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35 pratique suivi officinal Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011 Les insomnies représentent un motif fréquent de consultation médicale et de demande de conseils en officine. En cas d’insomnie légère, un traitement et des recommandations d’hygiène de vie peuvent être conseillés par le pharmacien. Les cas plus sévères font l’objet de prescriptions d’hypnotiques et d’anxiolytiques, notamment de la famille des benzodiazépines, qui sont les médicaments les plus consommés en France. L a plupart des adultes ont besoin de 7 à 8 heures de sommeil par jour. Mais la chronologie, la durée et la struc- turation du sommeil sont variables d’un individu à l’autre, selon l’âge, des facteurs environnementaux et psychiques. Expliquer brièvement la maladie au patient Le sommeil est un stade de repos pendant lequel se succèdent plusieurs phases d’activités cérébrales répétées 4 à 5 fois par nuit, pouvant être distin- guées les unes des autres sur un électro- encéphalogramme (EEG) : l’endormis- sement (phase I), le sommeil léger (phase II), le sommeil lent, qui occupe la première partie de la nuit, et le sommeil profond (phase III et IV), pendant lequel les fonctions vitales se trouvent au ralenti et qui constitue la période de récupéra- tion, notamment en cas de fatigue physi- que. Le sommeil paradoxal correspond à la période des rêves et se caractérise par un relâchement musculaire impor- tant (atonie) mais également par des signes d’éveil (EEG rapide, mouve- ments oculaires importants, respiration irrégulière…). L’insomnie se définit comme le ressenti par le patient d’un sommeil difficile à s’installer, à se maintenir, insuffi- sant et/ou non récupérateur. Il est possible de décrire trois types d’insomnie : liée à l’endormissement, de milieu de nuit avec réveil nocturne et difficulté à se rendormir, et enfin celle de fin de nuit qui correspond à un réveil prématuré. L’insomnie a des répercussions, le jour, sur l’état de veille. Sa sévérité se définit par rapport à sa fréquence dans une semaine donnée et au retentissement qu’elle induit sur la journée qui la suit (tableau 1). Décrire les causes et facteurs aggravants Certains facteurs jouent sur la qualité du sommeil : l’excitation psychomotrice, psychoaffective et les troubles de l’humeur. L’existence de lésions du système nerveux central (SNC) qui altèrent la régu- lation du rythme veille-sommeil (exem- ples : maladie de Parkinson, démence, douleurs chroniques, syndrome d’apnée du sommeil, d’impatience des membres inférieurs ou des jambes sans repos). Des facteurs environnementaux, le travail posté, le “jet lag”, le bruit, la mauvaise literie et la température ambiante trop élevée peuvent également influer sur la quantité ou la qualité du sommeil. La prise d’excitants comme le thé, le café, le chocolat, certains sodas, les amphé- tamines, les médicaments βbloquants, les corticoïdes, la théophylline et les antidépres- seurs stimulants peuvent être responsables de troubles du sommeil. Rappeler les conseils d’hygiène de vie et de diététique Le pharmacien peut délivrer des conseils pour améliorer l’hygiène de vie et une diététique favorisant le sommeil. Accroître le contraste veille-sommeil (au niveau de la lumière et de la tempé- rature), ce qui implique de prendre en compte la luminosité de la pièce, de diminuer le bruit environnant, d’abaisser la température de la pièce la nuit (18-20 °C), ce qui participe à diminuer légèrement la température corporelle favorisant, notam- ment, l’endormissement. Améliorer la qualité de la literie si celle-ci est en cause. Se coucher et se lever à heure régu- lière afin de ne pas perturber son méta- bolisme. Se relaxer avant l’heure du coucher (lecture, bain tiède…). Il faut, de ce fait, favoriser l’activité physique et intellec- tuelle en première partie de journée, mais la proscrire après 17 heures. Ne pas manger trop abondamment au repas précédant le sommeil, ce qui impli- que de bien se nourrir au petit-déjeuner et au déjeuner. Éviter de regarder la télévision au lit, le lever tardif, ainsi que les siestes trop longues ou trop tardives. Proscrire le café, le thé et certains sodas après 16 heures, tout comme le tabac, la nicotine étant un stimulant. Limiter la prise d’alcool et de stimulants et la proscrire avant l’endormissement. Ces règles peuvent parfois suffire à restau- rer le sommeil en cas d’insomnie légère. Mais elles ne peuvent pas prétendre, à elles seules, résoudre l’insomnie modé- rée ou sévère pour lesquelles d’autres Conseils à un patient se plaignant d’insomnie Tableau 1 : Critères de sévérité de l’insomnie Sévérité Fréquence/semaine Retentissement dans la journée Insomnie légère 1 nuit Faible Insomnie modérée 2 ou 3 nuits Fatigue, états maussades, tension, irritabilité Insomnie sévère 4 nuits ou plus Fatigue, états maussades, tension, irritabilité, hypersensibilité, troubles de la concentration, performances psychomotrices altérées

