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43 pratique vétérinaire Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012 De nombreuses pathologies infectieuses sont susceptibles d’affecter les volailles. Après les maladies virales et bactériennes, décrites dans le précédent numéro d’ Actualités pharmaceutiques, cette deuxième partie fait le point sur les maladies fongiques et parasitaires affectant les volatiles. L’ apparition de maladies fon- giques et parasitaires au sein d’un élevage de volailles est particulièrement conditionnée par les règles d’hygiène des bâtiments et des volatiles, ainsi qu’une alimentation équilibrée. Les maladies fongiques Deux pathologies engendrées par des spores de champignons concernent les volailles : – l’aspergillose, provoquée par Aspergillus fumigatus ; – la candidose, générée par Candida albicans. La première est de localisation générale- ment respiratoire, tandis que la seconde touche l’appareil digestif. L’aspergillose Plus fréquente chez les jeunes palmi- pèdes que chez les gallinacés (poussin, dinde et pintade), l’aspergillose est à l’origine d’un développement mycélien important dans les sacs aériens, expli- quant les difficultés respiratoires des oiseaux. Parfois, une diarrhée blanchâtre accompagne la dyspnée. La chaleur et l’humidité favorisent le déve- loppement des Aspergillus dans les pou- laillers mal tenus, dont la litière est sale. Les traitements sont souvent très déce- vants et seules des mesures de prévention relevant de l’hygiène sont envisageables. Connaître les maladies infectieuses des volailles ( deuxième partie ) La candidose Provoquée par un champignon de type levure qui prolifère dans le jabot et dans l’œsophage, la candidose aviaire affecte en priorité les oiseaux débilités ou appa- raît à la suite de traitements antibiotiques mal maîtrisés. Passant souvent inaper- çue, la maladie amène progressivement les animaux à réduire leur consommation d’eau et d’aliments dans les cas aigus, les rendant apathiques et anorexiques. Le seul antifongique utilisable en préven- tif et en curatif disposant d’une autorisa- tion de mise sur le marché (AMM) chez les volailles est le parconazole (Concen- trat VO 56 ® , Parcomyc ® , Parconazole Santamix ® ). Les maladies parasitaires, parasitoses externes Le parasitisme externe (poux, puces, tiques, gales) provoque démangeaisons et amaigrissement chez les différentes espèces d’oiseaux. Deux types de poux parasitent les volailles. Les poux blancs des plumes vivent de cellules mortes et n’ont, de ce fait, qu’un rôle pathogène très réduit, se limitant à perturber la croissance des jeunes animaux. En revanche, les poux rouges (Dermanys- sus gallinae) sont des acariens mesurant de 0,5 à 1 mm, qui logent dans les anfrac- tuosités des bâtiments et quittent leur refuge la nuit pour venir se nourrir du sang des volailles. L’anémie occasionnée peut entraîner la mort des sujets les plus jeu- nes. Les locaux peuvent être désinfectés à l’aide d’une solution insecticide à base de pyréthrines comme la perméthrine (Méfisto élevage fermier ® ), de phoxim (ByeMite ® ) ou d’un mélange bicarbonate de sodium-silice (Bi-Poux ® ). La tique du poulet, appelée argas, est un gros acarien hématophage qui effectue également son repas la nuit et engendre une anémie. Il peut, au cours de la mor- sure, transmettre des maladies infectieu- ses. Une désinfection des locaux doit être mise en place. © Fotolia.com/Magalice Nombre de maladies infectieuses affectent plus particulièrement les jeunes volailles.

Connaître les maladies infectieuses des volailles (deuxième partie)

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Page 1: Connaître les maladies infectieuses des volailles (deuxième partie)

43 pratique

vétérinaire

Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012

De nombreuses pathologies

infectieuses sont susceptibles

d’affecter les volailles.

Après les maladies virales

et bactériennes, décrites

dans le précédent numéro

d’Actualités pharmaceutiques,

cette deuxième partie fait

le point sur les maladies

fongiques et parasitaires

affectant les volatiles.

L’apparition de maladies fon-giques et parasitaires au sein d’un élevage de volailles est

particulièrement conditionnée par les règles d’hygiène des bâtiments et des volatiles, ainsi qu’une alimentation équilibrée.

Les maladies fongiquesDeux pathologies engendrées par des spores de champignons concernent les volailles :– l’aspergillose, provoquée par Aspergillus fumigatus ;– la candidose, générée par Candida albicans.La première est de localisation générale-ment respiratoire, tandis que la seconde touche l’appareil digestif.

