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CONSEIL DE DISCIPLINE COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC CANADA PROVINCE DE QUÉBEC N°: 24-13-00809 DATE: Montréal, le 11 juin 2015 LE CONSEIL: Me François D. Samson Dr Gilles Lalonde Dr André Larose Président Membre Membre DOCTEUR DANIELLE BOURRET, médecin, ès qualités de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec, dont le siège social est situé au 2170, bou!. René-Lévesque Ouest, Montréal, province de Québec, H3H 2T8 Plaignante c. DOCTEUR MICHEL GIRARD (85106), un professionnel, membre du Collège des médecins du Québec, pratiquant sa profession notamment à Montréal, province de Québec. Intimé DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DU NOM DE LA PATIENTE DONT LA PLAINTE FAIT ÉTAT AINSI QUE DE TOUS RENSEIGNEMENTS PERMETTANT DE L'IDENTIFIER. [1] Le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec a siégé à Montréal pour entendre et disposer d'une plainte amendée ainsi libellée:

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CONSEIL DE DISCIPLINE COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC

CANADA PROVINCE DE QUÉBEC

N°: 24-13-00809

DATE: Montréal, le 11 juin 2015

LE CONSEIL: Me François D. Samson Dr Gilles Lalonde Dr André Larose

Président Membre Membre

DOCTEUR DANIELLE BOURRET, médecin, ès qualités de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec, dont le siège social est situé au 2170, bou!. René-Lévesque Ouest, Montréal, province de Québec, H3H 2T8

Plaignante

c.

DOCTEUR MICHEL GIRARD (85106), un professionnel, membre du Collège des médecins du Québec, pratiquant sa profession notamment à Montréal, province de Québec.

Intimé

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE A PRONONCÉ UNE ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION ET DE NON-DIFFUSION DU NOM DE LA PATIENTE DONT LA PLAINTE FAIT ÉTAT AINSI QUE DE TOUS RENSEIGNEMENTS PERMETTANT DE L'IDENTIFIER.

[1] Le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec a siégé à Montréal pour entendre et disposer d'une plainte amendée ainsi libellée:

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cc 1. En négligeant d'élaborer son diagnostic avec la plus grande attention alors que cette patiente présentait une douleur épigastrique irradiant aux bras, une histoire, des signes ou symptômes suggérant la présence ou la possibilité d'un syndrome coronarien aigu, [ ... }, contrevenant aux articles 46 et [ ... } du Code de déontologie des médecins et commettant des actes dérogatoires à l'honneur et la dignité de la profession, [ ... };

2. En omettant de se rendre voir le résultat du second ECG de sa patiente, qu'il avait lui-même requis, alors qu'il était de garde et fut informé par un infirmier que l'examen avait été fait, vers 5hOO, négligeant de procéder rapidement à une réévaluation de la condition médicale de la patiente et d'apprécier sur le plan médical l'urgence du cas, contrairement aux articles [ ... } et 47 du Code de déontologie des médecins et commettant un acte dérogatoire à l'honneur et la dignité de la profession, [ .•. };

[2] La plaignante est présente et représentée par son procureur, Me Jacques Prévost. L'intimé est également présent et représenté par son procureur Me Philippe Cantin.

[3] Les procureurs des parties ont demandé au Conseil de prononcer des ordonnances afin de protéger la vie privée de la patiente mentionnée à la plainte. Compte tenu du bien-fondé de cette demande, le Conseil de discipline a prononcé les ordonnances reproduites au début de la présente décision et reprises dans ses conclusions.

[4] Le procureur de la plaignante, de consentement avec son confrère, a demandé au Conseil d'amender la plainte afin de retirer certains rattachements législatifs et certains passages des chefs numéros 1 et 2 de la plainte. Ces amendements sont reflétés dans la plainte amendée citée ci-haut.

[5] Par la suite, les ordonnances ont été prononcées en vertu de l'article 142 du Code des professions et la demande d'amendement a été autorisée par le Conseil conformément à l'article 145 du même Code.

[6] L'intimé a plaidé coupable aux reproches formulés contre lui aux deux chefs de la plainte amendée.

[7] Compte tenu de son plaidoyer de culpabilité, le Conseil a déclaré l'intimé coupable des reproches formulés contre lui par la plaignante et procédé séance tenante à l'audition des représentations sur sanction des parties.

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PREUVE SUR SANCTION DE LA PLAIGNANTE

[8] Le procureur de la plaignante informe le Conseil avoir convenu avec son confrère de ne pas faire entendre de témoins et de se limiter au dépôt de la preuve documentaire au soutien des reproches formulés par la plaignante et à celle de l'intimé visant à mettre en preuve certains éléments que ce dernier juge pertinent de soumettre au Conseil.

[9] Ils déposent les pièces en question sous les cotes SP-1 à SP-10, sous réserve de la pièce SP-5 soit un courriel de la plaignante adressé à son procureur qui fait l'objet d'une objection de la part de son confrère et qui fera l'objet d'une décision du Conseil ci-après.

[10] La preuve documentaire de la plaignante est constituée notamment du dossier hospitalier, d'un document de l'Institut de cardiologie, d'un résumé de témoignage d'un infirmier, du registre des admissions, d'une lettre de l'intimé, de l'expertise du Docteur Jocelyn Barriault accompagné de son curriculum vitae et de ses références ainsi que du dossier professionnel de l'intimé.

[11] Quant à l'objection prise sous réserve concernant le dépôt de la pièce SP-5, le Conseil constate à la lecture de ce document qu'il y a des faits qui sont rapportés par l'archiviste à la plaignante qui fait état de ces derniers à son procureur sans que l'intimé n'ait eu la possibilité de contre-interroger ce dernier sur sa déclaration. Le procureur de la plaignante soutient qu'il avait été convenu entre les parties de ne pas faire entendre de témoins et que le dépôt de la preuve documentaire serait suffisant. Le procureur de l'intimé prétend avoir informé son confrère de son intention de contester le dépôt en preuve de ce courriel. C'est dans ce contexte que le Conseil doit trancher cette objection.

[12] Après avoir fait une lecture très attentive de ce courriel et de la nature de son contenu, le Conseil est d'opinion qu'il est fort probable que le procureur de l'intimé ait voulu s'objecter à son dépôt et qu'il y a eu un malentendu entre les procureurs qui ont de l'expérience. " n'en demeure pas moins que l'intimé n'a pas eu l'opportunité de contre-interroger cet archiviste sur la nature de ses propos ou même voir le rapport de ce dernier. Dans les circonstances, le Conseil ne permettra pas le dépôt de la pièce SP-5 prise sous réserve par mesure de prudence et ce dans le but d'évaluer la pertinence de ce courriel.

PREUVE SUR SANCTION DE L'INTIMÉ

[13] Le procureur de l'intimé dépose de consentement les pièces (SI-1 à 12) en précisant que la pièce (SI-12) doit être considérée comme des admissions pour valoir témoignages de l'intimé et de ses témoins et ce dans le but notamment de dispenser ces derniers de se déplacer pour venir témoigner devant le Conseil. "souligne par ailleurs que les admissions ne représentent pas nécessairement la position de la plaignante.

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REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION DE LA PLAIGNANTE

[14] Dès le début de ses représentations, le procureur de la plaignante recommande d'imposer à l'intimé sur le chef numéro 1, une période de radiation temporaire de 6 mois et sur le chef numéro 2 une période de 1 an à purger concurremment, le paiement de tous les déboursés et la publication de la présente décision et ce pour les raisons suivantes.

[15] Il demande au Conseil de considérer très sérieusement la gravité des chefs qui provient des infractions commises pour lesquelles l'intimé a reconnu sa culpabilité. Il soumet que l'intimé se devait impérativement d'élaborer son diagnostic et de suivre les règles de l'art et ne pas poser de gestes intempestifs comme il l'a fait. Il qualifie les gestes posés et décrits au chef numéro 2 d'extrêmement graves parce ces derniers visent la qualité de l'acte médical.

[16] Il rappelle que l'expert de la plaignante est d'opinion que l'intimé n'a pas rencontré ses obligations de base, ajoutant que le fait que ce dernier était de garde et a refusé de donner ou prescrire des traitements jugés nécessaires pour la patiente est un comportement en l'espèce dangereux.

[17] Il soumet que le Conseil doit protéger le public et rendre notamment une sanction dissuasive et exemplaire pour atteindre ce but. Il rappelle que la preuve a révélé que l'intimé a refusé de venir prendre connaissance du résultat d'un examen qu'il avait prescrit et de se rendre au chevet de sa patiente alors qu'il n'était pas débordé, préférant se reposer ce qui a mis en danger la vie de la patiente ou à tout le moins lui a fait courir un risque.

[18] Il soutient que ce genre de comportement met en péril la confiance qu'a le public en la profession médicale et la réputation de ses membres et notamment en apprenant qu'un médecin de garde a refusé de se déplacer de la manière dont l'a fait l'intimé faisant ainsi courir un risque à une patiente.

[19] Quant aux faits pertinents, il rappelle que les symptômes et les douleurs décrits par la patiente militaient, en l'espèce, pour un problème cardiaque, que l'intimé a fait une prescription à 4hOO et 5hOO sans réévaluer sa patiente et refuser de prendre connaissance du résultat de l'ECG comme le mentionne l'infirmière dans ses notes à la page 93 du dossier médical. Il qualifie cette inscription de peu commune dans le domaine.

[20] Il soumet que l'intimé a déclaré ne pas avoir vu les notes infirmières alors que ces dernières décrivaient la patiente comme étant souffrante. Il mentionne que l'infraction de base est le fait que l'intimé a refusé de se déplacer au chevet de la patiente alors qu'il était sur place et de garde par surcroît.

