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EL MOUNTADA FORUM LA sécURiTé ALiMENTAiRE EN ALgéRiE M. slimane BEDRANi Professeur en sciences économiques INSTITUT NATIONAL D’ETUDES DE STRATEGIE GLOBALE 3(2015)

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EL MOUNTADA FORUM

LA sécURiTé ALiMENTAiRE EN ALgéRiE

M. slimane BEDRANiProfesseur en sciences économiques

INSTITUT NATIONAL D’ETUDES DE STRATEGIE GLOBALE 3(2015)

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L'Institut National d'Etudes de Stratégie Globale (INESG) est uneinstitution de l'Etat algérien, placée auprès de la Présidence de laRépublique.

Créé par Décret n°84.398 du 24 décembre 1984, l'INESG bénéficiedu soutien de la plus haute institution de l'Etat algérien pour pro-mouvoir ses activités. Il le fait avec une totale autonomie deréflexion en associant, de la façon la plus large possible, l'expertisealgérienne.

Route les Vergers, BP 137 Birkhadem - Alger ISSN 1112 - 6035

INSTITUT NATIONAL D’ETUDES DE STRATEGIE GLOBALE

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LA SéCURITé ALImENTAIRE EN ALGéRIE

LA sécURiTé ALiMENTAiRE EN ALgéRiE

M. slimane BEDRANi

TABLE DEs MATiEREs

1. De quoi parle-t-on ? Quelques définitions. . . . . . . . . . . . . . . . . 2. La sécurité alimentaire : un enjeu majeur. . . . . . . . . . . . . . . . . 3. Comment a évolué la situation alimentaire en Algérie ? . . . . . . 4. Comment améliorer le niveau de sécurité alimentaire ?. . . . . . . 5. Les politiques agricoles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

5.1. La politique en matière de recherche scientifique et technologique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

5.2. La politique de formation et de vulgarisation . . . . . . . . . 5.3. La politique de vulgarisation . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . 5.4. La politique foncière . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.5. La politique en matière d'intrants et d'équipement . . . . . 5.6. La politique de financement de l'agriculture. . . . . . . . . . .5.7. La politique des prix à la production . . . . . . . . . . . . . . . . 5.8. Le financement bancaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5.9. La politique en matière de commercialisation . . . . . . . . . 5.10. La politique en matière de commerce extérieur

agricole et alimentaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Débat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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LA sécURiTé ALiMENTAiRE EN ALgéRiE1

M. slimane BEDRANi2

Je remercie la direction de l'INESG de medonner cette occasion d’exprimer monpoint de vue sur la question de la sécuritéalimentaire en Algérie.

mon exposé comportera quatre points

Le premier point portera sur les définitions des concepts desécurité et de souveraineté alimentaire ;Dans le deuxième point, je dirai en quoi la sécurité alimentaireest un enjeu majeur pour le pays ;Dans le troisième point, je montrerai comment a évolué la situa-tion alimentaire de l'Algérie depuis les années soixante ;Dans le quatrième point, je donnerai mon point de vue sur com-ment réorienter les politiques agricoles pour améliorer notreniveau de sécurité alimentaire.

Je conclurai en insistant sur trois points qui me paraissent fonda-mentaux pour la sécurité alimentaire future de notre pays.

1. De quoi parle-t-on ? Quelques définitions

Il faut rappeler et cerner convenablement le contenu des concepts etdes notions couramment utilisées quand il s'agit d'alimentation : sécu-rité alimentaire, auto suffisance alimentaire, souveraineté alimentaire.

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LA SéCURITé ALImENTAIRE EN ALGéRIE

Conférence donnée à l'INESG le 29 mars 2015.m. Slimane Bedrani est Docteur en sciences économiques. Il a été professeur ensciences économiques à l’Université d’Alger et directeur du CREAD. Il enseigneactuellement à l’Ecole Nationale Supérieure d’Agronomie (ENSA) ex. INA etdirecteur de recherche au CREAD.

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Au Sommet mondial de l’alimentation organisé par la FAO en 1996,un consensus a été trouvé sur la définition de la sécurité alimentaire.Celle-ci « est assurée quand toutes les personnes, en tout temps, ont

économiquement, socialement et physiquement accès à une alimenta-

tion suffisante, sûre et nutritive qui satisfait leurs besoins nutritionnels

et leurs préférences alimentaires pour leur permettre de mener une vie

active et saine ».Comme le note la FAO (2006), la sécurité alimentaire implique

donc :

La disponibilité d'aliments « en quantité suffisante et d’une

qualité appropriée », cette disponibilité provenant indifférem-ment de la production nationale et/ou des importations;

L'accès à la nourriture de tous les habitants d'un pays, cetaccès pouvant être obtenu par différents moyens (achat, autoproduction, aide alimentaire);

L’utilisation de la nourriture « dans le cadre d’une diète adé-

quate, d’eau potable, d’assainissement et des soins de santé de

façon à obtenir un état de bien-être nutritionnel qui permette de

satisfaire tous les besoins physiologiques. Tous ces éléments

soulignent le rôle des facteurs non alimentaires dans la sécurité

alimentaire » ;

La stabilité de l'accès à la nourriture, c'est-à-dire la perma-nence de cet accès (absence de rupture dans l'approvisionne-ment, quelle que soit la cause de la rupture éventuelle).

On notera que la sécurité alimentaire n'implique pas l'autosuffi-

sance alimentaire, notion qui signifie que l'alimentation ne provient

que de la production locale.

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La souveraineté alimentaire est un concept complémentaire àcelui de sécurité alimentaire. Inventé en 1996 par ViaCampesina (« Voie paysanne ») (mouvement international depetits et moyens paysans), ce concept revendique le droit pourun Etat de protéger son agriculture contre la concurrence despays exportateurs de produits agricoles à bas prix, concurrencequi lèse les producteurs locaux (lesquels ont des coûts de pro-duction plus élevés). Par exemple, même si on ne craint pas demanquer de devises pour assurer la sécurité alimentaire, il vautmieux essayer de s’auto suffire le plus possible. Si, par exemple,la consommation d'un pays est 100, qu’il ne produit que 30actuellement et que ses ressources en devises lui permettent decouvrir les 70 restants alors qu’il peut encore produire 20 à descoûts compétitifs, il vaut mieux qu'il s’efforce de produire ces20, ce qui lui permettrait de n’importer que 50. Par la suite, cepays peut décider pour une question de souveraineté alimentairede produire 30 de plus à des coûts supérieurs aux cours mon-diaux en protégeant son marché. On aurait ainsi une productionlocale de 80 et des importations de 20.

La souveraineté alimentaire implique donc de rejeter la libé-ralisation intégrale du commerce agricole et donc l'adhésion àl'OmC aux conditions imposées par les pays agro exportateursde l'OCDE.

2. La sécurité alimentaire : un enjeu majeur

La sécurité alimentaire est un enjeu majeur parce que, fondamenta-lement, elle conditionne le niveau et le rythme du développement glo-bal d'un pays. Une population en sécurité alimentaire signifie :

Que la force de travail disponible est en bonne santé et donc peutatteindre un bon niveau de productivité ;Que la pauvreté absolue (la situation dans laquelle un individun’est pas capable de subvenir à ses besoins primaires) a été

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L’EmPLOI EN ALGERIE :ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

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vaincue et que, donc, les citoyens disposent d'un pouvoir d'achatqui leur permet d'acquérir un minimum de biens industriels et deservices pour soutenir le développement de tous les secteurs éco-nomiques.

La sécurité alimentaire est d'autant plus un enjeu majeur si elle s'ap-puie principalement sur la production locale d'aliments. En effet, la pro-duction locale d'aliments permet d'une part d'affecter plus de ressourcesen devises à l'importation de biens d'équipement, matières premières etdemi produits nécessaires au développement, d'autre part de renforcerla capacité de négociation internationale d'un pays. Un pays qui qué-mande sa nourriture n'a pas le même « bargaining power » qu'un paysen sécurité alimentaire.