L’aspergillose

Plus fréquente chez les jeunes palmi-pèdes que chez les gallinacés (poussin, dinde et pintade), l’aspergillose est à l’origine d’un développement mycélien important dans les sacs aériens, expli-quant les difficultés respiratoires des oiseaux. Parfois, une diarrhée blanchâtre accompagne la dyspnée.La chaleur et l’humidité favorisent le déve-loppement des Aspergillus dans les pou-laillers mal tenus, dont la litière est sale. Les traitements sont souvent très déce-vants et seules des mesures de prévention relevant de l’hygiène sont envisageables.

Connaître les maladies infectieuses des volailles (deuxième partie)

La candidose

Provoquée par un champignon de type levure qui prolifère dans le jabot et dans l’œsophage, la candidose aviaire affecte en priorité les oiseaux débilités ou appa-raît à la suite de traitements antibiotiques mal maîtrisés. Passant souvent inaper-çue, la maladie amène progressivement les animaux à réduire leur consommation d’eau et d’aliments dans les cas aigus, les rendant apathiques et anorexiques.Le seul antifongique utilisable en préven-tif et en curatif disposant d’une autorisa-tion de mise sur le marché (AMM) chez les volailles est le parconazole (Concen-trat VO 56®, Parcomyc®, Parconazole Santamix®).

Les maladies parasitaires, parasitoses externesLe parasitisme externe (poux, puces, tiques, gales) provoque démangeaisons et amaigrissement chez les différentes espèces d’oiseaux. Deux types de poux parasitent les

volailles.

Les poux blancs des plumes vivent de cellules mortes et n’ont, de ce fait, qu’un rôle pathogène très réduit, se limitant à perturber la croissance des jeunes animaux. En revanche, les poux rouges (Dermanys-sus gallinae) sont des acariens mesurant de 0,5 à 1 mm, qui logent dans les anfrac-tuosités des bâtiments et quittent leur refuge la nuit pour venir se nourrir du sang des volailles. L’anémie occasionnée peut entraîner la mort des sujets les plus jeu-nes. Les locaux peuvent être désinfectés à l’aide d’une solution insecticide à base de pyréthrines comme la permé thrine (Méfisto élevage fermier®), de phoxim (ByeMite®) ou d’un mélange bicarbonate de sodium-silice (Bi-Poux®). La tique du poulet, appelée argas, est

un gros acarien hématophage qui effectue également son repas la nuit et engendre une anémie. Il peut, au cours de la mor-sure, transmettre des maladies infectieu-ses. Une désinfection des locaux doit être mise en place.

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Nombre de maladies infectieuses affectent plus particulièrement les jeunes volailles.

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Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012

Deux sortes de gale sont générées par des acariens parasites de la peau :– la gale déplumante, liée à Cnemidocoptes laevis, siège essentiellement au niveau du cou. Ce parasitisme entraîne la cassure des plumes qui, de plus, peuvent être arrachées par l’oiseau lui-même en réac-tion à l’irritation de sa peau ;– la gale des pattes est suspectée devant la présence de croûtes blanches qui soulè-vent les écailles. Cnemidocoptes mutans, l’agent responsable, creuse des galeries pour y pondre ses œufs. Sans traitement, la déformation des pattes provoque des boiteries chez les animaux. À côté de la pulvérisation des poulaillers, l’ivermectine (Ivomec®) peut être utilisée hors AMM en pour-on, à la dose de 1 goutte par kilo-gramme, à condition que les animaux ne soient pas consommés ultérieurement.

Les maladies parasitaires, parasitoses internesLe parasitisme interne, hormis l’Histomo-nas meleagridis et le syngame, regroupe de nombreuses espèces de coccidies et de vers du tube digestif.

Les protozooses

Les coccidioses sont dues aux coccidies, des protozoaires – principa-lement du genre Eimeria – vivant à l’état naturel dans l’intestin des volailles. Il existe une spécificité d’hôte pour chaque espèce de coccidie. La maladie se transmet par les fèces renfermant des ookystes, mais aussi, de manière indirecte, par du maté-riel souillé ou des coléoptères tels que les ténébrions. Sans conséquence clinique majeure, elle peut parfois revêtir divers aspects en fonction du parasite incriminé et de l’animal infecté. Ainsi, chez le poulet, peuvent être observées une coccidiose cæcale hémorragique (Eimeria tenella), une atteinte intestinale aiguë (Eimeria necatrix) ou une coccidiose duodénale (Eimeria acervulina). La symptomatologie clinique n’a rien de caractéristique :– perte d’appétit ;– abattement ;– plumage hérissé ;– diarrhées avec, parfois, des traînées sangui nolentes.

