et qui sont les parts les plus importantes et les plus coûteuses dans le développement de tels produits. En fin de compte, l’objectif de Google est de devenir un facilitateur de produits Wearable et de vêtements connectés. « Levi’s était le premier associé de Jacquard. Cette année, nous allons annoncer de nouveaux partenariats avec de nouvelles marques et un design totalement nouveau. Cela peut être n’importe où : les fils sont tellement invisibles, c’est totalement transparent, donc l’idée est que nous accueillons toute marque qui a l’intention de rendre quelque chose utile, parce que les cas d’utilisation sont vraiment importants pour nous. Nous ne considérons pas ce nouveau type de tissu comme un vêtement, ni comme un vêtement à porter, mais comme une toute nouvelle zone. » Camille Benech, Google.

Ce qui est également intéressant dans le projet, c’est que si le tissu reste le même, l’application dédiée évolue en fonction de l’usage qu’on en fait. C’est un véritable pas en avant innovant :

pour la toute première fois dans la mode, les nouvelles d’applications conditionnent l’usage d’un vêtement donné. En conséquence, de nouvelles versions et de nouvelles fonctionnalités enrichissent continuellement la fonctionnalité du vêtement, avec des usages adaptés aux besoins des utilisateurs.

Pour le reste, Google donne vraiment toute sa puissance aux marques, puisque ce sont elles qui ont le savoir-faire pour créer et vendre des vêtements (puisque la grande entreprise technologique n’a pas les compétences en matière de goûts, de conception et de procédés de fabrication). L’expérience a le mérite de montrer qu’il est important que chaque acteur s’en tienne à ce qu’il fait de bien, de collaborer en tant que spécialiste pour que le partenariat se concrétise. Néanmoins, la présence d’acteurs aussi importants pourrait s’accompagner d’effets potentiellement désastreux susceptibles d’entraver les concurrents de plus petite taille : « Je considère que cette veste (la veste Google, ndlr) est à double tranchant pour les investisseurs et les entrepreneurs : d’une part, si elle devient très populaire, on peut ouvrir un nouveau marché pour la technologie Wearable, mais d’autre part, je sais que, pour que les petites marques puissent produire cette veste, il faudrait qu’elles la vendent au double du prix pour avoir un retour sur investissement. Ces prix (350 $) pourraient chasser les petits entrepreneurs du marché. Cependant, l’industrie créative a une culture de l’innovation en ce moment, alors peut-être que les entrepreneurs seraient capables d’innover avec les matériaux et la production d’une manière nouvelle, et de produire des vêtements portables à un prix moins élevé. » Bradley Quinn (EIRL Bradley Quinn)

Enfin, l’une des plus grandes opportunités pour le vêtement Wearable pourrait être dans la fusion existante entre le monde culturel et la mode : le monde de l’art et l’industrie de la musique sont des secteurs intéressants pour lancer le Wearable. Ils donnent une autre dimension aux produits Wearable en les mettant en avant de manière artistique, sur scène par exemple. Une belle opportunité pour Paris, compte tenu de son statut très particulier dans le monde de l’Art et de la Mode.

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