[21] Le procureur rappelle que l'intimé est un récidiviste ayant déjà été radié temporairement pour une période de 4 mois en vertu des dispositions de l'ancien Code de déontologie des médecins visant le même genre de comportement que celui

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reproché dans la présente plainte sans compter que celui-ci a fait l'objet de nombreux avertissements et a dû se soumettre à un stage durant lequel des remarques négatives ont été faites le concernant notamment sur son manque d'empathie, ses retards etc. ce qui a conduit à la recommandation de ne pas renouveler ses privilèges, ajoutant que peu de médecins ont une feuille de route aussi importante.

[22] Il soutient que l'intimé n'a pas su tirer profit de la période de radiation temporaire qui lui a été imposée et les nombreux avertissements concernant sa pratique. Il mentionne que l'engagement de l'intimé à ne plus faire d'urgence ne changera rien à son comportement général qualifiant les propos de son expert de non compatibles avec le comportement de l'intimé et doivent à la limite être considérés comme un facteur aggravant. Il soutient que les regrets de l'intimé ne sont plus de mises et ce en raison de son parcours disciplinaire.

[23] Il soumet que le fait de surveiller une patiente n'est sûrement pas, comme le prétend l'expert de l'intimé, en demeurant assis à ne rien faire. Il rappelle que toutes les mesures prises pour aider l'intimé à modifier son comportement n'ont pas donné de résultat parce que celui-ci est non réceptif et finalement ne veut pas changer.

[24] En terminant, il mentionne que la perception du public est un élément contribuant à sa protection et que le Conseil n'a pas l'obligation de protéger le professionnel mais le public.

[25] Finalement, il dépose et commente certaines décisions pour appuyer ses représentations.

REPRÉSENTATIONS SUR SANCTION DE L'INTIMÉ

[26] Le procureur débute ses représentations en rappelant au Conseil les principes devant le guider pour établir une sanction juste, appropriée et proportionnée à la faute déontologique commise par l'intimé. Il souligne notamment le fait que le but de la

. sanction disciplinaire n'est pas de punir l'intimé et soutient que les facteurs à considérer lors de l'établissement de la sanction ont fait l'objet d'une décision de la Cour d'appel du Québec à l'occasion de l'affaire bien connue de Pigeon c. Daigneault1.

[27] Il recommande d'imposer à l'intimé pour les motifs qu'il exposera postérieurement, une période de radiation temporaire de 3 mois sur le chef numéro 1 et de 1 mois sur le second chef.

[28] Il soutient que le Conseil doit prendre en considération dans un premier temps la protection du public, la gravité des offenses, l'exemplarité de la sanction et le risque de récidive. Il soumet relativement à la protection du public que cette dernière n'est pas menacée notamment parce que l'intimé comprend la gravité de ses gestes, qu'il a collaboré avec la plaignante et le Comité d'inspection professionnelle, qu'il s'est engagé volontairement à ne plus faire de médecine d'urgence en établissement et que suite à

Pigeon c. DaigneauJt, [2003] R.J.Q. 1090 (CA), pages 1097 et 1098;

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une inspection professionnelle, l'inspecteur a conclu que la qualité de son exercice était adéquate et finalement qu'il regrette les gestes posés.

[29] Relativement à la gravité de la faute, il soumet que l'intimé la reconnaît et qu'il regrette sincèrement les gestes posés et rappelle que la patiente n'a subi aucun préjudice de son genre de comportement, ajoutant que le personnel a une part de responsabilité dans la manière que l'intimé a perçu la situation.

[30] Quant à l'exemplarité de la sanction, il mentionne que la sanction doit tout de même être proportionnelle aux gestes commis alors que l'aspect dissuasif s'exerce tant auprès de l'intimé que pour tous les membres de la profession. Il soutient que le fait que l'intimé ait décidé de ne plus faire de médecine d'urgence en établissement est un facteur important qui milite en sa faveur et notamment en ce qui concerne le risque de récidive qui devient nul en raison de cette décision.

[31] Il mentionne que le Conseil doit prendre en considération également le fait que l'intimé a plaidé coupable, a offert sa collaboration, qu'il a perdu des revenus en raison de son stage de perfectionnement et son tutorat et a dû assumer des déboursés de plusieurs milliers de dollars pour ces derniers.

[32] Il rappelle également que l'expertise du Docteur Dion n'a pas été déposée dans le but de disculper l'intimé mais pour mettre en perspective celle de l'expert de la plaignante, le Docteur Barriault.

[33] Il soumet que les trois inspections professionnelles qui ont eu lieu après la période de radiation temporaire, deux d'entre elles ont été positives et une dernière a mené à l'imposition d'un tutorat et d'un stage.

[34] En terminant, il dépose et commente plusieurs décisions pour soutenir ses prétentions à l'effet que la recommandation de la plaignante est inappropriée

[35] En réplique, le procureur de la plaignante soutient que le fait de déposer l'expertise de Docteur Dion par l'intimé alors qu'il a plaidé coupable démontre le manque de jugement de ce dernier ce qui constitue un facteur aggravant.

[36] Il se dit étonné d'entendre l'intimé suggérer comme sanction une période inférieure à celle déjà purgée par le passé et ce alors qu'il n'était pas un récidiviste comme c'est le cas à présent, qu'il a coulé son stage en 2013 et ce, à la lumière des nombreuses lacunes mises en évidence.

ANALYSE

[37] Le Conseil de discipline a déclaré l'intimé coupable, suite à son plaidoyer de culpabilité sur les 2 chefs de la plainte amendée. Il a maintenant le devoir d'imposer à ce dernier des sanctions qui devront être justes, appropriées et équitables, ce qui constitue une tâche toujours difficile.

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Chef numéro 1

[38] L'intimé a reconnu par son plaidoyer de culpabilité avoir négligé d'élaborer avec la plus grande attention son diagnostic alors que la patiente présentait une douleur épigastrique irradiant aux bras, une histoire, des signes ou symptômes suggérant la présence ou la possibilité d'un syndrome coronarien aigu.

[39] Il a ainsi contrevenu à l'article 47 du Code de déontologie des médecins qui prévoit:

(( Le médecin doit s'abstenir de faire des omissions, des manoeuvres ou des actes intempestifs ou contraires aux données actuelles de la science médicale. )}

Chef numéro 2

[40] L'intimé a reconnu avoir omis de se rendre voir les résultats du second ECG de sa patiente, qu'il avait lui-même requis, alors qu'il était de garde et fut informé par un infirmier que l'examen avait été fait, vers 5hOO, négligeant de procéder rapidement à une réévaluation de la condition médicale de la patiente et d'apprécier sur le plan médical l'urgence du cas.

[41] L'intimé a ainsi contrevenu à l'article 47 du Code de déontologie des médecins qui est déjà cité.

[42] C'est dans ce contexte fort particulier que le Conseil de discipline doit sanctionner le professionnel intimé qui comparaît devant ses pairs suite à son plaidoyer de culpabilité qui équivaut à toutes fins utiles à une reconnaissance des faits allégués aux différents chefs de la plainte amendée.

[43] Il Y a lieu de rappeler immédiatement le fait que l'intimé, en devenant membre du Collège des médecins du Québec, a accepté volontairement d'adhérer à ses règlements. À ce sujet, il est intéressant de référer aux propos suivants de la Cour supérieure dans l'affaire Breton:

(( [37) Sans reprendre ce qui a préalablement été décidé quant à la compétence du Comité de discipline, le Tribunal ajoute qu'il estime, qu'en adhérant volontairement à l'OPTSQ, ce dernier a accepté de se soumettre aux règles déontologiques prévues au Code de déontologie des travailleurs sociaux.

[3B} C'est ainsi que l'entendait aussi le juge LaForest quand, dans l'affaire Fitzpatrick, il écrit:

« L'argument reposant sur l'acceptation des conditions postule qu'il faut présumer que les personnes assujetties à la réglementation, lorsqu'elles se lancent dans un secteur assujetti à l'obtention de permis, connaissent

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et ont accepté les modalités pertinentes du domaine d'activité réglementé. et qu'elles doivent donc être tenues responsables de toute violation de ces modalités. À la page 229 de ses motifs dans l'arrêt Wholesale Travel, le juge Cory décrit ainsi l'argument reposant sur l'acceptation des conditions:

Le concept de l'acceptation des conditions repose sur la théorie que ceux qui choisissent de se livrer à des activités réglementées ont, en agissant ainsi, établi un rapport de responsabilité à l'égard du public en général et doivent assumer les conséquences de cette responsabilité. C'est pourquoi on devrait considérer, dit-on, que ceux qui se livrent à une activité réglementée ont accepté, dans le cadre de la conduite responsable qu'ils doivent assumer en raison de leur participation au domaine réglementé, certaines conditions applicables aux personnes qui agissent dans la sphère réglementée. La plus importante de ces conditions est l'engagement de la personne assujettie à la réglementation de faire preuve dans sa conduite d'un minimum de diligence.

La théorie de l'acceptation des conditions repose non seulement sur l'idée que la personne a choisi consciemment d'exercer une activité réglementée, mais aussi sur le concept du contrôle. Selon ce concept, les personnes qui se lancent dans un domaine réglementé sont les mieux placées pour contrôler le préjudice qui peut en découler et elles devraient donc en être tenues responsables.

Puis, aux pp. 239 et 240, il ajoute sur la même question:

La personne assujettie à une réglementation est autorisée à exercer une activité qui peut éventuellement causer un préjudice au public. Cette autorisation lui est accordée à condition qu'elle accepte, pour exercer ses activités dans le domaine réglementé, de faire preuve de diligence raisonnable afin d'éviter que le préjudice proscrit ne se produise. En conséquence de sa décision d'exercer une activité dans un domaine qu'elle sait être réglementé, la personne est censée savoir et avoir accepté que l'une des conditions préalables à l'autorisation d'exercer l'activité réglementée est le respect d'une certaine norme objective de conduite. »

(La soussignée souligne)

[391 Du fait que Breton ait choisi de s'inscrire comme membre de l'OPTSQ découle que le droit professionnel s'applique à son égard, le but ultime des normes établies par ce droit étant de protéger le public. ,i

PAGE:8

[44] Le Conseil, après avoir entendu la preuve et les représentations des parties lors des auditions et consulté la preuve documentaire, a très bien compris le déroulement des évènements ayant conduit l'intimé devant ses pairs. Il y a lieu dès le début de qualifier ces derniers d'extrêmement graves. Il s'agit incontestablement d'un comportement qui a fait courir des risques à la patiente et pour lesquels le Conseil n'a

2 Breton c. Travailleurs sociaux du Québec (Ordre professionnel des), C.S. 755-05-001835-014, 20 janvier 2003, pp, 12 et 13;

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d'autre choix que de considérer ceux-ci comme mettant en cause la protection du public.

