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Connaître la CARIE DU BLE pour mieux la prévenir La carie commune du blé (Tilletia caries) a toujours côtoyé la culture de blé en France. Ecartée à partir des années 50 par l’arrivée des produits chimiques de synthèse, elle refait surface aujourd’hui. Dès lors, le plus important est de bien connaître son mode de fonctionnement et de réapprendre à la détecter. En agriculture biologique, il existe des méthodes de lutte mettant en oeuvre des mesures adaptées pour que la carie reste latente. Les pages qui suivent donnent des éléments de réponse face à cette maladie, en s’appuyant sur le cahier technique « Carie du blé » rédigé en 2007 et coordonné par l’ITAB. La carie, un champignon ? La carie est un champignon qui présente 2 phases dans sa vie : une phase de conservation dans le sol et une phase de dissémination dans la plante. A l’automne, la spore du champignon qui se trouve dans le sol ou bien autour du grain (si on a récolté puis ressemé une production cariée) germe à une température comprise entre 2 et 29°C (l’optimum se situe à 11 °C). Une fois germée, le champignon pénètre dans le coléoptile entre le stade germination et le stade 2 feuilles de la plante. Tout au long de la croissance de la céréale, il va progresser dans les différents organes et finir par contaminer les fleurs et donc les grains, qui se remplissent alors d’une poudre noirâtre : les spores du champignon, qui pourront à leur tour germer et refaire un cycle. Une fois le stade 2 feuilles atteint, les tissus de la plantule sont assez épais pour faire une barrière au champignon. L’objectif est donc de réduire l’intervalle germination du grain – stade 2 feuilles du blé, tout en se souvenant que les températures douces favorisent le champignon… Les semis tardifs et profonds présentent alors un risque accru. Le cycle de la carie commune du blé (Source : Arvalis-Institut du Végétal)

Connaître la CARIE DU BLE pour mieux la prévenir · Connaître la CARIE DU BLE pour mieux la prévenir La carie commune du blé (Tilletia caries) a toujours côtoyé la culture

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Connaître la CARIE DU BLE pour mieux la prévenir

La carie commune du blé (Tilletia caries) a toujours côtoyé la culture de blé en France. Ecartée à partir des années 50 par l’arrivée des produits chimiques de synthèse, elle refait surface aujourd’hui. Dès lors, le plus important est de bien connaître son mode de fonctionnement et de réapprendre à la détecter. En agriculture biologique, il existe des méthodes de lutte mettant en oeuvre des mesures adaptées pour que la carie reste latente. Les pages qui suivent donnent des éléments de réponse face à cette maladie, en s’appuyant sur le cahier technique « Carie du blé » rédigé en 2007 et coordonné par l’ITAB.

La carie, un champignon ? La carie est un champignon qui présente 2 phases dans sa vie : une phase de conservation dans le sol et une phase de dissémination dans la plante. A l’automne, la spore du champignon qui se trouve dans le sol ou bien autour du grain (si on a récolté puis ressemé une production cariée) germe à une température comprise entre 2 et 29°C (l’optimum se situe à 11 °C). Une fois germée, le champignon pénètre dans le coléoptile entre le stade germination et le stade 2 feuilles de la plante. Tout au long de la croissance de la céréale, il va progresser dans les différents organes et finir par contaminer les fleurs et donc les grains, qui se remplissent alors d’une poudre noirâtre : les spores du champignon, qui pourront à leur tour germer et refaire un cycle. Une fois le stade 2 feuilles atteint, les tissus de la plantule sont assez épais pour faire une barrière au champignon. L’objectif est donc de réduire l’intervalle germination du

grain – stade 2 feuilles du blé, tout en se souvenant que les températures douces favorisent le champignon… Les semis tardifs et profonds présentent alors un risque accru.

Le cycle de la carie commune du blé

(Source : Arvalis-Institut du Végétal)

D’où viennent les spores ? Les spores se propagent au moment du battage Un grain carié peut contenir jusqu’à 9 millions de spores : lors de la récolte d’une céréale cariée, les spores du champignon tombent sur le sol et se conservent dans le sol : elles pourront ainsi germer les années suivantes. Les grains cariés sont très fragiles et peuvent éclater dans la moissonneuse ou bien dans le silo : les spores entourent alors les grains sains (appelés alors grains boutés). Si ces grains sont ressemés, les spores pourront également germer autour du grain. Les spores se propagent par le matériel et le vent Lors des battages, le vent peut transporter les spores et contaminer le sol d’un champ voisin. Les spores qui restent dans la moissonneuse batteuse peuvent par contact, contaminer la récolte d’un champ voisin qui à l’origine était saine.