Conseils à un patient se plaignant d’insomnie

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suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011

Les insomnies représentent

un motif fréquent

de consultation médicale

et de demande de conseils

en officine. En cas d’insomnie

légère, un traitement et

des recommandations d’hygiène

de vie peuvent être conseillés

par le pharmacien. Les cas

plus sévères font l’objet de

prescriptions d’hypnotiques et

d’anxiolytiques, notamment de

la famille des benzodiazépines,

qui sont les médicaments

les plus consommés en France.

La plupart des adultes ont besoin de 7 à 8 heures de sommeil par jour. Mais la chronologie, la durée et la struc-

turation du sommeil sont variables d’un individu à l’autre, selon l’âge, des facteurs environnementaux et psychiques.

Expliquer brièvement la maladie au patient Le sommeil est un stade de repos

pendant lequel se succèdent plusieurs phases d’activités cérébrales répétées 4 à 5 fois par nuit, pouvant être distin-guées les unes des autres sur un électro-encéphalogramme (EEG) : l’endormis-sement (phase I), le sommeil léger (phase II), le sommeil lent, qui occupe la première partie de la nuit, et le sommeil profond (phase III et IV), pendant lequel les fonctions vitales se trouvent au ralenti

et qui constitue la période de récupéra-tion, notamment en cas de fatigue physi-que. Le sommeil paradoxal correspond à la période des rêves et se caractérise par un relâchement musculaire impor-tant (atonie) mais également par des signes d’éveil (EEG rapide, mouve-ments oculaires importants, respiration irrégulière…).

L’insomnie se définit comme le ressen ti par le patient d’un sommeil diffi ci le à s’installer, à se maintenir, insuffi-sant et/ou non récupérateur. Il est possible de décrire trois types d’insomnie : liée à l’endormissement, de milieu de nuit avec réveil nocturne et difficulté à se rendormir, et enfin celle de fin de nuit qui correspond à un réveil prématuré.L’insomnie a des répercussions, le jour, sur l’état de veille. Sa sévérité se définit par rapport à sa fréquence dans une semaine donnée et au retentissement qu’elle induit sur la journée qui la suit (tableau 1).

Décrire les causes et facteurs aggravants Certains facteurs jouent sur la qualité

du sommeil : l’excitation psychomotrice, psycho affective et les troubles de l’humeur. L’existence de lésions du système

nerveux central (SNC) qui altèrent la régu-lation du rythme veille-sommeil (exem-ples : maladie de Parkinson, démence, douleurs chroniques, syndrome d’apnée du sommeil, d’impatience des membres inférieurs ou des jambes sans repos). Des facteurs environnementaux,

le travail posté, le “jet lag”, le bruit, la mauvai se literie et la température ambiante trop élevée peuvent également influer sur la quantité ou la qualité du sommeil.