[45] Le Conseil croit utile de rappeler les faits admis par l'intimé pour bien comprendre la position de ce dernier et ce notamment en raison de sa décision de ne pas témoigner devant le Conseil. " y a lieu de garder à l'esprit que l'intimé avait parfaitement le droit de ne pas témoigner devant ses pairs, mais il se prive ainsi de la possibilité de convaincre ces derniers du fait qu'il reconnaît la gravité de ses gestes et la gravité objective de ses fautes et qu'il les regrette réellement d'autant plus que le plaignante allègue que tous les avertissements, le stage, le tutorat et la période de radiation temporaire déjà purgée n'ont rien changé à son comportement et qu'il existe un risque réel de récidive.

[46] L'intimé admet ce qui suit sans que la plaignante soit d'accord entièrement avec ces admissions:

« 1. Les pièces suivantes sont admises comme valablement produites et faisant preuve de leur contenu:

1-1: Curriculum vitae du Dr Michel Girard;

1-2: Rapport d'expertise du docteur Jean Dion daté du 2 octobre 2014;

1-3: Curriculum vitae du docteur Jean Dion;

1-4: Engagement volontaire du Dr Michel Girard à cesser la pratique de l'urgence en établissement;

1-5: Compte rendu de la visite d'inspection professionnelle du 6 février 2013;

1-6: Compte rendu de la visite d'inspection professionnelle du 31 mai 2005;

1-7: Compte rendu de la visite d'inspection professionnelle du 31 mai 1994;

1-8: Facture pour les coûts du stage de perfectionnement de 2013;

1-9: Facture pour les coûts du tutorat de perfectionnement de 2013;

1-10:Résolution CE-14-80 du Comité exécutif du Collège des médecins du Québec imposant l'obligation de suivre l'atelier «La relation médecin- patient»;

1-11: Article intitulé «Initial Evaluation and Management of Suspected Acute Coronary Syndrome in the Emergency Departmenf>)­UpToDate.

2. Le rapport d'expertise 51-2 est produit pour valoir témoignage du Dr Jean Dion;

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3. Le Dr Girard est âgé de 57 ans et pratique comme omnipraticien depuis qu'il a obtenu son permis d'exercice en 1985;

4. Le Dr Girard pratique actuellement à l'urgence psychiatrique de l'Hôpital Douglas et en cabinet privé;

5. Préalablement au 8 janvier 2014, le Dr Girard pratiquait également la médecine d'urgence à l'Hôpital Jean-Talon en plus de faire des dépannages dans d'autres centres;

6. Le 12 novembre 2010, le Dr Girard était de garde à l'urgence de l'Hôpital Jean-Talon;

7. Madame ( .•. ) s'est présentée à l'urgence et a été triée à 2 h 18;

8. Madame ( ... ) a été vue par le Dr Girard à 2 h 30.

9. Le Dr Girard a alors revlse les résultats de l'électrocardiogramme qui avait été demandé par le personnel infirmier. Malgré que l'interprétation des résultats par l'appareil indiquaient un rythme sinusal normal et un électrocardiogramme normal, l'électrocardiogramme a été lu par Dr Girard comme présentant un sous-décalage du segment ST dans les dérivations inférieures de D2 et D3;

10. À 2 h 3D, le Dr Girard a prescrit un électrocardiogramme de contrôle dans un délai de 30 minutes.

11. Le Dr Girard a également prescrit une formule sanguine complète de même que l'administration de Xylo-Maalox;

12. L'impression diagnostique du Dr Girard était d'un reflux gastrique ou d'angor (angine);

13. Le Dr Girard a revu la patiente à 3 h 45. La valeur de l'analyse des troponines était alors de 0.15 ng/ml,· soit une valeur inférieure à celle requise pour un diagnostic d'infarctus;

14. Le .Dr Girard a constaté que, malgré sa prescription de 2 h 3D, le personnel infirmier n'avait pas fait d'électrocardiogramme de contrôle dans le délai requis;

15. À 4 h, soit 90 minutes après la consultation initiale avec la patiente, le Dr Girard a prescrit le protocole d'Héparine pour le traitement de l'infarctus aigu;

16. L'électrocardiogramme de contrôle prescrit par le Dr Girard à 2h 30 ne sera fait par le personnel infirmer qu'à 4 h 40;

17. Lorsqu'il a été avisé par le personnel infirmier que l'électrocardiogramme de contrôle a été complété, le traitement approprié pour l'infarctus avait déjà été prescrit par le Dr Girard de sorte que la patiente n a subi aucun préjudice de la décision

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du Dr Girard de ne pas revoir les résultats de l'électrocardiogramme de contrôle;

18. À 7 h 20, le Dr Girard revoyait madame ( ••. ) et prenait connaissance des résultats de l'électrocardiogramme de 7 h 20;

19. Il communiquait également avec l'hémodynamicien de garde au CHUM qui lui a recommandé de demander une consultation en cardiologie au matin;

20. Le Dr Girard a complété cette demande de consultation et de prise en charge du patient auprès du département de cardiologie;

21. En réponse à cette demande de consultation, le cardiologue de garde a conclu à un infarctus non-STEMI (NSTEMIJ, c'est-à-dire sans élévation du segment ST;

22. À la suite de la demande d'enquête de madame ( ... ) du 10 août 2012, un signalement a été fait auprès du Comité d'inspection professionnelle (ci-après(( C./.P. ») du Collège des médecins du Québec;

23. Le Dr Girard a fait l'objet de visites d'inspection professionnelle les 6 et 13 février 2013;

24. Le C.I.P. a recommandé au Comité exécutif du Collège des médecins du Québec d'imposer au Dr Girard la réussite d'un stage de perfectionnement de 40 jours en médecine d'urgence avec limitation d'exercice en plus d'un tutorat de perfectionnement en médecine de famille d'une durée de 10 demi-journées;

25. Le Dr Girard a accepté volontairement ces recommandations du C.I.P.;

26. Le stage de perfectionnement s'est tenu entre le 10 juin 2013 et le 31 août 2013 alors que le tutorat de perfectionnement s'est tenu de mai à septembre 2013;

27. En raison de la limitation d'exercice demandée par le C.I.P., pour la période du stage de perfectionnement, le Dr Girard n'a pas pu pratiquer la médecine d'urgence pendant une période de 3 mois et a été privé de revenus importants;

28. De plus, le Dr Girard a dû assumer 9 500 $ pour le coût du stage (pièce 1-8) et 3 800 $ pour le coût du tutorat (pièce 1-9);

29. Le 8 janvier 2014, le Dr Girard a accepté volontairement de cesser sa pratique de médecine d'urgence en établissement (pièce 1-4);

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30. Le 27 février 2014, à la suite de tutorat de perfectionnement, le comité exécutif du Collège, par sa résolutIon CE-14-BO (pièce 1-10), imposait au Dr Girard l'obligation de suivre l'atelier «La relation médecin-patient» ;

31. Le Dr Girard a suivi cet atelier le 25 avril 2014;

32. Tel qu'il appert de la pièce 1-7, à la suite d'une visite d'inspection professionnelle le 31 mai 1994, le médecin enquêteur du C.I.P. a conclu que « l'exercice professionnel du docteur Girard ne comporte pas dé graves lacunes [ ... 1» (page 4);

33. Tel qu'il appert de la pièce 1-6, à la suite d'une visite d'inspection professionnelle du 31 mai 2005, le médecin enquêteur du C.I.P. a conclu que «en sommaire, la qualité de l'exercice du Dr Girard est apparue adéquate au médecin expert tant à l'investigation, à la justesse des diagnostics qu'au traitement» (page 16);

34. Tel qu'il appert de la pièce 1-5, à la suite d'une visite d'inspection professionnelle du 6 février 2013, le médecin enquêteur du C. 1. P. a conclu que «Généralement, les traitements entrepris par Dr Girard respectent les normes reconnues par les sociétés savantes, notamment pour le traitement des infarctus du myocarde, des exacerbations aigues des MPOC, des vaginites, des insuffisances cardiaques [ ... 1» (page 13);

35. Le Dr Girard a toujours offert une excellente collaboration à l'enquête menée par la Dre Bourret de même qu'aux démarches du C.I.P.;

36. Par son plaidoyer de culpabilité, le Dr Girard reconnaÎt la gravité objective des fautes déontologiques qui lui sont reprochées et il les regrette. »3

[47] Quant au résumé des faits, il est intéressant de s'en remettre à celui de l'expert de la plaignante le Docteur Jocelyn Barriault qui s'exprime ainsi et qui conclut de cette manière en donnant son opinion sur le comportement de l'intimé:

3

« ANAL YSE DE LA CONDUITE

Dans le présent dossier, l'histoire est fortement suspecte pour faire penser à un syndrome coronarien aigu, le premier Ecg à l'arrivée montrait clairement des signes pouvant suggérer un STEMI en évolution, le début des symptômes n'est pas colligé par le Dr Girard,

Admissions de l'intimé;

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dans ce contexte, un médecin prudent et diligent aurait du considérer éliminer avant toute chose la pathologie la plus dangereuse pour la patiente et dans ce cas-ci, il s'agissait évidemment d'un syndrome coronarien aigu.