Des expériences anciennes rapportent que la carie peut survivre, au sec, 12 ans dans un grenier. Dans le sol, cette durée est réduite, la carie peut y vivre au moins 5 ans tout de même. Attendre 5 ans avant de ressemer une céréale sensible sur la parcelle « contaminée » semble alors être un minimum. La contamination du coléoptile dans le cas de grains boutés est plus facile que dans le cas d’une contamination du sol, car les spores sont directement au contact de la semence. Il faut noter l’incroyable pouvoir de propagation du champignon : 1 % d'épis cariés à la récolte peut donner jusqu’à 62 % d’épis cariés si le grain récolté est utilisé comme semence !

Quelles céréales sont sensibles ? Blé tendre, épeautre, petit épeautre, blé dur, orge, triticale sont sensibles, mais à des degrés différents. Le triticale par exemple semble quasi indemne du champignon (vérifié par des essais Arvalis et un essai INRA Grignon – GEVES). L’avoine serait résistante. Et à l’intérieur d’une même espèce, les variétés sont également sensibles à des degrés variés. Arvalis essaie actuellement de déterminer les variétés de blé les moins sensibles.

Sensibilité variétale du blé tendre : pourcentage d’épis contaminés suite à une contamination artificielle A droite : 6 essais, Arvalis-Institut du Végétal. Ci-dessous : 9 essais suisses (FAL et RAC). Les variétés semées en AB semblent assez sensibles : Renan, Caphorn, Cézanne, Orpic, comparées à Crousty, blé biscuitier très peu sensible.

Test simple pour estimer la présence de grains cariés dans un lot

Mettre 5 kg de céréales dans un seau rempli d’eau. Brasser et récupérer les grains qui surnagent. Répéter ce brassage jusqu’à ce qu’aucun grain ne remonte à la surface. Observer ensuite un par un les grains surnageant récupérés et déterminer s’ils sont cariés ou non (grains bombés remplis de poussière noire). Attention, cette technique permet de détecter des grains cariés, mais pas une contamination exogène (résidus de spores issus d’un silo mal nettoyé, de la moissonneuse batteuse, etc).

Comment la reconnaître ? Les symptômes ne sont visibles qu’à partir de l’épiaison et peuvent prendre différentes formes. Au champ, repérez les plantes plus courtes avec des épis plus ou moins déformés et ébouriffés (parfois coloration bleue verdâtre sur les feuilles et gaines et/ou sur les épis). Ouvrez les glumes avec l’ongle : si vous trouvez une poudre noirâtre à l’intérieur, vous êtes face à la carie, qui s’accompagne aussi d’une odeur de poisson pourri caractéristique. Attention cette odeur n’est pas systématique, car elle dépend des types de carie. Une fois mûr, un grain carié est plus court, plus arrondi et très fragile. Le plus souvent, c’est à la récolte que l’on détecte la carie : l’odeur et/ou un nuage noir lors du battage sont signes d’une forte contamination. En cas de doute n’hésitez pas à faire le « test du seau » décrit dans l’encadré. Ce test peut suffire en cas de production de céréales de consommation. En cas de production de semences, une analyse complémentaire en laboratoire est indispensable (55 € HT environ). Pour les Pays de la Loire, contactez la Station Nationale d’Essais de Semences à Beaucouzé dans le Maine-et-loire (02 41 22 58 00). Le laboratoire demande une centaine de grammes : multipliez les points de prélèvement dans le silo pour être le plus représentatif possible.

Que faire si la carie est détectée ? Précautions au moment de la récolte - stocker dans un lieu bien aéré, - manipuler doucement le grain pour éviter

l’éclatement des grains cariés, - nettoyer soigneusement tout le matériel qui a

servi pour la récolte, le stockage dans les silos, etc. (cette phase de lavage à l’eau est fastidieuse mais nécessaire pour éviter les contaminations de stockage),

- en cas de contamination très importante, les lots doivent être incinérés (cas extrême : brûlage sur pied dans le champ, avec une autorisation préfectorale).