La prise d’excitants comme le thé, le café, le chocolat, certains sodas, les amphé-tamines, les médicaments β bloquants, les corticoïdes, la théophylline et les antidépres-seurs stimulants peuvent être responsables de troubles du sommeil.

Rappeler les conseils d’hygiène de vie et de diététiqueLe pharmacien peut délivrer des conseils pour améliorer l’hygiène de vie et une diété tique favorisant le sommeil. Accroître le contraste veille-sommeil

(au niveau de la lumière et de la tempé-ra tu re), ce qui implique de prendre en compte la luminosité de la pièce, de diminuer le bruit environnant, d’abaisser la température de la pièce la nuit (18-20 °C), ce qui participe à diminuer légèrement la température corporelle favorisant, notam-ment, l’endormissement. Améliorer la qualité de la literie si

celle-ci est en cause. Se coucher et se lever à heure régu-

lière afin de ne pas perturber son méta-bolisme. Se relaxer avant l’heure du coucher

(lecture, bain tiède…). Il faut, de ce fait, favoriser l’activité physique et intellec-tuelle en première partie de journée, mais la proscrire après 17 heures. Ne pas manger trop abondamment au

repas précédant le sommeil, ce qui impli-que de bien se nourrir au petit-déjeuner et au déjeuner. Éviter de regarder la télévision au lit,

le lever tardif, ainsi que les siestes trop longues ou trop tardives. Proscrire le café, le thé et certains

sodas après 16 heures, tout comme le tabac, la nicotine étant un stimulant. Limiter la prise d’alcool et de stimulants

et la proscrire avant l’endormissement.Ces règles peuvent parfois suffire à restau-rer le sommeil en cas d’insomnie légère. Mais elles ne peuvent pas préten dre, à elles seules, résoudre l’insomnie modé-rée ou sévère pour lesquelles d’autres

Conseils à un patient se plaignant d’insomnie

Tableau 1 : Critères de sévérité de l’insomnieSévérité Fréquence/semaine Retentissement dans la journéeInsomnie légère 1 nuit Faible

Insomnie modérée 2 ou 3 nuits Fatigue, états maussades, tension, irritabilité

Insomnie sévère 4 nuits ou plus Fatigue, états maussades, tension, irritabilité, hypersensibilité, troubles de la concentration, performances psychomotrices altérées

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suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011

mesures thérapeutiques doivent être mises en œuvre.

Conseiller des traitements à l’officineAvant de proposer un traitement, il est important de connaître les activités du lendemain de la prise qui peuvent exiger , chez certains patients, une vigi-lance optimale. Il est aussi important de connaître les antécédents traumati-ques du patient tels que les chutes ou les fractures. Les hypnotiques antihistaminiques H1

Certaines phénothiazines sont utili-sées comme hypnotiques en raison de leur effet sédatif, mais sont dotées de proprié tés anticholinergiques. La promé-thazine (Phénergan®) ou la doxylamine (Noctyl®, Donormyl®, Lidene®) réduisent le délai d’endormissement et améliorent la qualité du sommeil. Elles sont réser-vées à l’adulte de plus de 15 ans à raison de 1/2 à 2 compri més, une demi-heure avant le coucher. Le traitement doit être de courte durée (2 à 5 jours) et réévalué en cas d’échec.Les effets indésirables anticholinergiques sont à redouter : constipation, sécheresse buccale, troubles de l’accommodation et palpitations cardiaques. Ces médica-ments sont donc déconseillés chez les personnes âgées sensibles aux effets atropiniques. Il est toujours bon de rappe-ler le risque de chute ou de vertige en cas de lever nocturne. Par ailleurs, il est bien évident qu’il faut déconseiller la prise de boissons alcoolisées qui majorent l’effet sédatif du traitement. La phytothérapie