L'Ecg initial montrait clairement un discret sus décalage en antérieur avec une pente droit du segment ST, associé à un sous décalage des dérivations inférieures. Dans un contexte de douleur épigastrique irradiant aux bras qui a réveillé subitement la patiente qui plus est, présentait une obésité morbide. Dans cette situation, je procède à des ecg sériés aux 10 à 15 minutes et une surveillance serrée de la patiente, dans ce scénario, l'obligation de moyen aurait été respectée. Il est fort probable que le diagnostique aurait été précisé et que la patiente aurait été transférée en hémodynamie durant la nuit, dans mon expérience, je n'ai jamais eu de transfert refusé lorsqu'on avait de fort doute d'un syndrome coronarien aigu ou d'un infarctus hautement probable.

Ce qui me trouble aussi dans ce dossier, est le fait que dans sa lettre adressée au Collège le Dr Girard, mentionne que la patiente a dormi toute la nuit, alors que les notes infirmières mentionne le contraire, le fait aussi que lorsque le deuxième a ECG a été fait, le Dr Girard aurait refusé de venir le voir à 5h. J'ai noté beaucoup de prescriptions verbales de sa part.

En Bref, je considère que le suivi de cette patiente a été déficient compte tenu de sa condition, et qu'un suivi plus rigoureux et une meilleure lecture des indicateurs clinique et de l'Ecg aurait mené à une évolution plus favorable. »4

[48] C'est dans ce contexte fort particulier que le Conseil a le devoir de sanctionner l'intimé qui a reconnu ses fautes déontologiques. Il y a lieu de se rappeler que la décision rendue à l'occasion du dossier du Dr Chan5 par le Tribunal des professions ne peut nullement servir de jurisprudence pour décider de la sanction à imposer et notamment parce que celle-ci a été jugée inappropriée par le Tribunal des professions en raison du fait que le Conseil n'avait pas voulu suivre la recommandation commune des parties qu'il jugeait non suffisamment sévère et proportionnée à la gravité extrême de la faute commise.

[49] Le fait de soumettre cette décision confirme le Conseil de discipline à l'effet qu'il y a lieu d'imposer une sanction plus sévère concernant ce genre de comportement et notamment pour protéger le public de professionnels qui négligent de faire leur travail convenablement et notamment comme ce fut le cas dans la présente affaire en refusant d'aller prendre connaissance d'un rapport ECG qu'il avait prescrit donc jugé

4

5 Extrait de l'expertise de Dr Jocelyn Barriault (SP-9); Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5-A;

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indispensable pour la patiente et le suivi de la condition de cette dernière. " y a lieu de garder à l'esprit que l'intimé était de garde, donc responsable de la patiente amenée à l'urgence avec une condition jugée fortement suspecte et dangereuse notamment associée à un syndrome coronarien aigu sans éliminer préalablement la pathologie la plus dangereuse pour celle-ci.

[50] Pour le Conseil, il s'agit de fautes graves qui militent en faveur d'une sanction sévère notamment dans le contexte où l'intimé est un récidiviste ayant bénéficié d'un stage, d'un tutorat et de nombreux avertissements et d'une période de radiation temporaire qui aurait dû l'aider à réfléchir à sa manière de pratiquer et aux moyens qu'il pouvait prendre pour ne pas commettre de nouvelles infractions.

[51] Au sujet de ces avertissements, stage, tutorat et plainte ayant conduit à la radiation temporaire, le Conseil croit très utile de faire un bref rappel de la manière suivante:

(( [ ... J En plus des plaintes portant sur la qualité de votre exercice, l'analyse de votre dossier professionnel démontre des problèmes récurrents d'assiduité et de relations interpersonnelles, tant avec vos confrère qu'avec les patients.

Ces aspects ne faisant pas partie des objectifs du stage avec limitation d'exercice qui vous a été imposé par le comité exécutif et qui a débuté le 10 juin dernier, j'ai demandé au docteur Roger Ladouceur de la Direction de l'amélioration de l'exercice, responsable de votre stage au Collège, de considérer les ajouter à vos objectifs de stage. »6

(( Le bureau du syndic du Collège des médecins du Québec a terminé l'enquête portant sur la qualité des soins que vous aviez offerts au patient cité en titre.

Je vous rappelle que l'information inquiétante que nous avions considérée afin d'ouvrir cette enquête provenait du personnel de l'Hôpital Saint-Luc. Essentiellement, on alléguait que vous vous étiez présenté tardivement au chevet d'un patient qui avait développé un état de choc dans les quelques heures de son arrivée.

Notre revue du dossier n'a pas permis de retenir les reproches tels qu'ils avaient été formulés contre vous. Nous avons cependant constaté un délai de plus d'une heure entre le moment où vous avez été avisé et votre évaluation au chevet du patient. Votre initiative de demander verbalement un bilan septique était tout à fait indiquée. Cependant, compte tenu des antécédents de ce patient et de son âge, il aurait également été indiqué de demander un bilan cardiaque,

Extrait d'une correspondance du syndic adressée à l'intimé le 12 juin 2013 (SP-10 p. 30);

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ce que vous avez omis de faire. À cet égard, une infirmière a d'ailleurs écrit au dossier «discuté avec Dr Girard, ordonnance téléphonique faite, ECG non nécessaire selon Dr Girard ».7

(( l···) La rapidité apparente avec laquelle vous auriez procédé à l'examen du patient se reflète par la pauvreté de l'inscription que vous avez portée au dossier. L'absence de toute mention quant à la prévention anti-tétanique est blâmable parce que ne correspondant pas aux standards de qualité. »8

(( l···) Même en donnant une certaine crédibilité aux explications que vous nous avez fournies, nous ne pouvons accepter votre comportement.

Vous vous deviez, dans les circonstances, de communiquer avec votre supérieur et demander à être relevé de vos fonctions. Vous aviez la responsabilité, dans l'intérim, d'assurer la dispensation des services.

Le ton que vous utilisez dans la rédaction de votre version des faits est teinté, envers la condition du patient, d'un mépris qui ne sied pas au rôle que vous devez jouer. )l

[52] Relativement à la plainte 24-92-00298, l'intimé a été trouvé coupable d'avoir négligé le 25 août 1990, d'assumer une prise en charge et un suivi adéquats de son patient depuis la cellule du poste 41 de la CUM jusqu'à son transfert au docteur Nathalie Derome, à l'urgence du Centre Hospitalier St-Michel, patient qui présentait notamment une altération de l'état de conscience, une cyanose légère du visage, de la diaphorèse, des spasmes musculaires, de la difficulté respiratoire ainsi qu'une tension artérielle à 90 sur 30 et un pouls à 180 à la minute, négligeant particulièrement de procéder à un examen physique approprié, à la prise des signes vitaux, à l'installation d'un soluté, à l'administration d'oxygène et, le cas échéant, à la mise en place d'un moniteur défibrillateur, contrevenant ainsi aux articles 2.03.17 et 2.03.18 du Code de déontologie. »10

[53] Le Comité de discipline lui a alors imposé sur ce chef une période de radiation temporaire de 4 mois et le Tribunal des professions suite à l'appel de cette décision par l'intimé a rejeté sa demande et confirmé la décision du Conseil sur sanction en ces termes:

7

8

9

Extrait d'une correspondance du syndic adressée à l'intimé le 11 avril 2012 (SP-10 p. 31); Extrait d'une correspondance du syndic adressée à l'intimé le 15 mai 1996 (SP-10 p. 33); Extrait d'une correspondance du syndic adressée à l'intimé le 7 août 1995 (SP-10 p. 34);

10 Médecins c. Girard, C.D. Méd. 24-92-00298, 24 janvier 1994 (SP-10 p. 2);

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cc La faute commise par le docteur Girard en est une de manque de jugement et non d'incompétence.

Il a fait preuve d'une certaine désinvolture à l'égard du suspect. En concluant sommairement à la simulation de la part du détenu, il a posé d'entrée de jeu un diagnostic d'exclusion sans pousser très loin son investigation.

Le Comité l'a trouvé coupable de quatre éléments de conduite négligente, soit le fait de ne pas avoir pris les signes vitaux, de ne pas avoir installé un soluté, de ne pas avoir administré d'oxygène et ne pas s'être assuré de la présence d'un moniteur défibrillateur.

[ ... J En rendant sa sanction, le Comité a tenu compte de toutes les circonstances atténuantes de l'affaire, soit le contexte d'une cellule de poste de police, le fait que le docteur Girard n'avait jamais traité de patient intoxiqué à la cocaïne, les répercussions de ce malheureux événement sur sa vie personnelle et professionnel/e, son bon dossier antérieur. 1/ a aussi pris en considération le sérieux des gestes reprochés, la négligence et le manque de jugement dont a fait preuve l'appelant, ses paroles désobligeantes envers les étrangers, la nécessité de le dissuader et de dissuader tous les médecins d'agir de la sorte. Dans son verdict sur la culpabilité, le comité avait souligné l'absence de lien de causalité entre le comportement du docteur Girard et le décès du patient. cc 11

[54] Quant au rapport d'évaluation du stage, il est important de noter que le Docteur Sophie Gosselin, responsable de ce dernier concluait ainsi le 21 septembre 2013 :

cc Je recommande que le Dr Michel Girard ne retourne pas à la pratique en salle d'urgence. Compte tenu de son attitude problématique, de ses connaissances au-dessous des normes minimales de pratique, de son manque d'expertise technique et de sa faible auto-critique, je doute que ces lacunes puissent être corrigées par un autre stage de perfectionnement.

Cependant, si Dr Girard désirait absolument retourner à la pratique en salle d'urgence, ceci nécessiterait au minimum un an de stage dans un programme structuré afin d'acquérir une expertise minimale. Je tiens à souligner qu'une plus grande ouverture de sa

11 Girard c. Médecins (Ordre professionnel des), T.P. 500-07-000026-942, 22 août 1995, (SP-10 pp. 25 à 27);

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part quant à la nécessité d'une formation additionnelle est une condition essentielle afin que cette expérience soit bénéfique. »12

[55] Auparavant, le comité d'inspection professionnelle du Collège des médecins avait relevé les 6 et 13 février 2013 les lacunes suivantes qui ont conduit à la recommandation de stage:

((URGENCE

QUALITÉ DE L'EXERCICE

1. Recherche incomplète des signes et des symptômes positifs et négatifs pertinents en général, et plus particulièrement pour les douleurs abdominales et pour les problématiques dont le diagnostic différentiel inclut une cause neurologique ou cardiovasculaire.