Précautions au moment du semis - ne jamais semer du grain contaminé ! - si le sol a porté une récolte contaminée,

respecter 5 ans d’attente pour ressemer du blé, et ensuite : o labourer permet d’enfouir les spores (mais

celles-ci peuvent remonter au labour suivant…),

o assurer une levée rapide (pas de semis trop profond),

o éliminer les graminées sauvages et les repousses de blé qui peuvent être porteuses,

o choisir des espèces/variétés résistantes : préférez le triticale ou bien l’avoine en première paille. Les tests sur les variétés sont en cours d’étude par l’ITAB et Arvalis,

o traiter les semences au Tillecur : 1,3 kg de produit par quintal de semences, soit environ 20 € pour 100 kg de semences (voir encadré page suivante).

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B

Grain carié ouvert à l’ongle sur un épi carié (Source : ITAB)

Cha

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Régio

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Grains cariés

Une récolte cariée est-elle perdue ? A priori, le grain récolté carié n’est pas toxique. Par contre les spores avec leur odeur de poisson pourri peuvent entraîner des problèmes de qualité et surtout d’appétence du grain : - le grain n’est pas utilisable en alimentation

animale, - l’odeur se transmet à la farine et les lots sont

refusés en meunerie, - en production de semence, les lots sont bien

entendu inutilisables, pour éviter toute propagation.

Que dit la réglementation sur cette maladie ? La réglementation sur la carie commune en France concerne la certification des semences non traitées et biologiques et indique que ces lots de semences ne doivent contenir aucune spore de carie :

« Les lots de semences de blé tendre, non traitées avec un produit homologué pour lutter contre la carie et destinées à l'ensemencement sur le territoire français par l'utilisateur final, doivent répondre à la norme de 0 spore de Tilletia sp. dans l'échantillon soumis à l'analyse » (Règlement technique annexe des semences certifiées de céréales autogames, J.O. du 14 juin 2007). Document réalisé à partir du Cahier technique Carie du Blé. Retrouvez l’intégralité du « Cahier technique carie », sur le site Internet de l’ITAB (http://www.itab.asso.fr/, rubrique fiches techniques, puis Grandes Cultures). Ont participé à la rédaction de ce cahier : L. Fontaine et M. Hédont (ITAB), D. Caron, MH. Bernicot et N. Robin (Arvalis-Institut du Végétal), JA. Fougereux et F. Collin (FNAMS), R. Maurice (Chambre Régionale d’Agriculture des Pays de la Loire), F. Mercier (RSP). Relecture collégiale par des professionnels et techniciens des réseaux animés par l’ITAB. Cahier réalisé grâce au soutien financier de l’ONIGC.

Contact pour de plus amples renseignements : Réalisé avec le soutien de la région des Pays de la Loire

Renan MAURICE Chambre d’agriculture des Pays de la Loire (Angers)

Tel. : 02 41 18 60 34 ou 06 08 87 96 09 [email protected]

Relecteurs : Virginie RIOU (CDA 49), Paulette CHAUVEL (CDA 85), Jacques GUIGNARD (CAVAC)

Efficacité du Tillecur sur blé tendre Le Tillecur, à base d’extrait de moutarde, est autorisé en AB comme fortifiant des plantes et possède des propriétés anti-fongiques : il semble efficace contre la carie. Il a bénéficié d’une dérogation pour l’usage « traitement des céréales contre la carie » jusqu’au 31 décembre 2007. Gageons qu’en 2008, une dérogation d’utilisation de ce produit interviendra comme en 2007, renseignez-vous alors au moment du semis sur le statut réglementaire de ce produit. Arvalis-Institut du Végétal a réalisé 4 essais en sol contaminé artificiellement (1g de spores par m² de sol) et 4 essais en semences contaminées artificiellement (2 g de spores par kg de semence), de 2001 à 2003. Le graphe ci-contre montre la capacité du Tillecur à réduire fortement la pression carie en situation de semences contaminées. Dans le cas de sols contaminés, l’efficacité semble un peu moins bonne.

Avril 2008 –

Im

prim

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papie

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cyclé

(Source : Arvalis-Institut du Végétal)