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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Confusions botaniques dans les textes des médecins et vétérinaires latins Author(s): Jacques André Source: Latomus, T. 17, Fasc. 3 (JUILLET-SEPTEMBRE 1958), pp. 488-492 Published by: Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41521045 . Accessed: 12/06/2014 21:25 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Societe d’Etudes Latines de Bruxelles is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Latomus. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.44 on Thu, 12 Jun 2014 21:25:19 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Confusions botaniques dans les textes des médecins et vétérinaires latins

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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles

Confusions botaniques dans les textes des médecins et vétérinaires latinsAuthor(s): Jacques AndréSource: Latomus, T. 17, Fasc. 3 (JUILLET-SEPTEMBRE 1958), pp. 488-492Published by: Societe d’Etudes Latines de BruxellesStable URL: http://www.jstor.org/stable/41521045 .

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vari£t6s et discussions

Confusions botaniques dans les textes des

medecins et veterinaires latins

I. Siler montanum

Le siler de Virgile (G. 2, 12) et Pline ( N.H. , 16, 77 ; 24, 73) est tr£s certainement, comme Fa montrg P. Fournier (*), le fusain k larges feuilles ( Evonymus latifolia Mill.). Une esp&ce voisine, notre fusain ou bonnet-de-pretre ( E . Europaeus L.), a d'ailleurs conserve ce nom ancien dans it. anc. silio, friul. selar (2). Mais que repr6sente le siler montanum dont font mention deux textes latins?

1) Ps. Th. Prise., add., p. 321, 12, puluerem sileris montani cum uino uetere bibat , addition tardive au chapitre de ictericis de Th. Prise., 2, 27. Aucun texte de mSdecin ne fait allusion au siler dans le traitement de la jaunisse. D'autre part, le fusain est une plante extremement toxique, qui ne peut etre utilis^e k Fusage interne que dans les dilutions homSopathiques (8), ce qui n'est pas le cas ici. Les anciens connaissaient bien sa toxicity. Pline, 13, 118, la signale dans sa notice sur Yeuonymos , notre fusain (E. Europaeus L.) : floris candidi odore statim pes tern denuntians ; fert siliquas sesames , intus granum ... letale animalibus ; nec non et folio eadem uis . Du siler il ne mentionne, et pour cause, 24, 73, que des emplois en usage externe, en particulier contre la phthiriasis (de nos jours encore, on en use ainsi contre les poux, la gale et Fimpetigo). Dioscoride n'a pas de notice sur cette plante, trop dangereuse pour etre utilisSe, que connait pourtant Th^ophraste.

Les gloses t6moignent que le siler de cette interpolation tardive n'est pas un fusain : Ahd. Gloss ., Ill, 531, 53, siler montanum siremon - tan ; 566, 13, siler montanum syremontan , qu'il faut rapprocher du sil montanum d'Apicius, 3, 5, etc., et d'autres auteurs (silis montanum , Chiron, 698 ; 969 ; silus montanus , CGL., 3, 595, 7 ; silos montanus , 3, 586, 4 ; sile montanis , 3, 638, 68). Ce sil montanum (ou siler mon-

(1) Bulletin de la 5oc. bot Fr., 1948, p. 279-280. (2) O. Penzig, Flora populare italiana, I, G&nes, 1924, p. 193. (3) Cf. P. Fournier, Les plantes midicinales et vtnineuses de France , Paris,

Lechevalier, II, 1946, p. 197 sq.

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CONFUSIONS BOTANIQUES 489

tanum par confusion de sil et siler) (*) repr^sente diverses ombelli- ffcres aromatiques. Les deux formes sont attest^es par pi6m. sir - muntan (le bupl&vre 6toil6, Bupleurum stellatum L.) (2), it. anc. sermontano , tosc. siler montano (le sermontain, Laserpitium Siler L., k peu pr&s inexistant dans la region m6diterran6enne) (3), fr. dial. sermontain, sermontan , sermontayne, qui, avec les formes anciennes silermontaing , silermontain , senemontain (4), d£signent le plus souvent le s£s£li ( Seseli Tortuosum L.), et plus rarement le Laserpitium Siler L.