2. Bilan de base pattois incomplet, notamment pour les MPOC, les intoxications et les convulsions.

3. Certains résultats d'examens de laboratoire anormaux non pris en charge

4. Diagriostic imprécis, notamment pour les infarctus, les MPOC, les chocs et les traumatismes crâniens.

5. Diagnostic non appuyé par les informations au dossier, notamment pour l'asthme et la démence.

6. Diagnostic différentiel sous-utilisé.

7. Présence de faiblesse dans la démarche clinique concernant les chocs, les intoxications, les convulsions et les polytraumatisés, notamment évaluation incomplète de la colonne cervicale dans les cas de polytraumatisé.

8. Intubation à séquence rapide à actualiser.

9. Traitement de l'asystolie non actualisé.

10. Déficience dans le suivi et la réévaluation des patients gardés en observation à la salle d'urgence

TENUE DES DOSSIERS

11. Absence fréquente de la raison de consultation.

12. Histoire de la maladie actuelle succincte: plainte principale mal caractérisée, symptômes associés incomplets.

13. Examen physique stéréotypé.

12 Extrait du rapport d'évaluation de Dr Sophie Gosselin du 21 septembre 2013 (SP-10 p. 47);

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14. Notes d'évolution non informatives sur l'état du patient.

15. Absence de note technique pour les intubations.

16. Non-utilisation du formulaire AH-450 dans les cas de polytraumatisé.

MÉDECINE FAMILIALE

QUALITÉ DE L'EXERCICE

17. Recherche des symptômes et des signes positifs et négatifs pertinents généralement insuffisants, mais particulièrement pour la neurologie et la psychiatrie.

18. Recherche de l'atteinte des organes cibles variable et non systématique dans les cas de diabète, d'hypertension artérielle et de dyslipidémie.

19. Bilan d'examens complémentaires de base standard, non adapté au patient.

20. Certains résultats d'examens de laboratoire anormaux non pris en charge.

21. Application variable des recommandations de l'examen médical périodique.

22. Diagnostics imprécis ou sous forme de symptômes.

23. Diagnostic différentiel sous-utilisé.

24. Diagnostics secondaires négligés lors du suivi.

25. Prescription de médicaments à visée psychiatrique sans questionnaire ou examen de l'état mental.

26. Absence de sevrage de benzodiazépine.

TENUE DES DOSSIERS

27. Absence de sommaire.

28. Absence de feuille de suivi des maladies chroniques.

29. Raison de consultation rarement inscrite.

30. Histoire de la maladie actuelle brève: plainte mal cara.ctérisée et peu de symptômes positifs et négatifs pertinents.

31. La revue des systèmes et l'examen physique ne sont pas descriptifs.

32. Les notes d'évolution sont peu informatives sur les points subjectifs et parfois sur les points objectifs;

33. Absence de caractérisation des diagnostics secondaires.

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TENUE DE CABINET

34. La gestion des résultats des examens complémentaires ne permet pas de s'assurer que tous les résultats d'examens passés par les patients sont vus par le médecin. »13

[56] Le 10 novembre 2011, le CHUM avisait "intimé du non-renouvellement de son statut et de ses privilèges pour les motifs suivants:

(( Attendu que le statut et les privilèges du Dr Girard viendront à échéance le 31 décembre 2011;

Attendu que le comité d'examen des titres a pour fonction d'étudier les demandes de nomination et de renouvellement des médecins, des dentistes et des pharmaciens, notamment par l'évaluation de leurs qualifications, de leur compétence scientifique et de leur comportement, et de faire rapport au comité exécutif du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP);

Attendu la note de service du 15 mai 2002 de Dr Alain Brissette, coordonnateur du service d'urgence de l'Hôpital Saint-Luc, rappelant aux membres de l'équipe du service d'urgence certains éléments importants en lien avec la liste de garde, le transfert des patients aux changements de garde et le respect de l'horaire de garde;

Attendu la note de service du 28 octobre 2002 de Dr Brissette rappelant aux membres de l'équipe du service d'urgence qu'il faut éviter d'assumer deux gardes consécutives pour des raisons de sécurité;

Attendu la lettre du 25 février 2003 de Dr Brissetfe informant Dr Pierre Desaulniers, chef du département d'urgence, que Dr Girard ne s'est pas présenté à l'une de ses gardes;

Attendu la résolution du conseil d'administration du 18 mars 2003, et la lettre explicative du 10 mars 2003 qui y est annexée, exigeant du Dr Girard qu'il complète avec succès un stage de perlectlonnement en obstétrique gynécologie et un séminaire sur les compétences communicationnelles, le tout suivant l'étude de la plainte de madame ( ... ) concernant l'attitude du Dr Girard et la qualité des soins qu'il lui a prodigués lorsqu'elle s'est présentée à l'urgence pour des saignements lors de son premier trimestre de grossesse;

Attendu la note de service du 13 mai 2003 de Dr Brissette rappelant notamment aux membres de l'équipe du service d'urgence

13 Liste de problèmes identifiés par le comité d'inspection professionnelle (SP-10 pp. 55 à 58);

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/'imporlance d'aviser le coordonnateur de tout changement de garde;

Attendala lettre du 12 décembre 2003 de Dr Serge Bélisle, chef du déparlement d'obstétrique-gynécologie, informant Dr Desaulniers qu'il serait opporlun que le comité d'évaluation de l'acte revoit le profil de consultation du Dr Girard pour la gynécologie, car les médecins du déparlement d'obstétrique-gynécologie sont assez désabusés de se faire demander en consultation sans qu'aucun historique ni examen n'aient été faits par Dr Girard;

Attendu la lettre du 9 janvier 2004 de Dr Brissette informant Dr Desaulniers de /'inconduite persistante du Dr Girard en regard de la ponctualité et du respect de ses horaires de travail et qu'ii résiste avec insouciance et obstination à respecter avec discipline et responsabilité ses horaires de garde;

Attendu la lettre du 20 janvier 2004 de Dr Brissette informant Dr Desaulniers de /'inquiétude des membres du service d'urgence de l'Hôpital Saint-Luc quant au profil de pratique du Dr Girard et cerlains problèmes spécifiques, soit notamment (1) /'intervention médicamenteuse inadéquate, (2) l'examen physique incomplet ou carrément inexistant, (3) l'absence de bilan diagnostic, (4) la conduite diagnostique inappropriée ou difficile à comprendre et (5) le diagnostic simpliste et souvent réduit au symptôme du patient;

Attendu la lettre du 24 février 2004 de Dr Brissette informant Dr Desaulniers que Dr Girard a quitté l'urgence près d'une heure avant la fin de sa garde alors que huit patients étaient déjà inscrits et non vus dans la salle d'attente;

Attendu la note de service du 24 février 2004 de Dr Brissette rappelant aux membres de l'équipe du service d'urgence /'imporlance d'aviser le coordonnateur de tout changement de garde et /'impOFtance de la ponctualité afin que le transferl des patients n'affecte pas indûment le début de leur garde;

Attendu la lettre du 3 mai 2004 de Dr Stephen N. DiTommaso au Dr Brissette relativement au retard du Dr Girard lors de sa période de garde;

Attendu la lettre du 18 juin 2004 de Dr Jacques W. Vézina au Dr Brlssette relativement au retard du Dr Girard lors de sa période de garde;

Attendu la lettre du 22 novembre 2004 de Dr Brissette au Dr Girard relativement à son non respect de ses périodes de garde et à son comporlement inapproprié par lequel il manifeste ses insatisfactions aux autres membres de l'équipe à l'urgence;

Attendu la lettre du 23 novembre 2004 de Dr Brissette au Dr Charles Bellavance, directeur des services professionnels, relativement au

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comporlement inapproprié du Dr Girard par lequel il manifeste ses insatisfactions aux autres membres de l'équipe à l'urgence et au fait que les disponibilités de Dr Girard ne s'adaptent pas aux besoins duCHUM;

Attendu les conclusions du 15 décembre 2004 du médecin examinateur de l'Hôpital Saint-Luc, Dr Michel Gagnon, en lien avec la plainte de Dr Brissette, notamment à l'effet que (( le manque de respect non justifié des horaires de garde est inacceptable et ne doit pas être toléré. »;

Attendu la lettre du 23 mars 2005 de Dr Brissette au Dr Girard relativement à son retard à soumettre ses disponibilités pour faire des gardes supplémentaires durant l'été malgré qu'il ne prenne pas de vacances lors de cette période;

Attendu la lettre du 14 avril 2005 de Dr DiTommaso au Dr Brissette comprenant le procès-verbal de la réunion du service d'urgence du même jour relativement à l'encadrement du Dr Girard depuis quelques années par Dr Brissette ((pour améliorer son travail clinique et son comporlement professionnel (par exemple, vis-à-vis sa ponctualité et ses transferls)) et notamment à l'effet que les médecins du service d'urgence déplorent la (( judiciarisation » des relations entre Dr Brissette et Dr Girard, qu'ils appuient le travail du Dr Brissette pour sa gestion du dossier du Dr Girard et qu'ils demandent au Dr Girard de cesser de critiquer ses collègues devant le personnel;

Attendu la lettre du 2 mai 2005 de'Dr Brissette au Dr Girard à l'effet qu'il s'attend à ce que Dr Girard soit présent durant les quarls de travail qui lui sont attitrés;

Attendu la lettre du 27 octobre 2005 de Dr Brissette et de Dr Khadir au Dr Bellavance relativement au non respect par Dr Girard des règles et consignes de la liste de garde et des impacts négatifs de cette pratique sur la sécurité des patients, la mobilisation du groupe, le réaménagement des effectifs et la qualité des soins;