3. comment a évolué la situation alimentaire en Algérie ?

Bien que les données disponibles soient d'une fiabilité incertaine, onpeut dire qu'en moyenne, la situation s'est nettement améliorée au coursdu dernier demi-siècle à la fois sur le plan quantitatif et sur le plan qua-litatif.

Sur le plan quantitatif, la ration alimentaire par tête d'habitant –exprimée en calories – a presque doublé entre les années soixante et lesannées deux mille (cf. tableau 1). Avec 3 112 Kcal, elle est légèrementinférieure à celle de la France (3 524 Kcal) ou de l'Espagne (3 183Kcal) en 2011.

Sur le plan qualitatif, les progrès ont été encore plus importants. Laration en protéines totales a presque doublé (cf. tableau 2) et la rationen protéines animales presque triplé (cf. tableau 3), même si – pour lesprotéines animales – on reste encore loin de la ration moyenne en 2011en France (71 g/tête/jour contre 22,8 g/tête/jour en Algérie) ou enEspagne (65,2 g/tête/jour).

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On notera que la comparaison avec le maroc et la Tunisie montreque l'Algérien moyen est un peu moins bien nourri que le marocain etle Tunisien : il consomme légèrement moins de calories et moins deprotéines totales, la part des protéines animales étant très voisines dansles trois pays.

L’EmPLOI EN ALGERIE :ETAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES

source : Calculs effectués sur les chiffres de la base de données de la FAO.

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Source : Calculs effectués sur les chiffres de la base de données de la FAO.

Source : Calculs effectués sur les chiffres de la base de données de la FAO.

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LA SéCURITé ALImENTAIRE EN ALGéRIE

Ces bonnes performances concernent l'Algérien moyen. Elles n'em-pêchent pas que l'Algérie compte en 2011, d'après la FAO, 5,1 % de sapopulation en état de sous alimentation, que 32 % des enfants de moinsde cinq ans présentent une anémie à la même date, que 15,9 % de cesmêmes enfants présentent un retard de croissance, 15,7 % une carenceen vitamine A, alors que 17,5 % des adultes sont en sur poids (obèses)(FAO; 2012).

mais encore faut-il souligner que l'amélioration constatée s'est réali-sée grâce à une forte hausse des importations alimentaires, hausse noncompensée par une hausse significative des exportations agricoles. Eneffet, les calculs faits grâce aux données de la FAO montrent quel'Algérie importait, en moyenne annuelle respectivement sur la période1963-1967 et sur la période 2007-2011, 32 % et 84 % des caloriesconsommées. La part des importations dans les disponibilités de blés aplus que doublé en moyenne annuelle entre les périodes 1963-1967 et2006-2010, celles des céréales totales a été multipliée par 2,6, celle delégumes secs par presque 8, celles de lait par 2,6, celle de l'huile parpresque 2. Il n'y a que pour les viandes que cette part est restée cons-tante et que pour les pommes de terre où elle a chuté pour être presquenulle en fin de période. La dépendance du pays s'est donc très fortementaggravée au cours du dernier demi-siècle, freinant ainsi le développe-ment économique global. En 2011, les importations alimentaires repré-sentent 20,8 % des importations totales en valeur, occupant le deuxiè-me poste de dépenses après l'ensemble « machines et moyens detransport » (37,2 %).

En conclusion, on peut dire que, globalement, le niveau de sécuritéalimentaire de l'Algérien moyen s'est très nettement amélioré au coursdu dernier demi-siècle. mais cela n'a été possible que grâce à la mannepétrolière. Qu'en sera-t-il quand celle-ci se tarira ? C'est l'un des princi-paux défis pour l'avenir.

4. comment améliorer le niveau de sécurité alimentaire ?

Si on admet d'une part le postulat qu'un pays – pour sauvegarder son

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indépendance – doit auto produire au moins un minimum de la nourri-ture de sa population, d'autre part que l'auto suffisance alimentaire estirréaliste sur le plan économique, la question qui se pose alors est cellede savoir où se situe ce minimum d'alimentation à produire ? Autrementdit, comment fixer le niveau de sécurité alimentaire à atteindre ? Endeçà de quel niveau notre souveraineté alimentaire est-elle menacée ?C'est une question qui n'a pas été posée jusqu'à maintenant. Il s'agit lad'un choix éminemment politique, choix qui nécessite donc un débat ausein de la société.

En attendant que ce débat ait lieu – et en espérant que quelques étu-des économiques seront lancées pour l'éclairer –, on peut, cependant,dire que l'Algérie est encore loin d'avoir réalisé toutes ses potentialitésagricoles. Ainsi, des progrès importants peuvent être faits pour aug-menter le niveau de sécurité alimentaire tout en étant compétitif parrapport au marché mondial. A titre d'exemple, les rendements de beau-coup de cultures – particulièrement celles en irriguées – restent encorefaibles par rapport à ce qui est atteint dans d'autres pays à conditions cli-matiques à peu près semblables ainsi que le montrent les tableaux 4 et 5.

NB. Les indices sont calculés sur la moyenne des rendements de 5 années (2007-2011)Source : Calculs effectués sur les chiffres de la base de données de la FAO.

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LA SéCURITé ALImENTAIRE EN ALGéRIE

NB. Les indices sont calculés sur la moyenne des rendements de 5 années (2007-2011)Source : Calculs effectués sur les chiffres de la base de données de la FAO.

Des politiques agricoles bien préparées et bien menées devront per-mettre de rattraper les retards en matière de rendements. De l'amont àl'aval du secteur agricole, bien des politiques mises en œuvre jusqu'àmaintenant présentent des insuffisances et méritent donc une réorienta-tion. On va en examiner quelques unes.

5. Les politiques agricoles

5.1. La politique en matière de recherche scientifique et techno-logique dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation est tout àfait vitale pour le présent et le futur de l'agriculture. Cette politiquepourrait être améliorée au moins sur quatre points:

1. Augmenter en les équilibrant les ressources humaines et maté-rielles allouées ;

2. Inciter le ministère de l'Agriculture à intégrer dans sa politiqueles chercheurs des universités et des grandes écoles, qu'il ignore

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totalement jusqu'à maintenant, alors qu'ils constituent l'essentielde la communauté des chercheurs dans le domaine ;

3. Vu les moyens forcément limités, concentrer la recherche surdes objectifs prioritaires et mesurables dans le temps ;

4. Lancer vigoureusement la recherche dans le domaine du géniegénétique, recherche qui sera déterminante à l'avenir en matièred'agriculture et d'alimentation.

5.2. La politique de formation et de vulgarisation prépare les tra-vailleurs à améliorer leur productivité et la productivité de la terre. Lapolitique de la formation pour le secteur agricole a fait dans l'extensifet peu dans l'intensif. A tous les niveaux, la formation a souvent fourni– jusqu'à maintenant – une force de travail ayant acquis un savoirlivresque (et de plus approximatif) mais peu opérationnel. La cause enest principalement le faible niveau des enseignants à quoi s'ajoute unefaible incitation de ces derniers à l'auto formation pour améliorer leursconnaissances.

5.3. La politique de vulgarisation – qui est pourtant importante,parce qu'elle agit directement au niveau des agriculteurs – s'est vueaccorder peu d'intérêt si on en croît la faiblesse du budget qui lui estalloué dans les budgets du ministère de l'Agriculture. La faiblesse de laformation des vulgarisateurs, leur manque fréquent d'expérience et lemanque de moyens mis à leur disposition, tout cela ajouté à un manquepermanent d'évaluation objective de leurs activités fait que la vulgari-sation ne touche que très peu les producteurs agricoles.

5.4. La politique foncière a été longtemps hésitante, donc marquéepar un certain immobilisme. Elle ne s'est jamais prononcée clairementsur le type d'exploitation agricole à promouvoir (« exploitation familia-le patronale » ou « agriculture familiale d'entreprise » ou entrepriseagricole, par exemple). Elle n'a pas sécurisé les exploitants agricolessurtout dans le secteur agricole d'Etat, mais aussi dans le secteur agri-cole privé. Beaucoup de terres restent encore non titrées, et beaucouprestent en indivision, ce qui ne favorise pas l'investissement agricole.Le statut des terres de parcours ne favorise pas leur exploitation durable.

