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DEUX SIÈCLES DE PATRIMOINE À C ROLLES & De l’eau hommes des connaissances DE C ROLLES

Connaissance de Crolles Tome 1

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Collection Connaissance de Crolles, tome 1, De l'eau et des hommes.

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DEUX SIÈCLES DE PATRIMOINE

À CR O L L E S

&De l’eauhommes des

connaissancesD E CR O L L E S

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&De l’eauhommes des

D E U X S I È C L E S D E P A T R I M O I N E

À CR O L L E S

connaissancesD E CR O L L E S

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avant-proposNous avons souhaité faire connaître aux nouvelles générations de Crollois l’histoire denotre commune à travers cette thématique de l’eau. Les réactions positives du publicnous ont amené à proposer les textes de l’exposition "De l’eau et des hommes" sousforme de brochure. Pour retracer cette conquête de l’eau par les hommes et les femmesdu XIXe et XXe siècle, nous avons étudié la période couverte par les archives municipales(à partir de 1781) et présenté globalement les différentes activités liées à l’eau : maîtri-se et utilisation de l’eau environnante, industries, quête de l’eau potable.

Enfin, nous avons abordé la vie autour des fontaines qui sont, dès leur création etaujourd’hui encore au cœur des anciens quartiers de Crolles.

Nous vous invitons à venir découvrir sur place ces lieux chargés d’histoire…

Cette brochure n’aurait pu être réalisée sans la connaissance des «anciens», que noustenons à remercier : M. Augustin Aymoz à travers son ouvrage «Crolles et leGraisivaudan», M. Henri Chatel, M. Georges Fort et M. Gustave Grambin.

Nous remercions aussi particulièrement Marc Grambin et Michel Desmaris de l’association"Autrefois Pour Tous" et Hélène Quenot des "Raisonneurs de Pierre" pour leur précieusecollaboration ainsi que la famille de Bernis qui a eu l’amabilité de nous donner accès à sonpatrimoine.

Service Documentation, Archives et Patrimoine

Ressources :• Archives Municipales de Crolles,• Archives Départementales de L’Isère• Bibliothèque Municipale de Grenoble.• Le site de l’Unesco : année Internationale de l’Eau douce 2003 (www.wateryear2003.org) • Musée de l’eau de Pont en Royans (www.musee-eau.com)• Le Musée de la Houille Blanche à Lancey

Textes et illustrations :• Laure Mayer et Valérie Valenza (service Documentation, Archives et Patrimoine - Mairie de Crolles) ; • Nicolas Chupin et Claude Mauroy (service Environnement - Mairie de Crolles) ;• Marc Grambin et Michel Desmaris (Autrefois pour Tous) ;• Hélène Quénot (Les Raisonneurs de Pierre).

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préfacePréserver, protéger, valoriser

Lorsque l’on vit à Crolles, au pied du massif de la Chartreuse, face à lachaîne de Belledonne, entouré de rivières, de forêts et d’une plaine natu-relle, préserver l’environnement paraît une évidence.

En adoptant dès 1977 un Plan d’Occupation des Sols établissant lesgrands équilibres de la commune, en se portant systématiquement acqué-reur de tous les espaces boisés dans un souci de préservation de la forêt,en étant à l’origine de la création d’un arrêté de biotope dans la plaine, en

réalisant un parcours d’arbres remarquables...la commune de Crolles a montré depuislongtemps son souci constant de protéger et valoriser ses richesses naturelles.

Cette volonté de sauvegarder ce patrimoine environnemental va de pair avec une ambi-tion tout aussi importante des élus municipaux de préserver le patrimoine historique.Ainsi la commune a apporté son soutien financier à la restauration du château deMontfort, a entrepris de rénover le moulin Gabert, les cadrans solaires, le site de lacimenterie et d’une manière générale fait en sorte de protéger les vieux quartiers de lacommune.

L’eau, source de vie, de développement économique et social, indispensable à la pré-servation des systèmes écologiques, associe étroitement ces concepts historiques etenvironnementaux. Cette eau est omniprésente à Crolles dans les fontaines, les marais,les ruisseaux, les cascades. Elle est depuis toujours l’objet de nombreuses attentions.

Annick Angot, adjointe à l’environnement et Claude Gloeckle, adjoint à la culture, ontchoisi de mobiliser conjointement leur énergie et leurs idées pour promouvoir cetélément naturel chargé d’histoire. Et pour retracer cette aventure de Crolles et de l’eau,le service Documentation-Archives et Patrimoine et le service Environnement de lacommune ont réalisé, en partenariat avec les associations du patrimoine crollois, uneexposition «De l’eau et des hommes, deux siècles de patrimoine à Crolles» dans le cadrede l’année internationale de l’eau douce décrétée en 2003 par l’UNESCO. Pour bénéficierau plus grand nombre, cette exposition a ensuite été éditée sous forme de brochure.

Au fil des pages, au fil de l’eau... vous découvrirez les multiples facettes de cet élémentqui à lui seul retrace une grande partie de la mémoire de notre village.

Le Maire,Jean-Claude Paturel

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Coupe géologiquede la valléeet des massifsenvironnants.

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La Géologiedu Grésivaudan

La vallée du Grésivaudan estun immense fossé qui sépa-re le massif calcaire deChartreuse à l’Ouest, dumassif cristallin de Belle-donne à l’Est. A l’origine, cettepénéplaine(1) très boisée fut en

partie couverte par la mer. Peu à peu, dessédiments tels que les restes d’animauxmarins (carapaces) se déposèrent pour for-mer les couches calcaires de la Chartreuse,notamment le séquanien, une roche trèsfriable. Ainsi, Crolles tire son nom du latinCrollarum «terre d’éboulis».

Durant l’ère quaternaire, des périodes deréchauffement et de glaciation alternèrent.

300 000 ans avant notre ère, le Glacier deRiss couvrit la vallée sur une hauteur de 1 000 m.

Vers -150 000 ans, le lac de Riss-Wurmdéposa des alluvions(2) sur le fond de la val-lée, elle-même recouverte plus tard par leGlacier de Wurm. Le dernier lac post-gla-ciaire déposa de nouvelles alluvions etcéda la place à des marécages boisés aumilieu desquels divaguait l’Isère.