Attendu la lettre du 15 novembre 2005 de Dr Brissette au Dr Girard lui rappelant qu'il est jugé inadéquat d'être de garde durant une période de seize heures consécutives et lui demandant de se conformer à cette règle et de ne plus accepter de remplacer un collègue lorsqu'il est identifié comme médecin de garde du quarl de travail qui suit ou qui précède;

Attendu les deux notes de service du 24 novembre 2005 de Dr Brissette, et le procès-verbal de la réunion du service d'urgence du 11 novembre 2005, rappelant notamment aux membres de l'équipe du service d'urgence la dangerosité d'assumer deux gardes consécutives à l'urgence et l'imporlance d'aviser le coordonnateur

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lorsqu'ils se font remplacer par d'autres médecins pour leur période de garde;

Attendu la lettre conjointe de huit médecins du service d'urgence du 30 novembre 2005 aux Dr Bellavance, Dr Edgar Nassif, président du CMDP et Dr Michel Émond, médecin examinateur principal du CHUM, relativement à leur inquiétude face à la rétention de la plainte du 18 mars 2005 du Dr Girard contre Dr Brissette notamment car elle est non constructive et vexatoire et qu'elle se veut être une réplique à des renforcements disciplinaires exercées par Dr Brissette à l'égard de Dr Girard

Attendu la lettre du 15 mai 2006 de Dr Brissette au Dr Bellavance l'informant que Dr Girard n'a pris aucune garde libre pour les mois de juin, juillet, août et septembre 2006 et qu'il n'a pris qu'une seule garde de nuit en remplacement de Dre Lynda Gromley sans aviser directement Dr Brissette;

Attendu la lettre du 22 septembre 2006 de Dr Bellavance à Me Jean­Rémi Thibault, procureur du Dr Girard, à l'effet que son (( client est bien connu du service d'urgence de l'Hôpital Saint-Luc notamment pour de fréquents retards à des périodes de garde cédulées, ses défauts répétés de collaboration quant à la transmission de ses disponibilités pour la garde ainsi que pour son peu de réceptivité à respecter les règles que le chef de service tente d'instituer;

Attendu le compte-rendu de la réunion du département de médecine d'urgence du 31 janvier 2007 relativement à l'obligation d'aviser le coordonnateur de tout changement de garde, à la dangerosité d'assumer deux gardes consécutives à l'urgence et à l'importance et à la nécessité de se présenter à l'heure de sa garde et d'être 'présent pour la durée entière de celle-ci;

Attendu la lettre du 7 mars 2007 de Dre Emmanuelle Jourdenais, chef du département de· médecin d'urgence, au Dr Girard lui réitérant que ses multiples absences et retards lors de ces gardes à l'urgence sont inacceptables, que le cumul de gardes consécutives est une pratique médicale non sécuritaire et que sa poursuite judiciaire contre Dr Alain Brissette et le CHUM l'incommode puisqu'elle génère des tensions au sein du groupe de médecins exerçant à l'urgence;

Attendu la résolution du comité d'évaluation des mesures disciplinaires du conseil d'administration du 17 juin 2009 imposant une réprimande au Dr Girard considérant qu'il (( a fait preuve, de manière répétée, de retards et de départs hâtifs» lors de ses gardes, (( que ces manquements sont aggravés par la volonté du docteur Girard d'assumer des gardes consécutives auprès de deux établissements» et que le comité est d'avis que le comportement du docteur Girard constitue de la négligence et de l'inconduite » le tout suivant l'étude d'une plainte de Dre Jourdenais;

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Attendu les conclusions du 16 septembre 2009 du médecin examinateur de l'Hôpital Saint-Luc, Dr Gagnon, en lien avec la plainte de madame ( ... ), à l'effet qu'il {cimporte que tout médecin qui œuvre au Service d'urgence démontre de l'écoute et de l'empathie envers la clientèle référée »;

Attendu le rapport du comité de discipline du 12 septembre 2011 en lien avec la plainte de madame ( •.. ) concluant notamment qu'il y a eu manquement par Dr Girard sur le plan de la qualité de l'acte médical car la patiente n'a pas été revue, réévaluée et soulagée de ses douleurs durant toute la nuit malgré que Dr Girard a été informé de l'état de celle-ci par l'infirmière;

Attendu les règlements généraux de régie interne du département de médecine d'urgence du CHUM (adoptés par CECMDP le 12 octobre 2010 et par le CECA le 30 novembre 2010), lequel prévoit notamment les obligations des médecins en lien avec la garde à l'urgence les responsabilités du chef de département et du coordonnateur de l'urgence;

Attendu que, suivant l'évaluation des éléments précédemment mentionnés, le comité d'examen des titres est d'avis que Dr Girard ne respecte pas les dispositions des règlements généraux de régie interne du département de médecine d'urgence en lien avec la garde et qu'il ne respecte pas l'autorité du chef du département de médecine d'urgence et du coordonnateur de l'urgence de l'Hôpital Saint-Luc qui leur est dévolue par ces mêmes règlements;

Attendu la lettre du 4 novembre 2011 de Dre Emmanuelle Jourdenais, chef du département de médecine d'urgence, recommandant le non renouvellement du statut et des privilèges du Dr Girard;

Attendu que le comité d'examen des titres est également d'avis que le profil de pratique de Dr Girard, notamment son non respect de son horaire de garde et son obstination à vouloir assumer des gardes consécutives, met à risque la sécurité des patients qui se présentent à l'urgence de l'Hôpital Saint-Luc;

Attendu que pour tous ces motifs il est manifeste que Dr Girard ne détient pas les compétences et ne fait pas preuve d'un comportement justifiant le renouvellement de son statut et de ses privilèges au sein du CMDP du CHUM;

POUR TOUTES CES RAISONS, le comité d'examen des titres conclut qu'il y a lieu de recommander au conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de ne pas renouveler la nomination, le statut et les privilèges du Dr Michel C. Girard suivant leur échéance prévue le 31 décembre 2011. )/4

14 Lettre du 10 novembre 2011 (SP-10 pp. 65 à 68);

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[57] Le Conseil pourrait continuer encore son énumération mais les événements et les faits précédemment cités sont suffisants pour bien faire comprendre que l'intimé a un lourd dossier professionnel et disciplinaire et qu'en dépit de toutes les chances qui lui ont été données, il n'a pas compris la gravité de son comportement et n'a pas pris les moyens pour le modifier.

[58] Il est vrai que l'intimé a pris l'engagement de ne plus pratiquer dans une urgence en établissement mais il y a plus, c'est le jugement professionnel de ce dernier qui est en cause et son comportement personnel qui l'ont conduit à récidiver, ce qui est bien triste.

[59] L'article 47 du Code de déontologie des médecins est fort important et le diagnostic étant l'un des actes réservés exclusivement aux médecins mérite une vigilance certaine du Conseil et notamment par l'imposition de sanction dissuasive et exemplaire tant pour l'intimé que pour les autres membres de la profession.

[60] Il est vrai que les parties recommandent au Conseil des sanctions assez différentes notamment en terme de durée de la période de radiation temporaire. Par ailleurs, le Conseil note que la période de radiation temporaire recommandée par l'intimé est inférieure à celle déjà imposée il y a plusieurs années alors que nous sommes en présence d'une récidive et de mesures qui ont prouvé leur inefficacité.

[61] Dans une décision toute récente, le Tribunal des professions s'exprimait ainsi sur la possibilité pour un Conseil de s'écarter de la jurisprudence déjà établie et dans quel contexte il pouvait le faire :

« La parité des sanctions

[146J Le professionnel reproche au Conseil de s'écarter des sanctions prononcées à l'égard d'infractions à l'article 42 du Code de déontologie. Il réfère notamment à des décisions rendues peu de temps auparavant et ayant imposé des périodes de radiation temporaires de quatre à six semaines pour avoir omis de dénoncer une plainte d'une patiente pour agression sexuelle de la part d'un préposé aux bénéficiaires.

[147J Le Conseil s'est manifestement écarté de la fourchette des peines rendues dans ces dossiers et s'en est expliqué au paragraphe 53 de la décision. Le Conseil écrit:

[53] L'analyse des décisions soumises par les parties démontrent que les Conseils de discipline ont toujours sanctionné sévèrement ce genre de comportement et ce par de plus ou moins longues périodes de radiation temporaire et ce bien entendu en raison de l'analyse de la situation propre à chaque intimé. Le Conseil dans la présente affaire ne retrouve que peu de faits atténuants lui permettant de déroger à la sévérité de la sanction. Bien au contraire, le Conseil constate qu'en dépit

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des décisions relativement récentes concernant ce genre de comportement, la dissuasion et l'exemplarité des sanctions imposées n'ont pas eu les effets escomptés à ce chapitre. Le Conseil a rappelé à de nombreuses occasions que la compromission de la sécurité des patients devait faire l'objet d'une tolérance zéro. (Reproduction exacte)

[148]Pour le Conseil, la compromission de la sécurité des clients doit faire l'objet d'une tolérance zéro. C'est dans ce contexte qu'il croit que l'objectif de dissuasion et d'exemplarité doit être privilégié.

[149]La comparaison au plan factuel du présent dossier et des décisions précitées s'avère difficile. Dans ces derniers cas, il s'agit d'un seul incident alors que dans le présent dossier, le comportement du professionnel s'échelonne sur plusieurs mois et équivaut, selon le Conseil, à une approbation des méthodes utilisées.

[150] Le Conseil a choisi d'imposer une sanction sévère au professionnel dans un contexte où la lourdeur de la clientèle et les conditions difficiles en raison des compressions budgétaires ne doivent pas prêter flanc à la tolérance face à des situations qui risquent de compromettre la sécurité des usagers. Le Conseil estime que la protection des personnes vulnérables et dépendantes requiert des règles strictes qui doivent être respectées par les professionnels de la santé.