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5.5. La politique en matière d'intrants et d'équipement de l'agriculturedevrait favoriser davantage la production locale et l'utilisation de« biens de productivité ». Or, en ce domaine, la production locale resteminime que ce soit en matériels agricoles (planteuses et arracheuses depommes de terre, semoirs pour semis direct, tracteurs, moissonneusesbatteuses, matériels pour l'irrigation, …), en semences (celle de pom-mes de terre, par exemple, n'a jamais vraiment démarré), en plants frui-tiers et même en engrais en dépit de l'existence d'une industrie localedes engrais). Les génisses pleines sont importées à grands frais pourfinir précocement à l'abattoir alors qu'on pourrait facilement les pro-duire localement. L'intrant « eau » a connu une utilisation élargie, maisson utilisation économe n'a pas été suffisamment encouragée. Vu qu'onla produit à un coût élevé par le dessalement, le pays y gagnerait en sub-ventionnant même à 100 % les systèmes d'irrigation localisée.

5.6. La politique de financement de l'agriculture est une sourceincontournable pour se faire une idée des efforts consentis par l'Etat enfaveur de l'agriculture et donc de sa volonté de diminuer la dépendan-ce alimentaire. Le financement public concerne les infrastructurespubliques destinées à l'agriculture (budget d'équipement), le fonction-nement de l'administration agricole (budget de fonctionnement) et lessubventions consenties aux agriculteurs, à certaines entreprisespubliques (GCA, PRODA, …) et privées (dans les IAA surtout).L'opacité voulue qui entoure les consommations effectives et les desti-nataires de ce financement laisse présager son utilisation à la fois rela-tivement inefficiente et inefficace. En outre, on peut estimer que les res-sources financières affectées par l'Etat à l'agriculture ont toujours étérelativement modestes par rapport à l'importance économique et socia-le du secteur et, surtout, par rapport aux risques considérables que pren-nent les agriculteurs pour produire la nourriture de la population.Heureusement, que la modestie de l'effort de l'Etat en matière de finan-cement est quelque peu compensée par l'exemption de la fiscalité sur lerevenu dont ont toujours bénéficié les agriculteurs.

5.7. La politique des prix à la production ne concerne que la pro-duction des céréales, du lait de vache et de la tomate industrielle dont

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les prix sont soutenus. Toutefois, on peut se poser la question de savoirs'il est souhaitable et raisonnable – du point de vue du développementéconomique – de maintenir des prix à la consommation aussi bas – quin'ont rien à voir avec les coûts de production – pour le pain et le lait.Pourtant il est largement admis que cela favorise plus les ménages aisésque les ménages pauvres.

5.8. Le financement bancaire de l'agriculture : on sait que touteéconomie moderne ne peut se développer que grâce au crédit bancaire.Ce crédit a toujours été marginal malgré la bonification des taux d'inté-rêt par l'Etat. Le taux de bancarisation des agriculteurs a toujours étéinsignifiant et continue de l'être. Les pouvoirs publics n'ont pas suconcevoir et mettre en place des procédures efficaces en la matière poursatisfaire à la fois les banques et les agriculteurs.

5.9. La politique en matière de commercialisation des produitsagricoles doit s'efforcer d'organiser les marchés agricoles pour les ren-dre aussi transparents que possible dans l'intérêt à la fois des produc-teurs et des consommateurs. Force est de constater que, malgré lesdépenses de l'Etat pour la réalisation des marchés de gros de fruits etlégumes, ces derniers continuent de fonctionner de façon non concur-rentielle. Quant aux marchés de bestiaux, aucune action n'a jamais étéentreprise par les pouvoirs publics pour les rendre transparents. Cetteabsence de contrôle des marchés par la puissance publique – dont lerôle est pourtant d'assurer un fonctionnement concurrentiel des marchés– fait que les marges des commerçants accaparent souvent une partexorbitante de la valeur des produits agricoles, ne laissant aux produc-teurs que des marges insuffisantes pour subvenir à leurs besoins deconsommation et au renouvellement de leurs moyens de production.

5.10. La politique en matière de commerce extérieur agricole etalimentaire a relativement bien protégé les producteurs algériens grâceà des tarifs douaniers appropriés, sauf pour les blés, le maïs, le lait etles animaux reproducteurs de race pure. Pour ces deux derniers produits,les prix à la production garantis par l'Etat ont, cependant, relativement limité leseffets négatifs de la concurrence étrangère sur la production nationale.

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LA SéCURITé ALImENTAIRE EN ALGéRIE

Je ne voudrais pas finir cet exposé sans attirer votre attention surtrois points qui me semblent fondamentaux.

Le premier point porte sur l'importance décisive de l'administrationagricole dans la conception et l'exécution des politiques agricoles.Aucune politique agricole ne saurait réussir sans des fonctionnairescompétents et motivés. Or, si notre administration agricole recèle beau-coup de compétences, celles-ci ne sont pas toujours aux postes de com-mandes et, surtout, tous ces fonctionnaires manquent beaucoup demotivations pour donner le meilleur d'eux-mêmes. Par exemple, com-ment se fait-il que les données de base sur l'agriculture (superficies,cheptels, rendements, approvisionnements, main d'œuvre, …), malgréles effectifs nombreux – pour ne pas dire pléthoriques – de l'adminis-tration agricole, soient inexistantes ou si peu fiables ? Pourtant, l'éva-luation de politiques agricoles et rurales efficaces dépend d'une évalua-tion correcte de la situation, de l'existence d'un tableau de bord à ladisposition des responsables agricoles qui leur donne les indicateursdes performances de leur secteur à des moments donnés ou sur despériodes données.

Le deuxième point porte sur le fait que la sécurité alimentaire estindissociable du développement économique global. La question de lasécurité alimentaire ne concerne pas que le secteur agricole mais l’en-semble de l’économie. Si le pays veut une agriculture prospère quicontribue au mieux à la sécurité alimentaire et à la souveraineté ali-mentaire, il doit aussi avoir une industrie, des services et des sources definancement qui répondent au mieux aux besoins de l’agriculture, desagriculteurs et du milieu rural. Sans une économie nationale suffisam-ment intégrée, il ne saurait y avoir ni sécurité ni souveraineté alimen-taires durables. On ne peut pas demander au secteur agricole d'être per-formant si les autres secteurs ne suivent pas.

Dans le troisième point, je voudrais souligner que l'évaluationobjective, périodique et régulière des politiques menées est une condi-tion essentielle de la bonne gouvernance du secteur agricole (ou de toutautre secteur). Savoir à temps le niveau d'atteinte des objectifs et les

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coûts est nécessaire à une bonne gestion des ressources publiques. Cetteévaluation n'est possible que si la politique se fixe des objectifs clairset mesurables. Or, cela n'a presque jamais été le cas. Au départ desactions, ni objectifs clairs ni coûts ne sont annoncés. A la fin desactions, on ne s'interroge que très rarement sur l'efficacité (dans quellemeure les objectifs ont été atteints ?) et l'efficience de ces actions (lesobjectifs ont-ils été atteints au moindre coût ?). Certes, la sécurité s'at-teint par une plus grande production de nourriture localement, mais elles'atteint d'autant plus facilement que les ressources financières du payssont bien employées. Gaspiller des ressources en devises, en ce sens,c'est diminuer la capacité du pays à assurer de façon pérenne sa sécuri-té alimentaire.

Références

FAO, 2012. The state of Food and Agriculture.FAO, Rome.