Des terrains particulièrement tendres for-més par des dépôts de sédiments, deséboulis, des mouvements terrestres, uneeau omniprésente : ces caractères géolo-giques déterminèrent l’installation humai-ne (près des sources et terres cultivables,à l’abri des débordements de l’Isère) et lesactivités artisanales et industrielles (mou-lins, martinets, cimen teries, tuileries etc.).

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(1) Surface faiblement onduleuse

portant des sols résiduels.

(2) Dépôt de sédiments d’un cours d’eau.

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Carte de Cassini, 1735 : détail montrant Crolles avec la mention des Tuileriesdu Landorre, qui exploitent les couches argileuses de la plaine de l’Isère.

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Que d’eauque d’eau !

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Barque sur l’Isère en 1904.

Archives Municipales de Crolles.

Le pont suspendu dit "Pont de fils", construit en 1840. On aperçoit, en secondplan, la maison du pontonnier, qui percevaitles droits de passage. Le péage a étéracheté par les communes en 1884.

Coll. G. Grambin.

Le «nouveau» pont de Brignoud, construit en 1937.

Cliché : Animateurs environnement,

mairie de Crolles.

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L’Isère,voie d’échangescommerciaux

Bien que son cours fût capri-cieux et pût atteindre 600mètres de large, l’Isère a étéparcourue dès l’Antiquité parde nombreux radeaux etbateaux à fond plat, les siza-les, adaptés à la navigation

sur cette rivière émaillée d’îlots et brassiè-res peu profondes.

Navigable seulement de mars à mai et dejuillet à novembre, l’Isère portait ainsi versle sud de nombreuses denrées, telles quetissus, minerai de fer, chaux et même dubétail ; puis ces bateaux, tirés par desbœufs à partir des chemins de halage de laberge, remontaient sel et vin de Méditer-ranée.

Pour traverser la rivière, des passages àbac étaient aménagés, tel celui de Crolles àBrignoud. Mais ces derniers étaient ris-qués, notamment pour le transport desbestiaux ou au moment de grandes eaux.

Avec le XIXe siècle et l’amélioration deschemins, des ponts furent construits, plussûrs pour les hommes et les marchandi-ses, et la navigation disparut progressive-ment à la fin du XIXe siècle.

Ainsi, le pont suspendu à péage deBrignoud a vu le jour en 1840 pour faciliterles indispensables échanges entre les deuxrives : par exemple, les Crollois menaientsur la rive droite leur chanvre à transfor-mer, ou leur grain à moudre lorsque l’eaumanquait aux moulins de Crolles, quandles ruisseaux tarissaient ou gelaient. Ils s’yapprovisionnaient en piquets pour lesvignes, et vendaient chaux, pierres et tui-les. En 1884, les communes intéressées àson utilisation rachetèrent le péage dupont.

Enfin, le pont actuel remplaça en 1937 l’an-cien "pont de fils", comme on le nommaitautrefois.

Bac sur l’Isère. Début du XXe siècle.Coll. A. Aymoz.

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Inondation due auxorages dans la plainede Crolles en 1992 :l’eau était montée aupied du château deCrolles, qui se devinedans le bois à droite.

Archives municipales de Crolles.

Plan de Crollesindiquant

les risquesd’inondation,

en vert pour les ruisseaux

et ruines,en bleu

pour l’Isère.

Source : Plan d’Exposition

aux Risques, 1992.

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Un villagecerné par les eaux

1663, 1732, 1733, 1740,1760, 1791, 1809, 1814,1869, 1877, 1897, 1928,1937, ou encore 1948…Fontes des neiges, violentsorages ou ruptures de diguesde l’Isère ont causé de nom-breuses inondations dans

toute la vallée du Grésivaudan.

Torrent impétueux en Savoie, la rivière s’é-pandait dans la vallée en longs méandresau cours très variable. Et chaque crue étaitune catastrophe pour les communes rive-raines, dont l’économie, essentiellementagricole, restait fragile.

L’eau envahissait les meilleurs terrains, ystagnant parfois jusqu’à un an (1869), etruinait les cultures et les prairies, indispen-sables pour alimenter le bétail.

Ainsi en août 1897, les digues se rompirentet les eaux envahirent deux fois le territoirede Crolles sur 4 km de long, soit la lon-gueur totale de la commune, et 2 km delarge.

En 1937 encore, une crue mémorable obli-gea les habitants du Raffour à se réfugier àl’étage des maisons ; l’armée dut lessecourir en attendant que la rivière rejoigneson lit.

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Suite à l’effondrement en 1954 dubec Margain, au sommet de la falaisequi domine Crolles, la route nationale(ici entre le bourg de Crolles etMontfort) a été coupée en 1963 pardes torrents de boue et de rochers,dus à de violents orages.

Archives municipales de Crolles.

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Corridor écologique

Cliché : Animateurs environnement,

mairie de Crolles.

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À cette rivière indomptable s’ajoutaient leseaux des ruisseaux venant de Chartreuse.Ils descendaient à leur gré dans la plaine etcausaient bien des dégâts, notamment auxvignes plantées sur les coteaux, lorsqu’ilsquittaient leur lit charriant pierres et gra-viers, qu’ils abandonnaient sur les terresdévastées.

Ces cours d’eau furent et restent l’objet desoins attentifs : endiguement, dérivations,redressement de certains passages, cura-ges et étroite surveillance pour éviter toutengorgement et débordement.

A ce titre, chaque ruisseau est équipéd’une plage de dégravement qui joue le rôlede bassin de rétention en permettant ledépôt des matières qu’il transporte et larégulation des eaux.

De plus, les ruisseaux de Craponoz, deCrolles et de Montfort sont des corridorsécologiques.La vallée de l’Isère recèle desmilieux d’intérêt écologique exceptionnel.Cette richesse est liée à la sauvegarde decorridors naturels qui font lelien entre les milieux, notam-ment le long des coursd’eau.