2) V6gfcce, mul., 4, 21, 2 (de morsibus serpentium)... cuius (sc. per- sonatiae, la bardane) efficacior creditur radix si contusa ponatur uel siler montanum ( uel si in montanum L) reperiatur, trifolium (et trifo- lium A) quod confragosis locis efficacissimum nascitur, odoris grauis, bitumini similis, propter quod a Graecis asfaltion appellator. D'apr£s les caract&res et les noms de la plante, on reconnait ais^ment la pso- ral£e bitumineuse ou herbe-au-bitume (Psoralea bituminosa L.), longuement d^crite par Scribonius Largus, 163, sous le nom de tri- folium acutum, quod 6!-vtq(<pvXXov appellant, et par Dioscoride, 3, 109, sous ceux de TQ(<pvXXovy aotpaXriov et 6^v<pvXXov .

Le texte de V£g£ce n'a de correspondant chez aucun des v£t6ri- naires, aussi bien grecs que latins. II remonte k Columelle, 6, 17, 2 (ad ictus serpentis et noxiorum animalium) : Plus etiam eiusdem radix contusa prodest, uel si montanum trifolium inuenitur, quod confragosis locis efficacissimum nascitur, odoris grauis neque absimilis bitumini et idcirco Graeci earn aatpaXriov appellant, nostri autem propter figuram uocant acutum trifolium. On n'y rel&ve pas trace d'un siler montanum , et la seule variante des manuscrits est simonianum, symonianum, pour si montanum. D'autre part, la psoratee convient bien dans ce passage, puisqu'elle pousse dans les garrigues, les rocailles, d'ou T^pithfcte montanum, et que Dioscoride, 3, 109, 2, la recommande aussi contre les morsures de serpents.

Rien ne manque au texte de Columelle, tandis que la construction de celui de V6gfcce est mal assume du fait de Tabsence de liaison entre siler montanum et trifolium, au point que le cod. A r^tablit un et. Tout se passe comme si l'insertion de siler avait d^truit l'arrangement de la phrase et impost le subjonctif reperiatur , pour l'aligner sur po- natur .

(1) Dans CGL., 3, 593, 54, policatoria situs montanus, il s'agit d'une confusion avec une autre plante k la faveur d'un synonyme de forme voisine ; cf. Dynamid., 2, 114, silion hoc est puligaduria, oil silion reprSsente psyllion. C'est le psyllium (<pvXXiov), herbe-aux-puces (Plantago Psyllium L. et P. Cynops L.) ; cf. ses autres noms : pulicaria (Soran., 27, 5, etc.) et pulicaris (Gael. Aur., aeat. 3, 28, etc.), de pulex « puce ».

(2) Cf. Penzig, op. cit ., I, p. 83. (3) Ibid., p. 259. (4) Cf. A. Thomas, Melanges d'itymologie frangaise , p. 139 ; E. Rolland,

Flore populaire , VI, p. 117.

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490 3. ANbRE

C'est le emplacement de trifolium aprfcs reperiatur dans Veg&ce qui fait soup$onner la nature de la faute. On sait que les deplacements de mots peuvent provenir d'omissions r£par£es. L 'omission de trifolium par un copiste a ete indiquee au dessus de montanum par le signe conventionnel de renvoi k la marge. Le mot a ete reintegre ensuite, mais apr&s inuenitur (change en reperiatur ), sans qu'on ait pris la precaution de faire disparaitre le signe. Gelui-ci a ete alors faussement interprets comme l9 c'est-^-dire ler9 et adjoint au si pour former le terme connu siler ; dans le cod . L, il a ete compris comme un z, c'est-^-dire zn, d'ou la le$on uel si in montanum . L'interpretation par siler etait d'autant plus plausible que cet arbuste passait pour Eloigner les serpents (cf. Pline, 24, 73).