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LA SéCURITé ALImENTAIRE EN ALGéRIE

DEBAT

Premier intervenant

Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il y a eu beaucoup dedispersions. mais il y a quand même aussi beaucoup de choses qui ontété réalisées, et je pense par exemple aux Programmes nationaux derecherche (PNR) qui sont mentionnés dans la loi, tels le PNR1« Agriculture, alimentation, forêts, espaces naturels et ruraux » ; lePNR 14 « Biotechnologie » ; le PNR 27 « Economie » ; le PNR 18« Santé » ; le PNR 34 « Développement des régions arides et semi-ari-

des, montagneuses et lutte contre la désertification »… Il y a des PNR,où le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (mADR) afortement contribué, même du point de vue de la réflexion des domai-nes acceptables. mais le ministère ne peut pas s’appuyer uniquementsur l’INRA, il est obligé de s’appuyer – et c’est cela sa mission – surl’ensemble des capacités, des enseignants-chercheurs des Ecoles prépa-ratoires en Sciences et techniques (EPST), sous différentes tutelles etnotamment celles qui sont sous tutelle de l’Enseignement supérieur etde la recherche scientifique. Dans les derniers avis d’appels d’offre, parexemple, il y a eu 164 projets dans lesquels nous avons été partenaires,dont 75 projets sont portés entièrement par le mADR. Nous avons desproblèmes dans l’intensification, du point de vue des rendements, dudéveloppement rural, des changements climatiques. Donc on a essayéde contribuer à déjà poser les bonnes questions de manière à ce que çasoit pris en charge, ce qui a été fait dans le cadre des différentes confé-rences. Le problème existe même dans l’évaluation. En réalité, celaétait du saupoudrage, là, où je pense qu’un effort devait être fait, je faisallusion ici à la valorisation des 5 000 projets.

J’ai lu personnellement les 5000 projets pour essayer de voir parmiles projets, quels étaient les compétences et les résultats qui pourraientnous intéresser. Vous avez dans des PNR, y compris dans « Traduction »,« Culture », « Anthropologie », ceux qui intéressent le ministère del’Agriculture. Quand vous avez des enseignants-chercheurs qui tra-vaillent sur les sites archéologiques, on peut se poser la question :

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« Quel rapport peut-il bien y avoir entre l’agriculture et ce domaine ? ».mais l’agriculture a la politique du développement rural, du renouveaurural, qui comprend tout ce qui est valorisation du patrimoine et maté-riel et immatériel rural. Or, on peut mener dans les Projets de proximi-té de développement rural intégré (PPDRI), il y a le « I », ce n’est pasle ministère de l’Agriculture, c’est en intégré. Vous avez dit que nousdevions être dans l’intégration. Et là c’est vrai que c’était un élémentfaible des PPDRI. C’est ce manque d’intégration des autres secteurs.Nous ne pouvons pas faire cavalier seul. Nous devons travailler avec leministère des Ressources en Eau, le ministère de la Pêche, quand ils’agit des zones côtières, le ministère des Travaux publics, etc.

Vous avez dit que le mADR n’a pas fait appel aux enseignants-cher-cheurs. Je tiens à vous faire savoir qu’à chaque fois qu’on ouvre un dos-sier, notamment sur l’agro-écologie, on fait appel à des enseignants del’Université de Tizi Ouzou, de Blida, de l’ENSA, du Centre de recher-che scientifique et technique sur les régions arides (CRSTRA), pour lasimple raison que nous n’avons pas les compétences suffisantes pourouvrir de tels dossiers ; nous sommes très peu. Nous ne pouvons pasd’ailleurs couvrir tout le champ de l’expertise nécessaire. Nous n’avonspas mis encore la mécanique. Dans des conférences, on invite des gensau niveau du ministère, le débat est fait avec l’Agence nationale de lavalorisation, de la rechercher scientifique et du développement techno-logique notamment pour faire ressortir les outputs des 5000 projetspour que l’on puisse faire bénéficier les ministères des différentesvisions.

Deuxième intervenant

En donnant la définition de la sécurité alimentaire de la FAO, vousavez insisté sur trois points essentiels :

1. La disponibilité des aliments ;2. L'accès à la nourriture ; 3. La stabilité de l'accès à la nourriture.

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Je pense qu’il y a à propos de ces trois grandes problématiques deuxgrandes menaces, deux grands problèmes qui se posent en ce quiconcerne la sécurité alimentaire pour notre pays.

1. La première menace vient de la facture alimentaire : si l’on parledu point de vue macro. Actuellement, nous savons tous qu’elle se situeà environ 12 milliards de dollars. 5 à 6 milliards pour les céréales ; 1,5milliard pour le lait ; 1,5 milliard pour l’huile, 1,5 milliard pour lesucre ; le reste pour tout ce qui est intrants : semences, café...

Cette facture était seulement de 200 millions de dollars en 1970 etde 2 à 2,5 milliards entre 1999 et 2002. Actuellement, elle est de 12milliards de dollars. Je vous cite à titre d’exemple un produit hautementstratégique : la poudre de lait. Elle coutait 200 dollars en 1970, elle sevend actuellement à 3000 dollars. Regardez un peu cette montée expo-nentielle des matières premières importées.

La facture alimentaire se situe donc actuellement à 12 milliards dedollars, et nous risquons d’atteindre en 2017, les 15 milliards, et certai-nement en 2020, les 20 milliards de dollars. C’est la tendance arithmé-tique. La question qui nous vient à l’esprit : est-ce que notre pays a lesmoyens d’allouer 15 milliards de dollars en 2017, et 20 milliards dedollars d’ici 2020, sachant que la facture alimentaire est dépendante duprix du baril de pétrole ? Nous allons avoir des recettes de 12 milliardsde dollars, peut-on destiner 15 milliards sur les 70 milliards dedollars ? C’est intenable. Ceci est la première grande menace.

2. La seconde menace vient de l’accessibilité : 70% de la populationactive touche moins de 30 000 dinars par mois. Est-ce que tout lemonde peut se permettre d’acheter la nourriture ? Voilà les deux gran-des menaces que je voudrais soulever.

Troisième intervenant

La part de responsabilité des faiblesses est multisectorielle et n’in-combe pas uniquement le secteur de l’agriculture. On est tous concer-

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né par la situation de notre dépendance alimentaire. Et je suis tout à faitd’accord avec vous que le moment est venu pour voir plus clair et pren-dre les bonnes décisions, parce que nous sommes à un carrefour trèscritique pour l’Algérie. Nous sommes dans une période où il y a uneévolution négative du prix du baril de pétrole, comme nous sommesaussi menacés par l’extinction de cette ressource naturelle à la sourcemême, et nous sommes même dans une période d’ébullition écolo-gique, géopolitique et économique à travers le monde entier et peut-êtredans la région qui nous préoccupe en particulier. Ce qui m’amène àposer les questions suivantes :

Quelle agriculture devons-nous faire ? Quelle agriculture pouvons-nous faire si on veut assurer la sécu-rité alimentaire ? Faut-il vraiment mettre le paquet sur les spéculations de base denotre population ?

Prenons l’exemple des céréales. Il faut vraiment être inconscientpour dire qu’on va produire à 100% nos besoins en céréales. même sion y met tout le paquet sur la technicité, parce qu’il nous faut aussiassurer les rendements, étendre les superficies, aider le secteur qui acette charge. mais, à mon avis, nous avons des chances qui nous échap-pent, si je prends uniquement le paramètre climatique. Donc il y a aussides choses qu’il faut se tracer dans sa stratégie, déceler les risqueséventuels. même si on met toute la compétence des ressources humai-nes, des moyens, il y a des facteurs qui dépassent l’homme.

Je me pose la question : est-ce que mon pays a intérêt de s’obstinerà faire des céréales partout, même là où la ressource en eau est fossileet non renouvelable ? Est-ce qu’elles ne reviennent pas plus chères ? Etn’est-il pas préférable de l’importer dans ce cas ? D’un autre côté, je medis : est-ce que mon pays a le droit de prendre le risque de soumettre sapopulation au risque des marchés mondiaux sur ces aliments ? Surtoutque maintenant il y a une autre vision du coût énergétique, un détour-nement de certaines denrées alimentaires pour la fabrication d’énergie,etc. ?