Les coccidioses du canard sont également à l’origine d’hémorragies dans l’intestin grêle. Chez la dinde et la pintade, l’affec-tion engendre moins de troubles et les animaux guérissent souvent rapidement. En revanche, chez l’oie, E. anseris entraîne des hémorragies massives dans l’intestin grêle, tandis qu’E. truncata infecte le rein et peut provoquer la mort des animaux de moins de 12 semaines.Un sujet qui a été correctement soigné ou peu infesté est immunisé contre le type de coccidiose qui s’était développé, mais pas contre les autres. De nombreux traitements anticoccidiens sont disponibles : sulfadiméthoxine (Ami-durène®), sulfa diméthoxine-triméthoprime (Biaprim®), amprolium (Nemaprol®), toltra-zuril (Baycox®, Cevazuril®). L’histomonose est une typhlo-hépa-

tite qui affecte surtout la dinde et la pintade. Suite à la réévaluation des limi-tes maximales de résidus dans l’Union européenne en 2003, cette maladie est en recru descence puisque nous ne dis-posons plus d’antiparasitaires actifs sur Histomonas meleagridis. L’apparition d’une diarrhée jaune soufre ou moutarde après une période d’incubation d’une dizaine de jours est caractéristique de cette protozoose. Les plumes tachées de fiente, la prostration, la démarche hési-tante, la tête basse prenant une coloration noirâtre et l’anorexie constituent les autres symptômes présentés par les animaux.La prophylaxie sanitaire est actuel-lement la seule arme à mettre en œuvre. Elle consiste à séparer les espèces, les poules étant réceptives à la maladie. Le cycle évolutif du parasite étant en partie lié à celui du nématode Heterakis gallinarum, puisqu’il est hébergé dans les œufs du ver, il est important de vermifuger régulièrement les animaux.

Les nématodoses

Les helminthiases intestinales sont causées par des vers du tube digestif qui affectent surtout les jeunes sujets jusqu’à 3-4 mois. Chez les oiseaux adultes por-teurs, seule une baisse de ponte laisse suspecter le parasitisme. Les principaux nématodes intestinaux mesurent de 1 à 7 cm :– les ascaris (Ascaridia spp.) ;– les capillaires (Capillaria obsignata), qui peuvent également être retrouvés au niveau du jabot (Capillaria annulata, Capillaria contorta) ;– les heterakis (Heterakis gallinarum) pré-sents au niveau du cæcum.Localisé au niveau du gésier, le nématode le plus répandu chez les palmipèdes est Amidostomum anseris. Les symptômes diffèrent suivant l’agent responsable (tableau 1).Le lévamisole (Polyvermyl®, Biamin-thic®, Polystrongle®…) et le flubendazole (Concentrat VO 80®, Concentrat VO 81®, Flubendazole 6 Volai l le franvet®, Flubenol®) sont efficaces sur toutes les espèces d’helminthes, tandis que la pipérazine (Pipérazine Virbac®, Pipérazine Coophavet®, Vermyl®) est peu active vis-à-vis des capillaires et d’Amidostomum. La spirurose est provoquée par les

spirures (Acuaria spiralis, Acuaria nasuta, Echinuria uncinata, Tetrameres confusa), des parasites du proventricule. Les vers hématophages peuvent également se retrouver au niveau du gésier. Quasiment absente des élevages en France, cette parasitose ne concerne que les oiseaux sauvages.L’animal, en indigestion permanente, est amaigri et meurt d’épuisement. Du fait de la rareté de la spirurose chez les volailles, il existe peu de données thérapeutiques la concernant.

Tableau 1 : Signes cliniques causés par les nématodes intestinaux

Symptômes Ascaris Capillaires Heterakis AmidostomumDiarrhée

Amaigrissement

Fatigue

Mortalité

Baisse de ponte

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vétérinaire

Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012

thiases intestinales, en particulier au flubendazole.

Les cestodoses

Ce type de parasitose est dû aux ténias, vers plats dont il existe de nombreuses espèces, qui peuvent mesurer jusqu’à 10 cm de long. Souvent présents en même temps que les vers ronds, ils aggravent les troubles occasionnés par les nématodes.Les animaux maigrissent très rapidement en raison de diarrhées persistantes. Il n’existe pas de spécialités ténicides ayant l’AMM pour des animaux destinés à la consommation. Pour les autres sujets, la spécialité Teniverm®, qui contient du niclosamide associé au lévamisole, peut être utilisée.