II. Populus quae appellatur rhamnus

Cette etrange equivalence se rencontre chez deux veterinaires latins, k propos du traitement curatif ou preventif des bceufs. Elle s'ins&re toutefois dans une sorte de tradition qui, k Rome, debute avec Columelle. Nous citerons les textes dans Tordre chronologique, en notant que ni Gaton ni Varron ni Pelagonius n'offrent de deve- loppement correspondant :

Col., 6, 4, 3 ( ut salubri sint corpore uiresque conseruent) : Est etiam remedio cum dulci uino tritum serpyllum et concisa et in aqua macerata scilla .

Garg. Mart., curae boum , 10 : Bos aut asinus si eosdem morbos incide - rint9 sumito scylla<m> aut ramni (corr. Lommatzch irumnisci cod., rumnisa leg. Schneider, rumpissa Schuk) radicem , id est spinam albam quam tenerrimam et in aquam infundito , quam per dies XIV bibat .

Chiron, Mul ., 497 : De fascinatione et si uolueris praeoccupare ne morbus accedat.... Aut in potu mittes scillam et ramni radices. Est autem ramnus populus .... Da autem per dies IX.

Veg., mul. 2, 139 : Remedium ad omnes morbos ... radices scillae9 radices populi (pupuli L) quae appellatur ramnus (P., ed. pr. Basil. 1528 : rampnus A albus L). Nam est fuscior et rubellula ... per XIV dies continuos dabis in potu.

Veg., mul. 4, 2, 4 : Taedianti boui aduersus omnes morbos potio ista succurrit : III s. unc. squillae minutatim concisa sf praeterea ra- dices tenerae populi (popinum ed. pr. popinem A tenerrimae populi P) effossas et diligenter lotas contundes in pila... et per VII dies per os bobus singulos sextarios digeres.

Le texte de Columelle mentionne seulement, k cdte du serpolet, la scille officinale ( Urginea maritima Baker). Le second passage de Vegfcce ne fait pas allusion au rhamnus . Les trois autres textes presentent une tradition differente, dont la source se trouve dans les Geoponiques , 17, 14, 3, ainsi que dans le Corp. Hippiatr. Graec ., t. II,

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CONFUSIONS BOTANIQUES 491

333, 25 sq., dont les notices sont absolument identiques : IIeqI ddrjkov nadovg... Arj/ji6xQirog de ovjupovAevet, eagog dgxofxivov elg to noxov rcov fiocov im r eaaagag xai dexa rj/ueQag efxpaXkeiv axiXXrjg xai Qapvov Qi^r}g. On y reconnait la meme conjonction de la scille et du rhamnus (Qd/uvog), la meme dur£e du traitement, quatorze jours, au moins dans les GSoponiques , le Corp. Hipp. Gr.y Gargilius Martialis et V£g£ce. L/ at- tribution k D£mocrite, plus exactement au Pseudo-D6mocrite, c'est- &-dire tr&s probablement k Bolos de Mend6s, garantit Y anteriority du texte grec. Get figyptien, auquel fait allusion Columelle (*) et qui v£cut entre Theophraste et Callimaque, c'est-&-dire au 3e sifccle avant J. G. (a), est pr£cis6ment une des sources de Gargilius Martialis.

Alors que les textes manifestent une sorte de continuity, on est surpris de la contradiction des synonymes donnas k rhamnus : spina alba dans Gargilius Martialis, mais populus dans Chiron et V£gfcce. Le synonyme spina alba est tr&s clair : c'est la bourgue-6pine ( Rham- nus Cathartica L.), la premiere esp&ce de gd/tvog de Dioscoride, 1, 90, et de Pline, 24, 124, dont le nom latin est attests par Ps. Diosc., 1, 90, et CGL., 3, 574, 69, et 628, 19, etc.

Mais r^quivalence rhamnus = populus est inadmissible. Les dif- f£rentes esp&ces de gdfjivog des Grecs sont des plantes 6pineuses (cf. Diosc., 1, 90), et Pline, 24, 124, les range inter genera ruborum , ce qui exclut n^cessairement le peuplier. La correction en opulus , T^rable-ayard (Acer opalus Mill.), k laquelle on pourrait penser parce que le mot est souvent confondu avec populus dans les manuscrits (8), ne pr£sente aucun avantage, cet arbuste n'£tant pas non plus £pineux.