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Par moment, je me dis peut-être qu’on peut continuer à faire desefforts pour produire mieux nos céréales, améliorer la production ani-male, faire mieux en lait, en légumes secs, au moins ces denrées de basequi assurent un minimum de protéines et d’aliments équilibrés pournotre population. mais à côté de cela, essayer de mettre le paquet aussisur certaines spéculations où l’Algérie a déjà des potentialités naturel-les, et aussi des compétences, des savoir-faire. Parce que sécurité ali-mentaire ne signifie pas – m. Bedrani l’a très bien dit – produire toutsur place à 100% ; produire ce que nous pouvons ; équilibrer notrebalance import/export, à condition qu’elle ne soit pas trop gérée par desexportations réfléchies et bien étudiées.

Je vais prendre un exemple tout simple : la datte. C’est un créneauoù l’Algérie peut exceller au niveau du marché mondial, mais malheu-reusement on n’est pas très bon en ce moment. Je le dis avec amertumeet avec tristesse. Quand je vois le prix de la datte. Déjà donner l’accèsà la population algérienne de manger des dattes, c’est une bonne partd’équilibre de la ration alimentaire. mais quand je vois le prix de ladatte sur le marché, je m’inquiète. Pour un pays, qui est l’un des pre-miers producteurs de la datte, je me demande si on ne va pas un journous importer de la datte en Algérie, car cela sera intéressant pour lesexportateurs de certains pays producteurs – à commencer par le paysvoisin – de vendre chez nous.

Ceci dit tant qu’on n’a pas tranché cette question, à mon avis, il estdifficile de dire qu’on va être opérationnel au niveau industriel, auniveau de la recherche. Je pense que dès le départ, il faut savoir ce quel’on veut faire. Si on veut arriver à 60% de nos besoins en céréales,quels sont les mécanismes ? Quels sont les moyens humains et maté-riels ? Quelles sont les recherches technologiques et scientifiques àmettre en œuvre ? Et là on fait réfléchir un groupe de personnes surcela. Je souhaite que les plus hautes autorités du pays disent que lesgens qui veulent participer aux programmes de recherche, doivents’inscrire dans cet objectif et pas autrement. Sinon on est en train deparler dans le vide, et on va refaire les mêmes choses. D’abord savoirce que nous voulons faire pour notre pays. moi, j’y crois, et je sais que

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si on voulait le faire, on pourrait y arriver. mais à condition, que leschoses soient inscrites dans un tableau de bord dès le départ.

M. slimane BEDRANi

Sur peut-être 100 PNR, on peut à peine trouver 3 ou 4 articlespubliables dans les revues scientifiques. Cela veut dire en définitif quela recherche qu’on fait est encore très très insuffisante sur le plan scien-tifique, et qu’il faut donc prendre cette affaire à bras le corps pour for-mer nos chercheurs, mais aussi pour les motiver. Partout les gens nesont pas motivés. Savez-vous qu’il y a des chercheurs depuis 10 ans,voire 15 ans et qui n’ont jamais publié un papier. Or un chercheur pardéfinition, c’est quelqu’un qui publie ses travaux de recherche. Si unchercheur ne publie pas, cela veut dire qu’il ne produit rien. J’ai essayéde charger un de mes étudiants de magister. Je lui ai dit : « Tu prends

l’INRA depuis 1962, et tu vas dans les bibliothèques et tu me trouves les

articles qui ont été publiés par les chercheurs de l’INRA depuis 1962

jusqu’à maintenant ». Je suis persuadé, qu’il n’a pas pu faire le travaille pauvre, pour la simple raison qu’il manquait de documentation, etqu’il n’y avait pas grand-chose.

Troisième intervenant

Et pourtant m. Bedrani, je m’excuse de vous interrompre, en 2012,la Direction générale de la recherche scientifique et de la technologie afait le point des publications scientifiques et techniques de tous les sec-teurs confondus. L’INRA est classé le premier dans le domaine agro-nomique.

M. slimane BEDRANi

1. La productivité scientifique

Vous avez complètement raison. Je ne dis pas que l’INRA n’a paspublié. J’attire votre attention sur le fait que la productivité des cher-cheurs est très faible. La productivité c’est quoi ? Le nombre d’articles

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publiés par un chercheur par an, 5 ans ou 10 ans. Il y a eu des publica-tions à l’INRA. mais quand on voit le nombre de publications et letemps qu’on a mis pour les faire, la productivité est extrêmement fai-ble. Et c’est là-dessus que je veux attirer l’attention, ce n’est pas surautre chose. Un ami qui avait occupé un poste de responsabilité auniveau de l’INRA avait recruté des chercheurs. Il ne leur donnait pas devéhicules pour aller sur le terrain. Je lui ai dit : « Mais, pourquoi tu

recrutes des chercheurs, alors que tu n’as pas les moyens de les faire

travailler sur le terrain. Ce n’est pas la peine de les recruter. Tu

gaspilles de l’argent inutilement ». Il m’a répondu : « Que veux-tu le

ministère des Finances ne veut pas nous donner de véhicules ». Donc,il ne donne pas de véhicules ; il ne donne pas de l’argent pour en loueréventuellement. A quoi cela sert alors ? Pourquoi recrutez-vous deschercheurs si vous ne leur donnez pas les moyens pour travailler ? C’estcela ce que je veux dire. Et je dis cela non pas par méchanceté ou parrancœur, mais simplement pour essayer de faire bouger les choses, etque l’on fasse des choses plus rationnelles.

Quand je dis le nombre d’articles publiés, je parle surtout de la pro-ductivité des chercheurs. Depuis un demi-siècle, je me demande com-bien les chercheurs de l’INRA ont produit de brevets de recherche. Cecidit au niveau de la recherche agronomique dans les universités, on n’apas produit davantage probablement.

2. Les coûts des importations et l’utilisation de la rente pétrolière

Pour ce qui concerne le problème des coûts inhérents aux importa-tions, et l’utilisation de la rente pétrolière je ne peux être que d’accordavec vous. Cela va être dramatique dans les années à venir.

3. L’accessibilité de la nourriture à des populations aux faibles revenus

Le problème ne se pose pas de façon aigue dans notre pays, parcequ’il ne faut pas oublier quand même qu’on est l’un des rares pays, oùle pain et le lait sont quasiment gratuits. 10 Da la baguette de pain et 25Da le sachet de lait : c’est à mon avis une politique suicidaire. maintenir

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le prix du lait et du pain à ce niveau-là c’est suicidaire pour notre payspour l’avenir, parce qu’on ne peut pas continuer comme cela ! Avecquoi allez-vous payer ? Il vaut mieux habituer les gens progressivementà payer le prix réels des choses; il ne faut pas le faire d’un seul coup ;ce serait un suicide. Le prix réel de la baguette de pain doit être proba-blement de 50 Da, si on compte tous les coûts de production.Actuellement, on la vend à 10 Da. Il faudrait qu’au bout de 5 ans parexemple, on arrive au prix réel du pain. Augmenter chaque année unpetit peu pour habituer les gens à payer le prix réel. La quantité de painqui est gaspillée, c’est faramineux.

Quatrième intervenant

Je suis d’accord pour le fait qu’il faut habituer les gens à payer leprix réel du pain. mais à condition qu’il y ait une communication clai-re du grand public. Ceci est un volet très important pour notre pays. Ilfaut que la communication soit empreinte d’un langage clair qui soitcompris par le monsieur lambda.