Composante indispensa-ble d’un environnementen bonne santé, lescorridors permettentle déplacement dela faune entre lesdifférents espa-ces naturels.

Zones de refuge et de dortoir pour de nom-breuses espèces, ils garantissent la préser-vation de la biodiversité et les échangesentre les écosystèmes. Sans ces couloirs,de nombreuses espèces seraient condam-nées à disparaître car isolées des autresmilieux. Leur végétation participe égalementau maintien des berges et joue un rôle depiège pour les pollutions diffuses.

La réalisation de la plage de dégravementdu ruisseau de Crolles a permis à cettezone de devenir un autre lieu de refuge etde quiétude pour les oiseaux d’eau et lesbatraciens. Le débroussaillage effectuéhors période de reproduction favorise l’ins-tallation de cette faune. Un observatoire ad’ailleurs été installé sur le site par la com-mune pour regarder les animaux sans lesdéranger.

On peut y voir le canard colvert, lafoulque et aussi le martin pêcheur quiniche dans les berges du ruisseau ; c’est

également un lieu de halteprivilégié pour le héron biho-

reau en période de migration.Des panneaux d’information décri-

vent les espèces les plus présentes.

Martin pêcheur.

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Plan d’assemblage du cadastre de 1817, sur lequel a été dessiné le lit del’Isère endiguée. On remarque qu’un des méandres de la rivière remonte

jusqu’au niveau du hameau du Raffour.

Archives municipales de Crolles.

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Lutterpour contrôlerla rivière

Pour empêcher l’Isère d’envahirleurs terres, les habitants duGrésivaudan durent la borderde digues. Cette entreprisetitanesque représentant uncoût énorme pour ces com-munes peu fortunées, lespropriétaires intéressés à

ces travaux se regroupèrent en syndicatslocaux dès le début du XIXe siècle.

Mais ces derniers s’opposaient les uns auxautres. Le syndicat de Bresson à Saint-Ismier naquit donc en 1862, pour gérerl’endiguement de la rive droite de l’Isère etl’assainissement des plaines.

Cette organisation, très lourde financière-ment, porta ses fruits : à la fin du XIXe siè-cle, l’agriculture florissait sur les rives cor-rectement drainées.

Mais, étrécie par les digues, la rivière s’em-plissait des débris qu’elle ne pouvait plusdéposer sur ses berges : le niveau d’eaus’éleva, et les digues ne purent bientôt pluscontenir les eaux qui les submergeaient oules brisaient.

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La menace d’inondation rendnécessaire l’entretien régulier desberges comme en témoigne cettezone d’enrochement réalisée en 2002.

Cliché : Animateurs environnement,

mairie de Crolles.

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Ce ne fut que dans les années 1970, auprix de lourds aménagements, qu’on réus-sit à maintenir l’Isère dans son lit.

Et encore, cette victoire n’est-elle en riendéfinitive : les digues, déstabilisées par lecreusement de la rivière (qui a servi de car-rière de gravier à de nombreuses reprises)et par la végétalisation des berges, mena-cent toujours de rompre, bien que de grostravaux de confortement aient été réalisésà Crolles en 2002.

De plus, ces travaux coûtent très cher auxcollectivités qui ont instauré un système desurveillance des crues depuis 1992.

Ces aménagements, l’exploitation de laplaine et le développement de l’urbanisme,ont fragilisé au fil de ces dernières annéesce patrimoine naturel qu’est la forêt alluvia-le qui borde les berges de l’Isère.

Plusieurs fonctions lui confèrent un intérêtpatrimonial : régulation des crues, épura-tion des eaux, sauvegarde de la vie aqua-tique, conservation de la biodiversité,aspect paysager et fonction économique.

La forêt alluviale est un écosystème fores-tier soumis aux crues de l’Isère et marquépar la présence d’une nappe phréatiquepeu profonde. Avant l’endiguement, l’Isèredéposait à chaque crue ses alluvions quivenaient enrichir le sol et rendaient les ter-res agricoles de la vallée très fertiles. Cettefertilité et l’omniprésence de l’eau sont àl’origine de la végétation luxuriante qui luidonne cet aspect de « forêt primitive » detype tropical.

Ce milieu est une zone de refuge pour denombreux animaux et végétaux et consti-tue donc un réservoir pour la préservationde certaines espèces remarquables. Onpeut y rencontrer le Loriot d’Europe, leMilan noir ou encore le Castor qui a surecoloniser cet espace. Cette forêt secaractérise également par une grandevariété d’arbres, d’arbustes et de lianes(houblon, clématite) ainsi que par la pré-sence d’une espèce protégée de planteaquatique : la Massette naine.

La forêt alluviale est également un corridorécologique et une voie de migrationindispensable aux déplacements de lafaune.

Massette naine

© Roger Marciau - AVENIR

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... et assainirla plaine

Dès 1732, le seigneur deCrolles divisa le marais com-mun, dans lequel les habi-tants avaient coutume defaire paître leurs bêtes.Désormais, chacun pouvaitdisposer d’une ou plusieursparcelles, en dehors toutefois

des périodes de réserve (de juin à septembre) :la commune vendait la récolte de cettepériode pour financer le curage de la chan-tourne(1), l’entretien des chemins ou la pour-suite des procès.

Pour assainir le marais, on créa des fossés,que chacun entretenait au droit de sa par-celle, et qui s’écoulaient dans la chantournepour rejoindre l’Isère. Mais Sieur Clément,bourgeois de Lumbin, perturba cette orga-nisation en barrant la chantourne pour ali-menter ses moulins, construits en l’an 6(1797), noyant de ce fait les terres voisineset faisant réapparaître les fièvres dumarais. De plus, il ouvrit un canal venant del’Isère, ce qui aggrava les ravages de cettedernière lors des crues. Après de longuesdiscussions, la situation fut rétablie en1810.

Mais le marais ne fut vraiment assaini qu’a-près 1891 : le grand canal allant du Touvetà Bernin, créé par le syndicat de Bresson àSaint-Ismier était terminé. Marécageuse,

infestée de moustiques, cette partie de laplaine était, jusque dans les années 1950,principalement constituée de «bauchères»(prairies à laîches). Fauchée par les hom-mes, puis mise en «cuche» et sortie avecdes «aiguilles», bâton en bois très affûté, la«bauche» servait de litière pour les ani-maux, parfois de fourrage si les tempsétaient difficiles.