[151]11 s'appuie d'ailleurs sur la décision rendue dans l'affaire Langevin, laquelle énonçait clairement que le contexte de la pratique ou la culture de l'établissement ne pouvait en aucun cas justifier que le professionnel abdique à ses responsabilités.

[152] Le Tribunal réitère son propos tenu dans Mercier c. Médecins (Ordre professionnel des) au sujet de la discrétion judiciaire qui permet au Conseil de discipline de s'écarter des sanctions généralement imposées lorsque la finalité du droit disciplinaire, à savoir la protection du public, le justifie. Il écrit aux paragraphes 64 et suivants:

[64] Certes, il y a lieu d'examiner les décisions déjà prononcées pour assurer une certaine uniformité entre les sanctions pour des infractions similaires. 1/ ne faut toutefois pas perdre de vue que les circonstances de chaque cas se distinguent et qu'elles peuvent entraÎner des .sanctions fort différentes, en fonction des facteurs aggravants et atténuants.

[65] Dans l'arrêt Nasogaluak18, la Cour suprême du Canada rappelle qu'un juge peut s'écarter de la fourchette de peines généralement infligées, pourvu qu'il respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Dans cet arrêt, l'honorable juge Lebel écrit:

[44] Le vaste pouvoir discrétionnaire conféré aux juges chargés de la détermination de la peine comporte toutefois des limites. Il est en partie circonscrit par les décisions qui oht établi, dans certaines circonstances, des

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fourchettes générales de peines applicables à certaines infractions, en vue de favoriser, conformément au principe de parité consacré par le Code, la cohérence des peines infligées aux délinquants. 1/ faut cependant garder à l'esprit que, bien que les tribunaux doivent en tenir compte, ces fourchettes représentent tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues. Un juge peut donc prononcer une sanction qui déroge à la fourchette établie, pour autant qu'elle respecte les principes et objectifs de détermination de la peine. Une telle sanction n'est donc pas nécessairement inappropriée, mais elle doit tenir compte de toutes les circonstances liées à la perpétration de l'infraction et à la situation du délinquant, ainsi que des besoins de la collectivité au sein de laquelle l'infraction a été commise.

[66J Ces règles sont tout à fait compatibles avec les limites du pouvoir discrétionnaire que doivent respecter les décideurs lorsqu'ils prononcent une sanction disciplinaire.

[67J À cet égard, afin d'assurer la finalité du droit disciplinaire, qui est de protéger le public, le décideur sera justifié de s'écarter de la fourchette des sanctions habituellement prononcées. Cette affirmation sera particulièrement applicable lorsque les sanctions antérieures moins sévères n'ont pas dissuadé les membres de la profession de commettre ce type d'infraction. (Référence omise)

[153J Enfin, il faut rappeler que les sanctions prononcées à l'égard des professionnels évoluent en fonction des besoins de la société qui, dans certaines situations, requièrent un message clair afin de rappeler aux membres de la profession leur devoir d'assurer la protection des personnes vulnérables. Ce principe a été énoncé dans Lapointe c. Médecins (Ordre professionnel des). Le Tribunal s'exprimait ainsi;

Le Comité de discipline, dont deux pairs font partie, n'a pas mal apprécié la conduite de l'appelant en rendant la sanction dont appel. Il a, à la lumière de l'évolution des mœurs dans la société contemporaine évalué la sanction la plus appropriée pour lui donner entre autre un caractère d'exemplarité et de dissuasion vis-à-vis des autres professionnels de la santé d'aujourd'hui, et ce dans le but de protéger le public d'aujourd'hui contre une telle conduite de la part des psychiatres traitants.

[154J Le Conseil, eu égard à la gravité des actes, a choisi de véhiculer un message de réprobation face à des gestes posés à l'égard d'une clientèle vulnérable de plus en plus présente dans les établissements de santé.

[155J La volonté de sanctionner sévèrement répond à l'objectif qui doit être atteint au premier chef, soit la protection du public.

[156JDe l'avis du Tribunal, la décision sur sanction ne comporte pas d'erreur manifeste et dominante justifiant son intervention.

[157JBien que l'on puisse qualifier la sanction de sévère, el/e n'est pas pour autant déraisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances. 1/ appartiendra au Conseil, lors de l'imposition de la

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sanction sur le chef 1 de la plainte, de tenir compte du principe de la proportionnalité afin de s'assurer que la sanction prononcée ne dépasse pas la culpabilité globale du professionnel, vu notamment le lien étroit entre les infractions. }}15

[62] Il est aberrant de constater que l'intimé soumette comme facteurs atténuants le fait qu'il ait perdu des revenus ou bien qu'il ait dû assumer des frais pour se soumettre aux demandes de stage et de tutorat et que finalement, il a décidé de s'engager à ne plus pratiquer à l'urgence. Cette manière de penser convainc le Conseil de discipline que ce dernier n'a rien compris ou à tout le moins ne veut-il rien comprendre de sa situation.

[63] Le Conseil croit utile de rappeler que "intimé était très bien rémunéré pour effectuer sa garde à l'urgence et qu'il devait fournir une prestation de travail suffisante pour lui permettre de remplir ses obligations déontologiques et assurer aux personnes vulnérables qui se présentaient à l'urgence, une médecine de qualité et un suivi dont la condition de santé de ces dernières en dépendaient. Le Conseil a déjà mentionné que ce qu'il y lieu d'analyser en disciplinaire, c'est le risque et non les conséquences des gestes laissant cette tâche aux tribunaux civils.

[64] Le Conseil rappelle que l'exercice d'une profession est un privilège et non un droit16

, qui comporte des obligations corrélatives, notamment celle de respecter les exigences édictées par l'Ordre. En acceptant de devenir membre· de cet Ordre, le professionnel acquiert le privilège de pratiquer la profession de médecin mais doit également assumer toutes les responsabilités qui en découlent, incluant le risque de se voir imposer l'une ou plusieurs des sanctions prévues au Code des professions, dans le cas où le Conseil de discipline en viendrait à la conclusion qu'il a contrevenu à ses obligations.

[65] Quant aux volets d'exemplarité et de dissuasion de la sanction, les propos du Tribunal des professions rappellent à ce sujet:

« [35J La décision du Conseil comporte un volet d'exemplarité et de dissuasion. Il s'agit de l'un des objectifs reconnus dans le cadre de l'imposition d'une sanction en droit disciplinaire. Le caractère exemplaire d'une sanction n'est pas réservé aux cas où il y a lieu de faire cesser une pratique généralisée ou lorsqu'une situation nouvelle pourrait devenir répandue chez les pairs, à défaut d'envoyer un message à la communauté professionnelle.

[36J La notion d'exemplarité trouve également son fondement dans la gravité de l'infraction, dans son caractère répétitif et dans la

15 Martel c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 42; . 16 Voir notamment: Belhumeurc. Savard, C.S. Montréal 500-05-002939-831, 13 mai 1983 (Appel rejeté,

[1988] R.J.Q. 1526 (CA»; Dentistes c. Dupont, 2003 QCTP 077, page 15;

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nécessité d'assurer la protection du public. À cet égard, le Conseil rappelle que l'effet dissuasif et exemplaire d'une sanction ne doit pas être un concept statique et doit être modulé à la lumière de l'évolution de la société et de la pratique de la médecine. Le Conseil impose des sanctions qui véhiculent un message clair que la négligence dans la rédaction des protocoles opératoires constitue une infraction grave qui ne peut être tolérée. JJ 17

[66] Le Conseil est d'opinion par ailleurs que la perception du public est une constituante de la confiance de ce dernier envers ses professionnels. La Cour d'appel dans l'affaire Tremblay écrivait:

« [42J D'abord. le droit disciplinaire est un droit sui generis (Code des professions, art. 59.2 et 152; Béchard c. Roy, [1975J C.A. 509; Béliveau c. Avocats (Corporation professionnelle des), [1990J D .. C.P. 247 (T.P.)" requête en révision judiciaire rejetée, Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec C.S. Mtl. No 500-05-004734-917" 24 mai 1991, JE 91-1508, confirmé par [1992J R.J.Q. 1822, à la p. 1825 (C.A.), autorisations de pourvoi à la C.S.C. rejetées avec dépens" [1993J 1 R.C.S. v; Mario GOULET, Le droit disciplinaire des corporations professionnelles, Cowansville, Yvon Blais, 1993, p. 23) qui obéit à ses propres règles, empruntées parfois au droit pénal" parfois au droit civil (Guy PÊPIN, « Concordances et dissonances entre les fautes civile et déontologique JJ, Les journées Maximilien­Caron 1994, Le défi du droit nouveau pour les professionnels" Montréal, Thémis, 1995, p. 107). En droit disciplinaire, « la faute s'analyse comme la violation de principes de moralité et d'éthique propres à un milieu et issus de l'usage et des traditions JJ (Yves OUELLETTE, « L'imprécision des codes de déontologie professionnelle JJ, (1977) 37 R. du B. 669, p. 670). Ensuite. les lois d'organisation des ordres professionnels sont des lois d'ordre public. politique et moral ou de direction qui doivent s'interpréter en faisant primer les intérêts du public sur les intérêts privés (Pauzé c. Gauvin, [1954J R.C.S. 15; Fortin c. Chrétien, [2001J 2 R.C.S. 500" paragr. 8 et 21; Coté c. Rancourt, [2004J 3 R.C.S. 248, paragr. 10; J. L. BAUDOUIN, P.-G. JOBIN et N. VEZINA, Les obligations 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2005, p. 211 et suiv., no 144). Ainsi, pour analyser le comportement de l'intimé sur le plan déontologique, il faut se reporter non seulement à la Loi sur les ingénieurs précitée, mais aussi aux normes contenues au CDI adopté conformément à l'article 87 du Code des professions. Ces normes s'inscrivent dans l'objectif de protection du public prévue à l'article 23 de ce Code et visent à « maintenir un standard professionnel de haute qualité JJ à

17 Mercier c. Médecins (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 89;

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son endroit (Paquette c. Comité de discipline de la Corporation professionnelle des médecins, [1995J R.D.J. 301 (C.A.)). Conformément à cet objectif, ces textes législatifs et réglementaires ont préséance sur les termes d'un contrat ou d'une règle ou pratique administrative et doivent recevoir une application large (Loi d'interprétation, L.R.Q., c. 1-16, art. 41). Les normes déontologiques ne visent pas à protéger l'ingénieur. mais bien le public.