Certaines plantes aux propriétés anxio-lytiques et antidépressives ont une action sédative sur les troubles du sommeil :– l’aubépine possède une activité sédative du SNC, assurant un effet notable dans les états de nervosité, d’irritabilité, d’anxiété et dans les troubles du sommeil. Elle agit en diminuant les palpitations cardiaques et la perception exagérée des battements cardiaques chez les personnes anxieuses et nerveuses ;– la ballote possède des propriétés anxio-lytiques et antidépressives mais éga-lement sédatives. Elle est utilisée pour

favoriser l’endormissement, notamment chez les personnes anxieuses ;– le coquelicot (pétales) renferme des alcaloïdes qui ont une action sur les troubles du sommeil. Leur effet séda-tif diminue la nervosité, l’anxiété et l’émotivité ;– l’eschscholtzia (pavot de Californie) renferme des alcaloïdes, dans ses parties aériennes notamment, exerçant un effet bénéfique sur la qualité du sommeil en phase d’endormissement et les insomnies en début de nuit ;– la passiflore, particulièrement indiquée en cas de réveils matinaux, restaure progres si ve ment un sommeil réparateur et de qualité ;– la valériane (herbe à chats) favorise l’endormissement et améliore la qualité du sommeil. Elle est indiquée notamment en cas d’insomnie avec réveils succes-sifs. Elle améliore le sommeil paradoxal, diminue le sommeil léger et les réveils nocturnes ;– le houblon favorise l’endormissement.D’autres plantes comme le tilleul, la vervei ne odorante, le bigaradier, la mélisse ou encore l’oranger peuvent également être utilisées en cas de troubles légers du sommeil.Parmi les produits pouvant être conseillés, citons Arkopharma®, Élusanes®, tisanes Boribel®, tisanes Médiflor®, Euphytose®, Spasmine®, Tranquital®, Vagostabyl® et Cyclamax® (contenant du houblon et de l’huile de chènevis obtenue par pressage des graines de chanvre et riche notam-ment en oméga 3 et 6). L’homéopathie

Certaines souches peuvent être conseillées, en général à la posologie de 5 granules au coucher, à répéter une ou plusieurs fois avant l’endormissement et/ou en cas de réveil nocturne :– Gelsemium sempervirens 9 CH en cas d’insomnie par anxiété d’anticipation ;– Kalium bromatum 9 CH en cas d’endormissement difficile et de terreurs nocturnes ;– Nux vomica 15 CH lorsque l’endormis-sement est gêné par une colère récente ou en cas de réveil vers 3 heures du matin ;– Aconitum napellus 15 CH lorsque le réveil se produit vers 1 heure du matin,

accompagné de palpitations, la sensation d’avoir chaud et une certaine anxiété ;– Cocculus indicus 9 CH lorsque le patient souffre de décalage horaire ;– Coffea tosta 9 CH lorsque l’endormis-sement est gêné parce que le patient ne peut s’empêcher de penser ;– Stramonium 9 CH en cas de cauchemars.Peuvent aussi être conseillées les spécia li tés suivantes : Sédatif PC®, Homéogène 46®, L72®, Passiflora compo sé®, Quiétude®, Boripharm n° 3®, qui sont composées d’une ou plusieurs de ces souches homéopathiques et sont donc particulièrement indiquées en cas d’insomnie occasionnelle. Ces médica-ments ne provoquent aucune somnolence diurne, aucun risque d’accoutumance, ni de dépendance. Les oligoéléments

Deux principaux oligoéléments, le magné-sium et le lithium, peuvent contribuer au retour d’un sommeil réparateur, à condi-tion d’observer le traitement plusieurs semaines.Ils sont retrouvés dans plusieurs spécia-lités : ampoules Granions®, Oligosol® ; gouttes buvables Oligo-Essentielles® ; comprimés à sucer Oligostim® ; granules Oligogranules®. L’aromathérapie