Dans le secteur du Pont du plâtre, le lin étaitramassé puis mis à tremper dans le «nais»,sorte de bassin plus grand qu’un routoir,pour séparer les fibres de l’écorce. Enfévrier, les vanniers sédentaires mettaient lefeu au marais pour brûler des arbustes, les«matafoires», afin de relancer la pousse.Les nouvelles tiges bien droites et souplesse coupaient au mois d’août, en sève. Ellesétaient plumées (on enlevait l’écorce), puistrempées dans l’eau chaude avec un colo-rant, avant d’être tressées en panier.Le «verne», bois tendre sans grande valeur,poussait dans le marais et servait de boisde chauffage. Pendant la deuxième guerremondiale, c’était la tourbe, terre séchée, quiétait utilisée comme combustible. 1500tonnes ont été exploitées en 1942.

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(1) Les chantournes sont des canaux créés au cours du

XIXe siècle pour assainir la plaine de Crolles, jusque-là

marécageuse en raison du cours changeant de l’Isère.

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La grande chantourne :ce tronçon du canal de Bressonà Saint-Ismier a été réaliséentre 1885 et 1889.

Cliché : Animateurs environnement,

mairie de Crolles.

Sinon, le marais n’était guère fréquen-té que par les chasseurs à l’affût dugibier d’eau, râle noir et poule d’eau, etles pêcheurs qui attrapaient dans lesnasses la lotte, qui remontait les coursd’eau pour pondre, et les petits bro-chets. Les écrevisses étaient prisesdans les fagots de sarment où l’ondéposait des abats de mouton faisan-dés.

De 1953 à 1969, la commune regroupales 5000 parcelles de la plaine pouraméliorer la rentabilité agricole. Ceremembrement fut l’occasion de pro-céder à un nouvel assainissement etd’exploiter les zones marécageuses quisubsistaient, en creusant un nouveaufossé à partir de la chantourne. La créa-tion de grandes parcelles permit aussil’implantation de nouvelles industries,telles que STMicroelectronics, quis’installa à Crolles en 1990.

Malgré le remembrement, le marais deMontfort a pu être préservé. Il estinscrit en 1986 à l’inventaire nationaldes ZNIEFF(1) en raison de la présencede papillons protégés comme l’Azuréde la sanguisorbe et le Cuivré desmarais de même qu’un papillon trèsrare à l’échelle européenne, le Fadetdes laîches.

(1) ZNIEFF : zone naturelle d’intérêt faunistique et flo-

ristique exprimant l’enjeu écologique d’un site mais

ne lui conférant aucune protection réglementaire.

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Un périmètre de 24 hectares est double-ment protégé au titre d’«Espace NaturelSensible»(2) par le Conseil Général de l’Isèreen 1989 et par l’arrêté préfectoral de pro-tection de Biotope(3)en 1991.

2003 a vu l’ouverture par le ConseilGénéral du «sentier des papillons», un sen-tier pédagogique de découverte pour legrand public, qui parcourt la périphérie dumarais.

Cette zone humide abrite également unegrande diversité faunistique, en particulier denombreuses espèces d’oiseaux, de libelluleset d’amphibiens (Grenouilles, Tritons…).

Elle constitue un véritable refuge pour desespèces végétales d’intérêt patrimonial :

l’Utriculaire (plante aquatique carnivore), laRenoncule grande douve et des orchidées deprairies humides principalement.

Le marais fait aujourd’hui l’objet d’un plande gestion établi et mis en place sous ladirection du Conseil Général afin de réussirla cohabitation entre le patrimoine naturel,l’exploitation agricole et les activités de loi-sirs favorisées par le milieu naturel.

le Cuivré des marais

Cliché : Claude Mauroy

(2) Espace naturel sensible : site naturel présentant un fort

intérêt biologique et paysager, fragile et /ou menacé, qui

fait l’objet de mesures de conservation, de gestion et de

découverte.

(3) Biotope : milieu biologique déterminé offrant à l’ensem-

ble des êtres y vivant des conditions d’habitat relativement

stables.

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Plan établi en 1957, lors du remembrement de la plaine de Crolles,pour chercher les propriétaires et établir la valeur des terrains.

Archives municipales de Crolles.

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L’eausource d’industrie

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Essai de représentation : M. Desmaris, “Autrefois pour Tous“Documents : Gustave Grambin.

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Les indutries de Crollesfin XIXe début XXe :vue d’ensemble

Pendant des milllénaires, la seule force disponible a été celle de l’homme oude l’animal. Lorsqu’on a exploité pour la première fois l’énergie des coursd’eau, une révolution décisive dans l’histoire de l’homme débuta.

(1) Béal : canal acheminant l’eau du ruisseau.

Un béal(1) partait de la source desFerrouillettes, dans la gorge du ruisseaude Craponoz à Bernin, procurant laforce hydraulique à plusieursétablissements. 1

Il passait à flanc de coteau, côtéCrolles, alimentant le moulin à huile denoix du Château de Craponoz.

Il traversait ensuite le ruisseau sur unaqueduc, pour desservir différentsmoulins sur la commune de Bernin.

Revenant sur notre commune, ilalimentait alors les moulins à huile denoix 2 et à grains 3 de M. Bouchainen remplissant une écluse, avant de semettre au service du martinet d’unforgeron, 4 le «Père Cottin» dit «Cléd’Or» et de passer l’actuelle RN90 encaniveau souterrain.

Distribuant alors le martinet à forge«Pellat», 5 il décrivait ensuite deuxgrands angles droits pour alimenter lesmoulins à grains, à huile de noix et àgruer des Ayes, dits «Moulins Gabert». 6

Reprenant en ligne droite la directionde l’Isère, il alimentait la scierie 7 et lemoulin «Juglard», 8 avant de se jeterdans un bras de la rivière.