Pour revenir, maintenant à la recherche. Vous dites que la produc-tion est insignifiante. Il y a, à mon avis, quand même des brevets déci-sifs pour le secteur de l’agriculture. Or ce n’est pas ce même secteur quiest chargé de les mettre à l’œuvre, mais celui de l’industrie. Si certainsproduits de la recherche, qui sont vraiment utiles et qui ont été réfléchisavant leur élaboration, sont mis dans la chaîne de l’industrie, là je penseque c’est une façon qui va permettre de motiver le comité scientifique,parce qu’on nous fait souvent ce reproche en nous disant que tel ou telbrevet est en train de dormir. Nous avons dans notre centre une équipequi est très jeune et très dynamique. Au départ, on a mis les choses trèstrès claires, ainsi qu’une vision stratégique pour le pays, et d’ailleursvous avez participé à l’élaboration de cette stratégie. En moins de 10ans, on a eu des productions scientifiques extraordinaires. Cette année,on compte 16 articles publiés au niveau international, sans compter aucompter au niveau national, et un brevet d’innovation qui a obtenu le1er prix. Il s’agit d’un prototype d’une machine récolteuse de dattes.Une équipe travaille actuellement sur cela, et notamment sur le bras

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pollinisateur. Car l’Algérie a fait des efforts en matière de rajeunisse-ment du verger viniticole. On en avait besoin, car les anciens qui grim-paient les palmiers disparaissent peu à peu. Et donc le problème de relè-ve commence à se faire sentir. On a donc un problème de main d’œuv-re du point de vue des itinéraires techniques du palmier dattier. Nousattendons que ce produit soit industrialisé, parce que ce n’est pas denotre ressort en tant que comité scientifique. Et ceci n’est qu’un exem-ple parmi tant d’autres.

cinquième intervenant

Je suis d’accord quand mon prédécesseur parle de quelle agricultu-re nous voulons faire ? C’est très important. J’ai une autre vision de lachose. On discute avec les étudiants, avec les voisins, avec les gensautour de nous, avec les agriculteurs… La première des choses donttout le monde parle : c’est le gaspillage. Il y a un grand grand gaspilla-ge de pain déjà au niveau de l’individu. Ajouter à cela, la farine qui estvendue au boulanger est la même que celle qui est vendue au pâtissierau même prix, alors que le morceau de pâtisserie est vendu 10 à 20 foisplus. Je pense qu’il faut déjà commencer par le bas. Il est vrai que l’Etata fait et veut faire beaucoup de choses. mais si l’on n’a pas la volontéde la population à l’aval, on ne peut rien faire. Je pense que des cam-pagnes de vulgarisation comme on l’a fait pour l’eau du gaspillage danstoutes ses formes que ce soit le pain en premier, ensuite le lait. mêmele lait est gaspillé. Prenez par exemple les laitiers, ils vous proposent dulait de vache, mais en réalité, ils vendent du lait subventionné. Donc jepense que le travail de la sécurité alimentaire commence par la base, eton est capable de s’auto-satisfaire.

L’Etat doit aussi s’imposer. Grâce maintenant à toute la technologiedont on dispose, avec tous les outils d’investigation qui existent : latélédétection… Rien qu’avec Google map, on peut délimiter les terresqui sont capables d’être utilisées. Le problème est que, les seules terresagricoles qui sont au niveau de la mitidja, sont remplacées par dubéton, même pas pour la construction d’habitations, mais pour la cons-truction d’usines. La crainte dans tout cela, est-ce qu’on va manger bio

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dans 10 ans? Ne va-t-on pas finir par manger toutes ces OGm, qui sontimproductives pour le sol après 2 ou 3 années ? même l’irrigation quel’on fait, quelle goûte à goûte devons-nous faire et pour quel type de sol ? Cene sont pas tous les sols qui peuvent être arrosés au goûte à goûte.Donc, je le dis et le redis, il faut commencer par le bas. On a beau met-tre toutes les technologies du monde ; on a beau faire de la modélisa-tion, si le bas, c’est-à-dire la population ne fait pas avec, ne contribuepas, on ne pourra rien faire.

Par exemple, dans les années 80, on importait – rappelez-vous – desœufs. Il a fallu que l’Etat dise : « Non !! Il faut mettre un terme à tout

cela. ». Au final, il y a eu des œufs sur le marché à profusion. La volon-té doit venir d’en bas. Il faut donc des campagnes de vulgarisation pourinitier les gens au type d’agriculture que l’on veut faire.

M. slimane BEDRANi

Il n’y a pas d’histoire de sensibilisation ou de vulgarisation ; la seulefaçon de faire c’est les prix. Vous tapez sur les portes-monnaies, lesgens réagiront. Vous dites aux gens : « S’il vous plait arrêtez de

gaspiller le pain ». Vous n’aurez aucune réaction. Pour que les gensaient un comportement normal du point de vue gaspillage, c’est de ven-dre le pain à son prix réel tout simplement. Car si vous achetez le painà son prix réel, après libre à vous de le gaspillez, si vous voulez legaspiller. Il en est de même pour le lait.

sixième intervenant

Q1 : Une bonne promotion des industries alimentaires ne pourrait-elle pas booster l’agriculture en prenant en charge le surplus éventuel-lement et surtout gagner en valeur ajoutée ?

Q2 : La fameuse crise financière (2007-2008) a montré qu’il y a euun reflux de la spéculation sur les marchés boursiers agricoles qui ontpratiquement doublés, voire triplés, parce qu’il y a eu un transfert de laspéculation des produits pétroliers vers les produits agricoles, ce qui a

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donné au final une forte augmentation des prix. Cela a montré que dansl’avenir, il y aura toujours des prix qui ne vont pas dépendre seulementde la production mais aussi des spéculateurs au niveau international.Donc il y aura des prix qui vont évoluer, et qui vont dépendre non passeulement des producteurs, mais aussi des gens qui auront beaucoupd’argent dans la sphère financière qui vont spéculer sur ces produits.ma question est : comment éviter cela, sachant qu’il faudra avoir debons gestionnaires des marchés boursiers ?

septième intervenant

Compte tenu de la thématique, il faut aller vers un électrochocnational, parce que c’est une question stratégique de vie ou de mort : lasécurité alimentaire. Comment ? C’est par des débats publics. C’est lesdébats publics qui vont faire remonter toute l’expertise nationale, etaller vers ce débat qui nous touche dans notre survie.

Cartographier toutes les filières existantes et qui sont porteuses, tel-les la datte, l’huile d’olive, les figues, etc. dont l’agriculteur algérien aune connaissance. Ce qui va éviter de devoir le former, mais se conten-ter de faire des mises à jour par l’intervention d’une mécanisation,d’une technologie, de l’optimisation d’un transfert de technologie et desavoir faire. C’est surtout cette cartographie des filières existantes quinous manque. Parce que vouloir assurer toute la filière céréale/lait enun temps record, c’est impossible. Si chaque pays en développement àl’échelle macroéconomique apportait sa propre contribution. Sil’Algérie produisait 20% et si elle est appelée à produire 30 ou 40%, cesurplus de production pourrait jouer sur les fluctuations des prix inter-nationaux, et indirectement peut-être pousser à une baisse de cette pro-duction internationale. Et vis-à-vis des fluctuations des prix, les gran-des multinationales ne vont pas utiliser cette alimentation comme arme.Là on pourra plus ou moins rééquilibrer un peu les choses et aller peut-être vers des forums régionaux de la région mENA pour booster cetteproduction céréalière ou laitière ou dans les filières qui sont porteuses.

Pourquoi vouloir se compliquer la situation à vouloir développer du

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maïs, alors que je suis très connaisseur dans l’huile d’olive ? Parce ques’il faut prendre la cartographie algérienne, nous constatons que les dif-férentes régions : le Nord, les Hauts Plateaux et le Grand Sud ont cha-cune leurs propres caractéristiques. Et nous pouvons profiter de cettepluviométrie, qui a permis à l’Algérie de capter une certaine quantitéd’eau, parce que tout est lié. Parce que la sécurité alimentaire enAlgérie, ce n’est ni un débat du mERS et du mADR. C’est vrai que cesont les secteurs les plus en vue. mais je crois que c’est un débat natio-nal. Tant que les pouvoirs publics n’ont pas été touchés dans leur chai-re, c’est-à-dire par cette chute du pétrole ; tant qu’il y avait cette mannefinancière, on ne voyait pas l’intérêt d’aller vers une vision plus pous-sée. C’est vrai que nous n’avons pas une stratégie en matière d’agricul-ture. Et c’est pareil pour tous les secteurs. Il n’y a pas de vision stratégique.