Le probl&me se complique encore avec Tun des textes de V6g£ce, mul. 2, 139, radices populi quae appellatur ramnus. Nam est fuscior et rubellula... II s'agit 'k en effet d'un autre ga/ivog , celui de Dios- coride, 1, 90 (3e esp&ce) (4) et de Pline, 24, 124 (2e espfcce), dont le texte dit justement : alterum genus eius siluestre9nigrius et quadamtenus rubens , en parfait accord avec V6g£ce. C'est, cette fois, le paliure ou 6pine-du-Ghrist (Paliurus Australis Goertn.).

II n'est pas etonnant que Interpretation de rhamnus diff&re dans Gargilius Martialis et V£g6ce. Ge disaccord s'explique par la bri&vete du texte grec du Pseudo-D£mocrite, ou le sens de gd/Livog n'est pas pr£cis£, alors que dans Dioscoride, 1, 90, le mot d6signe trois plantes

(1) 7, 5, 17, Bolos Mendesius , cuius commenta , quae appellantur graece 'Ynofivrj/iaTa sub nomine Democriti falso produntur k propos des maladies des brebis.

(2) Cf. Hammer-Jenken, R.E. , Supplbd. IV, 221 ; Wellmann, R.E., V, 676 sq. ; IX, 1134.

(3) Ainsi Pline, 16, 73 ; 205 ; 231 ; cf. P. Fournier, Rev. Phil., XXVI, 1952, p. 187.

(4) Dioscoride lui consacre encore une rubrique sp£ciale, 1, 92, sous le nom de Tia/aovQog ; cf. aussi Pline 24, 115.

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492 J. ANDRE

distinctes. Chacun des textes latins Fa identifte & sa fa^on. II semble bien que id est spinam albam d'une part, est autem ramnus populus (ou populi quae appellator ramnus) de 1' autre soient des gloses. La premiere, maladroitement ins6r6e dans la syntaxe de la phrase (on attendrait ramni radicem , id est spinae albae, quam tenerrimam ) est peut-etre meme une glose marginale pass^e dans le texte.

II serait tentant de corriger, conform6ment auxdonn^es botaniques, en rhamnus autem est paliurus , puisque la troisifcme esp&ce de Qd/tvog de Dioscoride, 1, 90, n'est autre que son n aAtovgog de 1, 92. Mais la confusion de paliurus et populus n'est pas susceptible d'une explica- tion d'ordre pateographique. Le second texte de V£gfcce, 4, 2, 4, prae- terea radices tenerae populi, autorise la seule interpretation possible. Les deux espfcces de peuplier, le peuplier blanc ( Populus alba L.) et le peuplier noir (Populus nigra L.), etaient utilises en m^decine (cf. Diosc., 1, 81 ; 83 ; Pline, 24, 47 ; Oribase gr., XV, 1, 1 ; XV, 1, 11 Daremberg), et tout sp6cialement la racine de peuplier blanc (Celse, 6, 9, 2). Nous avons vu d'apr&s Chiron, mul. 497, que le remfcde en question prot&ge du mauvais sort ( fascinatio ) jet£ au b£tail et nous savons qu'on pendait la scille, qui est ici associ^e au rhamnus , comme porte-bonheur au dessus du seuil pour ̂ carter les mal£fices (Diosc., 2, 171, 4 ; Pline, 20, 101). Le peuplier agit aussi de fa$on preventive, et Pline conseille d'en tenir k la main une baguette pour se preserver de V intertrigo (*). Or, les excoriations ( intertrigo ) sont aussi une ma- ladie du bgtail (Col., 6, 32, 1 ; 7, 5, 12). Le peuplier £tait employ^, comme l'indique V£g£ce, dans le traitement des maladies des bceufs. La comparaison des deux th£rapeutiques, scilla et populus d'une part, scilla et rhamnus de l'autre, a, chez un r£viseur ignorant de la flore grecque, provoquE la fausse Equivalence de rhamnus et de populus.

Jacques Andr£.

(1) 24, 47, Virgam populi in manu tenentibus intertrigo non metuitur.

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