[43J À mon avis, le fondement de la responsabilité disciplinaire du professionnel réside dans les actes posés à ce titre tels qu'ils peuvent être percus par le public. Les obligations déontologiques d'un ingénieur doivent donc s'apprécier in concreto et ne sauraient se limiter à la sphère contractuelle; elles la précèdent et ./a transcendent. Sinon, ce serait anéantir sa responsabilité déontologique pour tous les actes qu'il pose en dehors de son mandat, mais dans l'exécution de ses activités professionnelles et~ de ce fait, circonscrire de façon indue la portée d'une loi d'ordre public qui vise la protection du public.

[44J La faute disciplinaire professionnelle est liée à l'exercice de la profession (Ingénieurs (Corp. Professionnelle des) c. Lévy, [1991} D.D.C.P. 278 (T.P.); Béliveau c. Comité de discipline du Barreau du Québec, précité; Sylvie POIRIER, « La plainte disciplinaire », (1999) 122 Développements récents en droit professionnel et disciplinaire~ Cowansville, Yvon Blais, 17, à la p. 31; André POUPART, « État de la question» dans le contentieux disciplinaire sous le Code des professions, Barreau du Québec, Formation permanente, Montréa/~ 1978 aux p. 32-33). Lorsgue ce lien existe. il peut même arriver que la faute inclue « des actes de sa vie privée dans la mesure où ceux­ci sont suffisamment liés à l'exercice de la profession et causent un scandale [portant' atteinte à la dignité» de celle-ci (Jacques BEAULNE, « Déontologie et faute disciplinaire professionnelle», (1987) 89 R. du N. 673, à la p. 685 no 81; Jean SA VA TIER, La profession libérale, Étude juridique et pratique, Paris, L.G.D.J., 1947 à la p. 125). Il en va autrement de la responsabilité contractuelle du professionnel. Son fondement réside dans le contrat qui le lieu à son client et qu'il faut nécessairement qualifier et interpréter pour cerner les obligations contractées (Eric DUNBERRY, « La responsabilité des professionnels» dans La construction au Québec: perspectives juridiques, sous la direction d'Olivier F. KOTT et de Claudine ROY, Montréal, Wilson & Lafleur, 1998, p. 461, à la p. 535).

[50} En l'espèce, on constate gue le Tribunal des professions a suivi une démarche essentiellement civiliste. basée sur les seules obligations professionnelles qu'avait l'intimé dans le cadre de son mandat, pour déterminer si le Comité de discipline a apprécié de manière raisonnable ou déraisonnable les obligations déontologiques de ce dernier et son comportement sur ce plan

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(paragr. [66J et suiv.). Il se reporle donc naturellement au droit civil à cette fin [paragr. [35J et [71J). Dans la logique de sa démarche, le Tribunal conclut que la décision du Comité déclarant l'intimé coupable des infractions déontologiques reprochées était déraisonnable puisque, n'ayant personnellement qu'un mandat de conception à l'égard du pont lui-même (paragr. [85J, ce dernier ne pouvait avoir d'obligations déontologiques à l'égard des plans et devis d'ouvrages temporaires en l'absence de mandats de vérification (paragr. [73J, [74J, [85J, [90J, [92J, [95J) et de surveillance à l'endroit de ceux-ci (paragr. [85J, [87J, [90J).

[51J À mon avis. cette démarche du Tribunal est trop restrictive pour lui permettre d'apprécier les obligations déontologigues de l'intimé conformément à la nature sui generis du droit disciplinaire et à l'objectif de protection du public énoncé au Code des professions. 18

(Nous soulignons)

[67] Ainsi que dans l'affaire Salomon qui mentionne:

cc [75J ... Par ailleurs. je ne suis pas cerlain, contrairement à ce prétend l'avocat de Salomon, gu'on puisse tracer une cloison étanche entre la protection du public et la perception du public. La dernière n'est-elle pas une composante de la première? Le public n'est-il pas en droit de croire gue les ordres professionnels prennent toutes les mesures pour éviter gue cerlains de leurs membres. dont l'honnêteté a été mise en doute, ne puissent offrir leurs services au public? »19

[68] Par ailleurs, le Conseil prend en considération les enseignements de la Cour d'appel qui prévoit:

cc La sanction disciplinaire doit permettre d'atteindre les objectifs suivants: au premier chef la protection du public, puis la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et enfin, le droit par le professionnel visé d'exercer sa profession. [réf. omisesJ

Le Comité de discipline impose la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs, objectifs et subjectifs, propres au dossier.

18 Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441; 19 Salomon c. Barreau, C.A. 500-09-008571-994,12 février 2001;

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Parmi les facteurs objectifs, il faut voir si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel, si l'infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l'exercice de la profession, si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif. Parmi les facteurs subjectifs, il faut tenir compte de l'expérience, du passé disciplinaire et de l'âge du professionnel, de même que sa volonté de corriger son comportement. La délicate tâche du Comité de discipline consiste donc à décider d'une sanction qui tienne compte à la fois des principes applicables en matière de droit disciplinaire et de toutes les circonstances, aggravantes et atténuantes, de l'affaire. »20

[69] Il est vrai que l'intimé a plaidé coupable, a bien collaboré et s'est engagé à ne plus pratiquer en établissement à l'urgence, mais le Conseil est d'opinion qu'une période de 6 mois de radiation temporaire sur le chef numéro 1 et de 1 an sur le chef numéro 2 sont totalement justifiées surtout dans le contexte mis en preuve d'une récidive et de nombreux avertissements n'ayant pas amélioré soh jugement professionnel.

[70] Après avoir pris connaissance de la preuve et des représentations des procureurs des parties, le Conseil de discipline est d'avis qu'il y a lieu d'imposer à l'intimé sur les chefs numéros 1, 2 en plus des périodes de radiation temporaire, le paiement de tous les déboursés y compris ceux de l'expertise et de la publication de la décision.

[71] POUR CES MOTIFS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE DU COLLÈGE DES MÉDECINS DU QUÉBEC:

[72] ACCUEILLE le plaidoyer de culpabilité de l'intimé;

[73] DÉCLARE l'intimé coupable des reproches formulés aux 2 chefs de la plainte amendée;

[74] IMPOSE à l'intimé:

sur le chef 1 :

sur le chef 2 :

une période de radiation temporaire de 6 mois;

une période de radiation temporaire de 1 an;

les périodes de radiations temporaires devant être purgées concurremment;

20 Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090 (CA), pages 1097 et 1098;

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[75] ORDONNE au secrétaire du Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec, conformément à l'article 156 alinéa 5 du Code des professions, de faire publier, aux frais de l'intimé, un avis de la présente décision dans un journal circulant dans le lieu où l'intimé a son domicile professionnel;

[76] CONDAMNE l'intimé au paiement des déboursés incluant ceux de l'expertise;

[77] PRONONCE une ordonnance de non-divulgation des renseignements contenus aux dossiers médicaux déposés en preuve ainsi que des ordonnances de non-publication et de non 8 diffusion du nom de la personne proche de "intimé dont la plainte fait état ainsi que de tous renseignements permettant de l'identifier.

Me Jacques Prévost Procureùr de la plaignante

Me, Philippe Cantin Prôcureur de l'intimé

Date d'audience: 23 octobre 2014

Dr Gilles Lalonde, membre

COPIE CONFORME

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JURISPRUDENCE CITÉE ET CONSULTÉE

Belhumeur c. Savard, C.S. Montréal 500-05-002939-831, 13 mai 1983 (Appel rejeté, [1988] R.J.Q. 1526 (C.A.»;

Breton c. Travailleurs sociaux du Québec (Ordre professionnel des), C.S. 755-05-001835-014,20 janvier 2003, pp. 12 et 13;

Dentistes c. Dupont, 2003 QCTP 077, page 15;

Girard c. Médecins (Ordre professionnel des), T.P. 500-07-000026-942, 22 août 1995, (SP-10 pp. 25 à 27);

Latulippe c. médecins, 1998 QCTP 1687;

Martel c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 42;

Médecins (Ordre professionnel des) c. Boismenu, 2013 CanLiI 51807 (QC CDCM);

Médecins (Ordre professionnel des) c. Boutet, C.D. Méd. 24-03-00578,26 janvier 2006;

Médecins (Ordre professionnel des) c. Cemica, 2011 CanLll70523 (QC CDCM);

Médecins (Ordre professionnel des) c. Couturier, 2011 CanLll63553 (QC CDCM);

Médecins (Ordre professionnel des) c. Engel, 2011 CanLll23514 (QC CDCM);

Médecins (Ordre professionnel des) c. Faria, 2013 CanLll70165 (QC CDCM);

Médecins (Ordre professionnel des) c. Fortin, 2014 CanLll18817 (QC CDCM);

Médecins (Ordre professionnel des) c. Gay, 2005 CanLl168992;

Médecins (Ordre professionnel des) c. Mathieu, 2014 CanLll28101 (QC CDCM);

Médecins (Ordre professionnel des) c. Néron, 2013 CanLll871 (QC CDCM);

Médecins (Ordre professionnel des) c. Steinberg, 2011 CanLll3148 (QC CDCM);

Mercierc. Médecins (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 89;

Ouel/et c. Médecins (Ordre professionnel des), 2006 QCTP 74 (T.P.);

Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090 (C.A.), pages 1097 et 1098;

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Psychologues c. Fortin, 2004 QCTP 001;

R. c. Paré, 1998 CanLiI 12617 (C.A);

Salomon c. Barreau, C.A. 500-09-008571-994, 12 février 2001 ;

Tremblay c. Dionne, 2006 QCCA 1441;

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