ConclusionMaintenir les locaux sains et suffisamment aérés, donner aux animaux une nourriture équilibrée sans qu’ils ne manquent d’eau potable et éviter toute contamination par des sujets étrangers (volatiles ou humains) constituent donc autant de règles qui per-mettent de prévenir, dans la plupart des cas, l’apparition de maladies au sein d’un élevage de volailles. n

Pascal Coudert

Professeur des universités,

Laboratoire de chimie thérapeutique,

Faculté de pharmacie, université d’Auvergne,

Clermont-Ferrand (63)

[email protected]

Émilie Donas

Docteur vétérinaire,

Sainte-Foy-lès-Lyon (69)

[email protected]

Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir

de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Pour en savoir plusGuérin JL, Balloy D. Maladie des volailles. 3e édition. Paris: Éditions France agricole ; 2012.

Guérin JL. Pathologie aviaire et santé publique. www.avicampus.fr/pathologie.htm

Volailles, quelques recommandations d’hygièneDe nombreuses pathologies infectieuses sont

susceptibles d’affecter les volailles. Le diagnostic

clinique est difficile du fait d’une

symptomatologie souvent peu caractéristique et

spécifique, rendant une confusion possible entre

plusieurs maladies. Le diagnostic de laboratoire

est, quant à lui, souvent le seul probant.

Le Réseau national d’observations

épidémiologiques en aviculture (RNOEA) peut

constituer une aide, grâce au recueil de données

dont il dispose en cas d’épidémies.

Pour plusieurs affections de volailles destinées

à la consommation, il n’existe pas de traitement

disponible. Dans ces conditions, les précautions

d’hygiène et de prévention (vaccination) prennent

toute leur importance.

Hygiène des bâtimentsLes précautions d’hygiène et de prévention

débutent par le choix, pour les bâtiments

d’élevage, d’un emplacement géographique

adapté et isolé, tenant compte de la direction

des vents dominants. Les matériaux utilisés à

l’intérieur des bâtiments doivent être étanches

et lisses afin que les opérations de nettoyage et

de désinfection soient efficaces. Pour les mêmes

raisons, l’enclos extérieur doit idéalement

être une surface bétonnée. La propreté est au

premier plan des préoccupations de l’éleveur :

l’enclos et le poulailler, ainsi que tous les

objets qui s’y trouvent, doivent être nettoyés

régulièrement. Les mangeoires et abreuvoirs

doivent ainsi être lavés chaque jour avant

un nouveau remplissage. Chaque mois, sol,

perchoirs et pondoirs doivent être débarrassés

des crottes, des litières sales et des restes de

nourriture. Le poulailler est lessivé avec de l’eau

additionnée d’un désinfectant (eau de javel,

ammonium quaternaire…) deux fois par an.

De même, les abords du poulailler et l’enclos où

sont parqués les animaux sont des lieux souvent

très massivement infestés qui doivent donc

être déparasités au moyen de sulfate de fer

(4 kg/100 m², deux fois par an) ou de cyanamide

calcique (2 kg/100 m², deux fois par an).

Hygiène humaineToute personne entrant dans un poulailler doit

se soumettre à des consignes d’hygiène :

– port de vêtements spécifiques ;

– passage des bottes dans un pédiluve ;

– lavage des mains ;

– application, autant que possible, d’une marche

en avant (surtout dans les couvoirs).

Les visites doivent être limitées autant que

possible.

Hygiène des volatilesIl ne faut pas oublier que tout animal en contact

avec une autre volaille peut contracter ses

maladies. Dès lors, un nouvel arrivant doit

être placé en quarantaine pendant au moins

3 semaines avant d’être introduit dans l’élevage.

Tout oiseau suspect (prostré, plumes hérissées,

ailes pendantes…) doit être isolé.

Enfin, la surpopulation est responsable d’une

augmentation de la morbidité et du picage.

Ce phénomène, se traduisant par l’arrachage

des plumes des congénères à coups de bec

– pouvant aller jusqu’au cannibalisme –, peut

également s’observer en cas de forte chaleur,

de lumière excessive dans les locaux d’élevage

ou de carence alimentaire. L’administration

d’un supplément nutritionnel (Picagix®), la

mise à disposition de bottes de verdure et

l’amélioration des conditions d’élevage sont

autant de mesures à appliquer pour lutter contre

ce trouble du comportement.

La syngamose, maladie des galli formes, est provoquée par Syngamus trachea, un nématode hématophage qui infeste la tra-chée respiratoire où il vit en accouplement permanent avec sa femelle, donnant l’as-pect d’un ver en Y. Les larves peuvent migrer au niveau du cœur et des poumons.

Les jeunes oiseaux de moins de 3 mois éprouvent des difficultés à respirer : ils présentent une toux sifflante et peuvent mourir par suffocation. Chez les oiseaux plus âgés, l’immunité se met en place. Le traitement fait appel aux mêmes principes actifs que pour les helmin-