Voie externe : les huiles essentielles (HE) de lavande officinale (Lavandula officinalis), de basilic (Ocimum basilicum), de néroli (Citrus aurantium var amara), de marjolaine (Origanum majorana), de camomille noble (Chamaemelum nobile) et de mandarine (Citrus reticulata) possè-dent des actions sur le stress, l’anxiété et l’insomnie ; elles peuvent être utilisées en mélange (deux ou trois HE différentes) appliqué une demi-heure avant le coucher sur le plexus solaire.Voie orale : les HE de bigarade (orange amère), extraite du fruit du bigaradier (Citrus aurantium), de mélisse, de raven-sare (Ravensara aromatica) et d’estragon peuvent être utilisées pour constituer un mélange à prendre par voie orale, addi-tionnée à un peu de miel ou de tisane, à raison de 2 gouttes du mélange le soir au coucher.À diffuser : certaines HE peuvent être diffusées dans la chambre telles que

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Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011

celles de verveine, de mandarine, de lavande vraie, de pin sylvestre ou d’épinette noire. Un mélange tout prêt à pulvé ri ser existe (mélange Puressentiel sommeil®).Dans le bain : les HE de lavande, de bois de rose, de petit grain bigaradier peuvent être utilisées dans l’eau. Autres traitements

Différentes techniques comme la relaxa-tion, le yoga ou l’acupuncture peuvent être proposées pour lutter contre l’insomnie.

Dispenser les traitements prescritsPlusieurs classes médicamenteuses sont utilisées comme hypnotiques : les benzodiazépines (BZD) et leurs familles analogues. Les benzodiazépines

La famille des BZD est encore très large-ment prescrite dans les troubles du sommeil . Toutefois, les BZD pouvant conduire rapidement à une dépendance, doivent être utilisées avec parcimonie. Leur action passe par une réaction avec des sites de liaisons spécifiques (les récepteurs des BZD) qui sont étroite-ment reliés aux récepteurs acide gamma amino-butyrique (GABA) dans le SNC, entraînant un effet inhibiteur. Les BZD

peuvent être différenciées selon leur pharmacocinétique :– les BZD à demi-vie courte (4-6 heures ) ou apparentés comme le zolpidem (Stilnox®) ou le zopiclone (Imovane®) ;– les BZD à demi-vie intermédiaire (8-15 heures) comme le nitrazépam (Mogadon®), le loprazolam (Havlane®) et le lormétazépam (Noctamide®). Ces médi-caments sont alors utilisés dans le trai-tement des troubles du sommeil ; ils raccourcissent le temps d’apparition du sommeil et sont donc prescrits dans le traitement des insomnies d’endormis-sement. Ils prolongent également la durée du sommeil et réduisent le nombre de réveils nocturnes ;– les BZD à demi-vie longue, comme le clobazam (Urbanyl®) et le prazépam (Lysanxia®), sont plutôt utilisées comme anxiolytiques.Toutes les BZD ont des propriétés anti-convulsivantes et myorelaxantes plus ou moins importantes.Elles exposent à des effets indésirables divers, dépendant de la posologie, de la sensibilité individuelle et de leur demi-vie d’élimination : somnolence diurne, trou-bles de la mémoire, sensation d’ébriété, hypotonie musculaire pouvant conduire à des chutes, notamment chez les person-

nes âgées, dépression respiratoire. Il est important de toujours les utiliser à la plus faible posologie efficace, certains effets indésirables doses-dépendants étant par-ticulièrement fréquents, notamment chez les sujets à risque de réveil intempestif (prenant des gardes nocturnes) et/ou lors d’association à d’autres psychotropes et/ou à l’alcool.L’usage régulier des BZD peut entraîner le développement d’une dépendance. Il faut noter que les substances avec une demi-

Les benzodiazépines sous haute surveillanceLa sécurité d’emploi des benzodiazépines (BZD) fait l’objet,

depuis de nombreuses années, d’une attention particulière

des prescripteurs, des pharmaciens et des autorités sanitaires

françaises. Au cours des dernières années (et particulièrement

ces dernières semaines), plusieurs mesures ont été prises

afin d’améliorer leur usage, de maîtriser leur consommation

et d’éviter leurs usages détournés.