En plaine, sous le marais, s’étaientétablis le moulin «Clément», 9 ainsiqu’un autre moulin à Montfort. 10

Au pied de la cascade de Crolles, aulieu-dit «Le Ciment», existait unecimenterie. 11

Au lieu-dit «Le Raffour» existait laTuilerie «Charvet» anciennementcartographiée «Tuilerie du Landor». 12

La culture du chanvre était pratiquée àCrolles et nécessitait égalementl’utilisation de l’eau, tant pour les«routoirs» 13 et 14 , où était mis àrouir la plante, que pour les battoirs oùelle était travaillée afin de fournir, unefois teillée, la matière première auxconfections de linge, draps ou cordes.

15 Le bac «du Sarmouéron».

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Le ban (réserve d’eau)d’un moulin à grain.

Coll. J-P. Martin.

Cadastre de 1817 : à partir du ruisseau de Craponoz, de nombreux moulinset ateliers ont été aménagés.On distingue clairementle tracé des béals.

Archives municipales de Crolles.

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Moulins, martinets,battoirs... des industriesau fil de l’eau

L’essor industriel du XIXesiècle et la présence de plu-sieurs cours d’eau ont fait deCrolles un site propice à l’im-plantation de moulins, ate-liers artisanaux et industries.En 1820, quatre tuileries,cinq moulins à grain et deux

à deux roues, (une pour le grain et une pourl’huile), un grouard(1), deux pressoirs à huileet quatre battoirs à chanvre, sont ainsirépertoriés sur les matrices cadastrales.D’autres furent construits au cours du XIXesiècle, tel que le martinet du Sieur Cottin,dit «Clef d’Or», achevé en 1861. Crollesabrita aussi une scierie au Raffour, et sur lesite des tuileries, une briqueterie en activi-té jusqu’en 1912.

La plupart de ces moulins et ateliers étaientimplantés le long du ruisseau de Craponoz,du côté de Bernin ou de Crolles.

Ils utilisaient l’eau du ruisseau, dérivée pardes écluses, puis acheminée par descanaux (les béals) jusqu’aux machines.Ces moulins étaient établis jusque dans laplaine, au Raffour, où l’eau retournait àl’Isère.

Crolles, riche de son activité agricole, pos-sédait tous les moyens de subsistancenécessaires à la vie de la communauté.Aux moulins, les Crollois s’approvision-

naient en farine pour le pain et en huile denoix. Les martinets et scierie fournissaientoutillage agricole, pièces martelées etmatériaux de construction. La seconderévolution industrielle, au XXe siècle,causa leur ruine ; seul le moulin des Ayesfonctionna jusqu’aux années 1990.

(1) Moulin spécialisé dans la fabrication du gruau,

fait de céréales concassées (blé, avoine, etc.)

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Plan ancien de l’abbaye des Ayes : on devine, sur la gauche,le ban et le bâtiment du moulin de l’abbaye.

Coll. de Bernis.

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La cimenteriede Crolles

De mémoire locale, le site dela cimenterie de Crolles estexploité dès l’antiquité. En1817, l’invention du cimentartificiel – l’or gris – par LouisVicat, révolutionne lesméthodes de construction etpermet le développement

des exploitations de la région grenobloise.A Crolles, un moulin à ciment est établi dès1852 près de l’abbaye des Ayes. PaulJouclard, de Bernin, obtient en 1855 l’au-torisation d’établir un four à ciment dans lagorge du ruisseau de Crolles, au lieu-ditPlâtre-Magny. Ce lieu offre des conditionsidéales pour l’implantation d’une cimente-rie : il est riche en marne et calcaire deChartreuse, l’eau du ruisseau anime lesmoulins, les bois avoisinants alimententdes fours. Les matières premières extraitessont concassées, calcinées puis broyées.

Cette entreprise, qui fabrique chaux etciment, prospère rapidement. Deux minessuccessives sont exploitées : la premièredans la falaise au-dessus de la cimenterie ;l’autre sur un terrain concédé en 1909 parla commune de Saint-Hilaire du Touvet,desservie par un téléphérique. Puis vient laGuerre de 14-18 : le site est abandonné.Lorsqu’elle est rachetée en 1929 par laSociété anonyme des Ciments Vicat, lacimenterie comprend quatre fours à

ciment, un moulin et une dynamo, une écu-rie avec remise, deux maisons, divers han-gars dont un abritant un broyeur, un pourl’immersion de la chaux, et deux fours àchaux. D

Les cimentiers de Crollesvers 1900-1910.Les ouvriers employés dans cesusines étaient souvent d’origineitalienne.

Coll. G.Bourgeois.

Page 30: Connaissance de Crolles Tome 1

28

Dessin de la cimenterieà l’époquede sa création, avec la photodes fondateurs.

Coll. M.T Martin.

Emplacement d’un four, près du ruisseau de Crolles,

et d’une carrière, XIXe siècle.

Archives municipales de Crolles.

Page 31: Connaissance de Crolles Tome 1

29

Le site de la cimenterie au début du XXe siècle.

Archives municipales

de Crolles.

La cimenterie reste en activitépendant un demi-siècle. Elle par-ticipe activement à la vie de lacommune : entretien des che-mins, rachat du péage du pontde Brignoud, concessionnaire dela ligne d’éclairage, aide financièrepour le branchement du réseautéléphonique.

Elle abrite ensuite dans les années70 un atelier de couture de vête-ments de la marque «Floriane».

Aujourd’hui classé en zone dan-gereuse en raison des risquesd’éboulements, le site de lacimenterie est retourné à l’étatsauvage. Seuls quelques vestigesont été préservés en mémoire decette industrie autrefois floris-sante.

Entrée d’une mine.

Page 32: Connaissance de Crolles Tome 1

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Le dernier routoir subsistant à Crolles, rue L. Terray.

Cliché : Service Archives et Patrimoine, mairie de Crolles.

Page 33: Connaissance de Crolles Tome 1

31

La culture du chanvreà Crolles

Le chanvre -cannabis sativa-est une plante annuelle àtige creuse recouverte d’é-corce fibreuse, qu’on utilisepour fabriquer du papier, descordes ou du tissu pour lesvêtements et les voiles desbateaux. Dès la récolte, les

tiges regroupées en bottes macèrentdurant dix jours environ : c’est le rouissa-ge. On peut alors extraire les fibres (cetteopération est dite teillage) puis les peignerjusqu’à obtention de fils.