Huitième intervenant

Je voudrais savoir quelles sont les causes réelles de la flambée duprix des légumes, et non parlons pas des fruits ? Comment l’Etat pour-rait intervenir pour mettre un terme à cette montée vertigineuse des prix ?

M. slimane BEDRANi

La flambée du prix des fruits et légumes

Pourquoi les gens veulent manger tous les produits toutes les sai-sons ? Si les gens mangeaient les produits de saison, les prix ne serontpas très élevés. En hivers, vous avez des carottes, des dattes… Pourquoivoulez-vous manger de la tomate à 50 Da le Kg ? Le producteur quiproduit de la tomate à Biskra, à El Oued ou à Adrar, il a des frais.Produire de la tomate en plein hiver, il faut des serres… Donc, le culti-vateur a des coûts supplémentaires de production, qui vont automati-quement se répercuter sur les prix. Comment voulez-vous que l’Etatintervienne ? Il faut qu’il habitue les gens à être raisonnables, c’est-à-dire à se comporter de façon rationnelle, en d’autres termes à les habi-tuer à consommer les produits de saison.

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Neuvième intervenant

Je suis parfaitement d’accord avec l’intervenant qui a donné leschiffres sur la croissance exponentielle de la facture alimentaire ; lasituation est en effet vraiment alarmante. Dans l’exercice quotidien demes tâches au sein du CNES, quand je vois que depuis des années lesecteur de l’agriculture fait une valeur ajoutée insignifiante, quand onvoit toutes les dépenses budgétaires en direction de ce secteur pour lebooster, pour le développer, je me dis qu’il y a quelque part quelquechose qui ne va pas. C’est à se demander s’il ne faut pas peut-être sup-primer les subventions ou qu’il faudrait les réorienter. Je pense que leproblème véritable de l’agriculture n’est pas inhérent à l’agriculture enelle-même, mais à la politique générale. Quand on regarde les autressecteurs du secteur économique de notre pays, il y a une absence tota-le d’intégration, d’intersectorialité. Là je ne dis pas que les secteurs netravaillent pas ensemble, ou qu’ils ne communiquent pas entre eux. Làje parle sur le terrain. Un intervenant a parlé des industries manufactu-rières. Il fut un temps où ces industries puisaient leurs matières pre-mières du secteur agricole algérien. maintenant cette industrie est entrain de disparaître, et est remplacée petit à petit par l’import.

Dixième intervenant

J’ai écouté m. Bedrani avec beaucoup d’intérêt, et là je constatequ’il y a un paradoxe. Quand je vois par exemple ce qui se passe en ter-mes de chiffres, de déclarations et le constat accablant qui a été fait, jeme dis que quelque part il y a un problème de fond.

J’ai écouté le ministre de l’Agriculture récemment dire qu’on a untaux de couverture de 70% ; j’ai lu par exemple que la Surface agrico-le utile (SAU) est actuellement de 1,5 million ha, dont 1 100 000 hasont irrigués ; la part du PIB est de 15% ; il y a quelque part des évolu-tions ; les taux sont à 15%. Donc quand je vois les chiffres, et le cons-tat, je me dis qu’il y a quelque part un problème de fond. Il y a bien deschiffres officiels fiables quelque part. Comment faire des politiques, sion n’a pas de chiffres ?

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Le drame c’est que la SAU algérienne est limitée, elle n’est pasextensible. Dans le Nord, il y a beaucoup de pressions : il y a les villes,l’activité urbaine. Par rapport à 2008, 40 000 hectares ont été urbanisés,et par rapport à 1962, 150 000 hectares. Il y a actuellement un besoincrucial de logements. Pour le Plan quinquennal, il n’y a pas d’assisefinancière. maintenant on demande 1000 hectares des terrains agrico-les, il en est de même à Oran et à Annaba. Que faire …? Et quelque partla SAU n’est pas renouvelable, parce que le gros se trouve au Nord.Pour ce qui est de la démographie, on est à 2,15. Chaque année, il y a1 million de personnes qui naissent. maintenant quel taux ? 15% c’estun chiffre ambitieux. Est-ce qu’on peut le réaliser ? Quelle est la partde l’agriculture dans ce taux ? Donc je pense qu’il y a des questions defond, pour lesquelles on ne peut pas répondre d’emblée, mais il fautessayer d’engager un débat national. Demain, on va être en déphasage.On doit s’inscrire dans la durabilité. Il y a les acteurs locaux qu’il fautprendre en considération. On doit donner un corps à ce schéma. Sinous, responsables de ministères, nous ne nous sentons pas responsa-bles de cette politique, c’est une coquille vide. Quand on essaye d’éva-luer, que va-t-on évaluer ? …

M. slimane BEDRANi

Un problème très important c’est celui de l’habitat et de l’urbanisa-tion. Depuis 20 ans, je répète la même chose, et depuis 20 ans, on conti-nue à faire la même politique. Comment se fait-il que dans un payscomme le notre, où la terre agricole est rare – seulement 3% de notreterritoire est agricole. On n’a qu’une seule mitidja – on se permet defaire de l’habitation horizontale, au lieu de l’habitation verticale, c’est-à-dire une urbanisation qui gaspille le sol. Théoriquement dans lamitidja, il ne devrait y avoir que des immeubles de 20 étages, si nonplus ; pourquoi ? parce qu’on n’a pas de terre. Toutes les terres qu’onpeut urbaniser dans la mitidja sont des terres agricoles. Qu’on le veuilleou non ! Cela veut dire que si on veut préserver ces terres, et donc pré-server la sécurité alimentaire, il faut construire en hauteur, et pas defaçon horizontale.

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Onzième intervenant

On a même accordé la construction d’une ville nouvelle à Bouinan.

M. slimane BEDRANi

Accorder une ville nouvelle n’est pas mauvais en soi. Je diraismême qu’on est obligé, parce qu’il y a la population qui augmente.mais à condition d’obliger les promoteurs de cette ville nouvelle àconstruire de façon verticale, pas en horizontale.

Douzième intervenant

Toutes les productions sont liées au circuit de commercialisation etde distribution. Il faut essayer de donner plus de visibilité à ce circuit,parce que la production est mise en vente en premier dans les marchésde gros. Au niveau de ces marchés, on peut avoir toutes les informa-tions par rapport à la disponibilité des produits. Ce sont donc des infor-mations qui peuvent être utiles pour la prise de décision.

Quand on a des produits qui sont mis à la première vente à 50 Da,mais qui arrivent à 100 Da chez le consommateur, cela veut dire qu’ily a 50 Da qui ont été utilisés par le producteur avec les coûts de pro-duction, et 50 Da qui ont atterri chez le commercial. Au vu de cetteconstatation, on remarque qu’il y a un problème de réinvestissement. Achaque fois, il faudra aider le producteur, parce qu’il n’arrive pas à s’ensortir. Donc ça déjà c’est une première problématique, parce que danstout secteur de production, il faut qu’il y ait un réinvestissement.

Pour assurer la sécurité alimentaire, on ne peut pas tout produire. Ilfaut donc cibler les produits qu’on peut produire par rapport à de gros-ses quantités et par rapport à une certaine qualité pour pouvoir lesexporter, et pénétrer autant que faire se peut les marchés extérieurs, carquand on fait dans le commerce international, il faut assurer une certai-ne continuité des marchés.

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EL mOUNTADA FORUm - 3(2015)

Treizième intervenant

Pour ce qui concerne les produits de la pêche, la sécurité alimentai-re connait les mêmes problèmes que ceux des fruits et légumes.Prenons le cas par exemple de la sardine qui se vend à 70 Da le kg enhivers, donc en dehors des saisons. La consommation, elle, a augmen-té, alors que la production de la pêche est limitée, parce qu’il faut queles stocks de se reproduisent. On peut puiser un certain ratio, mais ilfaut laisser les stocks se reproduire. D’où la politique actuelle du sec-teur de la pêche, c’est d’aller vers l’aquaculture, vers l’élevage pourcompenser le déficit de la pêche du poisson sauvage. A cela s’ajoutebien sûr le problème du circuit de la commercialisation.