Le flunitrazépam (Rohypnol®) : depuis 2001, le

flunitrazépam est soumis en partie à la réglementation

des stupéfiants, puisque sa prescription est limitée

à 14 jours avec une délivrance fractionnée par période

de 7 jours. Cette mesure a été prise en raison de son

usage détourné par les toxicomanes, qui l’utilisaient

souvent avec l’alcool de manière compulsive à de très

fortes doses pour obtenir un état euphorique avec levée

des inhibitions et amnésie antérograde.

Le clonazépam (Rivotril®) a été réservé au traitement

de l’épilepsie et se trouve depuis fin août 2011

soumis en partie à la réglementation des stupéfiants.

La prescription doit être rédigée en toutes lettres sur une

ordonnance sécurisée. Le chevauchement est interdit,

sauf mention expresse du prescripteur. La prescription

est limitée à 12 semaines. Il ne faut pas déconditionner

la spécialité et la “règle des trois jours” ne s’applique pas.

Ce produit est réservé aux neurologues et aux pédiatres.

Noctran® (acéprométazine, acépromazine et clorazépate) et Mépronizine® (méprobamate et acéprométazine) ont vu le retrait de leur autorisation

de mise sur le marché (AMM) programmé par l’Agence

française de sécurité sanitaire des produits de santé

(Afssaps) pour le 27 octobre 2011 pour le premier et

le 10 janvier 2012 pour le second, en raison d’un cumul

des risques d’effets indésirables (coma, chutes, état

confusionnel, troubles de la mémoire…). L’arrêt doit

toujours être progressif, particulièrement chez les patients

au long cours. La dose doit être diminuée par demi-

comprimé en respectant des paliers de 2 à 4 semaines.

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Page 4: Conseils à un patient se plaignant d’insomnie

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suivi officinal

Actualités pharmaceutiques n° 511 Décembre 2011

vie d’élimination de durée intermédiaire, sont utilisées le plus souvent de façon abusive et présentent également le risque de dépendance le plus élevé. Leur mode d’utilisation et leur risque de dépendance sont deux des facteurs expliquant leur sur consommation, dénoncée en France. La prise d’un hypnotique à la plus faible posologie efficace ne doit pas dépasser une durée de 4 semaines, car une tolé-rance peut se développer. Les somnifè-res peuvent, en particulier chez les sujets âgés, provoquer des effets paradoxaux (agitation, par exemple) et des états de confusion. Les analogues des BZD

Certaines familles de produits (nouveaux hypnotiques, antihistaminiques, hormone) sont des analogues des BZD.Les cyclopyrrolones : le zopiclone (Imovane®) possède une action hypno-tique rapide et des effets anxiolytiques, myorelaxants et anticonvulsivants, n’altérant pas le sommeil paradoxal. Il est important de toujours utiliser la plus faible posologie efficace. Sa prescription est également limitée à 4 semaines.Les imidazopyridines : le zolpidem (Stilnox®) possède également une action hypnotique rapide, paraît assez bien toléré, n’altérant pas non plus le sommeil paradoxal et semble entraîner assez rare-ment un usage abusif et/ou un syndrome de sevrage à l’arrêt. Sa prescription est aussi limitée à 4 semaines. Certains antihistaminiques H1 séda-

tifs : niaprazine (Nopron®), alimémazine (Théralène®), (liste II) nécessitent une pres-cription médicale. La mélatonine (Circadin®) nécessite une

prescription, même si elle n’est pas prise en charge par la Sécurité sociale ; elle est réser-vée aux personnes âgées de plus de 55 ans pour améliorer la qualité du sommeil.

Prodiguer quelques conseils lors de la prise d’hypnotiques Dans le cas de l’insomnie à court

terme, la prescription d’un hypnoti-que à demi-vie courte peut être envisa-gée à faible posologie, sur une période limitée, idéalement de quelques jours à 4 semaines, en évitant les reconductions illimitées des prescriptions.