Appréciant les milieux riches et humides, lechanvre fut cultivé dans la vallée de l’Isèredès le Moyen Âge et jusqu’au début duXXe siècle.

C’est d’ailleurs au XIXe siècle que cette cul-ture fut la plus florissante, à tel point qu’en1815, un décret impérial classa les rou-toirs, bassins servant aurouissage, établissementsinsalubres : le trempageengendrait odeurs nau-séabondes et pollutiondes cours d’eau quiincommodaient le voi-sinage.

L

Les frères Palloix, cordiers à Goncelin,début XXe siècle.

Coll. G. Grambin.

Page 34: Connaissance de Crolles Tome 1

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(1) Les chantournes sont des canaux créés au

cours du XIXe siècle pour assainir la plaine de

Crolles, jusque-là marécageuse en raison du

cours changeant de l’Isère.

Depuis lors, toute création de cesbassins fut soumise à autorisationpréfectorale. On sait ainsi qu’àCrolles en 1836, quatre nouveauxroutoirs sont créés aux Iles, le longde la chantourne(1).

En 1848, Crolles comptait 100 hec-tares plantés en chanvre et six tis-serands, témoins du dévelop-pement de cette activité. Puis cetteindustrie déclina, en raison de laconcurrence du coton et des fibressynthétiques. En 1892, il ne restaitplus à Crolles que 2 hectares dechanvre et plus aucun tisserand.

Le travail du chanvre auVersoud, début du XXe siècle.

Collection Conservation du Patrimoine de l’Isère

Page 35: Connaissance de Crolles Tome 1

33

L’eau, élément dedéveloppement del’industrie moderne

L’eau distribuée à Crolles estnaturellement très pure, cequi est rare en France : ellene reçoit donc aucun traite-ment, et seuls les sels miné-raux lui donnent du goût.

La pureté de l’eau a favorisél’implantation d’industries (high-tech, ali-mentaire) qui ont besoin d’une eau de trèshaute qualité. La consommation industrielleatteint donc les 2 371 975 m3 par an, pourenviron 439 115 m3 de consommationdomestique. Pour pouvoir répondre auxbesoins du Grésivaudan et développer l’ali-mentation des habitants et des industries,une deuxième canalisation va être mise enplace dans la vallée. Une fois utilisées, ceseaux industrielles, mais aussi les eauxdomestiques, doivent être évacuées pourêtre traitées.

Au fur et à mesure de leur augmentation,l’évacuation des eaux usées a posé des dif-ficultés techniques et surtout matériellesde plus en plus aiguës pour les villes. Il fautattendre la fin du XIXe siècle pour qu’unepolitique volontariste de construction d’in-frastructures s’impose. L’idée de traitementdes eaux est encore plus longue à se met-tre en place.

En 1962, 12% seulement des Français sontreliés au tout-à-l’égout.

A Crolles, les eaux usées sont, dès 1991,évacuées par l’intermédiaire du réseau duSIEC(1) pour être acheminées vers Aquapole.Construite en 1988, l’usine d’épurationAquapole, située au Fontanil, traite les eauxusées de l’ensemble de l’agglomérationgrenobloise afin de les dépolluer avant deles rejeter dans l’Isère.

Aujourd’hui comme hier, l’eau n’est acces-sible qu’au prix de gros efforts. D’autantque les sécheresses que nous vivons cer-taines années montrent que ce n’est pasune ressource inépuisable.

(1) Syndicat Intercommunal de l’Egout Collecteur

LUsine d’épuration Aquapole.

Cliché : Thierry Lemaître

Page 36: Connaissance de Crolles Tome 1

34

Ruisseau de Crolles à sec, août 2003.

Cliché : Animateurs environnement, mairie de Crolles.

Page 37: Connaissance de Crolles Tome 1

35

L’eausource de vie

Page 38: Connaissance de Crolles Tome 1

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La cascade de l’Oullealimentait le châteaude Montfort en eau.

Cliché : Service communication,

mairie de Crolles.

Bourneau en terre cuitevernissée, mis au jour dans le corps de garde du château en 2002.

Cliché : les Raisonneurs de Pierre.

Page 39: Connaissance de Crolles Tome 1

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L’eau dans les châteauxdu moyen-âge

À cette époque, l’approvisionnement eneau était une préoccupation majeuredans la conception des châteaux etmaisons fortifiées, qui résistaientparfois à de longs sièges.

On captait l’eau par des cana-lisations faites de tronçons

de tuyaux de bois ou de terre, les bour-neaux, maçonnés les uns aux autres.

Si l’ennemi coupait la source, on recou-rait aux citernes, creusées dans laroche, qui recueillaient les eaux d’é-coulement des toitures, et compre-naient un citerneau empli de gravier etde charbon filtrant le précieux liquide.

Un puits pouvait compléter ces res-sources limitées ; dans certains lieux,les habitants avaient recours, entemps de guerre, à des passages sou-terrains pour accéder aux cours d’eauvoisins.

Les châteaux du Grésivaudan

Une enquête de 1339 nous renseigne surla constitution des différents châteaux del-phinaux et parfois sur leur système d’ali-mentation en eau. Elle atteste la présence deciternes à Avalon et à Bellecombe, mais ne pré-cise rien pour la Buissière et Montfort à Crolles.

A

Page 40: Connaissance de Crolles Tome 1

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Est-ce un oubli des enquêteurs ? L’étatactuel du château de Montfort n’a pas nonplus mis en évidence la présence d’uneciterne ou d’un puits, bien qu’elle soit pro-bable.

Les récents travaux sur le site de Montfortont toutefois permis de mettre au jour des

canalisations de terre cuite, dans le logisdes gardes et à l’extérieur de ce mêmelogis, ainsi que l’extrémité d’une canalisa-tion de plomb à l’extérieur du château, quiamenait l’eau captée en amont, près de lacascade de l’Oule.