Quatorzième intervenant

Je voudrais ajouter une petite précision qui se rapporte à la questionqui a été posée précédemment : « Quel type d’agriculture voulons-nous

faire ? ». Depuis 2008, il y a eu dans le précédent quinquennal qui n’estpas couvert dans la majorité par la présentation qui s’arrête à 2011. Il ya quand même au niveau du ministère de l’Agriculture des filières prio-ritaires, qui sont choisies sur la base de la ration alimentaire moyennede l’Algérien. Pourquoi il y a l’oléiculture, les céréales, les viandes rou-ges, le lait, etc. ?

Un des points aussi où nous voulons aller, c’est l’intégration.Pourquoi sommes-nous en train de déployer des efforts sur la collecte ? C’estpour avoir une intégration de plus en plus importante. D’un autre côté,il est question de la formation. Nous sommes en train de faire des auto-critiques. Nous sommes très loin d’être au niveau. Je pense que la véri-table question c’est la durabilité des systèmes de production sur les-quels nous devons travailler. Faire de la pomme de terre à El Oued,mais combien va-t-elle me coûter ? Quels problèmes de pollution etd’environnement va-t-elle me créer ? Parce qu’il y a de l’évolution pay-sanne. Il faut que les chercheurs se posent la question, parce qu’il y ades camions entiers de fumier qui viennent de Batna en particulier, parce qu’il ya l’aviculture. Les qualités sont différentes. Il faut qu’on évalue tout cela.

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LA SéCURITé ALImENTAIRE EN ALGéRIE

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Quinzième intervenant

Je voudrais attirer votre attention sur l’importance du volet assuran-ce, qui est un peu occulté dans cette table ronde. Il y a de grosses som-mes d’argent qui sont octroyées aux agriculteurs sous forme de sub-ventions ou de prêts bancaires. Comme vous l’avez si bien dit : « La

production agricole est dépendante du climat ». Dernièrement, lesintempéries ont causé d’énormes dégâts et donc des pertes importantesau secteur agricole. L’agriculteur peut se trouver du jour au lendemainsans ressources. C’est comme si la subvention qui lui a été allouée estpartie en fumée. Si on regarde l’expérience dans ce domaine de paysétrangers, tels que l’Italie ou le Canada, on remarque que le volet assu-rance a une très grande importance. L’Etat subventionne des assurancespour pérenniser l’activité agricole, et par voie de conséquence la sécu-rité alimentaire du pays.

seizième intervenant

Je m’étonne un peu comment on ne se pose pas la question : com-ment est-on passé de grenier de la métropole durant l’époque colonia-le à l’époque actuelle où c’est la France qui est devenue pratiquementparmi les plus grands fournisseurs de céréales ?

On parle de recherche de nouveaux horizons, de nouvelles superfi-cies pour la production agricole. Pour les régions nordiques dans le Tellou dans les Hautes plaines, nous savons bien que le meilleur rendementen matière de céréales est de 21 à 22 quintaux/hectare. Il y a eu desexpériences dans le Sud avec l’aspersion, il y a eu des projets qui ontété élaborés, où nous atteignons des rendements de 80 à 90quintaux/hectare. Si nous mobilisons à travers l’Algérie 1 milliond’hectares entre les Hautes plaines et le Sud. Il faut savoir chercher lesrégions qui sont les plus adaptées en matière de terrain et de puissanced’eau pour pouvoir faire de l’aspersion par pivot, nous pourrons peut-être combler tous nos besoins en matière de céréales, parce que tout àl’heure, il y a eu des quantifications disant que nous sommes à peu prèsà 12 milliards de dollars pour l’importation des céréales.

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EL mOUNTADA FORUm - 3(2015)

M. slimane BEDRANi

Pour la première question, je n’y répondrai pas, car elle nécessitetoute une conférence.

Pour ce qui est de la seconde question : réfléchissons un peu. Lescéréales c’est quand même l’une des productions du Nord de l’Algérie.C’est là où il pleut le plus. Donc il vaut mieux faire les céréales au Norden faisant des irrigations d’appoint, plutôt que de faire des céréales auSud, où l’eau est fossile, et coûte plus chère à l’extraction et à l’utilisa-tion. Donc, si j’étais ministre de l’Agriculture, je préférerais favoriserl’irrigation d’appoint au Nord. Pour les céréales cultures du Nord, jesubventionnerais les forages et du matériel d’irrigation, et demanderaisà ce que l’on me fasse du blé en irrigation d’appoint. Parce que l’irri-gation d’appoint consomme beaucoup moins d’eau que l’irrigationtotale. Puisqu’il y a la pluie, on n’irrigue que quand il ne pleut pas. Etje pense qu’en matière de blé, très franchement, nous pouvons nousauto suffire relativement rapidement. Vous savez que l’essentiel dupoulet que nous consommons est fait à base de maïs. On peut aussi, d’a-près les agronomes qui s’y connaissent, produire du maïs dans notrepays de façon relativement convenable pour au moins couvrir une par-tie de notre consommation de maïs.

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L’Institut National d’Etudes de Stratégie Globale (INESG) porte à laconnaissance des chercheurs universitaires, experts et spécialistes de lacréation d’une revue intitulée « Revue algérienne de prospective & d’é-

tudes stratégiques ».

Elle a pour but de servir de forum pour des analyses critiques et desréflexions portant sur les plans national, régional et international.

C’est une revue trimestrielle qui porte sur des domaines perçus à tra-vers nos réalités nationales et ses enjeux :

les relations internationales et sécurité de défense ;les stratégies de développement économique et social ;l’énergie, l’agriculture et l’environnement ; l’évolution des institutions publiques et la transformationdes systèmes institutionnels ;le développement culturel et éducatif ;la communication ;le développement technologique.

Tous les chercheurs intéressés par l’une des thématiques citées ci-dessus sont invités à proposer leurs contributions sous forme d’articlesen tenant compte des conditions suivantes :

les contributions devront être originales, et n’avoir fait l’objet d’aucune autre publication ;l’article comporte entre 6000 et 9000 mots, soit entre 9 et 14pages; la page de garde comporte le titre de l’article et sous-titre sinécessaire, le (s) nom (s) de (ou des) l’auteurs, ses (leurs) fonc-tions et ses (leurs) coordonnées (adresses postales personnelle etprofessionnelle, téléphone, adresse électronique) ; la deuxième page comporte le résumés et les mots-clés(français et anglais);

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les articles en arabe devront comporter des résumés et des mots-clés (arabe et français ou anglais) ;les textes écrits au format Word en lettres latines, le corps du texte doit être saisi au format A4, (21 x 29,7cm) paginé, justifié,police de caractères Times New Roman 11, en interligne simple,sans espacement, marge 2,5 cm (haut, bas, droite, gauche) ; les textes écrits en arabe devront être rédigés en arabic simplified 14 ;les notes doivent figurer en bas de chaque page dans l’ordre1, 2, 3, etc., (leur numérotation doit être continue pour l’ensem-ble du texte) avec un caractère Times New Roman 9 pour lestextes écrits en latin et arabic simplified 12 pour les textes écritsen arabe ; les schémas, graphiques et tableaux doivent être numérotés, comporter un titre et la référence à une source si nécessaire et intégrés dans le texte les références bibliographiques à la suite

du texte, classées par ordre alphabétique, doivent être présentéessuivant la norme ISO 690-2010 ;les citations des noms d’auteur dans le corps du texte sans paren-thèses les noms cités doivent tous être repris dans la bibliographie.

Tous les articles devront parvenir sous format Word au secrétariat de la revue

Sécrétariat de la « Revue algérienne de Prospective &d’études stratégiques ». m. mohamed Belhadj

E-mail : [email protected]

Institut National d’Etudes de Stratégie Globale (INESG)BP 137, les Vergers Birkhadem Alger

Tél. : 021 54 16 29 Fax : 021 54 01 39

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