Un certain nombre de mises en garde doivent être émises concernant les effets indésirables résiduels des médicaments hypnotiques, le risque de dépendance ou la possibilité d’une insomnie de rebond à l’arrêt du traitement. Le cumul de plusieurs médicaments

à effet sédatif doit être évité. Le changement d’un hypnotique pour

un autre n’est justifié que si le patient déclare des effets indésirables. Il est important de bien respecter la

prescription : dose (ne jamais l’augmen-ter sans avis médical), heure de prise et durée du traitement. La conduite automobile et les travaux

de précision et/ou présentant des risques (conduite de machines, utilisation d’outils ou de véhicule nécessitant une vigilance optimale) doivent être évités.

Rappeler les modalités d’arrêt d’un hypnotiqueL’arrêt du traitement et la réévaluation de l’insomnie ne peuvent s’effectuer qu’au cours d’une consultation médicale.L’arrêt doit toujours être progressif quelle que soit l’ancienneté de l’insomnie, plus

particulièrement chez les utilisateurs au long cours. La durée du sevrage peut s’étendre de quelques semaines à plusieurs mois selon les patients.La dose est souvent diminuée d’un demi-comprimé à la fois, en respectant des paliers de 2 à 4 semaines sur 4 à 12 semaines selon les difficultés de sevrage rencon-trées. L’objectif est d’éviter de remplacer systématiquement le traitement arrêté par un autre hypnotique ou un anxiolytique.

Orienter vers le médecinLes troubles chroniques du sommeil nécessitent un traitement de fond, instauré par un médecin généraliste et régulière-ment réévalué.Toute détection d’une pathologie grave associée à ces insomnies, comme une dépression et un reflux gastro-œsophagien, doivent immédiatement imposer une orien-tation vers le médecin traitant. �

Stéphane Berthélémy

Pharmacien, Royan (17)

[email protected]

Pour en savoir plusAgence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Communiqué de presse du 25/07/2011 : retrait de l’AMM de Noctran® et Mépronizine® (l’Afssaps a émis des recommandations sur la conduite à tenir pour arrêter un traitement par hypnotique).

Bonin B, Pringuey D. Troubles du sommeil de l’adulte. Module transdisciplinaire 3, maturation et vulnérabilité, question n° 43. Polycopié de psychiatrie générale. Université de Rouen ; 2007.

Dorosz P, Vital-Durand D, Le Jeunne C. Guide pratique des médicaments. 30e éd. Maloine; 2011.

Lullmann H, Mohr K, Hein L. Atlas de poche de pharmacologie. 4e éd. Flammarion Médecine-Sciences; 2010.

Ordre national des pharmaciens. Médicaments à dispensation particulière : Clonazépam. Consultable à l’URL: www.meddispar.fr

Patris M. Troubles du sommeil : aspects cliniques et psychopathologiques des insomnies. Module 3b, maturation et vulnérabilité. Faculté de médecine de Strasbourg; 2006-2007.

Société de formation thérapeutique du généraliste (SFTG), Haute Autorité de santé (HAS). Service des recommandations professionnelles et service évaluation médico-économique et santé publique : prise en charge du patient adulte se plaignant d’insomnie en médecine générale, recommandations. Décembre 2006. www.sommeil-insomnies.com

Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS) : www.sfrms-sommeil.org

Insomnie, les questions à poser au comptoir

Quelle est la fréquence et l’importance

des insomnies ?

à un événement particulier ?

endormir, des réveils au cours de la nuit

ou un réveil matinal précoce ?

pour traiter vos troubles du sommeil ?

(rechercher des pathologies associées : douleurs,

anxiété, dépression, pathologies cardiaques,

respiratoires, reflux gastro-œsophagien…) ?

abusive d’alcool) ?

Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.