Le château de Montfort en 2002.

Cliché : Service Archives et Patrimoine,

mairie de Crolles.

Page 41: Connaissance de Crolles Tome 1

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Le réseau d’eaudu Château de Crolles

Le Château de Crolles en 2000.

Cliché : mairie de Crolles.

Page 42: Connaissance de Crolles Tome 1

A ChâteauB ParterresC Pièces broderie*D BassinsE Boulengrins (parterre de gazon

généralement entouré de bordure detalus)

F Glacières*G Pièces d’eauH Ecluse du grand canal*

I Grand canalK Aqueducs ou conduite

des eaux servant à faire aller les jetsL Vieux bois perdusM Potagers*N OrangerieO TerrasseP Source de bois perdusQ Grande rue*R Prairies*

S Allée de pins allant au village

T Terre*V EgliseW Pièces d’hautins (vignes)X VergersY Partie du villageZ La rue

* l’état du plan ne nous a pas permis deretrouver ces mentions.

40

Plan de Crolles et desenvirons appartenant à M. le Président TancinFait par Dabaux - 1715.

Coll. de Bernis

Page 43: Connaissance de Crolles Tome 1

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La quête de l’eaupotable : une longuehistoire

Pendant très longtemps,l’eau de Crolles provenait deruisseaux et sources quitarissaient l’été et se trou-blaient lors des grossespluies.

À la fin du XVIIIe siècle, lesseules fontaines de Crolles mentionnéesdans les registres de délibérations sont celles

du bourg et celledu Brocey.

Leurs eaux, provenant des sources dePlâtre-Magny, furent cédées par M. deBarral en 1784 aux habitants, sous condi-tion que ces derniers assurent l’entretiendes fontaines et canalisations. Cette lourdecharge fut à l’origine de nombreux conflitsentre les parties.

Pour répondre aux besoins de tous, d’autresfontaines furent créées en divisant les eauxcédées par M. de Barral : ainsi naquirent en1852 celles du haut et du pied de Crolles.Mais certains hameaux en restaientdépourvus : au Coco, du côté de Bernin,une seule fontaine existait en 1896, quitarissait chaque été.

De même, les habitants de Montforts’abreuvaient à quelques puits et auruisseau.

P

Cet aqueduc, situé près de lacimenterie , a été restauré par lacommune en 2003. Nous neconnaissons pas sa date deconstruction, mais un plan de 1715montre la présence d’un aqueducà cet endroit.

Cliché : Animateurs environnement,

mairie de Crolles.

Page 44: Connaissance de Crolles Tome 1

42

La fontaine du haut deCrolles, bien qu’elle ne soitplus alimentée, a étéconservée. Comme d’autresdans Crolles, elle fait un bacà fleurs original.

Cliché : Animateurs environnement,

mairie de Crolles

Construction d’une fontaine à

Crolles, 1911-1912.

Coll. A. Aymoz.

Page 45: Connaissance de Crolles Tome 1

43

La population crolloise croissant, lesbesoins en eau augmentèrent : en 1923, leconseil municipal lança la réalisation d’unréseau d’eau couvrant toute la commune,inauguré en 1927. Ce réseau fut basé sur lacaptation des sources de Plâtre-Magny,rachetées à la famille de Bernis, et de BoisSoleil, et permit d’alimenter certaines fon-taines publiques et de nombreusesconcessions particulières. Dès les années1930, une troisième source fut captée àSaint-Pancrasse : la source Radis.Désormais, chacun disposait d’une eauabondante et de qualité.

À Crolles, les années 1960 furent placéessous le signe du développement écono-mique et démographique : dès 1967, unpuits dut être foré dans la plaine, qui assu-rait 90% de l’alimentation du réseau, le restevenant de la source Radis. Mais cette eauavait souvent un goût de terre ou de javel.C’est pourquoi la commune se rattacha en1992 au réseau du SIERG(1), créé en 1947.

Depuis lors, l’eau de Crolles vient de lavallée de la Romanche. Puisée dans lesnappes alluviales et souterraines de Vizilleet Saint-Pierre-de-Mésage, cette eau trèspure est captée et acheminée jusqu’auxréservoirs communaux par le SIERG. Puiselle est distribuée par la SERGADI(2) (travauxsur la commune, pour le relevé descompteurs et facturation). Le hameau deMontfort est, pour des raisons historiques,alimenté par le Syndicat Intercommunal dela Terrasse-Lumbin-Crolles créé en 1928.

Station de pompage du puits foréen 1967 : aujourd’hui, ce puits nesert qu’à l’arrosage des jardinsfamiliaux.

Cliché : animateurs environnement, mairie de

Crolles.

Réservoir du SIERG à Crolles,construit en 1999.

Cliché : Animateurs environnement, mairie de Crolles.

(1) Syndicat Intercommunal des Eaux de la Région

Grenobloise.

(2) Service des Eaux de la Région Grenobloise et

d’Assainissement du Drac Inférieur.

Page 46: Connaissance de Crolles Tome 1

44

5

4

3

2

Un peu de vocabulaire � bassins� lavoir� abreuvoir� triomphe� jet ou dauphin,

souvent terminé par une tête zoomorphe (figurant un

animal)

1

Fontaine du Brocey.

Dessin : M. Desmaris,

«Autrefois pour Tous»,

août 2003.

Page 47: Connaissance de Crolles Tome 1

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Les fontainesformes et matériaux

A Crolles, la plupart des fon-taines publiques ou privéesdatent du XIXe siècle et duXXe siècle. Bassins et triom-phes étaient faits soit enpierre calcaire, soit en bétonpour les plus récents. Lescanaux d’amenée d’eau pou-

vaient être creusés dans la pierre ou cons-titués de tuiles creuses et bourneaux(1) dediverses matières : terre cuite, bois garni dechaux chaude (début XIXe siècle),tous maçonnés à la chaux ; ouencore tuyaux de plomb, et,au XXe siècle, en acierlaminé protégé par uneenveloppe de juteasphaltée.

Les formes

Deux types de bas-sins prédominent : lebassin unique et lebassin double. Le pre-mier, de grande taille(environ 2,50x1,50 m)est constitué de cinq pier-res calcaires plates scellés à lachaux et confortées d’agrafesmétalliques. Le second type, le plus fré-quent, se compose de deux bassins mono-blocs contigus : dans l’un, l’eau reste propre

pour s’abreuver ; sur le fond de l’autre sub-siste souvent un bourrelet qui servait à calerles planches des laveuses.

S’il demeure quelques fontaines à Crollesqui n’ont plus ou n’ont jamais eu de secondbassin-lavoir, telle que la fontaine du hautde Crolles, on constate une permanence deformes de ces bassins doubles : ceux réa-lisés au XXe siècle en béton, matériau quioffre de multiples possibilités, ont conservé

la forme ancienne.

ABassin simpleen pierre calcaire,chemin du Berger.

Cliché : Animateurs

environnement,

mairie de Crolles.

(1) Canalisations faites de tronçons de tuyaux.

Page 48: Connaissance de Crolles Tome 1

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La fontaine «Chapuis», à l’angle de la rue Jaurès et de la rue du Fragnès,fut créée en 1832, par accordentre 5 propriétaires duquartier et le sieur Chapuis,qui fournissait le terrain,le bassin et le triomphede la fontaine, contre le droitexclusif de litière devant lebassin.

Au Fragnès, une fontaineà l’eau toujours claire,

car les habitantsen prennent grand soin.

Cliché : Service Archives

et Patrimoine, mairie de Crolles.

Page 49: Connaissance de Crolles Tome 1

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Vivre autour de l’eau

De mémoire de Crollois, lesfontaines ont toujours été, etsont encore, au centre de lavie des quartiers. On y écou-tait les annonces dutambour ; lescortèges denoces ne

manquaient jamais de s’yarrêter. Source de vie etde prospérité, les fon-taines abreuvaienthommes et bêtes ; ony lavait, hier commeaujourd’hui, linge etlégumes. Elles per-mettaient en outre delutter contre lesincendies.

Elles offraient aussiune richesse indirecte :certains y étendaient de lalitière pour obtenir dufumier après le passage dubétail.

Le conseil municipal condamna cette pra-tique pour raisons d’hygiène, mais finit parcéder en 1819 : la vente du droit de litièreétait une source de revenus appréciable.

Bien avant le XIXe siècle, les fontainesfurent créées par des syndicats d’habi-tants des hameaux, communautés autre-fois distinctes, regroupées dans la commu-

ne de Crolles. Ces syndicats finan-çaient fouilles et captations de

sources, établissement desfontaines avec bassin et

triomphe, symboles de lafierté des communautésaux noms si familiers :le Brocey, le Fragnès,le Village… À la fin duXIXe siècle, la com-mune s’immisça deplus en plus dans lesaffaires des fontai-nes, à la demandedes habitants qui solli-

citaient son aide finan-cière.

Si aujourd’hui, de nom-breuses fontaines sont pro-

priété communale, elles appar-tiennent toujours au cœur des

Crollois et sont aussi vivantes qu’ellesont pu l’être, bien que laveuses et bétail neles fréquentent plus. On les utilise autre-ment certes, mais il est indéniable qu’ellessont toujours l’objet de «querelles passion-nées» et surtout de soins attentifs.

D

Page 50: Connaissance de Crolles Tome 1

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M. Genty puisant de l’eauet des femmes faisant la lessive

à la fontaine du bourg de Crolles début du XXe siècle.

Coll. G. Grambin.

Bassin rue du Fragnès.

Dessin : Georges Fort - 1985

Page 51: Connaissance de Crolles Tome 1

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"C’est quand le puitsest à sec que l’eaudevient richesse"

Proverbe européen

Page 52: Connaissance de Crolles Tome 1

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"Beaucoup soutiennent que lesconflits du futur seront des

conflits relatifs à l’eau douce.D’autres disent que la question

de l’eau encouragera lesinitiatives de coopération."

UNESCO

Page 53: Connaissance de Crolles Tome 1

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Tour à tour nourricière oudestructrice, alliée de l’hom-me ou ennemie, l’eau estomniprésente. En perpétuelmouvement, elle circuleentre les océans, les conti-nents et l’atmosphère.Organisée en cycle, l’eau est

une ressource unique, elle ne se fabriquepas. Elle façonne les paysages et lesreliefs, détermine l’habitat et les activitéséconomiques. L’eau permet l’irrigation descultures. Elle est transportée par les égoutsjusqu’aux stations d’assainissement.

L’affirmation de Pasteur «Nous buvons90% de nos maladies» institue une nouvel-le définition de l’eau potable et ouvre laporte aux traitements. Un lavage quotidienavec une eau saine protège de diversesmaladies causées par les bactéries et lesmicrobes. L’eau qui soigne en thermalismeen est une bonne illustration. Dans l’indus-trie, elle lave, teint, refroidit.

A la fois source d’énergie et moyen detransport. Eau spectacle à Venise ouVersailles. Toujours en mouvement, chan-geant de forme, de couleur et de volume,l’eau joue un rôle important dans les rituelsdes religions et mythes du monde entier.Le progrès assure qualité et disponibilité.L’eau devient plaisir.

Aujourd’hui, nos besoins en eau sontconsidérables : l’agriculture, l’industrie, lavie domestique utilisent l’eau de manièreexponentielle. Surexploité, menacé par lespollutions, l’«or bleu» doit être protégé. Achacun d’entre nous de devenir un écoci-toyen avec des gestes simples. L’assainis-sement des eaux est nécessaire, de mêmeque la pratique d’une agriculture raisonnéeet le fonctionnement en circuits d’eau fer-més des entreprises. Si l’eau est un droitlégitime, il en découle un devoir pour cha-cun d’entre nous : celui de la préserverpour les générations futures.

Rappelons nous qu’un homme ne peut sur-vivre plus de 3 jours sans eau douce.

TL’eau, patrimoinede l’humanité

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Conception graphique Thierry Lemaître, Grenoble.

Achevé d’imprimer sur les pressesde l’imprimerie des Eaux Claires, Echirolles.

3e trimestre 2004